(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 1589) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à midi et quart.
- La séance est ouverte.
M. de Luesemans donne lecture du procès-verbal de la dernière séance; la rédaction en est approuvée.
M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pièces adressés à la chambre.
« L'administration communale de Hal présente des observations concernant le projet de loi sur la contribution personnelle. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Les huissiers de l'arrondissement judiciaire de Louvain demandent l'abrogation de la loi du 28 floréal an X, ainsi que des articles du Code de procédure civile, donnant aux huissiers des justices de paix le monopole des affaires portées devant cette juridiction. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur la compétence en matière civile.
« Le sieur Hebbelynck, ancien greffier de justice de paix, prie la chambre de lui faire obtenir un emploi. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs Belges établis à Constantinople demandent une loi qui règle la juridiction des consuls. »
- Même renvoi.
« L'administration communale de Court-Saint-Etienne demande que le gouvernement soit autorisé à traiter avec la compagnie du Luxembourg pour faire passer par Wavre le chemin de fer de Bruxelles à Namur et pour que les travaux soient continués au plus tôt. »
- Même renvoi.
« L'administration communale de Gilly demande que le gouvernement soit autorisé à faire avec la société du Luxembourg un arrangement pour arriver à la construction d'une ligne de chemins de fer qui relierait ensemble Bruxelles, Namur, Louvain et Charleroy. »
« Même demande des administrations communales de Wavre et la Hulpe et du conseil communal de Jodoigne. »
- Même renvoi.
« La chambre de commerce et des fabriques de Bruxelles réclame l'intervention de la chambre pour que le gouvernement fasse avec la compagnie du Luxembourg une convention pour l'achèvement de la ligne directe du chemin de fer de Bruxelles à Namur. »
- Même renvoi.
« Plusieurs marchands et boutiquiers demeurant sur la frontière de France demandent que le sel destine à être exporté en France soit exempté d'une partie de l'impôt auquel il est assujetti. »
- Renvoi à la commission d'industrie.
« Le sieur Aubry, particulier à Saint-Gilles, né à Halles (France), demande la naturalisation ordinaire, avec exemption du droit d'enregistrement. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le sieur Vandermeulen, ancien militaire, prie la chambre de lui faire obtenir un secours. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
Par divers messages, le sénat informe la chambre :
Qu'il a pris en considération 15 demandes de naturalisation ordinaire et qu'il en a rejeté deux ; Et qu'il a adopté :
25 projets de loi de naturalisation ordinaire;
Le projet de loi qui réduit le personnel des cours et tribunaux;
Le projet de loi qui ouvre au département des affaires étrangères un crédit supplémentaire de 99,200 fr.;
Le projet de loi qui ouvre au département de la justice un crédit supplémentaire de 800,000 fr.;
Le projet de loi sur le recours en cassation en matière de milice;
Le projet de loi relatif au changement de quelques chefs-lieux de jus-lice de paix ;
Le projet de loi relatif à la limitation entre les communes de Baudour et de Boussu (Hainaut) ;
Le projet de loi relatif à la délimitation entre les communes de Pael et de Tessenderloo (Limbourg) ;
Le projet de loi relatif à la délimitation de la commune de Grapfontaine (Luxembourg) ;
Le projet de Code disciplinaire et pénal pour la marine marchande et la pêche maritime ;
Le budget du ministère des affaires étrangères pour l'exercice 1850.
- Pris pour notification.
Par dépêche du 8 juin, M. le ministre de la justice transmet un exemplaire de la deuxième livraison du Recueil des circulaires, instructions et autres actes émanés du ministère de la justice ou relatifs à ce département. (Juillet 1848. - Mai 1849.)
- Dépôt à la bibliothèque.
Par dépêche du 7 juin, M. le ministre de la justice transmet à la chambre une demande de naturalisation ordinaire, avec renseignements y relatifs. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
MM. de Renesse, le Bailly de Tilleghem, Boulez, Deliége, Mercier et Vanden Brande de Reeth demandent un congé. Ces congés sont accordés.
M. Thiéfry, au nom de la section centrale qui a examiné un projet de loi de crédit supplémentaire de 45 mille fr. au département de la justice, dépose le rapport sur ce projet de loi.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport, et met ce projet de loi à la suite de l'ordre du jour.
M. Delfosse fait, au nom de la section centrale qui a examiné le projet de loi sur l'enseignement supérieur, le rapport suivant. - La chambre a renvoyé à la section centrale les pétitions relatives au projet de loi sur l'enseignement supérieur.
De ces pétitions, cinq nous sont adressées par des pharmaciens qui réclament contre les dernières dispositions de l'article 65. Elles sont toutes conçues dans le même sens ; celle qui porte les signatures de MM. Pasquier et Cauthy a été imprimée et distribuée à MM. les membres de la chambre. Il en est parlé dans le rapport.
Deux pétitions réclament des dispositions transitoires, l'une en faveur des clercs d'avoués, l'autre en faveur des commis-greffiers. Si les modifications proposées par la section centrale à l'article 65 sont adoptées, ces pétitions seront sans objet.
Les étudiants du doctorat en droit de l'université de Liège prient la chambre de s'occuper le plus tôt possible du projet de loi. Il va être fait droit à ce vœu.
Quelques habitants de la Roche voudraient que la connaissance de la langue anglaise ou allemande ne fût pas exigée pour le grade d'élève universitaire. La section centrale n'adopte pas cette modification au projet de loi.
Les élèves de l'université de Gand expriment le vœu que le jury central d'examen soit maintenu et que l'inscription à tous les cours ne soit pas obligatoire. La section centrale s'explique sur ces points dans son. rapport.
Une pétition demande que les diplômes de chirurgien de ville et de campagne, d'officier de santé et les brevets de médecin militaire soient assimilés au grade de candidat en médecine.
Plusieurs docteurs en médecine de la Flandre occidentale présentent des observations contre cette demande, qui paraît équitable à la section centrale.
Les sieurs Joly et autres réclament un jury d'examen pour les études privées.
(page 1590) La section centrale propose le dépôt de toutes ces pétitions sur le bureau pendant la discussion.
- Ces conclusions sont adoptées
M. Delfosse continue en ces termes. - Quelques fautes d'impression se sont glissées dans le rapport qui a été distribué hier. Un erratum sera distribué ce soir.
Au moment où l'on imprimait le rapport, M. le ministre de l'intérieur a transmis à la section centrale deux délibérations :
L'une de la classe des sciences de l'Académie royale ;
L'autre de la faculté des sciences de l'université de Liège.
Ces délibérations ne portent que sur des points de détail. Ils ne touchent pas aux grands principes du projet de loi.
Si la chambre le désire, je lui en donnerai immédiatement connaissance. (Parlez! parlez!)
La commission de la classe des sciences de l'Académie royale avait proposé d'ajouter aux matières de l'enseignement et des examens :
1° Le cours d'histoire des sciences mathématiques;
2° Le cours d'histoire des sciences physiques;
3° Le cours d'histoire des sciences naturelles.
La classe des sciences n'a pas adopté cette proposition.
7 voix ont été pour, 7 voix contre]; 3 membres se sont abstenus.
La classe des sciences demande que l'on ajoute :
A la physique expérimentale la météorologie.
A la botanique l'exposition des familles naturelles essentielles.
Elle réclame contre la suppression des cours d'embryogénie et de tératologie (organogénésie et monstruosités).
Elle demande que l'on rédige des programmes déterminant, non tous les détails des cours, mais les parties, dans chacune des sciences, qui feront l'objet de l'examen.
Elle voudrait que l'on divisât l'algèbre, la géométrie et la trigonométrie en deux parties, dont l'une serait comprise dans l'examen d'élève universitaire et l'autre dans l'épreuve préparatoire à la candidature en sciences naturelles.
Dans la pensée de la classe des sciences, il y aurait, outre le grade d'élève universitaire, trois épreuves à subir, rien que pour arriver à cette candidature :
Première année. Logique, anthropologie, philosophie morale, algèbre, géométrie, trigonométrie.
Deuxième année. Physique, météorologie, chimie organique et inorganique. N
Troisième année. Minéralogie, y compris les éléments de cristallographie, la botanique, y compris l'anatomie des plantes, l'exposition des familles naturelles essentielles, zoologie.
La classe des sciences place dans l'examen de la candidature ès sciences physiques et mathématiques, les éléments de chimie organique et inorganique ; elle en retranche la minéralogie (article. 47 du projet).
Elle place dans l'examen de doctorat dans les mêmes sciences (article 49 du projet) : les éléments de minéralogie et de géologie.
Elle en retranche la chimie organique et inorganique.
Elle ajoute, à l'article 48, l'exposition approfondie des familles naturelles à l'anatomie et à la physiologie des plantes.
Elle voudrait que le récipiendaire en sciences naturelles fût soumis à des démonstrations manuelles et pratiques. Il ferait l'analyse et la description de quelques plantes vivantes, il décrirait un ou plusieurs animaux indigènes ou exotiques, etc.
Elle trouve trop courte la durée de certains examens et de certains cours.
La faculté des sciences de l'université de Liège substitue les éléments de chimie organique et inorganique à la chimie organique et inorganique; c'est un changement que la section centrale avait déjà fait au projet du gouvernement.
La même faculté ajoute, à l'article 49 , n°1, le mot « supérieure » au mot « analyse ».
Au n°2 du même article, elle fait porter l'examen approfondi, non, comme le projet du gouvernement, sur la physique mathématique ou sur la mécanique céleste, ou sur l'astronomie, mais sur l'une des branches principales de l'une ou de l'autre de ces sciences.
Elle pense que la durée de ces cours n'est pas en rapport avec leur importance.
La section centrale propose de faire disparaître de l'article 3 tout ce qui concerne la durée des cours. Si cette proposition est admise, les observations présentées sur ce point par la classe des sciences de l'Académie et par la faculté des sciences de l'université de Liège, devront être appréciées par le gouvernement.
M. Osy. - M. le ministre de la justice vient de transmettre à la chambre, accompagnée de renseignements, la demande de naturalisation d'un capitaine au long cours, Français, qui doit commander un navire destiné à aller aux Indes et à faire la pêche de la baleine. Ce capitaine devant avoir une part dans l'armement, a besoin d'être naturalisé pour faire le serment voulu.
Je propose donc le renvoi à la commission des naturalisations, avec demande d'un rapport immédiat, pour que la naturalisation puisse être conférée cette année. Il faut une exception à la loi qui exige cinq ans de domicile.
- Ce renvoi est prononcé.
M. de Perceval. - La commission s'en occupera immédiatement.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban) déclare ne pas se rallier au projet de la section centrale.
M. le président. - La discussion est ouverte sur l'ensemble du projet du gouvernement.
M. Lelièvre. - Messieurs, le projet qui vous est soumis a pour objet d'établir définitivement un régime de transit en harmonie avec les intérêts de l'industrie, la création de nouveaux moyens de transport et les besoins de l'époque.
Le gouvernement a pensé qu'il n'était plus possible de se traîner dans l'ancienne ornière, et que, sans porter atteinte aux droits du trésor, on pouvait procurer au commerce d'importants avantages, en dégageant le transit de toutes entraves désormais inutiles.
Je pense, messieurs, qu'en général, le projet dont nous nous occupons mérite votre assentiment et qu'il introduit dans notre législation douanière de notables améliorations, qui doivent le faire considérer comme un progrès important. Il se distingue, du reste, par la lucidité remarquable de ses dispositions et par un style net et concis, que depuis notre séparation d'avec la France, nous ne sommes pas habitués à rencontrer dans les lois belges.
La section centrale, adoptant le principe de la loi, a pensé qu'il était nécessaire de faire quelques pas de plus dans la voie large et libérale ouverte en cette matière par le gouvernement, et qu'on pouvait, sans inconvénient, supprimer quelques formalités conservées par le projet, et en rayant sans motifs fondés les relations commerciales.
Les modifications proposées par la section centrale portent principalement sur trois points que nous examinerons brièvement.
Elle pense d'abord que les marchandises transitant par le chemin de fer de l'Etat, selon le mode déterminé par le paragraphe 2 littera B de l'article 3, ne doivent pas être soumises à la caution.
En second lieu, elle estime qu'il n'y a pas lieu à étendre les pénalités prononcées par les articles 24 et 25 au transit direct effectué par le chemin de fer de l'Etat.
Enfin elle ne maintient le droit de préemption qu'en cas de renonciation au transit.
Sur la première question, je crois devoir me rallier à l'avis de la section centrale, et voici les raisons qui motivent mon vote.
La caution préalable est une mesure entravant l'industrie et ayant souvent pour résultat de paralyser les opérations commerciales. C'est, du reste, une disposition préventive, et, sous ce rapport, on ne peut la sanctionner que lorsqu'elle est justifiée par des considérations de premier ordre, et pour ainsi dire par une absolue nécessité.
Or, lorsque le transit a lieu de la manière prescrite par le paragraphe 2, littera B de l'article 3, c'est-à-dire lorsque le transit direct par le chemin de fer de l'Etat se fait à l'entrée par la mer, en sortant par cette voie ou par le chemin de fer, la marchandise, depuis l'entrée du pays jusqu'à la sortie, se trouve sous la main des agents du gouvernement.
Voilà une garantie réelle qui me paraît suffisante et qui ne permet pas de recourir à une mesure qui, dans l'exécution, aura de graves inconvénients. Exiger autre chose qu'une simple déclaration, c'est, au lieu d'attirer le transit dans le pays, l'éloigner dans nombre de circonstances.
On sait, messieurs, combien la demande d'une caution est nuisible à l'activité des relations commerciales et à leur développement. Dans plusieurs localités, on a établi des foires publiques. Eh bien, là où l'on a exigé des cautions à l'entrée des villes, l'entreprise n'a eu aucun succès. La garde de la marchandise, confiée aux employés mêmes de l'Etat, nous parait être la caution la plus solide qu'on puisse désirer, et, certes, ce ne sont pas des éventualités improbables qui peuvent être un motif suffisant pour imposer, en règle générale, des formalités dont on doit être sobre, si l'on veut réellement favoriser le commerce, formalités qui, je le répète, ont besoin d'être justifiées par une impérieuse nécessité.
L'Etat doit s'entourer d'agents intègres et zélés. Qu'ils fassent leur devoir et les droits du trésor seront sauvegardés. Il faut bien avoir confiance dans les hommes que le gouvernement choisit pour ses délégués, et certes, lorsque les marchandises sont mises à leur disposition et sous leur surveillance immédiate, il y aurait rigueur excessive à porter plus loin les exigences.
Mais si je partage sur ce point l'avis de la section centrale, je ne puis adhérer à la modification par elle proposée et consistant à ne pas appliquer les pénalités énoncées aux articles 24 et 25 du projet, lorsqu'il s'agit du transit direct effectué par le chemin de fer de l'Etat.
S'il en était ainsi, tous délits qui pourraient en ce cas être commis resteraient impunis, puisqu'aucune disposition pénale ne leur serait applicable.
Ainsi, les employés du chemin de fer et même les intéressés, de connivence avec eux, se livreraient à la fraude et celle-ci échapperait à toute pénalité.
Un pareil état de choses est inadmissible. La proposition tend à soustraire à la vindicte publique des faits répréhensibles dont la possibilité justifie les peines éventuellement comminées.
