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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 19 mai 1849

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Delfosse, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1383) M. Dubus fait l’appel nominal à midi et quart.

- La séance est ouverte.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dubus présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Quelques habitants de Chênée, Angleur et Tilff demandent que le gouvernement restitue à la grande compagnie du Luxembourg le cautionnement de 2 millions qu'elle a déposé, à charge par elle d'affecter ces fonds à la construction du canal de l'Ourthe, de Liège à la Roche. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Auguste-Jean-François-Corneille Gyseleers-Thys, lieutenant au 1er régiment de chasseurs à cheval, né à Malines, demande à recouvrer la qualité de Belge. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


M. de Denterghem, obligé de s'absenter pour affaires de famille, demande un congé.

- Accordé.

Enquête sur la condition des classes ouvrières en Belgique

M. le ministie de l'intérieur adresse à la chambre une lettre ainsi conçue :

« Bruxelles, le 16 mai 1849. A M. le président de la chambre des représentants.

« M. le président,

« Le gouvernement a institué, il y a plusieurs années, une commission spéciale chargée de diriger une enquête sur la condition des classes ouvrières en Belgique, et d'élaborer un projet de loi sur le travail des enfants dans les usines et sur la police des ateliers.

» Cette commission a fait paraître, en 1846 et 1847, deux volumes renfermant les nombreux documents de cette enquête. Des exemplaires de ces volumes ont été distribués aux membres de la chambre des représentants.

« Le dernier volume, formant le complément de la publication, vient d'être imprimé. Il contient le rapport de la commission, un résumé des renseignements qui lui ont été soumis, et divers documents ayant une relation directe avec l'objet de ses travaux. Ce volume forme le tome premier de l'ouvrage, les volumes précédemment publiés étant les tomes II et III. J'ai l'honneur, M. le président, de vous en adresser 39 exemplaires pour être mis à la disposition des membres de la chambre qui ont reçu le reste de la publication, et de vous envoyer 63 exemplaires de l'ouvrage complet pour les membres de l'assemblée qui ne faisaient point partie de la législature, lors de la distribution des autres volumes. J'aurai soin que le complément de l'ouvrage soit transmis à ceux des anciens membres de la chambre qui ont reçu les tomes II et III.

« A la suite de son rapport, la commission a formulé, comme elle y avait été invitée, un avant-projet de loi sur la police des manufactures et sur le travail des enfants dans les établissements industriels. Dans cet avant-projet la commission a introduit des propositions relativement à d'autres objets ayant une liaison étroite avec ceux-ci, et touchant à des questions délicates. Le gouvernement examine le travail de la commission, dont l'impression vient seulement d'être terminée, et il a l'intention de soumettre à la législature, dans la session prochaine, un projet de loi sur la police des usines et sur le travail des enfants. En attendant, il croit aller au-devant du désir de la chambre, en mettant, dès à présent, à sa disposition tous les éléments d'appréciation, relativement aux questions à l'égard desquelles elle sera appelée plus tard à se prononcer.

« Le gouvernement compte saisir également la législature, dans la prochaine session, d'autres projets, se rattachant aussi à l'amélioration de l'état des classes ouvrières et à des réformes dans l'organisation industrielle, projets qu'il a fait étudier par des commissions spéciales, dont la plupart sont à la veille de terminer leurs travaux. Telles sont des mesures concernant les conseils de prud'hommes, les brevets d'invention, les marques et dessins de fabrique, et les institutions de prévoyance.

« Agréez, M. le président, l'assurance de ma haute considération.

« Le Ministre de l'intérieur,

« Ch. Rogier. »

- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres de la chambre.

Projet de loi relatif au droit sur les débits de boissons distillées

Second vote des articles

Article 14

La chambre confirme l'amendement introduit, lors du premier vote, à l'article 14.

Article 15

Un autre amendement a été introduit à l'article 15; il consiste dans l’addition des mots : « commissaire adjoint, » dans le premier paragraphe.

M. Rousselle. - Messieurs, cet amendement a été si promptement voté, que je n'ai pas eu le temps de présenter à la chambre quelques considérations que j'aurais désiré lui soumettre. J'y ai réfléchi depuis, et c'est maintenant tout le paragraphe que je voudrais attaquer; mais je ne sais si, d'après le règlement, cela peut m'être permis. Si je ne pouvais attaquer le paragraphe tout entier, je considérerais l'addition comme devant être aussi maintenue.

M. le président. - Vous ne pouvez faire d'autres propositions que celles qui seraient la conséquence de l'amendement adopté lors du premier vote.

M. Rousselle. - En ce cas, je dois me rasseoir; si je ne puis pas demander la suppression de tout le paragraphe, on peut, comme je le disais, maintenir l'addition adoptée lors du premier vote ; car du moment où un porteur de contrainte peut verbaliser tout seul, ce qui me paraît résulter de la combinaison du paragraphe avec les articles 194 et 233 de la loi générale de 1822, je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'un commissaire adjoint le puisse aussi.

