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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 20 novembre 1849

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 19) La séance s'ouvre à une heure et demie.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Luesemans présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.

« Plusieurs habitants de Lavacherie demandent l'exécution d'un chemin de fer de Bruxelles à Arlon. »

« Même demande de quelques habitants de Libin. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Raymond demande qu'il soit interdit aux agents des bateaux à vapeur belges à Ostende, d'exercer l'état de négociants commissionnaires ou courtiers de navires en douanes. »

- Même renvoi.

Proposition de loi

Dépôt

M. le président. - Un membre, usant de son droit d'initiative, a déposé un projet de loi qui sera envoyé aux sections pour examiner s'il y a lieu d'en autoriser la lecture.

Projet de loi révisant les lois sur les faillites et sursis

Rapport de la commission

M. Tesch, au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi sur les faillites et sursis, dépose le rapport de la commission et prie les membres qui auraient à proposer des amendements de les déposer au moins vingt-quatre heures avant la discussion des articles.

Le rapport sera imprimé et distribué.

M. Lelièvre. - On pourrait fixer la discussion à mardi prochain.

M. Tesch, rapporteur. - La commission et son rapporteur sont à la disposition de la chambre pour le jour qu'il lui conviendra de fixer pour l'ouverture de la discussion du projet.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le rapport sera distribué après-demain; on aura donc jusqu'à mardi prochain pour l'étudier.

M. le président. - Il y a deux propositions ; M. Lelièvre demande que l'on fixe la discussion à huitaine; M. Mercier propose de fixer le jour de cette discussion ultérieurement.

M. Mercier. - Après que le rapport aura été distribué.

- La proposition de M. Lelièvre est mise aux voix et adoptée.

En conséquence, la discussion du projet de loi sur les banqueroutes, faillites et sursis est fixée à mardi prochain.

Projet d’adresse

Discussion des paragraphes

Paragraphe 15

La discussion continue sur le paragraphe 15 ainsi conçu :

« Nous consacrerons une sollicitude toute spéciale à la création d'une caisse de retraite en faveur des classes ouvrières. Rien n'est aussi digne de l'intérêt des pouvoirs publics que l'amélioration du sort des travailleurs, et, en Belgique, plus qu'en aucun autre pays, les gages de respect qu'ils ont donnés, dans les circonstances difficiles, à l'ordre, aux institutions et aux lois, leur ont acquis des droits sacrés à la protection du Gouvernement et des Chambres. »

M. Pierre. - Nous sommes unanimes pour applaudir à ce paragraphe de l'adresse. Notre intention formelle est de consacrer une sollicitude spéciale à la création d'une caisse de retraite au profit des classes ouvrières. Je ne pense pas qu'il puisse y avoir parmi nous aucune division sur un objet aussi digne de l'intérêt de tous les pouvoirs publics que l'amélioration du sort des travailleurs. Sans doute, les gages de respect qu'ils ont donnés à l'ordre, aux institutions et aux lois, en Belgique plus que partout ailleurs, dans les temps de difficile épreuve que nous venons de traverser, leur ont acquis des droits sacrés à la protection du gouvernement et de la législature, comme votre commission vous propose de le déclarer. Mais, messieurs, pour s'occuper de cette amélioration des classes laborieuses avec l'efficacité qu'elle réclame, il faut d'abord réaliser des économies qui nous mettent en mesure de le faire. Croirait-on peut-être avoir atteint la dernière limite des économies que le pays demandait naguère de toutes parts? Le projet d'adresse est muet sur ce point essentiel. Une autre lacune y existé également ; elle me paraît d'autant plus regrettable, qu'elle est de nature à nous faire craindre de ne pouvoir venir en aide aux travailleurs aussi puissamment que nous le voulons et que le veut le ministère lui-même.

On ne rencontre point, dans ce projet, un mot, un seul mot sur notre situation financière. Cette question préoccupe cependant les esprits d'une manière assez sérieuse. Il n'eût point été superflu de rassurer le pays à cet égard. Un silence aussi complet est peu propre à calmer ses appréhensions.

Il m'a semblé, messieurs, qu'aucun autre paragraphe de l'adresse ne se rattachait mieux à la question des finances que celui-ci. De quoi s'agit-il, en effet, dans le paragraphe en discussion ? Evidemment, de la création d'une dépense nouvelle. N'est-ce point dès lors l'occasion naturelle de songer à notre état financier? Une dépense nouvelle ne se lie-t-elle point intimement à notre position financière, n'a-t-elle point avec elle le rapport le plus direct, le plus logique? C'est incontestable. Cette considération m'a déterminé à y jeter un rapide coup d'œil. Je réclamerai donc pour un instant votre bienveillante indulgence.