Je conçois certes en ce cas l'absence de dispositions préventives, mais les mesures répressives doivent nécessairement atteindre tous les délits qui peuvent être commis, sans égard au mode de transit, qui ne peut avoir aucune influence sur la répression des faits délictueux.
Du reste, ces principes sont en harmonie avec les dispositions de la loi adoptées par la section centrale elle-même, et notamment avec l'article 27 du (page 1591) projet qui dans le cas qu'il prévoit prononce une amende contre l'administration du chemin de fer de l'Etat.
La section centrale reconnaît donc elle-même que le transit direct dont il s'agit ne saurait être un obstacle à la répression de certains délits dont les conséquences légales sont mises à charge des employés du chemin de fer.
Quant au droit de préemption, Je pense qu'il ne faut le maintenir que dans le cas où, par l'effet d'une renonciation au transit, on veut laisser la marchandise à la consommation intérieure.
On ne conçoit en effet cette disposition rigoureuse qu'en vue du droit d'entrée, le gouvernement lui-même le reconnaît dans les motifs qui accompagnent le projet de loi.
Dès lors il faut nécessairement restreindre cette mesure exorbitante aux cas où le droit d'entrée peut être en jeu, à l'hypothèse où, à l'aide du transit, ce droit peut être éludé ; par conséquent, il est évident que l'on ne doit l’établir que lorsqu'on entend renoncer au transit. Dans les autres cas, l'évaluation est sans importance, le déclarant n'a pas d'intérêt à la diminuer et sous ce rapport le trésor, qui n'a pas de droit à percevoir, ne saurait pouvoir profiter de la faculté que lui attribue le projet ministériel.
Il s'agit, du reste, d'une disposition extraordinaire présentant tous les caractères d'une confiscation, et à ce point de vue elle doit être réservée pour les cas spéciaux où le fait à raison duquel elle est prononcée est de nature à occasionner un préjudice au trésor. C'est le seul moyen de proportionner la peine à la contravention et de ne pas frapper une pénalité repoussée par les principes de justice.
Telles sont les considérations qui me déterminent à appuyer de mon vote quelques-uns des amendements formulés par la section centrale.
Pour le surplus, je donne mon assentiment au projet qui me paraît, à divers titres, mériter les suffrages de la chambre. Je me joins, du reste, à la section centrale pour engager le gouvernement à s'occuper sérieusement de la prohibition actuelle relative au transit du sel brut.
Nos intérêts commerciaux appellent sur ce point l'attention particulière du ministère, et j'espère que celui-ci ne perdra pas de vue cet objet important.
M. Osy. - Messieurs, le projet dont nous nous occupons est la suite d'une loi votée en 1842, et qui autorisait le gouvernement à régler par arrêté royal tout ce qui concernait le transit.
Dans les documents joints au projet, nous voyons que le gouvernement a fait tous les ans de grands pas dans la voie de la liberté commerciale. On a rendu aussi facile que possible le transit, et satisfait ainsi à ce que nous réclamions tant dans l'intérêt de la navigation que pour augmenter les recettes du chemin de fer.
Aujourd'hui que l'expérience est complète, par suite de la mise en exploitation complète du chemin de fer rhénan et du chemin de fer du Nord, il devenait nécessaire de faire une loi définitive. Aussi au commencement de la session, la section centrale qui a examiné le projet de prorogation ne s'est pas ralliée au terme du 31 décembre, proposé par le gouvernement, et a adopté celui du 30 juin.
La section centrale qui a examiné le projet en discussion est presque d'accord avec le gouvernement sur tous les points. Il en est cependant un dont vient de s'occuper l'honorable M. Lelièvre, et à l'égard duquel je partage son opinion. Lorsque la marchandise est convoyée de l'entrepôt à la frontière ou de la frontière à l'entrepôt, je crois qu'il est inutile de demander une caution pour le droit de cette marchandise. Le gouvernement l'a tellement bien senti, qu'en 1845 l'honorable M. Mercier a, par un arrêté, exempté de la caution les marchandises venant de France et transitant par notre territoire vers la Prusse.
Cependant le gouvernement, par l'article 10, paragraphe 4, continue à demander des cautions à des Belges pour des marchandises qui transitent de l'entrepôt vers la frontière. Il en résulterait que les Belges seraient moins bien traités que l'étranger.
J'espère donc, messieurs, que le gouvernement se ralliera à la proposition de la section centrale qui maintient la déclaration, mais qui ne demande plus ta caution.
Messieurs, l’inutilité et les inconvénients de cette caution ont, en quelque sorte, été reconnus par tous les ministres qui se sont succédé. Aussi la caution, qui allait d'abord jusqu'à 200,000 fr., a été réduite par l'honorable M. Mercier à 50,000 fr., et l'année dernière, par un arrêté de l'honorable M. Veydt, elle a été réduite à 10,000 fr. Cependant cette caution, en présence de la grande quantité de marchandises qui nous arrive, est encore trop lourde; des commissionnaires ont quelquefois éprouvé beaucoup de difficultés pour se la procurer ; et comme la fraude est impossible lorsque la marchandise est convoyée par la douane, je crois que le gouvernement doit consentir à la suppression de la caution.
Dans l'intérêt de la navigation et pour augmenter les recettes du chemin de fer, plusieurs membres de la section centrale auraient aussi voulu que l'on autorisât le transit du sel. Mais les observations de M. le ministre des affaires étrangères les ont fait revenir de cette opinion ; on nous a fait remarquer que la Prusse devant tenir à recevoir pour les provinces rhénanes le sel de l'Angleterre, le Zollverein a intérêt à traiter avec nous à cet égard.
Je recommande cette question à M. le ministre des affaires étrangères. Je crois qu'en échange d'autres compensations que nous accorderait le Zollverein, nous pourrions également accorder le transit du sel par la Belgique.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, les observations qui viennent d'être présentées se rapportant exclusivement à des articles du projet de loi, je me propose de les rencontrer lorsque nous examinerons ces articles. Ce n'est pas, à proprement parler, une discussion générale.
- Personne ne demandant plus la parole fur, l'ensemble du projet, la chambre passe à la discussion des articles.
« Art. 1er. Le transit est le passage de marchandises par le territoire du royaume. »
- Adopté.
« Art. 2. Il y a deux modes de transit :
« Le transit direct ;
« Le transit par entrepôt. »
- Adopté.
« Art. 3. § 1. Le transit direct est celui qui s'effectue sans l'admission des marchandises en entrepôt.
« Il a lieu :
« a. Par le chemin de fer de l'Etat ;
« b. Par toute autre voie.
« § 2. Le transit direct par le chemin de fer de l'Etat se fait :
« a. A l'entrée, par le chemin de fer, en sortant par cette voie ou par mer ;
« b. A l'entrée, par mer, en sortant par cette voie ou par le chemin de fer.
« § 3. Les entrées et les sorties par les eaux intérieures de la Hollande sont assimilées à celles qui s'effectuent par mer.
« § 4. Le transit direct par toute autre voie se fait sans distinction de mode d'entrée ou de sortie. »
- Adppté.
« Art. 4. Le transit par entrepôt s'entend de la réexportation de marchandises entreposées. »
- Adopté.
« Art. 5. § 1. Le gouvernement désigne les bureaux ouverts au transit et les voies à suivre pour traverser le rayon de douane.
« § 2. Ne sont admises à transiter que les marchandises déclarées à l'un de ces bureaux, avant le déchargement et la vérification pour le transit ou pour un entrepôt. »
- Adopté.
« Art. 6. Sont admises au transit en exemption des droits :
« 1° Par le chemin de fer de l'Etat :
« Les marchandises de toute espèce, excepté celles dont parle le n°1 de l'art. 9, les ardoises et les charbons de terre :
« a. Directement ;
« b. Par un entrepôt franc ou public relié à cette voie par un embranchement, pourvu que l'arrivée en entrepôt ait lieu par mer ou par le chemin de fer de l'Etat.
« 2° Sans distinction de voies :
« Les marchandises libres, tant à l'entrée qu'à la sortie.
« 3° Les marchandises de toute espèce importées par mer, sous pavillon quelconque, et transbordées à Anvers ou à Ostende sur d'autres navires pour être immédiatement réexportées par le port même d'importation. »
M. A. Vandenpeereboom. - Messieurs, le chapitre II de la loi en discussion indique les marchandises qui, par exception au principe du libre transit, sont soumises à un droit ou même prohibées.
L'article 9 porte que le transit des bestiaux : bœufs, vaches, génisses, etc., est prohibé par toute autre voie que celle indiquée au n°1, litt. a de l'article 6, c'est-à-dire que les bestiaux sont admis au transit direct, par le chemin de fer de l'Etat, en exemption de tout droit.
Cette disposition, messieurs, je la considère comme étant de nature à porter atteinte aux intérêts de notre agriculture, et spécialement à l'une des branches les plus importantes de l'industrie agricole de la Flandre occidentale.
C'est dans les riches pâturages des arrondissements d'Ypres, Fumes et Dixmude que se pratiquent surtout et dans de larges proportions l'élève et l'engraissement du bétail.
Indépendamment du marché intérieur, la France avant que l'Angleterre n'eût ouvert ses ports était le seul marché étranger où nos éleveurs flamands trouvaient un débouché pour les produits de leur industrie. Aujourd'hui encore, ce marché doit être pour eux d'une grande importance ; il serait nuisible de l'amoindrir brusquement en donnant aux éleveurs étrangers des facilités de transport qui leur permettront de faire (page 1592) avec plus d'avantage que jamais une concurrence à nos éleveurs nationaux.
Loin de moi, messieurs, l'idée de vouloir chercher à rendre, par des mesures douanières, la concurrence des éleveurs étrangers impossible sur le marché français. Je crois que de la concurrence naît le progrès et que le progrès est la condition essentielle de la prospérité et de l'existence même d'une industrie; mais, d'un autre côté, faut-il, lorsqu'on change de système, modifier brusquement toutes les conditions de concurrence? Faut-il que ces modifications soient immédiatement radicales, et n'est-il pas prudent, au contraire, de ne diminuer que progressivement la protection dont jouissait autrefois une industrie?
Aujourd'hui, messieurs, grâce aux mesures sages et éclairées, prises par M. le ministre de l'intérieur, l'agriculture belge est en progrès; l'introduction dans notre pays des races perfectionnées de bétail étranger a déjà amélioré d'une manière notable nos races indigènes, et bientôt, dans quelques années, nos éleveurs pourront lutter avec avantage, sur tous les marchés voisins, avec les éleveurs étrangers.
Messieurs, quand nos éleveurs secondent par leurs efforts laborieux et constants les vues si sages du gouvernement, le moment est-il bien choisi pour jeter le découragement dans leurs rangs ? Faut-il attiédir leur zèle aujourd'hui qu'ils sont sur le point d'atteindre le but?
Les expositions publiques, les distributions de récompenses pécuniaires et de médailles ont produit d'heureux résultats; elles ont fait naître une légitime émulation qui contribuera puissamment au progrès de l'agriculture. Mais avant tout, l'agriculteur est calculateur, et il doit l'être, car il a de lourdes charges à supporter, surtout dans nos Flandres, où la misère publique lui impose de pénibles sacrifices.
Si le bétail belge est moins demandé par nos voisins , si les prix tombent, quel sentiment éprouveront nos cultivateurs ? Ils se demanderont à quoi ont servi leurs efforts ; quelle est l'utilité des concours, des expositions ? Et les espérances qu'ils avaient conçues feront place à de pénibles sentiments, à un découragement profond.
J'ai dit, messieurs, qu'admettre au transit le bétail étranger par le chemin de fer, et en exemption de tout droit, c'est porter atteinte aux intérêts de notre agriculture.
Messieurs, la section centrale pense que des lignes de chemin de fer existent presque dans le centre des pâturages de la Flandre, je crois devoir dire que c'est là une erreur, et que malheureusement beaucoup de communes de la Flandre occidentale, où l'élève du bétail est la principale industrie agricole, sont situées à une grande distance d'une station, et que, par conséquent les éleveurs de ces localités ne peuvent mener leurs bestiaux sur le marché de Lille que par la voie de terre ; souvent même, ils sont forcés de prendre la route la plus longue, afin de franchir la frontière par le bureau désigné.
Il est facile de comprendre combien ce mode de transport est onéreux par suite des frais de nourriture et d'étable, ainsi que de la perte résultant souvent des accidents qui surviennent durant la route. De plus, il est reconnu que les fatigues d'un voyage de plusieurs jours, surtout durant les grandes chaleurs, exercent sur le poids et la qualité même du bétail élevé soit à l'étable, soit en prairie, une influence très désavantageuse.
Par le chemin de fer, au contraire, aucun de ces inconvénients n'existe. Le bétail arrive sur le marché étranger sans fatigue, promptement, surtout à peu de frais, puisque la taxe ne s'élève, en moyenne, pour le gros bétail qu'à 24 centimes par lieue, non compris les frais fixes qui divisés par le nombre des lieues à parcourir n'augmentent qu'insensiblement la dépense totale du transport. De plus la taxe est calculée, non sur le parcours réel, mais sur la distance légale qui est toujours moindre.
Le passé peut servir de leçon pour l'avenir.
Un arrêté royal du 23 septembre 1843 autorisa le libre transit du bétail. Bientôt des plaintes unanimes s'élevèrent ; les chambres de commerce et les administrations communales adressèrent au gouvernement et à la législature les réclamations les plus vives, je dirai même les plus justes; et le gouvernement, convaincu sans doute que ces réclamations étaient fondées, rapporta, par un arrêté du 7 juin 1844, celui du 23 septembre précédent. Aujourd'hui, messieurs, on vous propose d'écrire dans la loi la disposition de l'arrêté du 23 septembre 1843 qui excita des plaintes générales.
Quoique la liberté entière de transit soit le principe du projet de loi en discussion, ce projet consacre des exceptions, soit en établissant un droit pour quelques marchandises, soit même en prohibant d'une manière absolue le transit de quelques autres produits.
Je n'examinerai pas, messieurs, les motifs qui ont déterminé la section centrale à admettre les exceptions proposées par le gouvernement à la règle générale; mais je dois faire remarquer que si une industrie mérite, Sinon qu'on la protège, du moins qu'on ne modifie pas brusquement les avantages qui contribuent à sa prospérité, cette industrie est sans doute l'industrie agricole, qui occupe plus de bras qu'aucune autre industrie et qui est la plus importante de toutes.
Eh bien, messieurs, l'élève du bétail est une condition essentielle de l'amélioration de notre agriculture, c'est là un principe élémentaire et incontestable sur lequel il est inutile d'insister : je pense donc qu'il serait dangereux de modifier radicalement et sans transition le système qui a été longtemps en vigueur.
Je ne réclame pas pour nos éleveurs la protection que l'on accorde à d'autres industries; je ne demande pas que le transit du bétail étranger par le chemin de fer soit prohibé; mais je demande qu'il soit soumis à un léger droit, et j'aurai l'honneur de déposer sur le bureau un amendement en ce sens.
Je sais, messieurs, que si le libre transit du bétail était admis, l'augmentation du mouvement des transports par le chemin de fer procurerait des bénéfices au trésor; mais ces bénéfices ne seront pas en rapport avec les pertes que subirait l'industrie, et d'ailleurs ne serait-ce pas acheter trop cher un avantage minime ?
