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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 16 mai 1849

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Delfosse, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1363) M. de Luesemans procède à l’appel nominal à 2 heures et demie.

- La séance est ouverte.

M. T’Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Luesemans fait connaître l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Le sieur Lucien Ferlin, né à Warneton, demande la grande naturalisation. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Plusieurs raffineurs de sucre présentent des observations sur le projet de loi relatif au droit d'accise sur le sucre et prient la chambre de maintenir comme fixe le chiffre de 64 fr. pour la restitution à accorder aux mélis et lumps, et celui de 66 fr. pour les candis. »

- Dépôt sur le bureau pendant le vote définitif du projet de loi.


« Plusieurs marchands de bétail à Malines présentent des observations sur le projet de loi concernant les vices rédhibitoires dans les ventes ou achats d'animaux domestiques. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.


« Plusieurs habitants de Ste-Marguerite demandent le maintien du bureau de douanes établi dans cette commune. »

M. Van Hoorebeke. - La suppression de ce bureau de douanes a causé dans cette localité la plus pénible impression. Je demande le renvoi de la pétition à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.

- Ce renvoi est prononcé.


Le directeur du Musée de l'industrie fait hommage à la chambre de deux exemplaires du Bulletin du musée (première livraison de l'année 1849).

- Dépôt à la bibliothèque.


MM. Boedt et le Bailly de Tilleghem, retenus chez eux depuis quelques jours par une indisposition, demandent un congé.

- Ces congés sont accordés.


M. Clep, obligé de s'absenter pour affaires urgentes, demande un congé de quelques jours.

- Accordé.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens pour l’exercice 1850

Rapport de la section centrale

M. Veydt., au nom de la section centrale du budget des voies et moyens pour l'exercice 1850, dépose un rapport sur la demande faite par plusieurs sections d'ajourner l'examen de ce budget jusqu'au commencement de la session prochaine.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des affaires étrangères

Rapport de la section centrale

M. Van Iseghem, au nom de la section centrale qui a examiné le projet de loi de crédit supplémentaire de 99,200 fr. concernant les affaires étrangères, dépose le rapport sur ce projet de loi.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports et en met la discussion à la suite de l’ordre du jour.

Projet de loi sur le droit de débit au détail des boissons distillées

Discussion des articles

Article premier

M. le président. - La discussion est ouverte sur l'article premier ainsi conçu :

« Art. 1er (projet du gouvernement). Tout débitant en détail de boissons alcooliques est spécialement imposé à un droit de débit d'après le tarif suivant :

« 1ère classe : 60 francs.

« 2eme classe : 50 francs.

« 3ème classe : 40 francs.

« 4ème classe : 30 francs.

« 5ème classe : 20 francs.

« 6ème classe : 15 francs.

« 7ème classe : 12 francs. »

« Art. 1er (projet de la section centrale). Tout débitant en détail de boissons alcooliques est spécialement imposé à un droit de débit d'après le tarif suivant :

« 1ère classe : 200 francs.

« 2eme classe : 100 francs.

« 3ème classe : 75 francs.

« 4ème classe : 50 francs.

« 5ème classe : 40 francs.

« 6ème classe : 30 francs.

« 7ème classe : 20 francs.

« 8ème classe : 16 francs.

« 9ème classe : 12 francs.

« 10ème classe : 8 francs. »

M. Jullien. - Messieurs, la loi du 18 mars 1838 a eu un double but : un but fiscal d'abord, ensuite un but moral. La loi a voulu assurer de nouvelles ressources au trésor, en même temps qu'elle a voulu diminuer l'usage immodéré des boissons alcooliques, en les frappant d'un droit qui devait forcément en augmenter le prix.

Le but fiscal a été atteint. La loi n'a répondu qu'imparfaitement au but moral. Toutefois, messieurs, il n'est pas exact de prétendre que la consommation du genièvre aurait été aussi forte depuis 1838 que précédemment. Il n'est pas non plus exact de soutenir que le nombre des débits serait resté le même depuis l'exécution de la loi de 1838. En effet, au moment de la discussion de cette loi, le nombre des débits s'élevait à 60,000 ; aujourd'hui, d'après les données statistiques fournies à la chambre, le nombre des débits se trouve restreint à 55,000.

La loi a donc eu dans son application un côté utile. Il y aurait, messieurs, selon moi, du danger à réduire à des proportions trop faibles le montant du droit d'abonnement, parce qu'alors nous ferions revivre une quantité assez considérable de débits qui sont (page 1364) aujourd'hui supprimés. Ce serait jeter de nouveau dans la société autant de distilleries d'un poison, qui pour me, servir de l'expression employée par l'honorable M. Lebeau en 1838, attaque à la fois et la santé et l'intelligence et la moralité du peuple.

Sous ce rapport j'accepterai le projet du gouvernement de préférence à celui de la section centrale, je l'accepterai d'autant plus volontiers qu'il évitera au trésor une diminution de recette de 170 mille francs qui se produirait dans le système de la section centrale.

Je me résume en disant que nous devons voter l'article premier du projet de loi, afin de maintenir au trésor la recette qui lui a assurée la loi de 1838 et afin de maintenir autant que possible le côté moral de cette loi.

J'ajouterai quelques mots encore relativement au texte de l'article premier de la loi qui vous est soumise. Il est bon de comparer ce texte au texte de l'article premier de la loi de 1838.

L'article premier de la loi de 1838 était ainsi conçu :

« Indépendamment des impôts existants actuellement, il sera perçu, à partir du 1er avril 1838, un droit de consommation sur les boissons distillées, etc. »

C'était donc un droit de consommation que l'on frappait sur les boissons distillées. Aujourd'hui le gouvernement vous propose de frapper, non pas un droit de consommation, mais un droit de débit. En effet, messieurs, le texte de l'article premier du projet porte : «Tout débitant en détail de boissons alcooliques est spécialement imposé à un droit de débit d'après le tarif suivant. »

Pour moi, messieurs, c'est au fond la même chose. Je dis que pour moi c'est au fond la même chose parce qu'en réalité les débitants de boissons distillées se remboursent sur le consommateur du droit qu'ils payent en augmentant le prix de vente, et en définitive le droit est ainsi acquitté par le consommateur.

Je voterai, messieurs, l'article premier du projet de loi, avec la signification que je lui donne.

Il se pourrait cependant que, dans la pensée du gouvernement, l'on ait à dessein qualifié dans cet article l'impôt, de droit de débit afin que l’on dût en inférer que ce droit constitue un impôt direct, lequel devrait être supputé dans le cens électoral. S'il en était ainsi, alors pour ne pas enchaîner sur cette question le vote de la chambre, il conviendrait peut-être que tout d'abord la chambre statuât sur le point de savoir si l'impôt qu'elle frappe doit être considéré comme un impôt indirect, un impôt de consommation, ou si, au contraire, elle entend frapper un impôt direct, qui ferait partie du cens électoral, d'après la Constitution et la loi électorale de 1831.

M. Moncheur. - Messieurs, les réflexions que vient de présenter l'honorable M. Jullien concordent avec celles que je vais avoir l’honneur de vous développer relativement à la nécessité de maintenir un droit assez fort sur le débit des boissons distillées. Deux tarifs vous sont présentés, l'un comprenant sept classes, au minimum de 12 francs et au maximum de 60 francs ; le deuxième comprenant dix classes, au minimum de 8 francs et au maximum de 200 francs.

La chambre ne doit pas hésiter, selon moi, à adopter le minimum le plus élevé : la loi proposée n'a pas seulement un but fiscal, mais, quoi qu'on en ait dit hier, elle a aussi un but moral. Plusieurs orateurs entendus hier ont tâché, messieurs, d'écarter complètement ce côté de la question, c'est--dire le but moral, but que la loi de 1838 a voulu atteindre; mais il me suffirait de quelques-unes des considérations présentées hier, notamment par l'honorable M. Rodenbach, pour prouver que ce côté moral existe bien réellement dans cette matière. Que vous a dit l’honorable M. Rodenbach? Abaissez le tarif à 8 francs; abaissez-le même, a dit l'honorable membre, jusqu'à 5 francs, et vous aurez 80,000 et peut-être 100,000 débitants au lieu de 50,000.

Eh bien, messieurs, c'est précisément cette multiplication des débitants de boissons alcooliques qui m'effraye, et c'est cette multiplication que vous devez empêcher par la loi.

Il n'en est point, messieurs, de l'impôt qui nous occupe comme d'un impôt purement fiscal, comme celui, par exemple, qui frappe le port des lettres. Je concevais le langage de l'honorable M. Rodenbach, lorsqu'il s'agissait de la réforme postale, car la facilité de la correspondance, la multiplication des lettres, c’est là un fait désirable; mais la multiplication des débits de liqueurs alcooliques, c'est, au contraire, un fait redoutable.

Il ne faut pas trop abaisser le droit sur le débit des boissons distillées. (Interruption.)

