(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 1013) M. T'Kint de Naeyer procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
- La séance est ouverte.
Il donne ensuite lecture du procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction est approuvée.
M. Troye fait connaître l'analyse des pétitions suivantes adressées à la chambre.
« Quelques habitants de Louvain, mariés ou âgés de plus de 35 ans, demandent à être exemptés du service de la garde civique. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Brun, notaire à Andenne, demande qu'il soit permis aux notaires de passer un acte en conséquence d'un autre, avant que celui-ci soit préalablement enregistré. »
- Même renvoi.
« Le sieur Demarbais, greffier de la justice de paix du canton de Mons, présente des observations sur le projet de loi relatif à la réduction du personnel des cours et des tribunaux. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Plusieurs habitants du hameau de Eerkhoven dans la province de Limbourg prient la chambre d'accorder les fonds nécessaires pour construire une église et un presbytère dans cette localité.
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le budget de la justice.
M. le ministre de l'intérieur transmet à la chambre 110 exemplaires du compte rendu illustré des fêtes nationales qui ont eu lieu en septembre dernier.
- Distribution aux membres.
M. Lebeau. - Messieurs, quoique la discussion du projet actuel ait été déjà assez longue, je regarde comme un devoir, à raison de la part que j'ai prise à sa préparation, il y a fort longtemps à la vérité, de dire quelques mots à la chambre, pour justifier l'opinion insérée dans le projet de 1834, opinion qui est encore la mienne aujourd'hui.
Peu de projets ont été plus sérieusement examinés que celui qui est en ce moment soumis aux délibérations de la chambre.
Dès l'année 1832 à 1835, une commission a été instituée au ministère de la justice; j'avais l'honneur de la présider. Cette commission comptait des magistrats éminents : si mes souvenirs sont fidèles, l'un occupait le premier siège du parquet de la cour d'appel ; un autre a occupé, depuis, le premier siège du parquet de la cour de cassation ; d'autres membres de parquets ou de cours, qui sont devenus membres de la cour suprême, en faisaient aussi partie.
C'est du sein de cette commission qu'est sorti le projet que M. le ministre de la justice soumet aujourd'hui à la sanction de la chambre. Bien que ce projet se présentât aux délibérations de la chambre de 1834, avec les garanties que renfermait une pareille commission, sa prudence crut devoir renvoyer le projet, avant toute discussion, aux avis des trois cours d'appel. Les cours d'appel ont délibéré et ont fait connaître leur opinion. Voici un paragraphe de cette opinion, reproduite dans les pièces imprimées à cette occasion, et qui fait connaître parfaitement l'opinion des trois cours, opinion que l'honorable M. de Brouckere me paraît n'avoir pas fait connaître dans toute son étendue.
Le projet a été approuvé sans restriction par la cour de Liège; la cour de Bruxelles admet aussi la réduction du nombre des juges de 5 à 3; mais elle pense, que dans le chef-lieu de la cour d'appel, ces trois juges doivent être trois conseillers.
Enfin la cour d'appel de Gand repousse tout changement à l'état des choses.
Je fais remarquer qu'il n'est pas tout à fait exact de dire, comme l'honorable M. de Brouckere, que sur la question la plus controversée, une cour a dit : Oui ; une autre cour a dit : Oui et non, et la troisième : Non.
Deux cours sont d'accord sur le point le plus controversé, qui est la réduction du nombre des juges à trois; car je ne pense pas qu'un conseiller entouré de juges de première instance, constitue avec eux une combinaison contestée par personne ; ce qui est contesté, c'est la réduction du nombre des juges. Les cours de Liège et de Bruxelles étaient d'accord sur ce point; il n’y avait de dissidence entre elles que sur une question de détail. La cour de Gand a émis l'opinion que le statu quo devait être conservé. Je professe une parfaite estime pour la cour de Gand. Je la crois digne, à tous égards, de la considération dont elle est entourée à l'égal des autres cours; mais quand ce projet lui fut soumis, elle était à peine installée; les autres cours étaient anciennes, avaient plus d'expériences des affaires criminelles que la cour de Gand. Voilà ce que j'ai à dire sur ce point.
Ainsi, messieurs, quant à la nécessité de ramener l'uniformité dans la distribution de la justice criminelle, de faire cesser une anomalie qui n'a pour elle que la sanction du temps, et qui aurait paru choquante à nous tous, si elle nous apparaissait aujourd'hui comme une innovation, vous avez vu que les deux cours où se trouvait la plus grande expérience des affaires criminelles ont été unanimes pour réduire la cour d'assises à trois juges.
Une commission de jurisconsultes fut nommée par la chambre, de préférence au renvoi aux sections, pour examiner cette question toute spéciale.
Cette commission n'a pas hésité à admettre aussi le retour à l'uniformité, c'est-à-dire que partout, même dans les chefs-lieux de cour d'appel, la cour d'assises se composerait d'un conseiller de cour d'appel et de 4 membres du tribunal de première instance.
La réduction a été repoussée, il est vrai, par la commission. Mais je tiens à faire connaître son opinion sur le principe de l'uniformité, point le plus important de la discussion actuelle.
« Le principe de l'uniformité a donc été admis, et parmi les différents modes qui s'offrent pour y arriver, la commission n'a pas hésité à préférer celui qui consiste à composer la cour dans toutes les provinces, d'un conseiller délégué, assisté de membres du tribunal de première instance.... »
Mais quel sera le nombre des membres de la cour ? C'est ici que la commission a exprimé une opinion conforme à celle qu'ont soutenue plusieurs membres de la chambre. Je dois faire remarquer cependant que le rejet de la réduction n'a eu lieu dans la commission nommée par la chambre qu'à la majorité de 5 voix contre 4.
La commission demandait que le conseiller de la cour d'appel fût assisté de quatre membres du tribunal de première instance. Du reste, cette opinion de la commission, non plus que le projet de loi du gouvernement, n'ont été discutés.
L'honorable M. de Brouckere vous a déjà fait observer avec raison que l'un des principaux motifs allégués par la majorité de la commission de 1834 avait cessé aujourd'hui. Il vous a rappelé les termes mêmes dont le rapporteur s'est servi :
« Mais chez nous, où l'institution du jury encore au berceau ne permet pas d'en attendre jusqu'ici les heureux résultats qu'elle est destinée à produire dans l'avenir; chez nous, où le jury n'est pas consulté sur les circonstances atténuantes, il y aurait du danger à abandonner à trois juges le redoutable pouvoir, etc., etc. »
Or, depuis ce temps, le jury a fonctionné pendant un très long laps de temps ; et j'ose dire qu'il n'y a qu'une voix dans le pays sur la perspicacité, sur le sentiment du devoir, sur le courage de son opinion dont les jurys belges ont fait preuve.
Je dois faire remarquer encore que, depuis l'époque où l'on tenait ce langage, l'institution du jury a subi une réforme fondamentale. De sorte qu'il est permis de croire que si la décision a été prise par 5 voix contre 4, alors qu'il y avait de très graves objections puisées dans l'institution même du jury, dont il était impossible d'apprécier a priori la bonté, il y aurait aujourd'hui changement dans l'opinion d'une commission composée des mêmes éléments.
Vous avez ensuite, messieurs, l'opinion du ministère actuel, qui s'est probablement entouré des lumières de plusieurs spécialités. Vous avez enfin l'avis très explicite, très formel d'une section centrale, dans laquelle se trouvent un assez grand nombre de membres qui ne se sont pas montrés jusqu'ici très complaisants pour les projets de M. le ministre de la justice.
Cette section est très formelle sur l'innovation proposée par le gouvernement, non seulement pour le renvoi devant une cour d'assises composée d'un conseiller et de juges de première instance, mais aussi pour la réduction du nombre des juges à trois.
L'opinion de la section centrale est très explicite :
« Le titre II du projet de loi a été accueilli favorablement par la section centrale.
« La majorité de cette section donne son entière adhésion aux motifs qui ont été fournis par M. le ministre de la justice à l'appui des articles 11, 12, 13, 14 et 15 du projet, et elle en propose l'adoption, sauf un changement au n°3 de l'article 11, que nous indiquerons ci-après.
« La majorité de la section centrale est convaincue que la justice criminelle peut être convenablement administrée par le jury, tel qu'il est actuellement formé, et par une cour d'assises composée de trois magistrats expérimentas, assistés d'un officier du ministère public.
« Elle est convaincue que la société et les accusés trouveront d'assez larges garanties dans le personnel de la cour, d'après l'organisation nouvelle qui est proposée; et elle se plaît à signaler comme une réforme '(page 1014) précieuse, dans l'intérêt des accusés, celle que consacre l'article 12 du projet. »
On a déjà répondu, messieurs, à l'exemple proposé par l'honorable M. Orts de quelques réclamations qui se sont produites dans la chambre des députés de France, non pas à l'occasion du projet de loi, qui n'était pas mis en question, mais à l'occasion d'un autre projet qui pouvait s'y rattacher indirectement, c'est-à-dire d'un projet, si je ne me trompe, pour la réduction du personnel de quelques cours et tribunaux. Mais la question in terminis n'a pas été, que je sache, posée en France depuis la législation de 1831, et quelles qu'aient été les réclamations soulevées dans le sein des chambres à l'occasion d'autres discussions, il n'en est pas moins vrai que la législation de 1831 est restée debout, qu'elle n'a pas été sérieusement attaquée sous la monarchie, et qu'elle ne l'a pas même été depuis l'établissement de la république.
Je n'ai rien à dire sur l'article 12, qui, d'après toutes les opinions, consacrera une innovation heureuse au profit des accusés. C'était en effet quelque chose de bizarre que de voir le législateur déclarer que, par telle majorité contre telle minorité, il y avait doute, et de constituer juges du doute une minorité, de faire cesser le doute par l'avis d'une minorité, car c'est où l'on avait abouti avec la législation qu'il s'agit de modifier aujourd'hui.
Messieurs, on a parlé d'économies. J'ai déjà dit à la chambre que je n'étais pas partisan fanatique d'économies. Mais cela ne voulait pas dire que je fusse maniaque de gros chiffres, de dépenses inutiles, de superfluités financières. Quand je vois une économie résulter d'une modification législative qui est bonne en elle-même, c'est certainement une raison de plus à mes yeux pour adopter cette proposition. Or, je crois que la conséquence du projet est une économie sinon actuelle, du moins une économie future très certaine, évidente.