S'il s'agissait, messieurs, d'autoriser, à des conditions favorables, l'introduction du bétail étranger dans notre pays, la question serait tout autre, car alors les pertes que nos éleveurs seraient exposés à éprouver seraient compensées par les bénéfices que réaliseraient les consommateurs belges; mais ici, en matière de transit, je ne vois aucune compensation sérieuse. Le libre transit du bétail étranger par le chemin de fer dont la Belgique entière a payé les frais de construction aura pour résultat, d'un côté, de faire naître chez nos éleveurs belges un découragement inévitable et de leur causer des pertes réelles, de modifier profondément les conditions de concurrence sur le marché français; de l'autre, d'accorder à des éleveurs étrangers sur les marchés étrangers des avantages dont profiteront exclusivement des consommateurs également étrangers.
Mon amendement n'a d'autre objet que de diminuer ces inconvénients. J'espère que la chambre voudra bien l'adopter.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, le projet de loi qui vous est soumis a pour objet de consacrer un régime fort libéral en matière de transit. A peu d'exceptions près, c'est le régime de la liberté que nous vous proposons. Si le projet de loi est sanctionné par la chambre, ce dont je ne doute point, la Belgique aura le régime de transit le plus libéral. Notre régime de transit sera plus favorable en général que celui de la France, que celui de la Hollande, que celui du Zollverein. On ne peut pas introduire des restrictions dans le projet de loi qui vous est soumis, sans une nécessité absolue bien démontrée, sans qu'il existe des raisons véritables d'intérêt public qui commandent de maintenir quelques prohibitions, quelques droits.
Ces raisons existent-elles, quant aux bestiaux qui font l'objet de l'amendement que l'honorable préopinant vient de déposer ? Je ne le crois pas.
C'est à l'enseignement du passé que l'honorable membre a fait appel ; eh bien, c'est précisément sur cet enseignement que je me fonde pour démontrer à la chambre que les craintes qu'on manifeste n'ont aucune espèce de fondement.
Il est vrai qu'un arrêté du 23 septembre 1843 avait autorisé le transit des bestiaux par le chemin de fer ; que des réclamations très vives se sont produites et qu'au mois de juin 1844 l'arrêté a été rapporté.
Mais d'abord notons que, depuis cette époque, bien des changements se sont introduits dans la situation respective des éleveurs hollandais et des éleveurs belges ; la Hollande a trouvé depuis lors en Angleterre un débouché fort important qui en 1843 n'existait pas. El cependant est-il bien vrai que, sous l'empire de l'arrêté du 23 septembre 1843, des faits se soient produits, de nature à causer un préjudice considérable à nos éleveurs ? En aucune façon.
Pendant le régime établi par l'arrêté du 23 septembre, il a transité par la Belgique 1,660 têtes de gros bétail et 22,521 moutons. Est-ce que nos exportations de bétail vers la France en ont été affectées? Là est la question. Eh bien, messieurs, c'est le contraire qui a eu lieu.
Le gros bétail, exporté en destination vers la France, a été en 1842 de 7,907 têtes, en 1843 de 9,241 têtes, en 1844 de 12,557 têtes et en 1845 de 11,486 fr.
Ainsi, chose remarquable, pendant que le transit a été libre, nos exportations ont considérablement augmenté, et il y a eu diminution à partir de l'époque où la liberté a été restreinte.
Par ces considérations, je ne pense pas pouvoir me rallier à l'amendement de l'honorable préopinant.
M. Loos, rapporteur. - Mon intention était de présenter la plupart des observations que vient de développer M. le ministre des finances.
Sous le régime de l'arrêté du 23 septembre 1843, les faits qu'on redoutait ne se sont pas produits. Je conviens avec mon ami, M. A. Vandenpeereboom, qu'on a beaucoup pétitionné et qu'on a fait entrevoir un très grand préjudice pour le pays; mais, en réalité, le préjudice n'a pas été causé, et on a eu tort alors de revenir à la prohibition. En 1843, on n'avait transité que 554 têtes de gros bétail, et en 1844, 1,099 ; donc, je le répète, le préjudice qu'on avait fait entrevoir pour nos éleveurs ne s'est pas produit en définitive.
Après cela, je crois que nos éleveurs se trouvent dans une meilleure condition que les éleveurs hollandais; quoi qu'on en ait dit, il n'est pas d'arrondissement des Flandres qui ne se trouve dans une position infiniment meilleure pour l'exportation vers la France; maintenant qu'une nouvelle ligne de chemin de fer vient d'être mise en exploitation, on est à une petite distance du chemin de fer ou de la frontière.
M. A. Vandenpeereboom dit que beaucoup de communes ne font pas usage du chemin de fer; mais c'est qu'elles n'en ont pas besoin, parce qu'elles se trouvent à une très petite distance de la frontière. Ce n'est que quand on se trouve à une grande distance, de nature à fatiguer le bétail au point de le faire arriver sur le marché dans un état d'infériorité, qu'on fait usage du chemin de fer.
(page 1593) Pour quelques districts de la Flandre occidentale, les éleveurs ont plus d'avantages à ne pas user du chemin de fer. Le bétail hollandais arrive par Anvers et par Gand, il a un très long trajet à parcourir ; dès lors, il fait usage du chemin de fer ; mais les éleveurs de la Flandre orientale et de la Flandre occidentale ont encore un très grand avantage sur les expéditions du bétail hollandais vers la France.
Par toutes ces considérations on aurait tort de frapper d'un droit et d'un droit aussi élevé que celui proposé par M. Vandenpeereboom, qui est un droit prohibitif, le transit sur le bétail hollandais.
Il ne faut pas perdre de vue qu'indépendamment de la voie de la Belgique, la Hollande a à sa disposition les bateaux à vapeur. Si vous rendez trop onéreuses les conditions du transit du bétail hollandais par la Belgique, vous enlèverez au chemin de fer un moyen de recette sans utilité pour l'agriculture.
M. Van Renynghe. - Je viens appuyer par quelques considérations la proposition faite par l'honorable M. Vandenpeereboom.
J'insisterais vivement pour que la demande de la chambre de commerce et des fabriques des arrondissements d'Ypres et de Dixmude fût acceptée, si je ne savais d'avance que mes efforts seraient infructueux, à cause de l'opinion peu favorable de la grande majorité de cette chambre aux droits protecteurs en faveur de l'agriculture.
Moi aussi je suis partisan de la liberté du commerce, mais à condition qu'elle soit réciproque, qu'elle soit réglée d'avance par des traités internationaux. Car il faut l'avouer, messieurs, nous jouons actuellement le rôle de dupes. Nous faisons des concessions continuelles dans l'espoir d'en obtenir. Non seulement on ne nous accorde rien, mais on nous menace encore d'aggraver notre position. Surtout en agriculture, la France nous nuit considérablement, et, si l'on n'y apporte un prompt remède, elle finira par anéantir différentes branches de notre industrie agricole. Que faisons-nous dans un pareil état de choses? Nous accordons de nouveaux avantages à la France, et, en lui concédant le libre transit pour le bétail étranger, nous porterons un nouveau coup à notre agriculture qui est, sans contredit, la branche principale de l'industrie de nos malheureuses Flandres.
Je sais que le gouvernement fait beaucoup pour l'agriculture, et je l'en remercie ; mais tous ses efforts seront inefficaces, s'ils ne sont secondés par des droits protecteurs et par un crédit agricole.
Désespérant de pouvoir obtenir ce que la chambre de commerce et des fabriques des arrondissements d'Ypres et de Dixmude demande sans exagération mais avec justice, j'espère du moins que vous ne rejetterez pas la proposition qui vous est faite par mon honorable ami et collègue,
M. Manilius. - Je me lève afin d'appuyer les raisons qu'a données l'honorable M. A. Vandenpeereboom pour ne pas accorder de trop grandes facilités au transit du bétail de la Hollande. Comme il l'a fait remarquer, depuis de longues années les provinces flamandes se sont récriées fortement contre ces facilités accordées à l'agriculture de la Hollande.
J'ai fait attention tout à l'heure aux objections principales qu'a faites M. le ministre des finances. Il a fait entrevoir que c'était fort insignifiant pour l'agriculture, que pendant un temps assez long, pendant lequel il y a eu liberté de transit, il avait transité seulement 3,800 têtes de bétail de toute espèce.
L'honorable M. Loos a argumenté de la même manière.
D'un autre côté, l'honorable M. Osy a ajouté qu'il serait regrettable d'enlever au chemin de fer un élément de recette importante.
Cela ne se concilie guère : pour l'agriculture ce serait insignifiant; pour le chemin de fer ce serait d'une grande importance.
Toujours est-il qu'il faut favoriser les provinces qui se livrent particulièrement à l'élève du bétail, et qui ont toujours joui de l'avantage de la proximité du marché français. C'est la Flandre orientale qui jouit de cet avantage. Elle ne se sert pas du chemin de fer, parce qu'elle est à proximité du marché français. C'est ainsi que, par des facilités accordées au transit, vous voulez priver une province d'un avantage dont elle jouit si naturellement, et qu'elle possède depuis si longtemps.
D'ailleurs, la loi du transit est très prudente en de telles matières. Croyez-vous que l'on permettra le transit de la houille ou du fer? On sait très bien que les houilles anglaises viendraient prendre la place des nôtres sur les frontières de France et d'Allemagne où elles arrivent à peu de frais. Aussi empêche-t-on le transit de la houille et du fer en les frappant de droits élevés.
Ce que l'on comprend pour une industrie, pour certaines provinces, on devrait le comprendre pour d'autres industries , pour d'autres provinces.
Je suis tout à fait d'avis qu'il faut faire payer un tribut aux marchandises étrangères qui passeraient dans notre pays pour faire concurrence aux nôtres dans notre voisinage.
Une autre considération qu'a fait valoir l'honorable M. Osy, c'est, d'un côté, que le transit serait insignifiant, de l'autre que les chiffres proposés par l'honorable M. A. Vandenpeereboom seraient trop élevés. Je suis d'avis qu'on pourrait modifier les chiffres, et les fixer à 8 fr. pour la première catégorie, et à 4 fr. pour la deuxième. Je pense que, de cette manière, les réclamations de l'honorable rapporteur et les inquiétudes de M. le ministre des finances n'existeront plus, et que si les recettes du chemin de fer diminuent un peu, il y aura une juste rémunération pour nos éleveurs, qui sont en possession du marché français.
M. Coomans. - Messieurs, on nous dit que le but du gouvernement et de la section centrale a été de proposer une loi libérale en matière de transit. Je ne m'y oppose pas. Le libéralisme est une très belle chose, lorsqu'il ne ruine pas. Mais en fait d'intérêts matériels, notre but doit être de faire, non des lois libérales, mais les lois les plus utiles aux intérêts nationaux.
Cette fois encore, il me semble qu'on fait très bon marché des principes. C'est toujours aux dépens de l'agriculture qu'on vient faire de l'économie politique libérale. Au nom des principes, on veut que la Hollande profite du marché français pour son bétail. Mais l'honorable M. Manilius vient de faire observer avec raison que le même principe devrait être appliqué à d'autres industries. Lorsqu'il s'agit de l'industrie charbonnière, de l'industrie métallurgique, de la pêche nationale, des sucres, on laisse les principes prudemment de côté.
Pour je ne sais quels prétextes (car on ne s'en explique guère) on protège ces industries-là en dépit des principes, et elles s'en trouvent bien. La section centrale est très laconique dans ses décisions.
« La première section, dit-elle, propose de supprimer la prohibition du poisson de mer. La section centrale ne peut appuyer cette proposition. Elle croit qu'il faut conserver à la pêche nationale les avantages dont celle-ci jouit, et adopte, en conséquence, les dispositions du projet de loi. »
Une autre section proposait de permettre le transit du sucre raffiné. Voici ce que répond complaisamment la section centrale : « La section centrale.nc voulant pas introduire de dispositions nouvelles dans la législation des sucres, à peine remaniée par la chambre, n'adopte pas cette disposition. »
Messieurs, si l'on aime tant les principes, qu'on le prouve, qu'on ne les viole pas si souvent, qu'on les applique d'une manière générale et équitable.
L'honorable ministre des finances voulant démontrer que du reste l'agriculture n'a pas intérêt à rendre plus difficile le passage du bétail hollandais par le sol belge, cite des chiffres qui prouvent qu'il y a eu progression de nos exportations vers la France sous le régime de la liberté du transit. Ces chiffres ne sont pas contestables, mais ils ne signifient rien. N'est-il pas évidemment probable que le chiffre de nos exportations se serait accru encore, si le transit pour compte hollandais avait été moindre ? Cela doit être vrai.
Si cela n'était pas vrai, les chiffres ne signifieraient rien, ou plutôt ils seraient absurdes, et je ne sais pourquoi nous dépenserions encore de l'argent pour en grouper dans nos documents statistiques, car M. le ministre, toujours loyal dans ses citations, ajoute que lorsque le transit a été rendu plus difficile, l'exportation a diminué. Il est clair, d'après cela, que les chiffres ne prouvent pas grand-chose en pareille matière ; s'ils prouvaient quelque chose, il faudrait induire de ceux-ci que plus le transit du bétail hollandais sera entravé, moins nous exporterons de bestiaux en France, c'est-à-dire que moins les Français pourront acheter de bétail hollandais, moins ils achèteront de bétail dans notre pays.
Voilà la conclusion qu'on pourrait tirer des chiffres si l'on raisonnait d'une manière rigoureuse. Mais c'est dangereux, c'est impossible en semblable matière.
J'appuie donc de toutes mes forces l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Coomans reproduit dans cette discussion les mêmes arguments qu'il fait valoir, chaque fois qu'une discussion s'élève sur le point de savoir quel est le régime qu'il faut adopter pour notre système commercial. Selon l'honorable membre, tous les sacrifices sont demandés à l'agriculture qui fait seule les frais de la liberté.
Quant aux autres industries, elles sont bien et dûment protégées ; on ne propose en aucune manière pour elles le régime adopté soit pour les denrées alimentaires, soit ici pour le bétail.
Messieurs, la question en cette matière est de savoir quels sont les avantages et les inconvénients des mesures que l'on propose. La question est de savoir s'il y a préjudice pour une industrie quelconque du pays à adopter tel régime plutôt que tel autre. S'il est démontré que l'on peut, sans aucune espèce d'inconvénient pour l'agriculture, adopter un régime libéral en matière de denrées alimentaires, en matière de transit de bestiaux, par exemple, à quoi bon discuter? Pourquoi combattre? S'il est au contraire démontré qu'il y aurait des inconvénients réels, des inconvénients sérieux à introduire brusquement des changements dans notre législation douanière en ce qui touche d'autres produits de l'industrie, il est tout simple que, conformément aux principes que le gouvernement n'a pas cessé d'énoncer, de soutenir, de défendre, d'appliquer, on ne propose pas des mesures qui soient de nature à porter une perturbation considérable dans l'état actuel des choses.
Voyons donc les faits. C'est la seule chose à considérer.
Nous avons un régime libéral en ce qui touche les denrées alimentaires. Quel préjudice en a essuyé l'agriculture? Les grains sont à un prix plus élevé en Belgique qu'en France, où le système que les honorables membres préconisent, existe. En France, on a l'échelle mobile; on y jouit de tous les bienfaits que doit procurer une législation restrictive destinée à faire le bonheur de l'agriculture. Les grains y sont à bien meilleur marché qu'en Belgique, d'une manière constante, d'une manière permanente.