Je prévois l'objection de l'honorable M. Rodenbach; la voici : Le débit clandestin existe, et existera toujours. Vous aurez donc, quoi , que vous fassiez, les 100,000 débitants de boissons distillées, même au droit que vous proposez, mais avec cette différence que vous n'en aurez que 52,010 qui payeront, tandis que les 48,100 autres ne payeront pas. Voilà, messieurs, l'objection; mais elle n'est pas fondée. En effet, pourquoi le débit clandestin a-t-il eu lieu d'une manière si large, si générale sous l'empire de la loi de 1838? C'est que le droit était trop considérable, et que, par conséquent, les amendes étaient trop fortes. Lorsque des procès-verbaux étaient dresses par les agents du fisc contre les débitants clandestins, ces procès-verbaux restaient sans poursuite, parce que les amendes qui devaient en résulter étaient tellement considérables qu'elles auraient été irrécupérables dans la plupart des cas. Les délinquants, à l'abri de cette impunité, ont donc continué leur débit clandestin, et cette impunité est devenue un encouragement pour les débitants voisins.

Mais, avec le droit de 12 fr. qui est proposé par le gouvernement, croyez-vous que cet inconvénient soit encore à craindre? Pour moi je ne le pense pas.

Si le gouvernement est bien décidé à mettre la loi à exécution je suis convaincu qu'il en aura les moyens ; lorsqu'à l'avenir des procès-verbaux seront encore dressés, si les débitants viennent dire, comme ils disent aujourd'hui : « Nous ne pouvons pas gagner, avec notre commerce même de quoi payer le droit! » on leur répondra : « Si vous faites un commerce au moyen duquel vous ne pouvez pas même gagner un franc par mois, cessez ce commerce; n'employez pas à un négoce aussi peu productif une partie de votre temps et du petit capital dont vous disposez Je crois que l'administration, en tenant ce langage, aura raison.

Or, il résultera de là une diminution du nombre des débitants; et de cette manière sera atteint, dans de certaines limites, le but moral que la législature doit avoir en vue.

Quant au but fiscal, messieurs, il est évident que, si vous ne maintenez pas un droit suffisant, vous ne percevrez plus la somme que l’on a perçue jusqu'à présent ; et pour en revenir à la proposition de l'honorable M. Rodenbach, il est clair que si l'on avait les cent mille débitants dont il a parlé, à raison de 5 fr. on ne percevrait pas une somme aussi considérable qu'avec les 52,000 débitants actuels à raison de 12 fr.

Par conséquent, sous le rapport fiscal comme sous le rapport moral il y a nécessité de se rallier au chiffre minimum de 12 fr.

Quant au maximum du droit, la section centrale l’a élevé outre mesure. S'il existe peut-être en Belgique 2, 3 ou 4 établissements qui pourraient (ce que je ne crois même pas) être taxés avec justice à un supplément de contribution de 200fr. spécialement pour la vente des boissons alcooliques, ce n'est pas un motif suffisant pour justifier cette proposition, car on ne peut pas faire une loi générale d'impôt en vue de deux ou trois établissements seulement.

Je crois que ces établissements sont, du reste, assez frappés par les autres bases de contributions auxquelles ils sont soumis, notamment par les patentes, la valeur locative, etc.

Je pense donc que le maximum proposé par la section centrale est trop élevé; sous ce rapport peut-être aurait-on pu l'élever un peu au-delà de 60 francs; par exemple à 70 ou 80 francs. Si une proposition en ce sens était faite, je ne serais pas éloigné de m'y rallier; mais quant aux chiffres de 200 francs, et même de 100 francs, je les considère comme exagérés.

En résumé, j'engage donc la chambre à se rallier au tarif proposé par le gouvernement.

M. le président. - M. Toussaint vient de déposer un amendement ainsi conçu :

« Tout débitant en détail de boissons alcooliques est spécialement imposé à un droit de débit égal au droit de patente tel qu'il est fixé par le n°39 du tableau 14, tarif B, annexé à la loi du 21 mai 1819, modifié par l'article 3 de la loi du 6 avril 1823.

« Le minimum de ce droit est fixé à 8 fr. »

M. Toussaint. - Messieurs, je suis frappé, depuis que je suis membre de cette assemblée, de la tendance à varier indéfiniment notre législation, à la fragmenter à l'infini, à inventer constamment des principes nouveaux, sans aucun rapport avec notre législation générale. Si nous continuons à procéder ainsi, nous arriverons à avoir des lois tellement multipliées, tellement complexes, que nous, dont la profession est de faire les lois, nous serons les premiers à ignorer la loi que tout le monde est censé connaître.

La loi qui nous est soumise en ce moment est, en réalité, une modification de la législation sur les patentes ; la loi qui nous occupe en porte la trace à chaque pas; je la vois dans l'intervention des répartiteurs, dans la classification des communes, et dans la classification des débitants qui figurent dans le projet.

En définitive, l'impôt qu'on nous propose se base sur l'importance des affaires en boissons alcooliques faites par chacun des contribuables. Quoi qu'on fasse, on aura beau ergoter, on trouvera toujours un droit de patente élans l'impôt dont on frappera le revenu d'une profession. Or, dans la loi qui nous occupe, le gouvernement est resté assez fidèle à ce caractère dans toutes les dispositions autres que celles des trois premiers articles : et c'est pour harmoniser ces articles que j'ai déposé mon amendement.

La preuve de la tendance que j'ai signalée à s'éloigner des principes généraux de la matière, je la trouve dans la proposition de la section centrale, d'établir le classement des débitants d'après les bases de la loi communale. Eh bien, la loi communale classe les communes en vue élu nombre des conseillers à élire et en vue du cens électoral ; mais cette classification toute politique n'a aucun rapport avec les idées qui se rattachent à la tarification d'un impôt comme le droit de consommation ou le droit de patente.

En proposant de rattacher l'impôt qui nous occupe à la loi de 1819, je crois donc être complètement logique. Je crois aussi être complètement équitable; car la loi des patentes fournit plus de latitude que la loi projetée. En effet, d'après la loi de 1819, les cabaretiers, les débitants de boissons peuvent être imposés depuis la classe 14 jusqu'à la classe 12 du tarif B c'est-à-dire d'après ce tarif, tel qu'il est modifié par la loi de 1823, depuis une somme de 3 fr. 25 cent, jusqu'à celle de 100 francs, mais je fixe le minimum à 8 francs, afin de combattre la multiplication des débits.

La différence de 4 francs entre le minimum de mon amendement et le minimum de la proposition du gouvernement, se trouvera suffisamment (page 1365) compensée par la latitude infiniment plus grande que ma proposition fournit. En effet, la proposition du gouvernement contient quatre catégories seulement :

Les communes où l'on pourrait taxer les débitants de 20 à 60 francs, les communes où l'on pourrait taxer les débitants de 15 à 50 francs, les communes où l'on pourrait taxer les débitants de 15 à 30 francs et les communes où l'on pourrait taxer les débitants de 12 à 20 francs.

Ma proposition permet d'aller depuis 83 fl. soit à peu près 170 fr. jusqu'à 8 fr.

Ensuite, d'après les bases de la loi des patentes il y a 6 rangs de communes déterminées par le tableau B. On peut aller, pour les communes du premier rang, parmi lesquelles se trouvent Gand et Bruxelles, de 83 jusqu'à 5 fl. Pour le deuxième rang, qui comprend quelques-unes de nos villes principales, de 72 jusqu'à 4 fl. 50. Pour le troisième rang on peut aller de 45 à 13 fl.; pour le quatrième rang, de 55 à 4 fl.

Je crois que la proposition que j'ai eu l'honneur de faire produirait une somme supérieure à celle que produirait la proposition du gouvernement. Elle atteindrait davantage le but moral que nous nous proposons. Elle serait plus équitable en donnant plus de latitude aux répartiteurs. Enfin elle serait conforme aux antécédents. En effet, chaque fois que la loi fiscale a voulu atteindre d'une manière particulière certaines catégories, elle l'a fait sans sortir des principes généraux de la loi.

Ainsi, voulant frapper d'un impôt spécial les banquiers des puissances étrangères, la loi des patentes n'a pas créé pour eux des principes spéciaux ; elle les a simplement rangés dans la première classe, quelle que soit l'importance de leurs affaires.

La loi sur le droit de succession pour les actions et titres d'emprunt des nations étrangères n'a pas inventé des principes nouveaux; mais elle est restée dans l'ensemble des principes qui régissent la matière, en établissant simplement un double droit.

Tantôt l'honorable M. Jullien a fait remarquer que notre impôt est un impôt spécial, un impôt de consommation, parce qu'il avait pour but, pour effet d'élever le prix de la marchandise. Mais, messieurs, c'est l'effet de tous les impôts, et particulièrement des droits de patente. Lorsque vous frappez une profession d'un impôt, nécessairement la personne qui exerce cette profession doit retrouver le montant de l'impôt sur les consommateurs, sur les personnes qui se fournissent chez elle.

En résumé, messieurs, si vous admettez la manière d'asseoir l'impôt que j'ai l'honneur de vous proposer, vous vous dispensez d'introduire des principes nouveaux.

Vous serez justes et équitables en laissant plus de marge aux répartiteurs; vous obtiendrez un produit plus élevé pour le trésor. En définitive, les antécédents en matière fiscale seront respectés.

En raison de ces différents motifs, j'insiste pour que la chambre veuille bien prendre ma proposition en considération.

