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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 20 avril 1849

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1177) M. Dubus fait l'appel nominal à 3 heures et un quart.

- La séance est ouverte.

M. T'Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la séance précédente; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dubus présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Les sieurs Pardon et Dulemonl, réclamant contre une décision de la députation permanente du conseil provincial, demandent que l'exemption définitive de la garde civique, qui leur a été accordée en 1830, soit maintenue conformément à l'article 16 de la loi du 6 mai 1848. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


Par message du 19 avril, le sénat informe la chambre qu'il a adopté le budget des travaux publics pour l'exercice 1849.

- Pris pour notification.


Par dépêche du 17 avril, M. le ministre de la guerre adresse à la chambre, quatre exemplaires du catalogue de la Mappothèquc du dépôt de la guerre. »

- Dépôt à la bibliothèque.


Il est fait hommage à la chambre, par M. de Block, de 112 exemplaires d'une brochure qu'il vient de publier sur le choléra.

- Distribution aux membres de la chambre cl dépôt à la bibliothèque.


M. Toussaint demande un congé de quelques jours pour cause d'indisposition.

- Accordé.

Proposition de loi ayant pour but de venir en aide à la classe ouvrière, par le travail, par la création de divers impôts et par la fondation d’un établissement de crédit

Prise en considération

M. Sinave. - Messieurs, aux développements que j'ai donnés à ma proposition de loi, j'ai encore à ajouter certaines considérations que je crois utile de soumettre à l'appréciation de la chambre.

Messieurs, lorsque je suis venu vous proposer d'encourager l'agriculture, j'étais surtout mû par cette considération que c'est principalement à cette industrie que l'on doit s'adresser si l'on veut obtenir des moyens efficaces pour venir en aide à l'ouvrier des campagnes et que c'est à fertiliser le sol même de la Belgique et non à féconder une terre étrangère, comme le voudraient les partisans des colonies et de l'émigration, que le gouvernement doit consacrer ses ressources s'il veut faire un bien durable à notre pays.

Dernièrement j'ai émis mon opinion sur la colonisation à l'extérieur et les divers systèmes d'émigration. Je l'ai fait parce que j'avais acquis la certitude que le gouvernement leur était favorable. A l'appui de ce que j'ai dit alors, je me bornerai à citer un fait remarquable qui s'est produit tout récemment, il y a huit jours, en Angleterre, et qui est bien propre à dessiller les yeux aux partisans de l'émigration sous la domination étrangère.

Le gouvernement anglais, et ce sont les discours des membres de la chambre des communes qui nous l'apprennent, a enfin acquis la conviction que ce n'est ni par l'émigration, ni en prodiguant annuellement des sommes considérables pour secourir les travailleurs de l'Irlande que l'on peut amener une amélioration durable, une amélioration permanente dans l'état de ce pays. Aussi semble-t-il vouloir changer de système. Tout en laissant l'émigration à l'étranger parfaitement libre, il semble vouloir chercher maintenant dans le perfectionnement de l'agriculture le vrai moyen de rendre à l'Irlande une partie de son ancienne prospérité.

Ne venons-nous pas de voir en effet sir Robert Peel, cet homme éminent qui connaît si bien ce qui fait la faiblesse de son pays, proposer au parlement anglais une mesure qui ne tend à rien moins qu'à faire exproprier tous les propriétaires de l'Irlande qui n'auraient pas les moyens de faire valoir leurs terres. Cette mesure, si elle est adoptée, pourra avoir des prodigieux résultats. La proposition qu'il a faite se rapproche assez de celles que j'ai eu l'honneur de vous soumettre et que nous discutons en ce moment, en ce sens du moins que sir Robert Peel veut, comme moi, que l'on fasse produire à la terre plus que ce qu'elle ne produit actuellement et que l'on utilise les bras forcément inactifs.