Nous avons aussi joui des bienfaits de cette échelle mobile. Elle a existé chez nous pendant un grand nombre d'années. Qu'a-t-on vu pendant cet espace de temps? Quels bénéfices en a retirés l'agriculture ? Est-ce que cette échelle a empêché que, dans les années d'abondance, les grains fussent à bas prix ? Est-ce que ce système de législation a empêché qu'à l'époque où les denrées alimentaires sont arrivées à un prix trop élevé, il ait fallu immédiatement et brusquement faire cesser cette législation ? Quel était donc son mérite? Il était nul.
Cette législation ne peut avoir pour effet d'empêcher l'avilissement des (page 1594) prix, lorsqu'il y a excès de la denrée sur le marché, et il faut l'abolir instantanément lorsque les prix deviennent trop élevés.
C'est qu'il y a, quant aux denrées alimentaires, des faits tout différents de ceux que l'on rencontre quant aux produits de l'industrie manufacturière. C'est une question dans laquelle je ne prétends pas entrer d'une manière incidente. Ce serait renouveler toute la discussion relative aux céréales, ce qui, dans ce moment, serait fort inopportun. Cependant je ne puis m'empêcher de faire remarquer que lorsqu'on discute sur ce point, relativement aux denrées alimentaires, relativement à la protection agricole, on se place sur un terrain essentiellement faux.
On suppose, c'est de là que l'on part, qu'a moins que le grain ne se vends à tel prix, le cultivateur est en perte ; s'il n’atteint pas ce qu'on est convenu d'appeler le prix rémunérateur, il se ruine ; et on fixe ce prix rémunérateur de la manière la plus arbitraire, sans qu'on ait aucune espèce d'élément d'appréciation, en supposant que la production est toujours là même, que les moyens de production sont, aussi constamment les mêmes, qu'on ne peut introduire aucune espèce d'amélioration, aucune espèce de perfectionnement.
On suppose, en outre, que l'industrie agricole se compose d'un seul et unique produit; on ne voit pas qu'à supposer qu'il y ait momentanément, dans des circonstances données, perte sur un produit, il y a compensation sur d'autres produits.
On ne fait pas le compte de l'exploitation agricole ; on fait un compte isolé, un compte fictif, un compte imaginaire, ne reposant sur aucune base sérieuse.
Je crois que l'honorable M. Coomans est très consciencieusement dans l'erreur sur la thèse qu'il défend, et cette erreur sera démontrée par les faits. Nous avons une législation différente de celle qui a existé jusqu'à présent. Eh bien, l'honorable membre reconnaîtra que jusqu'à l'heure où nous parlons, aucun des inconvénients qu'il a prédits ne s'est réalisé. Ainsi nous pouvons attendre; nous verrons ultérieurement.
Voilà pour les denrées alimentaires.
Voyons pour le bétail, et particulièrement quant à l'objet qui nous occupe actuellement.
Comment pouvons-nous juger des avantages on des inconvénients de la mesure qui est proposée? Mais encore une fois par les faits. Nous avons eu, à une époque donnée, pendant un temps qui n'a pas été long, le régime libéral que nous proposons encore d'inaugurer. En a-t-on subi quelque inconvénient fâcheux? Non. L'accroissement de l'exportation a été extrêmement notable. De 7,907 têtes de bétail qu'on exportait en 1842, on en a exporté 12,557 en 1844.
Que répond à cela l'honorable membre? Mais on aurait exporté encore bien davantage si l'on n'avait pas eu le libre transit du bétail. C'est la supposition de l'honorable membre ; mais rien ne démontre la vérité de cette assertion, et si nous prenons les faits postérieurs, il me semble qu'ils viennent contredire les affirmations de l'honorable membre. En effet, on change encore une fois le régime de transit ; le droit devient plus élevé ou plutôt il y a prohibition ; l'exportation de notre bétail diminue.
Cela paraît inexplicable à l'honorable membre. Il vous dit que si cela était vrai, si les chiffres devaient prouver quelque chose en cette matière, il faudrait en conclure que plus le transit est facile, et plus nos exportations doivent s'accroître. Je suis assez disposé à le croire, et il en est un motif qui, je pense, sera apprécié par l'honorable membre.
La facilité du transit fait que certains marches sont plus abondamment pourvus.
Or, plus les marchés sont abondamment pourvus, plus il s'y présente d'acheteurs; et ceci peut très bien expliquer comment, alors que le transit même augmenterait, nos exportations augmenteraient également. Cela expliquerait des faits qu'on ne peut pas contester. Ces faits existent. Notre exportation a notablement augmenté. Les inconvénients que l'on redoutait ne se sont en aucune façon réalisés. Pourquoi donc hésiterions-nous à proposer de nouveau l'établissement du régime qui avait été inauguré par l'arrêté du 29 septembre 1843? Nous n'en voyons aucun motif.
Quant à ce qui touche d'autres produits de l'industrie manufacturière, pour lesquels on propose le maintien de la législation existante, il y a des raisons tout à fait spéciales. Nous pourrions porter atteinte à des avantages que nous avons stipules dans les traités. Ainsi, nous avons obtenu, par le traité de 1844 avec le Zollverein, des avantages pour nos fontes et nos fers. Si nous permettons le libre transit des fontes et des fers anglais, n'est-il pas à craindre que les maîtres de forge de la Prusse, que les maîtres de forge des provinces rhénanes, qui ont pu ne pas trop redouter l'introduction de nos fontes et de nos fers en Prusse, vinssent tout à coup à s'émouvoir notablement de la concurrence que nous rendrions plus facile aux Anglais contre eux?
C’est un des motifs qui nous font maintenir le régime actuel en ce qui concerne les fers et les fontes.
Hors de là, il n'y aurait plus aucune espèce de raison pour maintenir le régime actuel en ce qui touche ces marchandises. Ainsi l'honorable membre reconnaîtra, je pense, que, sans nous exposer à perdre ultérieurement les bénéfices qui nous sont assurés par le traité de 1844, il importe de maintenir la législation actuelle en et qui concerne les matières auxquelles je fais allusion.
Je persiste, messieurs, à m'opposer à l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom, sous-amendé par l'honorable M. Manilius. C'est une véritable prohibition. Le droit que l'on propose d'établir n'est pas un droit de transit, c'est un obstacle absolu au transit. Je ne pense pas que la chambre puisse entrer, sans aucune espèce de raison, dans le système qui a été défendu par les honorables membres.
M. Toussaint. - Messieurs, je n'entrerai pas dans la discussion de la loi des céréales qu'on semble vouloir rouvrir. Je n'entrerai pas non plus dans la discussion des principes de la prohibition d'une part et de la liberté d'autre part, en ce qui concerne le bétail, attendu qu'il ne s'en agit nullement.
Je crois qu'un droit de 8 francs pour le gros bétail, et de 3 à 4 francs pour le menu bétail, n'est pas un droit prohibitif; je pense même qu'avec ce droit, les éleveurs hollandais auront encore un avantage à faire transiter leur bétail par le chemin de fer, au lieu de le faire transiter par les bateaux à vapeur dont on a parlé et qui se dirigent vers le Havre et Dunkerque.
Il s'agit, messieurs, d'un point de fait. Il s'agit de savoir si le droit, tel qu'on veut l'établir, sera réellement un droit prohibitif; et j'invite les membres de la chambre qui connaissent la question, à la débattre sur ce terrain.
Quant à moi, messieurs, n'étant pas aussi versé dans ce qui concerne le commerce et la valeur du bétail et dans les faits agricoles que les honorables membres qui ont soulevé la question, je me bornerai à démontrer que c'est pour être conséquents que nous devons établir un droit de transit sur le bétail.
Nous avons un droit d'entrée sur le bétail hollandais, qui est de 15 fr. plus des additionnels, plus un timbre proportionnel, et on ne trouve pas que ce droit soit un droit prohibitif. Or, le droit proposé pour le transit et qui est de moitié moindre, n'est dès lors pas non plus un droit prohibitif.
Messieurs, lorsqu'il s'agit du marché intérieur, nous rendons la concurrence légèrement plus désavantageuse pour les éleveurs étrangers. Eh bien, pour être conséquents, nous ne devons pas avantager cette concurrence, lorsqu'il s'agit de marchés étrangers contigus à notre frontière, alors surtout que nous n'avons pas un très grand nombre de marchés sur lesquels nous puissions présenter notre bétail.
M. le ministre des finances a parlé tantôt des conventions diplomatiques. C'est spécialement à ce point de vue que j'ai, pour ma part, à appuyer la proposition de M. Vandenpeereboom, amendée par M. Manilius. Si nous établissons un droit de transit, et que plus tard nous ayons à négocier avec la Hollande pour obtenir un traité général, l'abolition ou la diminution du droit de transit sur le bétail pourra nous faire accorder des compensations. Je m'emparerai de l'exemple invoqué par M. le ministre des finances, quant aux produits de nos forges et aux fers expédiés en Allemagne, et je dirai que si nous voulons que le marché français nous resté ouvert et nous reste ouvert à des conditions favorables pour notre bétail, nous ne devons pas établir une liberté entière de transit vis à vis d'un pays dont la production est presque illimitée. Il ne faut pas que nous fassions une trop grande peur aux éleveurs français, de la concurrence belge augmentée de cette concurrence si considérable des éleveurs hollandais.
Je crois, messieurs, que les honorables députés d'Anvers ne doivent pas voir dans ce droit de 8 et de 4 fr. l'abolition de la navigation qui a lieu dans l'Escaut pour transporter jusqu'à la tête de Flandre le bétail, destiné au marché français.
Ainsi que je l'ai dit en commençant, ce droit de transit pourra modifier peut-être les prix de revient sur le marché de Lille et autres marchés français, du bétail hollandais en concurrence avec le nôtre, il pourra par suite nous laisser un léger avantage; mais il ne suffira certainement pas pour empêcher le transit. D'ailleurs, messieurs, si c'est là l'intérêt qui préoccupe ces honorables membres, et je pense qu'il en est ainsi, alors je les engagerai à proposer une réduction sur le droit, pour arriver à ce chiffre où il ne serait plus prohibitif.
Puisqu'on admet un droit de transit pour les chevaux, je ne vois aucun motif de ne pas en admettre un pour le bétail dont il s’agit en ce moment; je ne comprendrais pas qu'on fît une différence entre ces deux catégories, ou plutôt il me semble qu'il faudrait de préférence appliquer la mesure au bétail destiné au marché français, attendu que c'est un objet de production plus grande et de vente plus courante.
Lorsqu'il s'agira d'établir, soit par les traités, soit par la loi, un régime plus libéral en matière de commerce, je serai du côté de ceux qui défendront la liberté; mais aussi longtemps qu'on maintient un régime partiellement libéral, partiellement restrictif, je demanderai qu'on soit conséquent. En attendant, je crois qu'on est parfaitement logique lorsque, dans l'état de notre législation générale, on propose un droit de transit sur le bétail.
M. de Haerne. - Messieurs, je suis d'accord avec l'honorable préopinant qui vient de se rasseoir : il faut établir dans nos lois de l'harmonie, il faut être conséquent dans les cas particuliers avec les principes que l'on admet en général. L'honorable M. Toussaint a très bien démontré que, puisqu'il existe des droits sur d'autres articles, il n'y a pas le moindre motif pour ne pas établir aussi un droit raisonnable sur le bétail en transit. Toute la question est de savoir, comme il vient de le dire très bien, si le droit proposé est prohibitif ou trop élevé. Pas plus que les honorables membres qui ont défendu tout à l'heure la liberté, pas plus qu'eux je ne veux un droit trop élevé ; je ne veux pas anéantir la concurrence, car il pourrait en résulter un certain froissement dans nos relations établies, et d'ailleurs la concurrence est un stimulant toujours nécessaire.
Ainsi, messieurs, j'appuie le principe de l'amendement de l’honorable M. Vandenpeereboom, et je me rallie de préférence à celui de l'honorable M. Manilius; mais avant de dire de quelle manière je voudrais que le droit fût appliqué, je ferai quelques observations que je crois utiles, en (page 1595) réponse à ce qui a été allégué tout à l'heure dans un sens contraire à mon opinion.
Je viens répondre à quelques objections de M. le ministre des finances. Je n'entrerai pas dans la discussion dans laquelle il est entré, au sujet de la liberté du commerce, dans ses applications aux céréales. Je ferai une seule observation. M. le ministre a cité l'exemple de la France. J'ai déjà déclaré plusieurs fois que l'exemple de la France est souvent très mal invoqué en cette matière. On ne remarque pas que la France a considérablement augmenté sa production de céréales sous le régime d'une loi éminemment protectrice.
Ce fait capital est constaté par la statistique agricole de France; on n'en tient presque jamais compte dans cette discussion. Il en est résulté, si vous voulez, un avilissement dans les prix; mais ce que le cultivateur a pu perdre de ce côté, il l'a regagné par la quantité, et aussi en ce que ce produit est généralement plus avantageux pour le cultivateur que les autres.
L'échelle mobile a mis l'agriculture française à l'abri du danger d'une trop forte baisse, ce qui n'empêche pas que les prix des céréales, établis en moyenne sur un certain nombre d'années, aient été plus bas en France qu'en Belgique.
Messieurs, j'en viens au transit. A cet égard, M. le ministre des finances a raisonné, je dois le dire, dans un sens dont je ne puis pas saisir la portée.
Il m'a semblé dire que, dans cette matière, les droits protecteurs ne produisent pas l'effet désiré, qu'ils ne protègent pas, ou même qu'ils produisent un effet opposé à celui qu'on en attend.
Mais, messieurs, c'est là un renversement complet des idées que les hommes pratiques admettent en cette matière. Or si le principe défendu par M. le ministre des finances était vrai, si l'effet protecteur était nul, dans ce cas même il faudrait encore établir des droits, ne fût-ce qu'au point de vue fiscal.
Si les droits protecteurs doivent avoir l'effet que semble indiquer M. le ministre, pourquoi dès demain n'établirait-on pas un droit sur les céréales? II en résulterait au moins quelques millions pour le trésor.
Mais M. le ministre va plus loin et semble vouloir établir, en principe, que les droits protecteurs, en matière de transit, diminuent nos exportations vers les marchés où nous rencontrons la concurrence des produits qui ont subi l'aggravation du droit de transit.
Il a dit, à l'appui de cette idée, qu'en 1844, il y a eu augmentation de nos exportations vers la France, alors que le transit était libre, tandis que nos exportations ont diminué vers ce pays en 1845, après le rétablissement du régime de protection ; l'honorable ministre en a conclu que la protection, en matière de transit, ne peut produire l'effet qu'on en attend.
L'honorable M. Coomans a très bien répondu que si le transit libre n'avait pas existé en 1844, nous aurions exporté davantage. Qu'a répondu M. le ministre? Il a dit qu'il fallait suivre les faits ; je le veux bien; les faits constatent les choses que vous voulez établir pour les années dont vous vous occupez ; mais vous ne connaissez pas toutes les circonstances qui ont concouru pendant ces années à ces résultats.