M. Rodenbach. - Je crois que c'est un abus qu'il faut faire disparaître. Ce serait de l'arbitraire. Je demande que la chambre revienne sur le vote du second paragraphe de l'article 15.

- Cette proposition, mise aux voix, n'est pas adoptée.

L'amendement apporté à l'article 15 est définitivement adopté.

Article 16

L'article 16 est définitivement adopté.

Vote sur l'ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

67 membres répondent à l'appel nominal.

59 votent pour le projet ;

5 votent contre ;

3 s'abstiennent.

En conséquence le projet est adopté, il sera transmis au sénat.

Ont voté l'adoption : MM. de Mérode, de Perceval, de Pitteurs, de Renesse, de Royer, Destriveaux, d'Hont, Dubus, Frère-Orban, Jacques, Jullien, Julliot, Lange, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Manilius, Mascart, Osy, Pierre, Pirmez, Prévinaire. Reyntjens, Rodenbach, Schumacher, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Renynghe, Veydt, Vilain XIUI, Boulez, Bruneau, Christiaens, Cools, Coomans, Cumont, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, H. de Brouckere, de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, Dedecker, de Haerne, de Liedekerke, Deliége, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Meester et Delfosse.

Ont voté le rejet : MM. Faignart. Vermeire, Allard, Ansiau et Debroux.

Se sont abstenus : MM. Rousselle, Toussaint et Dequesne.

M. Rousselle. - Messieurs, je n'ai pas voté pour la loi, à cause du deuxième paragraphe de l'article 15.

D'un autre côté, je ne pouvais voter contre, parce que j'approuve les améliorations que la loi apporte au régime actuel.

J'ai donc dû m'abstenir.

M. Toussaint. - Je n'ai pas voulu voter contre la loi, à cause des améliorations essentielles qu'elle introduit.

Je n'ai pas pu non plus voter pour la loi, à cause de la classification peu équitable qu'elle consacre entre les communes. D'autre part le maximum du droit est trop bas et le minimum trop élevé pour que le droit puisse être appliqué selon la règle de la proportionnalité qui doit être la base de tout impôt bien établi ; et l'élévation du minimum ne permet point d'espérer que, sous le régime nouveau, les débits clandestins seront abolis.

M. Dequesne. - Je me suis abstenu parce que je n'ai pas assisté à la discussion.

Projet de loi portant le budget du département des affaires étrangères pour l’exercice 1850

Rapport de la section centrale

M. Prévinaire, au nom de la section centrale qui a examiné le projet de budget du département des affaires étrangères, dépose le rapport sur ce budget.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et met ce budget à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens pour l’exercice 1850

Motion d"ordre

(page 1384) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, le gouvernement n'a pas, sans doute, à intervenir dans le règlement de l'ordre du jour de la chambre. C'est à la chambre qu'il appartient de régler comme elle l'entend l'ordre de ses travaux. Mais comme on peut désirer connaître quelle est la pensée du gouvernement sur les propositions qui lui sont soumises, je crois devoir déclarer que, dans l'intérêt d'une bonne administration, il lui paraît indispensable que les projets divers dont la chambre est saisie, et surtout les budgets, soient discutés dans cette session.

Si l'ajournement était prononcé, il en résulterait inévitablement qu'on ne sortirait pas de la voie fâcheuse où l'on est entré depuis un très grand nombre d'années.

Jamais les budgets n'ont été votés dans la session qui précède l'exercice auxquels ils s'appliquent. La loi de comptabilité a prescrit d'une manière impérieuse qu'il en fût désormais autrement. Deux fois le gouvernement a fait tout ce qui était en son pouvoir pour que les budgets fussent votés en temps utile. Les budgets ont été présentés en 1848 et en 1849 dans le délai prescrit.

On objecte que quelques budgets seront discutés, et que, par conséquent, à l'ouverture de la prochaine session, il n'en restera qu'un petit nombre à examiner, ce qui permettra de les voter avant le 1er janvier 1850.

Je ne puis partager cette opinion. Les budgets, à l'exception d'un ou deux peut-être, n'ont jamais été votés avant le 1er janvier ; mais le budget des voies et moyens, voté avant cette époque, n'a pour ainsi dire jamais pu être sérieusement discuté. Il en serait encore de même cette fois, quoique la plupart des autres budgets fussent votés. La raison en est simple. La session s'ouvrira à l'époque ordinaire; après la discussion de l'adresse, et après avoir expédié divers travaux urgents qui se présentent toujours à l'ouverture d'une session, on renverra à l'examen des sections les budgets; quand pourront-ils utilement arriver à la discussion- publique? Ce ne sera guère avant la fin de la première quinzaine de décembre; le budget des voies et moyens devra alors être discuté sur-le-champ pour être transmis en temps utile au sénat, et la discussion sera encore tout à fait incomplète.

Quant aux autres budgets, il sera absolument impossible de les voter avant le 1er janvier.

Je persiste donc à penser qu'il y a lieu de s'occuper dans cette session du budget des voies et moyens.

On a dit encore que la discussion de ce budget, à l'époque actuelle, ne présenterait pas d'utilité; qu'on ne connaît pas les besoins de l'Etat ; qu'il importe que les budgets des dépenses soient arrêtés, avant qu'on ne s'occupe du budget des recettes.