Les impôts actuels suffiront-ils pour couvrir les dépenses et nos déficits croissant chaque année? Pouvons-nous continuer à marcher ainsi de déficit en déficit? N'est-il pas temps, enfin, de songer à équilibrer nos recettes avec nos dépenses ? Comment atteindra-t-on ce but si désirable ? Telles sont les questions que chacun se pose.

Il n'en est aucun parmi nous qui n'appelle ce résultat de tous ses vœux et ne l'attende avec une vive impatience.

Est-ce à dire que, pour l'atteindre, nous nous trouvons dans la fâcheuse et pénible nécessité de grever le pays de nouvelles charges et de frapper directement de nouveaux impôts sur les contribuables ?

J'ose espérer que le gouvernement avisera à faire face à la situation par d'autres moyens.

Parmi tous ceux qu'il lui est possible d'employer, il en est deux qui me paraissent devoir être d'une grande efficacité. Pour vous entretenir de l'un et de l'autre, j'ai déjà saisi précédemment les occasions que m'ont fournies deux graves discussions ouvertes en cette enceinte : celle du projet d'adresse lors de la session extraordinaire 1848-1849, je me suis en cela associé à notre honorable collègue M. Toussaint, et celle du budget de la guerre en la dernière session ordinaire.

Toutefois, je ne puis me dispenser de reproduire ici ces deux moyens efficaces. Ils sont certes de la plus haute importance et méritent sous tous les rapports de fixer l'attention sérieuse du gouvernement et la nôtre.

L'une est la réorganisation complète, radicale de l'armée; l'autre consiste à attribuer à l'Etat les assurances contre incendie.

On peut varier sur la quotité du chiffre net que ce genre d'impôt rapporterait; mais il est une chose hors de doute, absolument incontestable, c'est que le produit en serait très important : il n'est pas permis de se le dissimuler.

Craindrait-on par hasard de froisser des intérêts particuliers, les intérêts de quelques grands capitalistes? Loin de moi cette pensée!

Je me refuse à croire que le gouvernement hésite un seul instant à se placer au-dessus de semblables considérations. En définitive, s'il fallait recourir à l'établissement d'autres nouveaux impôts, il y aurait bien d'autres froissements d'intérêts. Ici le peuple tout entier serait frappé, là, au contraire, quelques-uns seulement seraient, non pas encore frappés, mais uniquement privés de bénéfices qu'ils réalisent aujourd'hui en pure perte pour la caisse de l'Etat.

Pour le moment, je ne m'étendrai pas plus longuement à ce sujet; je me bornerai à ajouter que cette espèce d'impôt, outre son mérite financier, aurait celui d'être essentiellement moral et de ne frapper en quelque sorte sur personne, tout en procurant des sommes élevées.

Le pays ne peut-être qu'unanime pour désirer ardemment la création de ce système. Les assureurs actuels le verraient seuls avec déplaisir ; (page 20) et messieurs, il importe de ne point passer sous silence un fait digne de remarque, c'est que, parmi cos assureurs des propriétés du pays, figure une foule de sociétés étrangères. Elles exploitent, sur cet article, la Belgique à leur aise, et en exportent chaque jour un numéraire considérable. On m'objecterait en vain que la nouvelle jurisprudence qui tend à s'établir, concernant la non-existence légale de ces sociétés étrangères chez nous, fera désormais obstacle à leurs opérations; si elle se fixe dans ce sens, elle les amoindrira, il est vrai ; mais elle ne les fera point cesser, surtout parmi les habitants de la campagne.

Cette considération ne peut d'ailleurs être à nos yeux que très accessoire et doit peu nous toucher.

Quant au second moyen que j'ai indiqué tout à l'heure, je me réserve dè lë traiter ultérieurement. Du reste, n'est-il point résulté à l'évidence de la discussion du budget de la guerre pour l'exercice courant, que l'organisation de notre armée est mauvaise, vicieuse; qu'il nous serait facile d'en obtenir une infiniment meilleure et en même temps beaucoup moins coûteuse, beaucoup moins onéreuse pour le trésor ?