C'est, messieurs, une chose assez singulière et dont nous avons déjà eu plusieurs fois le spectacle, que de voir le ministère sans cesse harcelé dans cette enceinte et en dehors pour obtenir des économies, et da voir les économies presque systématiquement combattues quand le ministère en propose la réalisation. C'est encore le spectacle qui s'offre à nous aujourd'hui.
Ce qui coûte cher dans l'administration de la justice , ce n'est pas le juge de première instance, c'est surtout le conseiller de cour d'appel. Il y a d'abord une différence assez notable de traitement, surtout en prenant pour comparaison le traitement des juges de seconde classe, le grand nombre de ceux qui seront appelés à composer les cours d'assises. Mais il y a une autre économie très considérable, très notable. Ce n'est pas seulement celle qui consiste dans la réduction du plus au moins, dans la non-augmentation de leur nombre ; c'est encore, c'est surtout celle qui consiste à ne pas distraire de leur siège de conseillers, jugeant en matière civile, quatre magistrats venant siéger tous les trimestres en cour d'assises. Remarquez, messieurs, que si 4 conseillers sont distraits de leur siège quinze jours seulement par trimestre, cela fait deux mois par an; c'est réduire d'un cinquième le temps à consacrer par eux aux affaires civiles; car l'année judiciaire n'est guère que de dix mois. Sous ce rapport, le projet produira une grande économie, sinon pour les contribuables, au moins pour les justiciables, qui sont aussi des contribuables. Il suffit qu'un conseiller qui s'est occupé d'une affaire civile soit délégué à la cour d'assises pour que l'instruction et le jugement de cette affaire soient ajournés souvent de plusieurs semaines ou de quelques mois. Or, ces remises sont une cause de dépense et d'anxiété pour les justiciables.
Il faut respecter avant tout, messieurs, dans les conseillers de cour d'appel, ce temps précieux, car dans les matières civiles susceptibles d'être portées devant la cour d'appel, n'est-il pas vrai que les débats vraiment sérieux ne s'engagent que devant cette cour?
C'est à tel point que, sans méconnaître ce qu'il y a de lumières et d'intégrité chez les premiers juges, les parties, si elles pouvaient s'abstenir de paraître devant le tribunal de première instance, constitueraient volontiers la cour d'appel juge souverain du litige, sans passer par le premier degré de juridiction. Elles le feraient pour gagner du temps, pour diminuer les lenteurs parfois désespérantes d'un procès.
Si vous exigez que la cour d'assises soit composée, outre le président, de 4 juges de première instance, l'économie sera tellement minime que, sous ce rapport, ceux qui voudraient voter pour le projet de loi pourraient réellement s'en dispenser sans scrupule. Si on distrait 4 juges de première instance de leur siège, il est évident que cela équivaut à la suppression momentanée d'une chambre tout entière ; par conséquent, vous perdriez d'un côté ce que vous auriez pu gagner de l'autre.
Je ne sais pas s'il y a quelque chose à dire encore en réponse aux observations présentées par l'honorable M. Orts, sur cette influence du président de la cour d'assises, dont il nous a fait un si singulier portrait. L'honorable M. Lelièvre et l'honorable M. de Brouckere ont fait justice de ce que je crois pouvoir appeler des exagérations. J'aime à croire que ce n'est pas dans ses souvenirs, mais uniquement dans son imagination, que l'honorable M. Orts a vu des présidents de cour d'assises comme ceux dont il nous a parlé hier. En vérité, j'ai cru que l'honorable membre, pour esquisser de pareils portraits, avait dû faire apparaître devant lui, comme modèles, les ombres de Laubardemont ou de Jeffreys.
Si l'honorable M. Orts a peu flatté les futurs présidents des cours d'assises, il faut reconnaître qu'il n'a pas non plus flatté les futurs juges du degré inférieur ; Car si, d'une part, il a montré le président de la cour d'assises comme disposé, dans je ne sais quel intérêt, dans une sorte de passion contre l'accusé, à abuser parfois de son influence, donner aux débats une direction plus ou moins blâmable, plus ou moins partiale, et à peser de tout son poids sur les juges de première instance qui siègent à ses côtés, ceux-ci ont été présentés comme plus ou moins portés, à raison de leur dépendance du président de la cour d'assises, à raison du besoin qu'ils pourraient avoir un jour de sa protection pour s'élever jusqu'au siège de magistrat de cour d'appel, à pousser, à leur insu peut-être, l'obséquiosité envers ce magistrat au-delà des bornes raisonnables.
Déjà on a fait justice de ces exagérations. Et quels sont d'ailleurs les magistrats sur lesquels une telle influence devrait s'exercer? Ce sont des hommes déjà éminents dans la magistrature, des hommes d'élite, qui ont été honorés du choix du conseil provincial et de la cour d'appel elle-même ; ces magistrats ont donc déjà subi une épreuve qui témoigne de la considération et de l'estime dont ils sont environnés !
Je crois donc que l'honorable M. Orts a été beaucoup trop loin dans les craintes qu'il conçoit sur l'influence qu'exercerait le président de la cour d'assises sur les magistrats réduits à deux, lorsqu'il n'est pas effrayé de l'influence du même président sur ce nombre fixé à quatre.
Messieurs, on a cité encore quelques prétendues anomalies qui prendraient un caractère plus grave par la réduction du nombre des juges à trois. On vous a parlé de la décision de la cour d'assises, après condamnation, sur les demandes en dommages-intérêts.
D'abord, ces demandes devant la cour d'assises sont assez rares, parce qu'une partie civile assumerait une grande responsabilité en intervenant dans les débats de la cour d'assises; car si elle échouait, si l'accusé était acquitté, elle pourrait avoir à supporter des frais considérables. Les parties civiles sont mieux avisées, elles attendent la décision de la cour d'assises, et armées de l'arrêt de cette cour, elles se présentent devant les tribunaux civils, où elles jouissent du double degré de juridiction, et où elles n'ont pas à courir les chances qu'elles courent devant les assises.
L'honorable M. Orts a signalé comme anomalie que, dans ce cas, on était privé de deux degrés de juridiction. Il en est de même en France; les cours d'assises en France sont réduites à trois juges, et cependant, dans le cas d'une demande en dommages-intérêts par la partie civile, elles jugent aussi en dernier ressort.
L'honorable M. Destriveaux, qui a combattu la loi, a terminé ses observations par un vœu auquel je ne puis m'associer. L'honorable membre voudrait qu'on n'abordât que des réformes d'ensemble; que chaque fois qu'il s'agit de toucher à une législation pour l'améliorer, on arrivât avec des vues d'ensemble, qu'on ne cherchât pas à introduire des changements partiels.
Je ne crains pas de dire que, si un pareil vœu était accueilli, c'en serait fait pour longtemps de toute espèce de réformes. Nous en avons un exemple vivant qui devient tous les jours plus irrésistible comme démonstration; c'est le projet de Code pénal que j'ai eu l'honneur de soumettre aux lumières de la chambre il y a bientôt quinze ans ; et cependant ce projet de réforme pénale, quoique embrassant toute l'économie de la législation, ne modifiait pas le quart peut-être des dispositions du Code pénal.
Eh bien, où en sommes-nous quant à ce projet ? Quand pouvons-nous espérer d'en aborder la discussion? - Je n'en sais rien. - Quand il se présente une amélioration immédiatement réalisable, hâtons-nous donc de l'accepter, de peur, en voulant trop avoir, de ne rien avoir du tout. Voilà pourquoi je me contente, en ce moment, du modeste projet de loi que j'ai eu l'honneur de présenter en 1834, et que M. le ministre de la justice, ainsi que la section centrale, ont bien voulu prendre sous leur patronage.
M. Destriveaux. - Je renouvelle le vœu que j'ai émis hier, que, quand il s'agit d'introduire des réformes dans notre législation, on dirigeât ses efforts vers un travail d'ensemble. L'honorable préopinant ne veut pas s'y associer ; j'en suis fâché, car certainement j'aurais été fortement appuyé par un talent comme le sien. Cependant je crois que mon vœu a été mal compris. Je n'ai pas dit que jamais il ne fallait apporter d'amélioration à une partie déterminée de la législation ; j'aurais, en le faisant, émis une observation trop générale qui, partant, aurait eu son côté faux. Mais je suis l'ennemi de ces prétendues améliorations du moment qui n'ont pas pu être mûries, parce que le temps a manqué et que l'urgence, la nécessité de faire des économies a tout dominé.
Le Code pénal, a dit l'honorable préopinant, a été l'objet d'un travail de réforme il y a bientôt 16 ans. J'avoue qu'il m'est impossible de ne pas croire que, si depuis 16 ans on s'était sérieusement occupé d'améliorer ce Code pour l'approprier à tous les besoins, il y a longtemps qu'on aurait pu accomplir cette réforme. Il ne fallait pas pour cela 16 ans, pas une année; il suffisait de voter quelques articles généraux au moyen desquels on parviendrait à modifier la partie du Code pénal qui a toujours inspiré des regrets et à ceux qui en ont fait l'objet de leurs études et à ceux qui ont été chargés de l'appliquer.
Ou pouvait, sans avoir besoin de 16 années de réflexion, réformer ces dispositions qu'on croirait dictées par un Tibère ou un Henri VIII d'Angleterre. Il ne fallait pas pour cela de si longues réflexions, il ne fallait qu'avoir le sentiment du juste, qu'obéir au sentiment de liberté dont nous avons compris l'usage dans notre pays.
C'est une chose déplorable qu'on ait attendu si longtemps, c'est une chose déplorable que le travail qu'on a provoqué n'ait pas été fait ou ait été frappé d'une stérilité dont je ne me rends pas compte.
Je dois encore rencontrer un mot de l'honorable préopinant. Les '(page 1015) circonstances sont telles, les besoins d'économie se font sentir au dehors et au dedans, c'est devenu une clameur générale, le gouvernement présente des moyens d'y parvenir; il rencontre une opposition systématique contre les projets qu'il présente dans ce but.
Je dirai une chose, et en parlant de moi, je crois pouvoir répondre au nom des honorables collègues qui m'entendent : nous connaissons trop la position difficile de ceux qui sont au pouvoir, nous connaissons trop les difficultés qu'ils ont à vaincre, les travaux qui les accablent, pour qu'aucun de nous pût descendre à la honteuse pensée de leur faire une opposition systématique.
