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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 25 avril 1849

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1206) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

La séance est ouverte.

M. de Luesemans donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Vandenpeereboom fait connaître l'analyse des pièces suivantes, adressées à la chambre.

« Plusieurs pharmaciens dans l'arrondissement de Charleroy présentent des observations concernant le projet de loi qui modifie la loi sur l'enseignement supérieur. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur Lefevere, de Maneghem, prie la chambre de rejeter le projet de loi qui met des valeurs à la disposition du gouvernement. »

- Dépôt sur le bureau pendant le vote définitif du projet.


« Plusieurs carrossiers, selliers, maréchaux en équipages et ferrants, charrons, caissiers, peintres en équipages et armoiries, platineurs, fondeurs, galonniers, lanterniers, mécaniciens, tourneurs, artistes vétérinaires, marchands de chevaux, etc., demandent le rejet des articles du projet de loi sur la contribution personnelle qui frappent d'un impôt les objets de luxe de leur commerce, et prient la chambre de modifier la législation douanière avec la France, relativement à ces objets. »

MpV. - Je propose le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur la contribution personnelle, et à la commission permanente de l'industrie.

M. Delehaye. - Messieurs, j'appuie aussi le renvoi de la pétition à la commission permanente d'industrie, parce que la partie de la pétition, relative à la législation douanière avec la France, n'entre pas dans les attributions de la section centrale; la commission, après examen, nous fera ultérieurement un rapport sur cette partie de la requête.

- Le double renvoi proposé par M. le président, est mis aux voix et adopté.

Il est fait hommage à la chambre, par M. Heusebling de 110 exemplaires d'une notice qu'il vient de publier sous ce titre « : Des impôts dans leur rapport avec l'agriculture. »

- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres.

Proposition de loi qui met certaines valeurs financières à la disposition du gouvernement

Second vote des articles

Article premier

« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à disposer, même temporairement :

« 1° Des 13,438 obligations de l'emprunt belge à 4 p. c. représentant l'encaisse de l'ancien caissier général du royaume des Pays-Bas ;

« 2° Des valeurs qui resteront en boni après la liquidation des créances mentionnées à l'article 64 du traité entre la Belgique et le royaume des Pays-Bas, du 5 novembre 1842.

« Néanmoins, le gouvernement ne pourra négocier les titres de l'emprunt 4 p. c. qu'au taux minimum de 80 et les titres du fonds 2 1/2 au taux minimum de 50. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je demande la suppression des mois : « même temporairement », qui sont complètement inutiles.

- L’article premier, avec la suppression des mots ci-dessus, est mis aux voix et définitivement adopté.

Articles 2 et 3

« Art. 2. Le produit de la réalisation des obligations mentionnées à l'article précédent sera affecté à l'amortissement de la dette flottante. »

- Définitivement adopté.


« Art. 3. Le ministre des finances rendra compte aux chambres de l'exécution de la présente loi dans la plus prochaine session qui suivra l'époque à laquelle elle aura eu lieu. »

Les mots en tout ou en partie » ont été supprimés dans cet article lors du premier vote.

- Cette suppression est confirmée.

M. Toussaint. - Puisqu'on en est à la rédaction, je demanderai qu’à l’article 3 on supprime les mots « dans la plus prochaine session qui suivra, etc. » L'article porterait : « Le ministre des finances rendra compte aux chambres de l'exécution de la présente loi dans la session qui suivra l’époque à laquelle elle aura lieu. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On pourrait supprimer toute la fin de l'article à partir des mots : « dans la plus prochaine session » et se borner à dire : « Le ministre des finances rendra compte aux chambres de l'exécution de la présente loi. »

Dès que l'exécution aura eu lieu, le gouvernement devra en rendre compte aux chambres.

M. le président. - Je ferai observer qu'il n'y a pas eu d'amendement à cet article.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est un changement de rédaction.

M. Delfosse. - Il suffit de faire droit à l'observation de M. Toussaint.

- Le changement de rédaction proposé par M. Toussaint est mis aux voix et adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

En voici le résultat :

82 membres ont répondu à l'appel.

57 membres ont répondu oui.

21 membres ont répondu non.

4 membres se sont abstenus.

En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.

Ont répondu oui : MM. Allard, Ansiau, Boedt, Roulez, Cans, Christiaens, Cumont, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, Debourdeaud’huy, de Brouckere (Henri), Debroux, Dechamps, Dedecker, de Haerne, Delescluse, Deliége, de Luesemans, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon, de Renesse, de Royer, Destriveaux, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, d'Hont, Faignart, Frère-Orban, Jouret, Julliot, Lange, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Liefmans, Loos, Mascart, Moreau, Moxhon, Pirmez, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Thibaut, Thiéfry, Toussaint, Tremouroux, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Hoorebeke, Van Renynghe, Vilain XIIII et Verhaegen.

(Erratum, page 1213) Ont répondu non : MM. Clep, Coomans, de Bocarmé, Delfosse, d’Elhoungne, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, Dubus, Jacques, le Bailly de Tilleghem, Lelièvre, Manilius, Moncheur, Prévinaire, T'Kint de Naeyer, Van den Brande de Reeth, Van Grootven et Vermeire.

M. le président. - La parole est aux membres qui se sont abstenus, pour motiver leur abstention.

M. David. - Messieurs, sous la pression d'une dette flottante beaucoup plus lourde que celle qui existe aujourd'hui, sous la pression des calamités qui ont surgi, des crises commencées en 1845, nous avons obtenu fort peu d'économies sur quelques budgets. Sur le budget de la guerre nous n'avons obtenu que les réductions produites par l'abaissement du prix actuel des céréales. Je crains qu'en faisant disparaître quelques-unes des difficultés financières du trésor, et à la suite de l'amélioration des circonstances, le zèle pour les économies ne vienne à se ralentir. Par conséquent je ne pouvais voter pour le projet de loi.

D'un autre côté, la mesure pouvant avoir quelque influence favorable sur le crédit public, je n'ai pas voulu voter contre.

M. Delehaye. - Je me suis abstenu parce que je n'ai pas assisté à la première discussion.

M. Desoer. - Je me suis abstenu, parce que je n'ai pas assisté à toute la discussion.

M. Osy. - Messieurs, j'ai voté pour la disposition tendant à mettre à la disposition du gouvernement les 13,438 obligations 4 p. c, représentant l'encaisse de l'ancien caissier général du royaume des Pays-Bas. Mais je n'ai pu donner mon assentiment à la disposition qui tend à mettre à la disposition du gouvernement le boni de la liquidation des créances mentionnées à l'article 64 du traité du 5 novembre 1842. En effet, messieurs, j'ai aujourd'hui la preuve, et elle doit se trouver dans les mains de M. le ministre des finances, que les décisions de la commission de liquidation avant 1830 n'étaient pas définitives et que le roi Guillaume lui-même a cassé, en 1826, plusieurs décisions de cette commission. J'ai ensuite la preuve que des administrations communales, que des hospices, des bureaux de bienfaisance ont seulement obtenu 30 p. c. de ce qu'ils auraient reçu, si l'on avait continué la liquidation sur le même pied qu'en 1830. Des personnes plus favorisées ont obtenu 60 p. c. de leurs créances ; il n'est donc pas juste que des administrations publiques, que des hospices, tels que ceux de Bruges el de Messine, n'aient obtenu que 25 à 30 p. c. de leur créance.

Voilà pourquoi je n'ai pas voulu mettre à la disposition du gouvernement le boni, avant qu'on ait révisé les décisions de la commission de liquidation pour les créances gallo-belges.

Ordre des travaux de la chambre

(page 1207) M. de Man d'Attenrode (pour une motion d’ordre). - J'ai demandé la parole afin de rappeler ah gouvernement la présentation de divers projets de lois qu'il importe de discuter pendant cette session.

Je demanderai en premier lieu où en est le projet destine à organiser le service du caissier de l'Etat.

D’après le paragraphe 2 de l’article 58 de la loi de comptabilité, « le gouvernement est autorisé à conserver à la Société Générale pour favoriser l’industrie nationale, les fonctions de caissier général de l’Etat jusqu’au 31 décembre 1849. » D'après le paragraphe 3, le service du caissier de l'Etat sera organisé, par une loi spéciale, avant le 1er janvier 1850.

Il me semble qu'il est urgent que le gouvernement nous présente ce projet de loi, qu'il serait convenable de le discuter pendant cette session. A notre rentrée nous aurons à discuter le budget des voies et moyens, le budget de la guerre. Nous serons amenés ainsi à la fin de l'année. Il est donc nécessaire de discuter le projet de loi sur le caissier de l'Etat avant de nous séparer.