M. le président. - La parole est A M. de Luesemans pour développer un amendement qu'il vient de déposer, et qui a pour but de réduire à 10 fr.la taxe fixée à 12 fr. pour la septième classe par l'article premier du projet du gouvernement.

M. de Luesemans. - Mon amendement n'est pas destiné à apporter une très grande perturbation dans le projet présenté par le gouvernement.

Je reconnais très volontiers que ce projet, pris dans son ensemble, a pour effet d'apporter une grande amélioration dans l'état actuel des choses. Mais j'ai été frappé de cette circonstance que la progression qui fut admise pour les chiffres de 30, de 25 et de 20 fr. ne doit pas être proposée d'une manière égale pour les trois chiffres. Il me semble que le bénéfice qui devrait résulter de la loi, pour les petits débitants, et seulement dans les communes de 1,000 habitants et au-dessous, devrait être de 10 fr., de même qu'il sera de 10 fr., dans les communes populeuses, pour les débitants qui jusqu'à présent payaient 20, 25 ou 30 fr. Ce serait pour quelques-uns d'entre eux une différence de 2 fr. Je ne pense pas que ce dégrèvement soit d'un grand effet pour le trésor ; mais, pour un grand nombre de débitants, la différence serait assez notable, assez sensible. Je pense que, par mesure d'équité, nous devons diminuer 10 fr. sur chaque classe. De cette manière, la classe qui payait 25 fr. en payera 15 au minimum ; celle qui payait 25 en payera 15 ; celle qui payait 30 pourra ne payer que 20 fr. Il y aura alors un dégrèvement de 10 fr.

Il me semble que cette mesure est équitable. J'en fais la proposition à la chambre.

M. Moreau, rapporteur. - Il est sans doute permis d'examiner sous différents points de vue le projet de loi qui est soumis à votre examen. La loi peut être considérée comme ayant un but moral, en même temps qu'un but fiscal. Quant à moi, je crois être plus près de la vérité en considérant la loi comme purement fiscale. Sous ce rapport, je suis d'accord avec le gouvernement. Car, voici ce que porte l'exposé des motifs du projet de loi :

« Le but que l'on se proposait, celui de diminuer le nombre de débits, a-t-il ainsi été atteint? En apparence, oui, puisque le produit qui atteignait et dépassait même un million pendant les premières années après la publication de la loi, est successivement descendu au-dessous de 900,000 francs. Mais en réalité, ce résultat n'a pas été obtenu, puisque le grand nombre de contraventions qui ont été constatées, et la difficulté de découvrir les débits clandestins, démontrent que la plupart du temps l'élévation, du droit a été, pour les petits débitants, un appât à la fraude, bien plutôt qu'un motif de nature à les faire renoncer à l'exercice de leur profession. »

L'honorable M. Moncheur et l'honorable M. Jullien, si je ne me trompe, ont dit que la difficulté de constater les contraventions, que la hauteur des amendes qui étaient comminées par la loi de 1838, étaient des causes pour lesquelles la fraude n'était pas réprimée, et pour lesquelles les petits débits existaient comme auparavant. Je répondrai que les petits débits continueront à exister clandestinement sous la loi nouvelle, et qu'avec le droit de 12 fr., vous en aurez un plus grand nombre qu'avec le droit de 8 fr. que propose la section centrale.

D'après la section centrale, comme j'ai eu l'honneur de le dire, la loi ne peut être envisagée que sous son rapport fiscal, comme devant produire un revenu pour le trésor public. La considérant comme telle, je vais tâcher de réduire la question à sa plus simple expression. Est-il vrai qu'en envisageant la loi sous ce point de vue il est juste que chacun paye l'impôt d'après l'importance de son commerce, d'après les bénéfices qu'il en retire? Est-il vrai, d'un autre côté, qu'il y a en Belgique quantité de débitants de liqueurs fortes qui vendent 25 fois plus que d'autres débitants ; qu'alors, par exemple, que le débitant de la première classe réalise un bénéfice de 10 fr. les grands établissements font des bénéfices s'élevant à 250 fr.?

Je laisse, messieurs, à la chambre le soin d'apprécier et de résoudre cette question ; mais ceux qui, comme moi, la décideront dans un sens affirmatif penseront qu'en taxant les uns à 200 fr. et les autres à 8 fr., on les imposera dans une proportion équitable.

Si, messieurs, vous voulez, comme plusieurs honorables membres le désirent, dégrever les petits détaillants dans de justes limites, il faut, pour ne pas léser les intérêts du trésor, que vous augmentiez dans une proportion assez forte la taxe à payer par les gros détaillants.

Vous êtes donc ici, ce me semble, en présence de deux systèmes. D'après le nôtre, nous prenons en considération la position des petits cabaretiers que nous soulageons, sauf à faire supporter la perte qui pourrait en résulter pour le trésor par les grands établissements. D'après le second système, vous laissez à charge des petits contribuables une taxe trop lourde, qui est peu en rapport avec leurs revenus, avec leurs moyens d'existence, et vous en forcerez un grand nombre, quoi qu'en dise l'honorable M. Moncheur, non pas à délaisser leur débit, mais à établir des débits clandestins.

Vous avez donc à choisir entre ces deux systèmes. A cette occasion, je me permettrai de vous rappeler qu'il n'y a pas bien longtemps on a dit qu'il fallait que les classes inférieures de la société fussent dégrevées de l'impôt direct et que le sacrifice de ce chef fût supporté par les classes supérieures. C'est dans ce but que la section centrale a modifié l'article premier ; elle n'a donc rien fait en cela d'inique ni de monstrueux. Je crois donc que le tarif qu'elle vous propose doit être adopté par la chambre.

M. Ch. de Brouckere. - Messieurs, je dirai d'abord quelques mots en réponse à ce que vient de vous dire l'honorable rapporteur de la section centrale, qui persiste à ne voir que le caractère fiscal de la loi et qui veut la détacher de tous les antécédents. Mais la loi que nous faisons aujourd'hui se relie intimement à la loi de 1838. Or, en 1838, toute la discussion a roulé sur le côté moral de la loi. Le gouvernement vient vous signaler quelques défectuosités dans la loi au point de vue du trésor, sans en contester le moins du monde le but principal, et il vous demande de modifier le côté vicieux de la loi.

On craint les débits clandestins. Mais pour ma part, je préfère quatre débits clandestins à un seul débit public et ouvert. Le débit clandestin ne peut, permettez-moi l'expression triviale, que vendre goutte à goutte; et s'il y avait un scandale dans ce débit, s'il y avait des ivrognes, il ne serait plus clandestin, procès-verbal serait dressé. Je ne crains donc pas les débits clandestins.

Mais un honorable membre vous a proposé un système tout à fait nouveau, et j'espère que je n'aurai pas besoin d'ergoter, comme il vous l'a dit, pour démontrer que ce système est inexécutable et qu'il pervertirait la législation.

L'honorable membre est effrayé, depuis qu'il siège dans cette chambre, de la diversité des lois que nous faisons. Mais nous ne faisons pas une loi nouvelle. La loi existait avant lui; elle existe depuis 1838.

Il veut l'assimilation à la loi des patentes. Je dis d'abord que c'est inexécutable, parce que le patenté ne paye pas une patente spéciale pour vendre des liqueurs alcooliques, mais il paye une seule et même patente pour tout ce qu'il débite. Or, comme vous ne voulez ici atteindre que les boissons alcooliques, dites-moi comment les répartiteurs arriveront, si ce n'est en faisant une classification spéciale, à assimiler les débitants qui débitent différents articles, qui débitent de la bière, qui débitent du vin, qui débitent des boissons non alcooliques. Leur ferez-vous payer une double patente? Dites alors que tout le monde va payer une double patente. Mais pourquoi ceux-ci plutôt que d'autres? N'est-ce pas renverser toute l'économie de la loi des patentes? N'est-ce pas détruire, pervertir toute la législation?

L'honorable membre a senti qu'il avait commis une faute, et il a sous-amendé son amendement. D'abord, pour être conséquent avec lui-même, pour rester dans le principe de la loi des patentes, il appliquait cette loi ; mais il a compris qu'en appliquant la loi des patentes, il allait rencontrer pour adversaires tous ceux qui trouvaient déjà qu'un droit de 8 fr. était beaucoup trop faible, qui trouvaient qu'il fallait s'en tenir à la limite de 12 fr., et pour ma part je m'y tiens à regret.

(page 1366) Eh bien que fait l'honorable membre? Il renverse toute l'économie de la loi des patentes : le minimum c'est 8 francs et il prend la classification du tarif B. Il a eu soin de vous dire que les cabaretiers sont taxés depuis la troisième classe jusqu'à la quatorzième, mais il aurait dû tout vous dire : dans les campagnes la plupart des débitants de boissons alcooliques font leurs provisions en petit et ceux qui sont dons ce cas ne peuvent être placés que dans la 13ème et la 14ème classe exclusivement. Or, dans la 13ème classe le droit est de 4 florins (8 francs) pour les villes d'Amsterdam, Bruxelles, Rotterdam, Anvers et Gand.