Quand le gouvernement fait une proposition juste ou qui est complètement rationnelle, tout en conservant le droit de faire opposition à des propositions qui ne le seraient pas dans leur ensemble ou dans leurs détails, notre devoir est de venir en aide au ministère. Voilà comme j'entends la coopération aux travaux législatifs. Mais une opposition systématique, oh ! c'est l'anarchie dans la pensée, c'est une espèce de guet-apens tendu au ministère.
Si par malheur nous pouvions nous trouver sous la puissance d'un ministère contre lequel il fallût élever une opposition systématique, je dirais : Le pays est bien près de sa perte, et nous sommes bien près de la honte.
Le besoin d'économie est donc senti, mais le sentiment intime de ce besoin doit-il nous conduire à adopter, par cela seul qu'on le présente, tous les projets de lois revêtus de cette espèce de livrée d'économie ? Personne ne le veut, pas même le ministère. J'ai trop bonne opinion de lui pour supposer qu'il s'égare à ce point. Quand nous lui formons opposition, c'est pour l'éclairer dans sa marche et lui indiquer celle que nous croyons la plus conforme aux besoins du pays.
Le pays n'éprouve pas seulement des besoins d'argent, il éprouve aussi des besoins moraux, des besoins de stabilité. Il lui est nécessaire de conserver la confiance dans ses institutions. Voilà un sentiment qui doit prévaloir sur tout autre , parce qu'il se lie intimement avec l'existence et l'honneur du pays.
Maintenant, j'entre dans la question et je me borne au point de vue sous lequel je l'ai envisagée. Je persiste en tous points et sans hésitation ! dans l'opinion que j'ai émise ; je ne répéterai pas ce que j'ai pu dire hier et tout ce qu'a dit l'honorable M. Orts, que je regrette de ne pas avoir ; vu a son banc quand on a analysé sa pensée; ma conviction est devenue plus grande par les raisons mêmes qu'on a développées pour soutenir le projet.
Rien ne m'a été démontré quant à l'utilité qu'il y aurait à substituer un nouvel ordre de choses à l'ancien ; les exemples cités ont été mal choisis ou mal appliqués. Je persiste à dire qu'en France la loi du 10 mars 1831 a été après quelques années l'objet de la réprobation générale, non pas de la réprobation de quelques jurisconsultes à qui on peut opposer le sentiment d'autres jurisconsultes, mais de la réprobation de la généralité des cours d'appel de France, de la réprobation de la cour de cassation elle-même; et j'ai pour garant de ce que j'avance le rapport de M. Persil, ancien garde des sceaux à la chambre des députés ; j'en ai le texte formel imprimé en caractères italiques dans un commentaire mûri qui a été publié par un avocat général près d'une cour d'appel.
Certes, si la loi du 10 mars 1831 n'avait pas été l'objet d'un pareil reproche, est-ce que le garde des sceaux aurait pu se permettre un pareil langage sans qu'on lui dît: Vous exagérez. Alléguez que des jurisconsultes ont blâmé cette loi, on vous opposera d'autres autorités. Mais abstenez-vous d'associer au blâme les cours d'appel et la cour de cassation! Lui a-t-on tenu ce langage? Non ! Ses assertions sont restées sans contradiction. J'en conclus qu'elles n'étaient pas contestables.
L'honorable M. Lebeau, orateur habile, fait une distinction. Il a dit qu'il n'était pas étonné qu'en France une pareille loi eût pu être critiquée; que, dans ce pays, l'institution du jury n'était pas aussi fortement mûrie que dans le nôtre. Mais en 1834, époque où l'on a présenté, en Belgique, le projet de loi, l'institution du jury n'était pas aussi purifiée qu'elle l'est aujourd'hui.
Ce n'était pas un besoin d'économie, c'était une tendance d'imitation qui nous avait conduits à un travail analogue. Ce n'était pas un système de réduction. On n'avait pas fondé ce travail sur ce que le jury avait reçu alors chez nous, ce qui depuis lors lui a été donné, je dois l'avouer, un caractère sinon de perfection, au moins d'utilité et de moralité remarquable.
Le jury, dans notre pays, a-t-on dit, est sage; ses décisions sont inattaquables. Oui, ma pensée générale est celle de l'adhésion à ce qu'on a dit à cet égard. .Mais je suis dans une position de réticence, je l'avoue. Je ne chercherai pas à prouver qu'il a existé telle ou telle déclaration du jury dont on pût attaquer la justice sous différents rapports. Je ne l'alléguerai pas même, parce que je devrais entrer dans des détails qui me sont interdits par le lieu où je parle. Il y a dans les relations de la vie intime des épanchements qu'on doit s'interdire dans la vie publique.
Le jury donne de grandes garanties, je le proclame; il est resté, en général, faut-il dire, toujours irréprochable. Je l'admets encore.
Mais parce que le jury est bien composé, faut-il que la cour d'assises le soit mal? Faut-il, parce qu'il y a des garanties d'un côté, les perdre de l'autre? Mais appliquez-vous au contraire à placer autant de garanties dans la magistrature que dans le jury. Alors il y aura plénitude de garanties, il y aura système complet. Alors vous ne pouvez craindre, s'il y a une erreur de la part du jury, qu'elle ne soit pas rectifiée par la cour. Ainsi, vous maintenez la dignité de la cour, le prestige dont elle doit être entourée.
On a été loin: on a prétendu que les causes dans lesquelles la cour doit intervenir sont extrêmement rares. S'agit-il de décider que le jury s'est trompé? C'est rare ! S'agit-il de demande en dommages-intérêts ! C'est rare encore, parce que, en premier lieu, les jurés décident ordinairement en leur âme et conscience, parce que, en second lieu (nous avons reçu une leçon de pratique), lorsqu'il s'agit de dommages-intérêts, les intéressés qui voudraient se porter parties civiles ne le font pas devant les tribunaux de répression, parce qu'ils ne veulent pas s'exposer à supporter les frais du procès qui seraient à leur charge, en cas d'acquittement du prévenu. Il peut y avoir du vrai en cela. Mais de ce que, par suite de cette tactique, ces affaires sont rares, s'ensuit-il qu'il ne s'en présente jamais?
Quand un individu a été absous, ne peut-on pas déclarer, par des conclusions, qu'on se porte demandeur en dommages-intérêts? Et la cour qui a absous n'est-elle pas obligée de statuer sur cette demande? Cela arrive rarement, et la loi ne doit pas descendre jusqu'aux moindres détails : De minimis non curai prœtor. Mais il suffit qu'une chose grave puisse arriver devant les tribunaux pour qu'on s'en occupe.
J'ai entendu exposer un autre système encore : ce serait d'attribuer au jury la déclaration des circonstances atténuantes. A cet égard, on a cité la pratique d'un pays voisin. Attribuer au jury la faculté de déclarer les circonstances atténuantes ; fonder cette attribution sur l'exemple que nous a légué ce pays, eu vérité, c'est hasarder beaucoup, car, là il a été fait un déplorable usage de cette faculté. Pour adopter un pareil système, ce n'est pas seize ans, c'est un siècle qu'il faudrait.
N'avons-nous pas vu dans ce pays, qu'on nous a cité comme exemple, des circonstances atténuantes déclarées au sujet d'un empoisonnement où l'on avait mesuré les gouttes de breuvage, où l'on avait continué le crime avec un acharnement que n'a pas un oiseau de proie sur sa victime, au sujet d'un parricide; et l'on avait raison; car le monstre n'avait pas dévoré le cadavre de son père.
Ces exemples seraient perdus pour nous, et nous nous exposerions, nous, à de semblables dangers !
On dira : La moralité du jury belge l'empêchera de tomber dans de semblables excès. Qu'on y prenne garde : c'est souvent un abus, un excès de moralité qui a conduit le jury du pays voisin auquel on a fait allusion,, à adopter les circonstances atténuantes, lorsqu'il s'agissait de crimes qui offensent directement la nature.
Pourquoi en a-t-il été ainsi? Parce que les jurés auraient voulu voir disparaître la peine de mort du Code pénal, qu'ils auraient voulu l'abolition d'un système qu'ils ne considéraient pas comme légitime, et qu'ils préféraient exprimer un mensonge en leur âme et conscience, devant Dieu et devant les hommes, à rendre une déclaration qui aurait conduit à l'échafaud celui contre qui elle aurait été prononcée.
Voilà ce qui arrive, quand vous n'avez pas affaire à des magistrats habitues à mesurer l'étendue de la loi, à se dire qu'ils ne sont pas juges ni de la pensée, ni de la lettre de la législation, mais qu'ils sont placés pour expliquer les lois, sauf à faire des observations pour leur amélioration.
Mais un jury qui cédera à l'horreur que lui inspire telle pénalité, parce qu'elle lui paraît trop forte, est dans une situation d'esprit qui ne lui permet pas d'apporter à l'examen de la question et de la solution qu'elle entraîne toute la maturité nécessaire.
On a dit : Mais il y a des crimes contre lesquels les lois sont si sévères que l'on acquitte même lorsque ces crimes sont prouvés. On a parlé de l'infanticide, à ce sujet.
Cela est vrai : l'infanticide commis aux termes du Code pénal, et comme il y est défini, est puni de mort ; et dans une foule d'occasions, l'infanticide, criminel, je n'entends pas chercher ici à le justifier, ne mérite cependant pas un pareil supplice. Quand on réfléchit sur les passions qui peuvent exciter à l'infanticide, sur des passions honnêtes encore, sur des regrets du passé, sur la crainte de l'avenir et sur l'infamie attachée au front d'une malheureuse, quand on réfléchit à cette situation dans laquelle elle se trouve, on ne la justifiera pas complètement, mais la pitié viendra à son secours, et malheur aux lois qui ne sont pas accessibles à la pitié !
Messieurs, il y a longtemps, il y a trente ans que l'on s'est élevé dans notre pays contre cette peine de mort toujours, éternellement attachée à l'infanticide. Que n'imitons-nous à cette occasion l'exemple du pays que l'on citait ? Que n'imitons-nous l'exemple de la France, que l'on cite dans une malencontreuse circonstance, et où la loi de 1832 a fait disparaître la peine de mort toujours inévitable pour l'infanticide? On a permis, pour ce crime, de poser la question de préméditation, et cette question bien résolue, résolue suivant la connaissance qu'on doit avoir du cœur humain, soustrait une malheureuse accusée au supplice qui l'attendait, comme aussi elle écarte l'impunité.