Je demanderai ensuite où en est le projet qui tend à organiser le service des recettes du chemin de fer de l'Etat. C'est là un projet qui concerne le département des travaux publics.

D'après l'article 7 de la loi de comptabilité, tout agent qui est chargé d'un maniement de deniers publics doit être nomme par le ministre des finances. L'article 55 a établi une dérogation à ce principe en faveur des recettes du chemin de fer ; mais cette dérogation n'est que provisoire, et par le paragraphe 2 de l’article 55, l'organisation définitive des recettes du chemin de fer de l'Etat doit faire l'objet d'une loi qui devait être présentée pendant la session de 1846-1847. Le dernier cabinet a satisfait à cette prescription de la loi. Un projet a été présenté le 14 avril 1847; mais ce projet est venu à tomber par la dissolution, et il importe que le gouvernement en dépose un nouveau; car le service des recettes du chemin de fer, tel qu'il est aujourd'hui organisé, constitue en quelque sorte une illégalité en l'absence d'une loi qui l'organise définitivement.

Enfin, je demanderai où en est un autre projet de la plus haute importance, qui est réclamé depuis sept années et sur lequel l'attention de la chambre a été rappelée, je pense, pour la première fois par notre honorable président. Ii s'agit de la révision du Code pénal militaire. Lors de la discussion du budget de l'armée, M. le ministre de la guerre a déclaré à la section centrale que ce projet était prêt. Il est nécessaire qu'enfin cette révision ait lieu, car c'est aux vices du Code pénal militaire que nous devons le pénible encombrement de nos maisons de détention militaires.

D'après la déclaration faite à la section centrale par le gouvernement, il y avait, il y a deux mois, dans la prison d'Alost 1,381 détenus, et cela sur une armée d'à peine 30,000 hommes. C'est là une situation déplorable.

Il s'agit de réaliser une économie notable en faisant disparaître des causes de démoralisation, et je ne sache pas qu'il y ait un projet de loi plus important et plus urgent que celui-là.

J'insiste, messieurs, pour que le gouvernement présente dans un bref délai des projets de lois sur les matières que je viens de signaler.

M. Osy. - Messieurs, la section centrale du budget de la dette publique a également provoqué de la part du gouvernement la présentation d'un projet de loi sur le caissier de l'Etat; elle croit que ce projet devrait être présenté dans la session actuelle, car, s'il ne l'était que vers le mois de novembre ou de décembre, il serait impossible de satisfaire au vœu de la loi de comptabilité, c'est-à-dire d'organiser la recette de l'Etat avant le 1er janvier 1850. M. le ministre doit donner des explications sur ce point à la section centrale, et je pense que M. de Man devrait attendre ces explications pour insister sur son observation.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'un des objets les plus importants à soumettre à la chambre par son urgence, c'est le budget de 1850.

Le gouvernement l'a déposé dans le délai déterminé par la loi de comptabilité et je dois insister très vivement pour que les budgets soient examinés et discutés dans cette session.

- Un membre. - Ils le seront.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je l'admets, mais il y a déjà là un travail assez considérable. Nous demandons que la chambre veuille bien s'en occuper, sinon nous retomberions dans la situation dont nous avons essayé de sortir, c'est-à-dire que les budgets ne seraient pas votés avant l'ouverture de l'exercice auquel ils s'appliquent. Je prie la chambre d'y songer.

Quant aux autres projets qui devront être soumis aux chambres, le gouvernement remplira son devoir; il les présentera en temps utile. Je me suis particulièrement occupé du projet relatif au caissier de l'Etat. Il y a là, messieurs, de très grandes difficultés. Je ne sais encore maintenant quelles seront les propositions que nous pourrons vous soumettre; il n'est pas même certain qu'un projet de loi définitif puisse être présenté dans la session actuelle ; il se peut que des mesures transitoires doivent être proposées, et un seul mot le fera comprendre : cette question du caissier de l'Etat se rattache à l'examen du point de savoir comment il faut organiser les établissements de crédit, s'il faut en créer un nouveau, sur quelles bases, à quelles conditions; enfin, si cet établissement doit être chargé de la caisse de l'Etat et dans quelles limites. Toutes ces questions ont été sérieusement examinées; mais je déclare que je ne puis faire connaître encore l'opinion à laquelle il conviendra de s'arrêter. Toujours est-il qu'en temps utile des communications seront faites à la chambre.

En ce qui touche les deux autres questions posées par l'honorable M. de Man, celle de savoir si l'on présentera un projet de loi réglant le contrôle des recettes du chemin de fer et le Code pénal militaire, je puis répondre,, quant au premier objet, que le département des travaux publics, qui s’est occupé depuis fort longtemps de la question et qui avait déjà saisi la chambre d’un projet de loi, est probablement en mesure, soit de représenter le même projet, soit de faire toute autre proposition à l'effet de satisfaire au vœu de la loi de comptabilité. Quant au Code pénal militaire, les départements de la justice et de la guerre se sont concertés à cet égard, elle projet pourra être présente dans un très bref délai.

Projet de réduisant le personnel de certaines cours et de certains tribunaux

Discussion des articles

Article 8

La chambre est arrivée à l'article 8.

« Art. 8. Le traitement fixe des greffiers des tribunaux de première instance est fixé uniformément à 2,200 francs, et celui des greffiers des tribunaux de commerce à 960 francs. »

La section centrale propose de remplacer cet article par la proposition suivante :

« Art. 8. Il ne peut être alloué de traitement fixe aux greffiers près les cours, les tribunaux et les justices de paix, lorsque les émoluments fixés pour la liquidation de leurs droits à la pension, conformément à l'article 57 de la loi générale du 21 juillet 1844, atteignent le chiffre du traitement alloué au chef du corps près lequel ils exercent.

« Au-dessous de ce chiffre, il ne peut être alloué de traitement fixe que pour combler la différence entre le casuel et le traitement du magistral précité.

« Il n'est alloué aucun traitement fixe aux greffiers près les tribunaux de commerce de Bruxelles, Gand, Anvers et Tournay.

« Le traitement des greffiers près les tribunaux de commerce des autres sièges est fixé à 960 francs. »

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, la loi du 20 mai, 1845 a fixé le traitement des greffiers des tribunaux de première instance,, de première classe, à 2,800 fr., celui des greffiers de seconde classe, à 2,500 fr.; et celui de greffiers de troisième et de quatrième classe, à 2,200 fr.

Le traitement des greffiers des tribunaux de commerce est fixé par des arrêtés de 1814 et de 1815, à 1,080 fr. pour la première classe, et à. 900 fr. pour la seconde.

Le gouvernement a proposé, par l'article 8, de réduire les traitements de tous les greffiers de premières instance à 2,200 fr., taux de la troisième et de la quatrième classe, et le traitement des greffiers de commerce a 960 fr., taux de la seconde classe.

De cette proposition doit résulter une économie générale de 4,980 fr.

Le gouvernement a pensé que le traitement différentiel des greffiers desv tribunaux de première instance et de commerce pouvait d'autant moins» se justifier que ces greffiers jouissent généralement d'émoluments beaucoup plus considérables que ceux des classes inférieures.

Le gouvernement a donc proposé de fixer un traitement uniforme pour: les greffiers des deux catégories, à l'instar de ce qui existe pour les greffiers des cours d'appel et pour ceux des justices de paix.

Quatre sections de la chambre avaient adopté la proposition du gouvernement, sauf que l'une d'elles proposait de réduire tous les traitements à 2,000 francs, au lieu de 2,200. Une seule section a rejeté l'article, probablement parce qu'elle était d'avis que le traitement des greffiers devait rester fixé tel qu'il est établi par la législation actuelle.

La sixième section au contraire a proposé un nouveau système que la section centrale a admis, et qu'elle a formulé dans le nouvel article qu'elle propose. D'après ce système, aucun traitement ne serait alloué aux greffiers des cours et tribunaux et des justices de paix, lorsque les émoluments fixés pour la liquidation de leurs droits à la pension, en vertu de l'article 37 de la loi du 21 juillet 1844, atteindraient le chiffre du traitement alloué au chef du corps près lequel ils opèrent; au-dessous de ce chiffre, il ne serait alloué de traitement fixe que pour combler la différence entre le casuel et le traitement du chef de corps.

Je dois combattre cette proposition, et je pense que la chambre ne peut pas l'admettre, surtout dans les circonstances actuelles.

D'après les lois qui ont été récemment votées par les deux chambres, et surtout d'après les lois sur la révision des tarifs criminels et civils, toute notre législation sur les frais de justice sera profondément modifiée par les nouveaux tarifs qui vont être publiés; et de cette innovation dans nos tarifs résulteront des réductions d'émoluments et des modifications essentielles dans la position des greffiers des différents tribunaux.