Pour ne parler que du côté financier de la question, est-il rationnel qu'un pays, tel que le nôtre, consacre au-delà du quart de toutes ses ressources pour sa défense militaire ? Qu'il lui soit permis de s'imposer un pareil sacrifice dans un moment donné, dans une circonstance exceptionnelle, en des jours de dangers, je l'admets sans hésitation; mais qu'un semblable état de choses doive être considéré comme normal et devenir permanent, je ne puis l'admettre et je ne l'admettrai jamais.

Des préoccupations vives et sérieuses sur l'état de nos finances ne doivent étonner personne. Elles sont fort naturelles et se justifient d'elles-mêmes. Les déclarations que fit M. le ministre des finances, lors de la discussion de la loi sur les successions, sont encore présentes à notre mémoire. Elles avaient un caractère de gravité qui les y a nécessairement fixées ; il ne nous est donc point possible de les perdre de vue, de les oublier de sitôt. En cette discussion solennelle, M. le ministre ne nous déclara-t-il pas, avec la franchise habituelle qui l'honore, qu'avec le produit de la loi qu'il nous demandait, il n'était pas certain d'être en mesure de rétablir l'équilibre entre les recettes et les dépenses, en y comprenant les éventualités que ne peuvent rencontrer les prévisions budgétaires et dont les exigences ne manquent cependant point de se produire chaque année. Or, messieurs, cette loi, que voulait obtenir le gouvernement, est demeurée à l'état de projet, ajourné indéfiniment.

Cependant, si l'on persistait, si l'on s'obstinait, ce que je regarderais comme une véritable calamité publique, à croupir dans la déplorable situation militaire où nous n'avons déjà que trop longtemps végété, il ; faudrait impérieusement créer de nouvelles ressources. L'illusion d'un autre espoir ne serait plus permise. Quelles seraient ces ressources? La nation aurait hâte de le savoir. Pour ma part, s'il s'agissait d'établir quelque impôt nouveau, quelque charge nouvelle tombant directement sur les contribuables, mon parti est, dès maintenant pour lors, décidément pris et arrêté. Je me verrais à regret forcé de refuser, dans ce cas, mon concours au gouvernement. Il me serait complètement impossible de le suivre dans cette voie qui serait, à mon avis, préjudiciable et fatale aux vrais intérêts du pays.

MfFO. - Messieurs, l'honorable préopinant a répété ce qui avait déjà été dit hier par l'honorable M. Lelièvre sur l'omission qui se trouverait dans le discours du Trône, relativement à la situation financière. Ces honorables membres ont perdu de vue que le gouvernement, ayant exécuté la loi de comptabilité, et ayant présenté les budgets de 1850 dès le mois de février 1849, n'avait pas, dans le discours du trône actuel, à parler de la situation financière pour 1851. Les explications que le gouvernement a données, lorsque les budgets de 1850 ont été présentés, subsistent; il n'a rien à y ajouter, il n'a rien à en retrancher; tous les membres de la chambre connaissent donc parfaitement quelle est la situation financière du pays.

Le discours de la Couronne n'a pas coutume de renfermer un exposé de la situation du trésor ; c'est dans un document à part que ces renseignements sont fournis à la chambre, et, dès hier, vous le savez, l'exposé de la situation financière a été déposé ; il sera distribué dans quelques jours.

M. Orts. - Je suis de l'avis de ceux qui croient que le discours de la Couronne renferme une lacune en ce qui concerne notre situation financière; je ne suis pas de l'avis de ceux qui voudraient rencontrer dans le discours de la Couronne le bilan de la situation financière de l'Etat ; je pense qu'il est mieux placé là où M. le ministre l'a inscrit pour 1851. Mais en matière de finances, tout n'est pas dit quand le compte des recettes et des dépenses est soumis à l'appréciation de la législature, car, en matière de finances, comme en toute autre matière, il y a autre chose que le présent ; il y a l'avenir.

Le présent peut avoir des vices, peut appeler des améliorations ; sous ce rapport, un gouvernement progressif, libéral, doit dire quelque chose. Ce quelque chose n'est pas cette année dans le discours de la Couronne, et cette lacune est d'autant plus regrettable que, dans le discours de l'année dernière, elle n'existait pas; elle était comblée à l'entière satisfaction du pays, par une promesse dont le gouvernement et les chambres s'étaient rendus solidaires vis-à-vis de la nation. Une promesse de cette nature est tellement importante que quand elle est faite, aussi longtemps qu'elle n'est pas accomplie, on ne peut pas la passer sous silence.

