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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 26 novembre 1849

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1849-1850)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal

(page 51) M. de Luesemans procède à l'appel nominal à midi et demi. La séance est ouverte.

Lecture du procès-verbal

M. Dubus donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

M. de Luesemans (pour une motion d’ordre). - Messieurs, vendredi dernier la chambre ne s'est pas trouvée en nombre suffisant pour délibérer; l'appel nominal a constaté l'absence de quelques membres. J'avais eu l'honneur d'adresser à M. le président une lettre pour l’informer que nous faisons partie, l'honorable M. Orts et moi, de la commission qui a été instituée au ministère de la justice et qui est chargée de préparer un projet de loi sur les fondations pieuses et sur les fondations d'instruction, que cette commission se réunit les mardis et les vendredis et que dès lors il nous était impossible d'assister à la séance de la chambre ces deux jours. J'ai cru, messieurs, devoir faire cette réclamation, parce que, nous trouvant absents pour un service public et en quelque sorte législatif, il nous a été désagréable de nous voir signaler comme absents sans motif légitime.

M. le président. - Le bureau a reçu la lettre de M. de Luesemans, mais il a été impossible d'en donner lecture, la chambre ne se trouvant pas en nombre.

Pièces adressées à la chambre

M. de Luesemans présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.

« Le sieur Meynne, commissaire de police à Nieuport, demande une indemnité du chef des fonctions de ministère public qu'il remplit près le tribunal de simple police du canton. »

M. Clep. - Messieurs, comme il convient que rapport soit fait sur cette réclamation avant que M. le ministre de la justice présentera le nouveau budget de son département, je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions avec prière d'en faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Plusieurs habitants du canton de Wellin demandent la construction d'un chemin de fer destiné à relier le Luxembourg aux autres provinces de la Belgique. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

« Plusieurs administrations communales dans l'arrondissement de Philippeville déclarent adhérer aux pétitions des administrations communales de Philippeville, Jamioujle, Jamagne et Yves-Gomezée, relativement au chemin de fer concédé de l'Entre-Sambre-et-Meuse. »

M. de Baillet-Latour. - Je vous proposerai, messieurs, de renvoyer cette requête, comme vous l'avez fait pour la dernière, à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Benoît, ancien militaire, demande une augmentation de pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


Il est fait hommage à la chambre, par l'éditeur du Journal de Louvain, de 110 exemplaires du supplément audit journal du 25 de ce mois, contenant des considérations relatives à la dérivation de la Meuse à Liège, dont on demande la construction aux frais de l'Etat.

- Distribution aux membres de la chambre et dépôt à la bibliothèque.


Il est fait hommage à la chambre, par M. Rastoul de Mongeot, de l'Annuaire de l'agriculture belge pour 1850.

- Dépôt à la bibliothèque.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - Avant que la chambre ne s'occupe des objets à l'ordre du jour, j'aurai l'honneur de lui faire observer que le budget des travaux publics a été distribué et que les documents qui s'y rattachent sont sous presse et seront distribués probablement ce soir. Il s'agirait de savoir à quelles sections on renverra l'examen de ce budget. Ne conviendrait-il pas de le renvoyer à celles qui ont examiné le budget des voies et moyens? Ce sont les sections de février.

M. Mercier. - S'il ne s'agit pas de renvoyer immédiatement ce budget à des sections quelconques, je partage l'opinion de M. le président sur le choix des sections ; mais je pense qu'il convient d'attendre, pour ordonner ce renvoi, que nous ayons reçu les développements du budget. C'est toujours un triste travail que celui qui se fait dans les sections lorsqu'on n'a pas eu le temps d'examiner tous les documents; ce travail est nul ; on ne fait que remplir une vaine formalité.

M. le président. - Le budget des voies et moyens a été retardé parce qu'on n'avait pas le budget dos travaux publics. Il est probable, du reste, que les pièces seront distribuées ce soir.

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, le but de ma motion d'ordre est de demander au gouvernement ce que devient la présentation de divers projets de lois fort importants, dont la discussion est incontestablement urgente.

Je rangerai d'abord parmi ces projets celui qui est destiné à déterminer par la loi les tarifs des chemins de fer de l'Etat.

Ce projet soulève de graves questions, auxquelles il importe de donner enfin une solution; il semblait prêt à la fin de la session dernière.

Que devient ensuite le projet de loi tendant à régler la comptabilité des recettes des chemins de fer? La présentation de ce projet est urgente; la loi sur la comptabilité générale de l'Etat de 1846 en fait une obligation au gouvernement. En attendant, la recette du produit de l'exploitation se fait d'une manière irrégulière, en quelque sorte illégale.

Qu'est-ce qui advient du compte rendu de l'exploitation des chemins de fer, qui devait être publié pendant la session dernière? La première feuille n'a pas encore été livrée à l'impression. Cs compte est nécessaire pour discuter le budget des travaux publics.

Enfin le budget des travaux publics nous a été distribué, je le reconnais. Mais quand a-t-il été distribué? Il nous a été distribué hier soir, et notez que les développements n'y sont pas joints; c'est comme s'il n'avait pas été publié.

Voilà pour le département des travaux publics.

Je passe à un autre département.

Pourquoi le budget de la guerre ne nous est-il pas distribué ? La présentation de ce budget est encore chose urgente. L'année va vers sa fin, et le budget de la guerre ne sera pas discuté, cela est à craindre, avant le commencement de l'année 1850.

Pourquoi ne nous saisit-on pas du projet de réforme du Code pénal militaire ? Cette réforme est sollicitée depuis 9 ans. Le gouvernement promet tous les ans de déposer un projet de loi, et ces promesses restent sans résultat. Il s'agit cependant ici d'une réforme des plus urgentes. En effet, plus de 1,300 soldats croupissent dans les prisons, où ils perdent leur honneur, en occasionnant des dépenses onéreuses au trésor. Il s'agit d'une question de moralité, de discipline militaire, et d'économie. Je n'ai rien à ajouter pour faire ressortir la gravité de cette question.

Je demande enfin ce que devient le projet de réorganisation du caissier de l'Etat? Cette réorganisation doit avoir lieu avant la fin de l'année, d'après la loi sur la comptabilité générale.

Je termine ces interpellations, en rappelant au département des finances qu'il a à nous présenter des projets de loi destinés à régler les comptes des exercices 1844 et 1845.

Je suis persuadé que si ces projets de loi et surtout les budgets avaient été présentés dès le commencement de la session, la chambre eût été en nombre pour délibérer ces jours derniers, et qu'elle n'eût pas présenté un spectacle pénible. Il y a longtemps que je siège sur ces bancs. Eh bien, messieurs, je ne me rappelle pas, je suis obligé de le déclarer, d'avoir vu régner, dès le début d'une session, la torpeur qui semble peser cette année sur nos travaux.

Si le gouvernement avait présenté dès le début de la session les projets importants qu'il nous doit, et notamment les budgets qui restent à discuter, l'assemblée ne se compterait pas sans cesse pour savoir si elle est en nombre pour délibérer. 11 faut bien le dire, la chambre s'ennuie de n'avoir rien à faire.

J'insiste donc pour que les projets dont j'ai présenté la nomenclature soient distribués sans délai.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je ferai d'abord observer que les interpellations de l'honorable préopinant s'adressent à des ministres qui ne sont pas présents. S'il avait la bonté de les renouveler, je suis persuadé qu'il recevra une réponse satisfaisante.

En ce qui concerne la torpeur signalée dans les travaux de la chambre, je ne sais pas si l'assemblée accepte le reproche, mais certes le gouvernement, si le reproche était fondé, serait absolument étranger à son objet. La chambre a été saisie par le gouvernement de divers projets de loi importants; les travaux de la chambre, sous ce rapport, n'ont pas encore épuisé les projets qui ont été présentés. Des projets nouveaux sont annoncés, qui seront soumis à la chambre en temps utile.

L'honorable préopinant vient de formuler une nouvelle série de projets de loi dont la chambre, selon lui, devrait s'occuper presque immédiatement. Nous ne reculons pas devant la discussion de la plupart de ces projets; plusieurs doivent être obligatoirement présentés à la chambre; les autres, il faut les laisser à l'initiative du gouvernement.

Qu'on tienne une chose pour certaine, c'est que si les travaux de la chambre venaient à être frappés d'une sorte de torpeur, comme on l'a dit, le gouvernement n'y serait pour rien. Le gouvernement a le plus grand intérêt à ce que la chambre travaille beaucoup. Il y a des lois importantes déposées qui n'ont pas encore été examinées; d'autres projets seront également déposés; mais il faut tenir compte de la mesure des forces de la chambre.

S'il fallait dans cette session s'occuper de tous les projets qui sont annoncés par le gouvernement, de ceux qui ont déjà été déposés et sur lesquels elle n'a pas statué, et de tous ceux qui viennent (page 52) d'être signalés, la session actuelle n'y suffirait pas. Tout ce que nous pouvons recommander à la chambre, c'est d'occuper utilement la session. Quant au gouvernement, il ne manquera à aucune de ses obligations.

Je rappelle quo la chambre pourrait s'occuper en sections du projet de loi sur les denrées alimentaires. C'est un projet très important. Les sections peuvent s'en occuper utilement.

Le grand projet sur la réforme hypothécaire est encore à discuter par la chambre.

Vous allez demain entamer la discussion d'une loi très considérable sur les faillites et les sursis.

Vous voyez que la chambre est parfaitement à même d'utiliser tout son temps.

Nous ne nous plaignons pas du défaut de concours de la chambre : loin de là. Nous reconnaissons que dans les premiers jours d'une session, avant que chacun soit présent, il doit toujours s'écouler un certain temps. Du reste, je le répète, ce n'est pas à nous à prendre ici la défense de la chambre ; nous nous bornons à constater que s'il y a une sorte de langueur dans les travaux de la chambre, le gouvernement y est entièrement étranger.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - J'apprends que l'honorable M. de Man d'Attenrode s'est plaint de ce que le projet de budget du département des travaux publics avait été distribué à la chambre sans les développements qui étaient nécessaires pour son examen. Je crois pouvoir le tranquilliser en lui disant que ces développements seront distribués dès demain. Ainsi, sous ce rapport, les travaux de la chambre ne devront pas être retardés.

M. le président. - Les sections seront convoquées pour demain matin, afin de s'occuper du projet de loi sur les denrées alimentaires.

Motions d'ordre

Exploitation du chemin de fer de l'Entre-Sambre-et-Meuse

M. de Baillet-Latour (pour une motion d’ordre). - A propos d'une pétition de plusieurs communes de l'arrondissement de Philippeville dont la chambre vient d'ordonner le renvoi à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport, je désirerais adresser, vu l'urgence, une courte interpellation à M. le ministre des travaux publics.

L'administration de la compagnie du chemin de fer de l'Entre-Sambre-et-Meuse a pris dans une séance une très grave résolution. Elle a décidé qu'à partir du 1er décembre elle cesserait son exploitation. Cette décision a répandu une très vive inquiétude dans toute la contrée, et cette inquiétude n'est que trop justifiée, car si le chemin de fer venait à chômer actuellement, ce serait une véritable catastrophe pour les classes laborieuses et pour l'industrie. Quelques mots le feront comprendre.

Avant l'existence du chemin de fer, tous les grands établissements industriels, toutes les usines, tous les hauts fourneaux faisaient leurs approvisionnements de minerais et de combustibles pour l'hiver, pendant l'été, au moyen de chariots. Les chemins étant impraticables pendant l'hiver, il est impossible de faire ces approvisionnements actuellement. Depuis que le chemin de fer existe, on n'a plus fait ces approvisionnements d'avance. Les arrivages devant se faire dans toutes les saisons, on ne faisait d'approvisionnements qu'au fur et à mesure des besoins du moment.

Tous les établissements industriels se trouvent donc sans approvisionnements pour marcher longtemps, surtout à l'entrée de l'hiver, dans le moment où il devient impossible de les faire par chariots. Et c'est ce moment-là que choisit la compagnie du chemin de fer pour cesser son exploitation ! On le comprend, le chômage du chemin de fer entraine forcément celui des industriels métallurgiques et minéralurgiques, dans tout l'arrondissement de Philippeville.