Il prétend arriver à son but par un moyen différent, par l'expropriation forcée de tous les propriétaires obérés. De cette manière en effet les terres passeraient nécessairement entre des mains plus capables de faire valoir les trésors encore cachés qu'elles renferment, et dont les propriétaires actuels, par suite de leur position, ne savent ou ne veulent tirer aucun parti. Pour moi, je me borne à demander un léger sacrifice à tous les contribuables, pour pouvoir donner des primes à ceux qui voudront faire produire à leurs propriétés au-delà de ce qu'elles produisent actuellement.

Vous conviendrez que l'illustre membre de la chambre des communes va beaucoup plus loin que je ne vais. Quoi de plus grave, en effet, que la mesure qu'il préconise? Mais, vu la position exceptionnelle de la propriété en Irlande, cette mesure, quelque grave qu'elle soit, n'en est pas moins indispensable ; elle est peut-être l'unique moyen de sauver cette partie de la Grande-Bretagne ; aussi a-t-elle été, partout le pays et surtout en Irlande, accueillie avec une grande faveur.

Dernièrement entre autres reproches qu'on m'a adressés dans cette chambre, on m'a dit que je prêchais le droit au travail. Eh bien ! si cela est vrai, que doit-on penser alors de la mesure préconisée par sir Robert Peel? L'accusera-t-on, lui, de vouloir introniser le communisme dans son pays?

Certainement ce n'est pas sir Robert Peel qu'on accusera de communisme, quoique ce soit lui qui ait dit au parlement que c'est un devoir pour le gouvernement anglais de procurer du travail à tout homme valide.

Il a fallu à cet homme d'Etat une profonde conviction de l'impossibilité de maintenir la société actuelle sans aucune modification, pour se décider à proposer un acte d'une si haute gravité qui attaque des principes reconnus inviolables jusqu'ici.

On ne doit plus posséder pour soi, mais pour l'utilité de tous.

Après vous avoir exposé ce fait, il ne me reste plus qu'à soumettre ma proposition à votre sérieuse méditation.

Lorsque je l'ai développée, j'ai appelé toute votre attention sur quelques-uns des maux qui affligent les Flandres et je vous ai proposé les remèdes que, selon moi, l'on devrait employer pour les guérir. Je vous ai montré ce que l'on pouvait faire pour l'agriculture, pour l'industrie linière et ce que l'on pouvait faire pour le commerce.

Mais il est encore dans les Flandres d'autres industries importantes qui souffrent et dont je n'ai pas eu occasion de vous entretenir jusqu'ici. Qu'il me soit permis de vous parler un instant de la pêche nationale et de l'importante industrie des constructeurs de navires.

La pêche nationale a été sacrifiée ; comme bien d'autres industries des Flandres, aux intérêts des autres provinces. Il est vrai que, pour dédommager nos pêcheurs des pertes que devaient nécessairement leur faire supporter les traités qu'on a conclus successivement avec la Hollande, on résolut, dans le temps, de leur accorder annuellement un secours de cent mille francs ; mais malgré ce secours, leur industrie n'a fait que décliner (page 1178) et elle finira par succomber entièrement si on ne s'empresse d'employer des moyens convenables pour la relever.

Les pêcheurs de la Flandre occidentale, n'obtenant plus aucune rémunération de leurs rudes travaux, ont adressé continuellement leurs doléances au gouvernement; mais malheureusement celui-ci, se trouvant en présence du malencontreux traité qu'il a conclu avec la Hollande, est dans l'impossibilité de faire immédiatement droit à leurs justes réclamations. Pourtant il existe un moyen que, selon moi, l'on devrait employer pour prévenir la ruine totale d'une industrie dont dépend l'existence d'une partie de la population de la Flandre occidentale ; ce moyen consisterait à entrer de suite en négociation avec la Hollande pour obtenir d'elle, au besoin par un sacrifice pécuniaire, l'annulation de cette partie du traité qui concerne l'introduction du poisson en Belgique, contre laquelle les habitants du littoral n'ont cessé de réclamer depuis l'existence de ce traité.