Cette promesse annonçait la révision de notre système d'impôts, non pour combler des déficits résultant de dépenses nouvelles ou arriérées, mais, ce qui est beaucoup plus important pour les classes laborieuses, afin d’amener une répartition de plus en plus équitable des charges publiques. Sous ce rapport, je pense que la chambre forait chose utile et prudente en ajoutant un paragraphe à l'adresse, afin démontrer au pays qu'elle n’a pas oublié les promesses faite l'année dernière, promesses que le temps ne lui a pas permis d'accomplir et dont elle a la volonté de poursuivre plus activement encore l'accomplissement.

Qu'il y ait eu promesse formelle à cet égard, le doute n'est pas permis ; pour le démontrer, permettez-moi de rappeler ce que contenait le discours du Trône de l'année dernière et la réponse que vous avez fait ; c'est par là que je terminerai ce que je me propose de dire à l'appui de la proposition que j'aurai l'honneur de faire.

Le discours de la Couronne disait :

« Plusieurs impôts devront être modifiés dans leurs bases. Nous perdons pas de vue, dans la répartition des charges, ce qui est dû au ménagement à ceux dont le travail seul entretient l'existence. »

Et la chambre répondait :

« Depuis longtemps l'opinion réclame un examen sérieux du système de nos impôts, la révision de plusieurs d'entre eux, et une répartition de plus en plus équitable des charges publiques.

« Cette réforme se lie à l'amélioration du sort des classes laborieuse La prudence, non moins que la justice et l'humanité, commande cette amélioration.»

Et lorsque le gouvernement, dans la discussion est venu expliqué la pensée du discours de la Couronne, M. le ministre des finances émettait ces paroles significatives, consolantes pour les classes dont nous nous occupons :

« La pensée dominante de cette révision sera de rechercher les moyens de dégrever les classes qui sont le moins en état de supporter l'impôt et d'en reporter le fardeau sur les classes aisées. »

Et je dois dire à l'honneur de la chambre qu'il ne s'est élevé de voix dans son sein, que pour appuyer la pensée du cabinet; c'est dans ce sens qu'ont parlé, par exemple, MM. de Royer et Liefmans. Je pense que, sous peine de laisser pénétrer dans le pays, surtout dans les classes peu éclairées, une idée dangereuse, nous ne pouvons pas dire aujourd'hui moins que nous ne disions l'année dernière.

Nous devons, au contraire, proclamer hautement que cette réforme si digne d'intérêt, si urgente, si utile, est appelée cette année par la chambre avec plus d'insistance que l'année dernière.

En conséquence, je propose d'ajouter au paragraphe en discussion la phrase suivante :

« Une répartition de plus en plus équitable des charges publiques se lie à l'amélioration du sort des classes laborieuses.

« La chambre espère que la sollicitude du gouvernement hâtera une réforme commandée par la prudence, non moins que par la justice et l'humanité. »

Ce sont, messieurs, les expressions un peu modifiées par convenance de style, de l'adresse de l'année dernière.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable préopinant vient de changer entièrement la nature du grief qui a été adressé au gouvernement. Il ne s'agit plus de cette omission prétendue de la situation de nos finances dans le discours du Trône. Il faut bien reconnaître, en effet, que cette situation ayant été exposée à l'heure où elle devait l'être, c'est-à-dire avant la présentation des budgets de 1850. devant être de nouveau exposée dans la situation du trésor, une explication nouvelle aurait été complètement inutile dans le discours du Trône. Je dois me borner à renvoyer aux explications catégoriques déjà fournies par le gouvernement.

Mais l'honorable membre nous dit qu'il entend autre chose par l'exposé de la situation financière de l'Etat. Ce n'est pas du bilan qu'on trouverait dans cet exposé dont je parlais tantôt; c'est de la réforme des impôts qu'il s'agit.

Le gouvernement avait pris des engagements dans la session dernière; le gouvernement se tait aujourd'hui ; ce qui paraît bien grave à l'honorable préopinant. A l'entendre, il semblerait que le gouvernement aurait renoncé aux projets qu'il avait annoncé, et qu'il ne serait pas disposé à exécuter complètement, entièrement des engagements qu'il a contractés. Le gouvernement ne renonce à aucun de ses projets.