Je désirerais savoir si M. le ministre des travaux publics n'a reçu de la compagnie du chemin de fer aucune proposition d'arrangement ; si au moyen de quelques concessions la compagnie ne pourrait pas continuer son exploitation; si des négociations ne sont pas entamées dans ce but? J'ai la conviction que M. le ministre s'est occupé de cette grave affaire, et qu'il fait tous les efforts possibles pour concilier les intérêts de l'Etat, ceux des industries et des populations, et ceux de la compagnie du chemin de fer; mais il est important de rassurer les populations laborieuses, menacées d'être privées de travail pendant l'hiver; et je prie M. le ministre de vouloir bien faire connaître s'il a quelque espoir d'empêcher que l'exploitation du chemin de fer de l'Entre-Sambre-et-Meuse ne cesse à partir du 1er décembre.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs, l'honorable préopinant ne s'est pas trompé en supposant que l'affaire dont il vient d'entretenir la chambre a fixé l'attention du ministre des travaux publics.

La conduite du gouvernement envers les compagnies étrangères a été l'objet d'accusations tout à fait opposées. Tantôt on a prétendu que le gouvernement poussait la complaisance, le scrupule de la délicatesse envers les compagnies jusqu'à la duperie; tantôt au contraire on l'a représenté comme étant insensible à leur détresse, et comme ne faisant aucun effort pour prémunir l'industrie contre les conséquences éventuelles de l'interruption d'une ligne ou de la cessation d'une exploitation.

Ces deux accusations, messieurs, sont également injustes. Le gouvernement n'a pas cessé un seul instant, ni dans aucune de ses transactions, de chercher à concilier le devoir de l'équité avec les intérêts du trésor et ceux du commerce et de l'industrie.

La compagnie d'Entre-Sambre-et-Meuse a fait valoir contre nous deux griefs : le premier d'avoir entravé la circulation de son matériel sur la ligne de l'Etat, et de lui avoir imposé des conditions trop onéreuses pour la traction de ses convois par nos locomotives; le second, de l'avoir fait souscrire à notre tarif pour les transports mixtes à effectuer à la fois sur les deux lignes.

Immédiatement après que ces griefs m'ont été exposés, ordre a été donné de les examiner dans un esprit d'équité et de bienveillance. Quand donc on a prétendu que nous avions refusé d'écouter les réclamations de la compagnie, on a été complètement dans l'erreur; des négociations ont été entamées sans retard, et toute modification aux conventions existantes, qui conciliera les intérêts de l'Etat avec ceux de la compagnie et le besoin de la sûreté publique, recevra mon approbation.

D'un autre côté, personne, je pense, ne nous fera un crime de défendre pied à pied les intérêts de l'industrie et de chercher à obtenir pour elle les conditions les plus favorables possible. C'est l'esprit qui n'a cessé de me guider jusqu'ici.

Je ferai remarquer qu'aucune proposition formelle n'a été faite à l'Etat; tout en se plaignant des résultats fâcheux de son exploitation, la compagnie a laissé au gouvernement le soin de rechercher les moyens d'y porter remède, d'indiquer les mesures à prendre pour couvrir et ses frais d'exploitation, et les intérêts de son capital. Et en même temps qu'on faisait un appel à notre équité, à notre bienveillance, à nos sympathies, pour aider la compagnie à atteindre ce but, on insultait le nom belge à l'étranger, on nous accusait de méconnaître la foi jurée et de fouler aux pieds la loi des contrats.

J'ai éprouvé, non pour moi, mais pour mon pays, le besoin de protester contre ces basses accusations. Mais elles n'empêcheront pas le gouvernement de persévérer dans la voie de justice et de bienveillance qu'il a constamment suivie, pas plus qu'elles ne l'empêcheront de défendre avec fermeté nos légitimes intérêts. Que si, méconnaissant ses devoirs, et repoussant la main qui lui est tendue, la compagnie persistait à réaliser la menace qu'elle nous a faite de cesser son exploitation à partir du 1er décembre, je ne sais si je m'aveugle, mais j'ai le ferme espoir que nous trouverions dans les lois, dans le contrat et dans les voies judiciaires, le moyen de pourvoir aux nécessités de l'industrie, aux intérêts au, nom desquels l'honorable préopinant m'a interpellé, et de continuer, au besoin, l'exploitation, aux frais, risques et périls de la compagnie défaillante.

Je ne veux pas négliger cette occasion de répondre à d'autres accusations dont la conduite du gouvernement belge envers les compagnies étrangères a été l'objet dans les feuilles anglaises, et qui ont trouvé de l'écho jusque dans notre pays.

On a prétendu que nous avons repoussé toutes les propositions qui nous avaient été faites par la compagnie du Luxembourg, non seulement pour reprendre les travaux de Louvain à la Sambre, mais encore pour les pousser jusqu'à Arlon.

Or, je déclare que, ni verbalement, ni par écrit, ni directement, ni indirectement, aucune proposition de ce genre ne m'a été adressée.

On prétend que nous n'avons répondu aux bonnes dispositions de la compagnie du chemin de fer de Charleroy à Erquelinnes que par des procès. Or, aucun procès n'existe.

On nous a fait un grief d'avoir poursuivi la déchéance de la compagnie du chemin de fer de Louvain à la Sambre. Or, cette compagnie a fait l'abandon de ses travaux et de sa concession, sans nous faire aucune espèce d'offre ni de demande. Le gouvernement n'avait donc qu'à suivre la ligne indiquée par la loi de concession : s'il avait négligé de le faire, il se serait rendu manifestement coupable d'un oubli de ses devoirs; il aurait compromis les intérêts dont il est le dépositaire.

Tarifs du chemin de fer

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, puisque M. le ministre des travaux publics est présent, je renouvellerai la partie de mon interpellation qui concerne son département.

Je viens de demander au gouvernement ce qu'il compte faire concernant le projet de loi des tarifs du chemin de fer, qui semblait prêt à la fin de l'autre session ; j'ai fait la même question pour le projet de loi sur les recettes du chemin de fer, dont la présentation est obligatoire d'après la loi de comptabilité. J'ai réclamé la présentation du rapport sur l'exploitation du chemin de fer, qui aurait dû être distribué pendant la dernière session.

M. le ministre des travaux publics vient de déclarer que son budget a été distribué hier soir, et que les développements le seront demain. (Interruption.) J'espère que M. le ministre présentera les projets de lois dont il s'agit, le plus tôt possible, mais il me semble qu'il eût été préférable qu'ils fussent déposés dès le commencement de la session.

M. le ministre de l'intérieur a déclaré, en me répondant, qu'il n'y a pas de la faute du cabinet, si les séances de l'assemblée sont quelque peu languissantes. Quant à moi, je le déclare de mon côté, je repousse tout le blâme qu'on pourrait infliger à la chambre ; c'est parce qu'on ne fournit pas un aliment suffisant à l'activité parlementaire que nos séances sont si languissantes.

Je suis convaincu, que si nous avions à discuter des projets de lois tels que ceux qui concernent le chemin de fer, la réforme du Code pénal militaire, le caissier de l'Etat, et surtout les budgets des travaux publics et de la guerre, nous constaterions ici comme présents un nombre de collègues beaucoup plus considérable. Quel est l'aliment qu'on fournit à nos discussions? Un projet de loi sur les vices rédhibitoires des animaux...

(page 53) M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) et d'autres membres. - C'est très important.

M. de Man d'Attenrode. - Sans doute, et je le considère comme si important que je suis à mon poste, comme tous ces jours derniers. Mais il n'en est pas moins vrai que, pour discuter de semblables objets, la chambre n'est jamais très complète.

Quand des projets de cette nature sont intercalés entre des discussions encore plus intéressantes, les membres de la chambre restent à leur poste; mais lorsqu'il n'y a pas autre chose à l'ordre du jour, j'oublie les naturalisations et les pétitions, il arrive souvent que les membres qui n'ont pas de spécialité pour de telles questions retournent chez eux pour vaquer à leurs propres affaires. Nous étions extrêmement nombreux quand il s'est agi de discuter l'adresse; l'adresse a été discutée en deux fois vingt-quatre heures, et comme il n'y avait plus rien de bien intéressant à l'ordre du jour après cette discussion, plusieurs de nos collègues ne trouvant plus ici d'éléments suffisants à leur activité ont préféré retourner dans leurs familles.

Je demande de nouveau que le gouvernement mette plus d'activité à présenter les projets importants qu'il doit à la législature.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je demande pardon à l'honorable M. de Man de n'avoir pas répondu d'une manière complète à l'interpellation qu'il m'a adressée avant que je fusse présent à la séance.

Il m'a reproché de n'avoir pas déposé sur le bureau de la chambre le projet de loi sur le tarif des voyageurs...

M. de Man d'Attenrode. - Ce n'est pas un reproche.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - C'est, si vous le voulez, une simple observation.

Ce projet de loi sera déposé dans les premiers jours. S'il ne l'a pas été dès l'ouverture de la session, c'est par suite d'un empêchement que la chambre connaît. Je désirais d'ailleurs, qu'il ne fût pas déposé, avant que je pusse espérer d'être en état de le discuter.

Quant au projet de loi sur la comptabilité du chemin de fer, il sera présenté dans le cours de la session, mais il est devenu beaucoup moins urgent qu'il ne pouvait l'être l'année dernière.

Un fonctionnaire de mon département a réglé d'un commun accord avec le ministère des finances et la cour des comptes, tous les principes essentiels de cette comptabilité. Ils se trouvent consacrés par l'arrêté qui a paru, il y a peu de jours, au Moniteur. Il resterait quelques dispositions législatives à prendre, mais elles sont beaucoup moins importantes que l'honorable M. de Man ne paraît le croire, et elles seront de nature, je pense, à satisfaire les plus grandes exigences.

L'honorable M.de Man fait remarquer que la présentation du compte rendu du chemin de fer a subi cette année de plus longs retards que de coutume.

L'explication en est toute simple; ces retards sont le résultat : 1° de l'introduction du tarif de septembre 1848 et 2° des travaux extraordinaires qui ont encombré le département pendant tout le courant de l'année.

On comprend que les bases du tarif ayant été entièrement changées, la rédaction des tableaux est devenue beaucoup plus difficile. La chambre peut le croire, je n'ai pas négligé un seul instant d'activer ce travail, et j'espère être à même de le déposer incessamment sur le bureau.

Je reconnais, messieurs, toute l'importance qu'il y a à donner des aliments à l'activité de la chambre, mais je crois que le gouvernement n'a pas méconnu à cet égard ses devoirs. Le projet de loi ayant pour objet de régler le tarif des voyageurs, offre sans doute un puissant intérêt; mais, évidemment, il n'est pas aussi mûr pour la discussion que les projets de loi déjà examinés dans les sections, sur lesquels des rapports ont été présentés. Au surplus, je n'entends accuser personne; mais je me défends, et j'espère que la chambre acceptera ma défense.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous ne pouvons pas admettre les reproches de l'honorable M. de Man. Ce n'est pas à nous qu'il faut s'en prendre, si la chambre ne s'est pas trouvée en nombre dans deux séances précédentes.

Je rappelle à la chambre (et ce ne sont pas des projets de médiocre importance qu'elle pourrait discuter) qu'elle est en demeure de discuter le projet de loi sur la réforme hypothécaire. Ce n'est pas là un projet que l'honorable membre rangera parmi ceux qui ne méritent pas l'attention de la chambre.

Le projet de loi sur la création d'une caisse de retraite n'est pas, non plus, un projet de peu d'importance; il a été soumis aux sections, et il se trouve aujourd'hui en section centrale. Le projet de loi sur les faillites qui comporte, je crois, 200 articles, peut également être discuté par la chambre. Voilà, messieurs, des objets qui me semblent mériter quelque attention et qui sont dignes, je pense, de retenir les membres qui portent quelque intérêt aux travaux législatifs.

On vient de signaler le projet de loi sur les vices rédhibitoires comme ne pouvant pas intéresser la chambre; les dispositions qu'il renferme sont extrêmement utiles et il n'est pas indifférent que la chambre s'en occupe, d'autant plus qu'il est présenté depuis fort longtemps.

La chambre a trouvé bon de ne pas examiner encore le projet de loi sur les voies et moyens; je crois cependant qu'elle pouvait l'examiner en sections sans attendre le budget de la guerre et le budget des travaux publics. C'est ce qui a été fait dans toutes les sessions précédentes.

Du reste, j'espère que la chambre va sérieusement entrer dans sa mission et s'occuper activement tant des travaux arriérés que des projets qui lui seront successivement présentés.

Projet de loi portant interprétation de l'article 8, section VII, titre premier du décret du 28 septembre-6 octobre 1791

Vote de l'article unique

M. le président. - Le premier objet à l'ordre du jour est le projet de loi sur les vices rédhibitoires dans les ventes ou échanges d'animaux domestiques.

M. Le Hon. - Ne serait-il pas plus régulier, M. le président, de voter d'abord sur la loi relative à la poursuite des délits ruraux, qui a été discutée?