D'après le système de la section centrale, l'on prendrait pour base l'arrête du 11 novembre 1835, qui a fixé les émoluments pour la liquidation des droits à la pension; mais cet arrêté lui-même doit être refondu, après que les nouveaux tarifs auront été mis en vigueur. Il faudra même attendre que ces tarifs aient été exécutés pendant quelque temps, pour pouvoir en apprécier la portée et déterminer, d'une manière à peu près certaine,, quels sont les émoluments qu'obtiendront les greffiers par le résultat de la nouvelle tarification.

Or je crois que, par l'effet de ces tarifs, la position des greffiers sera généralement inférieure à celle des chefs des corps auprès desquels ils exerceront leurs fonctions. Et déjà, dans ce moment, en prenant pour base l'arrêté de 1845, l'économie à opérer sur les greffiers de première instance serait moindre que celle qui résulte de la disposition proposée par le gouvernement. Ce n'est que sur les greffiers de quelques justices de paix que l'on pourrait opérer certaines réductions, et vous savez que ces greffiers n'ont que des émoluments fort médiocres.

(page 1208) Quant aux greffiers des tribunaux de commerce, la tarification de leurs émoluments est fixée par un arrête spécial de 1835 qui devra également être modifié en vertu de la disposition du Code de commerce qui autorise le gouvernement à cet effet. La position de ces greffiers doit aussi subir d'importantes modifications, non seulement à cause des changements qui pourront être introduits dans le tarif dont je viens de parler, mais aussi d'après les résultats de la loi sur les faillites dont la chambre est saisie.

En effet, si l'institution des liquidateurs assermentés près des tribunaux de commerce est accueillie par la chambre, et il est à croire qu'elle le sera, puisque déjà la commission de la chambre est d'accord avec le gouvernement sur ce point, il pourra en résulter une réduction assez importante dans les émoluments actuels des greffiers des tribunaux de commerce.

D'un autre côté, on a soulevé une question qui n'est pas encore résolue et qui pourra apporter aussi une réduction assez notable dans les émoluments des greffiers de commerce de nos ports ; je veux parler des greffiers des tribunaux de commerce d'Anvers et d'Ostende. Il s'agit de la question de savoir si les capitaines de navires étrangers sont tenus de faire leurs rapports de mer devant les présidents des tribunaux de commerce, ou s'ils ne peuvent pas les faire valablement devant les consuls de leurs nations respectives. Si la question était résolue dans le sens des prétentions des consuls qui ont réclamé, il en résulterait que les greffiers de ces deux tribunaux subiraient encore de ce chef une diminution d'une certaine importance dans leurs émoluments.

Vous voyez, messieurs, que dans les circonstances où nous nous trouvons, quand les greffiers des tribunaux de première instance et des tribunaux de commerce sont à la veille de voir leur position considérablement modifiée, il serait imprudent et inopportun de toucher à cette position autrement que ne le propose l'article 8 du projet du gouvernement. Je demande donc que la chambre veuille se rallier à cette proposition.

M. Destriveaux. - L'article qui est en ce moment soumis aux débats de la chambre concerne le traitement des greffiers des tribunaux de première instance et de commerce ; il ne parle pas des greffiers des justices de paix. Le département de la justice propose de réduire le traitement des greffiers de première classe de 1500 fr., c'est-à-dire, au chiffre de 2,000 fr. J'avoue que je ne puis me rallier au projet du gouvernement. Je crois avoir pour cela des raisons péremptoires. Les greffiers des tribunaux de première instance, de première classe, seront dans plusieurs villes charges d'un travail qui jusqu'à présent ne leur appartenait pas, et qu'on ne soupçonnait pas pouvoir leur être imposé.

J'entends parler du travail que leur donneront les sessions des cours d'assises. Dans les chefs-lieux du ressort des cours d'appel, ils seront obligés d'assister aux assises, et toute l'instruction orale des assises devra être confiée à leurs soins ; ils devront tenir les procès-verbaux, travail difficile et emportant une très grande responsabilité. On sait jusqu'à quel point la tenue de ces procès-verbaux intéresse et la justice et le sort des accusés. Et c'est quand une partie des greffiers va être soumise à un travail considérable et inattendu, qu'on propose de réduire leur traitement ! Il me parait que l'opportunité d'une pareille proposition n'est pas justifiée.

Il me semble que s'il avait fallu changer quelque chose à leur situation, en justice et en équité, ce devait être pour augmenter leur traitement ou leurs émoluments, plutôt que pour les diminuer. Il est évident que si vous donnez aux greffiers un travail dont jusque-là ils n'avaient jamais été chargés, c'est les frapper deux fois que de placer une diminution de traitement à côté d'un nouveau travail.

Maintenant, pour apprécier l'équité de la mesure, il faut bien qu'on me permette d'écarter un instant le principe d'économie dans une pareille question. Voyons maintenant en équité quel est le sort des greffiers de première classe et quel serait leur sort si l'on admettait la réduction proposée? Je tiens en mains un tableau qui a été distribué à tous les membres de la chambre. Ce tableau est affirmé par un président et un procureur du roi, qui ont une réputation qui le place au-dessus de toute espèce de soupçon, je ne dirai pas de partialité, mais de faiblesse par amitié. Il résulte de ce tableau que la moyenne pendant 9 ans des émoluments reçus par ce greffier de première classe a été , frais déduits, de 1,409 fr. par an, et que dans ce chiffre se trouvent compris les émoluments qui ont été la conséquence de beaucoup d'expropriations faites pour cause d'utilité publique. Maintenant, si je joins cette somme de 1,400 fr. à celle de 2,200 fr., on aura un total de 3,600 fr., nombre rond.

Je le demande, quand on conçoit l'immense responsabilité qui pèse sur les greffiers, et qu'on rappelle a sa pensée l’innombrable quantité d'actes auxquels ils sont obligés d'intervenir, je demande si une rémunération aussi faible est proportionnée au travail.

Puisque nous sommes amenés à établir une règle de proportion entre le travail et le salaire, il faut voir quel est le travail des greffiers et quel est leur salaire.

Je demande si dans toutes les administrations il est un seul employé ayant la responsabilité qui pèse sur les greffiers et le travail incessant auquel les greffiers sont assujettis qui ne soit pas autrement rétribué.

D'un autre côté les émoluments des greffiers ont varié. Je connais un greffier qui exerce ses fonctions depuis 40 ans, qui a par conséquent passé par les différentes révolutions subies par l'administration de la justice. Aujourd'hui après un temps aussi long passé dans l'accomplissement de ses devoirs, il verrait son sort réduit à celui d'un mince employé qui ayant fini son travail serait dégagé de toute responsabilité.

Il faut toujours proportionner la rémunération non seulement au travail mais à la responsabilité qu'il entraîne.

Je puis d'ailleurs avancer avec certitude que quand il y a des droits variables et fixes dont les uns peuvent être perçus ou non perçus selon les exigences du greffier, celui dont je parle s'abstient de les percevoir. Si on réduit la position des greffiers à tel point qu'ils ne peuvent plus exister, je demande si ce n'est pas provoquer la faiblesse humaine. Placé entre les besoins de sa famille et l'exiguïté de sa rémunération, un greffier conservera-t-il toujours la fermeté nécessaire pour résister à toute tentation ?

On ne force personne à être greffier, me dit-on. Sans doute, on ne force personne à devenir fonctionnaire public, mais quand on est entré dans les fonctions publiques sous l'empire d'un état de choses, on a le droit d'espérer qu'on ne verra pas changer la réalité du présent et les espérances de l'avenir.

Je pense donc que si l'amendement proposé par la section centrale n'était pas admis, la proposition du gouvernement ne devrait pas l'être. Je pense tout au moins qu'il faudrait maintenir les traitements des greffiers des tribunaux de première instance dans son intégralité actuelle.

Dans la situation où l'on est, il est impossible d'admettre avec équité la proposition du gouvernement.

J'attendrai que les honorables membres qui ont demandé la parole aient exprimé leur pensée, pour voir si j'ai quelque chose à y ajouter, ou si je n'ai qu'à approuver ce qu'ils auront dit.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je n'ai qu'une seule observation à faire en réponse à ce qu'a dit l'honorable M. Destriveaux. J'ai compris qu'il a parlé principalement dans l'intérêt des greffiers de première classe, c'est-à-dire des greffiers des chefs-lieux de cour d'appel. Or je ferai remarquer que si la loi récemment votée augmente un peu leur travail, elle augmente considérablement leurs émoluments. Ils seront chargés en effet de la tenue du greffe de la cour d'assises. Et les greffiers de cours d'appel pourront seuls avoir à s'en plaindre. Quant à ceux de première instance, leur surcroît de travail sera amplement compensé par l'augmentation des émoluments.