(Je prends le texte ancien.) Ainsi vous allez faire payer aux débitants des communes rurales un droit égal à celui que payeront les débitants des villes de premier rang. Où est donc cette justice distributive dont on vous parle? Pour qu'il n'y ait point de doute ni d'ambiguïté, je vais lire le texte de la loi :

(L'orateur cite les articles de la loi du 21 mai 1809.)

Or, c'est ainsi que tous les cabaretiers des campagnes font leurs approvisionnements. Eh bien, vous établissez un minimum de 8 fr. (4 florins) et c'est la patente la plus élevée que puissent payer les débitants des villes de premier rang. Je demande s'il y a possibilité d'exécuter ce système et s'il est possible de rattacher le moins du monde la loi qui nous occupe à la loi des patentes ? Je dis encore une fois que c'est pervertir la loi des patentes.

L'honorable membre a reproché encore au projet du gouvernement, comme à celui de la section centrale, de s'appuyer sur une division politique de 0aà population, et il aimerait beaucoup mieux la division établie par la loi des patentes. Mais il a donc oublié que depuis 1820, depuis que la loi des patentes est en vigueur, on s'est récrié partout contre la répartition arbitraire des communes. Il a oublié que telle commune qui, en 1819, pouvait être au troisième rang, n'est plus aujourd'hui qu'au cinquième, tandis que telle autre qui était alors au cinquième rang se trouve aujourd'hui au troisième.

Je ne veux pas ici exposer quelles sont les communes qui ont doublé en population et en richesse et quelles sont celles qui se sont appauvries depuis 1819, mais il me serait facile de le faire. Ce serait donc vouloir rajeunir une vieillerie contre laquelle tout le monde se récrie et qui doit être révisée. Le gouvernement lui-même sent la nécessité d'une révision de la loi des patentes.

M. David. - Je prends la parole, messieurs, pour indiquer en peu de mots à l'honorable M. de Brouckere de quelle manière se fait le débit clandestin des boissons fortes dans presque toutes les localités, mais surtout dans les campagnes. Ce n'est pas dans les cabarets qui cherchent à éluder la loi que cela se fait; voici comment on s'y prend : on se rassemble dans des maisons particulières, où l'autorité locale ni la police n'ont accès ni ne peuvent exercer aucune surveillance, au moins que je sache ; on y introduit du genièvre, on y boit, on s'y enivre, on y reste souvent toute la nuit, au grand détriment des mœurs et du repos public. Comme je trouve ces réunions de buveurs clandestins plus immorales et plus dangereuses que celles tenues dans des établissements ouverts et soumis aux règlements de police, et que le meilleur moyen de les faire cesser, c'est de fixer excessivement bas l'impôt à payer par les petits débitants de boissons alcooliques, j'adhère au système de la section centrale.

M. Toussaint. - Messieurs, je demande un instant la parole pour répondre quelques mots à ce qu'a dit l'honorable M. de Brouckere. L'honorable membre a prétendu que la proposition de la section centrale et la mienne ne tiennent aucun compte du but moral de la loi sur les boissons distillées. Il a encore prétendu que ma proposition est complètement inapplicable. Troisièmement, il a exprimé son regret de ce que le gouvernement lui-même ait cru devoir descendre à la limite de 12 fr. Finalement, il a fait la critique de la classification des communes telle qu'elle résulte de la loi de 1819; préférant sans doute la classification, soit du gouvernement, soit de la section centrale, où les communes sont classées uniquement d'après le chiffre de leur population. Messieurs, sans craindre de pervertir, comme il l'a insinué, la législation, je me permettrai de relever ces quatre points en quelques mots seulement.

Messieurs, la preuve que ni par la section centrale ni par moi, le côté moral de la loi n'est négligé, c'est que la section centrale élève le droit maximum bien plus haut que le gouvernement ne relevait, et que moi-même, en proposant de rattacher la loi dont il s'agit à la loi des patentes, j'élève également de beaucoup le maximum du projet.

Messieurs, si la loi des patentes est exécutable, la proposition que j'ai l'honneur de faire à l'assemblée et dont l'assemblée décidera selon son bon plaisir, cette proposition est aussi parfaitement exécutable. Le minimum que j'établis dans l'intérêt du but moral et dans l'intérêt du trésor, n'empêchera pas du tout la loi d'être exécutable. Or, la loi des patentes est si bien exécutable, que le rôle des patentes est toujours terminé avant ceux de tous les autres impôts.

L'honorable M. de Brouckere regrette que l'on soit descendu jusqu'au chiffre minimum de 12 francs. Je crois qu'il y a là une sollicitude née de la position administrative que l'honorable M. de Brouckere remplit si bien : dans les grandes villes on ne peut jamais infliger grief aux débitants de boissons alcooliques, en leur demandant plus de 12 fr., plus de 20 fr. et plus de 30 fr.; car, dans ces grandes villes, où il y a beaucoup de ressources, beaucoup de loisirs, et, par conséquent, une forte tentation d'abuser des boissons spiritueuses, les bénéfices des débitants sont toujours très élevés; mais il n'en est pas de même dans les communes rurales.

Là les ressources et les loisirs étant bien moindres et les débits extrêmement peu importants, il faut pouvoir descendre à une limite infiniment inférieure, pour tenir compte de la réalité des faits et, quoi qu'on en ait dit, de la vraie justice distributive.

L'honorable M. de Brouckere a fait remarquer que la classification de 1819 a beaucoup varié dans notre pays.

Eh ! qui le nie ? Cette classification variera encore davantage, à mesure que les forces industrielles du pays augmenteront, à mesure que nous serons moins agricoles, à mesure que les Belges seront moins permanents dans leurs occupations.

Mais je prétends qu'une classification qui a été faite directement en vue du but fiscal, en vue des facultés industrielles qui s'exercent dans chacune des parties du pays, en vue des ressources plus ou moins abondantes qui s'y trouvent; qu'une classification faite au hoc, n'est pas, même après trente ans, tellement éloignée de la vérité des faits, qu'il faille lui préférer une classification complètement arbitraire, faite exclusivement d'après la base spécieuse de la population groupée sous une même administration locale.

L'honorable M. de Brouckere sait aussi bien que moi qu'il y a en Belgique un très grand nombre de communes considérables composées de populations rurales, agricoles, disséminées; ces populations éparses, réunies sous une seule administration, s'élèvent quelquefois, comme dans le pays de Waes et les deux Flandres, jusqu'à 9,000 et même 12,000 habitants ; mais ces communes ne peuvent pas, au point de vue du débit, être comparées à des communes d'une population égale en chiffre, mais agglomérée, livrée aux travaux de l'industrie, qui exerce une grande action sur les alentours, et qui a, par conséquent, de nombreuses chances d'affaires et de bénéfice.

Le but moral de la loi, dont vous semblez le défenseur exclusif, exige que vous suiviez les débitants dans la plus ou moins grande quantité d'affaires qu'ils font. Si vous avez une limite maximum très basse, vous n'atteindrez pas suffisamment les débitants importants ; vous ne les forcerez pas à élever le prix de leur marchandise. Si vous avez un minimum trop élevé, vous serez injustes envers les petits détaillants et vous créerez les débits clandestins.

Or, il est désirable dans l'intérêt de l'ordre public que toutes les administrations communales puissent avoir l'œil sur tous les débits de boissons alcooliques qui existent sur leur territoire. Nous devons donc abaisser raisonnablement le droit minimum pour les petits débitants, afin de les engager à se faire patenter, et de faire disparaître les débits occultes, les plus dangereux de tous.

Messieurs, je crois n'avoir rien proposé qui ne soit parfaitement conforme à nos antécédents législatifs, rien qui ne soit logique, rien qui ne laisse même plus de latitude aux répartiteurs pour taxer suivant l'importance des débits, et rien qui ne vise à faire atteindre par notre loi le but à la fois moral et fiscal que nous nous proposons.

Je regrette de devoir être en désaccord avec un esprit aussi énergiquement logique de l'honorable M. Ch. de Brouckere; mais ayant fait ma proposition en acquit de ma conscience, j'ai cru devoir la défendre comme je la défends. Que si elle n'obtient pas l'assentiment de la majorité, j'espère qu'au moins chacun de mes collègues rendra justice à mes intentions.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs , je ne sais si la plupart d'entre vous ont pu saisir bien nettement la pensée formulée dans l'amendement de l’honorable M. Toussaint. Il est impossible de se rendre compte du résultat qu'on peut obtenir par cette proposition. L'honorable membre nous dit bien : « Vous aurez, au point de vue fiscal, des avantages aussi considérables, peut-être plus considérables que ceux que procure la loi actuelle. » Mais quels sont les éléments de ses calculs ? Sur quelle base l'honorable membre a-t-il opéré ? C'est ce qu'il a omis de dire. Je ne suis pas en position de vérifier quelles seraient les conséquences financières de la proposition qui vous est soumise.

Mais quel est le but que l'honorable membre se propose ? Il en a un seul : c'est celui de ne pas faire une législation fragmentée (comme il s'est exprimé), qui contienne des principes différents pour des matières analogues, et, en conséquence, il propose d'appliquer certaines dispositions de la loi des patentes de 1819 à la catégorie spéciale des patentables dont nous nous occupons en ce moment. Lorsque son amendement a été présenté, il pouvait parfaitement justifier cette pensée; l’honorable membre transportait purement et simplement certaines dispositions de la loi des patentes dans la loi nouvelle; mais, toute réflexion faite, il est obligé d'aller immédiatement contre le but qu'il se propose ; voilà qu'il change la loi des patentes, dans le moment où il vous convie à la transporter dans le projet en discussion, et il la modifie de manière à la détruire complètement. C'est ce qu'il fait en fixant un minimum de 8 fr.