M. le président. - La chambre peut changer son ordre du jour, mais tel qu'il avait été fixé, il porte en premier lieu le projet de loi sur les vices rédhibitoires. Je consulterai l'assemblée.

- La chambre décide qu'elle votera en premier lieu sur le projet de loi portant interprétation de l'article 8, section VII, titre premier, du décret du 28 septembre-6 octobre 1791.

M. le président. - Je rappelle de nouveau qu'il va d'abord être voté par appel nominal sur la proposition du gouvernement, et si cette proposition n'est pas admise, à la proposition de MM. Jullien et consorts, proposition à laquelle M. Lelièvre s'est rallié.

- Il est procédé à l'appel nominal sur la proposition du gouvernement.

En voici le résultat :

64 membres ont répondu à l'appel.

42 membres ont répondu oui.

19 membres ont répondu non.

3 membres (MM. de Renesse, Desoer et Vanden Branden de Reeth) se sont abstenus.

En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.

MM. de Renesse, Desoer et Vanden Branden de Reeth déclarent s'être abstenus parce qu'ils n'ont pas assisté à la discussion.

Ont répondu oui : MM. Delescluse, Deliége, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Meester, de Perceval, Dequesne, de Theux, Devaux, d'Hoffschmidt, Dolez, Dubus, Jouret, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Loos, Mascart, Mercier, Moreau, Rodenbach, Rogier, Rolin, Rousselle, Sinave, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Van Cleemputte, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Veydt, Anspach, Clep, Coomans, Cumont, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Bocarmé, Dedecker, de Haerne et Verhaegen.

Ont répondu non : MM. de Liedekerke, De Pouhon, Destriveaux, Dumon (Auguste), Fontainas, Jacques, Jullien, Lange, Lelièvre, Lesoinne, Moxhon, Tesch, Thibaut, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Vermeire, Allard, Cans et Cools.

Projet de loi relatives aux vices rédhibitoires dans les ventes ou échanges d’animaux domestiques

Discussion générale

M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il aux amendements de la section centrale?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La section centrale et le gouvernement sont d'accord en principe; nous nous expliquerons aux articles.

M. le président. - La discussion s'engagera donc sur le projet du gouvernement?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Oui, M. le président.

La discussion générale est ouverte.

M. de Perceval. - La loi concernant les vices rédhibitoires dans les ventes ou échanges d'animaux domestiques, qui vous est proposée par le gouvernement, est bonne, et je lui donne mon assentiment parce que son adoption constituera un véritable bienfait pour le pays. Elle est appelée à faire disparaître les vices, les fâcheuses lacunes qui existaient dans la législation actuelle sur la matière, et mettra fin aux procès compliqués auxquels elle donnait lieu. C'est ainsi qu'en Belgique, chaque province, je pourrais dire presque chaque commune, avaient des coutumes qu'elles suivaient en ce qui concerne les vices rédhibitoires; dans quelques cantons seulement était admise la garantie conventionnelle. Les vices rédhibitoires amenant l'application de l'article 1641 du Code civil y variaient, comme aussi le délai de la garantie. L'on ne doit donc pas s'étonner que des dispositions aussi incomplètes amenaient à chaque instant de nombreuses contestations judiciaires.

Nous adoptons aujourd'hui une législation uniforme ; et le commerce, l'agriculture, les transactions s'en ressentiront favorablement.

La France nous a précèdes dans cette voie en 1838, et à part quelques détails d'un ordre secondaire, la loi qui est soumise à la législature est à peu près la même que celle qui fonctionne chez nos voisins du Midi, depuis dix ans.

Le gouvernement n'a pas cru devoir insérer dans le texte même de la loi, la nomenclature des vices rédhibitoires, ainsi que je le rencontre dans le texte de la loi transmise. Je l'approuve sur ce point, car c'est, pour ainsi dire, une question administrative et de détail, qu'une commission (page 54) spéciale est plus compétente à résoudre que le législateur, la catégorie des vices rédhibitoires, pour être adoptée d'une manière rationnelle, demande des fonctionnaires du métier (s'il m'est permis de me servir de cette expression); les artistes vétérinaires sont plus aptes à dresser un tableau semblable que le pouvoir législatif.

Les articles 3 et 4 garantissent les droits de l'acheteur et du vendeur, sauvegardent leurs intérêts et n'annihilent pas non plus l'action de l'autorité quand la salubrité publique exige l'abatage. Les procès-verbaux devront être motivés, des experts vérifieront l'existence du vice rédhibitoire, le juge de paix du lieu où se trouvera l'animal sera saisi de la contestation, toutes les formalités de procédure, si lentes d'ordinaire, et partant si nuisibles pour les cas dont il s'agit, viennent à tomber et le serment seul est exigé pour les experts.

Ces dispositions introduites dans la loi sont sages, équitables, et j'ai la conviction qu'elles auront pour but de diminuer considérablement le nombre des contestations et des conflits.

J'ai dit que la non-insertion des vices rédhibitoires dans la loi que nous examinons, était un bien, et que j'approuvais la mesure qui déléguait au gouvernement le pouvoir d'en dresser, d'en arrêter la nomenclature, mais en est-il de même de la fixation des délais ?

Si vous abandonnez au gouvernement le soin de désigner les vices rédhibitoires, il faut aussi, me répondra-t-on, lui laisser la fixation des délais.

J'admets, jusqu'à un certain point, cette conséquence; cependant ne serait-il pas prudent d'inscrire les délais dans la loi, comme je les trouve dans le texte de la loi française du 20 mai 1838?

C'est, au surplus, ce que demandent les marchands de bétail, et ce qu'ont réclamé spécialement, par deux pétitions adressées à la législature à la fin de la session dernière, plusieurs marchands de Malines et de Termonde. Ils expriment le vœu de voir insérer dans la loi une disposition formelle par laquelle un délai de neuf jours serait donné pour toutes les maladies qui frapperaient l'espèce bovine, le cas de fluxion périodique des yeux et l'épilepsie exceptés.

Si le gouvernement a des motifs sérieux à faire valoir pour écarter de la loi la fixation du délai, je n'insisterai pas, et je ne présenterai point, dans le cours de la discussion, un amendement à l'article 2 dans le sens précité. Je me bornerai alors à appeler l’attention de M. le ministre de l'intérieur sur les deux requêtes des intéressés qui fréquentent le marché hebdomadaire si important de Matines, afin que la commission chargée de fixer les délais dans lesquels l'action sera intentée, à peine de déchéance, fasse droit aux réclamations qu'elles renferment, et qui, pour l'espèce bovine, me paraissent des plus fondées.

J'ai dit.

M. Lelièvre. - Messieurs, depuis longtemps on reconnaît en Belgique la nécessité d'une disposition légale sur la matière des vices rédhibitoires. Dans l'état actuel de la législation, la question de savoir quels défauts cachés donnent lieu à la rescision de la vente fait naître des contestations qui d'ordinaire absorbent en frais, et beaucoup au-delà, la valeur de l'objet vendu.

D'un autre côté, ces vices varient suivant les localités, et l'on est forcé de recourir à des enquêtes dispendieuses pour connaître à cet égard les usages reçus au lieu où la vente a été consentie. Souvent même ces usages ne sont rien moins que constants, de sorte que le juge se trouve placé dans une incertitude pénible qui conduit quelquefois à des résultats fâcheux pour la justice et la vérité.

Ce n'est pas tout, relativement à la nature des vices et même en ce qui concerne le délai pour introduire l'action, l'on est forcé de recourir aux usages admis sous l'ancienne jurisprudence et, par conséquent, à une législation qui n'a plus rien de commun avec nos mœurs actuelles. Sous ce rapport, le projet qui vous est soumis, et qui est destiné à faire cesser l'état actuel des choses, renferme une amélioration importante qui doit être accueillie avec empressement par tous les amis du progrès.

Il réserve au gouvernement le soin de désigner les vices qui donneront lieu à la résiliation de la vente, et j'applaudis à cette disposition, parce qu'en réalité et à raison du caractère spécial de la loi, l'indication des défauts cachés donnant lieu à la résiliation est un objet réglementaire et d'exécution qu'il convient de laisser au pouvoir exécutif; elle ne me paraît pas pouvoir, sans inconvénient, être réservée à la législature qui serait dans le cas de devoir fréquemment modifier son œuvre.

Les diverses dispositions du projet me paraissent aussi convenablement sauvegarder tous les intérêts. Cependant, je dois signaler une lacune sur une question importante, qui est presque toujours soulevée dans les affaires de cette nature et qui doit être résolue définitivement. Lorsqu'une action est introduite dans le délai légal et que le vice est constaté, on demande si l'acheteur est tenu de prouver que le vice existait au moment de la vente, ou si cette existence est présumée, sauf la preuve contraire réservée au vendeur.

Or, la meilleure jurisprudence et la doctrine des auteurs reconnaissent que lorsque l'acheteur a satisfait aux formalités légales, l'existence du vice rédhibitoire est présumée au moment du contrat.

C'est en ce sens qu'a statué la cour de Liège, par arrêt du 16 février 1842 qu'il est nécessaire de faire connaître à la chambre.

Les motifs portent :

« Attendu que les actions rédhibitoires ferment une matière exceptionnelle et qui a été de tout temps soumise à ses règles propres ;

« Attendu que sous l'empire de l'ancienne jurisprudence, en posant le principe que plusieurs de ces actions, notamment l'action rédhibitoire pour le vice d'un cheval, devaient être intentées dans un bref délai, on tenait en même temps comme conséquence de ce principe et d'après la doctrine des meilleurs interprètes, que le vice était présumé avoi existé au moment de la vente.

« Attendu que, si le Code civil se réfère au délai fixé par les anciens usages, il est d'autant plus permis de supposer que le législateur du Cod a voulu ce délai avec ses conséquences, que la raison et l'équité s'accordent à le vouloir ainsi.

« Qu'en effet l'action rédhibitoire se fonde sur l'existence d'un défaut non apparent, mais caché, et tel par conséquent qu'il serait impossible à l'acheteur, dans la plupart des cas, d'en prouver l'existence antérieure.

« Que ce point ressort surtout de la disposition de la loi qui soumet le vendeur à cette action pour les défauts mêmes qu'il n'a pas connus.

« Que si, dans ce cas, l'existence du vice au moment de la vente n'était pas présumée, l'acheteur en serait réduit, soit aux incertitudes d'une expertise, soit à prouver par témoins un vice que le vendeur lui-même n'avait pas remarqué; que, d'ailleurs, il eût été inutile de circonscrire l'action rédhibitoire dans un terme aussi court, si la présomption n'était pas reçue.

« Qu'admettre enfin cette même présomption, ce n'est pas seulement éviter aux parties une source de difficultés pour des objets qui souvent peuvent n'avoir qu'une médiocre importance ; mais c'est obvier surtout aux fraudes trop souvent pratiquées dans la vente de ces sortes d'objets. »

Cette jurisprudence ne laisse rien à désirer, et je demande que, pour prévenir toute difficulté ultérieure qui se présente dans chaque affaire, le projet renferme une disposition formelle qui tranche le débat.

C'est encore là un moyen efficace pour mettre fin à toute contestation sur ce point. Lorsque la loi a prévu tous les points de discussion qu'une matière peut faire naître, on est certain de voir tarir la source des procès qui, dans l'espèce, offrent toujours un caractère sérieux, par la raison que comme durant l'instance l'animal est mis en fourrière, cet état de choses engendre des dépenses considérables, de sorte qu'en définitive la question des dépens du procès devient la plus importante de l'affaire.

Je me propose de déposer un amendement sur ce point. Pour le surplus, je donne de tout cœur mon assentiment au projet de loi.

L'honorable M. de Perceval pense que la loi que nous discutons devrai énoncer le délai endéans lequel l'action doit être intentée. Je ne puis partager cette opinion ; si on abandonne au gouvernement le soin de déterminer la nature des vices qui donneront lieu à l'action rédhibitoire force est bien de lui conférer les mêmes attributions en ce qui concerne le délai pour exercer la poursuite, parce que le délai varie suivant les vices qui seront considérés comme rédhibitoires. La fixation du délai est donc la conséquence de la disposition énoncée à l'article premier qu'approuve l'honorable M. de Perceval, et par suite après avoir admis le principe, force est bien d'en accepter tous les corollaires.

M. le président. - Voici l'amendement déposé par M. Lelièvre comme disposition additionnelle à l'article 4 :

« L'accomplissement des formalités qui précèdent et l'introduction de l'action dans le délai légal font présumer que le vice reconnu constant existait déjà lors de la vente, sauf la preuve contraire. »

- L'amendement est appuyé.