Il peut se présenter une foule de circonstances qui influent sur les prix, sur le mouvement des marchandises et qui viennent changer l'ordre des choses pour telle ou telle année ; mais il ne s'ensuit pas que ces faits doivent se présenter toujours. Ils sont l'effet de plusieurs causes réunies, qui ne se présentent pas toujours, et vous les attribuez à une seule cause ! Pour expliquer comment une augmentation dans le transit peut amener une augmentation dans nos propres exportations sur les mêmes marchés étrangers, M. le ministre nous a dit : « Par suite de l'affluence du bétail étranger, favorisée par le libre transit établi en Belgique, ce produit a considérablement augmenté sur le marché français; il en est résulté qu'il s'est présenté beaucoup plus d'acheteurs et que par là même nous avons été dans le cas d'exporter une plus grande quantité de nos bestiaux vers le même marché, par suite de l'augmentation de la demande. »
Messieurs, si l'on peut pousser ce raisonnement jusqu'à ses dernières conséquences, il doit en résulter à l'évidence que si, sur le même marché, il y a eu une plus grande quantité de produits, les prix doivent en avoir été avilis, à moins que vous ne supposiez que les besoins de la consommation ont augmenté en France en même temps, ce qui ne peut être admis.
Je rétorque donc avec avantage contre M. le ministre des finances l'argument qu'il a fait valoir : car, si les prix ont dû être nécessairement avilis, c'est au détriment de notre agriculture que ce fait s'est présenté.
Messieurs, j'appuie l'amendement de l'honorable M. Manilius, en y ajoutant cependant un correctif.
On dit que dans les années dont il s'agit, lorsque la liberté du transit existait, il y a eu une augmentation d'exportation, tandis que sous le régime contraire, il y a eu diminution ; j'admets ce résultat pour ces années, je reconnais qu'il peut se présenter encore; mais je dis qu'on ne peut pas l'admettre comme une règle dans la matière.
Je crois que le gouvernement devrait être autorisé à appliquer le droit dans une certaine mesure. Pour le gros bétail, le droit serait de 4 francs au moins et de 8 francs au plus; pour le petit bétail, de 2 francs au moins tt de 4 francs au plus. Cette modification à l'amendement de l'honorable M. Manilius me paraît de nature à obvier à tous les inconvénients. Le gouvernement appliquera le minimum ou le maximum d'après les circonstances.
- Le sous-amendement de M. de Haerne est appuyé.
M. Osy. - Après ce que viennent de dire M. le ministre des finances et M. Loos, il me reste peu de chose à ajouter pour combattre les propositions qui vous sont faites. Je commencerai par dire qu'Anvers est désintéressé dans cette question. On ne propose le transit du bétail que par le chemin de fer ; le bétail vient par de petites embarcations à Anvers, conduit par des Hollandais de la Zélande, qui vont directement le remettre au chemin de fer.
Nous plaidons pour augmenter les recettes du chemin de fer ; certes, nous ne le ferions pas si nous y voyions un détriment à l'agriculture du pays. Les propositions des députés des Flandres sont un droit prohibitif. Avant la crise alimentaire, nous avions un droit d'entrée de 50 fr. ; depuis nous avons autorisé le gouvernement à laisser entrer le bétail à prix réduit; le droit d'entrée pour le gros bétail a été réduit à 15 francs ; il n'y a eu aucune réclamation, malgré cette réduction de 35 francs.
Un droit de transit de 6 fr. est. encore un droit de 4 p. c. Avec un pareil droit vous n'aurez plus de transit du tout; et la France ne recevra pas moins de bétail étranger, car la Hollande continuera à expédier son bétail par Flessingue et Rotterdam vers Dunkerque en bateau à vapeur. Le bétail, dit-on, souffre du voyage par mer ; mais la Hollande en expédie considérablement vers l'Angleterre depuis qu'on y a adopté le « free trade » et on ne trouve pas grand inconvénient à ce transport; cependant il y a plus loin de la Hollande pour se rendre en Angleterre que pour gagner Dunkerque.
Si l'amendement le plus réduit était adopté, cela équivaudrait à l'interdiction du transit, car la Hollande recommencerait à exporter de Rotterdam ou de Flessingue vers Dunkerque; de manière que je ne puis donner mon assentiment aux amendements proposés par les honorables membres.
M. Dumortier. - Les mots ont une grande influence, un grand prestige dans les assemblées délibérantes ; c'est ainsi que le transit est souvent considéré comme une chose qu'on ne peut pas assez favoriser tant elle rapporte d'avantages pour le pays. Cependant ce n'est pas ainsi que l'entendaient nos devanciers. Quand dans le siècle dernier on a réglé les conditions du transit en Hollande, aucun des écrivains qui ont préconisé les avantages du transit ne l'a entendu comme on l'entend aujourd'hui, c'est-à-dire une espèce de passage en ballon sur le pays. On entendait par transit un commerce achat et revente, l'établissement d'un marché dans le pays, ce qui procurait des bénéfices considérables.
Sous ce point de vue, c'était une chose éminemment avantageuse. Mais si nous considérons le transit comme le passage en courant sur notre territoire, je dirai que ce n'est pas une chose bien lucrative. A la vérité, le transit serait plus considérable, mais il donnerait moins de bénéfice. L'on devrait faire en sorte qu'il y eût le plus de transit possible. Il faudrait choisir celui qui s'effectuerait avec le moins de frais et le plus vite, c'est celui qui pourrait se faire en ballon. Je vous demande ce que cela laisserait au pays.
Vous voulez rendre le transit excessivement commode par la voie du chemin de fer, réduire les frais de manière que tout le monde puisse en profiler ; qu'est-ce que le public et le chemin de fer y gagneront? Rien, et vous créerez une concurrence à vos producteurs ; vous ferez une chose mauvaise, en ce sens que les dépenses faites pour l'établissement du chemin de fer ne serviront pas au pays qui les a payées, mais à l'étranger qui vient faire concurrence à nos produits.
On veut faire transiter le bétail autant dire pour rien; quelle sera la conséquence de ce système? C'est que, les collègues députés comme moi des Flandres vous l'ont déjà dit, vous aurez sacrifié l'industrie agricole du pays à l'industrie étrangère.
On a parlé de l'industrie manufacturière. D'après M. le ministre des finances, il existe deux manières d'examiner la question du transit. Quand il s'agit des intérêts de l'agriculture, on la considère autrement que quand il s'agit des industries manufacturières, de extractions de minerais.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai pas dit cela.
M. Dumortier. - Cela est indiqué dans vos paroles.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai pas dit un mot qui ressemble à cela.
M. Dumortier. - Répondant à M. Coomans, vous avez dit qu'il ne fallait pas confondre l'industrie agricole avec les industries manufacturières, que le transit ne devait pas être envisagé de la même manière.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai pas dit un mot de cela.
M. Dumortier. - Il s'agissait de denrées alimentaires. Or, depuis le grain jusqu'à la viande, c'est une denrée alimentaire.
- Un membre. - Jusqu'au foin.
M. Dumortier. - Le foin, vous le mangez sous la forme de bétail.
Je n'admets pas un pareil système ; la protection doit être étendue à l'agriculture comme aux autres produits de notre sol. On voudrait avoir l'entrée des céréales libre de droit. Remarquez que chaque hectolitre de froment cultivé sur notre territoire coûte 50 centimes de droit d'entrée pour venir sur le marché. Ouvrez la statistique du gouvernement, vous verrez que chaque hectare cultivé en froment fournit 18 hectolitres de froment, l'impôt est de 9 fr. au minimum.
Il en résulte que chaque hectolitre paye 50 c. pour venir sur le marché. Vous voulez la libre entrée pour le froment étranger, vous (page 1596) établissez par là un demi-franc de défaveur pour le froment du pays. Voilà où conduit le système de liberté absolue pour les denrées alimentaires. On a parlé des années abondantes ; mais ce sont souvent les plus fatales aux cultivateurs. Dans l'année qui vient de s'écouler, il y a eu une baisse considérable ; elle a laissé cependant une marge quelconque au producteur; pourquoi ? Parce qu'il y a eu disette absolue de pommes de terre, en Irlande, parce que les céréales ont manqué dans les pays qui habituellement en fournissent à l'Angleterre, et qu'il lui a fallu venir en chercher en Belgique.
Mais supposez une année où vous n'ayez pas eu cette disette de pommes de terre en Irlande, cette disette de céréales dans les pays voisins, nos céréales seraient tombées au prix de 10 ou de 12 fr. Est-ce là, je vous le demande, un prix rémunérateur?
On me dira peut-être : « Vous voulez élever le prix du pain, qui est la nourriture de l'ouvrier. » Je réponds : « Je parle dans l'intérêt de l'ouvrier. » Je me suis souvent entretenu de cette question avec des ouvriers; tous ils m'ont dit : Que m'importe de payer le pain 1 ou 2 c. de plus par livre, pourvu que j*aie du travail !
En industrie, tout se lie. La Belgique a 4 millions d'habitants; 3 millions habitent les campagnes; s'ils ne peuvent vendre les produits de leur culture à un taux qui constitue un prix rémunérateur, ils n'achèteront rien aux fabriques ; les fabriques ne travailleront plus; les ouvriers seront sans ouvrage. On ne peut traiter ces questions d'une manière absolue; il faut rester dans de sages limites. Si les céréales sont à 8 fr. et que l'ouvrier n'ait pas de travail, le pain sera encore trop cher pour l'ouvrier, puisqu'il ne pourra pas le payer; tout se tient: intérêt de l'agriculteur et intérêt de l'ouvrier. C'est une chaîne indissoluble.
Il en est de même pour l'industrie de l'élève du bétail. Si l'on n'admet pas l'amendement présenté par les honorables MM. Vandenpeereboom et Manilius, vous arriverez à ce résultat que nos propres bestiaux, nos bestiaux élevés sur notre propre sol, arriveraient sur le marché français à un prix beaucoup plus élevé que les bestiaux élevés en Hollande. Est-ce là ce que vous voulez ? Vous nous feriez concurrence sur notre marché au détriment du trésor public. Comment, vous feriez payer à l'agriculture des verges pour la battre ! Ce serait un peu trop fort !
Ayons donc pour l'agriculture un intérêt aussi grand que celui que nous inspirent les autres branches de l'industrie du pays. Il est incontestable que cette branche importante de la richesse publique a droit aussi à toute notre sollicitude.
On l'a dit avec raison tout à l'heure : malgré le droit de 18 francs dont il est frappé, le bétail hollandais arrive sur notre marché. Le droit de transit, fixé à 8 francs pour le gros bétail, ne serait que la moitié du droit d'entrée. Donc le droit n'est pas trop élevé.
Ici, je rencontre une observation de l'honorable M. Osy : c'est l'intérêt du chemin de fer.
Ne savons-nous pas à quoi se réduit l'intérêt du chemin de fer? A nous donner annuellement un déficit de 7 à 8 millions de francs.
Pensez-vous que c'est en abaissant toujours les tarifs que vous arriverez à un résultat. Oui, vous arriverez à un résultat tout autre que celui que vous attendez.
L'honorable M. Osy vous dit : Mais si vous n'admettez pas le libre transit, le bétail de Hollande sera envoyé en France, par Dunkerque. Je ferai remarquer à mon honorable collègue que le bétail, transporté par cette voie, arriverait à Dunkerque, malade, et par suite déprécié. Les éleveurs hollandais donneront donc la préférence à notre chemin de fer, nonobstant le droit de transit.
Que vous a-t-on dit, quand on a demandé 400,000 francs pour les convois de nuit? On a dit que ce serait une immense ressource.
Je me hâte de dire que M. le ministre des travaux publics a eu la sagesse d'adopter un système plus économique que celui qui avait été annoncé. Il m'a fait l'honneur de me le dire; je suis heureux de le déclarer à la chambre. Il n'en est pas moins vrai que le résultat le plus clair de l'allocation du crédit de 400,000 fr. pour les services de nuit sera simplement une dépense improductive. Cela permettra aux négociants d'Anvers de se rendre en une nuit à Cologne, de recevoir des dépêches chaque matin. Mais si ces messieurs font de si brillantes affaires, ils n'ont qu'à prendre des convois spéciaux et à les payer. Je ne vois pas pourquoi la Belgique supporterait les frais de leurs opérations.
J'ai démontré que le droit de transit n'empêchera pas le transport du bétail par le chemin de fer. Ce droit concilie les intérêts de l'agriculture et du trésor public. Ce serait faire une faute très grave d'admettre le libre transit, uniquement en vue d'une recette plus considérable. S'il est vrai de dire qu'en matière de finances 2 et 2 ne font pas toujours 4, il ne faut pas en conclure que la moitié de 2 est 10. Il faut mettre une grande réserve dans ces calculs.
Je regrette de ne pouvoir adopter l'amendement proposé par mon honorable collègue et ami M. de Haerne. La raison en est très simple : c'est que ce serait compliquer la question.
Ensuite nous ne pouvons convenablement laisser au gouvernement le droit d'établir des impôts. Aux termes de la Constitution, les impôts doivent être établis par la loi ; d'après la proposition de l'honorable membre l'impôt serait établi par arrêté royal. Ce serait inconstitutionnel.
Je pense donc que nous devons donner la préférence à l'amendement de MM. Vandenpeereboom et Manilius. J'espère que la chambre, dans sa sollicitude pour l'agriculture, n'hésitera pas à l'adopter.
- La discussion est close.
M. Coomans. - Il me semble que l'on devrait voter d'abord sur l'amendement de M. Vandenpeereboom, qui s'écarte le plus de la proposition du gouvernement, laquelle n'admet pas de droit du tout.
M. le président. - Il y a un amendement à la proposition du gouvernement : c'est celui de M. Vandenpeereboom. Il y a ensuite deux sous-amendements : celui de M. Manilius et celui de M. de Haerne. Aux termes du règlement, les sous-amendements doivent être mis aux voix avant les amendements.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ferai remarquer que l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom ne se rapporte pas à l'article 6 de la loi. Il se rapporte à l'article 8. La question a été traitée à l'occasion de l'article 6, parce que, dans le premier paragraphe, l'article 6 pose le principe de l'exemption du droit au transit sur certaines marchandises. Je n'ai pas fait d'observation, parce qu'il était indifférent que la préposition de l'honorable M. Vandenpeereboom fût discutée à l'occasion de l'article 6 ou à l'occasion de l'article 8 ; mais elle ne peut trouver sa place que dans l'article 8.
M. A. Vandenpeereboom. - L'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer sur le bureau se compose de deux parties.
Je propose d'abord d'ajouter à l'article 6 ces mots : les bestiaux, etc. En effet, messieurs, cet article porte que le transit de toutes les marchandises est libre par le chemin de fer, c'est là la règle, mais le même article excepte quelques produits, et puisque mon amendement a pour objet d'excepter aussi le bétail étranger, j'ai cru devoir consacrer cette nouvelle exception par une mention spéciale à cet article, sauf à déterminer à l'article 8 quel sera le chiffre du droit de transit.
Il s'agit donc ici de savoir si le transit du bétail sera soumis à un droit quelconque, et si cette partie de mon amendement est adoptée, la chambre décidera à l'article 8 lequel des trois amendements elle adopte.
M. le président. - La proposition de M. Vandenpeereboom se rattache en partie à l'article 6. La voici :
« Je propose d'ajouter :
« 1° A l'article 6, paragraphe premier, après les mots : « Les ardoises, les charbons, » ces mots : « et les bestiaux : bœufs, taureaux, vaches, taurillons, bouvillons et génisses. »
« 2° A la fin de l'article 8 :
« Bestiaux.
« Bœufs, taureaux, vaches, par tête ; fr. 12. »
« Taurillons, bouvillons, génisses, par tête : fr. 6. »
L'amendement se rattache donc, pour la première partie, à l'article 6.
- L'appel nominal est demandé.
En voici le résultat :
58 membres prennent part au vote.