L'honorable membre prétend qu'avec sa proposition l'intérêt rural sera aussi bien sauvegardé qu'avec la proposition du gouvernement, ou avec celle de la section centrale; je ne puis être d'accord avec lui sur ce point. Il est clair que si l'on veut conserver à la loi ce côté moral qui avait présidé à la rédaction de la loi de 1838, ce n'est pas en élevant outre mesure l'impôt dont sont frappés les débits d'une grande importance, et en abaissant à 8 fr. le droit pour les petits débits. Les grands débits ne sont pas ceux qui présentent des inconvénients au point de vue de la morale ; c'est dans les petits débits que les populations ouvrières sont exposées à se pervertir par l'enivrement. (Interruption.) Je n'ai pas besoin d'affirmer qu'on s'enivre peu de genièvre dans les grands cafés des villes importantes.

Qu'a-t-on constaté sous l'empire de la loi de 1838? Que le droit (page 1367) minimum étant trop élevé, on l'éludait. Il y avait des débits clandestins. Que fait le gouvernement? Il abaisse le droit de telle sorte que le but moral ne cessera pas d'être atteint, sans que le but fiscal soit négligé. Par ce motif, je ne puis pas admettre les propositions de la section centrale.

L'honorable M. de Luesemans propose de réduire à 10 francs la taxe de la 7ème classe, portée à 12 francs dans le projet du gouvernement. Il me paraît que la réduction d'un impôt de 20 fr. à 12 fr. est bien suffisante.

La réduction à 10 francs entraînerait pour le trésor une perte de 40,000 francs au minimum. S'il y a extension de débits de cette nature, si des débits qui sont clandestins aujourd'hui, se décident à déclarer leur profession et à acquitter le droit de 12 fr., la part serait plus considérable encore, il y aura une réduction sur la proposition du gouvernement, et nous l'évaluons à 40 mille francs. Cela est incontestable, puisque le nombre des débitants au taux de 12 francs est de 20 mille. C'est une perte trop considérable pour que je puisse y consentir.

M. Thibaut. - Le projet du gouvernement et celui de la section centrale et les amendements déposés ne satisfont que complètement à ce que j'aurais désiré voir dans l'article premier. Quant au minimum proposé par le gouvernement je l'accepterai volontiers; je crois qu'il y aurait danger à descendre au-dessous de 12 fr. Je partage sur ce point l'opinion du gouvernement et celle de l'honorable M. Ch.de Brouckere; mais je pense que le gouvernement n'est pas allé assez loin dans l'élévation du chiffre pour les classes supérieures et je pense d'un autre côté que la section centrale a été trop loin. Je ne pourrais pas admettre ce saut immense de 100 fr. pour la 2ème classe à 200 fr. pour la première. Il me semble que l'on pourrait s'arrêter au chiffre de 100 fr. comme maximum et 12 fr. comme minimum. Dans ce cas on aurait 8 classes : la plus élevée payerait 100 fr., la seconde 75, la 3ème 50, la 4ème 40, la 5ème 30, la 6ème 20, la 7ème 16 et la 8èmè 12.

Quant à l'intérêt fiscal, il est parfaitement garanti par cette élévation de tarif ; il est évident que le produit sera plus considérable qu'avec la proposition du gouvernement, puisqu'aucun débitant ne payera moins que ne le propose le gouvernement et que plusieurs payeront davantage. Sous ces deux rapports, la proposition que j'ai l'honneur de faire peut se recommander à l'attention de la chambre.

Quant à l'objection faite hier au projet de la section centrale et reproduite aujourd'hui à propos de l'élévation du droit à 200 francs, qu'aucun répartiteur ne voudrait imposer à cette somme énorme quelques établissements privilégiés, bien que je réduise le maximum à 100 francs, cette difficulté pourrait encore se présenter, mais on y obvierait en introduisant une disposition qui imposerait l'obligation d'appliquer ce droit à un certain nombre d'établissements, par exemple, en exigeant que le 20ème ou le 25ème des débitants fussent portés à la classe la plus élevée dans la commune où ils sont établis.

Avec cette disposition, on serait certain que la loi serait appliquée dans son intégralité; et les recettes du trésor seraient assez notablement augmentées.

M. Ch. de Brouckere. - Je n'ai que deux mots à dire. Tout à l'heure l'honorable M. Toussaint a bien voulu faire allusion à ma position particulière. Dans cette enceinte, je suis représentant, et je n'ai pas toujours dans l'esprit que j'occupe une autre fonction. Si j'étais aussi généreux ou aussi plaisant que l'honorable membre, je pourrais dire qu'en 1819 quand on fit la loi des patentes, telle commune qui avait 1,200 à 1,500 habitants en compte aujourd'hui 20 mille.

D'après la loi des patentes elle se trouve placée à la dernière classe ; elle sera dans la classe du milieu d'après le projet du gouvernement et celui de la section centrale. Mais je ne suis pas aussi généreux que lui je suis convaincu qu'il n'a pas songé, en se levant, à la commune d'Ixelles où il est conseiller communal.

J'ai réfuté les observations de l'honorable membre, je n'ai pas été compris, car il a persisté à prétendre que la loi des patentes était applicable, j'avais dit qu'elle était inexécutable, parce que généralement, dans notre pays, il n'y a pas d'individu qui exerce la profession spéciale de débitant de boissons alcooliques.

Ce que nous avons en général dans notre pays, ce sont des cabaretiers, lesquels vendent de la bière en plus grande quantité que du genièvre et ne sont assujettis qu'à une patente comprenant le débit général ; qu'ainsi ne payant pas la patente comme débitant de boissons alcooliques, il est impossible de doubler cette patente qui n'existe pas.

Je vais plus loin; je dis que l'honorable membre n'a pas compris la portée de son amendement. Il a dit qu'il allait plus loin que la section centrale; qu'on pourrait faire payer même plus de 200 fr., parce que les cabaretiers sont divisés en dix classes dans les grandes villes, et que la première paye 125 florins.

C'est encore une erreur ; celui qui est porté à la première classe comme débitant de boissons, c'est un grand cafetier qui vend, non seulement des boissons fortes, mais dix ou vingt espèces de boissons; c'est pour cette vente de vingt espèces de boissons qu'il paye 125 florins; si on vient à augmenter sa patente pour boissons alcooliques, ces boissons n'étant qu'un des 20 objets pour lesquels la patente de 125 florins est établie, il ne pourrait être taxé qu'à 12 fr., c'est-à-dire au vingtième de 250 fr. Voilà le maximum qui serait réellement appliqué. Vous voyez que l'honorable membre n'a pas compris la portée de son amendement.

M. Pierre. - Je me bornerai à dire quelques mots pour motiver le vote approbateur que je suis décidé à émettre sur les propositions de la section centrale. Je préfère les dix bases qu'elle établit aux sept bases proposées par le gouvernement. Deux motifs me paraissent concluants en faveur du système qu'elle nous présente.

D'abord, il sera permis de faire des débits de boissons une classification mieux proportionnée et plus équitable. Ensuite la fraude deviendra beaucoup plus rare. Les petits détaillants ne s'exposeront plus à tenir des débits clandestins, alors que le minimum du droit de consommation sera abaissé à 8 francs.

Quoi que l'on en ait dit tout à l'heure, le but moral que l'on s'était proposé en établissant la loi du 18 juin 1839 a été complètement manqué.

Le nombre des débits déclarés a, il est vrai, diminué; mais la consommation réelle et effective est demeurée la même. Loin de diminuer, elle semblait plutôt s'être accrue depuis lors. Je pense donc qu'au moyen des bases fixées par la section centrale (erratum, page 1409) la fraude sera, comme je viens de le faire pressentir, à peu près anéantie. L'intérêt n'est-il pas le seul appât de la fraude? Amoindrir cet intérêt, n'est-ce point le paralyser, autant qu'il nous est possible de le faire? Il résultera donc de cette mesure un plus grand nombre de déclarations de débits tenus aujourd'hui clandestinement.

Le résultat de cette augmentation sera, me paraît-il, pour le trésor une compensation suffisante de l'abaissement du taux des trois dernières bases.

A mes yeux, la loi actuelle a perdu le caractère moral de la loi primitive. Il n'est point nécessaire, pour le démontrer, d'entrer dans de longues considérations. Un fait résout à lui seul la question. La consommation des spiritueux a été oui ou non diminuée sous l'empire de la législation que nous modifions en ce moment? La négative n'est point douteuse. Je ne sache point que l'on songe même à la contester. Pourquoi donc invoquer encore, ainsi que vient de le faire l'honorable M. Charles de Brouckere, un but moral ? L'expérience ne s'est-elle pas chargée de prouver l'impuissance et l'inefficacité de la loi qui nous occupe, pour atteindre ce but ?