M. de Luesemans, rapporteur. - L'honorable M. de Perceval sans insister beaucoup sur la nécessité qui existe, selon lui, de fixer dans la loi les délais dans lesquels l'action devrait être intentée, a cependant témoigné quelque désir qu'il en fut ainsi.

Comme vient de le dire l'honorable M. Lelièvre, ce serait abandonné le principe qui a été adopté par la section centrale et qui consiste à laisser au gouvernement la faculté de fixer lui-même tous les vices qui pourraient donner ouverture à l'action en rescision de la vente. Si vous laissez au gouvernement le droit d'établir la nomenclature de ces vices, et comme il est bien entendu que les délais doivent varier d'après la nature même de la maladie, il est certain que par une conséquence en quelque sorte forcée, vous devez abandonner au gouvernement le droit de fixe les délais dans lesquels l'action doit être intentée.

L'honorable M. de Perceval n'insistera pas, je pense, pour que les délais soient insérés dans la loi. Mais j'insisterai avec lui pour que le gouvernement prenne en sérieuse considération les pétitions qui ont été adressées à la chambre par des marchands de bétail de la province d'Anvers et de la Flandre orientale.

Je crois que dans tous les cas, excepté la fluxion périodique des yeux et l'épilepsie, le délai doit être de neuf jours. Je ne voudrais pas tracer de limites au gouvernement, mais à l'exemple de ce qui s'est fait en France il me semble que ces délais doivent être limités à ce qui est strictement équitable. Que l'on y prenne garde, messieurs, la difficulté est de concilier ce qu'on doit à l'éleveur, avec les intérêts du commerce qu'il importe aussi de sauvegarder. Les usages qui ont fini par consacrer des avantage trop grands pour les acheteurs, donnent lieu, par cela même, à de grave abus. Les délais sont, en général, trop longs; dans certaines localités ils sont de six semaines; quand le gouvernement fixera donc le temps endéans lequel l'action sera intentée, je pense qu'il devra, sauf pour le deux cas dont je viens de parler, abréger les délais admis jusqu'ici dans plusieurs coutumes.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Une question a été posée par l'honorable M. de Perceval, relativement à la disposition qui abandonne au gouvernement le soin de fixer les délais, comme elle lui abandonne aussi le soin de déterminer les genres de maladies ou défauts pouvant donner lieu à rédhibition. Du moment qu'on abandonne au gouvernement la première faculté, celle de déterminer les vices rédhibitoires, il faut lui abandonner également celle de fixer les délais dans lesquels la constatation devra avoir lieu ; il y a une relation intime entre l'une et l'autre de ces facultés; il faut régler les délais de poursuites suivant la nature des diverses maladies pour lesquelles elles pourront avoir lieu.

Le gouvernement, dans la fixation de ces délais, ne peut avoir d'autre intérêt que l'intérêt public; il s'éclairera de la science pour fixer les diverses maladies qu'on lui laisse le soin d'énumérer ; il s'appuiera sur l'expérience pour fixer les délais; si des pétitions ont été adressées à la chambre ou au gouvernement, il en sera tenu compte pour autant qu'elles signalent des abus réels auxquels il faudrait remédier.

Quant à l'amendement de M. Lelièvre, nous pourrons l'examiner quand nous arriverons à l'article 4.

M. de Perceval. - Que la chambre me permette encore une observation en réponse aux réflexions qui ont été émises par les honorables MM. Lelièvre et de Luesemans.

Je n'ai pas émis une opinion absolue dans ce débat; je n'ai pas dit, dans la discussion générale, que j'entendais que les délais fussent fixés dans la loi ; j'ai posé une question, et j'ai émis un doute; j'ai demandé s'il ne serait pas prudent d'insérer les délais dans la loi. Du moment que M. le ministre de l'intérieur me répond que cette insertion n'est pas possible, je n'insiste plus sur les observations que j'ai faites.

Pourquoi ai-je demandé s'il ne conviendrait pas d'inscrire les délais dans la loi? Pour faire droit à deux requêtes que nous avons reçues et qui émanaient d'un grand nombre de marchands de bétail qui sont intéressés dans cette question, et qui me paraissent aussi très compétents pour en indiquer la solution. En présence de ces pétitions parties de Malines, où nous avons un marché de bétail très considérable et d'une grande importance, j'ai cru devoir appeler l'attention sérieuse du gouvernement sur les griefs signalés par les signataires.

D'après les explications données dans la discussion générale par M. le ministre de l'intérieur, je n'insiste pas, et je déclare que j'ai tous mes apaisements.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Les pétitions ont-elles été renvoyées au gouvernement ?

M. de Luesemans, rapporteur. - La section centrale conclut à ce que le gouvernement les prenne en considération.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande qu'elles soient renvoyées au gouvernement.

- Elles le seront.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. Sont réputés vices rédhibitoires et donneront seuls ouverture à l'action résultant de l'article 1641 du Code civil, dans les ventes ou échanges des chevaux, ânes, mulets et autres animaux domestiques appartenant à l'espèce ovine ou bovine, les maladies ou défauts qui seront désignés par le gouvernement, avec les restrictions et conditions qu'il jugera convenables. »

- La section centrale propose d'ajouter le mot « porcine ».

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demanderai pourquoi on a introduit l'espèce porcine. D'après l'article 8, la loi n'est pas destinée à être appliquée aux animaux vendus pour être abattus ; sous ce rapport l'addition proposée par la section centrale semblerait en contradiction avec l'article 8.

M. de Luesemans. - La section centrale, lorsqu'elle a abandonné au gouvernement le soin de faire la nomenclature des vices rédhibitoires, n'avait pas examiné l'article 8; cependant après l'examen de l'article 8 elle a reconnu, tout en l'adoptant, qu'on devait comprendre dans la loi l'espèce porcine, parce que ces animaux, quand ils sont vendus, ne sont pas toujours destinés à la boucherie. Il s'en fait un commerce considérable, et ne fût-ce que pour garantir les marchands contre le dommage qui résulte de la maladie des porcs, qui jusqu'à présent a été considérée comme rédhibitoire dans un grand nombre d'usages, elle a cru devoir introduire la mention de la race porcine. Du reste, le gouvernement peut, d'après le projet de loi, ajouter les conditions et les restrictions qu'il croira utiles.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La maladie à laquelle on fait allusion est facilement reconnaissable; c'est la ladrerie. D'un autre côté, elle n'exerce pas une influence très fâcheuse sur la qualité de la viande. Vous permettrez au ministre de ne pas entrer dans des démonstrations scientifiques; je ne puis que m'en rapporter aux hommes de l'art. Comme il s'agit d'une simple faculté pour le gouvernement, si on donne de bonnes raisons je ne m'oppose pas à ce qu'on introduise cette espèce.

M. de Luesemans, rapporteur. - Je regrette de prolonger la discussion pour cet objet. Mais il est d'une assez grande importance pour que pendant quelque temps nous puissions nous condamner au sérieux.

Cette maladie a été reconnue comme rédhibitoire dans plusieurs Etats d'Allemagne, dans la province de Namur, dans dix arrondissements, dans six ou sept cantons et dans plusieurs communes.

En France, le gouvernement l'avait considérée comme étant un vice rédhibitoire.

La maladie est assez facile à reconnaître quand elle a pris quelques développements. Voilà ce que disent ces hommes que M. le ministre de l'intérieur a appelés ajuste titre des hommes de l'art. Mais elle est difficile à reconnaître dans le commencement. Il en est de même, d'ailleurs de la plupart des maladies reconnues rédhibitoires. La morve, le larcin, et même l'affection périodique des yeux, arrivés à une période assez avancée, sont faciles à reconnaître.

Nous avons pensé, messieurs, qu'avec la faculté qui était laissée au gouvernement de déclarer dans quel cas la ladrerie serait rédhibitoire, le commerce était satisfait et que dans ce commerce comme dans tous les autres, il y a lieu à garantir la bonne foi des traités.

Il est à remarquer, messieurs, qu'en France les trois écoles vétérinaires et 61 départements qu'on avait consultés sur les vices rédhibitoires, avaient demandé que la ladrerie fût rangée parmi ces vices. La chambre des pairs avait accueilli cette réclamation et la chambre des députés n'en a pas voulu, les uns disant que la reconnaissance de la maladie est trop facile, les autres qu'elle est trop difficile.

Nous ne demandons que la sanction de ce qui se pratique presque généralement dans le pays.

M. Deliége. - J'ajouterai quelques mots aux développements que vient de présenter l'honorable M. de Luesemans.

La maladie dont on parle n'est pas facile à reconnaître. Ce qui le prouve, c'est que sur plusieurs marchés l'administration communale a désigné une personne appelée à la constater. Si aucune difficulté ne se présentait à cet égard, les administrations communales ne feraient pas procéder à la visite des porcs.

L'honorable M. de Luesemans vous a cité un grand nombre d’autorités pour prouver que la ladrerie est un vice rédhibitoire. Il y a une autorité qui a prononcé en Belgique : c'est l'Académie de médecine, qui, saisie l'année dernière de la question, l'a décidée affirmativement.

- La discussion est close.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je me rallie à l'amendement de la section centrale.

- L'article ainsi amendé, est adopté.

Article 2

« Art. 2. Le gouvernement déterminera aussi le délai dans lequel l'action sera intentée, à peine de déchéance.

« Ce délai n'excédera pas trente jours, non compris le jour fixé pour sa livraison. »

La section centrale propose, au second paragraphe, de substituer le mot « la » au mot « sa ».

M. de Luesemans, rapporteur. - Dans la section centrale, il y a eu une discussion relative à l'interprétation du second paragraphe. Après l'avoir lu attentivement, la section centrale s'est bien convaincue que le délai ne commençait à courir que du lendemain de la livraison. Cependant elle n'avait pas cru devoir proposer immédiatement une autre rédaction pour qu'il soit bien certain que ce n'est pas du lendemain de la vente que commence la garantie.

Néanmoins, messieurs, après y avoir réfléchi et pour rendre exactement la pensée de la section centrale, je pense qu'il serait convenable de rédiger le paragraphe 2 de la manière suivante :

« Ce délai n'excédera pas trente jours à dater du jour fixé pour la livraison, lequel ne sera pas compris dans le délai. »

De cette manière on prévient toute espèce de discussion qui pourrait naître sur la question de savoir si la garantie commence à partir du- lendemain de la vente ou du lendemain de la livraison.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Il me semble que le paragraphe 2 de l'article 2 exprime assez clairement tout ce qu'il doit exprimer.

« Ce délai, dit ce paragraphe, n'excédera pas 30 jours, non compris le jour fixé pour la livraison. » Il résulte formellement de cette expression que le délai courra à partir de la livraison, mais que le jour de la livraison lui-même ne sera pas compris dans le délai.

Je ne vois pas que la nouvelle rédaction proposée par M. le rapporteur puisse ajouter beaucoup de clarté au texte de la loi.

M. de Luesemans, rapporteur. - Je retire mon amendement.

- L'article 2, modifié comme le propose la section centrale, est adopté.

Article 3

« Art. 3. Si la livraison de l'animal a été effectuée hors du lieu de la demeure du vendeur, ou si, dans le délai fixé pour intenter l'action, l'animal a été conduit hors du même lieu, le délai pour intenter l'action sera augmenté d'un jour par cinq myriamètres de distance du domicile du vendeur au lieu où l'animal se trouve au jour de l'assignation.

« Lorsque l'acheteur a revendu l'animal, et qu'il est lui-même assigné en rescision de vente, il pourra intenter une action en garantie contre son vendeur, si le délai pendant lequel il aurait pu agir par action principale contre celui-ci n'est pas expiré.

« Ce délai pour l'action en garantie sera, dans ce cas, augmenté d'un jour par cinq myriamètres de distance entre la demeure de l'acheteur, primitif et celle du vendeur primitif. »

La section centrale propose de rédiger le premier paragraphe comme suit :

« Si la livraison de l'animal a été effectuée, ou s'il a été conduit dans les délais fixés par le gouvernement, en vertu de l'article précédent, hors du lieu du domicile du vendeur, les délais seront augmentés d'un jour par cinq myriamètres de distance du domicile du vendeur au lieu où l'animal se trouve. »

Elle propose aussi de supprimer les mots : « lui-même » du premier alinéa du paragraphe 2, et les mots : « contre celui-ci » du dernier alinéa du même paragraphe.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je me rallie à la rédaction de la section centrale.