36 votent pour l'amendement.
22 votent contre.
En conséquence, l'amendement est adopté.
Ont voté l'adoption :
MM. Moncheur, Moxhon, Pierre, Pirmez, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Dequesne, Van Cleemputte, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest], Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Allard, Ansiau, Coomans, Cumont, de Bocarmé, Debroux, Dedecker, de Haerne, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Meester, de Perceval, de T'Serclaes, Dumortier, Faignart, Jacques, Julliot, Lelièvre, Manilius, Mascart et Verhaegen.
Ont voté le rejet : MM. Orts, Osy, Prévinaire, Rollin, Veydt, Anspach, Bruneau, Cans David, de Baillet (Hyacinthe), de Brouwer de Hogendorp, Delfosse, de Royer, Destriveaux, d'Hoffschmidt, Dolez, Frère-Orban, Dumon (Auguste), Lange, Lesoinne et Loos.
L'article 6, ainsi amendé, est adopté.
« Art. 7. Sans préjudice des dispositions des articles 6, 8 et 9, les marchandises de toute espèce sont admises au transit moyennant le droit de 10 centimes par 100 fr. de valeur.
« Toutefois, celles qui sont tarifées au poids, au nombre ou à la mesure, sont soumises au droit de 10 centimes par unité servant de base au droit d'entrée, à moins que le déclarant n'opte pour le droit à la valeur, »
La section centrale propose, comme amendement, la rédaction suivante :
« Art. 7. Sans préjudice des dispositions des articles 6, 8 et 9, les marchandises de toute espèce sont admises au transit moyennant le droit de 10 centimes par 100 kilogrammes, qu'elles soient tarifées au poids ou à la valeur.
« Toutefois, celles qui sont tarifées au nombre ou à la mesure sont soumises au droit de 10 centimes par unité servant de base au droit d'entrée. »
M. Loos, rapporteur. - Messieurs, la section centrale a pensé qu'il faut faire disparaître tout ce qui peut entraver le transit. Ainsi le droit de transit se trouvant réduit, dans la plupart des cas, à un simple droit de balance, il lui a semblé qu'il ne fallait pas maintenir à la douane le droit de préemption. Ce droit doit subsister comme garantie pour le trésor lorsqu'il s'agit de marchandises destinées à la consommation intérieure, mais il est complètement inutile pour des marchandises qui ne font que (page 1597) traverser le pays ; il ne servirait alors qu'à favoriser des spéculations des employés de la douane. La section centrale a donc pensé qu'il convenait de remplacer les déclarations de la valeur par des déclarations du poids dont la vérification est facile, attendu que le poids est constaté par l’administration du chemin de fer.
Dans quelques circonstances, messieurs, la douane a fait usage du droit de préemption alors qu'il s'agissait de marchandises devant simplement traverser le pays et qui ne devaient payer qu'un droit de 25 centimes par 100 fr. Aussi la préemption n'avait eu lieu que dans l'intérêt des employés, et l'administration des finances n'a pas sanctionné ce qui avait été fait. C'est ce qui est arrivé dans tous les cas dont j'ai connaissance.
C'est, messieurs, comme acheminement vers la suppression du droit de préemption que la section centrale propose un mode de déclaration beaucoup plus facile et qui ne peut donner lieu à aucune espèce de difficulté ni de préjudice pour le trésor, c'est-à-dire la déclaration au poids.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, la section centrale avait d'abord proposé de supprimer dans tous les cas le droit de préemption, et c'est par ce motif qu'elle a modifié la rédaction de l’article 7. La section centrale disait que l'on devait comprendre que la marchandise n'ayant aucun droit à acquitter, la marchandise n'étant pas même dans la généralité des cas susceptible d'être visitée, l'expéditeur mettait fort peu de soin dans la déclaration faite à la douane et que, par conséquent, le droit de préemption pouvait donner lieu à des abus sans qu'il offrît jamais aucune espèce d'avantage. Cependant, avant de se prononcer, la section centrale a cru devoir consulter le département des finances qui a bientôt fait comprendre que le droit de préemption devait être maintenu, non pas en vue du droit de transit, mais en vue du droit d'entrée.
Cette observation a convaincu la section centrale : elle a dit, en effet, que du moment où l'on pouvait renoncer au transit et où l'on devait ainsi acquitter le droit d'entrée, il fallait bien, maintenir la faculté de préemption, mais elle a restreint cette faculté au seul cas de renonciation au transit. Elle persiste dans son opinion pour le surplus. Eh bien, je crois que si la section centrale avait demandé sur cette modification l'opinion du département des finances, elle aurait reconnu également qu'il est impossible de consacrer son système.
La section centrale admet le droit de préemption en principe, mais pour éviter ce qu'elle appelle des abus, elle propose de remplacer le droit à la valeur par un droit au poids et elle réserve le droit de préemption pour le cas de renonciation au transit.
Voici maintenant, messieurs, ce qui pourra arriver. On déclare en transit des marchandises dont la valeur réelle est de 20,000 fr. et qui seraient soumises à un droit de 20 p. c. à la valeur, ce qui donnerait lieu à la perception d'une somme de 4,000 Fr.
Au lieu de porter la valeur à 20,000 fr., on la fixera à 5,000 fr., à titre de renseignement pour le calcul éventuel du droit d'entrée, et pour le transit on se bornera à faire la déclaration sur la base légale, c'est-à-dire au poids. Plus tard, on laissera les marchandises dans le pays, mais sans faire la déclaration de renonciation au transit. On ne fait aucune espèce de déclaration, seulement on ne reproduit pas l'acquit déchargé. Qu'arrive-t-il ? C'est que celui qui avait fait la déclaration est passible d'une amende de 25 fr. pour ne pas représenter l'acquit déchargé et qu'il payera le droit d'entrée sur la valeur déclarée, valeur qui a été fixée à 5,000 fr.
On percevra 20 p. c. sur 5,000 fr., de telle sorte que celui qui aura accompli cette manœuvre bénéficiera de 2,975 fr.
Vous comprenez, messieurs, qu'il est impossible d'admettre un système qui pourrait donner lieu à de pareils inconvénients. Il est évident que cette fraude se pratiquerait immédiatement avec le système de la section centrale. On ne renoncerait pas au transit parce que dans ce cas-là il y aurait lieu au payement des droits d'après la valeur réelle; mais il y aurait non-reproduction de l'acquit déchargé, et en conséquence bénéfice de la somme que je viens d'indiquer.
Ces seules considérations démontrent que le projet doit être maintenu.
Nous nous occuperons de la préemption, lorsque nous discuterons l'article 35.
Il est bien vrai que la section centrale maintient la préemption dans le cas de renonciation au transit. Mais, comme je viens de le prouver, cela ne peut suffire en aucune manière.
La préemption ne présente pas les inconvénients que craint la section centrale ; la préemption est en réalité une simple menace qui doit exister; jusqu'ici, il n'y a eu préemption que dans des cas fort exceptionnels; mais si la faculté de préempter n'existait pas, la fraude serait pratiquée sur une large échelle, à l'aide des facilités du transit.
M. Loos, rapporteur. - M. le. ministre des finances nous cite des cas où la fraude pourrait exister ; il suppose des articles tarifés à la valeur, quant aux droits d'entrée, et dont on n'aurait qu'à déclarer le poids; il suppose ensuite que finalement, on n'exporte pas ces articles, il nous demande : « Comment fixerez-vous la valeur ? On aura déclaré, par exemple, une valeur de 5,000 fr., alors que la valeur réelle serait de 20,000 francs. Je suppose que la marchandise ainsi déclarée reste dans le pays et que celui qui l'a fait entrer, pour la transiter, ne reproduise pas l'acquit, et se soumette ainsi aux pénalités de la loi. »
Mais il est évident que si vous admettez ce que propose la section centrale, une déclaration au poids pour les articles qui sont tarifés à la valeur, il faudrait, dans ce cas, alors que l'acquit ne serait pas reproduit, alors que la marchandise serait restée dans le pays, il faudrait que l'amende fût calculée au maximum de la valeur.
Cependant, je dois convenir que ce cas devrait être prévu dans la loi. Comme aujourd'hui la généralité des transports se font par le chemin de fer, on pourrait dire que les déclarations des marchandises tarifées à la valeur pourront être tarifées au poids pour toutes les expéditions prévues dans les premiers articles du projet de loi, c'est-à-dire celles qui se font directement par le chemin de fer.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable rapporteur demande que le système de la section centrale soit au moins appliqué aux transports par le chemin de fer. Je ne puis pas admettre le système de la section centrale même dans cette limite. Les marchandises transportées par le chemin de fer en transit, sont à la vérité sous la surveillance des agents de l'administration ; mais elles sont aussi à la disposition du commerce. Si les colis sont enlevés, de quelle disposition armez-vous l'administration ? Ces enlèvements ne sont pas impossibles; le chargement et le déchargement ne se font pas instantanément.
C'est même pour ce motif que je combattrai une autre disposition de la section centrale, qui veut dispenser de fournir la caution pour le payement éventuel des droits. Je ne pense pas que si le système de la section centrale était admis, restreint comme il vient de l'être par l'honorable M. Loos, il y eût la moindre sécurité pour le payement des droits. Notre système douanier serait compromis. Or, tant qu'il existe, il faut l'exécuter. Rien ne serait plus facile que d'éluder les droits de douane; la fraude qui se pratique déjà jusqu'à un certain point, se pratiquerait désormais sur une plus large échelle. Il faut que l'administration soit armée d'un moyen efficace pour empêcher qu'une pareille fraude puisse avoir lieu.
Je persiste à demander l'adoption pure et simple du projet du gouvernement.
M. Loos, rapporteur. - M. le ministre des finances s'est attaché à prouver que l'article, tel qu'il est rédigé par la section centrale, pouvait donner lieu à quelques inconvénients ; mais j'ai donné le moyen d'éviter ces inconvénients. M. le ministre demande ce que l'on fera si les marchandises, confiées au chemin de fer, sont enlevées ; mais dans ce cas les déclarants ne perdent pas seulement le droit d'entrée, ils perdent encore toute la valeur de la marchandise.
Une fois la marchandise confiée aux agents du gouvernement, ils doivent la surveiller, non seulement à cause du droit d'entrée qui pourrait être fraudé, mais de la marchandise elle-même dont le gouvernement est responsable si elle est enlevée. En effet, la marchandise lui est remise pour être expédiée en transit, comment peut-elle être enlevée? Elle est sur ses waggons ou dans ses magasins. Si elle est enlevée, le propriétaire a le droit d'en réclamer la valeur. Elle sera, dites-vous, enlevée par le propriétaire ! Mais c'est que vous lui aurez donné accès dans le lieu où elle est déposée; du moment qu'elle vous est confiée, vous ne devez pas la perdre de vue, elle ne doit pas sortir de vos magasins ou stations, elle doit être à l'abri de toute soustraction ou substitution, de sorte que je ne comprends pas cet argument : nous ne pouvons pas souscrire à la proposition qui est faite, parce que s'il n'y avait ni caution, ni droit de préempter, on pourrait enlever la marchandise. A un pareil argument, je ne puis répondre ; au point de vue où s'est placée la section centrale, elle a cru que le gouvernement aurait des agents fidèles et qu'on ne pourrait pas dire que la marchandise a été enlevée.
Si dans un entrepôt public une soustraction était faite, comment percevriez-vous le droit d'entrée ?
De même, si dans un de vos waggons ou magasins du chemin de fer des marchandises expédiées en transit étaient enlevées, toute espèce de droit vous échapperait.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable membre paraît supposer que la fraude ne se fait pas, que la substitution d'un colis à un autre ne peut pas avoir lieu, que la surveillance de l'administration doit suffire, qu'en tout cas, si un enlèvement avait lieu, ce serait à l'administration à en répondre. Je sais par expérience que la fraude se pratique sur une assez vaste échelle, notamment par voie de substitution de colis ; et l'administration, malgré la surveillance la plus active, a pu constater que le trésor essuyait de ce chef de graves préjudices. C'est pour cela que nous ne voulons pas que l'administration soit désarmée.
La mesure que nous proposons ne présente pas d'inconvénient. En effet, elle existe depuis un très grand nombre d'années, et quel inconvénient a-t-on signalé ? A-t-on signalé aucun abus, aucune vexation résultant du droit de préemption? S'il s'agissait d'une mesure nouvelle qu'on n'eût pas encore expérimentée, je concevrais qu'on manifestât des craintes; mais cette mesure existe, et jamais son application n'a donné lieu à aucune plainte fondée. D'après les documents que j'ai consultés, je puis vous dire ce qui s'est passé depuis dix-huit mois: il n'y a pas un seul cas de préemption. Précisément parce que ce pouvoir de préempter existe, on n'a pas pu commettre la fraude aussi facilement qu'on la commettrait si ce droit disparaissait.
J'ai une autre observation à présenter. Si le droit de préempter n'était pas maintenu dans la loi, il y aurait une anomalie; car, d'après l'article 21, les importations sur entrepôt et les sorties d'entrepôt pour le transit ont lieu conformément à la loi du 4 mars 1846. Or aux termes de la loi du 4 mars 1846 et du règlement du 7 juillet 1847, ces marchandises sont assujetties à la préemption, de sorte que la préemption serait abolie dans tous les cas de transit, et maintenue précisément dans un cas où il serait plus rationnel de la faire disparaître.
Je persiste donc à m'opposer à la modification proposée.
(page 1598) M. David. - Toute substitution est impossible pour les marchandises expédiées en transit par le chemin de fer. En effet, que dit le premier paragraphe de l'article 11 de la loi que nous discutons?
« Les marchandises expédiées en transit direct par le chemin de fer de l'Etat sont placées dans des waggons distincts, n'ayant d'autre issue que les panneaux de charge. Celles qui ne sont pas susceptibles d'être transportées dans des waggons fermés sont chargées sur des waggons recouverts d'une bâche disposée pour cet usage. »
Maintenant viennent les formalités nécessaires pour empêcher qu'on ne puisse ouvrir les waggons qui partent d'une frontière et vont à l'autre sous la surveillance continue, non interrompue de la douane. Ainsi, pour le transit par le chemin de fer, M. le ministre a exagéré les dangers de substitution. En conséquence, j'appuie la section centrale dans la proposition qu'elle fait à la chambre.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il est vrai que l'article 11 prescrit des mesures qui offrent des garanties lorsque les marchandises sont chargées; mais avant que les marchandises soient placées dans les waggons, il n'y a pas de sécurité. Je raisonne en vue des faits qui peuvent se passer alors que les marchandises sont présentées et qu'elles ne sont pas encore placées sur les waggons. Il faut alors avoir des garanties contre les substitutions ; c'est ce qu'on recherche en proposant l'article 10 et les formalités inscrites dans les articles 7 et 33 du projet.
- La proposition de la section centrale est mise aux voix.
Elle n'est pas adoptée.
L'art. 7 proposé par le gouvernement est adopté.
« Art. 8. Les marchandises désignées ci-après sont soumises à des droits spéciaux de transit, savoir :
« arrivant d'une partie d'un Etat limitrophe et destinés pour une autre partie du même Etat, les 1,000 kilog., 0 40 ;
« autrement, id., 6 00.
« Chevaux et poulains, par tête, 4 00
« Draps, casimirs et tissus similaires où la laine domine, les 100 kilogrammes, 8 00.