J'en viens maintenant à la construction navale. L'industrie des constructeurs de navires a également bien souffert depuis quelque temps, presque tous nos chantiers sont déserts, et une multitude de nos ouvriers sont sans travail. Je crois inutile de revenir sur les causes qui ont- amené cet état de choses ; je vous les ai indiquées à plusieurs reprises.

Messieurs, je sais bien qu'il est plusieurs membres de cette chambre qui ne sont pas de mon avis sur l'utilité d'une marine marchande, et je n'ai pas oublié qu'il en est même un, M. Ch. de Brouckere, représentant de Bruxelles, qui a dit dans cette enceinte qu'on aurait mieux fait de faire émigrer ou de chasser du pays tous les navires nationaux et de ne se servir pour les relations commerciales que de navires étrangers.

J'en demande pardon à M. le bourgmestre de Bruxelles, de pareils principes n'exigent heureusement, pas une réfutation sérieuse. En effet, si l’on veut agir de cette manière à l'égard d'une industrie aussi considérable que celle des constructeurs de navires, quelle raison a-t-on de ne pas agir de même à l'égard de toutes les autres industries nationales?

Pourquoi ne pas combler le canal de Charleroy, et laisser aux Anglais le soin de procurer de la houille, libre de tout droit, à la ville de Bruxelles? Pourquoi ne pas laisser à la Suède, à l'Angleterre et aux autres pays le soin de nous fournir les fers, le coton fabriqué, les autres fabricats et tous les objets de consommation, comme on permet à la Hollande d'introduire le poisson en Belgique?

Maintenant je demanderai au ministère s'il est dans l'intention de faire droit aux réclamations incessantes des pêcheurs et des constructeurs de navires de la Flandre occidentale.

Je dis aux réclamations incessantes; car je sais que ces industriels ont déjà sollicité du Roi plusieurs audiences et adresse des requêtes à Sa Majesté. J'ai appris que d'autres requêtes vont être adressées aux chambres et au gouvernement.

Messieurs, j'ai encore à vous entretenir d'un fait dont l'existence est reconnue. Je dois vous signaler un grief de la plus haute importance dont les Flandres demandent depuis longtemps en vain le redressement. Dans ces provinces, et notamment dans la Flandre occidentale, la propriété foncière est, comparativement aux autres provinces, beaucoup plus imposée qu'elle ne devrait l'être.

Nonobstant un dégrèvement partiel, nous payons annuellement encore trois à quatre cent mille francs de plus qu'on n'est en droit d'exiger de nous. Nous avons constamment réclamé contre l'injustice dont nous étions l'objet depuis si longtemps, et tous les gouvernements qui se sont succédé depuis un demi-siècle ont reconnu combien nos plaintes étaient fondées. Le gouvernement belge a promis de faire droit à nos réclamations; mais jusqu'ici il n'a pas encore accompli ses promisses. En attendant nous payons tous les ans une lourde charge qu'on aurait dû répartir depuis longtemps entre les autres provinces.

Certes, si l'on écoutait l'équité, on devrait, puisque les Flandres ont payé pendant cinquante ans et plus des contributions trop élevées, puisqu'elles ont payé avant et après le dégrèvement partiel, au moins vingt-cinq millions de francs au-delà de ce qu'on était en droit d'exiger d'elles, on devrait maintenant les exempter de toute imposition pour plusieurs années, afin de les dégrever de la somme précitée. Si l'on ne le fait pas, si l'on ne restitue pas aux Flandres ce qui leur est dû, du moins qu'on ne vienne plus dire alors que les députes des Flandres sont des budgétivores, qu'ils demandent l’aumône aux autres provinces, puisque les sacrifices que nous demandons pour rétablir nos provinces dans leur état normal, nous sommes incontestablement en droit de les exiger.

Je termine. Qu’il me soit cependant permis de faire une dernière observation : il est des membres de cette chambre qui ont dit, en parlant des Flandres, que ces provinces pouvaient et devaient attendre.