Je ne répéterai pas ce que j'ai dit hier, mais vous voyez combien il y a, dans notre législation pénale et d'instruction criminelle, des choses sur lesquelles on peut porter une main réparatrice, mais qu'on oublie pour porter la main sur les institutions qui donnent le plus de garanties, qui sont le plus rationnelles.
L'orateur qui m'a précédé hier a dit que lorsqu'on touche à une partie d'une législation, il faut prendre garde de ne pas déranger l'économie des dispositions qu'on laisse debout.
Eh bien ! l'atteinte que l'on veut porter à la législation actuelle renverse toute l'économie d'une partie de ce qu'on laisse debout, non pas de détails, mais de choses sérieuses, fondamentales.
'(page 1016) Messieurs, je ne sais si mes paroles peuvent avoir la puissance de convaincre l'assemblée. Si ce que j'ai dit ne la convainc pas, je m'abandonne à son vote.
- La discussion générale est close.
« Art. 1er. Dans toutes les provinces, la cour d'assises sera composée:
« 1° D'un membre de la cour d'appel, délégué à cet effet, et qui sera le président des assises ;
« 2° De deux juges pris parmi les présidents et les juges les plus anciens du tribunal de première instance du lieu de la tenue des assises;
« 3° Du procureur du roi près le tribunal, ou de l'un de ses substituts, à moins que le procureur général ne se réserve de porter lui-même la parole, ou ne délègue ses fonctions à l'un de ses substituts près la cour ;
« 4° Du greffier du même tribunal.
« La cour d'appel pourra cependant déléguer un ou plusieurs de ses membres, pour compléter le nombre de trois juges de la cour d'assises. »
M. le président. - La section centrale adopte l'article, sauf le paragraphe 3° qu'elle modifie.
M. le ministre se rallie-t-il à ce changement?
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - J'accepte cet amendement de la section centrale. Je demanderai seulement qu'il soit rédigé d'une autre manière, et voici le texte que je propose :
« 3° Du procureur général ou de l'un de ses substituts dans les provinces où siègent les cours d'appel, et du procureur du roi ou de l'un de ses substituts dans les autres provinces, à moins que etc.. »
Cet amendement, messieurs, a pour but de maintenir la disposition du Code d'instruction criminelle dont on fait très peu d'usage, à la vérité, mais en vertu de laquelle il est libre à la cour d'ordonner que les assises se tiendront dans un autre tribunal que celui du chef-lieu de la province.
M. Tesch. - Messieurs, il est entendu, je pense, que, quoique le paragraphe 4° parle du greffier du tribunal, il pourra être remplacé par un commis greffier.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - S'il pouvait y avoir des doutes à cet égard, je demanderais que le commis-greffier fût mentionné. Mais je crois que c'est inutile.
M. Tesch. - Du moment que cela est entendu, je n'insiste pas. Mais comme on parle du substitut du procureur du roi et non du commis greffier, il pourrait y avoir doute.
M. H. de Brouckere. - Il était probablement dans l'intention du gouvernement, et je puis affirmer qu'il a été dans l'intention de la section centrale, que le greffier du tribunal pût se faire remplacer par un commis greffier. Je crois, du reste, qu'on ne ferait pas mal de s'en expliquer dans l'article et de dire : « du greffier du même tribunal ou d'un commis greffier délégué par lui. »
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Le gouvernement a suivi la rédaction de l'article 253 du Code d'instruction criminelle où il est parlé du procureur du roi ou de son substitut et du greffier sans qu'on mentionne le commis greffier. Cependant, dans la pratique, le commis greffier siège à la place du greffier. Je crois que cela est de droit.
- L'article premier, modifié comme le propose M. le ministre, est mis aux voix et adopté.
« Art. 2 Si l'accusé n'est déclaré coupable du fait principal qu'à une simple majorité, les juges délibéreront entre eux sur le même point. L'acquittement sera prononcé si la majorité de la cour ne se réunit à l'avis de la majorité du jury. »
- Adopté.
« Art. 3. Dans tous les cas où le Code pénal prononce la peine des travaux forcés à temps ou celle de la réclusion, la cour d'assises pourra, si les circonstances sont atténuantes, et en exprimant ces circonstances, exempter le coupable de l'exposition publique ou même commuer les travaux forcés, soit en réclusion soit en un emprisonnement dont le maximum est fixé à six mois, et la réclusion en un emprisonnement qui ne pourra être au-dessous de huit jours.
- Adopté.
« Art. 4. Dans tous les cas où il y aurait lieu de ne prononcer qu'une peine correctionnelle, à raison soit d'une excuse, soit de circonstances atténuâmes, et dans le cas où il y aurait lieu d'appliquer les articles 66 et 67 du Code pénal, la chambre du conseil pourra, à l'unanimité de ses membres, et par une ordonnance motivée, renvoyer le prévenu au tribunal de police correctionnelle.
« La chambre des mises en accusation pourra, à la simple majorité, exercer la même faculté.
« Le ministère public et la partie civile pourront former opposition à l'ordonnance de la chambre du conseil, conformément aux dispositions du Code d'instruction criminelle. »
- Adopté.
« Art. 5. Le tribunal de police correctionnelle devant lequel le prévenu sera renvoyé, ne pourra décliner sa compétence, en ce qui concerne l'âge, l'excuse et les circonstances atténuantes : dans les cas des articles 67 et 326 du Code pénal, il statuera conformément à ces articles ; dans tous les autres cas, il pourra prononcer un emprisonnement qui ne sera pas au-dessous des minimum fixés par l'article 13, suivant les distinctions établies par cet article.
M. le président. - M. Lelièvre a proposé hier l'amendement suivant :
« Le tribunal de police correctionnelle devant lequel le prévenu sera renvoyé ne pourra décliner sa compétence en ce qui concerne l'âge, l'excuse et les circonstances atténuantes.
« Dans le cas de l'article 67, paragraphe 2 du Code pénal, il statuera conformément à cette disposition.
« Dans les autres cas prévus par le même article et dans celui de l’article 326 du même Code, il pourra prononcer un emprisonnement nui ne pourra être au-dessous de huit jours.
« Dans l'hypothèse de l'article 13 de la présente loi, il pourra prononcer un emprisonnement qui ne sera pas au-dessous des minimum fixés par cet article, et suivant les distinctions qu'il établit. »
- La parole est à M. Lelièvre pour développer cet amendement.
M. Lelièvre. - Je me réfère aux développements que j'ai présentés dans la discussion générale.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, j'accepte cet amendement, qui me paraît améliorer le système de la loi actuelle. Je crois seulement devoir proposer une légère interversion qui me semble rendre la rédaction plus rationnelle et plus grammaticale. Je proposerai de dire :
« Le tribunal de police correctionnelle devant lequel le prévenu sera renvoyé ne pourra décliner sa compétence en ce qui concerne l'âge, l'excuse et les circonstances atténuantes. Il pourra prononcer un emprisonnement qui ne sera pas au-dessous des minimum fixes par l'article 5 et suivant les distinctions établies par cet article.
« Toutefois dans les cas de l'article 67, paragraphe premier du Code pénal, il statuera conformément à cette disposition.
« Dans les autres cas prévus par le même article et dans ceux de l'article 526, il pourra prononcer un emprisonnement qui ne pourra être au-dessous de huit jours. »
M. Lelièvre. - Je me rallie au changement proposé par M. le ministre.
M. Destriveaux. — Messieurs, je ne puis donner mon adhésion au principe que renferme l'article 5. Je ne puis m’empêcher d'y voir une atteinte portée aux principes de la compétence en matière d’ordre public. Il est, en matière d'ordre public, des incompétences que l'on peut opposer en tout état de cause, parce que la compétence en matière d'ordre public intéresse nécessairement la cité tout entière.
Maintenant on part d'un système. La chambre du conseil de première instance, ou la chambre des mises en accusation a statué sur des circonstances atténuantes, sur des excuses, sur des considérations d'âge. Je laisse l'âge, à l'égard duquel j'ai déjà exprimé mon opinion; mais quand il s'agit d'un fait d'excuse déterminé par la loi, il est bien certain que la question peut changer devant le tribunal de police correctionnelle : ce qui a pu être pris comme un fait d'excuse par la chambre du conseil ou par la chambre des mises en accusation, peut prendre un caractère très différent devant le tribunal de police correctionnelle.
Une première instruction est faite avant que la chambre du conseil décide, un supplément d'instruction peut avoir lieu entre la décision de la chambre du conseil et la décision de la chambre des mises en accusation, mais dans les deux instructions tous les témoins peuvent ne pas avoir été entendus parce qu'ils n'avaient pas été indiqués, et on ne les a pas indiqués souvent parce qu'on ne les connaissait pas.
Je dis donc que la procédure devant le tribunal de police correctionnelle prendra un caractère beaucoup plus sérieux, à charge de l'accusé, que la première procédure d'instruction.
La procédure orale, dans le système de nos lois, est celle qui conduit véritablement à la preuve, en matière de répression. Or, on attribue à la procédure écrite une importance que, dans le système de nos lois, on n'attribue qu'à la procédure orale.
Maintenant si par la procédure orale il est prouvé, d'une manière évidente, que l'excuse qui a été présentée, par exemple l'excuse de provocations violentes, n'est pas fondée; si de nouveaux témoins prouvent que l'individu qui a fait valoir et admettre cette excuse, a été l'agresseur, que les premières provocations sont parties de lui, le tribunal de police correctionnelle devra donc se maintenir compétent, lorsque le caractère du fait, dans la procédure orale, sera véritablement criminel. Il m'est impossible de donner mon assentiment à une loi qui renferme une pareille anomalie. Il a toujours été admis qu'en pareille occasion, la déclaration de la chambre des mises en accusation était uniquement déclarative d'une juridiction.
Mais poursuivons : les faits d'excuse sont déterminés par la loi, les circonstances atténuâmes ne le sont pas. Quelles sont-elles? Sur la procédure écrite, la chambre du conseil, et celle des mises en accusation pourront déclarer, d'une manière générale, qu'il existe des circonstances atténuantes, et si par l'instruction orale définitive, les circonstances atténuantes disparaissent, le tribunal de police correctionnelle n'en est pas moins lié; son incompétence surgit évidemment en principe, la compétence criminelle reprend seule sa force et son action, on viole le principe et on déclare le tribunal de police correctionnelle définitivement saisi, et on lui interdit de prononcer lui-même son incompétence, lorsque l'incompétence a jailli des débats oraux d'une manière incontestable.
