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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 9 mars 1849

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 950) M. de Luesemans procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

La séance est ouverte.

M. Troye donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Luesemans fait connaître l'analyse des pétitions adressées à la chambre :

« Le sieur Regnier-Poncelet, directeur-gérant de la société de Saint-Léonard à Liège, demande la révision du tarif des droits d'entrée sur les fers. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Le sieur Defize, greffier de la justice de paix du deuxième canton de Liège, présente des observations sur le projet de loi relatif à la réduction du personnel des cours et tribunaux. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Le sieur Vindevogel réclame contre des récompenses qui ont été décernées à l'occasion de l'exposition des produits agricoles. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs jurés et électeurs à Hasselt demandent que les assises du Limbourg se tiennent à l'avenir dans cette ville. »

- Même renvoi.


M. de T’Serclaes, dont le père est gravement malade, demande un congé.

- Accordé.

Projet de loi sur la réforme postale

Discussion des articles

Article premier

M. le président. - A la fin de la séance d'hier l'amendement suivant à l'article premier a été déposé par MM. Cans, T'Kint de Naeyer et Loos :

« Art. 1er. La taxe des lettres, quelle que soit la distance à parcourir dans le royaume, est réglée comme suit :

« Lettres affranchies au moyen de timbres, pesant moins de 10 grammes, 10 centimes.

« Lettres affranchies au moyen de timbres, pesant de 10 à 20 grammes, 20 centimes.

« Lettres affranchies au moyen de timbres, pesant de 20 à 40 grammes, 40 centimes.

« Et ainsi de suite en augmentant de 20 centimes par 20 grammes.

« Pour les lettres non affranchies il sera perçu le double de la-taxe dont elles auraient été passibles si elles avaient été affranchies.

« Lorsque la valeur représentative des timbres appliqués sur une lettre sera insuffisante en raison de son poids, le supplément de taxe à percevoir du destinataire sera également doublé. »

La parole est à M. T'Kint de Naeyer pour développer cet amendement.

M. T'Kint de Naeyer. - On comprendrait difficilement la taxe postale à 10 centimes sans l'affranchissement préalable. C'est un rouage indispensable dans le nouveau système qui est basé sur le mouvement ascensionnel des correspondances et sur la réduction des frais d'administration et de distribution.

Nous avons repoussé une expérience qui devait se faire avec des éléments incomplets, inconnus, et qui n'aurait eu d'autre résultat que celui de faire échouer la réforme dans l'avenir.

Je n'ai rien à ajouter aux considérations que mon honorable ami, M. Cans, a développées d'une manière si remarquable dans la séance d'avant-hier ; je me bornerai, messieurs, à vous donner, au point de vue pratique, quelques explications sur l'amendement que nous avons déposé.

D'après la loi du 24 décembre 1835, sont considérées comme lettres simples celles au-dessous du poids de 10 grammes.

Les lettres de 10 à 15 grammes inclusivement payent la moitié en sus du poids de la lettre simple ; celles de 15 à 20 grammes inclusivement, deux fois et demi le port, et ainsi de suite, en ajoutant le port de la lettre simple de 10 en 10 grammes.

Nous croyons qu'il n'y a pas d'inconvénient à maintenir l'ancienne base en ce qui concerne la lettre simple. En France, d'après la loi du 24 août dernier elle n'est portée qu'à 71/2 grammes, mais nous devons tenir compte des lettres écrites sur le papier grossier et épais dont les familles pauvres font généralement usage. La loi doit leur rendre facile une jouissance qu'elles ne peuvent guère connaître aujourd'hui.

Je ferai remarquer, et je crois que cela n'a pas été dit dans la discussion générale, qu'en Angleterre la taxe à un penny s'applique aux lettres qui pèsent une demi-once, environ 16 grammes ; d'une demi-once à une once de poids, elle continue à monter de 20 centimes (2 pence). Ce fait pourrait avoir quelque influence sur les calculs qui ont été présentés par M. le ministre des travaux publics.

L'échelle de 1835 pour les lettres pesantes est trop compliquée, elle rendrait d'ailleurs nécessaire la création de timbres fractionnaires, ce qui est impossible.