L'honorable préopinant a, d’ailleurs, malheureusement la mémoire un peu courte ; il a parlé d’engagements qui auraient été pris, et qui n’auraient pas été tenus. J'ai à rappeler à la chambre qu'il s’agit d’engagements qui ont été pris et qui ont été exécutés.

Dans la dernière session, j'ai eu l'honneur de présenter à la chambre un projet de loi sur les patentes qui avait pour objet de dégrever de ce droit 60,000 contribuables.

J'ai eu l'honneur de déposer un projet de loi sur la contribution personnelle, qui n'a pas été examiné par la chambre, et qui doit avoir pour conséquence de porter à près de 400,000 habitations sur près de 700,000 existant en Belgique, le nombre des habitations qui seront affranchies de tout impôt personnel.

Je pense que c'est là plus qu'un commencement d'exécution de nos promesses.

Je ne sais si après cela et après la révision entière de la loi des patentes, que j'ai annoncée, il restera beaucoup à faire dans la voie de la réforme des impôts. Nous aurons touché à tous les impôts directs, à l’exception de l'impôt foncier.

Il restera à voir ultérieurement ce qu'on pourra faire quant aux impôts de consommation ; mais la chambre sait que, dans ce pays, ces (page 21) impôts ne sont pas vexatoires, qu'ils ne soulèvent aucune réclamation, qu'on pourrait, sans doute, si la situation du pays le permettait, en atténuer quelques-uns ; mais je répète la déclaration que j'ai constamment faite à cet égard lorsque j'ai eu à m'expliquer sur les questions d’impôts : je tiens que le système qui existe en Belgique est, sauf des modifications analogues à celles qui ont été présentées par le gouvernement, un système d'impôts qui répond d'une manière satisfaisante aux besoins du pays. Il y a des réformes à introduire ; ces réformes, nous les avons commencées; elles étaient promises depuis 18 ans; elles ont été commencées par le cabines actuel. Il s'agit de les poursuivre ; le gouvernement ne manquera pas à sa mission.

M. Orts. - Messieurs, lorsque j'ai proposé un paragraphe additionnel à l'adresse, ce n'était pas dans le but d'engager le gouvernement à persister dans la voie où il est entré ; du moins ce n’est pas là mon but unique : je désire tout autant que la chambre fasse acte de mémoire que je désire de voir le gouvernement faire acte de mémoire vis-à-vis du pays. Lorsque j'ai proposé ce paragraphe, je me suis adressé à la chambre comme je m'adressais au cabinet. Je suis heureux d'entendre M. le ministre des finances déclarer que ses principes en matière d'impôt sont encore aujourd'hui les siens et ceux du gouvernement; je serais complètement heureux si la chambre voulait s'associer aux paroles de M. le ministre des finances et déclarer aussi vis-à-vis du pays que notre système d'impôts doit être révisé. Mais si le gouvernement a fait quelque chose dans cette voie, et je ne veux pas le nier, je crois que le gouvernement n'a pas encore tout fait, et M. le ministre des finances vient de reconnaître qu'il y a, sous ce rapport, beaucoup à faire.

M. le ministre a proposé, quant aux impôts directs, des modifications que j’appellerai démocratiques, et je les appellerai ainsi de l’expression la plus favorable qui se présente à mon esprit ; mais n’a-t-il pas déclaré que là s'arrêterait ce qu'il croit devoir faire ? que, quant aux impôts directs, il ne les considère pas comme susceptibles de réforme. Eh bien, c’est là une erreur qu’il n’exprimait point l’année dernière et que je verrais à regret partagée par la majorité de la chambre. Il n’a pas d’impôt plus anti-démocratique que l’impôt direct. Si vous voulez faire quelque chose pour les classes inférieures dégrevez la consommation. Si vous supprimiez par exemple les octrois vous ferez chose évidemment utile pour les classes inférieures des villes industrielles. C'est là une vérité qui n'a pas besoin d'être démontrée ; mais s'il fallait la démontrer où irais-je chercher mes raisons? Dans les discours de l'ancienne opposition libérale; et où trouverais-je les raisons pour défendre la thèse contraire? Dans la bouche même des ministres de cette majorité que vous ou vos amis avez renversée en 1847.