Mais, messieurs, l'objection se présentera constamment, si l'on ne veut pas une bonne fois sortir de l'état où nous nous trouvons ; et d'après ce que j'avais l'honneur de dire à la chambre, il me paraît clair qu'on n’arriverait à rien, en ajournant ; car les budgets des dépenses ne seront pas tous arrêtés avant le 1er janvier et le budget des voies et moyens sera forcément volé avant cette époque.

D'ailleurs, on me paraît tourner dans un cercle vicieux. Lorsque le gouvernement constate la nécessité de créer de nouvelles ressources, on lui répond : « Les budgets de dépenses n'ont pas été examinés; le budget des voies et moyens n'a pas été approfondi ; nous ne savons ce qu'on peut tirer des impôts actuels. » Lorsque le gouvernement présente, au contraire, les budgets des dépenses et le budget des voies et moyens en temps utile, afin qu'on puisse se fixer enfin sur la véritable situation de nos finances, on répond qu'on examinera ultérieurement; on reporte à d'autres temps un examen sérieux et approfondi de cette matière. Je pense qu'il y a là un véritable danger et qu'il convient que la chambre l'évite.

M. Osy. - Messieurs, j'ai de tout temps émis le vœu que tous les budgets des dépenses et des recettes soient votés dans le cours de l'exercice qui précède celui auquel ils s'appliquent. Mais il nous est impossible d'agir ainsi cette année. Jusqu'à présent, on ne nous a pas distribué le budget des travaux publics ni celui de la guerre; or, ces deux budgets doivent exercer une grande influence sur le budget des voies et moyens. Les événements politiques nous permettront-ils de réaliser, par exemple, la somme considérable portée dans le budget du chef du chemin de fer ? Si nous avions sur cet article un déficit de 2 à 3 millions peut-être, il faudrait bien augmenter nos recettes dans le budget des voies et moyens.

D'un autre côté, le désir formel de la chambre est d'obtenir une économie dans le budget de la guerre. Ce budget jusqu'à présent n'a pas été distribué ; nous ne savons si le gouvernement trouvera le moyen de faire des économies de ce chef. Il serait donc impossible de voter le budget des voies et moyens dans le cours de cette session.

Cependant nous faisons un pas; les divers budgets pourront être votés dans cette session, moins ceux des travaux publics et de la guerre, ajournés à la session prochaine. Si, après l'adoption de l'adresse, on discute immédiatement le budget des voies et moyens, ce budget pourra être certainement converti en loi au commencement de décembre : alors aussi nous pourrons mieux apprécier, par la situation politique de l'Europe, si les impôts actuels rapporteront les sommes que le gouvernement propose ou s'il faut voter de nouvelles ressources.

Je pense, en conséquence, qu'il est prudent d'ajourner le vote du budget des voies et moyens jusqu'après notre rentrée.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable préopinant fait deux objections : d'abord le budget des travaux publics n'est pas distribué; celui de la guerre ne l'est pas non plus, et il ne pourrait pas être discuté avant le budget des voies et moyens. L'honorable membre fait remarquer, en second lieu, qu'on aura le temps nécessaire de s'occuper du budget des voies et moyens à l'ouverture de la session prochaine, après le vote de l'adresse.

Messieurs, en ce qui touche le budget des travaux publies, rien ne s'oppose à ce que le budget, qui a été déposé, soit imprimé ; il appartient à la chambre, la chambre peut en ordonner l'impression quand elle le trouvera bon. Si on entend examiner ce budget, il n'y a pas de difficulté de la part du gouvernement. Il est bien vrai que ce budget peut subir des modifications ; mais si des modifications sont nécessaires, la chambre pourra être saisie de propositions en temps utile, et même après l'adoption du budget.

Quant au budget de la guerre, c'est une question réservée. Il dépend tout à fait des circonstances d'établir si en effet ce budget peut être modifié ou maintenu ; peut-être même, car nous ne sommes pas maîtres des circonstances, peut-être ce budget devra-t-il être augmenté. Nul ne sait ce qui peut se présenter dans le cours de l'année. Je tiens, pour ma part, que les circonstances sont extrêmement graves, qu'elles le sont plus qu'au 25 février 1848. Or, je ne sache pas que personne dans cette chambre, ait l'intention de réduire quand même le budget de la guerre.

- De toutes parts. - Non ! non !

M. Osy. - Je n'ai parlé que pour les circonstances normales.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ainsi donc, pour cette question, on peut attendre; cela ne présente pas d'inconvénient, chaque opinion peut être réservée sur le budget de la guerre pour des temps opportuns. Mais rien ne s'oppose à ce que le budget des voies et moyens soit examiné, à ce que le gouvernement connaisse les opinions qui peuvent se produire dans cette chambre sur les ressources qu’il convient de mettre à la disposition du gouvernement. Car enfin, le gouvernement a ses idées, il les a produites, non pas peut-être encore complètement, mais partiellement. Il pourra les développer davantage; on pourra les, combattre; d'autres idées pourront se produire; cette discussion sera très utile. Si l'on ajourne, rien ne sera arrêté ; nous serons dans la même position qu'aujourd'hui ; le gouvernement ne sera fixé sur aucun point, et aucun débat sérieux ne pourra probablement encore avoir lieu sur cette matière importante au début de la prochaine session.