L'emploi de facteurs du système décimal présente sous tous les rapports des avantages incontestables.

Les employés pourront juger vite et facilement le poids d'une lettre sans devoir recourir à une balance et les calculs seront d'une extrême simplicité. D'un autre côté il n'y aura aucune difficulté à faire comprendre au public ce que c'est que 10 ou 20 grammes puisque ce poids correspond à celui de pièces de 5 et de 10 centimes. On sait aussi qu'une pièce de 2 fr. pèse environ 10 grammes. C'est une notion que les journaux et les maîtres d'école répandront bientôt dans tout le pays.

« D'après la loi du 24 décembre 1847, les lettres à la destination de l'intérieur pourront être affranchies au moyen de timbres qui seront débités dans tous les bureaux de postes du royaume. Il y aura des timbres de 10 et de 20 centimes. Lorsque la valeur représentative des timbres que l'envoyeur a appliques sur une lettre sera inférieure à la taxe dont celle-ci est passible, le complément de la taxe sera perçu du destinataire. »

La loi n'avait pas prévu une taxe différentielle, le dernier paragraphe de l'amendement a pour but de combler cette lacune. Lorsque la valeur représentative du timbre appliqué sur une lettre sera insuffisante en raison de son poids, le supplément de taxe à percevoir du destinataire sera doublé, c'est-à-dire qu'une lettre pesant plus de 10 grammes et moins (page 951) de 20 grammes, qui aurait été affranchi, comme simple, payera un supplément de 20 centimes.

J'insisterai de nouveau, messieurs, sur la nécessité d'établir de nombreux débits de timbres et de multiplier les boîtes aux lettres, non seulement dans les villes, mais aussi dans les communes rurales.

J'engagerai M. le ministre des travaux publics à faire publier par son département une instruction populaire en français et en flamand sur la loi postale. Le succès de la réforme que nous avons adoptée dépend principalement des mesures que le gouvernement prendra pour lui donner un développement complet, et du concours actif et zélé de tous les employés.

Au point de vue financier, messieurs, nous pouvons espérer que la réunion de l'administration des postes à celle du chemin de fer produira une économie qui compensera jusqu'à un certain point la perte que la réduction de la taxe des lettres pourrait imposer au trésor.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs, le gouvernement est persuadé que si l'on adopte la taxe à 10 centimes, il faut aussi donner une prime à l'affranchissement ; je déclare donc que je me rallie à la rédaction de l'article premier telle qu'elle est proposée par MM. Cans, T’Kint de Naeyer et Loos, sauf deux légers changements que je vais indiquer.

La rédaction dont il s'agit porte ce qui suit : « La taxe des lettres, quelle que soit la distance à parcourir dans le royaume, est réglée comme suit :

« Lettres affranchies au moyen de timbres, pesant moins de 10 grammes, 10 centimes. »

Nous proposons de supprimer les mots : « Au moyen de timbres. » Cette suppression est nécessaire à cause des lettres affranchies venant de l'étranger. Du reste, cela ne porte aucune espèce d'altération au fond même de l'article.

Le second changement qui me paraît nécessaire est celui-ci. Il est dit :

« Lettres affranchies au moyen de timbres, pesant moins de 10 grammes, 10 cent.

« Id. de 10 à 20 grammes inclusivement, 20 cent.

« Id. de 20 à 40 grammes inclusivement, 40 cent. »

C'est aussi la rédaction de la loi en vigueur. Elle est évidemment vicieuse, car si vous dites : « Moins de 10 grammes » pour la première catégorie, vous ne pouvez pas dire inclusivement, pour les deux autres. Je propose de dire : «les lettres affranchies dont le poids n'excédera pas 10 grammes.» J'ai une autre observation à présenter.

L'honorable M. T' Kint de Naeyer a engagé le gouvernement à publier une instruction dans les deux langues à l'effet de faciliter autant que possible l'exécution de la réforme. Je n'ai pas besoin de dire à la chambre que, la réforme une fois adoptée, le ministre s'appliquera, avec la plus entière franchise et avec un zèle sans bornes, à faciliter l'exécution de la loi, et je crois pouvoir répondre, pour les fonctionnaires de l'administration des postes, qu'ils y mettront le même zèle, le même dévouement.