Les Flandres, elles, doivent attendre tandis que les autres provinces, alors qu'elles élèvent la voix, obtiennent immédiatement justice.

Dernièrement on est venu interrompre spontanément la discussion d'une loi importante pour présenter un projet de loi tendant à réduire le péage sur le canal de Charleroy d'une somme de cinq cent mille francs annuellement.

On a demandé l'urgence parce que quelques centaines de famille souffraient depuis quinze jouis, ou un mois peut-être, la navigation sur le canal de Charleroy ayant un peu diminué d'activité ; cependant d'après ce que M. le ministre des travaux publics nous avait dit, les intéressés n'avaient jusqu'alors souffert qu'une perte insignifiante.

Néanmoins la chambre a voté la réduction demandée avec empressement. Ce n'est pas que je l'en blâme ; au contraire, j'ai applaudi à l'acte qu'elle a posé comme j'applaudirai à toute mesure qui pourra être .avantageuse aux intérêts de la ville de Bruxelles et à toute autre localité.

Mais je ne puis m'empêcher de déclarer avec franchise, que la conduite du ministère dues telle circonstance et le vote empressé de la chambre ont causé une pénible et profonde sensation dans la population de la Flandre occidentale : on a comparé cet empressement qu'on amis à venir en aide à une fraction minime de la population de Bruxelles, avec cette extrême lenteur qu'on montre quand il s'agit de secourir les travailleurs de deux importantes provinces.

On a observé aussi dans la Flandre que l'opulente capitale n'a jamais fait entendre une voix amie dans cette enceinte. Ce superbe dédain trouvera un jour sa récompense. Que Bruxelles se souvienne de ce qu'elle était il y a quarante ans, et qu'elle réfléchisse à une chose, c'est que le passé peut se reproduire.

A Bruxelles, à cette époque, la valeur de la propriété foncière était de moitié inférieure à ce qu'elle est aujourd'hui. Dans la Flandre occidentale, le contraire existait ; la petite propriété y avait une valeur au moins double. Mais aujourd'hui, je le dis sans crainte d'être démenti, si tous les petits propriétaires cultivateurs de la Flandre étaient obligés de liquider leurs affaires, il y en aurait très peu en état de payer leurs dettes.

M. le ministre de l'intérieur a formellement déclaré devant vous, messieurs, que si je soumettais à la chambre des mesures tendant à secourir les Flandres, il se ferait un devoir de les examiner avec attention.

Je demande à M. le ministre de l'intérieur de s'expliquer sur mes propositions, de dire s'il peut les approuver toutes, ou bien s'il ne peut donner son approbation qu'à quelques-unes d'entre elles. S'il ne les approuve pas, je lui demanderai de déclarer franchement et sans détours, s'il est résolu à présenter immédiatement à la législature des grandes mesures qui sont indispensables pour sauver les Flandres. Car il faut que nous sachions si nous devons nous considérer comme de véritables parias ou comme les enfants de la Belgique.

M. Lebeau. - On fait observer, M. le président, que beaucoup de membres, et je suis du nombre, ont perdu le souvenir de la proposition de M. Sinave. Je crois que ce serait le moment d'en donner une nouvelle lecture.

M. le président donne lecture de la proposition.

M. de Bocarmé. - Le projet de loi présenté à l'appréciation de la chambre par M. Sinave est digne de l'époque où l'imagination de certains novateurs semble s'être affranchie de toute considération, de toute retenue : ce projet de loi, dis-je, s'est élaboré sous l'empire d'une pensée, d'une croyance que je regarde comme sincère chez l'honorable représentant de Bruges ; mais qui n'en constitue pas moins une erreur évidente. Il a admis pour l'agriculture des bases et des principes que le contrôle de la pratique signalerait comme manquant de solidité et de justesse.