Le caractère moral étant écarté, le projet que nous soumet la section centrale est évidemment le meilleur, au point de vue fiscal. Il permet une répartition plus juste de cette espèce d'impôt, il assure en même temps au trésor une somme assez élevée.

L'honorable M. Thibaut trouve que la section centrale a fait, dit-il, pour me servir de son expression, un trop grand saut entre la première et la dernière classe qu'elle propose. C'est précisément là que, pour ma part, je rencontre le plus beau côté de son système. Ne permet-il pas, en effet, une répartition plus nette, plus équitable de la charge résultant de la loi, une répartition mieux proportionnée à l'importance des débits et des bénéfices réalisés? Ces conditions ne sont-elles point indispensables, pour rétablissement de tout impôt, sans distinction de sa nature? Ce sont ces considérations qu'il ne faut point perdre de vue.

M. le président. - M. de Luesemans a la parole.

- Plusieurs voix. - La clôture, la clôture !

- La chambre, consultée, ferme la discussion.

M. le président. - Plusieurs amendements sont présentés : par M. Toussaint, la section centrale, MM. Thibaut et de Luesemans.

Celui qui s'éloigne le plus du projet du gouvernement est celui de M. Toussaint. Je vais le mettre le premier aux voix.

M. Toussaint. - Je comprends que mon amendement s'éloigne trop du projet de loi, pour avoir chance de réunir l'assentiment de la majorité; et la discussion étant close, je n'aurai pas l'occasion de prouver que mon système est parfaitement exécutable et qu'il produirait plus que le système du gouvernement; je retire ma proposition.

- L'article premier du projet de la section centrale et les amendements proposés par MM. Thibaut et de Luesemans sont successivement mis aux voix et rejetés.

L'article premier du projet du gouvernement est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2 (projet du gouvernement). Les classes servant à déterminer la cotisation dans chaque localité sont :

« A. Dans les communes d'une population inférieure à 1,000 âmes, les 5ème, 6ème et 7ème classes ;

« B. Dans les communes d'une population de 1,000 âmes et au-dessus, mais inférieure à 9,000, les 4ème, 5ème et 6ème classes ;

« C. Dans les communes d'une population de 9,000 âmes et au-dessus, mais inférieure à 30,000 âmes, les 2ème, 3ème, 4ème, 5ème et 6ème classes;

« D. Dans les communes d'une population de 30,000 âmes et au-dessus, les 1ière, 2ème, 3ème, 4ème et 5ème classes.

« Art. 2 (projet de la section centrale). Les classes servant à déterminer la cotisation dans chaque localité sont :

« A. Dans les communes d'une population inférieure à 2,000 âmes, les 6ème, 7ème, 8èm, 9èm et 10ème classes;

« B. Dans les communes d'une population de 2,000 âmes et au-dessus, mais inférieure à 5,000, les 4ème, 5ème, 6ème, 7ème, 8ème, 9ème et 10ème classes;

« C. Dans les communes d'une population de 5,000 âmes et au-dessus, mais inférieure à 10,000, les 3ème, 4e, 5ème, 6ème, 7ème et 8ème classes;

« D. Dans les communes d'une population de 10,000 âmes et au-dessus, mais inférieure à 15,000, les 2ème, 3ème, 4ème, 5ème, 6ème et 7ème classes;

« E. Dans les communes d'une population de 15,000 âmes et au-dessus, les 1ère, 2ème, 3ème, 4ème, 5ème, 6ème et 7ème classes. »

M. le président. - Je ferai remarquer que l'amendement de la section centrale à cet article vient à tomber par l'adoption de l'article premier du projet du gouvernement.

(page 1368) M. Tesch. - Je demande que l'on substitue an chiffre de 1,000 âmes, qui se trouve dans le projet du gouvernement, le chiffre de 2,000 âmes proposé par la section centrale. En voici le motif : il est beaucoup de communes divisées en 3, 4, 5 et même 6 sections. Or, il est évident que cette population qui se trouve fractionnée ne donne pas aux débitants un avantage plus grand que n'en ont les communes de moins de mille âmes.

Dans les communes qui ont mille habitants de population agglomérée, les débitants seront évidemment dans une position plus favorable que les débitants se trouvant dans les 5 ou les 6 sections de 300 habitants chacune, dont le chiffre total de la population dépasserait 2,000.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'objection de l'honorable M. Tesch consiste à dire qu'il y a des communes divisées en sections, lesquelles ayant une population inférieure à 1,000 âmes, se trouvent dans une position plus mauvaise que les localités où il y a 1,000 habitants agglomérés. Je dois faire remarquer que c'est (indépendamment du plus ou moins d'importance du débit) l'un des motifs qui justifie la proposition qui range dans diverses classes les débitants d'une même localité.

Ainsi, dans une localité d'une population inférieure à 1,000 habitants, tous les débitants n'appartiendront pas nécessairement à la même classe ; ils pourront être rangés dans la troisième, dans la sixième ou dans la septième classe. Par conséquent, les répartiteurs auront égard, dans l'application du tarif, aux conditions particulières dans lesquelles se trouve le débitant.

M. Tesch. - Je demanderai à M. le ministre si dans une commune de 2,000 âmes, comprenant 5 ou 6 sections, il ne faudra pas nécessairement que le répartiteur mette un ou plusieurs débitants dans la première classe.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne puis répondre d'une manière directe à la question. Les répartiteurs feront le classement ; ils pourront, selon moi, avoir égard aux observations de l'honorable membre. C'est du reste l'exception; comme on le fait observer auprès de moi.

Les répartiteurs prendront en considération l'importance du débit et l'importance de la population, tout cela se lie.

M. Tesch. - Je retire mon amendement.

- L'article. 2 du projet du gouvernement est mis aux voix et adopté.

Article 3

« Art. 3. Aucun centime additionnel n'est perçu au profit de l'Etat sur le droit de débit. »

M. Rousselle. - Croyez-vous que cet article doive être maintenu dans cette loi qui est une loi de principe. Les centimes additionnels sont votés, s'il y a lieu, annuellement par la loi du budget des voies et moyens. Il me paraît qu'il vaudrait mieux ne pas dire dans cette loi qu'il n'y aura pas de centimes additionnels ; car la loi du budget des voies et moyens pourrait en établir. Je demande donc la suppression de l'article.

M. Mercier. - Ce n'est pas la seule occasion où une disposition de cette nature ait été comprise dans la loi. Elle a également été insérée dans la loi du timbre. On a toujours respecté une semblable disposition des lois spéciales. C'est une exception à la règle générale; car tous nos impôts sont frappés de centimes additionnels, et si l'on veut que celui-ci n'y soit pas soumis il faut le déclarer.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Cest pour cela qu'il faut maintenir l'article.

- L'article 3 est mis aux voix et adopté.

Article 4

« Art. 4. Sont réputés débitants, pour l'application de la présente loi :

« A. Ceux qui vendent ou livrent par quantités de 5 litres et au-dessous.

« B. Ceux qui, soit chez eux, soit ailleurs, mais dans un lieu accessible au public, donnent à boire des boissons alcooliques. »

M. Thibaut. - Messieurs, à l'occasion de la loi que nous discutons, on vous a souvent parlé des débits clandestins, et l'honorable M. David vous a expliqué tantôt en quoi ils consistaient. Je m'associe de tout cœur au vœu qu'il a formé de voir disparaître ces débits clandestins, de nos communes rurales surtout. Car il faut bien l'avouer, pour qui connaît les campagnes, ces débits sont une source d'immoralité et de désordre dans les familles.

Je demanderai s'il ne serait pas possible d'atteindre, par l'article 4, les débits clandestins, en assimilant, par exemple, au débitant, par l'application de la loi, celui qui prête son domicile pour y laisser consommer des boissons alcooliques.

Il arrive souvent que dans les communes rurales, où l'on fait observer les règlements de police, où l'on fait évacuer les cabarets après l'heure de la retraite, des jeunes gens se retirent, nantis de boissons, dans des maisons particulières, et y passent la nuit dans la débauche. Il me semble que dans ce cas on pourrait atteindre, en l'assimilant au débitant, celui qui permet chez lui ces abus.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Veuillez rédiger l'amendement.

M. Thibaut. - Voici comment je le rédigerais: « Sont assimilés aux débitants, pour l'application de la présente loi, ceux qui prêtent leur domicile pour y consommer des boissons alcooliques. » (Interruption.)

Il faut distinguer entre ceux qui donnent des boissons qui leur appartiennent et les personnes qui prêtent uniquement leur domicile pour que ceux qui ont acheté des liqueurs ailleurs, viennent les y consommer.

M. le président. - Présentez-vous un amendement?

M. Thibaut. - Non, M. le président. La chambre ne me paraît pas disposée à l'accueillir.

- L'article 4 est mis aux voix et adopté.

Articles 5 à 8

« Art. 5. Le débitant est tenu de déclarer chaque année son débit :

« A. Dans la première quinzaine du mois de janvier, pour les débits existants à cette époque :

« B. Avant l'ouverture de débit, s'il s'agit d'en établir un nouveau.

« Cette déclaration est écrite, signée et remise au receveur des contributions de la localité, qui en délivre un récépissé. »

- Adopté.