Je pense donc que la chambre agirait sagement en exécutant la loi de comptabilité, en votant le budget des voies et moyens dans cette session.

Au surplus, je le répète, c'est à la chambre à régler son ordre du jour. J'ai dit quelle est l'opinion du gouvernement sur la proposition d'ajournement qui vous est soumise.

M. H. de Brouckere. - Sans doute, il serait préférable que les budgets fussent votés dans la session précédant l'exercice auquel ils s'appliquent. Mais, pour cette année, nous devons reconnaître que c'est impossible. Nous ne voterons, dans cette session, ni le budget de la guerre, ni probablement le budget des travaux publics. Du moment que le budget essentiel (celui de la guerre) est tenu en réserve, je crois assez convenable de tenir également en réserve le budget des voies et moyens, car, en bonne comptabilité, pour suivre un ordre régulier, le budget des voies et moyens ne devrait venir qu'après tous les budgets des dépenses. Renonce-t-on à suivre cet ordre régulier en ajournant à la session prochaine l'examen de quelques budgets ? Je ne le pense pas; car s'il est bien entendu qu'à l'ouverture de la session prochaine nous continuerons l'examen des budgets en commençant par les budgets des travaux publics et de la guerre et en nous occupant ensuite du budget des voies et moyens, je dis qu'il sera facile de voter tous les budgets avant le commencement de l’exercice, et même de telle manière que le sénat puisse les examiner et les voter à loisir.

Dès lors, je ne vois pas pourquoi nous n'ajournerions pas à la session prochaine l'examen du budget des voies et moyens.

On ne peut se dissimuler d’ailleurs que la session a été très longue et très laborieuse ; et nous avons encore à voter tous les budgets sur lesquels les rapports ont été faits et probablement le budget des finances, sur lequel le rapport ne tardera pas à être déposé.

M. le ministre des finances conviendra que nous avons fait un grand pas pour arriver à une marche régulière. Cette marche régulière, nous la suivrons l'année prochaine. Mais nous aurons déjà beaucoup fait si nous avons voté, dans cette session, tous les budgets sauf trois.

- La chambre, consultée, ajourne au commencement de la prochaine session l'examen du budget des voies et moyens.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au département des affaires étrangères

Discussion générale

La discussion s'établit sur le projet de loi suivant :

« Article unique. Il est ouvert au département des affaires étrangères (Marine) un crédit supplémentaire :

« A. De quatre-vingt-quinze mille francs (95,000 francs) dont est augmenté le chapitre IV du budget de la marine pour l'exercice 1847 ( Pilotage) ; fr. 95,000.

« B. De quatre mille deux cents francs (4,200 francs) dont est augmenté le chapitre VII du même budget (police maritime) : fr. 4,200. »

« Art. 2 (proposé par la section centrale auquel le gouvernement se rallie). Il sera fait face à cette dépense au moyen du boni de l'exercice courant. »

M. H. de Brouckere. -Je dois faire remarquer à la chambre que l'honorable rapporteur de la section centrale est retenu chez lui par une indisposition qui ne lui permet pas de quitter son appartement.

Je crois cependant que la discussion du projet de loi peut avoir lieu malgré cette absence, du reste, très regrettable. La section centrale et le gouvernement sont d'accord quant au chiffre, la section centrale se borne à relever dans son rapport ce qu'il y a d'irrégulier de la part du gouvernement, relativement à ce crédit. Nous avons reçu de M. le ministre des affaires étrangères des explications d'où il résulte que cette irrégularité ne se reproduira pas. De manière qu'aucune difficulté ne s'élève de la part de la section centrale contre l'adoption du projet.

M. Osy. - La section centrale fait ressortir dans son rapport qu'il y a eu irrégularité dans la comptabilité de 1847. Voici en quoi elle consiste. Des sommes qui devaient être, d'après le budget, dépensées pour le personnel de la marine, ont été affectées à des dépenses concernant le matériel. Pour éviter cette confusion à l'avenir, il conviendrait de faire deux articles, l'un pour le personnel, l'autre pour le matériel.