Il croit que la bêche atteignant une profondeur de 35 à 45 centimètres assurerait l’infiltration des eaux et une meilleure récolte. Dans bien des circonstances, au contraire, cette opération serait funeste. Les ouvrages sur l'agriculture en Angleterre signalent, avec raison, ce défoncement du sol comme très préjudiciable dans les terres humides qui ne sont pas préalablement soumises au drainage.

Le séjour très nuisible des eaux a deux causes bien connues; premièrement l'encaissement des terres au-dessous des niveaux environnants. Le remède alors est du ressort de la wateringue; il doit se chercher en dehors des limites des champs.

C'est le défaut de beaucoup de terres des Flandres, qui ne sont pas assez élevées au-dessus des fleuves et du flux de la mer.

Mais alors même que les terres arables sont presque constamment plus élevées que les ruisseaux et les rivières, comme dans toutes les provinces de la Belgique qui s'éloignent du littoral, les eaux ne s'infiltrent pas quand elles rencontrent des gisements plus ou moins profonds de terres glaises; dans ce cas, leur excès qui surgit des terrains plus élevés, ou qui provient des pluies, ne s'en échappe que par un mouvement horizontal très lent; ce qui leur permet de s'imprégner de l’humus et d’en causer la déperdition. Avant d'être défoncées, ces fractions du sol doivent être débarrassées du superflu des eaux par des fossés couverts; ce qu'exprime le mot « drainage », emprunté de l'anglais.

M. le ministre de l'intérieur, bienveillant pour l'agriculture dans cette circonstance comme dans beaucoup d'autres, vient de faire venir d'Angleterre des modèles de machines au moyeu desquelles on pourra, quand la pratique aura formé les ouvriers, on pourra, dis-je, fournir des tuyaux en terre cuite à dix ou douze francs les trois cents mètres, soit mille pieds courants; alors, main-d'œuvre comprise, on assainira un hectare pour le prix de deux cent cinquante à trois cents francs : valeur que l'amélioration remboursera facilement en deux ans: puisque les terres froides, ainsi desséchées,, produisent un quart, quelquefois un tiers en plus. J'estime à 10 p. c. au moins les terres de la Belgique auxquelles il faudrait appliquer l'opération du drainage pour en obtenir des récoltes assurées et abondantes ; c'est donc là l'amélioration la plus importante que notre époque, déjà signalée par tant de progrès, est appelée à réaliser.

Le travail à la bêche coûte de 40 à 60 fr. à l'hectare, selon la nature plus ou moins rebelle du sol; c'est trois fois autant que celui de la charrue qu'on lui a substituée, comme elle avait elle-même remplace des instruments moins perfectionnés: c'est la progression qui a eu lieu dans toutes les industries, sans laquelle aucune n'eût atteint les perfectionnements qui les distinguent aujourd'hui; et, l'honorable M. Sinave peut en être persuadé, les agriculteurs ne sont pas plus disposés à briser ou paralyser leurs charrues (page 1179) que les autres industriels à faire sauter leurs générateurs et à brûler leurs mécaniques.

Après cette digression, que je ne me serais pas permise si elle ne pouvait être de quelque utilité, j'en reviens au système préconisé par l'honorable représentant de Bruges.. Il espère assainir les terres en les défonçant tous les huit à dix ans, par la bêche à trente-cinq ou quarante-cinq centimètres. On peut, à moins de frais, atteindre cette profondeur par des charrues qui se succèdent pour un même sillon; et dont la deuxième, dépourvue du versoir, ne ramène pas le sous-sol improductif du dessous ; avantage que n'a pas la bêche, à moins d'en augmenter encore les frais qui sont déjà hors de proportion avec les produits normaux de l'agriculture.