L'argumentation de l'honorable M. Destriveaux porte donc à faux, en ce qui concerne ces fonctionnaires.

J'ai déjà dit les motifs qui avaient déterminé à admettre cette réduction sur les traitements des greffiers des deux premières classes; c'est que leurs émoluments sont beaucoup plus élevés dans ces tribunaux et qu'ils sont dans une position beaucoup plus favorable que les greffiers de troisième et de quatrième classe.

Or le principe de l'uniformité ayant été admis pour les greffiers des cours d'appel et ceux des justices de paix , nous avons pensé qu'il y avait lieu de l'appliquer aussi aux greffiers des tribunaux de première instance.

M. H. de Brouckere. - Je renonce à la parole. Je voulais faire les mêmes observations.

M. Toussaint. - J'ai demandé la parole pour faire quelques observations contre l'article propose par la section centrale.

Je pense que si la section centrale avait encore à faire son rapport, elle ne proposerait plus cet article. Lorsqu'elle l'a proposé, une autre section centrale, composée en grande partie des mêmes membres, avait proposé le rejet de la première partie du projet de loi sur la compétence correctionnelle. Or, cette première partie de la loi de compétence a été adoptée par la chambre ; et de cette loi il est résulté que les chiffres fixés par la loi du 21 juillet 1844 et par l'arrêté d'exécution de cette loi, sont complètement bouleversés. Il n'y a donc plus moyen d'adopter des dispositions se rattachant à ces chiffres.

D'autre part, il y a un motif pour ne pas adopter la proposition de la section centrale : c'est qu'elle consacrerait implicitement le principe qu'il y aurait lieu de fixer législativement, en traitements fixes et émoluments, le revenu total du greffier à la hauteur du traitement du chef du corps près duquel il exerce. Or, d'après un relevé très détaillé que j'ai fait, il résulterait de l'application de ce principe, au lieu d'une économie de quelques milliers de francs, une augmentation de dépense de 130,000 francs pour les greffiers des tribunaux et de justices de paix, et pour les juges de paix eux-mêmes. Je ne crois pas que la proposition ait été conçue en ce sens, ni que la chambre soit disposée à adopter un article de loi qui pourrait entraîner de telles conséquences.

Un troisième motif pour maintenir un chiffre de traitement fixe et pour ne pas s'engager dans un système qui n'aurait plus ni rime ni limites, c'est qu'il faut bien considérer que les émoluments payés aux greffiers et aux juges de paix sont la rémunération d'un travail auquel sont attachés d'une part une grande responsabilité, d'autre part des frais de bureau que chaque titulaire détermine et administre à sa manière. Il est impossible d'ailleurs que la législature entre dans ces détails.

Au début de cette session, elle a rejeté un système analogue, proposé pour le clergé. Au budget de la justice, on avait proposé de donner un traitement différentiel aux curés des différentes classes, en tenant compte du casuel reconnu par les chefs diocésains. La section centrale a reconnu qu'il était impossible de se livrer à ces investigations. Je pense que la chambre en fera de même pour les traitements des greffiers.

Je demande donc purement et simplement l'adoption de l'article 8, tel qu'il est proposé par le gouvernement.

M. Julliot. - Messieurs, à l’article 8, le gouvernement propose un traitement uniforme de 2,200 francs pour les greffiers, et réduit de 600 et de 300 francs ceux de première et deuxième classe, cette loi aura pour résultat inévitable que les greffiers, dans les grands ressorts, jouiront d'un revenu considérable, et que les greffiers attachés à un ressort qui a moins d'extension, fùt-il même de seconde classe, ne trouveront plus à vivre avec leur famille. Il me sera facile de démontrer que le projet du gouvernement porte une atteinte (page 1209) grave aux moyens économiques de quelques-uns de ces fonctionnaires.

En effet, les greffiers d'Arlon et de Tongres, par exemple, avaient en moyenne 1,200 francs d'émoluments et 2,500 francs de traitement, total 3,700 francs, dont il faut déduire pour frais de bureaux et salaire de deux employés 500 fr., et retenue pour la caisse des veuves 100 fr. Total 600 fr.

Or, 600 francs déduits de 3,700, restait utile 3,100 francs. Ce chiffre vient d'être réduit au moins de 35 p. c. sur les émoluments, par la loi sur la compétence des juges de paix : le gouvernement propose, par la loi que nous discutons, une seconde réduction de 15 p. c. sur le traitement fixe; ce qui fait en moyenne 20 p. c; or, ces 20 p. c. prélevés sur 3,100 francs, réduiront ces fonctionnaires à un revenu net de 2,300 à 2,500 francs.

Or, messieurs, quand je compare ces deux projets de M. le ministre de la justice à ce qui s'est passé dans la discussion du budget des voies et moyens, par rapport à la proposition de l'honorable M. Delfosse, qui, lui, ne voulait obtenir qu'une réduction minime de traitement de 5 p. c. pour une année, et non 20 p. c. définitivement; ce n'est pas de ma faute si, pour un moment, les rôles sont intervertis, et que je me croie obligé de faire entendre à M. le ministre de la justice le langage que tenait à la chambre l'honorable ministre des finances, alors qu'il défendait les droits des fonctionnaires :

« M. le ministre de la justice persiste-t-il à vouloir faire tant de mal individuel, à réduire si considérablement le traitement de certains fonctionnaires occupant une position qui leur donne tout juste à vivre et sur laquelle ils ont réglé leur dépense, l'éducation de leur famille; les greffiers des tribunaux des petites villes sont-ils trop rétribués, n'ont-ils pas tout au plus la stricte rémunération du travail qu'ils fournissent, y a-t-il là un abus à faire cesser? »

Non, messieurs, ce serait commettre un acte injuste que de confondre la position de tous les greffiers de tribunaux, en leur enlevant une partie du traiteraient fixe. Vous serez plus justes, messieurs, vous trouverez la proposition de la section centrale plus sage; elle tient compte de la diversité des positions; vous déciderez que le traitement des greffiers restera tel qu'il est; que les émoluments et le traitement réunis ne pourront, dans aucun cas, dépasser le chiffre du traitement du chef du tribunal. Cet amendement présentera plus d'économie au trésor que le projet de M. le ministre, car, dans les grandes villes, les émoluments seuls du greffier dépasseront le traitement du président, et dans ce cas le traitement fixe du greffier restera acquis au trésor.

Je demande donc que la chambre veuille adopter l'amendement de la section centrale.

M. Destriveaux. - Messieurs, je commencerai par rendre plus précis le calcul que j'ai fait tout à l'heure.

Il résulte du tableau dont j'ai parlé, que les frais de greffe à charge du greffier sont de 2,470 fr. 11 résulte du même tableau, en y comprenant les années extraordinaires, sous le rapport des expropriations pour cause d'utilité publique, que la moyenne du revenu net était de 1,400 fr.

J'ai entendu qu'on faisait valoir pour les greffiers des tribunaux de première instance des chefs-lieux de cours d'appel l'accroissement de revenu que donnerait la cour d'assises tenue par les tribunaux de première instance. Eh bien, je consulte le tableau qui nous a été donné de la part de M. le ministre de la justice, et je trouve qu'à Liège, dans l'année 1847-1848 il y a eu 47 affaires à la cour d'assises. Or, évidemment 47 jugements qui souvent ne s'expédient pas, offriront à peine une indemnité en rapport avec la responsabilité nouvelle qui pèserait sur ces fonctionnaires. Remarquez que ces 47 affaires ont eu des résultats différents.

Lorsqu'on a fait la plus grande partie des actes de justice pro justitia, le gouvernement ne paye pas dans ce cas à un greffier des émoluments dont il ne touche pas l'équivalent. Il est certain, d'après ce tableau, que le nombre des affaires d'assises étant faible, ces affaires n'augmenteront pas considérablement les émoluments et surtout qu'elle ne les augmenteront pas en raison de la responsabilité nouvelle qui va peser sur les greffiers.

Qu'on prenne donc l'assistance aux séances des cours d'appel et l'on verra si l'on peut comparer cette assistance à celle des greffiers de première instance agissant civilement.

Là surtout est la différence sous le rapport du travail et de la responsabilité.