J'appelle également l'attention de M. le ministre sur l'observation suivante de la section centrale :

« Dans la section centrale, un membre a fait observer que, du compte rendu des recettes et dépenses de l’année 1846, distribue aux membres de la chambre pendant la présente session, il résulte que les recettes du pilotage et du droit de police maritime sont seulement versées l’année suivante ; ainsi le produit de ce droit, qui s'est élevé en 1845 à 553,993 francs, a été versée en 1846, et celui de 1846, montant à fr. 612,619 93 c. se trouve dans la colonne des sommes à recouvrer. Ces droits sont payés cependant avant que les navires quittent le port, et les receveurs de cette administration versent régulièrement ces fonds chez le caissier de l'Etat. Ces faits ne se rencontrent pas dans d'autres administrations, qui ont des receveurs particuliers ne dépendant pas directement du ministère des finances. A l'appui nous indiquerons les recettes du chemin de fer et de la poste aux lettres ; elles figurent dans le même compte-rendu comme étant versées, à peu de chose près, pendant l'exercice courant. »

J'engage M. le ministre à veiller à ce que ces versements se fassent tous les jours ou 3 fois par semaine, pour éviter que les receveurs, qui n'ont pas de cautionnement, soient dépositaires de sommes considérables.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Je commencerai par faire remarquer à la chambre que les observations qui se trouvent dans le rapport de la section centrale et celles qui viennent d'être présentées par deux honorables préopinants, se rapportent à des exercices écoulés depuis deux et trois ans, aux exercices 1846 et 1847.

Avant 1847, chaque année, pour ainsi dire, il était demandé des crédits supplémentaires pour le département de la marine.

Ce qui vous est soumis aujourd'hui, ce qui est signalé par la section centrale comme une irrégularité avait déjà eu lieu, et avait été en quelque sorte admis par la chambre. Pour les exercices 1848 et 1849 aucun crédit supplémentaire ne sera demandé à la chambre pour la marine, je puis en donner l'assurance à la chambre, à moins de circonstances extraordinaires et imprévues. Ainsi, les observations contenues dans le rapport de la section centrale on; déjà reçu leur application.

De même la section centrale demande que les allocations pour le personnel et le matériel soient séparées dans les prochains budgets; je ferai remarquer que cela existe déjà pour 1849, et dans le projet de budget pour 1850, il y a également séparation des allocations pour le personnel et pour le matériel. Ici encore, sans y être provoqués par la section centrale ou par la chambre, j'ai fait droit aux réclamations qu'elle présente aujourd'hui.

Ainsi, cette irrégularité s'était déjà présentée dans d'autres circonstances, elle était motivée par l'urgence des mesures qui doivent être prises quand il y a des réparations à faire à des navires, par exemple des voiles à remplacer, des bateaux défoncés à réparer. Des réparations de cette nature ont un tel caractère d'urgence, qu'il y a impossibilité d'attendre pour les exécuter. Voilà pourquoi on n'a pas attendu la réunion des chambres pour leur demander un crédit spécial. Au reste, nous avons pris des mesures pour que cela ne se représente plus, à moins de circonstances extraordinaires. Mais je le répète, pour 1848 et 1849, nous n'aurons aucune demande de crédit supplémentaire à soumettre à la chambre.

Maintenant, l'honorable M. Osy, renouvelant l'observation de la section centrale, vient de dire qu'il y a irrégularité en ce qui concerne le versement des recettes du pilotage; c'est une erreur ; il n'y a pas d'irrégularité, les versements des receveurs du pilotage chez les agents du trésor se font régulièrement. A Anvers ils se font tous les cinq jours et à Ostende tous les quinze jours. C'est ainsi que les choses se sont passées, même en 1847; j'ai en main le tableau des versements faits à Anvers qui l’atteste. C'est par suive de retards dans le règlement de la comptabilité que cela figure au compte général de la manière indiquée. Mais jamais les recettes du pilotage ne restent plus de cinq jours dans les mains du receveur à Anvers ; par conséquent il y a régularité et sécurité pour le trésor. Il en est de même pour les dépenses; c'est par suite du retard qu'éprouvent les règlements de comptes à la cour des comptes, retard qui ne peut pas être attribué à la cour, mais qui provient de la multiplicité des pièces, c'est par suite de ce retard qu'on voit figurer à l'exercice suivant des dépenses d'un exercice précédent. Il ne peut résulter de là aucun danger et même aucun inconvénient sérieux. Cependant je m'entendrai avec mon collègue des finances pour voir s'il n'y a pas moyen de faire disparaître les retards signalés par la section centrale.

Telles sont les observations que j'avais à soumettre à la chambre.

Si le projet ne lui a pas été présenté plus tôt, c'est qu'il n'offrait aucun caractère d'urgence. Il avait été préparé en février 1848 ; les préoccupations politiques l'ont fait perdre de vue. Puis il a été renvoyé au ministère des finances, où il a séjourné quelque temps. Du reste, aucun abus n'a été commis, les dépenses n'ont été faites que pour des besoins indispensables et les résultats obtenus ont été remarquables. Car pour l'exercice de 1847, les recettes du pilotage présentent un boni de 156,000 fr. sur les dépenses.

M. H. de Brouckere. - Je suis très persuadé, comme l’a fait remarquer M. le ministre des affaires étrangères, que les produits du pilotage ont été versés régulièrement dans les caisses de l'Etat; mais une chose certaine c'est que les versements n'ont pas été renseignés avec la même régularité que les recettes des autres administrations.

Je crois qu'il importe que les recettes du pilotage soient sous ce rapport mises sur le même pied que les autres recettes de l'Etat. M. le ministre, dans les explications qu'il a données à la section centrale, a dit qu'il se proposait de revoir avec son collègue des finances le mode de comptabilité suivi jusqu'aujourd'hui par l'administration du pilotage et d'y introduire les améliorations qu'il croirait utiles.