M. Lelièvre. - La question dont vient de vous entretenir l'honorable M. Destriveaux est soulevée tardivement, elle se rattache à l'article précédent; que la chambre vient d'adopter.
En effet, l'article 4 autorisant la chambre du conseil ou la chambre des mises en accusation à constater les faits d'excuse et à renvoyer le prévenu en police correctionnelle, il est évident qu'en conséquence de cette (page 1017) disposition, l tribunal saisi par le renvoi ne peut plus se déclarer incompétent, le fait d'excuse ayant été apprécié par une décision irrévocable.
Du reste, il est certain que lorsqu'une des chambres dont nous venons de parler a reconnu l'excuse, le bénéfice de l'ordonnance est définitivement acquis au prévenu; en un mot, il y a à cet égard chose jugée.
Cette disposition n'est pas nouvelle ; elle est déjà écrite dans la loi de 1838 qui permettait aux mêmes autorités d'imprimer un caractère correctionnel aux faits punis de la peine de la réclusion, si l'on reconnaissait l'existence de circonstances atténuantes. En ce dernier cas, la compétence du tribunal correctionnel est irrévocablement fixée.
L'honorable M. Destriveaux invoque sans fondement le principe que l'ordonnance de la chambre du conseil et l'arrêt de la chambre d'accusation ne sont pas attributifs de juridiction. Cette règle n'est pas applicable à l'hypothèse où le renvoi n'est ordonné par les chambres qu'après avoir reconnu l'existence d'un fait dont l'appréciation souveraine leur appartient aux termes de la loi.
Du moment que ces corps sont autorisés à constater l'excuse, leur résolution affirmative, non attaquée par les voies légales, devient un fait accompli et considéra comme une vérité que le tribunal correctionnel doit respecter.
On ne pourrait disposer en sens contraire sans porter atteinte à la chose jugée, sans ravir au prévenu le bénéfice d'une disposition précise portant sur un point décidé définitivement.
L'on conçoit du reste que l'on ne pourrait adopter le système de l'honorable M. Destriveaux, sans mettre la compétence du tribunal correctionnel à la merci du prévenu lui-même.
Les motifs sur lesquels est fondée la disposition précédente, adoptée par la chambre, repoussent également cette doctrine.
Lorsque, sur l'instruction préparatoire, on reconnaît le fait d'excuse, la loi a pensé que l'affaire serait plus convenablement appréciée par le tribunal correctionnel que par le jury, dans l'intérêt même de la société. Ce serait détruire tous les avantages de cette disposition fondée sur la bonne administration de la justice, que d'autoriser les parties à remettre en question la juridiction correctionnelle.
Je pense donc que le système de l'honorable M. Destriveaux ne peut être accueilli par la chambre.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, je n'ai que quelques observations à ajouter à celles de l'honorable M. Lelièvre.
Par la disposition de l'article 4, nous n'avons pas introduit un principe nouveau; nous n'avons fait que transcrire dans la loi actuelle, en en étendant l'application, les dispositions des articles 20 et 27 de la loi du 15 mai 1838.
L'article 26 porte que, lorsque le fait imputé sera punissable de la réclusion et que, sur le rapport fait à la chambre du conseil, les juges seront unanimement d'avis qu'il y a lieu de commuer cette peine en celle de l'emprisonnement par application de l'arrêté du 9 septembre 1814, ils pourront renvoyer le prévenu au tribunal correctionnel, etc.
Et l'article 27 ajoute que le tribunal correctionnel ne pourra décliner sa compétence, en ce qui concerne les circonstances atténuantes, etc.
Or, l'on ne concevrait pas comment il serait possible, après que la chambre de conseil ou celle des mises en accusation aurait déclaré constant le fait d'excuse, ou aurait admis l'existence de circonstances atténuantes, qu'on pût enlèvera l'accusé, traduit devant le tribunal correctionnel, le bénéfice d'une semblable déclaration.
Je ne puis pas concilier cette opinion de l'honorable M. Destriveaux avec les considérations qu'il a développées, dans l'intérêt des accusés, et tendant à augmenter les garanties qui leur sont dues; car certainement, cette disposition de la loi de 1838, que nous avons reproduite dans l'article 15 du projet actuel, est une garantie incontestable pour les accusés, puisqu'elle leur déclare irrévocablement acquis le bénéfice de la décision de la chambre du conseil ou de la chambre des mises en accusation.
M. Destriveaux. - Je regrette infiniment de ne pouvoir pas être d'accord avec M. le ministre de la justice et l'honorable préopinant. Si j'avais eu l'honneur de faire partie de la chambre en 1838, je déclare que je me serais opposé à l'adoption de l'article 27 de la loi qui y a été admise, parce qu'alors, comme aujourd'hui, je l'aurais considéré comme contraire à tous les principes. On me dit : Mais vous êtes en contradiction avec le système de la loi. On me dit : Il y a une décision de la part de la chambre des mises en accusation; le bénéfice de cette décision est acquis à l'accusé. C'est une garantie qu'on lui donne. Mais la garantie sociale? Elle me semble toujours négligée. C'est une chose incomplète, Voilà pourquoi je n'en veux pas.
La chambre des mises en accusation statue sur un fait : le bénéfice de sa décision est acquis à l'accusé. Je vais démontrer que ce système est contraire à la loi et à la nature de la chambre des mises en accusation. En effet, la chambre des mises en accusation n'a pas mission de statuer définitivement sur un fait, elle statue sur la valeur des présomptions, des indices, pas davantage.
C'est dans sa nature, dans sa destination, dans la volonté de ceux qui ont rédigé le Code d'instruction criminelle de l'an 1810. La chambre des mises en accusation décide si peu quoi que ce soit en dernier ressort, que s'il survient des indices nouveaux, si une instruction nouvelle fournit de nouveaux éléments de preuves, les poursuites sont reprises. S'il est impossible d'admettre que la chambre des mises en accusation peut statuer d'une manière définitive sur le fait principal, comment veut-on déclarer qu'elle a le pouvoir de statuer définitivement sur les circonstances atténuantes? C'est impossible. Elle ne statue pas sur le fait principal, mais elle a le droit de statuer sur les circonstances atténuantes? Atténuantes de quoi? D'un fait qu'on ne déclare pas constant, qu'on ne peut pas déclarer constant parce que ce serait anticiper sur le jugement des juges du fait, du tribunal ou des jurés ; incompétente pour déclarer le fait constant, elle déclarerait constantes les circonstances d'un fait qui n'est pas certain, qui est tenu dans le doute, dans la présomption favorable à l'accusé, jusqu'à ce que la procédure orale ait conduit le jury ou le tribunal à le déclarer constant.
Prenez garde qu'en déclarant les circonstances atténuantes la chambre ne déclare implicitement constant le fait principal. Il est absurde de déclarer les circonstances atténuantes d'un fait incertain. Le bénéfice de l'indécision est acquis au prévenu. Mais quel est le bénéfice qu'il recueille de cette déclaration? C'est d'être traduit en police correctionnelle, d'être jugé avec moins d'appareil, moins de frais, d'être conduit dans un lieu où l'apparition n'est pas aussi grave, aussi sévèrement jugée par l'opinion que l'apparition sur les bancs de la cour d'assises.
Voulez-vous retrancher à la société le bénéfice que l'individu soit jugé selon sa culpabilité, et les circonstances prouvées par la procédure orale? Il ne faut pas que la compétence des tribunaux de répression soit amoindrie, il ne faut pas donner à une déclaration d'une puissance éventuelle un effet définitif contraire à l'esprit de la loi et aux garanties auxquelles la société a droit.
J'ai plaidé les garanties des accusés, j'en ai défendu contre l'accusation, mais toujours je me suis arrêté devant le devoir de respecter les garanties de la société, de la communauté, aussi importantes, aussi sacrées que celles de l'accusé.
M. H. de Brouckere. - Je ne crois pas les observations de l'honorable préopinant tardives, mais je les regarde comme n'étant nullement fondées. Je ne vois aucun motif pour lequel on ne donnerait pas à la chambre du conseil jugeant à l'unanimité, et à la chambre des mises en accusation le droit de décider irrévocablement et, bien entendu, sauf le droit d'opposition, sur les circonstances atténuantes ou sur les excuses.
Mais, objecte l'honorable M. Destriveaux, qu'arrivera-t-il, si après que la chambre des mises en accusation aura admis l'existence de circonstances atténuantes, le tribunal de police correctionnelle devant lequel le prévenu est traduit trouve qu'elles n'existent pas?
Je réponds que le tribunal respectera la décision prise d'une manière compétente, soit par la chambre du conseil, soit par la chambre des mises en accusation. Je ne vois pas à cela le moindre inconvénient. Je suis convaincu que l'article 15 combiné avec l'article 14 produira de bons effets et ne donnera lieu à aucune difficulté dans la pratique. J'appuie donc l'article 15 avec les améliorations qu'on y a introduites. J'ajouterai que l'excuse et les circonstances atténuantes sont des affaires d'appréciation; la chambre du conseil et la chambre des mises en accusation ont été d'avis qu'elles existaient; le tribunal est d'un autre avis ; mais rien ne prouve que ce sera le tribunal qui aura raison. Je ne vois pas pourquoi on établirait ici un conflit fort inutile, et l'on fait très bien de donner à la chambre du conseil jugeant à l'unanimité et à la chambre des mises en accusation, sauf le droit d'opposition, la faculté de statuer d'une manière définitive sur les circonstances atténuantes ou les excuses.
M. Moncheur. - Qu'arriverait-il si le tribunal n'était saisi que par suite d'une erreur matérielle et de fait? Par exemple, vous savez, messieurs, que le meurtre commis par l'époux sur l'épouse, et par celle-ci sur son époux, n'est excusable que lorsque la vie de l'époux ou de l'épouse qui a commis le meurtre était en péril dans le moment même où le meurtre a été perpétré ; de même, le meurtre de l'époux sur sotf épouse et son complice, en cas d'adultère, n'est excusable que par le flagrant délit dans la maison conjugale. Or, je suppose qu'un fait de ce genre soit déféré à la connaissance de la chambre du conseil, et que celle-ci, après avoir apprécié les circonstances, renvoie l'affaire au tribunal correctionnel; mais qu'on découvre devant ce tribunal que lu mariage n'existait pas et que les parties que l'on croyait époux et épouse n'étaient pas mariées ; il est évident qu'il n'y a pas eu, dans ce cas, meurtre excusable, mais meurtre réel, qui ne peut être jugé qu'en cour d'assises ; c'est donc par suite d'une erreur matérielle que le tribunal correctionnel a été saisi de l'affaire. Je demande si, en pareil cas, le tribunal ne devrait pas pouvoir se déclarer incompétent, puisque le fait d'excuse n'a jamais ni existé ni pu exister.