Ainsi les observations qui ont été faites n'ont pas détruit celles que j'avais eu l'honneur de vous présenter. Il reste certain qu'il y a un grand accroissement de travail et de responsabilité pour les greffiers de première instance, siégeant dans le chef-lieu de la cour d'appel, et que la rémunération est très faible. Car voilà le chiffre : 47 affaires. Je demande ce qui peut résulter de 47 affaires, dans quelques-unes desquelles les parties sont absolument insolvables.

Il reste donc certain que la diminution proposée par le gouvernement est en dehors de tout droit, et je dirai en dehors des principes de l'équité.

Lorsqu'on réfléchit à l'immense étendue des attributions d'un greffier, qu'on se demande si avec 3,600 ou 4,000 fr., il est payé aussi largement qu'il devrait l'être, ou plutôt aussi justement qu'il devrait l’être, car ici le mot largement ne convient pas. Qu'on prenne garde qu'il doit assister à toutes les enquêtes; qu'il doit par lui-même, ou par ses substituts sous sa responsabilité, assister aux expertises, aux reconnaissances d'écriture, à une foule d'instructions; dans les expropriations forcées, le greffier est encore chargé sinon de la première rédaction, au moins de l'examen et de la rédaction définitive des ordres et de tout ce qui en dépend. Les plumitifs des audiences doivent être tenus avec la plus grande circonspection, avec la plus grande attention ; dans les audiences correctionnelles, il faut encore que les dépositions des témoins soient, sinon transcrites littéralement, au moins analysées de manière que les faits que les témoins ont affirmés ou niés restent positifs. Ce travail est immense, et dussé-je vous fatiguer en répétant le même mot, la responsabilité qui en résulte est immense également.

Ce n'est donc pas contre de pareils fonctionnaires qu'il faut diriger les coups de l'économie. Il faut calculer les devoirs qui leur sont imposés, la responsabilité sous le poids de laquelle ils se trouvent et se demander si au moyen d'une faible rémunération du gouvernement ils sont payés de leurs travaux. Je ne le crois pas. Je pense qu'il n'est pas opportun de porter la hache des économies sur les traitements fixes d'hommes qui ne sont pas assez payés.

M. Dolez. - Je voulais particulièrement combattre la proposition de la section centrale. Mais il me semble, en présence de la discussion, que cette proposition n'a pas de chances d'être adoptée. Je crois donc pouvoir ne pas en entretenir la chambre.

Permettez-moi seulement de faire une remarque sur le projet du gouvernement. Ce projet, en fixant le traitement des greffiers au chiffre qu'il indique, a évidemment tenu compte du casuel de ces greffiers. Eh bien, il me semble que le moment est mal choisi pour venir modifier le traitement des greffiers en prenant égard au calcul supposé de leurs grades respectifs. Nous venons de prendre différentes mesures qui doivent modifier, les uns en les réduisant, les autres en les augmentant, les casuels des différentes catégories de greffiers. C'est en présence de l'incertitude sur les conséquences de cette législation nouvelle que l'on vous demande d'emblée de modifier le traitement fixe des greffiers.

Je crains qu'une pareille mesure, prise dans un moment comme celui-ci, n'aboutisse à des iniquités.

Je pense donc que la chambre ferait bien de laisser les choses dans l'état où elles sont, sauf à voir, quand les résultats de la législation nouvelle seront connus, s'il y a lieu d'apporter quelques modifications à cet état de choses. J'engagerai même le gouvernement à ne pas insister pour le moment sur sa proposition.

M. H. de Brouckere. - Je crois avec M. le ministre de la justice que le service des cours d'assises qui, par une loi récente, vient d'être attribué, dans les chefs-lieux de cour d'appel, aux greffiers de première instance, produira des émoluments qui compenseront suffisamment le surcroît de besogne qui résulte de ce changement. S'il est des fonctionnaires qui aient à se plaindre de la loi récemment votée relativement aux cours d'assises, ce sont les greffiers des cours d'appel; et je puis dire à la chambre que des trois greffiers de cour d'appel, j'en ai personnellement vu deux qui n'ont pas hésité à me dire qu'en leur ôtant le service des cours d’assises, on les avait privés de la plus belle partie de leurs émoluments.

Au reste, messieurs, vous avez lu la proposition de la section centrale, vous avez lu dans le rapport les motifs qui ont amené cette proposition. M. le ministre, de son côté, a développé les considérations qui l'ont engagé à présenter son système. La chambre prendra telle décision qu'elle jugera convenable.

- La proposition de la section centrale est mise aux voix; elle n'est pas adoptée.

L'article proposé par le gouvernement est adopté.

Article additionnel

M. Toussaint. - Je présente un nouvel article qui devrait être placé entre les articles 8 et 9 du projet. En voici le texte :

« Il sera payé une indemnité annuelle de 150 fr. à titre de frais de bureau et de déplacement aux officiers de police chargés des fonctions du ministère public près des tribunaux de simple police. Cette indemnité sera prélevée par le département des finances sur le produit total des amendes de simple police assignées aux communes par l'article 466 du Code pénal. »

M. Delfosse. - C'est là un article nouveau. Je demande que l'on vote d'abord sur les articles 9 et 10. On en viendra ensuite à l'article nouveau, et s'il est adopté, on statuera sur la place qu'il doit occuper.

Article 9

M. le président. - L'article 9 est ainsi conçu :

« Art. 9. Les membres des cours et tribunaux devront être mis à la retraite dans l'année qui suivra celle où ils auront atteint l'âge de 70 ans.

« En conséquence, les dispositions des articles 8 et 9 de la loi du 20 mai 1845 sont modifiées ainsi qu'il suit :

« Art. 8. Les membres des cours et tribunaux seront mis à la retraite lorsqu'une infirmité grave ou permanente ne leur permettra plus de remplir convenablement leurs fonctions, ou lorsqu'ils auront atteint l'âge de 70 ans.

« Art. 9. Les membres de la cour de cassation et les membres des cours d'appel qui, un an après avoir été atteints d'une infirmité grave ou permanente, ou après avoir accompli leur 70ème année, n'auront pas demandé leur retraite, seront avertis par lettre chargée à la poste, soit d'office, soit sur la réquisition du ministère public, par le président de la cour à laquelle ils appartiennent ou par celui qui le remplace momentanément. S'il s'agit du premier président de ces cours, l'avertissement sera donné par le chef du parquet.

« Dans les mêmes cas, les membres des tribunaux de première instance et les juges de paix seront avertis de la même manière, par le premier président de la cour d’appel. »

La section centrale a proposé la suppression de cet article.

(page 1210) M. Lelièvre a proposé de substituer l'âge de 75 ans à celui de 70 uns.

La parole est à M. Lelièvre pour développer cet amendement.

M. Lelièvre. - Je me réfère aux développements que j'ai présentés dans la discussion générale, je ne pense pas devoir rien y ajouter.

(page 1213) M. Deliége. - Messieurs, la question soulevée par l'amendement de M. Lelièvre a déjà été traitée dans la discussion générale; je serai, par conséquent, le plus court qu'il me sera possible, et j'entrerai de suite en matière.

Tout le débat, messieurs, roule sur l'article 100 de la Constitution, voyons donc quelle est la teneur de cet article. Il porte : « Les juges sont nommés à vie. »

Que signifient ces mots : « Les juges sont nommés à vie? » Ce principe, messieurs, est-il absolu; ne souffre-t-il aucun tempérament, aucune limitation? Ces mots signifient évidemment que les juges ne sont pas à la merci du pouvoir exécutif; qu'ils sont indépendants du pouvoir, à l'abri de ses suggestions; que celui-ci ne peut les déplacer, qu'il ne peut les révoquer.

Le paragraphe suivant prouve à toute évidence que c'est là le sens de la disposition. En effet, ce paragraphe dit : « Aucun juge ne peut être privé de sa place ni suspendu, que par un jugement. » Il résulte bien de là qu'un juge peut être révoqué, peut être suspendu, quoique nommé à vie; mais qu'il ne peut l'être que par un jugement.

Pour quelle cause, messieurs, un juge peut-il être révoqué? pour quelle cause peut-il être suspendu? Faut-il laisser ces causes à l'arbitraire de la magistrature ou faut-il les déterminer par la loi? Faut-il qu'un juge, qu'un conseillera la cour d'appel, qu'un conseiller à la cour de cassation puisse arbitrairement être révoqué, puisse arbitrairement être déplacé par une cour d'appel ou par la cour de cassation, ou est-il de l'intérêt public que les cas pour lesquels il peut être déplacé soient déterminés par la loi ?

Messieurs, un magistrat peut déplaire à ses collègues et, bien malgré eux, cette circonstance peut influer sur la décision que portera la cour si ce collègue est mis en jugement.