Le labour à pareille profondeur peut être avantageux après le drainage; ou dans les terres sèches et profondes des environs de Menin et de Saint-Nicolas, par exemple; mais, je l'affirme sans hésitation, ce serait une opération désastreuse dans beaucoup de localités de la Belgique dont le sous-sol est de mauvaise qualité ; pratiquée brusquement et sans discernement, elle ruinerait infailliblement tous les exploitants qui n'auraient pas des capitaux à enfouir capricieusement. Je citerai, comme ayant beaucoup de ces terres peu profondes, la portion de la Flandre occidentale connue sous le nom de Furnes-Ambach ; là cing à six centimètres, ramenés imprudemment à la surface, peuvent ruiner un fermier : je ne crains pas d'invoquer à l'appui de cette citation le témoignage des deux honorables représentants de cette localité, MM. de Breyne et Clep; mais, je le répète, le drainage opéré, on peut graduellement fouiller des couches que, jusque-là, on n'aurait osé interroger.

Par ces considérations, messieurs, et d'autres au moins aussi importantes, qui se présentent facilement à l'esprit, je voterai contre toutes les propositions qui nous sont soumises par l'honorable M. Sinave ; bien que le rejet de cette loi doive nous priver de l'avantage de faire connaissance avec ses deux sœurs cadettes qui devaient nous être présentées, si nous avions accordé notre faveur à l'ainée.

M. Sinave. - Je ferai une simple observation à l'honorable préopinant, qui n'a probablement aucune connaissance de la Flandre centrale. Il nous parle du Furnes-Ambacht, et il dit que dans celle contrée, si on travaillait à la bêche, on ramènerait à la surface le sable qui se trouve à une certaine profondeur; mais, messieurs, ce serait là l'opération la plus inconsidérée qu'on puisse imaginer, et quand on travaille à la bêche, en supposant même qu'on le fît dans les localités dont il s'agit, il est bien certain qu'on n'opère pas ainsi à la légère, qu'on ne va pas commettre fa maladresse de ramener le sable à la surface.

Quant à la Flandre centrale, l'honorable membre dit que les terres y sont si basses qu'on ne peut les défoncer sans y porter le plus grand préjudice; c'est là une erreur grave : il peut y avoir quelques terres qui se trouvent dans cette position, mais le plus grand nombre est parfaitement placé.

M. de Bocarmé. - Messieurs, je n'ai pas dit cela d'une manière générale : j'ai dit qu'il y a dans les Flandres des terres plus basses que le niveau des fleuves et des rivières. Quant à la partie de la Flandre que nous appelons le Furnes-Ambacht, il y a là des terres nombreuses, des villages, des districts entiers qu'on ne peut labourer à une plus grande profondeur que 20 ou 22 centimètres, sans que l'opération soit ruineuse : il en est de même dans les autres provinces, où le système, si fortement préconisé par l'honorable M. Sinave, ne serait généralement applicable qu'en provoquant partout des désastres agricoles.

Il y a, messieurs, des districts entiers qui sont dans ce cas. Eh bien, là le système que M. Sinave a tant préconisé, ne serait pas applicable. Il y a de grandes étendues de ces terres non seulement dans les Flandres, mais encore dans d'autres provinces du royaume.

M. de Mérode. - Messieurs, l'honorable M. Sinave a cité la conduite que l’on tient maintenant ou que l'on est peut-être disposé à tenir en Angleterre, et la proposition de sir Robert Peel ; mais l'Irlande a été livrée à une tyrannie extraordinaire, ses habitants ont été violemment dépouillés de leurs propriétés. C'est là un état de choses qui n'a rien de comparable avec ce qui s'est passé en Belgique.

Heureusement, en Belgique, on n'a jamais traité aucune province, comme l'Irlande a été traitée par l'Angleterre.

Par conséquent, toutes les mesures que sir Robert Peel propose ne peuvent s'appliquer en rien à notre pays.

M. Sinave. - Je n'ai nullement cité sir Robert Peel sous le rapport que vient d'indiquer l'honorable préopinant; j'ai indiqué seulement les mesures extraordinaires, extrêmes; j'ai fait remarquer que l'on pousse les choses jusqu'à l'expropriation forcée pour faire mieux cultiver la terre; mais je n'ai en aucune manière entendu appliquer le système de sir Robert Peel à la Belgique; ce serait une inconséquence réellement trop extraordinaire.