Pour ma part je suis parfaitement satisfait de cette déclaration; je suis persuadé que les irrégularités signalées ne se reproduiront plus ; je m'empresse d'ailleurs de déclarer que ces irrégularités n'ont pu donner lieu à aucun détournement quelconque.

- La discussion est close.

Vote des articles et sur l’ensemble du projet

Les articles 1 et 2 dont se compose le projet sont successivement mis; aux voix et adoptés.


Il est ensuite procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

En voici le résultat :

66 membres ont répondu à l'appel.

65 ont répondu oui.

1 s'est abstenu;

En conséquence, le projet de loi est adopté; il sera transmis au sénat.

M. David, qui s'est abstenu, est invité à faire connaître les motifs de son abstention.

M. David. - Les dépenses sont faites, elles doivent être payées; je n'ai pas voulu voter contre le crédit; d'un autre côté, comme elles ont été faites d'une manière assez irrégulière, je n'ai pas cru pouvoir donner mon adhésion au projet de loi.

Ont répondu oui : MM. de Perceval, de Pitteurs, de Renesse, de Royer, Destriveaux, d’Hoffschmidt, d'Hont, Dubus, Frère-Orban, Jacques, Jullien, Julliot, Lange, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Manilius, Mascart, Mercier, Osy, Peers, Pierre, Pirmez, Reyntjens, Rodenbach, Rousselle, Schumacher, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Tremouroux, Vanden Berghe de Binckum, Vanden Brande de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Boulez, Bruneau, Christiaens, Cools, Coomans, Cumont, Dautrebande, H. de Baillet, de Baillet-Latour, H. de Brouckere, de Brouwer de Hogendorp, Debroux, Dechamps, Dedecker, de Haerne, de Liedekerke, Deliége, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Meester et Delfosse.

Proposition de loi

Dépôt

M. le président. - Une proposition a été déposée sur le bureau; elle sera soumise aux sections pour savoir si elles en autorisent la lecture.

Rapport sur une pétition

Rapport de la commission permanente d’industrie sur une pétition demandant une augmentation du droit d’entrée sur le tabac

La commission propose Tordre du jour.

M. Mercier. - Je ne m'oppose pas à la proposition de l’ordre du jour dans le sens de la demande des habitants d'Anzy. La protection accordée à la culture du tabac en Belgique est suffisante ; mais l’honorable M. Loos, rapporteur de la commission permanente d'industrie, est entré dans des considérations qui me paraissent étrangères à l'objet de la pétition ; il pourrait donner à l’ordre du jour prononcé par la chambre un tout autre caractère que celui que la chambre voudrait lui attribuer.

Cet honorable membre est entré dans des considérations relativement aux produits du droit de douane sur le tabac et au commerce des tabacs; il me semble que la question, telle qu'elle était posée, ne comportait pas une pareille extension. Je dois donc, sans m'opposer à l’ordre du jour et sans rien préjuger, faire toutes réserves sur l'éventualité d'une augmentation du droit d'entrée sur le tabac dans des circonstances données. Nous n'envisageons la question que sous le point de vue de la protection accordée à la culture du tabac indigène.

M. Osy. - Messieurs, vous vous rappelez qu'en 1844 nous avons examiné avec beaucoup d'attention la question de l’impôt sur le tabac. Je trouve que la commission d'industrie a très bien fait d’éclairer la (page 1386) chambre et le pays sur cette question. Il est prouvé que, comme nous l'avons prédit en 1844, en quadruplant le droit on a réduit considérablement le mouvement commercial, en même temps que la recette n'a que doublé.

Maintenant la pétition dont nous nous occupons n'a effectivement pas d'autre portée que de demander une protection plus forte pour la culture du tabac indigène. Or cette culture jouit déjà d'une protection de plus de 25 p. c, et une industrie qui ne peut pas vivre avec une pareille protection n'est réellement pas viable. Si on augmentait les droits, il y aurait une fraude considérable et la culture souffrirait encore davantage. Je trouve donc qu'on a très bien fait de demander l'ordre du jour.

M. Manilius. - Je dois faire observer à l'honorable M. Mercier, que ce n'est pas l'avis de M. Loos qui est consigné dans le rapport, mais que c'est l'avis de la commission d'industrie tout entière. Il faut que la chambre sache que la pétition a été examinée scrupuleusement et que les conclusions du rapport ont été adoptées par l'unanimité des membres présents de la commission.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, je n'entends nullement combattre les considérations développées dans le rapport de la commission d'industrie, et je crois que telle n'a pas été non plus l'intention de l'honorable membre qui a parlé le premier dans cette discussion. M. Mercier a dit seulement que le rapport traitait une question qui n'était pas à l'ordre du jour, en ce sens que la pétition à laquelle le rapport se rattache ne demande une augmentation des droits de douane que dans l'intérêt des cultivateurs. Sur ce point on propose l'ordre du jour, et je crois que toute la chambre adoptera l'ordre du jour.