(page 56) M. Lelièvre. - Je propose de rédiger en ces termes la teneur des expressions finales du paragraphe premier de l'article 3:

« Au lieu où l'animal se trouve au jour de la présentation de la requête énoncée à l'article 4. »

Les motifs de mon amendement sont évidents; si l'on énonçait « au lieu où l'animal se trouve au jour de l'assignation », l'acheteur pourrait, en faisant voyager l'animal, prolonger le délai légal dans l'intervalle qui s'écoulerait entre l'expertise énoncée à l'article 4 et la citation en justice, ce qui m'engage à proposer d'indiquer que c'est le lieu où l'animal se trouve au moment de l'expertise qui devra être pris en considération.

D’un autre côté, les délais endéans lesquels l'action sera intentée doivent être clairement fixés; or, ce but sera atteint si nous nous référons à l’époque de l'expertise, tandis que si nous faisons mention du lieu où l'animal se trouve au moment de la citation, nous restons dans un vague qui ne manquera pas de donner lieu à des contestations.

M. le président. - M. Lelièvre propose de rédiger la disposition finale de la manière suivante : « Au lieu où l'animal se trouve au jour de la présentation de la requête énoncée à l'article 4. »

- L'amendement est appuyé.

M. Jullien. - Messieurs, le gouvernement, en saisissant la chambre du projet de loi dont nous nous occupons en ce moment, a eu pour but de tarir la source d'une foule de contestations, à l'occasion des actions résultant des vices rédhibitoires dans les ventes ou échanges d'animaux domestiques. Ce but ne serait pas atteint, si vous mainteniez l'article dans les termes dans lesquels il est conçu.

Le gouvernement propose, par l'article 3, une augmentation de délai d'un jour par 5 myriamètres de distance entre le domicile du vendeur et le lieu où l'animal se trouve au jour de l'action, dans le cas où la livraison de l'animal vendu se fait hors du lieu de la demeure du vendeur, et dans le cas où, pendant le délai de la garantie, l'animal vendu est transporté en dehors du lieu de la demeure du vendeur.

J'avoue que je ne comprends pas pourquoi le gouvernement accorde une augmentation de distance pour le cas où l'animal est livré hors du lieu de la demeure du vendeur.

Selon moi, si l'on doit accorder une augmentation de distance, cette augmentation doit être impartie à l'acheteur, afin de lui donner le temps nécessaire pour arriver du lieu de son domicile au siège du tribunal où l’action doit être portée et pour faire signifier l'assignation au domicile de son vendeur ; mais qu'on doive accorder dans tous les cas une augmentation de distance, alors que la livraison est effectuée en dehors du lieu de la demeure du vendeur, c'est ce que je ne puis admettre puisqu'il peut arriver que le lieu de la livraison soit plus rapproché du domicile de l’acheteur que ne le serait le domicile du vendeur.

D'un autre côté, le gouvernement propose d'accorder également une augmentation de distance, lorsque l'animal est, dans le délai de la garantie, conduit en dehors du lieu de la demeure du vendeur, et il règle cette augmentation sur la distance qui sépare le lieu où l'animal vendu se trouve au jour de l'action du domicile du vendeur.

Si vous acceptez ce principe, mais il en dérivera cette conséquence, que vous abandonnez à l'acheteur la faculté arbitraire d'augmenter le délai de l'exercice de l'action. Le dernier jour utile pour l'exercice de l’action, le vendeur fera transporter l'animal à 5, 10 myriamètres de distance. Il se créera ainsi un et deux jours de plus pour l'introduction de l’instance. Nous ne pouvons, messieurs, livrer le sort de l'action en garantie au caprice, à l'intérêt de l'acheteur. Il me paraît plus rationnel de consacrer une augmentation de délai sur une base uniforme.

Cette base, je la puise dans le paragraphe final de l'article 4, par lequel le gouvernement propose de déterminer que le délai de l'action en garantie sera augmenté d'un jour par 3 myriamètres de distance entre la demeure de l'acheteur et celle du vendeur. Là, je trouve que le principe bon, et c'est ce principe que je voudrais voir appliquer d'une manière générale. Je voudrais que la chambre consacrât que dans tous les cas il y aura augmentation d'un jour par 5 myriamètres de distance entre le domicile du vendeur et celui de l'acheteur.

Au moyen de cette règle simple, que le gouvernement vous propose d'adopter seulement d'une manière exceptionnelle pour le cas de l'action en garantie, vous saperez une foule de contestations qui naîtront de l’application du paragraphe 1 de l'article, tandis que, dans mon système, il n'y aura qu'un seul fait à vérifier, la distance entre le domicile de l'acheteur et celui du vendeur.

£c propose donc de rédiger d'une manière beaucoup plus simple et plus claire la disposition de l'article 3; je propose de la rédiger en ces termes :

« Le délai pour intenter l'action sera augmenté d'un jour par cinq myriamètres de distance entre le domicile du vendeur et celui de l'acheteur. »

Messieurs, je ne reproduis pas le second paragraphe de l'article : je crois inutile de l'insérer dans mon amendement, parce qu'il ne fait que proclamer un principe de droit. L'action en garantie ne peut être exercé, qu'autant que celui qui l'intente se trouve dans les conditions de droit exigées par la loi pour l'exercice de l'action principale.

J'envisage dès lors comme surabondant le paragraphe 2 de l'article 4, et je propose de résumer les trois paragraphes dans la disposition que je viens de faire connaître à la chambre.

- L'amendement est appuyé.

M. Le Hon. - Messieurs, je ne puis partager l'opinion que vient d'émettre l'orateur auquel je succède; et par conséquent je ne puis me rallier à son amendement, il me semble que la disposition proposée par le gouvernement, au lieu d'ouvrir une source de nouvelles difficultés, tond au contraire à placer l'application des principes de la loi sur leur base la plus naturelle.

Il importe peu de constater, relativement à l'action en résolution de la vente, les domiciles respectifs de l'acheteur et du vendeur.

Le point important c'est de savoir quelle sera la distance qui séparera le premier du second, le jour où, pendant le délai légal, le vice rédhibitoire se sera manifesté.

Je prends un exemple :

A, habitant de Bruxelles, achète un cheval de B, domicilié dans la même ville. A se sert immédiatement du cheval pour en reconnaître les qualités ou les vices; c'est son droit. Il se fait conduire à Arlon, où ses affaires le retiennent jusque vers l'expiration du terme fixé par la loi : le vice rédhibitoire éclate à Arlon même. Je vous le demande, n'est-il pas évident que, dans ce cas, pour déterminer le délai dans lequel l'action résolutoire devra être intentée, il faut avoir égard non aux rapports permanentes, de domiciles entre les contractants, mais à la distance accidentelle qui existera le jour de la découverte et de l'assignation entre le lieu où se trouvera le cheval et la résidence du vendeur. Car enfin, le cheval acheté ayant été légitimement et de bonne foi conduit à l'extrémité du Luxembourg, où le mal s'est déclaré, c'est à ce moment et dans cette circonstance que la loi doit accorder à l'acheteur une prolongation de délai, à raison de cet éloignement qui, sans cela, pourrait le mettre dans l'impossibilité matérielle d'agir.

Je sais qu'on argumente ici des manœuvres que pourra employer la fraude : la veille de l'expiration du délai, nous dit-on, l'acheteur de mauvaise foi fera voyager le cheval et l'enverra à une distance de plus de cinq myriamètres. Je ne comprends pas bien l'intérêt de ce déplacement. Mais tous les cas de fraude qu'il plaira d'imaginer sont également possibles sous l'empire des meilleures lois. Rien au monde ne peut prévenir ni empêcher les tentatives frauduleuses de les éluder.

Mais c'est l'usage et non l'abus qu'il faut considérer ici ; et c'est aussi d'après les règles de la bonne foi que les tribunaux sont dans l'usage d'apprécier les faits et de juger ces contestations.

Je pense donc que la disposition attaquée par le préopinant est parfaitement juste et doit être maintenue.

D'ailleurs, remarquons-le bien, il faut tenir compte des antécédents de cet article.

En France, la loi du 21 mai 1838, qui est venue mettre un terme à un état de choses plein de difficultés, a été longuement élaborée par des hommes spéciaux et par d'habiles administrateurs; puis discutée et votée au conseil d'Etat et dans les deux chambres. Eh bien, le projet primitif du ministère français n'accordait, par son article 3, l'extension du terme à raison de la distance qu'au seul cas de déplacement du cheval dans le délai de la loi. L'article du projet était ainsi conçu : « Si l'animal a été conduit, dans les délais ci-dessus, hors du lieu du domicile du vendeur, les délais seront augmentés d'un jour par trois myriamètres de distance du domicile du vendeur au lieu où l'animal se trouve. »

Les chambres françaises ont ajouté à cette circonstance le cas où la livraison du cheval vendu aurait eu lieu hors du domicile du vendeur.

Le projet que nous discutons, calqué sur ce modèle, ne fait donc que reproduire une disposition qui a déjà subi, en France, les épreuves répétées de discussions très approfondies.

La rédaction proposée pour l'article 3, paragraphe premier, est celle de l'article 4 de la loi française, légèrement modifiée. Elle me paraît préférable à toutes les autres, parce que je la trouve plus claire. C'est vous dire assez que je ne partage pas l'avis de M. le ministre de la justice, qui s'est rallié à l'amendement de la section centrale.

Le texte de cet amendement me paraît obscur, et voici pourquoi.

La section centrale a voulu, sans doute, adopter plus littéralement l'article de la loi française que ne l'a fait le gouvernement.

Mais, je dois l'avouer, il m'a fallu plusieurs lectures et quelque travail pour comprendre le sens que la section centrale y attachait.

Ainsi, elle dit : « Si la livraison de l'animal a été effectuée, ou s'il a été conduit dans les délais fixés par le gouvernement, en vertu de l'article précédent, hors du lieu du domicile du vendeur, les délais seront augmentés d'un jour par 5 myriamètres de distance du domicile du vendeur au lieu où l'animal se trouve. »

Je confesse qu'en lisant cette phrase, j'ai cru que la section centrale parlait de la livraison effectuée même au lieu du domicile du vendeur.

Assurément, ce ne pouvait être, et ce n'a pas été son intention; mais la longueur de la phrase incidente qu'elle a substituée à celle du législateur français, est telle qu'il est impossible de lier le premier membre de la phrase au dernier, et qu'à mon sens, la disposition dit autre chose que ce qu'elle veut dire.

Le style des lois exige, avant tout, la clarté, même au prix de la répétition des mots. C'est à ce titre que je préfère la rédaction du projet de loi (article 3).

Et en effet, si la rédaction est obscure pour moi, il est indubitable que les intérêts en conflit la rendront, par leurs subtilités, plus obscure encore.

J'insiste donc pour que l'article 3 proposé par le gouvernement soit maintenu, et quant au fond et quant à la forme. Je voterai pour cet article et contre l'amendement proposé par la section centrale.

M. Jullien. - L'honorable comte Le Hon vient de vous dire que (page 57) c'est le lieu où l'animal se trouve au moment où le vice éclate que la chambre doit préférer pour fixer l'augmentation du délai pour l'exercice de l'action en garantie. L’honorable comte Le Hon a confondu doux choses : Le délai pour la constatation du vice dont l'animal est atteint avec le délai pour l'exercice de l'action.

Il y a deux délais bien distincts : le délai fixé invariablement pour la constatation du vice et le délai pour l'exercice de l'action. C'est ce dont vous pouvez vous assurer en recourant à l'exposé des motifs qui porte : « Il y a, en effet, deux délais dans la loi, l'un pour s'assurer de l'état de l'animal, l'autre pour porter l'action même devant le juge compétent. Le premier de ces délais demeure invariable; la garantie ne doit pas devenir plus étendue, les risques du vendeur ne peuvent augmenter par le fait de l'acheteur qui aurait, peut-être à dessein, déplacé l'animal; il ne faut que l'acheteur ait intérêt à l'éloigner le plus possible de la demeure du vendeur. »

Ainsi donc, dans tous les cas possibles, le vice doit être constaté dans un délai invariable, dans le délai que le gouvernement fixera. Le délai de l'action, au contraire, augmente selon le projet du gouvernement, si l'animal a été livré en dehors de la demeure du vendeur, ou si, depuis la vente, il a été transporté en dehors du lieu de cette demeure, du moment qu'il se trouve à plus de 5 myriamètres du domicile du vendeur.

Que cette augmentation de délai puisse ouvrir la porte à la fraude, c'est ce que le gouvernement nous a appris lui-même dans l'exposé des motifs du projet qui signale le cas où l'animal serait déplacé à dessein de se procurer cette augmentation ; c'est à cette fraude que mon amendement tend à obvier.

L'honorable M. Le Hon a invoqué l'exemple de la loi du 21 mai 1838, Mais il sait mieux que personne que, lors de la discussion dans les chambres françaises, la disposition qui nous occupe a été vivement critiquée.