« Pierres : Ardoises, les 1,000 pièces, 1 60. »
M. Coomans. - Messieurs, j'engage l'honorable M. de Haerne à retirer son amendement. J'ai pour cela deux motifs que je vous indiquerai très sommairement.
Si l'amendement de l'honorable M. de Haerne était adopté, le minimum seul serait appliqué par le gouvernement. Je n'en fais pas un reproche au gouvernement; au contraire; chacun doit agir d'après ses convictions. Placé en présence de deux chiffres, dont l'un, relativement élevé, lui semble mauvais, et l'autre mauvais aussi, quoique plus faible, naturellement, le ministère ayant le choix, n'appliquera que le moindre chiffre.
Voilà donc pour ce qui regarde l'espèce de protection que nous voulons accorder à l'agriculture.
En deuxième lieu, il est toujours dangereux, ce me semble, de laisser au pouvoir exécutif la faculté de modifier les droits de douane. La diplomatie étrangère pèse toujours plus ou moins sur l'action gouvernementale.
Il est bon que le gouvernement puisse répondre aux étrangers : Ce que vous me demandez est impraticable; je suis lié par une disposition législative.
Quant au fond, un mot encore.
Les chiffres proposés par l'honorable M. Vandenpeereboom ne sont réellement pas trop élevés; ils tendent à faire payer au consommateur français, pour le bétail hollandais, un peu moins que ne paye le consommateur belge. Certes, il n'y a là aucune exagération, aucune injustice.
On me dit : Imposer un droit de transit un peu efficace sur le bétail, c'est priver le chemin de fer d'une ressource plus que jamais précieuse. Telle est la pensée émise par l'honorable M. Osy, et partagée par d'autres honorables membres.
Mais s'il ne s'agissait que de cela, il y aurait, en rentrant dans les principes qui sont si chers à tant d'honorables membres de cette chambre, un moyen de fournir des recettes au chemin de fer. Qu'on autorise le transit du poisson, de la houille et du sucre, tous objets encombrants.
Je fais abstraction de l'article fers, sur lequel l'honorable ministre des finances nous a donné des explications assez ingénieuses, que je n'apprécierai pas ici, pour ne pas allonger le débat.
Il est certain que si le transit de ces divers articles était permis, on y trouverait des ressources nouvelles pour notre railway. Quand on ne le fait pas, on n'est plus admis à invoquer l'intérêt du chemin de fer au détriment de l'agriculture belge.
On me reproche de me répéter assez souvent, au sujet de la partialité avec laquelle ou traite la principale de nos industries, comparativement aux autres. Messieurs, quand j'ai une conviction bien formée, quand, pour la soutenir j'ai à faire valoir des arguments que je crois fondés et dont personne encore n’a détruit la valeur, je m'obstine naturellement. Ce n'est pas pour le plaisir de discuter que je parle; la discussion ne me plaît que lorsqu'elle ouvre un chemin conduisant à la vérité.
Suis-je trop exigeant, d'ailleurs, lorsque je me place sur le terrain des principes invoqués par mes adversaires, lorsque je demande qu'on applique à l'agriculture les mêmes doctrines économiques qui prédominent en faveur des autres industries nationales ? Je ne réclame que le droit commun pour les intérêts que je défends. L'inconséquence n'est pas de mon côté.
Je crois que ces considérations suffiront pour justifier mon vote.
M. de Haerne. - Je demande à dire quelques mots en réponse a l'interpellation de l'honorable préopinant.
Je serai franc.
J'admets le principe invoqué par les honorables MM. Vandenpeereboom et Manilius. Mais, je dois le déclarer, d'après la discussion qui s'était élevée tout à l'heure, je craignais que le principe ne fût en danger. J'ai donc voulu introduire une réserve, afin d'avoir un chiffre moins élevé pour le cas où le chiffre le plus élevé serait écarté.
Si, comme je crois qu'on doit le faire, on vote d'abord sur le chiffre le plus élevé, qui fait l'objet de l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom, je ne pourrai me rendre au désir de l'honorable M. Coomans; dans ce cas, je maintiendrai mon amendement.
Si, au contraire, on commençait par le chiffre le moins élevé, je retirerais mon amendement, pour me rallier à celui de M. Manilius.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je considère le vote que le chambre vient d'émettre comme tout à fait provisoire. Je conserve l'espérance qu'au deuxième vote il sera révoqué. Je ne puis admettre que, sans aucune espèce de nécessité (cette nécessité n'a été nullement démontrée) on établisse des droits prohibitifs, on s'oppose à un commerce qui ne nuit à personne, et qui est favorable au trésor.
Le seul amendement sur lequel vous ayez à statuer, a pour objet d'établir un droit de 12 francs par tète de bétail. Le droit d'entrée est de 15 fr. Voilà ce qu'on vous propose.
Vous admettez que vos éleveurs peuvent facilement supporter la concurrence des éleveurs étrangers. On ne se plaint pas du droit de 15 fr. qui existe.
Il n'en résulte pas un avilissement dans les prix. Et voilà que pour le transit on propose un droit de 12 fr., c'est-à-dire qu'on prétendrait que la concurrence sur le marché étranger ne serait pas suffisamment garantie aux produits belges, alors que le produit étranger serait grevé de tous les frais de transport. Le bétail hollandais doit être amené à Anvers, transporté par le chemin de fer, conduit à la frontière française. Tout cela donne lieu à des frais considérables, et cela ne suffirait pas! Il faudrait un droit de 12 fr. Véritablement, cela ne me paraît ni raisonnable, ni en harmonie avec les droits de douane.
M. Loos, rapporteur. - A ce que j'ai eu l'honneur de dire j'ajouterai que l'éleveur hollandais ne consentira jamais à payer un droit de transit de 12 fr. Je conviens que le transport par chemin de fer est plus avantageux que le transport par mer. Mais cet avantage n'équivaut pas à 12 fr. L'éleveur expédiera son bétail en France, par Dunkerque; car le service des bateaux à vapeur continue entre cette ville et Rotterdam, ville aux environs de laquelle se trouve la plus grande partie des pâturages de la Hollande.
On a dit que l'éleveur hollandais ne prendra pas cette voie, à cause du tarif élevé du chemin de fer de Dunkerque à Paris. Mais je ferai remarquer que ce tarif a été baissé au niveau du nôtre. Ainsi l'éleveur hollandais trouvera à Dunkerque un chemin de fer qui transportera son bétail sur l'important marché de Poissy.
Je croyais donc que, non dans l'intérêt des éleveurs hollandais, mais dans l'intérêt de nos finances, nous devions appeler le transit du bétail par notre pays.
Evidemment, si le chemin de fer appartenait à une compagnie particulière, que ferait-elle ? Elle abaisserait les frais de transport, afin d'attirer sur sa ligne un transport aussi considérable que celui du bétail. Vous élèveriez les droits ; la compagnie verrait s'il n'y a pas moyen de baisser ses prix en proportion.
Ici le chemin de fer appartient à l'Etat. On lui reproche de ne pas produire suffisamment de recettes, et quand un moyen se présente de créer des ressources nouvelles, on le repousse d'une manière gratuite, sans avantage pour le commerce et l'agriculture.
M. de Haerne. - Je crois devoir répondre un mot à ce qu'a dit l'honorable M. Loos et à ce qui avait été précédemment avancé par d'autres orateurs, relativement au danger qu'il y aurait de voir le bétail hollandais transiter par la voie de mer. Evidemment, s'il n'y avait pas d'autre voie de transit, il faudrait prendre celle-là, comme on le fait pour aller en Angleterre. Mais je soutiens que lorsqu'il y a deux voies de transit, on prendra toujours, à moins que les droits ne soient trop élevés, la voie de terre.
En voici la raison. Lorsque le temps est plus ou moins gros, lorsque la mer est houleuse, le bétail devient malade; il souffre considérablement et l'on ne peut calculer d'avance jusqu'à quel point la valeur doit en être diminuée, lorsqu'il arrive au lieu de destination. Voilà pourquoi on préférera toujours le transit par terre, et par conséquent le danger signalé par les honorables préopinants n'est nullement à craindre.
M. de Bocarmé. - Messieurs, on a, je ne sais comment, discuté sur la question qui nous occupe, à peu près comme si elle avait des rapports avec l'alimentation du pays; il n'en est rien cependant. Comme question alimentaire, elle ne concerne que des Etats voisins.
Je me rallierai au sous-amendement proposé par l'honorable M. Manilius ; ainsi le droit, eu égard au poids habituel du bétail hollandais, sera très peu élevé et permettra ce genre de transit; alors, messieurs, le montant des droits, s'additionnant à celui du péage, ne causera pas de déficit au trésor; et notre agriculture trouvera là une protection bien établie et dont elle a besoin.
(page 1599) Je terminerai ici mes observations; et l'on aurait tort, je pense, de rentrer dans la discussion générale qui a été close, alors que nous avons voté sur le principe; il s'agit maintenant seulement des chiffres.
Il me reste à engager l'honorable M. Vandenpeereboom à se rallier au sous-amendement de M. Manilius, qui permettra mieux que le sien le passage par transit.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable membre me paraît dans l'erreur.
La chambre a décidé, en principe, qu'il y aurait un droit de transit sur le bétail ; mais elle n'a pas décidé la quotité du droit. C'est ce qui doit faire l'objet du débat.
Du reste, je ne m'oppose pas à ce que la discussion soit close. J’ai dit mes raisons; je n'ai rien à y ajouter. Mais je dois faire remarquer à l'honorable membre qu'avec les droits qui sont proposés, soit par l'honorable M. Vandenpeereboom, soit par l'honorable M. Manilius, on ne transitera pas; de sorte qu'il est parfaitement inutile de compter sur des recettes pour le trésor, au point de vue de la douane et au point de vue du chemin de fer.
Il y a une autre considération que me rappellent mes honorables collègues : c'est que l'administration du chemin de fer français, en vue de favoriser le transit par Dunkerque des marchandises en général, et par conséquent du bétail, ne fait payer le transport de Dunkerque à Paris qu'au prix du transport de Lille à Paris, supportant ainsi un transport de 15 lieues sans aucune espèce de rémunération.
M. Manilius. - M. le ministre des finances vient de dire qu'avec les droits de 8 et de A fr. on ne transitera pas. Je ne comprends pas comment M. le ministre peut avancer une assertion pareille. Il doit savoir qu'il y a, entre le transport par la voie de mer et le transport par notre chemin de fer, une différence de frais plus forte que le droit que nous proposons.
M. A. Vandenpeereboom. - L'honorable ministre des finances pense que mon amendement propose un droit trop élevé et qui serait équivalent à la prohibition. Je ne puis partager cette opinion; ce droit serait de 12 francs par tête pour le gros bétail, de 7 fr. pour le petit bétail.
Il est à remarquer que le bétail hollandais, qui transite vers la France, est ordinairement du bétail d'un grand poids et par conséquent d'un grand prix.
Le droit proposé ne me paraît pas élevé, surtout quand on le compare à ceux que nous avons admis pour quelques autres produits.
Toutefois, messieurs, comme il est possible que, par suite des votes successifs sur les divers amendements, celui de M. Manilius serait d'abord rejeté par les honorables membres qui seraient disposés à voter pour le mien, et que le mien subirait ensuite le même sort, par suite de l'opposition de ceux qui pensent que les chiffres de M. Manilius sont suffisants et qu'ainsi des conditions moins favorables que celles proposées par cet honorable membre seraient accordées à notre agriculture, je retire mon amendement pour me rallier à celui de mon honorable ami.
- La discussion est close.
L'amendement de M. Manilius est mis aux voix par appel nominal et adopté par 37 voix contre 24.
Ont voté l'adoption : MM. Moncheur, Moxhon, Pierre, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Van Cleemputte, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Allard, Ansiau, Coomans. Cumont. de Baillet-Latour, de Bocarmé, Debroux, Dedecker, de Haerne, de Luesemans, de Meester, de Perceval, de T'Serclaes, d'Hont, Dumortier, Faignart,, Jacques, Julliot, Le Hon, Lelièvre, Manilius, Mascart et Verhaegen.
Ont voté le rejet : MM. Orts, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rolin, Dequesne, Anspach, Brune au, Cans, David, H. de Baillet, de Brouwer de Hogendorp, Delfosse, De Pouhon, de Royer, Destriveaux, d'Hoffschmidt, Dolez, Frère-Orban, A. Dumon, Jouret, Lange, Lesoinne et Loos.
- L'article 8 est ensuite adopté avec l'amendement de M. Manilius.
« Art. 9. Sont prohibées au transit les marchandises désignées ci-après, savoir :
« 1° Sans distinction de voies :
« Fers: minerai, fonte en gueuses, en plaques ou sous toute antre forme non ouvrée; fer battu ou étiré, en barres, en verges et carillons, y compris les barres à rainures, dites rails; tôles; ancres coulées et battues; vieux fers, ferraille et mitraille ;
« Poudre à tirer ;
« Poissons de mer similaires de ceux de la pêche nationale ;
« Sel brut ou raffiné, eau de mer et saumure ;
« Sucre raffiné, sirops et mélasse;
« 2° Par toute autre voie que celle indiquée :
« a. Au n°1, littera a de l'article. 6 :
« Bestiaux : bœufs, vaches, taureaux, taurillons, bouvillons, génisses, veaux, moutons, agneaux, cochons;
« Drilles et chiffons.
« b. Au n°1, littera a et b du même article :
« Boissons distillées et liqueurs soumises à l'accise ;
« Vinaigres de toute espèce. »
- Adopté.
« Art. 10. § 1. Les marchandises transitant par le chemin de fer de l'Etat, selon le mode du paragraphe 2, littera a, de l'article 3, ne sont soumises à aucune visite, sauf le cas de suspicion de fraude ; mais elles restent sous la surveillance non interrompue de la douane.
« § 2. Le chef de convoi remet au receveur des douanes, au premier bureau de déclaration ou de déchargement à l'entrée, une feuille de route spéciale, distincte pour chaque lieu de destination.
« Cette feuille tient lieu de déclaration.
« § 3. Sur la production de la feuille de route, le receveur délivra un acquit de transit, sans caution, au nom de l'administration du chemin de fer. Il annexe ce document à la feuille de route, renferme ces pièces dans un paquet cacheté, et les remet aux employés d'escorte.
« § 4. Les marchandises transitant par le chemin de fer de l'Etat, selon le mode du paragraphe 2, littera de l'article 3, sont soumises à la déclaration et à la caution ; mais il y a dispense de visite, sauf le cas de suspicion de fraude, si elles sont contenues dans des colis fermés. »
- La section centrale propose de supprimer, dans le quatrième paragraphe les mots : « et à la caution ».
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'ai expliqué tout à l'heure, qu'il était évidemment impossible au gouvernement de renoncer à la garantie qui résulte pour lui de la caution. Les marchandises, avant le chargement sur le wagon, sont à la libre disposition du commerçant, quoique sous la surveillance de la douane, et c'est pour cet intervalle de temps qu'une garantie est nécessaire. Cette garantie ne peut être que la caution. Du reste, il sera accordé toute facilité. On fera tout ce qui sera nécessaire pour que la caution soit promptement libérée ; mais il est indispensable que la garantie existe.