Mais le rapport soulève une autre question, c'est celle de savoir si l'on pourrait, dans une circonstance donnée, élever le droit de douane sur les tabacs, dans l'intérêt du trésor; et bien, cette question n'est pas à l'ordre du jour, et l'honorable M. Mercier n'a pas entendu autre chose que de faire ses réserves à cet égard. L'honorable M. Manilius comprendra que si nous voulions traiter cette question, nous entrerions dans une discussion qui durerait pendant plusieurs séances. C'est donc une simple réserve qu'a faite M. Mercier, et je crois que tout le monde doit l'approuver.

M. Mercier. - Je regretterais d'entrer dans le fond de la question qu'indique l'honorable M. Osy. S'il était dans les intentions de quelques orateurs de la traiter plus amplement, je répondrais comme je l'ai déjà fait, aux objections présentées par l'honorable M. Osy. Je citerais l'année 1837, dont le chiffre d'importation s'est rapproché de celui des années 1842 et 1843, et qui a été suivie d'une réduction dans les années 1838 et 1839.

Mais je m'abstiendrai de traiter cette question en ce moment : je ferai seulement remarquer que l'honorable M. Osy, qui semble me combattre en disant, que contrairement à M. Mercier, il se prononcera pour l'ordre du jour, est tout à fait dans l'erreur, puisque j'ai déclaré que je voterai comme l'honorable membre pour l'ordre du jour, en précisant la signification que j'attache à ce vote.

M. Van Renynghe. - Je pense, comme l'honorable rapporteur de la commission permanente d'industrie, qu'il serait inopportun d'apporter des modifications aux droits d'entrée sur les tabacs. Mais, ne pourrait-on pas, en faveur de la culture du tabac en notre pays, appliquer une disposition de la loi de 1844 qui autorise le gouvernement à restreindre à certains bureaux l'importation des tabacs d'Europe par la frontière de terre?

La France qui, à cause de son monopole sur le tabac, frappe de prohibition tous les tabacs étrangers à son territoire, importe, au grand préjudice de notre agriculture, une quantité considérable de tabac, parce que l'on permet dans ce pays d'en planter pour l'exportation.

Je prie donc M. le ministre des finances de faire usage de la faculté que la loi de 1844 lui accorde, pour protéger notre culture de tabac. Celle mesure est très importante dans l'intérêt de notre agriculture et ne rencontrerait aucune difficulté dans son exécution de la part du gouvernement français, la culture du tabac en France pour l'exportation étant une cause de fraude, imposant des charges à l'Etat, sans lui procurer des bénéfices.

M. de Haerne. - Messieurs, je commencerai par dire un mot à l'appui des observations de l'honorable préopinant. J'appellerai aussi l'attention de M. le ministre des finances sur ce point important.

En 1844, lorsque la loi sur l'imposition des tabacs a été discutée dans cette chambre, plusieurs pétitions nous ont été adressées dans lesquelles on réclamait vivement contre l'introduction des tabacs français en Belgique, et l'on demandait qu'une mesure législative fût prise afin d'empêcher cette introduction. Pour faire droit à ces réclamations, on a conféré au gouvernement, par la loi adoptée à cette occasion, la faculté d'interdire l'introduction des tabacs français.

On avait demandé à cette occasion si une pareille mesure ne heurterait pas l'intérêt français, ne blesserait pas les susceptibilités du gouvernement français, et il a été démontré que c'était le contraire qui devait avoir lieu. C'est sur ce point que je veux appeler l'attention du gouvernement.

Pour le démontrer, permettez-moi d'entrer dans une courte explication. Comme il s'agit de protéger la culture des tabacs en Belgique, la chambre me permettra d'entrer dans quelques détails.

Voici comment le gouvernement français ne peut aucunement s'opposer à la mesure qui a été prise par la loi belge.

Comme vous le savez, il existe en France plusieurs zones pour le tabac ; dans les zones les plus rapprochées de la frontière, les prix des tabacs de la régie sont moins élevés qu'ils ne le sont dans les zones suivantes ; les prix sont échelonnés de manière à augmentera mesure que l'on avance vers l'intérieur.

Mais que se passe-t-il dans les zones les plus rapprochées de la frontière?

On y plante pour l'exportation; cette autorisation a été accordée en faveur de l'agriculture, mais le cultivateur qui plante pour l'exportation n'exporte pas toujours ses tabacs en Belgique ou dans les autres pays. Il fait un triage des meilleures feuilles qu'il réunit aux feuilles les plus belles de ce qui a été planté pour la régie, et de cette manière il livre à celle-ci tous les meilleurs tabacs qui ont été recueillis tant sur les terres exploitées pour la régie sur tous les terres exploitées pour l'exportation. Les feuilles les moins belles ne sont pas non plus toutes exportées. Une grande quantité de ces feuilles est importée en fraude dans les zones intérieures. C'est ainsi qu'il se fait en France une fraude, non seulement de l'extérieur vers la France, mais d'une zone vers les autres zones.