Ce que l'honorable M. Le Hon peut savoir aussi, c'est que, dans l'application, en France, cette disposition a fait naitre des inconvénients très graves.

On plaide aujourd'hui très souvent sur le point de savoir si frauduleusement l'acheteur n'a point déplacé l'animal à la veille de l'expiration du délai pour la constatation du vice, afin de prolonger le délai pour l'exercice de l'action.

S'il est vrai que vous ne deviez en aucune manière faire état de la distance qui sépare le domicile de l'acheteur de celui du vendeur, je demanderai pourquoi le gouvernement vous propose de décider que, dans le cas exceptionnel de l'action en garantie, on considère la distance qui sépare les deux domiciles; si la règle est vraie pour ce cas, pourquoi ne le serait-elle pas pour l'exercice de l'action principale ?

Il faut s'arrêtera un principe uniforme, et pour ma part, je crois que l'on devrait préférer celui qui sert de base à mon amendement, parce qu'il ferme la porte à toute espèce de fraude.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, l'article 3 du projet en discussion a sa base dans l'article 1033 du Code de procédure civile, d'après lequel tous les délais en matière d'assignation, sommation, etc., sont augmentés d'un jour par 5 myriamètres de distance. La seule différence, c'est qu'on a substitué à cette distance celle de 3 myriamètres, parce que les distances sont beaucoup plus rapprochées aujourd'hui à cause de la facilité des communications. L'article 3 est donc en rapport avec le principe général du Code de procédure civile. Faut-il, messieurs, déroger à ce principe général? Je ne le crois pas. Je crois que le délai doit être augmenté d'un jour par 5 myriamètres de distance, non seulement si l'animal est livré hors du lieu de domicile du vendeur, mais encore si l'animal est conduit pendant le délai légal en dehors du lieu de ce domicile, parce que, comme l'a dit l'honorable comte Le Hon, le droit de l'acheteur c'est de se servir de l'animal, de l'éprouver, de le faire voyager afin de constater ses qualités; et il peut arriver que le vice rédhibitoire se manifeste à une distance plus ou moins grande du lieu de domicile du vendeur ou du lieu où la livraison a été effectuée.

Il me semble donc, messieurs, qu'il y a des motifs fondés pour maintenir dans l'un et l'autre cas l'application du principe général consacré par le Code de procédure civile, principe dont il est toujours dangereux de s'écarter.

Maintenant, messieurs, l'honorable M. Jullien dit que l'on pourrait commettre quelque fraude et que, pour prolonger le délai, on pourrait transporter l'animal à une distance de 5 myriamètres du lieu où la livraison a été effectuée. Je dois dire que cela sera extrêmement rare et je ne crois pas qu'il serait de l'intérêt de l'acheteur d'user d'un semblable stratagème; quant à moi, je n'en ai jamais entendu citer d'exemple. Dans tous les cas, s'il y avait fraude et si cette fraude était constatée, les tribunaux seraient là pour la réprimer et pour faire justice.

Je ne pense donc pas, messieurs, qu'il y ait lieu de changer quelque chose sous ce rapport à l'article 3 du projet du gouvernement.

Quant au changement proposé par la section centrale, je dois dire, messieurs, qu'il m'avait paru d'aulant plus convenable qu'il se rapproche de la rédaction de l'article 4 de la loi française de 1838, dont il reproduit presque littéralement le texte. Je n'avais vu là qu'un changement avantageux dans la rédaction, et je vous avoue, messieurs, que les observations de l'honorable comte Le Hon sur cette rédaction ne m'ont pas convaincu que celle qu'il propose soit préférable.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs.je m'appuie sur les considérations que l'honorable M. Jullien a fait valoir, pour combattre son amendement et pour défendre la disposition proposée par le gouvernement.

Déjà mon honorable collègue l'a dit avec beaucoup de raison, il ne faut pas toucher légèrement aux lois existantes, ni se laisser séduire par le désir de porter remède à des inconvénients apparents.

Les lois sont la plupart du temps le fruit de l'expérience des siècles, et de longues méditations des jurisconsultes. Elles ne prennent racine dans les habitudes des peuples qu'à ces conditions.

Il ne faut donc toucher qu'avec une extrême prudence à celles que l'on trouve établies, et seulement à raison d'une nécessité, ou tout au moins d'une utilité évidente.

Mais, indépendamment de cette considération déjà très grave, il me semble qu'il y a une raison décisive en faveur du maintien de la rédaction proposée par le gouvernement. Oui, je le reconnais avec l'honorable M. Jullien, le point du départ de l'augmentation du délai doit se régler, d'après ce qui sera juste dans la généralité des cas, et non dans tel cas que l'on peut supposer exceptionnellement.

La règle doit tendre à prévenir les inconvénients qui se présentent le plus fréquemment et non tous ceux qui pourraient se présenter dans tous les cas imaginables. Les jurisconsultes nous l'apprennent avec grande raison, on ne peut pas exiger que la loi prévoie la variété infinie des cas qui peuvent se présenter. De quelque manière que le législateur s'y prenne pour rendre la fraude généralement et absolument impossible, il ne saurait y parvenir.

Or, quel est le principe qui sert de base à tout le système de la loi ? C'est que le court intervalle qui sépare la vente d'un animal de la découverte du vice rédhibitoire dont il est affecté fait présumer que l'animal portait ce vice au moment où il a été vendu ; or, pour que le principe soit juste et égal pour tous, il est de rigueur que l'acheteur soit toujours protégé par le même délai ; en ce sens que, à partir de la découverte du vice, il ait toujours et uniformément le même temps pour notifier son action au vendeur. Or, pour cela que faut-il? Il faut que le délai soit augmenté en raison de la distance du lieu où se trouve l'animal, au lieu du domicile du vendeur et non point en raison de la distance qui sépare le domicile de l'acheteur et celui du vendeur, puisque c’est à l'endroit où l'animal se trouve, et non au domicile de l'acheteur que le vice se découvre.

La règle que l'on voudrait poser érigerait l'injustice en règle pour prévenir la possibilité d'une fraude exceptionnelle et d'un intérêt très problématique.

La plupart des ventes d'animaux se contractent entre des individus domiciliés à de grandes distances l'un de l'autre.

Les acheteurs étrangers qui fréquentent nos foires doivent être protégés de la même manière et dans la même mesure que les nationaux vis-à-vis des vendeurs ; et réciproquement les vendeurs nationaux doivent être protégés, de la même manière et dans la même mesure, contre l'acheteur étranger qu'ils le seraient contre l'acheteur de notre pays. Or, si l'amendement de M. Jullien était adopté, qu'arriverait-il ? Que l'acheteur étranger qui voudrait intenter une action rédhibitoire contre un vendeur belge, pourrait ajouter au délai ordinaire autant de jours qu'il y aurait de fois cinq myriamètres qui sépareraient son domicile de celui de son vendeur. On comprend que cela est impossible, et que ce serait, comme je l'ai dit tout à l'heure, ériger l'injustice en règle.

M. Jullien. - Mais si le cheval se trouve dans les écuries de l'acheteur que vous supposez à 30 lieues de distance du domicile du vendeur, ne ferez-vous pas application du principe que je propose?

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Dans ce cas, l'acheteur n'aura nul besoin d'être protégé par votre principe, car le lieu où le cheval se trouve étant le même que celui du domicile de l'acheteur, celui-ci ajoutera au délai ordinaire, en vertu de la disposition même du projet, autant de jours qu'il y aura de fois cinq myriamètres qui sépareront son domicile de celui de son vendeur, et l'injustice que vous redoutez ne sera pas possible.

Je le répète en terminant. Avec la disposition du projet, la fraude ne pourra se réaliser que dans des cas excessivement rares, et son intérêt sera presque nul. Car pour se procurer une augmentation de délai d'un seul jour, il faudra que l'acheteur commence par faire voyager le cheval pour lequel il voudra intenter une action pour vices rédhibitoires et qu'il lui fasse parcourir une distance de cinq myriamètres. Encore ne jouira-t-il de cette augmentation de délai que d'une manière incomplète, puisque c'est au lieu où le cheval se trouve qu'il faudra qu'il provoque le procès-verbal de vérification et d'expertise.

Je pense donc, d'après ces considérations, qu'il est plus prudent de s'en tenir à la règle posée dans le projet.

M. de Luesemans, rapporteur. - Messieurs, lors de la présentation de son amendement, l'honorable M. Jullien faisant, me semble-t-il, confusion, a dit que, d'après le projet du gouvernement, l'acheteur pourrait arbitrairement augmenter les délais de la garantie, aussi bien que ceux de l'action.

M. Jullien. - De l'exercice de l'action.

M. de Luesemans. - Soit ; mais ensuite l'honorable membre a reconnu une chose essentielle, à savoir que la loi fixait deux délais différents, l'un pour constater le vice, l'autre pour intenter l'action.

Il y aurait un inconvénient grave, si la loi se prêtait à une augmentation arbitraire du délai fixé pour la constatation du vice; mais il n'en est rien, le délai reste invariablement le même quel que soit l'éloignement de l'animal.

Mais en accordant un délai plus long pour exercer l'action en raison de l’éloignement de l'animal du domicile du vendeur, lu loi spéciale que nous discutons ne fait que consacrer un principe admis par toutes nos lois de procédure, qui toutes augmentent le délai pour intenter l'action en raison de l’éloignement.

Dans les cas ordinaires c'est le domicile respectif du demandeur et du défendeur qui règle l'augmentation du délai; dans ce cas-ci, et pour des motifs spéciaux qui ont été indiqués par MM. les ministres de la justice et des travaux publics, c'est l'éloignement de l'animal du domicile du vendeur que l'on a du considérer.

L'honorable M. Jullien a paru se préoccuper trop de la possibilité de la fraude, et ne pas tenir assez compte de l'usage légitime qu'un acheteur peut faire d'un cheval qu'il a acquis pour ses affaires ou même pour son agrément. Assurément personne ne peut lui contester le droit de s'en servir comme il l'entend, et par suite le droit de le faire voyager. Car, si usant de ce droit, il se trouve, par exemple, au moment de la reconnaissance du vice rédhibitoire à 60 lieues du domicile du vendeur, il n'aura pas pour cela augmenté le délai pour faire constater légalement la maladie dont le cheval est atteint, il aura tout simplement acquis un délai plus long pour intenter son action.

J'avoue que je ne comprends pas trop l'intérêt si grand de l'acheteur de commettre la fraude. De deux choses l'une : ou il a le temps nécessaire pour faire arriver sa citation à destination dans le délai voulu, et il s'empressera de la faire parvenir; ou ce délai lui manque, et il ne pourra l'acquérir qu'en faisant faire à l'animal un voyage de dix lieues pour un jour d'augmentation; les frais qu'il sera obligé de faire et la longueur du voyage me semblent devoir restreindre infiniment les cas de fraude.

Les inconvénients, s'il en est, résultent de la nature des choses, et me semblent peu importants en présence de l'injustice que l'on commettrait si on refusait à l'acheteur de bonne foi un droit que la loi accorde toujours à tout demandeur, celui de proportionner le délai pour intenter l'action en raison de l'éloignement.

J'arrive à la rédaction. Ce qui sépare la section centrale de l'honorable M. Le Hon, ce n'est pas une question de fond mais de rédaction. Je ne viendrai pas soulever une discussion grammaticale, mais je répondrai à l'honorable membre que la rédaction de la section centrale n'est que la reproduction du texte français; la section centrale n'a rien changé à la phraséologie, toute la différence qu'il y a entre notre article 3 et l'article 4 de la loi française, c'est que la loi française dit : « dans les délais ci-dessus », et que la section centrale dit : « dans les délais qui seront fixés par le gouvernement d'après l'article 2 ci-dessus ».

-Comme c'est une affaire d'appréciation, chaque membre de la chambre pourra, par une simple lecture, s'assurer que la rédaction française est plus concise, et, je crois, plus claire que celle du projet du gouvernement.

Je persiste à maintenir la rédaction proposée par la section centrale.

M. Le Hon. - Je ne veux pas soulever de question grammaticale, mais je me permettrai de faire remarquer que la disposition française présente un sens plus clair que la traduction qu'en a donnée la section centrale.