Je n'en dirai pas davantage, je ne veux pas engager le débat au fond aujourd'hui ; il viendra à son heure lors de la discussion du budget des voies et moyens. Je voulais seulement constater le fait. Le pays jugera.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Moins que jamais, messieurs, je pourrais accepter l'amendement proposé par l'honorable M. Orts : il lui donne une signification, une portée qui doit nécessairement le faire écarter. Il impliquerait, de la part de la chambre, la solution de la question de l'impôt direct et de l'impôt indirect, dans le sens qui vient d'être indiqué par l'honorable membre. Nous examinerons cette question dans la discussion du budget des voies et moyens, si la chambre le juge convenable ; mais c'est d'une manière très inopportune qu'on veut l'introduire dans la discussion de l'adresse. Et, pour le dire en passant, je n'admets pas qu'il y ait quelque chose de plus démocratique ou de moins démocratique dans l'impôt direct que dans l'impôt indirect ; c'est toujours un moyen de prélever une rétribution quelconque sur le consommateur. Que l'impôt soit direct ou indirect, vous arriverez toujours à faire supporter l'impôt par ceux qui consomment. Si vous grevez uniquement l'impôt direct, il est certain que ceux qui l'acquitteront et qui produisent, vendront leurs produits d'autant plus cher que l'impôt sera plus élevé. Si vous voulez, au contraire, répartir l'impôt de manière à demander une partie à l'impôt direct et une partie à l'impôt indirect, vous pourrez ainsi les multiplier, les varier, et les rendre par là beaucoup moins lourds à supporter.

Il est évident, messieurs, que nous ne pouvons pas entrer maintenant dans une discussion sur le système des impôts et que, par conséquent, le paragraphe proposé par l'honorable M. Orts, doit nécessairement être écarté.

M. Le Hon, rapporteur. - Je dois quelques mots d'explication à la chambre sur le silence gardé par la commission d'adresse à l'égard de la situation financière. L'honorable membre a pensé que le discours du Trône offrait, sous ce rapport, une lacune; qu'il était dans les devoirs de la chambre de la combler par sa réponse. Il nous a paru, au contraire, que lorsque le gouvernement, dans cette communication solennelle, ne disait pas un mot de la situation des finances, son silence avait une signification non équivoque à notre avis ; c’est qu'il n'avait à demander au pays aucune charge nouvelle. Je crois, pour ma part, que la nation serait très heureuse de trouver toujours, dans les discours du Trône, des lacunes semblables.

Il faut remarquer, d'ailleurs, que la plupart des budgets de 1830 ont été votés dans la session dernière ; qu'il en reste deux seulement à examiner, services prévus, annuels, quel que lourds qu'ils soient pour nos nuances.

Si, l'année dernière, un paragraphe de l'adresse était consacré au sujet important dont vient de parler l'honorable membre, c'est que le gouvernement avait fait lui-même allusion à des réformes préparées et prochaines. Cette année, la commission d'adresse n'a pas reproduit ses recommandations précédentes, parce que, indépendamment du commencement d'exécution qu'ont reçu les réformes annoncées, nous avons vu se poursuivre, par voie de commission, la recherche des améliorations à introduire dans nos lois de finances. Ce ne sont pas de ces changements, de ces travaux qui puissent s'accomplir précipitamment et à la légère.

Au surplus, je dois le dire, les dernières explications données par l'honorable M. Orts viennent de m'éclairer. Son amendement, à la simple lecture, n'avait pas rencontré dans mon esprit d'objection sérieuse ; mais lorsqu'il nous le montre renfermant une question très grave en matière de revenus publics, lorsqu'en adoptant sa proposition on pourrait appuyer auprès du gouvernement un changement radical dans les bases de notre législation financière ; oh ! alors, je la regarde, non plus comme superflue, mais comme imprudente et dangereuse. On n'improvise ni les révisions générales, ni les nouveaux systèmes d'impôts. Le paragraphe de l'adresse est assez large pour recommander au pouvoir tous les genres de sollicitude en faveur des classes laborieuses. Quant à l'amendement, je crois que la commission de l'adresse a été sage et prudente en s'abstenant de parler alors qu'on ne la provoquait pas.

M. Toussaint. - Messieurs, je viens appuyer l'amendement de l'honorable M. Orts.

Je demande à la chambre de né considérer dans cet amendement que ce qu'il contient et sans y rattacher la fin du commentaire que vient d'y ajouter l'honorable M. Orts. (Interruption.)

Messieurs, la réserve que je fais n'a pas pour but d'atténuer la portée véritable des paroles de l'honorable M. Orts; mais pour que la chambre, prenant l’amendement dans son sens le plus général, soit appelée à exprimer une pensée sympathique qu'il est dans l'intérêt de la législature et du gouvernement réunis d'exprimer.