On a exprimé l'espoir que la fusion de l'administration du chemin de fer et de l'administration des postes aurait pour conséquence une économie qui compenserait, au moins en partie, la perte qui résultera de l'introduction d'une réforme aussi brusque et aussi radicale que celle qui a été votée dans la séance d'hier. Voici, messieurs, dans quel état j'ai trouvé la question de la fusion, lorsque je suis arrivé au département, et l'état où elle est parvenue aujourd'hui.

Un essai de fusion avait été tenté il y a quelques années, et bientôt après il avait été abandonné. Je suis arrivé au département avec la conviction que la fusion des deux administrations était possible et nécessaire. Il m'a toujours paru utile que la même administration qui transporte les colis fût chargée du transport des lettres.

Mais si la mesure avait été appliquée, brusquement et d'une manière générale, sans ménagement aucune, l'administration aurait pu être bouleversée et les deux services compromis. J'ai donc pensé qu'il convenait d’agir avec mesure et prudence. J'ai saisi la première occasion qui s'est offerte pour faire un essai de fusion; et je suis heureux de dire à la chambre qu'il a réussi.

Une perception était devenu vacante à Ostende ; aujourd'hui, à Ostende les deux administrations n'en font qu'une. A mesure que des occasions se présentent, j'agis de la même manière ; et pour arriver à généraliser la fusions dans le moindre temps et avec le moins de trouble possible, j'ai résolu de permettre aux chefs de stations de le mettre au courant du service des postes, et aux percepteurs des postes de se mettre au courant du service des stations. J'arriverai par là à pouvoir confier alternativement, à chaque vacature, une perception de poste à un chef de station, et une direction de station à un percepteur de poste, de manière qu'aucune des deux administrations ne soit sacrifié à l'autre.

Je crois donc avoir fait, sous ce rapport, tout ce qu'il était possible de faire ; et j'espère que, d'ici à un temps peu éloigné, la fusion aura reçu une application assez étendue.

M. Osy. - Messieurs, je suis persuadé que la mesure que prendra M. le ministre des travaux publics diminuera fortement le déficit dont il nous a parlé hier. En Angleterre, on a adopté, depuis la réforme, toutes les mesures possibles pour faire venir de tout le continent toute la correspondance pour les colonies et l'Amérique.

Eh bien, notre pays est si bien placé que le gouvernement pourrait également amener le transit, par la Belgique, de toute la correspondance destinée à l'Angleterre, aux colonies et à l'Amérique. Il faudrait pour cela faire des conventions postales, surtout avec Hambourg qui a, comme on sait, une correspondance très considérable avec l'Angleterre et avec les colonies. Il faudrait également organiser un convoi de nuit entre Cologne et la capitale. Avec ce convoi de nuit, on gagnerait un jour entier.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs, cet objet a également attiré mon attention de la manière la plus sérieuse. Je puis d'abord annoncer à la chambre qu'un convoi de nuit pour l'Allemagne sera établi d’ici à un mois. Je tâcherai (la chambre comprendra que cela ne peut se faire que successivement et avec mesure) d'en établir d'autres, partout où la nécessité s'en fera sentir.

Je suis persuadé que la régularité et la rapidité des communications contribuent, autant que le bon marché, au développement et des correspondances et des relations commerciales et industrielles. Il serait inutile d'avoir un chemin de fer, si on le laissait dormir et si on lui permettait de perdre, pendant la nuit, le temps qu'il gagne pendant le jour. Mais, je le répète, ces changements ne pourront s'introduire que successivement, parce qu'il faut les faire avec prudence et économie. C'est ce à quoi je m'applique.

Quant aux relations postales avec Hambourg, la Prusse et l'Angleterre, je n'ai pas négligé un seul jour de faire tous mes efforts pour les assurer à notre pays. J'espère que, d'ici à très peu de temps, nous parviendrons à réaliser une convention dans ce but. Dès à présent le transit des lettres par la Belgique prend un développement rapide. L'Angleterre s'y montre très favorable ; et de notre côté, le zèle ne restera pas en défaut.