Voici dans quels termes j'introduirais la phrase française dans l'article 3 de la loi que nous discutons :

« Si la livraison de l'animal a été effectuée ou si, dans le délai fixé pour intenter l'action, l'animal a été conduit hors du lieu du domicile du vendeur, ce délai sera augmenté d'un jour par cinq myriamètres de distance du domicile du vendeur au lieu où l'animal se trouve au jour de l'assignation. »

Quand la phrase incidente est très courte, ces mots : « hors du lieu du domicile du vendeur », peuvent s'appliquer sans obscurité, tout à la fois et au fait de la livraison et à la circonstance de la translation du cheval. C'est le sens qui résulte du texte que je viens de citer. Mais la clarté n'est plus la même et le sens est différent dans l'amendement de la section centrale, grâce à la longueur et à la position de la phrase incidente qu'elle y a fait entrer. Si mon esprit bien désintéressé reçoit cette impression à la seule lecture, quel parti les intérêts froissés ne tireront-ils pas de l'obscurité que je signale? Je le répète, l'article 3, paragraphe premier du projet de loi est d'un texte plus net, plus facile à comprendre.

La rédaction du gouvernement me paraît extrêmement claire; il s'y trouve une répétition que l'on pourrait faire disparaître; mais, dans tous les cas, je me rappelle ce que disaient d'excellents professeurs de droit : il vaut mieux dans les lois répéter les mots qu'obscurcir le sens.

Je suis pour la rédaction du gouvernement. Si elle était rejetée, je sous-amenderais le texte de la section centrale dans les termes du projet que j'ai indiqué tout à l'heure.

M. Thibaut. - Je demanderai à M. le ministre quel sera le délai pour intenter l'action lorsque le fermier qui aura vendu l'animal aura, comme cela arrive quelquefois, pris, après la vente, un fermage très éloigné.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - On aura égard au domicile du vendeur au moment où l'action sera intentée. On suivra les délais fixés par le droit commun.

M. de Luesemans, rapporteur. - Je propose de supprimer dans l'article du projet de la section centrale les mots : « en vertu de l'article précédent ».

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je reprends la rédaction primitive du projet du gouvernement, je demande, dans le dernier alinéa, la substitution du mot « domicile » au mot « demeure. ».

M. Jullien. - Je me rallie à l'amendement de M. Lelièvre.

- Les amendements proposés par M. Lelièvre et par la section centrale sont successivement mis aux voix. Ils ne sont pas adoptés.

L'article 3 du projet du gouvernement est adopté avec la suppression des mots « lui-même » et « contre celui-ci » dans le deuxième paragraphe, et la substitution, dans le troisième, du mot « domicile » au mot « demeure ».

Article 4

« Art. 4. Dans le délai qui sera fixé conformément à l'article 2, pour intenter l'action, l'acheteur sera tenu, à peine de déchéance, de provoquer la nomination d'experts chargés de vérifier l'existence du vice rédhibitoire et de dresser procès-verbal de leur vérification.

« La requête sera présentée au juge de paix du lieu où se trouvera l'animal.

« Ce juge nommera immédiatement, suivant l'exigence du cas, un ou trois experts qui devront opérer, dans le plus bref délai, après serment prêté devant ce magistrat et sans aucune autre formalité de procédure.

« Le procès-verbal d'expertise sera remis en minute à la partie.

« Néanmoins, lorsque dans le délai déterminé pour intenter l'action, l'animal sera abattu par ordre de l'autorité compétente, pour cause de l'une des maladies donnant lieu à rédhibition, le procès-verbal, dressé dans ce cas, tiendra lieu de celui d'expertise. »

M. le président. - La section centrale propose de rédiger le quatrième paragraphe de l'article de la manière suivante :

« Le procès-verbal d'expertise sera motivé, et remis en minute à la partie. »

Elle propose en outre que le dernier paragraphe de l'article sera modifié en ce sens qu'après les mots : « dressé dans ce cas », on ajoutera ceux-ci « et qui sera aussi motivé. »

M. Lelièvre a également proposé un amendement à cet article.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demanderai ce que la section centrale entend par procès-verbal motivé. Je conçois très bien que le procès-verbal ne peut consister dans la simple déclaration nominale d'une maladie. Le procès-verbal doit nécessairement comprendre la description des faits concernant le vice rédhibitoire.

Je pense que tout procès-verbal régulier est fait dans cette forme. Il n'est donc pas nécessaire d'y joindre le mot « motivé. »

Veut-on que le procès-verbal entre dans des détails scientifiques? Sans doute ce n'est pas là ce qu'on veut. Il suffit qu'il constate clairement la maladie qui constitue le vice rédhibitoire. Je crois que le mot « motivé » est, sous ce rapport, au moins inutile. Si le procès-verbal devait contenir plus qu'un procès-verbal ordinaire, cela donnerait lieu, dans la pratique, à des difficultés.

Je demande des explications sur cette expression nouvelle dans nos lois de procédure.

M. de Luesemans, rapporteur. - Messieurs, la section centrale a désiré que l'on fît une obligation aux experts de motiver leur procès-verbal.

Je pourrais jusqu'à un certain point reconnaître avec M. le ministre de l'intérieur qu'il est inutile d'exprimer dans la loi cette nécessité, parce que, dans les temps ordinaires et dans les procédures ordinaires, il faut nécessairement qu'un procès-verbal soit motivé. Cela est à tel point vrai que l'article 322 du Code de procédure dit que si les juges ne trouvent pas dans le rapport des éclaircissements suffisants, ils pourront ordonner d'office une nouvelle expertise par un ou plusieurs experts qu'ils nommeront également d'office et qui pourront demander aux précédents experts les renseignements qu'ils trouveront convenables. Voilà ce qui a lieu en matière de procédure civile ordinaire. Mais la section centrale a été frappée de cette circonstance, que dans les expertises qui seront faites pour constater les vices rédhibitoires, l'application de l'article 322 du Code de procédure sera impossible, parce que généralement l'animal aura disparu.

Cependant, messieurs, le procès-verbal d'expertise ne peut jamais être qu'un moyen d'instruction. Il ne peut lier le juge d'aucune manière.

La raison pour laquelle la section centrale a désiré que la loi fît une obligation aux experts de motiver leur procès-verbal, c'est donc qu'elle a voulu les prévenir qu'ils auraient à faire connaître, dans ce procès-verbal, l'état de la maladie, de façon que le juge, que les parties pussent toujours contrôler cette pièce, qui deviendra en définitive la pièce capitale, la pièce la plus importante de la procédure.

Si, messieurs, il est entendu que le procès-verbal devra toujours être motivé, si l'explication que je viens de donner au nom de la section centrale est admise, il n'y a plus de raison pour maintenir le mot « motivé », parce que les experts seront prévenus.

Mais s'il pouvait y avoir quelque doute, si les experts pouvaient croire qu'il leur fût permis de faire à l'avenir des procès-verbaux comme on en a fait parfois dans le passé, où l'on disait tout uniment qu'après avoir examiné l'animal, on concluait qu'il était atteint d'une maladie rédhibitoire, sans dire quels étaient les symptômes de cette maladie; si de pareils procès-verbaux devaient encore avoir l'autorité qu’on leur accordait, il deviendrait essentiel de prescrire aux experts un mode d'après lequel leurs procès-verbaux devraient être dressés.

On a parlé tout à l'heure des hommes de l'art. Eh bien, messieurs, voici quels sont les conseils que donnent des hommes de l'art, MM. Galisset et Mignon, qui forment en quelque sorte autorité en matière de vices rédhibitoires.

Après avoir dit quelle doit être la contexture du procès-verbal, ils ajoutent :

« Le procès-verbal devra contenir : 1°, etc.

« 2° L'historique, ou l'exposé des faits observés. C'est l'énonciation des (page 59) caractères extérieurs de l'animal qui établissent son identité, la description de son état, des signes morbides rédhibitoires ou non qu'il a présentés, l'indication dos moyens employés pur l'expert pour provoquer la manifestation de ces signes morbides, les saisir et les apprécier. Etc..»

La loi ne peut pas faire des prescriptions aussi absolues aux experts. Mais il serait utile qu'elle le dît d'une manière générale; il est bon tout au moins qu'il résulte de la discussion de la chambre que c'est dans ce sens que les expertises devront être faites, à peine de voir des procès sans fin, et qui devraient nécessairement être décidés sans que les juges eussent des éléments suffisants d'appréciation, et les parties des moyens efficaces de contrôle; le procès-verbal d'expertise deviendrait dès lors, à lui seul, le jugement, ce qui serait contraire à toutes les règles de la procédure.

M. Jullien. - Messieurs, je viens combattre l'amendement de la section centrale. Je suis d'accord avec M. le ministre qu'il ne faut pas exiger que le rapport d'un expert soit toujours motivé. Si vous exigez que le rapport de l'expert soit toujours motivé, il en résultera que la recevabilité de l'action dépendra de plus ou moins de capacité de l'expert.

Je comprendrais, messieurs, que l'on pût insister pour que le rapport fût motivé, si dans le projet de loi, si dans les propositions de la section centrale elle-même, on avait demandé que le rapport fût signifié en même temps que la demande introductive de l'instance. Mais il n'en est rien. Le rapport peut rester entre les mains de l'acheteur, qui pourra n'en faire fruit que pendant le cours de la procédure. De son côté, la partie défenderesse, le vendeur, pourra toujours contester la véracité du rapport ; elle pourra toujours soutenir devant le tribunal, saisi de la demande, que celle-ci n'est pas appuyée d'un procès-verbal emportant preuve suffisante. Que fera le tribunal? Mais il ordonnera alors une expertise nouvelle, qu'il confiera à un ou plusieurs experts qui rapporteront un procès-verbal motivé.

Sous ce rapport donc je ne puis admettre l'amendement de la section centrale.

Mais il en est un autre que je proposerai au paragraphe 4 de l'article 4. Je pense, messieurs, que cet amendement sera accueilli par vous.

L'article 4 veut que la requête soit, à peine de déchéance, présentée dans le délai qui sera fixé en vertu de l'article 2. Nous sommes d'accord que la requête doit être présentée dans ce délai. Mais nous devons prendre des mesures pour qu'elle ne soit pas présentée en dehors de celui. En effet, il pourrait se faire que, le lendemain du délai, l'acheteur présentât une requête à laquelle il donnât la date de la veille. Il faut prévoir la circonstance de l'antidate de la requête; il faut que dans l'article 4 nous insérions un paragraphe qui soit conçu de manière que le vendeur, défendeur à l’action, ait la preuve acquise qu'elle a été présentée dans les délais utiles.

Il me paraît que le paragraphe 4 de l'article 4 pourrait être conçu dans les termes suivants :

« Ce juge rendra immédiatement une ordonnance. Il y fera mention du jour de la remise de la requête et il nommera, suivant l'exigence des cas, un ou plusieurs experts, etc. »

Je ne vois aucun inconvénient à exiger que le juge de paix mentionne, dans l'ordonnance qu'il rendra, le jour de la présentation de la requête. Cette ordonnance fera foi alors de la date même de la remise, et aucune difficulté ne sera possible sur le point de savoir si réellement la requête a été remise, oui ou non, dans les délais utiles.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - L'amendement de l'honorable M. Jullien me paraît complètement inutile. La requête doit être présentée dans le délai légal, et l'ordonnance du juge de paix qui nomme les experts doit être rendue immédiatement et par conséquent aussi dans le même délai.

Ce sont là des préliminaires à l'action qui doit être intentée elle-même dans les délais.

Il y a donc certitude suffisante que la requête sera présentée en temps utile.

M. Jullien. - Messieurs, s'il était vrai que l'ordonnance du juge de paix dût intervenir dans le délai fixé pour la constatation du vice, alors mon amendement viendrait à tomber ; mais ce qui résulte de la contexture de l'article 4, c'est que l'acheteur est tenu seulement de provoquer l'ordonnance du juge de paix et non pas de l’obtenir dans le délai fixé. L'acheteur peut donc, à la dernière heure du délai utile, présenter une requête; le magistrat peut être empêché d'y faire droit immédiatement; dans ce cas vous ne pouvez, en lui appliquant la peine de la déchéance, rendre la partie responsable des suites de cet empêchement, ou de la négligence du magistrat à statuer.

Que si M. le ministre de la justice pense que, dans l'esprit du projet, l'ordonnance du juge de paix doit intervenir dans le délai fixé pour la constatation du vice, alors il faut changer l'article et dire dans le paragraphe premier, que l'acheteur sera tenu, à peine de déchéance, d'obtenir la nomination d'experts dans le délai qui sera fixé conformément à l'article 2, car d'après la rédaction actuelle il suffit de provoquer l'ordonnance sans qu'il faille l'obtenir dans ce délai.

C'est dans ce dernier système, et pour le cas où il serait adopté par la chambre, que je demande que l’ordonnance du magistrat renferme la preuve de la date de la remise de la requête, afin qu'il soit bien établi qu'il en a été saisi dans le délai voulu. Il ne s'agit pas de compliquer la procédure, il s’agit seulement de donner au vendeur attaqué la preuve que la requête a été remise dans le délai légal, et à ce point de vue, messieurs, il me paraît que mon amendement est utile.