- La prise en considération est mise aux voix , elle n 'est pas adoptée.

Rapports sur des pétitions

M. le président. - Dans la séance d'hier, M. Thibaut a fait rapport sur la pétition du sieur Offergelt, ancien receveur des contributions, qui propose à la chambre de faire, au budget de 1850, une retenue proportionnelle sur les traitements et sur les revenus qui s'élèvent à 4,500 francs et au-dessus, ou bien de l'indemniser de la perte qu'il a essuyée dans les remises de son bureau.

La commission avait proposé l'ordre du jour; M. Julliot avait proposé le renvoi à M. le ministre des finances. La chambre ne se trouvant plus en nombre, la décision avait éé ajournée à la séance suivante.

La parole est à M. Julliot.

M. Julliot. - Messieurs, je n'ai pas l'habitude d'occuper la chambre de questions de personnes; on me rendra, je pense, cette justice. C’est la première fois que cela m'arrive depuis que j’ai l’honneur de siéger ici.

Le sieur Offergelt, ancien receveur au bureau dos contributions directes de Vliermael, est en réclamations incessantes depuis 1832.

Il m'est démontré que le gouvernement a traité cet agent avec bien peu de bienveillance, pour ne pas dire plus, et cela sans savoir pourquoi; car tout en lui refusant des droits acquis, les lettres des ministres des finances, prédécesseurs de M. le ministre actuel, faisaient l’éloge de ce comptable.

Toute l'erreur réside dans une date; de là est parti le premier refus de faire droit à des réclamations que je crois justes; et, messieurs, nous savons tous que quand un bureau d'administration, a dit une fois non, c’est un quasi-miracle de le ramener dans un sens affirmatif, à moins de porter la question dans une autre région que celle que je me permettrai d'appeler la bureaucratie.

Si donc M. le rapporteur veut se rallier à moi, et que la chambre veuille ordonner le renvoi de cette pétition à la commission pour examen supplémentaire, tout sera dit pour le moment; je m'empresserai de donner à la commission des pétitions, comme à M. le ministre des finances, des renseignements qu'ils ne connaissent pas. Si, au contraire, on veut immédiatement discuter les procédés du gouvernement envers cet agent, je suis préparé à soutenir des droits que j'envisage comme ayant été méconnus.

Je dirai plus : je crois pouvoir augurer des principes de M. le ministre des finances que la cause de ce réclamant recevra une solution satisfaisante sans la nécessité de recourir à la chambre.

M. Thibaut, rapporteur. - Messieurs, hier j'ai combattu, comme rapporteur, la demande de M. Julliot, tendant à renvoyer la pétition à M. le ministre des finances, avec demande d'explications; l'honorable membre modifie aujourd'hui sa proposition, en ce sens qu'il demande simplement que la pétition soit de nouveau examinée en commission des pétitions. Je ne m'oppose nullement à la proposition ainsi formulée.

- Le renvoi de la pétition à la commission des pétitions, pour un examen ultérieur, est ordonné.


M. Julliot, rapporteur. - « Par pétition datée d'Alost, le 14 mars 1849, plusieurs habitants d'Alost demandent que la garde civique soit divisée en deux bans, et que le premier ban, composé de célibataires et de veufs sans enfants, de 21 à 35 ans, soit seul astreint aux obligations imposées par la loi sur la garde civique. »

La commission propose le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Julliot, rapporteur. - « Par pétition datée de Tessenderloo, le 5 mars 1849, le sieur Aerts demande si les docteurs en médecine qui n'ont pas été reçus pharmaciens peuvent délivrer des médicaments dans une localité où se trouve un pharmacien légalement établi. »

La commission propose le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Julliot, rapporteur. - « Par pétition datée de St.-Mard, le 27 février 1849, le sieur Jacques, propriétaire à St-Mard, prie la chambre de faire obtenir à son fils Jean-Baptiste un congé définitif du service militaire. »

Ordre du jour.