M. Lelièvre. - L'objection faite par l'honorable M. Moncheur ne me paraît pas sérieuse. La chambre du conseil et celle d'accusation étant appelées à décider si les faits d'excuse sont établis apprécient nécessairement toutes les circonstances qui s'y rattachent et doivent servir à les constater.
Or, comme la qualité d'époux est essentielle dans le cas dont parle (page 1018) M. Moncheur, pour constituer l'excuse légale, il est évident que les corps judiciaires dont il s'agit doivent vérifier l’existence de cette qualité et que, sur ce point encore, leur décision passe en force de chose jugée. L'hypothèse à laquelle s'applique le raisonnement de M. Moncheur n'a donc aucun caractère particulier qui permette d'établir à cet égard la moindre distinction.
- L'article 5 est adopté avec l’amendement de M. Lelièvre, rédigé comme l'a proposé M. le ministre de la justice.
-La chambre passe à la discussion sur les propositions suivantes.
Disposition additionnelle proposée par MM. Lelièvre et Tesch.
« Art. 6 nouveau. L'article 463 du Code pénal est remplacé par la disposition suivante:
« Dans tous les cas où le Code pénal prononce la peine d'emprisonnement ou l'amende, les tribunaux, si les circonstances sont atténuantes, sont autorisés à réduire l'emprisonnement au-dessous de six jours et l'amende au-dessous de seize francs, et même à substituer l'amende à l'emprisonnement. Ils pourront aussi prononcer séparément l'une ou l'autre de ces peines, sans qu'en aucun cas elles puissent être au-dessous des peines de simple police. »
Sous-amendement proposé par M. Lelièvre.
« En cas de substitution d'une peine pécuniaire à l'emprisonnement, l'amende ne pourra excéder 500 fr. »
M. Lelièvre déclare se référer aux développements qu'il a présentés dans la discussion générale.
M. Tesch. - L'article 463 du Code pénal ne laisse pas au juge la latitude de substituer une peine pécuniaire à l'emprisonnement. Ainsi quand un article du Code commine la peine d'emprisonnement, le juge ne peut appliquer une simple amende. L'amendement que nous proposons donne au juge cette faculté. Mais si le sous-amendement que j'ai l'honneur de proposer n'était pas adopté, il en résulterait que le juge pourrait remplacer un emprisonnement de huit jours par une peine pécuniaire qui n'aurait pas de limites, qui pourrait aller jusqu'à un million. Ce serait là le système des peines arbitraires.
Je propose de fixer le maximum de l'amende à 500 francs. C'est le maximum fixé par le nouveau Code pénal de France, qui fixe la peine pécuniaire en matière correctionnelle de 16 à 500 francs.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je me rallie entièrement à l'amendement de MM. Lelièvre et Tesch. Il n'est pas douteux que cet amendement n'introduise dans l'article 463 du Code pénal une amélioration depuis longtemps désirée, et qui aujourd'hui paraît d'autant plus nécessaire, qu'elle met l'article 464 du Code pénal en rapport avec l'article 3 du projet actuel qui modifie l'arrêté du 9 septembre 1814, en ne faisant plus dépendre les circonstances atténuantes de l'importance du préjudice causé.
Dès lors, pour mettre les deux articles en parfaite harmonie, il fallait modifier également dans le même sens l'article 463.
Je reconnais également que le Code pénal ne déterminant pas l'importance des peines de l'amende ou des peines pécuniaires, il est nécessaire, pour compléter l'amendement, d'y ajouter le sous-amendement de l'honorable M. Tesch, qui est la reproduction de ce qui existe dans le Code pénal français actuel.
M. Moncheur. - Messieurs, je voudrais encore introduire un sous-amendement à cet article, pour obliger les juges qui l'appliqueront, à exprimer les circonstances atténuantes dans leur jugement. Je ne ferais ainsi que reproduire la disposition de l'article 3 du projet. Cet article 3 porte que dans tous les cas où le Code pénal prononce la peine des travaux forcés à temps, etc., la cour d'assises pourra, si les circonstances sont atténuantes, et en exprimant ces circonstances, exempter les coupables de l'exposition publique, etc.
Messieurs, l'amendement que l'on propose pour remplacer l'article 463 du Code pénal, augmente singulièrement, il faut bien le dire, le pouvoir des juges. Je ne m'en plains pas. Je crois que cet article aura de bons effets. Je trouve qu'il y avait quelque chose de très anormal, de choquant même à ne pouvoir, lorsque le dommage était de 26 fr., diminuer la peine, par suite de circonstances atténuantes, et de le pouvoir lorsque le dommage était de 24 fr.
Mais nous ne pouvons nous dissimuler que puisqu'on ne doit plus avoir égard au dommage causé, il arrivera dans un nombre excessivement considérable de cas, que le tribunal pourra réduire les peines comminées par le Code pénal à des peines de simple police, c'est-à-dire à moins de 6 jours d'emprisonnement et à moins de seize francs d'amende.
Je crois donc, messieurs, qu'il conviendrait d'ajouter après les mots : « si les circonstances sont atténuantes, » ceux-ci : « et en exprimant ces circonstances. »
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, je ne dis pas qu'il n'y aurait pas avantage, dans certaines circonstances, à introduire dans l'article le sous-amendement de l'honorable M. Moncheur. Cependant je n'en vois nullement la nécessité, et je crois qu'il pourrait présenter dans la pratique beaucoup d'inconvénients.
Faites attention, messieurs, que l'article 3 s'applique à des crimes d'une nature assez grave, à des crimes pour lesquels le Code pénal prononce la peine des travaux forcés à temps ou la peine de la réclusion. Lorsqu'il s'agit de crimes de cette espèce, il est naturel d'imposer aux juges, lorsqu'ils constatent des circonstances atténuantes, l'obligation d'exprimer ces circonstances dans le jugement.
Mais l'article 463 du Code pénal ne s'applique pas aux mêmes délits; il s'applique seulement aux cas pour lesquels le Code pénal prononce la peins de l'emprisonnement ou l'amende. Or il n'est nullement nécessaire, pour ces cas, d'imposer aux juges la même obligation. Ce serait compliquer inutilement la rédaction des jugements dans une foule de circonstances où il ne s'agit que de délits de très peu d'importance.
Jusqu'ici l'article 463 a été appliqué sans que le juge exprimât ou dût exprimer les circonstances atténuantes. On se borne à dire dans les jugements : « Attendu qu'il existe des circonstances atténuantes.» Je crois qu'il faut maintenir la disposition dans ce sens, conformément à l'usage établi et que l'exception doit être restreinte aux cas beaucoup plus graves dont parle l'article 3 du projet.
M. H. de Brouckere. - Messieurs, je crois que l'amendement de l’honorable M. Moncheur présenterait dans la pratique de très graves inconvénients. Il est impossible d'exiger que les tribunaux correctionnels, chaque fois qu'ils appliquent l'article 463 du Code pénal, indiquent quelles sont les circonstances atténuantes qui les ont déterminés à faire cette application.
Pour ne vous citer qu'un seul exemple, et je pourrais en ajouter beaucoup d'autres, en cas de mendicité, la peine est de 3 à 6 mois de prison. Eh bien, cette peine ne s'applique presque jamais.
Les tribunaux déclarent toujours qu'il y a des circonstances atténuantes, et ils n'appliquent qu'une peine de quelques jours de prison, sauf l'ordre de transporter le mendiant, à l'expiration de la peine, dans un dépôt de mendicité. Est-ce que l'honorable M. Moncheur entend que, pour chaque mendiant qui sera amené devant le tribunal correctionnel,, celui-ci sera obligé, en appliquant l'article 463, d'exprimer les circonstances atténuantes ? Tout le monde comprendra que cela est de toute impossibilité.
Je pourrais citer beaucoup d'autres exemples qui prouveraient que l'amendement de l'honorable M. Moncheur n'est pas admissible; mais je crois que j'abuserais des moments de la chambre.
M. Moncheur. - L'honorable préopinant vient de citer les faits les plus minimes qui puissent se présenter à juger, et il trouve que, dans ces cas, il y aurait de l'inconvénient à ce que le juge soit obligé d'exprimer les circonstances atténuantes ; quant à moi, je pense qu'au moyen de formules très simples, il serait fort facile de satisfaire à cette disposition de la loi, si elle était adoptée, et que ce ne serait pas là une grande besogne. Mais, de mon côté, je citerai des faits très graves auxquels l'article 463, tel qu'il sera modifié, pourra être appliqué : par exemple, tous les vols non qualifiés et punis par l'article 401 d'un an à cinq ans d'emprisonnement et de 16 fr. à 30 fr. d'amende; or, quelle que soit la gravité de semblables vols, par suite du tort qu'ils auront pu causer, le tribunal pourra, en vertu de l'article 463 nouveau, n'appliquer que des peines de simple police en admettant l'existence de circonstances atténuantes. Eh bien, je dis que pour ces cas très graves, il convient que le juge soit obligé d'exprimer les circonstances atténuantes qu'il aura cru rencontrer dans la cause.
Je le répète donc, s'il se présente devant le tribunal correctionnel des faits peu importants pour lesquels, il ne serait pas très nécessaire que les circonstances atténuantes fussent exprimées dans le jugement, d'un autre côté, comme, d'après l'amendement proposé, l'admission de circonstances atténuantes ne dépendra plus du peu de dommage causé, il arrivera très souvent que cette admission aura lieu à l'égard de faits très graves par eux-mêmes, et qu'il serait bon, par conséquent, que la loi fît un devoir au juge de mentionner ces circonstances atténuantes.
M. H. de Brouckere. - Je ferai remarquer à la chambre que les tribunaux correctionnels ne jugent pas en dernier ressort. Ainsi si un tribunal correctionnel faisait à tort application de l'article 463, s'il déclarait sans raison qu'il y a des circonstances atténuantes, la voie d'appel serait toujours ouverte au ministère public.
M. Orts. - Messieurs, je crois que l'article 463, modifié comme le proposent les honorables MM. Tesch et Lelièvre, est une heureuse innovation. Je crois même qu'avec l'article 12 du projet, c'est à peu près le seul sur lequel nous puissions être unanimes.