Un juge peut être placé dans une cour contre la présentation qu'elle a faite ; sa nomination peut être considérée comme mauvaise par la cour ; est-ce que cette deuxième circonstance n'influera pas encore sur la décision à intervenir? N'y aura-t-il pas alors, malgré la cour, à son insu, une espèce de mauvais vouloir contre ce magistrat ? Ne pas déterminer les faits pour lesquels un magistrat peut être révoqué, ce serait, en quelque sorte, placer le pouvoir exécutif, le pouvoir de nommer, dans le pouvoir judiciaire. Je crois, messieurs, que nous ne devons point en agir ainsi.

D'ailleurs, remarquez-le bien, vous avez déjà décidé la question dans la loi de 1845; dans cette loi, on a prévu certains cas où le juge peut être révoqué.

Si le pouvoir législatif doit déterminer les circonstances dans lesquelles un juge ou un conseiller doit être révoqué, peut-il porter au nombre de ces cas l'âge le plus avancé, l'âge auquel, sauf quelques exceptions, l'esprit baisse généralement, où les facultés sont plus ou moins usées, où l'homme n'a plus cette énergie calme qui fait qu'il travaille, qu'il étudie, qu'il se tient au courant de la science, qu'il peut, quand les plaidoiries sont longues, quand les plaidoiries sont difficiles, sont hérissées de faits, qu'il peut les résumer, qu'il peut, instantanément, dans son esprit, réunir les éléments d'un jugement.

Je crois, messieurs, qu'à un certain âge l'homme n'est plus guère capable d'étudier, n'est plus guère capable de se mettre au courant de la science, n'est plus bien capable de se faire cette analyse des faits qui doit être faite dans chaque cause. Il y a des exceptions sans doute; mais ce sont des exceptions.

L'homme âgé de 75 ans, même lorsqu'il est exempt d'infirmités, peut n'être plus en état de remplir convenablement ses fonctions ; il peut aussi arriver que, dans un temps donné, il ne reste plus dans une cour qu'un petit nombre de membres n'ayant pas l'âge de 75 ans et dont plusieurs auraient des infirmités.

Que deviendra alors le prestige dont doivent être entourées les décisions de la justice?

L'homme doué de toutes ses facultés est sujet à l'erreur; à plus forte raison, l'homme qui devient très vieux peut commettre bien involontairement de graves erreurs. J'en conclus qu'indépendamment de toute infirmité corporelle, l'âge peut et doit être rangé au nombre des causes d'incapacité.

On objectera que le président, s'il juge qu'un conseiller, qu'un juge n'est plus en état de remplir ses fonctions, pourra remplir les formalités voulues par la loi de 1845.

Mais l'on sait les égards que l'on a, à juste titre, pour la vieillesse ; un président ne peut pas convenablement requérir un jugement, qui portera qu'un homme qu'il estime, qu'il révère, avec lequel il a eu les relations les plus agréables, des relations d'amitié, est dans un état de décrépitude , n'est plus capable de remplir ses fonctions.

Bien des présidents croiront qu'il y aurait quelque chose d'odieux dans une telle condamnation portée contre un vieillard vénérable, qui a rendu les plus grands services, et qu'il y aurait quelque chose d'odieux dans l'acte qui la requerrait.

Et cependant, messieurs, on ne pourra plus ménager les juges âgés; le personnel des tribunaux sera réduit au strict nécessaire : il vaut donc mieux que la loi fixe un âge.

Mais, dit-on, le paragraphe 2 de l'article 100 de la Constitution dispose qu'il faut un jugement. Or, pour qu'il y ait lieu à jugement, il faut qu'il y ait matière à contestation.

Messieurs, les jugements portent-ils toujours sur des faits, donnant matière a contestation?

Un notaire, par exemple, est nommé à vie, en vertu de la loi; il peut être révoque pour certains faits déterminés par la loi ; ces faits résultent bien souvent de jugements, résultent d'actes authentiques; ces faits sont souvent constatés de manière à ce que le doute ne soit pas permis ; il n'y a pas alors matière à contestation; mais il y a matière à jugement; le tribunal est appelé à appliquer la peine, la peine de révocation, car ici la révocation est une peine.

En matière de divorce, le divorce, peut être prononcé pour l'adultère de la femme; je suppose qu'une femme soit condamnée par un tribunal correctionnel pour adultère, il n'y a pas matière à contestation sur ce point? mais il y a matière à jugement ; il faut qu'un jugement porté par le tribunal civil déclare qu'il y a lieu à divorce.

Mais restons dans notre sujet. Je suppose, par exemple, que la loi ait déclaré qu'un magistrat de l'ordre judiciaire doit être révoqué lorsqu'il aura été condamné à un an de prison.

Un juge a été condamné à cette peine; il n'y aura certainement pas matière à contestation, mais il y aura lieu à jugement; un jugement devra prononcer la révocation.

Je pourrais multiplier ces exemples, mais je n'abuserai pas des moments de la chambre.

On peut objecter encore, que pour se de faire d'une cour de cassation ou même d'une cour d'appel, on pourra, dans des temps d'orage, déclarer que les conseillers de cour d'appel et les conseillers de la cour de cassation seront révoqués à l'âge de 50 ans.

Messieurs, cette supposition ne me touche guère. Pour en venir là, il faudrait que toutes les branches de l'autorité publique fussent corrompues. Il faudrait d'abord un pouvoir exécutif qui prît l'initiative d'un pareil projet; pour qu'il fût converti en loi, il faudrait que la chambre, le sénat, le pouvoir d'en haut fussent mauvais.

Cette objection repose sur des faits impossibles ; il est impossible que les branches, toutes les branches du pouvoir s'entendent pour adopter une loi semblable.

D'ailleurs, en présence de cet inconvénient chimérique, il y a d'autres inconvénients bien réels, c'est qu'en laissant dans le vague, sans les préciser, les cas pour lesquels un juge peut être révoqué, vous abandonnez aux cours d'appel et à la cour de cassation un pouvoir absolu dont elles peuvent aussi abuser.

Vous restez aussi devant cet autre inconvénient, qu'une cour pourra être composée de plusieurs membres bien honorables, mais que (erratum, page 1227) l'âge aura rendus incapables.

Vous restez devant cet autre inconvénient encore, que le président d'une cour d'appel ou le président de la cour de cassation ne demandera pas la révocation de membres de la cour qui deviendront trop âgés, et que le service en souffrira. Je crois donc qu'il y a moins d'inconvénients dans l'opinion que je défends que dans l'opinion contraire.

Du reste, l'honorable M. Van Hoorebeke, cet esprit si droit, a reconnu que l'esprit de notre Constitution était favorable à l'opinion que je soutiens, mais il doit s'incliner, a-t-il dit, devant un texte formel de notre pacte fondamental.

Dans mon opinion, messieurs, l'esprit et la lettre de la Constitution ne peuvent se combattre ; il me semble que la lettre doit répondre à l'esprit.

L'honorable membre a reconnu aussi (et je m'empare de cet aveu) que l'intérêt de la justice, l'intérêt des justiciables, l'intérêt de la société elle-même étaient des intérêts supérieurs ; que ces intérêts ne pouvaient jamais fléchir; et qu'ils exigeaient qu'un juge, arrivé à un certain âge, ne pouvant plus alors accomplir convenablement ses fonctions, pût être révoqué , c'est-à-dire mis à la retraite , car ce n'est pas une révocation.

Il a été plus loin; il a prouvé qu'en Angleterre, en Amérique et d'après notre ancien droit, le principe de l'inamovibilité avait toujours été entendu ainsi : Quamdiu se bene gesserint.

Ces considérations m'engagent à voter pour l'amendement de M. Lelièvre.

(page 1210) M. H. de Brouckere. - L'honorable M. .Lelièvre propose de fixer à 75 ans au lieu de 70 l'âge de la retraite forcée pour les magistrats de l'ordre judiciaire. Une semblable disposition ne présenterait certes pas de grands inconvénients parce qu'il y aurait très rarement lieu de l'appliquer. Mais je crois devoir la repousser parce que je la regarde comme étant tout aussi contraire à la Constitution que le projet du gouvernement.

Je ne rentrerai pas dans la discussion ; la chambre n'a pas perdu de vue ce qui a été dit dans la séance d'hier; elle décidera entre ceux qui s'appuient sur ce qu'ils appellent l'esprit de la Constitution et ceux qui s'appuient sur son texte formel.

- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, je demanderai à la chambre la permission de lui soumettre encore quelques observations.

La question de constitutionnalité soulevée à l'occasion de l'article 9 du projet, présente une singularité fort étrange.