M. Loos, rapporteur. - J'ai déjà expliqué à la chambre comment il ne peut, en aucun cas, y avoir soustraction ou substitution de colis ; mais j'ajouterai que ce que la section centrale demande, l'administration des finances l'a déjà accordé dans d'autres circonstances parfaitement analogues à celles dont nous nous occupons maintenant. Ainsi, elle a admis que des marchandées venant de France, et livrées au chemin de fer, pussent transiter par le pays, sans caution. Il n'y a à cela aucune espèce d'inconvénient, et je ne vois pas pour quel motif on ne retendrait pas à tous les cas semblables. Du moment qu'une marchandise est livrée entre les mains du gouvernement, que c'est le gouvernement lui-même qui la fait sortir du pays, je ne sais pas pourquoi une caution serait encore nécessaire. Les règlements nous ont été présentés, comme annexes au projet de loi du gouvernement. Le gouvernement nous indique lui-même que, dans certains cas, d'après ces règlements, la marchandise peut transiter, sans qu'il soit nécessaire au déclarant de fournir une caution.
Je crois que les cas auxquels nous voulons étendre la suppression de la caution ne sont pas plus dangereux que ceux pour lesquels le gouvernement a déjà admis cette suppression.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable préopinant raisonne dans l'hypothèse où les marchandises sont chargées sur les waggons sous la surveillance des agents de l'administration, et il dit : « A quoi bon la caution? »
Mais, messieurs, la disposition est faite surtout pour l'intervalle de temps qui s'écoule entre la présentation de la marchandise et son chargement sur les waggons. Les cautionnements pourraient peut-être être libérés, lorsque les colis seront placés sur les waggons; mais jusque-là il s'écoule un temps assez long, et pendant ce temps, l'administration n'a d'autre garantie que la caution.
M. Osy. - Messieurs, d'après ce que vient de dire M. le ministre des finances, on ne demande le cautionnement que pour l'intervalle qui s'écoule entre le débarquement de la marchandise et son placement sur le wagon. Le cautionnement qu'on exige aujourd'hui pour le transit de nos ports de mer jusqu'à la frontière, est retenu jusqu'à la décharge à la frontière.
Or, en 1845, on a pris un arrêté, aux termes duquel toutes les marchandises, venant de France pour la Prusse, et transitant par la Belgique, n'ont pas besoin de fournir un cautionnement.
Ainsi, l'étranger est mieux traité que l'indigène. La disposition que propose aujourd'hui M. le ministre des finances n'atteindra pas l'étranger, puisque les waggons qui viennent de France traversent le pays.
Je crois, messieurs, qu'il y a lieu d'adopter la proposition de la section centrale; ou peut, sans inconvénient, supprimer la caution, puisque le gouvernement a la marchandise depuis le moment du débarquement du navire. On a toujours cru que le cautionnement était entièrement inutile puisque, de 200,000 fr., on l'a successivement réduit à 10,000 fr.; on n'y a vu des entraves. Si le système de la section centrale n'est pas adopté, les Belges seront plus mal traités que les étrangers.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les Belges ne sont pas plus mal traités que les étrangers; mais ils se trouvent dans une autre condition; voilà tout.
S'il s'agit de colis venant de l'étranger par waggons reçus par l'administration, transportés par l'administration, qui passent d'une frontière à l'autre, ce n'est évidemment pas la même condition que celle où l'on se trouve, lorsqu'on vient présenter des colis à l'administration, et qu'on doit les faire charger sur des waggons, pour les faire transporter à la (page 1600) frontière. Il y a là une circonstance toute spéciale qui exige des garanties particulières. C'est pour cela que la caution est demandée.
Maintenant je répète que toutes les facilités seront données ; que l'administration, qui a agi d'une manière très libérale jusqu'à présent, fera en sorte que les cautions soient libérées promptement.
- La discussion est close.
L'amendement de la section centrale à l'art. 10 est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
« Art. 11. §1. Les marchandises expédiées en transit direct par le chemin de fer de l'Etat sont placées dans des waggons distincts, n'ayant d'autre issue que les panneaux de charge. Celles qui ne sont pas susceptibles d'être transportées dans des waggons fermés sont chargées sur des waggons recouverts d'une bâche disposée pour cet usage.
« § 2. Les waggons ou les bâches sont fermées au moyen de cadenas ou de plombs, et le transport se fait sous l'escorte non interrompue de la douane, le tout sans frais pour le commerce.
« § 3. Sauf le cas de force majeure et le passage des plans inclinés, les convois ne peuvent être scindés.
« § 4. Tous cas de force majeure sont constatés par procès-verbal d'ordre, à dresser conjointement par les employés d'escorte et par ceux du chemin de fer.
« § 5. Lorsqu'au passage des plans inclinés le convoi doit être scindé, chaque transport est convoyé par un employé d'escorte. »
- Adopté.
« Art. 12. § 1. Le transport des marchandises a lieu, autant que possible, directement du bureau d'entrée au bureau de sortie, sans que les waggons puissent séjourner dans les stations intermédiaires au-delà du temps nécessaire pour les haltes et la coïncidence des convois.
« § 2. Les convois qui ne peuvent franchir la frontière le même jour, restent la nuit dans une des stations à désigner par le gouvernement, sous la surveillance continue de la douane. Le transport doit en être achevé le lendemain, à moins d'impossibilité dont il sera justifié au chef de la douane dans la station.
« § 3. Si, à l'entrée ou à la sortie par mer, les marchandises ne peuvent être chargées immédiatement sur les waggons ou les navires, elles sont déposées, aux frais du commerce, dans un magasin de l'entrepôt public.
« § 4. Il ne peut être renoncé au transit que sur une autorisation spéciale du ministre des finances, et pour autant que les marchandises n'aient pas cessé d'être sous la surveillance de la douane. »
- La section centrale propose de terminer le paragraphe 3 par ces mots : « ou libre ».
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ces mots sont inutiles. D'après le règlement général du mois de juillet 1847 sur les entrepôts, les entrepôts libres sont assimilés aux entrepôts publics.
- L'amendement de la section centrale, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 12 est ensuite mis aux voix et adopté.
« Art. 13. Si les conditions prescrites par les articles 10, 11 et 12 n'ont pas été remplies, les marchandises suivent le régime établi par la section ci-après. »
- Adopté.
« Art. 14. § 1. A l'arrivée des marchandises au premier bureau, pour les importations par terre, canaux ou rivières, et au bureau de déchargement pour les importations par mer, l'intéressé remet au receveur une déclaration dans la forme à déterminer par le gouvernement.
« § 2. En ce qui concerne les marchandises non soumises à l'accise, qui sont tarifées à l'entrée au poids brut, au nombre ou à la mesure, le déclarant peut se référer au poids, au nombre ou à la mesure à constater, à ses frais par les employés.
« § 3. Les marchandises avariées ne sont admises au transit que si le degré d'avarie a été constaté conformément à l'article 126 de la loi générale du 26 août 1822. »
- Adopté.
« Art. 15. Sur la remise de la déclaration, le receveur délivre un acquit de transit, après s'être fait fournir caution :
« 1° Pour le montant des droits de l'entrée et de l'accise, sur les marchandises non prohibées à l'importation ;
« 2° Pour la valeur des marchandises prohibées à l'entrée.
« 3° Pour les pénalités qui pourraient être encourues, sans cependant pouvoir excéder le double des droits et de l'accise, ou la valeur des marchandises prohibées à l'entrée. »
- Adopté.
« Art. 16. Après avoir été vérifiées et trouvées conformes à la déclaration, les marchandises sont mises sous plombs aux frais de l'intéressé. »
- Adopté.
« Art. 17. § 1. Le contrôleur au bureau d'entrée, ou, à son défaut, le receveur peut :
« 1° Ordonner le convoi des marchandises;
« 2° Faire réparer les colis défectueux;
« 3° Soumettre à un double emballage, avec une double apposition de plombs ou cachets, les tissus de toute espèce, la bonneterie, la passementerie, la rubanerie et toutes marchandises de douane imposées, à l'entrée, à plus de 10 p. c. de la valeur, ou à plus de 50 fr. par hectolitre ou par 100 kilog., ainsi que les marchandises d'accise;
« 4° Faire apposer sur les tissus qui en sont susceptibles une estampille qui sera biffée au bureau de sortie;
« 5° Lever des échantillons et les mettre sous scellés pour être expédiés avec les marchandises et servir à en reconnaître l'identité à la sortie ;
« 6° Soumettre le sucre brut a un essai spécial consistant à en faire dissoudre quelques parties dans un certain volume d'eau, afin de s'assurer s'il n'est pas falsifié ou mélangé de matières hétérogènes ;
« Le tout aux frais du déclarant.
« 7° Dispenser de l'apposition de plombs ou cachets, si, à raison de la modicité des droits, de l'espèce des marchandises, ou de la garantie que présente le convoi, aucune soustraction ou substitution n'est à craindre.
« § 2. Il est fait mention sur l'acquit de transit des mesures prescrites par application du paragraphe précédent. »
- La section centrale propose d'ajouter au n°4 du paragraphe premier après les mots : « faire apposer » ceux-ci : « en cas de suspicion de fraude ».
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les formalités de l'estampille sont prescrites par la loi de 1834 et celle de 1836 sur le transit ; ce n'est pas une disposition nouvelle; la section centrale demande qu'on ne l'applique qu'en cas de suspicion de fraude. Je n'y vois pas d'inconvénient ; je ferai seulement remarquer que cela résulte suffisamment de la disposition ; l'article 17 ne fait pas aux agents une obligation de l'appliquer, elle leur en laisse la faculté. Il dit : « Le receveur peut faire apposer, etc. » ; la section centrale ajoute : « En cas de suspicion de fraude ». Mais qui sera juge du cas de suspicion ? Précisément le fonctionnaire qui ne doit pas, mais qui a la faculté de prescrire la mesure. Je ne vois pas, au surplus, d'inconvénient à ce que par forme d'avertissement, ces mots soient insérés dans l'article.
- L'article 17 est adopté avec l'addition proposée par la section centrale.
« Art. 18. § 1er. Lorsque, par suite d'accident ou de force majeure, pendant le trajet, il y a :
« 1° Rupture ou altération de plombs ou cachets;
« 2° Nécessité de changer de moyens de transport;
« 3° Impossibilité de continuer immédiatement le transport ;
« L'accident où le cas de force majeure est constaté, à la demande de l'intéressé, par un certificat apposé, sur l'acquit de transit, par deux employés de l'administration, ou, à défaut d'employés sur les lieux, par deux membres de l'autorité communale.
« § 2. Dans les cas prévus par le paragraphe précédent, l’acquis de transit, s’il n’est pas périmé, peut être prolongé par le receveur du ressort. La prolongation est accordée après vérification en détail, et s’il y a lieu, après une nouvelle apposition de plombs ou cachets, aux frais de l'intéressé.
« § 3. L'acte de prolongation est motivé. Il est apposé sur l'acquit de transit. La prolongation ne peut excéder la durée primitive du document. »
- Adopté.
« Art. 19. § 1. A l'arrivée du transport au bureau de sortie, les employés s'assurent si les plombs et ficelles sont intacts. Ils procèdent à la reconnaissance des marchandises par une visite sommaire, ou, s'il y a lieu, par une vérification détaillée et approfondie, et par la confrontation des échantillons.
« § 2. Si ces opérations ne font découvrir aucune contravention, et si l'identité des marchandises est reconnue, les employés le certifient sur l'acquit de transit.
« § 3. Lorsque le bureau n'est pas situé à l'extrême frontière, les employés convoient les marchandises, sans frais pour l'intéressé, jusqu'au territoire étranger.
« § 4. Ils complètent la décharge de l'acquit de transit en certifiant l'exportation réelle avec indication du jour et de l'heure. »
- La section centrale propose au quatrième paragraphe de substituer aux mots : « s'il y a lieu », ceux-ci : « en cas de suspicion de fraude », et d'ajouter à la fin du paragraphe 4 cette disposition : « Après quoi ils remettent au voiturier ou batelier chargé du transport un certificat constatant la décharge de l'acquit. »
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La substitution des mots : « en cas de suspicion de fraude » à ceux-ci : « s'il y a lieu », est sans objet. Ces mots ont ici la même signification, ils expriment la même pensée, ils ne peuvent pas en exprimer une autre ; si on trouve cependant que le changement proposé soit de nature à rendre l'article plus clair, on peut l'adopter.
Quant à la formalité que la section centrale propose d'inscrire dans le paragraphe 4, elle est inutile. La remise aux intéressés est déjà prescrite par l'article 140 de la loi générale du 26 août 1822; il est inutile de répéter ici cette prescription.
M. Loos, rapporteur. - La section centrale pense que ce serait préférable. On n'use pas du droit que la loi de 1822 donne aux intéressés. Ici ce serait une formalité prescrite aux employés de la douane.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'obligation ne sera pas plus efficace que la faculté laissée à l'intéressé. D'ailleurs, de telles obligations sont toujours sans sanction.
M. Lelièvre. - La section centrale propose, dans la première partie de son amendement, de remplacer les mots « s'il y a lieu » par les expressions « en cas de suppression de fraude ». D'après l'explication de M. le ministre, ce changement est inutile puisque les mots « s'il y a lieu » ont la même portée que ceux que la section centrale veut leur substituer. Pour moi, messieurs, je pense qu'il convient de donner la préférence au projet ministériel dont la réduction est nette et plus conforme au style des lois.
(page 1601) Quant à la seconde partie de l'amendement, il est impossible à mon avis d'imposer au receveur l'obligation de remettre le certificat on question à l'intéressé. Il est question d'une faculté que celui-ci doit être libre d'exercer ou de ne pas exercer, puisqu'elle est introduite en sa faveur et dans son intérêt.
Or, cette faculté lui est accordée par la législation en vigueur; celle-ci satisfaisant ainsi aux légitimes exigences, il ne s'agit pas d'innover à cet égard, et sous ce rapport la disposition additionnelle proposée par la section centrale n'offre aucune utilité.
M. Osy. - La loi de 1822, vous le savez tous, a 200 et tant d'articles. Nous demandons que ce soit répété ici pour qu'on ne doive pas recourir à la loi de 1822.
Je crois que M. le ministre des finances devrait y consentir.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Soit. Ce n'était que pour éviter une répétition que j'ai fait mon observation. Au fond, cela n'offre aucune espèce d'inconvénient.
- Les amendements proposés par la section centrale sont adoptés. L'article ainsi amendé est adopté.
« Art. 20. § 1. L'intéressé peut renoncer au transit des marchandises non prohibées à l'entrée, si l'acquit de transit n'est pas périmé. Dans ce cas, il fait constater, à ses frais, par deux employés de l'administration, l'état intact des plombs ou cachets et l'identité des marchandises.
« § 2. Les employés mentionnent ces circonstances sur le document et le remettent au receveur du ressort pour être renvoyé, dans les 24 heures, au bureau de la délivrance où il est procédé au recouvrement du droit d'entrée et de l'accise, sous déduction du droit de transit et sans préjudice des pénalités éventuellement encourues.
« § 3. Si la marchandise est libre à l'entrée, le droit de transit est acquis au trésor. Il en est de même pour la différence, si le droit de transit est plus élevé que le droit d'entrée et l'accise réunis. »
- Adopté.
« Art. 21. Sans préjudice de ce qui est établi au n°1, littera 6, de l'article 6, les importations sur entrepôt et les sorties d'entrepôt pour le transit ont lieu conformément à la loi du 4 mars 1846, et aux dispositions réglementaires prises en vertu de cette loi. »
- Adopté.
La séance est levée à 4 heures et demie.