Mais il me paraît que la disposition pourrait être utilement complétée. Il existe aujourd'hui dans nos lois une bizarrerie relativement à l'application de l'article 463, et qui résulte du texte employé par le législateur français.
C'est que cet article 463 est uniquement applicable aux délits prévus par le Code pénal. Or, nous avons une foule de lois spéciales qui punissent correctionnellement des délits beaucoup moins graves, en réalité, que ceux qui font l'objet de la répression du Code pénal. Je désirerais donc qu'on put appliquer l'article 463 à toute espèce de délits, et je proposerai, en conséquence, de remplacer les mots :« le Code pénal» par ceux de : « la loi. »
M. Lelièvre. - Il me semble qu'il y aurait danger à énoncer d'une manière générale le principe proposé par l'honorable M. Orts. L'amendement de celui-ci rendrait l'article 463 du Code pénal applicable à toutes les lois spéciales sans distinction. Mais les délits spéciaux sont prévus par des lois particulières qui ne permettent pas sans inconvénient semblable application. C'est ainsi que l'article 463 atteindrait les faits prévus par la loi sur le duel et autoriserait la réduction jusqu'à moins de six jours de la peine d'une année d'emprisonnement prononcée contre celui qui en combat singulier aurait tué son adversaire. On comprend que pareille atténuation paralyserait complètement tous les effets de la loi.
(page 1019) Il existe d’autres lois spéciales dont les pénalités doivent nécessairement être maintenues telles qu'elles sont écrites dans les dispositions sur la matière.
Je pense donc qu'il y a lieu de rejeter un amendement conçu d'une manière trop vague et trop générale pour pouvoir être accueilli.
M. Tesch. - Messieurs, le principe que l'honorable M. Orts voudrait faire entrer dans la loi jetterait la plus grande perturbation dans notre législation fiscale, Ainsi nous avons aujourd'hui la fraude qui est punie de peines correctionnelles assez sévères. Vous avez des impôts dont la rentrée ne se fait qu'au moyen de pénalités pécuniaires également très élevées. Or les tribunaux ont toujours une certaine propension à appliquer des peines minimes lorsqu'il s'agit de contraventions qui ne blessent que la loi écrite, qui ne portent pas atteinte aux lois naturelles ; si donc l'amendement de M. Orts était adopté, l'exécution des lois fiscales serait singulièrement compromise.
D'un autre côté, l'on rendrait applicable aux lois spéciales un principe du Code pénal, tandis que d'autres principes du même code, par exemple, ceux de la complicité de la tentative, ne le seraient pas. Sous ce double rapport, je ne puis accepter l'amendement de l'honorable M. Orts.
M. H. de Brouckere. - J'ajouterai une dernière observation à celles qui viennent d'être présentées. Chaque fois que la législature s'est occupée de lois renfermant des pénalités, elle s'est trouvée en présence de l'article 465, et quand elle a voulu qu’il pût être appliqué elle l'a dit d'une manière positive. Lorsqu'elle ne s'en est pas expliquée, c'est qu'elle a trouvé qu'il aurait été dangereux de permettre l'application de cet article. Si on adoptait l'amendement de l'honorable M. Orts, qui n'a, du reste, pas pu être mûrement examiné, on s'exposerait à bouleverser de fond en comble un grand nombre de lois qui ont été faites avec l'intention bien arrêtée de ne pouvoir pas être modifiées par l'application de l'article 463.
M. Orts. - Messieurs, je suis étonné de voir traiter mon sous-amendement d'une manière si sévère; il ne fait, en réalité, que ce qui a été demandé par tous les criminalistes. On a trouvé bizarre, pour ne pas dire plus, que les tribunaux fussent obligés de punir plus sévèrement des délits prévus par des lois spéciales que les délits prévus par le Code pénal.
Il est certain que les délits dont il s'agit dans les lois spéciales qu'on a rappelées tout à l'heure portent une atteinte moins grave aux intérêts de la société, que les délits punis par le Code pénal. Se montrer beaucoup plus dur pour celui qui a manqué à des lois fiscales que pour celui qui a violé les prescriptions de la moralité générale, c'est, je le répète, un système qui est condamné par tous les criminalistes.
On a parlé du duel. Mais quel grand mal y aurait-il à ce que pour le duel, que pendant si longtemps tout le monde a considéré comme non punissable, le juge pût, dans certains cas, réduire la peine à huit jours d'emprisonnement et à une amende? Mais il n'est pas difficile d'indiquer des circonstances où même une peine ainsi réduite répugner à la conscience du juge.
Quant aux lois fiscales, celui qui a contrevenu à ces lois sera traité plus sévèrement que celui qui aura volé, blessé ou tué. C'est là une singulière appréciation des choses.
Du reste, ce que j'ai proposé est un progrès à faire faire à la législation criminelle; si on ne peut pas le réaliser maintenant, je n'insisterai pas, je me contenterai de l'honneur de l'avoir proposé.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je reconnais avec l'honorable M. Orts qu'il est beaucoup de délits prévus par des lois spéciales, auxquels on pourrait faire l'application de l'article 463; mais introduire brusquement un amendement aussi général, dont il est impossible d'apprécier toute la portée, ce serait une chose excessivement dangereuse. C'est sous ce rapport que je repousse l'amendement de M. Orts; mais, je le répète, c'est une question à examiner, et je crois qu'il est beaucoup de lois auxquelles l'application de l'article 463 non seulement pourrait se faire sans inconvénient, mais devrait se faire aussi justement et plus justement peut-être qu'elle se fait pour une foule de délits prévus par le Code pénal. C'est un progrès qui est réclamé par les criminalistes, mais non pas avec une application aussi générale que celle qui résulterait de l'amendement de l'honorable M. Orts, s'il était accepté dans les termes qu'il Ta présenté.
- Les sous-amendements de MM. Orts et Moncheur sont successivement mis aux voix ; ils ne sont pas adoptés.
Le sous-amendement de M. Tesch est mis aux voix et adopté.
L'amendement même est mis aux voix et adopté.
L'ensemble de l'amendement, sous-amendé par M. Tesch, est mis aux voix et adopté.
M. H. de Brouckere. - Je demande que le vote définitif du second projet de loi soit fixé à demain.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi concernant la réduction du personnel des cours et tribunaux.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je demande que la chambre veuille remettre ce projet jusqu'après la discussion de la loi sur les successions ; ce projet est le corollaire de ceux que la chambre vient de discuter. Il convient donc d'attendre que le sénat ait adopté ces projets, qu'il pourrait renvoyer amendes à la chambre.
D'un autre côté, je n'ai pas encore reçu certains renseignements dont j'ai besoin, pour me prononcer sur quelques changements proposés par la section centrale.
Enfin le projet ne présente aucune urgence, puisque les économies qui en résulteront ne pourront être réalisées qu'au fur et à mesure des extinctions.
M. Lebeau. - Messieurs, je ne sais pas, si la discussion du projet de loi qui étend les attributions des juges de paix en matière civile...
M. Destriveaux. - Commerciale.
M. Lebeau. - ... Et civile aussi, si je ne me trompe, n'est pas un préalable nécessaire de la discussion sur le projet concernant la réduction du personnel des cours et tribunaux; car si l'on étend les attributions des juges de paix en matière civile, on dégrève en partie les attributions des membres des tribunaux de première instance. Je soumets ce doute à la chambre.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, à la vérité le projet de loi dont parle l'honorable M. Lebeau, pourrait avoir quelque influence sur la loi qui a pour objet de réduire le personnel des cours et tribunaux ; toutefois l'adoption des dispositions de ce projet ne pourrait pas modifier grandement celles du projet de loi sur la réduction du personnel. Je ne verrais donc pas d'inconvénient à ce que la chambre s'occupât dans dix à quinze jours de ce dernier projet, après la loi sur les successions et le budget des travaux publics qui pour le moment sont ses travaux les plus urgents.
- La chambre, consultée, ajourne la discussion du projet de loi concernant la réduction du personnel des cours et tribunaux.
M. le président. - Nous avons maintenant la loi sur les successions.
- Des membres. - A lundi.
- Une voix. - M. le ministre des finances est-il remis de son indisposition?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je crois que la discussion peut être fixée à lundi.
- La chambre, consultée, fixe à lundi la discussion du projet de loi sur les successions.
M. le président. - Demain, nous aurions à l'ordre du jour, 1° le vote définitif des deux projets de loi concernant la compétence en matière correctionnelle et la composition des cours d'assises, 2° le vote du crédit supplémentaire de 80,000 fr., demandé par le département des travaux publics? (Adhésion.)
Il y a encore à l'ordre du jour un feuilleton de pétitions; nous pourrions encore nous occuper de cet objet aujourd'hui. (Oui ! Oui !)
M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée d'Ath, le 11 décembre 1848, le conseil communal d'Ath prie la chambre d'accorder à la compagnie Bailleu la concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Ath, traversant les communes de Chièvres, Bauffe, Herchies et Baudour, et se raccordant à la station du chemin d'Ath, attenante à la Dendre. »
Renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Tourinnes-Saint-Lambert, le 4 décembre 1848, le conseil communal et plusieurs habitants de Tourinnes-Saint-Lambert présentent des observations sur la direction à donner à la route décrétée de Perwez à Wavre. »
Renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 31 décembre 1848, plusieurs anciens officiers de la réserve, dont la solde a été réduite par un arrêté du 6 décembre 1839, réclament l'intervention de la chambre pour obtenir le bénéfice de l'arrêté du 25 mai 1837, qui leur garantissait les droits dont ils jouissaient dans la ligne. »
Les pétitionnaires, messieurs, prétendent que l'arrêté royal du 6 décembre 1839, qui a réduit la solde des officiers de la réserve est illégal; qu'il a violé l'article 124 de la Constitution, l'article 3 de la loi du 18 juin 1836, enfin qu'il est en opposition formelle avec l'arrêté du 25 mai 1837, qu'il n'abroge même pas, et qui garantissait aux officiers de la réserve les droits dont ils jouissaient dans la ligne.
Déjà, messieurs, treize pétitions, ayant toutes le même objet, ont été renvoyées au département de la guerre, par apostilles du 18 février 1848.
Je crois nécessaire, messieurs, pour justifier les conclusions de votre commission des pétitions, de devoir vous donner lecture d'une note explicative adressée à la chambre, le 16 avril 1848, par M. le ministre de la guerre.