Nos honorables adversaires sont obligés de reconnaître que la pensée du législateur, l'esprit de la loi, les motifs mêmes qui ont dicté le principe de l'inamovibilité sont contraires à leur système; ils sont obligés de reconnaître qu'au point de vue des intérêts généraux, au point de vue de la raison, au point de vue des traditions du passé, il serait juste, convenable, utile, que le magistrat qui est reconnu se trouver dans l'impossibilité de remplir ses fonctions ne soit plus protégé par le principe de l'inamovibilité.

Mais, disent nos honorables contradicteurs, nous sommes en présence d'un texte clair, formel, impératif, nous devons nous incliner devant ce texte, il n'y a point lieu à interprétation.

La conséquence de ce raisonnement, messieurs, c'est que le congrès national en rédigeant le premier paragraphe de l'article 100 de la Constitution, aurait exprimé une pensée contraire à la sienne, aurait adopté un texte qui n'était nullement en harmonie avec l'esprit qui le dirigeait, avec les motifs qui le faisaient agir; qu'il aurait en un mot consacré par ce texte malheureux une disposition funeste dans ses conséquences pour l'intérêt de la société et des justiciables.

Or cela est-il possible, cela peut-il se supposer, cette supposition même ne serait-elle pas injurieuse pour la mémoire du congrès?

Il importe de se rappeler quelle était la position du congrès en 1830. Il était en présence d'une Constitution (la loi fondamentale de 1815) qui venait d'être renversée par la révolution, dans sa partie politique, mais qui subsistait toujours, quant aux garanties qu'elle consacrait en faveur des citoyens; il avait devant les yeux l'article 186 de cette Constitution, qui établit formellement la distinction à faire entre la nomination à vie et l'inamovibilité, c'est cet article qu'il s'agissait de traduire dans la Constitution nouvelle, en lui faisant subir les modifications dont il pouvait être susceptible.

Eh bien, le Congrès emprunte à l'article 186 de la loi fondamentale ses propres expressions; il dit que les juges sont nommés à vie, et pour mieux exprimer que cette nomination à vie n'implique nullement le principe de l'inamovibilité, il consacre ce principe par une disposition spéciale conçue à peu près dans les mêmes termes que ceux de l'article 186, en disant : Aucun juge ne peut être privé de sa place ni suspendu que par un jugement.

N'est-il pas évident, d'après ce rapprochement, que l'article 100 de la Constitution ne peut recevoir une autre interprétation que celle de l'article 186 lui-même ?

L'honorable M. de Brouckere a prétendu que l'article 186 en disant que les membres de certaines cours et tribunaux, ainsi que les magistrats du parquet seraient nommer à vie, avait établi en faveur des uns et des autres le principe de l'inamovibilité.

Mais c'est là, selon moi, une erreur manifeste, il suffit de jeter les yeux sur le texte de cet article pour s'en convaincre. En effet, il commence par établir le principe de la nomination à vie pour les magistrats des deux catégories, et il n'accorde ensuite le privilège de l'inamovibilité qu'à la seule magistrature assise en disant : Aucun juge ne peut être privé de sa place pendant la durée de ses fondions, que sur sa demande ou par un jugement. Il est donc bien clair que les membres du ministère public n'auraient pu, sous le régime de la loi fondamentale, invoquer le bénéfice de cette dernière disposition.

L'honorable M. Van Hoorebeke a prononcé hier des paroles fort graves. J'avais dit que si la disposition de l'article 9 du projet était inconstitutionnelle, la loi du 20 mai 1845 l'était également dans celles de ses dispositions qui autorisaient la mise à la retraite des magistrats pour cause d'infirmités graves et permanentes; l'honorable M. Van Hoorebeke a admis cette conséquence rigoureuse de son système, il a émis le vœu que cette loi fût abrogée, il a ajouté qu'elle n'avait jamais reçu d'exécution et n'en recevrait jamais.

Messieurs, si ces paroles n'étaient pas contredites, les dispositions dont il s'agit, de la loi de 1845, pourraient en effet être désormais considérées comme n'étant plus susceptibles d'être appliquées; mais je ne puis croire que telle soit l'opinion de la chambre; la chambre n'admettra pas que la législature de 1845 aurait consacré, par celle loi, une violation flagrante de la Constitution, et surtout qu'elle l'aurait fait sans qu'aucune objection eût été faite, sans qu'aucune opposition se fût manifestée dans son sein.

Mais ce que je n'ai pu m'expliquer, c'est l'opinion exprimée par l'honorable M. Van Hoorebeke, que la disposition de l'article 9 et celle de la loi du 20 mai 1845 seraient contraires à la dignité de la magistrature et à l'autorité morale dont les magistrats doivent être revêtus.

Quoi! messieurs, la dignité de la magistrature serait compromise parce que des magistrats atteints d'infirmités graves, permanentes, sourds, aveugles, frappés de démence peut-être ou parvenus à l'âge le plus avancé, seraient invités ou au besoin obligés à se retirer d'un corps où leurs services ne pourraient plus être d'aucune utilité ! Ils pourraient continuer à s’imposer à ce corps et à occuper des sièges où ils ne seraient plus qu'un objet de pitié ! Mais, messieurs, c'est cette situation qui me paraît compromettante au plus haut degré pour la dignité et la considération de la magistrature, autant qu'elle est préjudiciable aux intérêts des justiciables et incompatible avec la bonne administration de la justice.

Je ferai une dernière observation. L'article 100 de la Constitution suppose que le juge peut être privé ou suspendu de ses fonctions par un jugement. Eh bien, je demanderai à nos honorables adversaires de nous dire quel sera ce jugement et dans quelles circonstances il pourra être rendu? Si la Constitution doit être interprétée dans le sens qu'ils lui donnent, à coup sûr elle a fait table rase de toute la législation antérieure sur cette matière; quelle est donc désormais la législation qui nous régira à cet égard? Un juge frappé par un jugement criminel ou correctionnel ou par tout autre jugement qui porterait une atteinte profonde à sa délicatesse ou à son honneur, sera-t-il protégé par le principe de l'inamovibilité, aussi bien que le magistrat infirme ou octogénaire? Il faut aller jusqu'à le prétendre pour être rigoureusement conséquent avec le système de nos honorables adversaires, et je laisse à la chambre à apprécier un système qui conduit à de semblables conséquences.

M. Van Hoorebeke. - Je demande la parole pour un fait personnel.

M. le ministre de la justice m'a attribué une opinion que je n'ai pas émise. Je n'ai pas prétendu que la loi de 1845 fût inconstitutionnelle. Mais j'ai dit que dans ma pensée l'exécution de cette loi était contraire à la dignité de la magistrature ; je n'ai pas pu la taxer d'inconstitutionnalité; car je la considère comme l'exécution du paragraphe 2 de l'article 100, qui ne permet de révoquer ou de suspendre un juge que par un jugement. (Aux voix! aux voix!)

M. le président. - Je vais mettre aux voix l'amendement de M. Lelièvre, auquel M. le ministre s'est rallié.

La section centrale propose la suppression de la disposition.

Plus de cinq membres demandant l'appel nominal; il est procédé à cette opération.

En voici le résultat :

Nombre de votants, 78.

27 membres votent pour l'adoption.

51 membres votent contre.

La chambre n'adopte pas.

Ont voté pour l'adoption : MM. Allard, Coomans, H. de Baillet, de Bocarmé, Debourdeaud'huy, de Haerne, Delfosse, Deliége, de Meester, d'Hoffschmidt, d'Hont, Frère-Orban, Jacques, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Liefmans, Loos, Moreau, Moxhon, Osy, Pirmez, Reyntjens, Rodenbach, Rogier, Toussaint et Veydt.

Ont voté contre: MM. Ansiau, Anspach, Cans, Christiaens, Clep, David, H. de Brouckere, Debroux, Dedecker, Delehaye, Delescluse, d'Elhoungne, de Liedekerke, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Mérode, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon, de Renesse, de Royer, Desoer, Destriveaux, de T'Serclaes, Dolez, Julliot, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Manilius, Mascart, Moncheur, Prévinaire, Rousselle, Sinave, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cleemputte, Van den Berghe de Binckum, Vanden Brande de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII et Verhaegen.