On peut certainement laisser de côté la question de système que l'honorable M. Orts a développée relativement à la part relative que doivent avoir dans nos impositions l’impôt direct et l'impôt indirect, et proclamer qu'il y a lieu de continuer avec persévérance, avec activité, le système qu'on avait promis de pratiquer au commencement de la session dernière, et qu'en ce moment-là, on était beaucoup plus disposé à pratiquer qu'on ne le paraît aujourd’hui.

Or, c'est parce qu'il y a une apparence de la part de la législature et de l'ensemble des pouvoirs à s'occuper moins de cet ordre d'idées que je crois que nous avons besoin de rassurer le pays sur l'oubli dans lequel il pourrait croire que nous voulons laisser ces questions. (Interruption.}

L'honorable M. Mercier me dit que le pays est tranquille là-dessus. Je conçois parfaitement que l’honorable député de Nivelles puisse émettre cette opinion, attendu qu'il l’émet en vertu de principes qui sont les siens et qui sont antérieurs au système qu'on a voulu introduira l'année dernière. Mais je prétends et je soutiens que notamment dans la partie du pays que j'ai l'honneur de représenter plus particulièrement dans cette enceinte, on n'est pas du tout tranquillisé sur ces tendances, et qu'on est disposé à croire que l'ensemble des pouvoirs officiels est en ce moment porté à laisser dormir l'espèce d'initiative qu'on prenait l'année dernière.

Je crois qu'on doit pouvoir dire à cet égard la vérité à la chambre comme il faut la dire au peuple, lorsque cela est nécessaire et qu'il faut le ramener à l'appréciation exacte des faits.

Limitant donc l'amendement à la portée véritable qu'il a, en le détachant d'une idée isolée qu'y a annexée son auteur, je crois qu'il y a lieu par la chambre de voter l'amendement de mon honorable ami.

Vous pouvez le voter, messieurs, parce qu'il ne contient pas un blâme pour le gouvernement qui a fait acte d'exécution.

En prenant acte des paroles de l'honorable rapporteur, vous pouvez également le voter sans qu'il y ait dans ce vote le moindre blâme pour la commission de l'adresse, attendu que l'amendement, tel que l'honorable M. Orts l'a formulé, semblait à notre rapporteur, non seulement complètement inoffensif, mais encore conforme à la voie que la chambre est disposée à suivre. Or, l'adresse en réponse au discours du Trône n'est pas autre chose que l'indication de la voie dans laquelle la législature veut marcher, et je crois qu'il n'y a aucun inconvénient, qu'il y a, au contraire, avantage à ce que votre adresse contienne une mention formelle à cet égard.

Je voterai donc avec une pleine conviction pour l'amendement de l'honorable M. Orts.

- La discussion est close.

L'amendement de M. Orts est mis aux voix et n'est pas adopté.

Le paragraphe 15 est ensuite mis aux voix, il est adopté.

Paragraphe 16

« Nous aimons à proclamer avec Votre Majesté que la garde civique, par sa bonne organisation et par les sentiments qui l'animent, et l'armée, par sa discipline, son instruction et son dévouement, justifient de plus en plus la confiance que le pays a placée en elles. »

M. Manilius. - Messieurs, je ne demande pas la parole pour m'opposer à ce paragraphe du projet d'adresse ; je la demande, au contraire, pour féliciter le gouvernement de la large part qu'il a prise à la bonne organisation de la garde civique, de cette institution si éminemment nationale et qui forme l'un des principaux éléments de la force publique.

Je saisis cette occasion pour engager le gouvernement à continuer de (page 22) marcher dans cette voie, et à compléter ce qu'il a déjà si bien commencé, en présentant aux chambres un projet de loi pour l'exécution des autres dispositions du titre V de la Constitution. En effet, messieurs, il reste à faire une loi, pour obéir au vœu de l'article 120 de la Constitution de 1831 et j'engage le gouvernement à combler cette lacune.

Une fois que la force publique sera légalement constituée d'après les prescriptions de la Constitution, il sera nécessaire qu'il y ait corrélation et entente entre les trois éléments qui composent la force publique. Je crois que le moment est venu d'examiner cette question de près.