M. Le Hon. - Messieurs, je lis le premier paragraphe de l'article 4, et je vous avoue que je ne puis comprendre l'utilité de la mention d'une date dans l'ordonnance du juge de paix, à moins qu'on ne veuille mettre ce magistrat lui-même en état de suspicion. Voici, en effet, comment, l'article est conçu :

« Dans le délai qui sera fixé, conformément à l'article 2, pour intenter l'action, l'acheteur sera tenu, à peine de déchéance, de provoquer la nomination d'experts chargés de vérifier l'existence du vice rédhibitoire et de dresser procès-verbal de leur vérification.

« La requête sera présentée au juge de paix du lieu où se trouvera l'animal.

« Ce juge nommera immédiatement, suivant l'exigence du cas, un ou trois experts qui devront opérer, dans le plus bref délai, après serment prêté devant ce magistrat et sans aucune autre formalité de procédure.

« Le procès-verbal d'expertise sera remis en minute à la partie.

« Néanmoins, lorsque dans le délai déterminé pour intenter l'action, l'animal sera abattu par ordre de l'autorité compétente, pour cause de l'une des maladies donnant lieu à rédhibition, le procès-verbal, dressé dans ce cas, tiendra lieu de celui d'expertise. »

Eh bien, messieurs, tout juge de paix, animé du sentiment de son devoir, quand on viendra le trouver après l'expiration du délai, refusera d'admettre la requête.

Si, au contraire, vous tenez absolument à ce que le juge de paix fasse mention, dans son ordonnance, de la date précise du jour où la requête lui est présentée, vous semblez alors déterminés par le soupçon que ce fonctionnaire pourrait accepter une requête tardive et relever sciemment un acheteur de la déchéance qu'il aurait encourue. Commençons par raisonner dans la pensée que les hommes investis de la confiance publique, les magistrats, sont dignes de cette confiance, et reconnaissons que, dans nos mœurs judiciaires, l'acheteur qui n'aura pas présenté sa requête dans le terme utile ne trouvera pas de juge de paix qui consente à se rendre complice d'une violation flagrante de la loi.

Au reste, le fonctionnaire que l'on supposerait capable de cette prévarication altérerait aussi bien la date de la remise de la requête que les autres circonstances, et la mention expresse d'une date dans le procès-verbal n'offrirait aucun supplément de garantie.

M. Jullien. - Il faut, messieurs, qu'il ne puisse pas rester la moindre incertitude sur l'esprit de cette loi. L'honorable ministre de la justice vient de nous dire que dans son opinion il fallait que l'ordonnance intervînt dans le délai légal fixé pour la constatation du vice. L'honorable comte Le Hon et moi supposons que le projet, tel qu'il est rédigé, ne comporte point cette pensée. Il faut donc que la chambre soit bien fixée sur le point de savoir si l'ordonnance doit intervenir dans le délai déterminé pour la constatation du vice. Si la chambre accepte l'interprétation de M. le ministre, alors mon amendement devient sans objet; mais si la chambre n'acceptait pas cette interprétation, je dis qu'il n'y a aucun inconvénient et qu'il y a même utilité à adopter une proposition qui tend à éviter toute espèce de surprise.

L'on a dit qu'un juge de paix n'apostillerait point une requête antidatée. Mais, messieurs, est-ce que tous les juges de paix examineront soigneusement les requêtes qui leur seront soumises? Est-ce que tous les juges de paix s'enquerront de la date réelle de la remise de ces requêtes? La plupart le feront; je l'admets, mais, enfin, il peut se faire qu'aucuns d'entre eux négligent ce soin.

Ne convient-il pas dès lors d'appeler leur attention à cet égard et de leur imposer le devoir de mentionner le jour auquel ils auront été saisis de la requête? Encore une fois, il ne peut y avoir aucun inconvénient à consacrer cette mesure qui, dans certains cas, est obligatoire en procédure civile pour des magistrats placés au-dessus des juges de paix.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, le but que l'honorable M. Jullien veut atteindre, c'est de faire constater dans le procès-verbal que la requête a été présentée dans le délai légal. Eh bien, la loi prescrit au juge de paix de nommer immédiatement les experts dont la nomination lui est demandée par la requête présentée. On doit donc supposer, messieurs, que le juge de paix remplira son devoir et statuera immédiatement sur cette requête. La date de l'ordonnance indiquera donc d'une manière certaine la date de la requête.

J'ajouterai, messieurs, que le texte de l'article 4 du projet du gouvernement n'est autre que le texte de l'article 5 de la loi française de 1838, qui porte : « Le juge nommera immédiatement, suivant l'exigence des cas, un ou trois experts, qui devront opérer dans le plus bref délai. » Or, en France, je ne sache pas qu'il soit résulté aucun inconvénient de cette forme de procéder, ni que la nécessité se soit révélée d'exiger quelque chose de plus que la formalité prescrite par l'article que je viens de citer.

M. Lelièvre. - Messieurs, pour prévenir les difficultés auxquelles donnera lieu l'article que nous discutons, immédiatement après la publication de la loi, il s'agit de fixer le sens de la disposition d'une manière claire et précise. Je demanderai donc à M. le ministre de la justice si non seulement l'acheteur devra présenter au juge de paix la requête en nomination d'experts dans le délai légal, mais si en outre il devra obtenir dans ce délai l'ordonnance qui nomme ces experts. Dans mon opinion, c'est cette dernière proposition qui doit être admise, parce que je ne vois que ce moyen de déterminer la date précise de la présentation de la requête, date qui ne peut être établie à l'aide de la preuve (page 60) testimoniale. Il en est de cette ordonnance comme de celle qu'obtient l'avoué qui doit ouvrir l'enquête dans le délai prescrit par les lois sur la procédure.

Si, contre mon opinion, il suffisait de provoquer la nomination des experts dans le délai prescrit par l'article 2, alors il faudrait adopter l'amendement de M. Julien, et encore la date de la présentation ne me paraîtrait pas suffisamment fixée.

Je pense donc, messieurs, que l'acheteur doit être astreint à obtenir l'ordonnance du juge, dans le délai de l'action, seul moyen d'éviter des contestations que le projet a pour but de faire cesser; mais laisser subsister l'article sans explications sur ce point et dans sa teneur actuelle, c'est faire naître des difficultés sérieuses qui s'élèveront très certainement à l'occasion de l'exécution de la loi.

M. Thibaut. - Messieurs, je ne puis admettre l'interprétation de M. le ministre de la justice appuyée par l'honorable M. Lelièvre, car l'acheteur serait très souvent dans l'impossibilité de faire valoir son droit à la résiliation de la vente. Je suppose que le vice rédhibitoire soit constaté dans les dernières heures du délai légal; l'acheteur se présente chez le juge de paix, mais celui-ci se trouve dans l'impossibilité de rendre une ordonnance; eh bien, d'après l'interprétation de M. le ministre de la justice et de M. Lelièvre, l'acheteur sera déchu de son droit. Je crois que c'est là une rigueur à laquelle il est impossible que la chambre souscrive.

Il doit suffire que l'acheteur provoque l'intervention du juge de paix, en temps utile, et il me semble alors que l'amendement de l'honorable M. Jullien doit recevoir un accueil favorable de la chambre.

J'aurai une autre difficulté à proposer sur le paragraphe premier de l'article 4.

Je désire savoir ce qui arrivera dans le cas suivant : L'animal est passé dans les mains d'un second acquéreur, et je suppose que ce second acquéreur intente une action en résiliation du contrat contre le second vendeur; le second vendeur, afin d'avoir son recours en garantie contre le premier, devra-t-il provoquer de son côté une expertise?

Si l'on dit non, il pourra arriver que le recours en garantie devienne inopérant; car le second acquéreur peut intenter une action en résiliation avant d'avoir provoqué une expertise, et le délai de l'action en garantie peut ne pas être écoulé. Mais il peut arriver que le délai appartenant au premier acquéreur pour provoquer l'expertise soit passé quand le second acquéreur fera ses diligences pour obtenir cette expertise; je demande si le premier acheteur se trouvera complètement déchu vis-à-vis du premier vendeur, bien que son action en garantie ait été intentée en temps utile.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, si j'ai bien compris l'observation de l'honorable M. Thibaut, il suppose que le second acheteur n'a pas rempli les formalités prescrites par la loi pour conserver son droit. Eh bien, dans ce cas, d'après les principes de droit commun, il sera déchu de son action vis-à-vis de son vendeur auquel il enlèverait, par sa négligence, le recours en garantie contre le vendeur primitif.

M. Thibaut. - Je n'ai pas eu l'honneur d'être compris par M. le ministre. Je suppose ce cas-ci. Quelqu'un vend un cheval; celui qui l'achète le revend ; il s'est passé un délai de 8 jours entre les deux ventes, le second acquéreur attend 15 jours pour intenter son action en rescision ; voilà donc trois semaines écoulées. Le premier acquéreur use de son droit et intente l'action en garantie pendant la huitaine suivante ; mais je suppose que le second acquéreur, au lieu de faire constater immédiatement par expert la maladie de l'animal, attende plus que les huit jours qui demeurent au premier acquéreur, pour appuyer du procès-verbal d'expertise son action en garantie. Je demande si, dans ce cas, l'expertise faite après les délais ne profitera pas au premier acheteur, ou s'il se trouve déchu de son droit.

M. Tesch. - Le dernier acquéreur assigne en garantie son vendeur, et celui-ci assigne en garantie le vendeur primitif.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Si le second acheteur intente l'action contre le dernier vendeur, celui-ci peut exercer son recours contre le vendeur primitif tant qu'il est vis-à-vis de lui dans le délai légal. Mais si le délai est expiré, il devra défendre seul à l'action rédhibitoire et supporter seul toutes les conséquences.

- La discussion est close sur l'article 4 et les amendements. L'amendement de la section centrale est mis aux voix et n'est pas adopté.

L'amendement de M. Jullien est ensuite mis aux voix et n'est pas adopté.

M. le président. - Vient maintenant l'amendement de M. Lelièvre.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, je considère l'amendement de l'honorable M. Lelièvre à l'article 4 comme entièrement inutile; cet amendement ne fait en effet que consacrer des principes de droit commun.

M. Lelièvre. - Je prends acte de ce que M. le ministre reconnaît que mon amendement est inutile comme étant de droit commun. En conséquence, comme il est admis que la disposition par moi proposée est réputée, de droit, écrite dans la loi, je déclare retirer mon amendement.

M. le président. - L'amendement est retiré.

- L'article 4 du projet du gouvernement est mis aux voix et adopté.

Article 5

« Art. 5. La demande sera dispensée du préliminaire de conciliation, et l'affaire instruite et jugée comme matière sommaire. »

M. le président. - M. Lelièvre propose de remplacer le mot « sommaire » par le mot « urgente ».

M. Lelièvre. - L'instance du chef de vices rédhibitoires est non seulement sommaire, mais elle est encore urgente. En effet, remarquez que l'animal étant mis en fourrière, les frais se multiplient chaque jour, ce qui imprime à l'affaire un degré d'urgence incontestable. Pareille matière requiert célérité. L'affaire doit pouvoir être traitée pendant les vacations, et comme la loi de 1832 ne permet aux tribunaux de s'occuper, pendant les vacations, que de causes urgentes, c'est un motif de plus pour appuyer mon amendement.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je me rallie à l'amendement.

- L'article 5, ainsi amendé, est adopté.

Articles 6 à 8

« Art. 6. Si, pendant le délai fixé conformément à l'article 2, l'animal vient à périr, le vendeur ne sera pas tenu de la garantie, à moins que l'acheteur ne prouve que la perte de l'animal provient de l'un des vices rédhibitoires spécifiés en vertu de la présente loi. »

- Adopté.


« Art. 7. L'action en réduction de prix, autorisée par l'article 1644 du Code civil, ne pourra être exercée dans les ventes et échanges d'animaux qui font l'objet de la présente loi. »

- Adopté.


« Art. 8. Les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables aux animaux destinés à être abattus, pour être livrés à la consommation. »

- Adopté.

M. le président. - Des amendements ont été introduits dans le projet.

- Un membre. - Ce ne sont que des changements de rédaction.

M. le président. - La chambre veut-elle passer immédiatement au vote ou le renvoyer à une autre séance?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je pense qu'il sera mieux de renvoyer le vote définitif à une autre séance.

- Il est fixé à mercredi.

La séance est levée à trois heures trois quarts.