Voici cette note :
« Lorsque la loi du 4 juillet 1832 a décrété la formation d'une armée de réserve, un arrêté royal du 9 du même mois a décidé que les hommes appelés à en faire partie seraient formés en 12 bataillons, organisés entièrement sur le même pied que ceux des régiments d'infanterie de ligne; que chacun de ces bataillons serait attaché à un des régiments d'infanterie de ligne, et prendrait le numéro de ce régiment; que la solde, les prestations, l'habillement, etc., de ces bataillons seraient, en tout point, les mêmes que pour l'infanterie de ligne.
« D'après ces dispositions et l'article 13 de l'instruction du 22 juillet 1832, ces bataillons étaient considérés, dans toutes les positions, comme portions de corps détachées des régiments dont ils portaient le numéro, et se (page 1020) trouvaient, sous tous les rapports, dans la même situation que ces régiments.
« Cette organisation a été changée par l'arrêté royal du 21 juin 1838, dont l'article premier porte que « la réserve de l'armée, instituée par la loi du « 4 juillet 1832, sera formée et organisée dans chacune des provinces du « royaume, en corps spéciaux de réserve, dans lesquels seront répartis les miliciens qui composent cette réserve. »
« Les articles suivants portent en outre :
« Art. 2. Les miliciens de l'armée de ligne, envoyés en congé illimité, feront également partie des corps de réserve qui seront organisés dans les provinces où ils ont leur domicile.
« Art. 3. En conséquence de ces nouvelles dispositions, le ministre de la guerre fera rayer des matricules des corps de l'armée de ligne, les miliciens de la levée extraordinaire ordonnée par la loi du 4 juillet 1832, ainsi que les miliciens de l'armée de ligne appartenant aux classes de 1826 et 1827, qui sont actuellement en congé illimité.
« Art. 11. Les sous-officiers et miliciens composant les corps de réserve continueront d'être en congé illimité, à l'exception de ceux qui seront jugés nécessaires pour le service des dépôts des corps de réserve.
« Art. 12. Il ne sera provisoirement employé que le nombre d'officiers et de sous-officiers que le ministre de la guerre jugera nécessaire déplacer dans les corps de réserve.
« Art. 14. Tous les corps composant la réserve de l'armée seront réunis au moins une fois chaque année, et ils auront droit, pendant leur réunion, à la solde et aux prestations attribuées aux corps de l'armée de ligne.
« La position que l'arrêté du 9 juillet 1832 avait faite à la réserve de l'armée a donc été entièrement changée par l'arrêté du 21 juin 1838, qui a séparé cette réserve de l'armée de ligne et l'a formée en corps spéciaux dans les provinces.
« En stipulant, dans l'article 14 de ce dernier arrêté, que les corps composant la réserve de l'armée seraient réunis au moins une fois par année, et qu'ils auraient droit, pendant leur réunion, à la solde et aux prestations attribuées aux corps de l'armée de ligne, le gouvernement a bien manifesté l'intention de modifier la solde des corps de la réserve pour le temps en dehors de leur réunion ; autrement il n'eût pas été pris, sous la date du 1er juillet 1835, un arrêté royal dont l'article premier est conçu comme suit :
« Jusqu'à disposition ultérieure, tous les officiers, sous-officiers et soldats placés dans les corps de réserve seront considérés comme appartenant à l'infanterie de réserve, et, en conséquence, jouiront tous indistinctement de la solde et des autres allocations attribuées à cette dernière arme. »
« Le gouvernement a certes fait preuve d'une grande bienveillance à l'égard des officiers des corps de réserve, en maintenant cette disposition jusqu'à la paix, car il est constant que, pendant le séjour dans leurs foyers des hommes appartenant à ces corps, les officiers se trouvaient dans une inaction presque complète. Du moment où la paix a été conclue, et qu'ainsi s'est éloignée de plus en plus l'éventualité d'un appel sous les armes des corps de la réserve, le service dans ces corps devenait encore plus nul, et la position des officiers de leurs cadres pouvait être considérée comme réellement sédentaire ou intermédiaire entre l'activité et la non-activité, sans les assujettir aux mêmes charges que les officiers de l'armée de ligne.
« Ce sont ces considérations qui ont fait juger convenable d'assigner, par l'arrêté royal du 6 décembre 1839, aux officiers des corps de réserve une solde proportionnelle moindre que le traitement d'activité, quoique supérieure à celui de non-activité. Les officiers comptables des corps de réserve n'ont pas été compris dans la réduction de solde, parce qu'ils y avaient en réalité une besogne plus active même que dans les corps de la ligne.
" Les pétitionnaires prétendent que la mesure prise par l'arrêté du 6 décembre 1839 n'était pas seulement injuste, mais qu'elle était illégale. Ils se fondent sur ce qu'un arrêté-loi du 9 janvier 1814 avait fixé les traitements et solde pour tous les corps de l'armée, et sur ce que la loi du 4 juillet 1832, instituant la formation d'une armée de réserve, l'assimilait en tous points à l'armée de ligne, et assurait par conséquent aux officiers les mêmes appointements que ceux dont jouiraient les officiers de la ligne; d'où ils concluent qu'un simple arrête ne pouvait porter atteinte aux droits acquis en vertu d'une loi.
« Ils sont complètement dans l'erreur à cet égard, car la fixation des traitements se fait par le Roi.
« L'arrêté du 9 juin 1814 était un acte réglementaire de la compétence du chef de l'Etat, alors comme aujourd'hui, et n'avait aucun caractère de loi. Ce qui le démontre suffisamment, c'est que les traitements fixés par cet arrêté ont subi beaucoup de modifications jusqu'en 1830, et ont été presque généralement réduits par l'arrêté royal du 6 septembre 1831.
« Quant à la loi du 4 juillet 1833, elle ne contient aucune stipulation de la solde et des autres prestations de la réserve.
« L'article 23 porte seulement : « La réserve se composera de troupes organisées sur le même pied que les troupes de ligne ; elles seront soumises à la même discipline et aux mêmes règlements tant qu'elles resteront sous les armes. »
« La solde et les autres allocations ont dû être et ont été réglées par un arrêté royal qui a été pris sous la date du 1er juillet 1832, et cet arrêté pouvait toujours être modifié par un même acte, selon que les circonstances le feraient juger convenable, ainsi que cela a eu lieu par l'arrêté royal du 6 décembre 1839.
« La légalité de la mesure ne peut donc être contestée, et, d'après les considérations qui l'ont fait adopter, elle ne peut non plus être envisagée comme ayant été injuste. »
Messieurs, au Roi appartient la fixation des traitements ; depuis l'arrêté royal du 9 juin 1814, les traitements fixés par cet arrêté ont subi beaucoup de modifications, par des arrêtés royaux pris les 7 septembre 1831, 1er juillet 1832; ces arrêtés n'étaient pas plus illégaux que l'arrêté du 6 décembre 1839, attaqué par les pétitionnaires.
En conséquence, messieurs, votre commission des pétitions a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Allard, rapporteur. - « Par pétition sans date, le conseil communal de Vielsalm réclame l'intervention de la chambre pour obtenir la construction de la route de Salm-Château à la baraque de Huldange. »
Renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Allard, rapporteur. - « « Par pétition datée de Roucourt, le 11 avril 1848, le sieur Heindryckx propose de rendre à la culture l'un des accotements des routes de l'Etat. »
Ordre du jour.
- Adopté.
M. Allard, rapporteur. - « « Par pétition datée de Liège, le 23 décembre 1848, le sieur George, major pensionné, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir le payement de ses frais d'entrée en campagne de l'année 1830. »
Renvoi à M. le ministre de la guerre.
- Adopté.
M. Allard, rapporteur. - « « Par pétition datée de Schaerbeek, le 8 janvier 1849, le sieur Verstappen réclame l'intervention de la chambre pour être maintenu dans ses fonctions d'employé des accises. »
Renvoi à M. le ministre des finances.
- Adopté.
M. Allard, rapporteur. - « « Par pétition datée de Liège, le 11 janvier 1849, le sieur Legraine demande que le gouvernement fasse révoquer l'ordre donné par le colonel de la garde civique de Liège, d'exercer les gardes, tous les dimanches au maniement des armes et aux manœuvres. «
Ordre du jour.
- Adopté.
M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée d'Andenne, le 2 mai 1848, plusieurs habitants d'Andenne demandent la construction d'un pont sur la Meuse, près de cette ville.
« Même demande de plusieurs habitants des communes du canton d'Andenne. »
Renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Allard, rapporteur. - « « Par pétition datée de Bruxelles, le 19 décembre 1848, les bateliers du canal de Charleroy et de Bruxelles réclament contre les nouveaux tarifs du chemin de fer. »
Renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Allard, rapporteur. - « « Par pétition datée de Bruxelles, le 23 avril 1848, les sieurs De Haeck, Thys et autres membres de la commission des bateliers demandent une augmentation des droits de transport des marchandises par le chemin de fer, ou bien l'abaissement des droits de navigation sur les canaux et rivières. »
Renvoi à M. le ministre des travaux publics.
-Adopté.
M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Gaurain, le 22 avril 1848, l'administration communale de Gaurain-Ramecroix demande que le gouvernement procure du travail à la classe ouvrière de cette commune, notamment en faisant achever le chemin de fer de Tournay à Jurbise. »
Ordre du jour.
- Adopté.
M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Haelen, le 5 mai 1848, plusieurs habitants et propriétaires dans la vallée du Démer, en amont de Diest, demandent l'exécution de travaux nécessaires pour mettre cette vallée à l'abri des inondations.
Renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Liège, le 11 mai 1848, les sieurs Orban, Richard-Lamarche et autres membres du comité des charbonnages liégeois présentent des considérations en faveur de la demande tendant à ce que les deux millions de cautionnement déposés par la société concessionnaire du chemin de fer du Luxembourg soient employés à l'exécution du canal de Meuse et Moselle, depuis Liège jusqu'à la Roche. »
Renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Allard, rapporteur. - « «Par pétition datée de Menin, le 10 janvier 1849, le sieur Cornu, capitaine pensionné, prie la chambre de réviser la législation sur le recrutement de l'armée, et demande que tout étudiant soit dispensé d'entrer au service avant sa 23ème année. »
Dépôt au bureau des renseignements.
- Adopté.
La séance est levée à 4 heures.
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