« Art. 6. La classification des débitants est déterminée dans chaque localité par le collège des répartiteurs agissant de concert avec le contrôleur des contributions, conformément aux règles suivies en, matière de patente.3

- Adopté.


« Art. 7. Il est formé un rôle de cotisations établies en conformité de l'article 6, au commencement de l'année.

« Le rôle est rendu exécutoire par le gouverneur comme en matière de contributions directes. Il est publié conformément à l'article 9 de la loi du 4 messidor an VII.

« La même règle est suivie pour les rôles supplétifs à former ultérieurement dans l'année. »

- Adopté.


« Art. 8. Les débitants peuvent se pourvoir en réclamation contre leur classement auprès de la députation permanente du conseil provincial, qui décide en dernier ressort. Aucune réclamation n'est admise si elle n'est présentée dans les trois mois de la date de l'avertissement de la cotisation, et accompagnée de la quittance du droit pour le terme exigible. »

- Adopté.

Article 9

« Art. 9. Le droit fixé au tarif est dû en totalité pour les débits existants au 1er janvier et pour ceux ouverts pendant le premier trimestre de l’année. La taxe est diminuée d'un, de deux ou de trois quarts pour les débits ouverts pendant le 2ème, le 3èe ou le 4ème trimestre.»

M. Veydt propose de dire : « ... Et pour ceux qui seront ouverts. »

- L'article ainsi modifié est adopté.

Articles 10 à 13

« Art. 10. Le droit est exigible par trimestre, au commencement de chacun d'eux et par payements égaux. »

- Adopté.


« Art. 11. Le receveur délivre une quittance de chaque payement. Cette quittance doit être représentée à toute réquisition des fonctionnaires ou agents mentionnés à l’article 15, lesquels sont autorisés à pénétrer, sans aucune assistance, dans les lieux occupés par les débitants et ouverts au public, à l'effet de constater les contraventions à la loi. »

- Adopté.


« Art. 12. Les quittances ne justifient le débit que dans la demeure déclarée par le contribuable, à moins que le changement de domicile, n'ait été dénoncé au receveur et renseigné par celui-ci sur la quittance délivrée à son bureau.

« La quittance délivrée aux débitants colporteurs ne justifie le débit que dans les communes d'une population égale ou inférieure à celles indiquées pour la cotisation.

« Lorsqu'un débitant change de domicile pour continuer son débit dans une commune d'un rang supérieur, il est tenu d'en faire la déclaration au receveur de cette dernière localité, et soumis, s'il y a lieu, à une cotisation supplémentaire à partir du trimestre suivant. »

- Adopté.


« Art. 13. En cas de cession d'un débit, la cotisation peut être transcrite au nom de l’acquéreur sur une déclaration faite au receveur par les intéressés. Cette cession est censée faite de plein droit aux héritiers.

« Lorsqu'un débitant cesse son débit sans le céder à un tiers, il lui est accordé un dégrèvement de sa cotisation à partir du trimestre suivant.

« Ce dégrèvement est consenti par la députation permanente du conseil provincial, à laquelle le débitant est tenu d'adresser sa demande. »

- Adopté.

Article 14

« Art. 14. Sont punis :

« 1° D'une amende de 1 à 5 francs ceux qui ne représentent pas la quittance ou qui en représentent une ne justifiant pas le débit dans le domicile ou dans la commune où il est établi ;

« 2° D'une amende du décuple des droits dus pour un trimestre, ceux qui débitent sans avoir payé l'impôt ou qui refusent d'admettre les fonctionnaires ou agents désignés à l’article 13, dans les parties de leur domicile ouvertes au public.

« En cas d'insolvabilité, l'amende est remplacée par un emprisonnement de 1 à 15 jours.

« Les peines sont doubles s'il y a récidive dans l’année. »

M. d'Hont a proposé de remplacer l’avant-dernier paragraphe de cet article par la disposition suivante :

« En cas d'insolvabilité, l'amende sera remplacée par un emprisonnement de 1 à 5 jours, pour la contravention prévue au n°1° et de 1 à 15 jours pour la contravention prévue au n° 2°. »

M. d'Hondt. - Messieurs, d'après une explication que j'ai eu l'honneur d'avoir avec M. le ministre des finances, avant l'ouverture de la (page 1369) séance, je crois pouvoir me dispenser de proposer un amendement tendant à rendre l’application de la peine d’emprisonnement facultative, au lieu d’obligatoire, pour le juge ; mais j’ai cru devoir déposer l’amendement dont M. le président vient de donner lecture et qui a pour objet d'établir une peine différente pour la contravention prévue au n°1° et celle qui est prévue au n° 2°.

En bonne justice, les peines, pour être équitables, doivent être graduées d'après le degré de culpabilité. Or, vous conviendrez avec moi, messieurs, que le débitant qui a payé son droit de débit, mais qui ne peut pas produire sa quittance, est bien moins coupable que celui qui n'a pas payé du tout, c'est-à-dire qui a réellement fraudé le droit.

D'ailleurs je pense qu'il est de l'intention de la chambre d'attribuer aux juges de paix l'application de l'amende de 1 à 5 francs, si je puis en juger d'après le rapport de la section centrale. Or, la section centrale tombe ici dans une contradiction manifeste : elle dit formellement qu'elle veut renvoyer la connaissance de la contravention prévue au n°1 aux justices de paix, et d'un autre côté elle admet, en cas d'insolvabilité, un emprisonnement de 1 à 15 jours, c'est-à-dire une peine qui sort de la compétence des juges de paix.

Je crois, messieurs, que mon amendement est la conséquence logique de ce que veut la section centrale, et je ne pense pas que M. le ministre des finances voie de l'inconvénient à ce que ma proposition soit adoptée.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, dans le système de la proposition du gouvernement, l'amendement de l'honorable membre présenterait peu d'utilité. Il a pour objet de faire décider que l'amende serait remplacée par un emprisonnement de 1 à 5 jours dans le cas du paragraphe premier de l'article 14, et de 1 à 15 jours dans le cas du paragraphe 2 du même article; eh bien, messieurs, la disposition étant générale, laissant toute latitude au juge de prononcer depuis 1 jusqu'à 15 jours, il est clair que le juge, appréciant le plus ou moins de gravité de l'infraction commise, n'appliquera pas le maximum sans un motif particulier, pour l'infraction prévue au paragraphe premier.

Dans le système de la section centrale, qui propose de déférer l'affaire au juge de simple police lorsqu'il ne s'agit que d'une peine de simple police, il y aurait peut-être quelque utilité à admettre l'amendement de l'honorable M. d'Hont; mais je ne puis pas, quant à moi, me rallier à l'amendement de la section centrale. Cet amendement constituerait une dérogation à la règle constamment suivie en matière fiscale et qui consiste à déférer uniformément aux tribunaux correctionnels la connaissance des contraventions aux lois fiscales. Je pense que, dans l'intérêt d'une bonne législation, de l'uniformité des principes, il n'y a pas lieu d'admettre une semblable dérogation. Je devrai donc combattre l'amendement de la section centrale à l'article 15 dont nous nous occuperons tout à l'heure.

M. Tesch. - Je pense, messieurs, que d'après ce qui vient d'être dit, il faudrait voter d'abord sur la proposition de la section centrale, qui attribue aux juges de paix la connaissance des délits dont il s'agit. Il est évident que si cette proposition est rejetée, l'amendement de M. d'Hont devient sans objet, tandis que si elle était adoptée, l'amendement serait utile.

- La chambre décide qu'elle s'occupera d'abord de l'amendement proposé par la section centrale à l'art. 15.

Article 15

« Art. 15. Les dispositions de la loi générale du 26 août 1822, modifiées par la loi du 6 avril 1843, relatives à la rédaction, l'affirmation, l'enregistrement des procès-verbaux, la foi due à ces actes, le mode de poursuites, la responsabilité, le droit de transiger et la répartition des amendes, sont rendues applicables aux contraventions prévues par la présente loi.

« Par extension de l'article 194 de la loi générale précitée, tous les fonctionnaires et employés publics y désignés, les bourgmestres, échevins et commissaires de police, sont qualifiés, à l'effet de rechercher et de constater seuls les contraventions. »

La section centrale propose d'intercaler, entre le premier et le deuxième paragraphes, la disposition suivante :

« Toutefois les tribunaux de simple police appliqueront les peines qui rentreront dans les limites de leur compétence. »

M. Moreau, rapporteur. - Messieurs, la section centrale a introduit cette disposition dans le projet de loi par une raison très simple, c'est que le fait dont il s'agit est très facile à constater : ce fait consiste à ne pas représenter la quittance qui justifie le débit. La section centrale a pensé que le juge de paix pouvait fort bien s'assurer du point de savoir ; si cette contravention a été commise ou non. De plus, il n'est question que d'une amende de 1 à 5 francs, et il a paru à la section centrale qu'il ne fallait pas faire comparaître un délinquant devant le tribunal correctionnel et lui faire supporter des frais de déplacement et des frais de procédure assez élevés pour une contravention qui entraîne une pénalité si faible.

Toutefois, messieurs, si cela dérange le système général de procédure, établi en matière fiscale, alors, pour mon propre compte, je n'insisterai pas pour l'adoption de l'amendement.