J'engage encore le gouvernement à présenter plus tôt aux chambres le projet de loi qui fixe chaque année le contingent de l'armée. Ce contingent est la base de l'appréciation des allocations du budget de la guerre. Chacun de vous, messieurs, se rappelle que tous les ans la loi du contingent nous est présentée quelques jours seulement avant le mois de janvier, alors qu'il n'est plus possible de retarder le vote immédiat; il s'en est suivi que le budget de la guerre étant toujours voté tardivement l'on nous objectait, lors de la discussion de ce budget, qu'il n'y avait pas moyen de sortir de la loi obligatoire du contingent ; que le budget de la guerre était basé sur ce contingent ; que dès lors le vote de la chambre devenait en quelque sorte obligé.

Aujourd'hui, messieurs, que le budget de la guerre pour 1850 doit encore être discuté en sections, je pense qu'il serait heureux, pour le mûr examen de ce budget, de procéder en même temps à la discussion du projet de loi qui doit fixer le contingent de l'armée. J'appelle l'attention du gouvernement sur ce point. J'ai dit.

- Le paragraphe 16 est mis aux voix et adopté.

Paragraphe 17

« Les provinces que Vous avez visitées cette année ont été heureuses de la présence du Roi et de la famille royale. Partout Votre Majesté a recueilli des témoignages unanimes d'attachement et de gratitude dont le souvenir lui sera d'autant plus cher qu'ils ont eu ce caractère de sincérité et de franchise naturel à nos populations. Elle a entendu la voix du peuple remerciant, avec chaleur, la royauté populaire de ses constants efforts pour le bien-être de toutes les classes et pour la prospérité du pays. »

- Adopté.

Paragraphe 18

« Oui, Sire, cette union intime entre la Nation et le Roi qu'elle s'est donné, et l'harmonie parfaite qui règne entre tous les pouvoirs de l'Etat, constituent notre véritable force dans le présent et dans l'avenir. »

- Adopté.

Paragraphe 19

« La chambre s'appliquera, en ce qui dépendra d'elle, à les consolider par le concours loyal qu'elle est disposée à prêter à Votre Gouvernement. »

- Adopté.

Second vote des paragraphes et vote sur l’ensemble du projet

La chambre décide qu'elle passera immédiatement au vote définitif du projet d'adresse.

Les divers changements de rédaction qui ont été introduits dans le projet d'adresse, lors du premier vote, sont successivement mis aux voix et confirmés.

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble de l'adresse. Elle est adoptée à l'unanimité par les 78 membres qui ont répondu à l'appel.

Ce sont : MM. de Brouwer de Hogendorp, Debroux, Dedecker, de Haerne, Delehaye, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, de Meester, de Perceval, De Pouhon, Dequesne, de Renesse, Destriveaux, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, d'Hoffschmidt, d'Hont, A. Dumon, Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Jullien, Julliot, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Manilius, Mascart, Mercier, Moxhon, Peers, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Schumacher, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Ansiau, Boulez, Bruneau, Cans, Clep, Cools, Coomans, Cumont, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Bocarmé, Debourdeaud'huy, de Breyne et Verhaegen.

Formation de la délégation au roi

M. le président. - Nous allons procéder au tirage au sort des membres de la grande députation qui portera l'adresse au Roi.

Les membres désignés par le sort sont : MM. Ernest Vandenpeereboom, Thiéfry, Lange, A.. Vandenpeereboom, de Brouwer de Hogendorp, Schumacher, Vanden Branden de Reeth, Delehaye, de Liedekerke, de Baillet-Latour et Dechamps.

Nomination d’un membre de la cour des comptes

Nombre des votants : 75.

Majorité absolue, 38.

M. Hubert obtient 60 suffrages.

M. Jacques, 8.

M. Grenon, 4.

M Flanneau, 1.

Bulletins blancs, 2.

En conséquence, M. Hubert, directeur de la comptabilité centrale au département des finances, ancien conseiller à la cour des comptes, est proclamé conseiller à la cour des comptes.

Sur la proposition de M. le président, la chambre règle comme suit ses travaux de demain.


Ordre du jour des sections : Autorisation de lecture d'une proposition déposée par un membre. Examen par les 3ème et 4ème sections du projet de loi relatif à l'institution d'une caisse générale d'assurances sur la vie.

Examen en sections centrales des projets de loi relatifs aux vices rédhibitoires et à l'interprétation de l'article 8 du décret du 26 septembre 1791.

- La séance est levée à 3 heures.