Article 10

« Art. 10. L'indemnité fixe pour présider les assises, déterminée par l'article 2 de la loi du 4 août 1832 (Bulletin, n°583) est supprimée. Les conseillers qui présideront les assises, ailleurs que dans le siège de la cour d'appel, recevront 25 francs par jour de voyage et de séjour. Lorsque le procureur générai portera la parole en personne devant ces assises, il recevra la même indemnité. »

M. le président. - M. Lelièvre propose d'ajouter après les mois : « 25 fr. par jour de voyage et de séjour, » les mots : « sans que l'indemnité intégrale puisse excéder 500 fr. »

M. Lelièvre. - L'art. 10 que nous discutons a pour objet la réalisation d'une économie réclamée depuis longtemps. L'indemnité de cinq cents francs accordée uniformément aux présidents des assises était, à juste titre, considérée comme exorbitante pour un séjour très court hors de leur résidence. Toutefois, admettre l'article tel qu'il est rédigé, ce serait précisément contrarier le but qu'on se propose. En effet, dans certaines provinces, les assises ont quelquefois une durée d'un mois et plus. En ce cas, allouer 25 francs par jour, ce serait majorer notablement l'indemnité actuelle qui, cependant, a toujours été considérée comme suffisante, même relativement aux provinces dont je parle. Veuillez, du reste, remarquer que cette indemnité est exorbitante dans le cas où il est question d'un séjour prolongé, alors que le président des assises (page 1211) continue à percevoir son traitement qui déjà lui procuré environ seize francs par jour. Elle excède le taux ordinaire auquel sont portés les frais.

Tels sont les motifs qui justifient mon amendement.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je n'ai aucune observation à faire contre l'amendement présenté par l'honorable M. Lelièvre. Cependant, je dois faire observer que cet amendement n'aura presque pas d'effet, puisque depuis 4 ans il n'y a eu que trois sessions d'assises qui aient duré plus de 20 jours. Or, ce n'est que dans le cas où la session durerait plus de 20 jours que l'indemnité du président pourrait s'élèvera plus de 500 fr.

- L'article, amendé comme le propose M. Lelièvre, est adopté.

Article additionnel

M. le président. - Vient l'article nouveau proposé par M. Toussaint.

La parole lui est accordée pour le développe.

M. Toussaint. - Messieurs, la chambre se souvient probablement encore des griefs nombreux qui ont été élevés dans cette enceinte contre le projet de loi qui a modifié la compétence correctionnelle. On n'a pas tari de critiques sur ce projet, surtout en ce qui concernait la difficulté de trouver dans les cantons ruraux le personnel nécessaire pour poursuivre efficacement la masse de délits qu'on renvoyait en police simple.

Il a été établi dans cette discussion que le résultat de la loi de compétence sera de renvoyer en police simple à peu près la moitié de toutes les causes déférées aujourd'hui aux tribunaux correctionnels. Ces causes, messieurs, s'élèvent à plusieurs dizaines de milliers. Rien que pour le tribunal de Bruxelles, il y aura lieu à une distraction d'au moins 3,000 causes.

Eh bien ! si vous chargez les tribunaux de simple police de cette masse de causes nouvelles, il faut bien se dire que le ministère public aura des frais de bureau à faire, des frais de déplacement à supporter. Or si vous ne voulez pas que les fonctions d'échevin chargé de la police soient désertées, si vous ne voulez pas qu'on se soustraie à ces fonctions, si vous voulez y attirer des hommes convenables au nouveau service, il faut nécessairement y attacher une indemnité pour couvrir les frais qu'il entraînera. D'après les renseignements que j'ai pris, ces frais seront, dans la plupart des cas, bien supérieurs à l'indemnité de 150 fr. dont il s'agit. Ces frais sont d'ailleurs l'analogue de ceux qu'on paye aux procureurs du roi, dont les dépenses diminueront d'autant.

Messieurs, la seconde partie de ma proposition tend à faire supporter l'indemnité par le fonds des amendes qui est distribué chaque année aux communes. Or, ces amendes proviennent justement des délits qu'il s'agira de poursuivre, et il est de l'intérêt des communes que ces délits soient activement poursuivis.

La charge pour le fonds des amendes attribué aux communes ne sera pas très lourde, puisque, d'après les évaluations les plus élevées, elle ne sera que de 30 mille francs, c'est-à-dire du tiers du fonds total. D'ailleurs par la loi sur la compétence correctionnelle, les amendes attribuées aux communes seront presque doublées. En effet, dans les délits nouveaux attribués aux tribunaux de simple police, figurent les délits de roulage qui sont généralement commis par des personnes solvables; les délits relatifs aux messageries, qui donnent lieu à des recouvrements réels ; tout une catégorie des délits relatifs aux poids et mesures qui appartenaient aux tribunaux de première instance ; de manière que je vois comme résultat de la loi une très grande augmentation de ce fonds des amendes. Or, est-il juste, est-il convenable que le fonctionnaire qui sera chargé des fonctions si désagréables du ministère public près les tribunaux de simple police, maintenant surtout que les délits de mendicité vont y être renvoyés, paye de ses deniers les frais qu'il devra faire pour remplir utilement ses fonctions?

Vous vous rappelez, messieurs, les réclamations qui, à plusieurs reprises, ont été adressées à la chambre par les commissaires de police des chefs-lieux de canton, ils ne reçoivent maintenant, dans la généralité du pays, qu'une somme de 1,000 francs. Cette somme, par suite de la diminution de la valeur du numéraire, est devenue insuffisante pour que ces fonctionnaires suffisent avec elle aux besoins les plus modérés. Ils ont très souvent insisté près de la chambre à l'effet d'obtenir une indemnité pour les fonctions de ministère public qu'ils remplissent près des tribunaux de simple police. Cette question est toujours restée en suspens, parce que l'occasion de la résoudre ne s'est pas présentée. Cette occasion se présente aujourd'hui; j'ai cru devoir en profiter pour proposer à la chambre le moyen le plus équitable, selon moi, de résoudre la question, en comblant en même temps une lacune que présente la loi de compétence correctionnelle.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, il est impossible que la chambre prenne une décision sur une proposition, qui ne se rattache à aucune disposition du projet que nous venons de discuter, sans qu'elle ait été soumise à un examen préalable.

- La proposition de M. Toussaint n'est pas appuyée.

Le vote définitif est fixé à après-demain.

Projet de loi de Code disciplinaire et pénal pour la marine marchande et la pêche maritime

M. le président. - Nous avons maintenant le projet de Code disciplinaire et pénal pour la marine marchande et la pêche maritime.

- Plusieurs membres. - A demain!

La chambre renvoie la discussion de ce projet à demain.

Rapports sur des pétitions

M. Thibaut, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 22 mars 1849, le sieur Prevost, ancien chef d’institution, prie la chambre de lui accorder une pension. »

Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Thibaut, rapporteur. - « Par pétition sans date, le sieur Louis prie la chambre de prendre des mesures pour réprimer l'ivrognerie. »

Dépôt au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Thibaut, rapporteur. - « Par pétition datée de Liége, le 20 mars 1849, plusieurs pharmaciens demandent l’organisation de l’enseignement pharmaceutique et l’institution d’un jury central pour l’admission des pharmaciens. »

Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Thibaut, rapporteur. - « Par pétition datée de Mons, le 20 mars 1849, le sieur Theys, détenu au dépôt de mendicité de Mons, demande sa mise en liberté. »

- Ordre du jour.

M. Dumortier. - Je propose le renvoi de la pétition à M. le ministre de la justice.

- Adopté.


M. Thibaut, rapporteur. - « Par pétition datée d'Ixelles, le 22 mars 1849, le sieur Coene, artiste peintre, restaurateur en tableaux, prie la chambre de lui accorder, ainsi qu'à sa femme, le passage gratuit à New-York.

« Même demande du sieur François, artiste peintre. »

Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Thibaut, rapporteur. - « Par pétition datée de Courtray, en mars 1849, plusieurs habitants de Courtray et de l'arrondissement demandent une loi qui permette la chasse aux cailles, à l'aide de filets, depuis le 1er avril jusqu'au 20 juin de chaque année. »

Ordre du jour.

- Adopté.


M. Thibaut, rapporteur. - « Par pétition datée d'Ypres, le 23 mars 1849, la dame Mahieu, veuve du capitaine Germonpré, demande d'être admise à la pension. »

Ordre du jour.

- Adopté.


M. Thibaut, rapporteur. - « Par pétition datée de Mianoye, le 25 mars 1849, le comte de Gourcy-Serainchamps demande la révision du tarif qui règle les frais de route et de séjour des experts du gouvernement, chargés défaire l'estimation des biens d'une succession. »

Renvoi à M. le ministre des finances.

- Adopté.


M. Thibaut, rapporteur. - « Par pétition datée de Warneton, le 19 mars 1849, le sieur Lepoutre prie la chambre de lui faire la remise des droits qu'il a dû payer à l'administration des accises, comme caution de la veuve Délie, saunière à Warneton. »

Ordre du jour.

- Adopté.

La séance est levée à 4 1/2 heures.