- Adopté.


M. Julliot, rapporteur. - « Par pétition datée de Louvain, le 14 mars 1849, quelques habitants de Louvain, mariés ou âgés de plus de 35 ans, demandant à être exemptés du service de la garde civique. »

La commission propose le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Julliot, rapporteur. - « Par pétition datée d'Andenne, le 12 mars 1849, le sieur Brun, notaire à Andenne, demande qu'il soit permis aux notaires de passer un acte en conséquence d'un autre, avant que celui-ci soit préalablement enregistré. »

La commission propose le renvoi à M. le ministre de la justice avec demande d'explications.

- Adopté.


M. Julliot, rapporteur. - « Par pétition sans date, les avoués de Gand demandent la réduction du nombre des avoués. »

La commission propose le renvoi à M. le ministre de la justice avec demande d'explications.

- Adopté.


M. Julliot, rapporteur. - « Par pétition datée de Gand, le 8 mars 1849, quelques habitants du faubourg de Courtray à Gand demandent une indemnité du chef des dégâts que leur a causé l'explosion d'un des bâtiments de la citadelle de cette ville. »

La commission propose le renvoi à M. le ministre de la guerre.

- Adopté.


M. Julliot, rapporteur. - « Par pétition datée de Quiévrain, le 15 mars 1849, l'administration communale de Quiévrain demande le maintien du bureau de douanes établi dans cette commune. »

La commission propose le renvoi à M. le ministre des finances.

- Adopté.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - Je propose à la chambre de s'occuper demain de la proposition de M. De Pouhon.

(page 1180) M. Osy. - Je suis rapporteur de cette proposition, je suis prêt à la discuter; mais il a été décidé qu'on ne la mettrait à l’ordre du jour qu'après les sucres. Si la chambre veut revenir sur cette décision, je n'ai rien dire.

M. le président. - Un honorable membre qui s'occupe beaucoup de la question des sucres, et qui veut également s'occuper de la proposition de M. De Pouhon, a demandé qu'on ne la mît à l’ordre du jour qu'après avoir terminé la question des sucres, et la chambre l’a décidé ainsi. C'est maintenant à la chambre de voir si elle maintient sa première résolution.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Cools a demandé que la discussion de la proposition de M. de Pouhon ne vienne qu'après la question des sucres. J'ai dit que je n'avais pas de motif pour m'opposer à cette proposition ; mais si la chambre juge à propos de revenir sur sa décision, je suis prêt à prendre part à la discussion.

M. Lebeau. - J'insiste pour qu'on mette la proposition de M. Dé Pouhon à l'ordre du jour de demain. Il est déplorable que la chambre, qui a une tâche si laborieuse devant elle, continue à chômer après une vacance de près de trois semaines. Quand on a subordonné la discussion de la proposition de M. De Pouhon à la question des sucres, on avait dans la pensée que le rapport serait fait immédiatement ; nous n'avons pas de nouvelles du travail du la commission. Je ne lui fais pas un grief de prolonger l'examen d'un projet aussi important, mais je crois qu'il y a lieu, dans ces circonstances, de mettre à l'ordre du jour de demain la discussion de la proposition de M. De Pouhon.

- La chambre déride que la discussion de la proposition de M. de Pouhon sera mise en première ligne à l'ordre du jour de demain.

M. le président. - Le sénat vient d'adopter le projet de loi relatif à la compétence; on pourrait mettre, en second lieu, à l’ordre du jour le projet de loi ayant pour objet de réduire le personnel des cours et tribunaux.

M. de Theux. - Le rapporteur est indisposé.

M. le président. - Son indisposition est grave et peut se prolonger.

M. de Theux. - Dans ce cas, il serait à désirer qu'un autre membre de la section centrale prît la défense du rapport.

M. Osy. - Le président de la section.

M. le président. - Cet objet figurera en deuxième ligne à l'ordre du jour.

- La séance est levée à 4 heures et demie.