Ainsi, le gouvernement français, en permettant cette plantation pour l'exportation, s'est exposé à une fraude inévitable. Il doit s'opposer autant que possible à ce que cette fraude ait lieu. Or, si vous empêchez l'introduction du tabac français en Belgique, vous forcez les planteurs à diminuer leur culture pour l'exportation ; vous apportez un obstacle à ce que cette culture s'étende, et par conséquent vous enlevez un appât important à la fraude intérieure qui se fait en France.

Vous voyez donc qu'au point de vue général de l'intérêt français, qu'au point de vue du gouvernement français, il ne peut y avoir aucune difficulté internationale à cet égard. Sans doute, s'il s'agissait, en prenant une telle mesure, de porter le moindre préjudice aux intérêts français pris en général, il serait impolitique de notre part de le faire et je ne voudrais pas y donner les mains, parce que, par contrecoup, nos intérêts pourraient en être lésés. Mais, je le répète, il en est tout autrement.

D'un autre côté, le cultivateur français trouve dans les hauts prix qu'il obtient de la régie le moyen d'exporter certains tabacs à des prix très bas, dont nos planteurs ne peuvent soutenir la concurrence. C'est une véritable prime que les libre-échangistes mêmes devraient repousser, surtout lorsqu'il s'agit d'un intérêt national.

Permettez-moi d'ajouter une réflexion sur ce qui a été dit par d'autres préopinants.

Je ne m'oppose pas à la réserve faite par l'honorable M. Mercier ; quoique je croie qu'il serait imprudent sous plusieurs rapports d'élever les droits sur les tabacs exotiques, je dois reconnaître que ce n'est pas incidemment que l'on peut trancher une question aussi importante. Mais je ferai remarquer que le rapport présenté par l'honorable M. Loos, au nom de la commission permanente d'industrie, se rattache à la question dont il s'agit dans la pétition.

Car le pétitionnaire demande une protection en élevant les droits sur les tabacs étrangers, et en effet on doit reconnaître que plus les droits sur les tabacs exotiques sont élevés, plus aussi est forte la protection qui est accordée au tabac indigène. Il est également certain que si vous protégiez outre mesure, comme vous le feriez, selon moi, en adoptant les idées du pétitionnaire, la culture du tabac à l'intérieur, vous diminueriez les recettes, puisque vous ne frappez pas le tabac indigène qui, à la faveur de la protection, se substituerait en partie au tabac exotique. Je sais que l'honorable M. Mercier était d'avis en 1844 qu'il fallait atteindre le tabac du pays; mais je ne pense pas qu'il soit dans l'intention de la chambre de revenir sur la décision qu'elle a prise à cette époque, ni sur les mesures prises alors à l’égard du tabac.

Il est évident qu'en protégeant trop le tabac indigène, vous le substitueriez plus ou moins au tabac exotique; vous diminueriez l'importation , et par conséquent vous réduiriez les revenus du trésor, abstraction faite de la fraude que vous favoriseriez du côté de la Hollande. En voulant trop, vous vous exposeriez à obtenir moins.

Toutes ces idées sont corrélatives, et l'on ne peut toucher à la question des tabacs, sans l'envisager sous toutes ses faces. Le rapport présenté au nom de la commission d'industrie est très rationnel à cet égard. Le raisonnement qu'on y fait me paraît logique; on devait entrer dans ces considérations pour motiver l'ordre du jour.

Je reviens à ma première question. Je demande à M. le ministre des finances de bien vouloir nous dire s'il ne trouve pas de difficulté à empêcher l'introduction des tabacs français en Belgique.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable préopinant s'était borné, en commençant, à appeler l'attention du gouvernement sur les considérations qu'il a fait valoir. En terminant, il me pose une question directe; il me demande s'il n'y aurait pas d'inconvénients à l'adoption de la mesure qu'il indique. J'y vois au contraire de graves inconvénients. Ce serait aggraver le système protecteur, et le gouvernement a suffisamment fait connaître ses intentions sur ce point. Ce n'est que dans le cas de la plus impérieuse nécessité qu'il emploierait des mesures dans le sens indiqué par l'honorable préopinant.

M. de Haerne. - Il s'agit d'une mesure légale, d'une mesure que le gouvernement peut prendre en vertu d'une loi, et qui est réclamée dans l'intérêt de l'agriculture.

Quand on trouve des inconvénients dans la protection, on devrait la repousser surtout lorsqu'elle a lieu au profit de l'étranger contre l'intérêt national. C'est le cas pour ce qui regarde le planteur de tabac français, qui jouit d'une véritable prime.

- La discussion est close.

L'ordre du jour est mis aux voix et prononcé.

Projets de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère des finances

Dépôt

(page 1387) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban) dépose un projet de loi ayant pour objet des crédits supplémentaires au budget de la dette publique et au budget des finances. Ces crédits comprennent la somme nécessaire pour payer les intérêts des emprunts du mois de février et du mois de mai 1848.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet et le renvoie à l'examen des sections.


M. le président procède au tirage au sort des sections de mai.

- La séance est levée à 2 heures.