M. Liefmans. - Messieurs, je viens appuyer l'amendement de l'honorable M. d'Hont; en d'autres termes, je suis d'avis qu'il faut donner à la compétence de la justice de paix la connaissance de quelques-unes des contraventions prévues par la loi qui nous occupe. Parmi ces contraventions, sont nécessairement celles qui ont un caractère peu grave, dont il ne faut pas poursuivre la constatation avec autant de rigueur que les autres contraventions.

Mon honorable collègue d'Audenarde a dit que celui qui a payé le droit, mais, qui, par une circonstance quelconque, se trouve dans l’impossibilité de produire la quittance qui le constate, n'est pas à beaucoup près aussi coupable que celui qui débite des boissons en fraude de la loi.

Il me semble qu'il faut admettre ce principe, parce qu'il est rationnel. Si donc I individu supposé n'est pas aussi coupable, il faut que la peine à prononcer ne soit pas aussi forte. Or, je crois qu'en comminant une peine d’un emprisonnement de 5 jours au maximum, on se montre assez rigoureux.

Si cela est vrai, je demanderai pourquoi l'on chargerait encore les tribunaux correctionnels de la connaissance d'affaires qui n'ont aucune importance, alors que nous avons décidé que toutes les affaires qui ont ce caractère seraient soustraites à la connaissance des tribunaux correctionnels.

Puisqu'ici on applique seulement une peine d'un à cinq francs, et puisque d'après la proposition de mon honorable collègue d'Audenaerde, on n'appliquera qu'un emprisonnement d'un à cinq jours, il n'y a pas de motif pour ne pas laisser la connaissance de ces délits aux juges de paix.

Mais si l'on veut que le maximum de l'emprisonnement soit fixé à 15 jours, il va de sol que le juge de paix ne serait pas alors compétent. Dans ce cas, il faudrait faire la division, et dire : Les délits prévus par le paragraphe premier seront de la compétence des juges de paix, tandis que les délits prévus par le paragraphe 2 resteront soumis à la juridiction des tribunaux correctionnels.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, lorsque récemment on a étendu la compétence des juges de paix dans une foule de cas, la chambre n'a pas compris les matières fiscales parmi les attributions nouvelles qui ont été conférées aux juges de paix. On a compris qu'il était nécessaire de maintenir tout le système de la législation sous ce rapport. Aujourd'hui on veut y déroger. Cela me paraît contraire à la pensée qui a dirigé la chambre dans l'examen de la loi qui a été votée dernièrement.

Les lois fiscales comminent dans une foule de cas des amendes minimes dont l'application serait de la compétence du juge de paix; mais la loi déclare formellement que les tribunaux correctionnels doivent connaître des contraventions. L'on peut voir à cet égard :

La loi du 18 juin 1822, sur la contribution personnelle, art. 116;

La loi du 6 avril 1823, sur les patentes, art. 13 ;

La loi du 8 mars 1838, sur le débit de boissons, art. 7 ;

La loi générale du 26 août 1822, sur la perception des droits de douanes et d'accises, art. 247 ;

La loi du 6 avril 1845, art. 28 et 29;

Parfois, dans les cas prévus par ces lois, les amendes sont fort minimes. Ainsi, en matière de patentes, l'article 32 inflige une amende de 5 florins;

En matière de contribution personnelle, l'article 85 inflige une amende proportionnelle qui peut descendre à 2 ou 3 francs ;

En matière de douanes et d'accises, les cas d'amendes proportionnelles sont nombreux. L'on en trouvera des preuves dans les articles 214 et 215 de la loi générale; dans l'article 32 de la loi sur les distilleries du 30 juin 1842 ; dans ces différents cas si le droit est peu élevé, l'amende est nécessairement minime.

Or, aux termes de l'article 137 du Code d'instruction criminelle, les juges de paix peuvent prononcer des amendes qui ne dépassent pas 15 francs: la proposition de la section centrale viendrait donc détruire l'uniformité si désirable en cette matière, puisque souvent les amendes n'atteignent pas 15 francs.

Je pense donc qu'il y a lieu de maintenir le principe qui a été suivi jusqu'à présent.

Il y a pour cela une raison particulière, c'est qu'en matière fiscale, à la différence des autres matières pénales, la transaction est permise. On peut se pourvoir devant l'administration. Ce n'est que dans des cas exceptionnels que l'on défère aux tribunaux.

Ces considérations me portent à repousser l'amendement de la section centrale.

M. d'Hondt. - Messieurs, je dois maintenir mon amendement, parce qu'il me semble qu'avant tout la législature doit s'occuper du soin d'être juste et logique. Or, je demande s'il est logique et juste de mettre sur la même ligne la culpabilité…

M. le président. - Permettez, M. d'Hont, je crois qu'il s'agit maintenant, non de votre amendement, mais de l'amendement de la section centrale à l'article 15.

M. d'Hondt. - L'un me semble se rattacher plus ou moins à l'autre. Cependant, je veux bien me réserver de prendre la parole tantôt.

M. Orts. - Messieurs, à ce qu'a dit M. le ministre des finances, je n'ajouterai qu'un mot pour éclairer l'honorable M. d'Hont sur la portée de son amendement. L'amendement, tout anodin qu'il paraît être pourrait amener, s'il était adopté, une augmentation considérable dans les frais de poursuite attribués au ministre des finances pour les matières fiscales.

(page 1370) En effet, l'administration des finances croit que dans ces matières, même devant les tribunaux correctionnels, elle ne peut s'en fier aux soins du ministère public et s'y fait représenter par un avocat; à plus forte raison le fera-t-elle devant les juges de paix qui sont moins au courant des matières fiscales que les juges des tribunaux correctionnels, s'ils n'y sont tout à fait étrangers. Le besoin pour l'administration d'avoir un avocat près de toutes les justices de paix du royaume, sera la conséquence de l'amendement proposé.

- L'amendement proposé par la section centrale à l'article 15 est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Article 14

M. le président. - M. d'Hont, maintenez-vous votre amendement à l'article 14?

M. d'Hondt. - Je le maintiens quant à fixation de la peine dont l'application sera dévolue aux juges correctionnels.

Cet amendement est mis aux voix et adopté ainsi que l'ensemble de l'article 14 ainsi amendé.

Article 15

M. le président. - Nous revenons à l'article 15 du gouvernement, ainsi conçu :

« Les dispositions de la loi générale du 26 août 1822, modifiées par la loi du 6 avril 1843, relatives à la rédaction, l'affirmation, l'enregistrement des procès-verbaux, la foi due à ces actes, le mode de poursuites, la responsabilité, le droit de transiger et la répartition des amendes, sont rendues applicables aux contraventions prévues par la présente loi.

« Par extension de l'article 194 de la loi générale précitée, tous les fonctionnaires et employés publics y désignés, les bourgmestres, échevins et commissaires de police, sont qualifiés, à l'effet de rechercher et de constater seuls les contraventions. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Ch. de Brouckere croit utile d'ajouter au deuxième paragraphe de cet article les mots : « commissaires adjoints » après « commissaires de police ».

- L'article 15 du gouvernement, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.

Article additionnel

M. le président. - La section centrale propose une disposition transitoire ainsi conçue :

« Le droit de débit dont il s'agit dans la présente loi sera compris dans le cens électoral. Néanmoins, l'électeur ne pourra ne prévaloir, pour la formation du cens, de ce qu'il a payé en vertu de la loi du 18 juin 1839. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le gouvernement a formellement déclaré que l'impôt dont sont grevés les débitants de boissons distillés entrerait dans la formation du cens électoral ; sous ce rapport, la disposition présentée par la section centrale exprime la pensée du gouvernement; mais je la trouve inutile ; il s'agit d'une contribution directe et, aux termes de la Constitution, toutes les contributions directes concourent à la formation du cens.

La loi de 1838 ayant déclaré que les contributions payées de ce chef ne feraient pas partie du cens, il est clair qu'on ne pourra pas se prévaloir, pour la fixation du cens, des contributions payées sous l'empire de cette loi; la seconde disposition delà section centrale est donc inutile.

M. Moreau, rapporteur. - En effet, elle n'est pas nécessaire.

- La disposition transitoire est mise aux voix; elle n'est pas adoptée.

Article 16

« Art. 16. La présente loi est obligatoire à partir du … ; à cette époque, la loi du 18 mars 1838 cesse ses effets. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Cet article est inutile. Le gouvernement choisira le moment opportun pour promulguer la loi ; et elle sera obligatoire dans les délais légaux.

M. de Brouckere. - Je crois qu'il faut dire que la loi de 1838 est abrogée ; sans cela les dispositions qui ne sont pas explicitement supprimées resteront, notamment celle relative au cens électoral.

Je propose de dire :

« La loi du 18 mars 1838 est abrogée. »

- Cet article 16 est adopté.


M. le président. - A quand veut-on fixer le second vote ?

- Plusieurs voix. - Tout de suite.

M. Rousselle. - J'aurais quelques observations à faire sur l'addition inopinément présentée par M. le ministre des finances relativement aux commissaires de police adjoints.

- Plusieurs voix. - A vendredi.

- Le second vote est renvoyé à vendredi.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.