M. de Theux. - Je demanderai à M. le ministre des travaux publics s'il pense qu'il y aurait des difficultés à l'opinion émise par l'honorable M. Cans, à savoir qu'il conviendrait d'établir un débit de timbres d'affranchissement dans chaque commune. Ce serait le meilleur moyen de populariser la mesure et de mettre les habitants de la campagne en position de profiter du bénéfice de la loi ; je demanderai aussi si l'on ne pourrait pas multiplier les boites à lettres de manière qu'il y en ait une dans tous les hameaux de quelque importance.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Non seulement je ne suis pas opposé à l'établissement de ces débits, mais je les favoriserai par tous les moyens en mon pouvoir. Nous devons imiter en cela l'exemple de l'Angleterre, où les timbres d'affranchissement se débitent presque à chaque pas, et sont devenus en quelque sorte une monnaie courante.

M. Cans. - Je désirerais soumettre à M. le ministre une observation qui m'a été communiquée. Je déclare que si on pouvait voir dans la proposition dont je vais parler une tendance au rétablissement du timbre sur les journaux, je ne voudrais pas m'en faire l'organe. Dans la pratique les éditeurs de journaux sont obligés d'envoyer avec les paquets de l'argent ou d'ouvrir avec le bureau des postes un compte dont le règlement donne lieu à certaines complications. Si M. le ministre croyait possible l'application d'un timbre spécial sur les journaux, les éditeurs pourraient faire soumettre à ce timbre le papier des numéros destinés à être remis à la poste, et ils n'auraient plus qu'à les faire jeter à la poste à l'heure fixée pour le départ.

C'est une observation que je soumettrai à M. le ministre. S'il la croyait exécutable, on pourrait par un amendement donner au gouvernement l'autorisation nécessaire pour y donner suite.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je n'oserais pas me prononcer sur l'observation présentée par l'honorable M. Cans.

M. Rodenbach. - Je comptais faire la même observation que l'honorable préopinant, La taxe d'affranchissement des journaux est d'un centime; si les éditeurs de journaux pouvaient se procurer des timbres d'un centime, ils feraient ce qui se fait en Angleterre pour les lettres; ils appliqueraient ce timbre sur les journaux et les jetteraient à la poste. Il en résulterait une économie considérable, car le nombre des employés pourrait être diminué, ils trouveraient les journaux dans la boîte comme les lettres. Je crois que cette mesure serait excellente ; elle serait de plus favorable aux employés puisqu'elle diminuerait leur travail. J'engage M. le ministre à donner suite à la proposition de M. Cans que j'appuie de toutes mes forces.

M. Delescluse. - Je crois devoir signaler un inconvénient que je remarque dans l'amendement qui vous est présenté. C'est qu'il ne présente pas toutes les garanties convenables de bonne et loyale exécution. L'affranchissement obligatoire supprime les comptes des facteurs ruraux avec les percepteurs de la poste.

Maintenant ces agents ne seront plus que des porteurs de paquets de lettres, ils ne devront plus rapporter de l'argent au bureau en échange des lettres qu'on leur a remises. Je ne vois pas de garantie suffisante que les lettres seront toujours fidèlement remises à domicile. Si vous considérez que les tournées des facteurs ruraux sont excessivement grandes en les prenant de clocher à clocher, vous trouverez qu'il est peu d'hommes capables de continuer un service pareil. Maintenant par la diminution du port vous allez augmenter considérablement le nombre des lettres dont seront chargés ces facteurs ruraux. Il serait impossible de faire de pareilles courses.

Si un facteur rural se dispensait de porter les lettres, s'il les anéantissait, s'il les brûlait, comment le prouverait-on?

J'appelle l'attention de la chambre et de M. le ministre sur cet inconvénient qui, je dois le dire, existe déjà aujourd'hui. La plupart de ceux-qui écrivent dans la campagne n'osent pas affranchir leurs lettres, parce qu'ils n'ont aucune garantie qu'elles parviennent.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Il ne faut pas se dissimuler que l'objection à quelque valeur. Mais les avantages que présente l'affranchissement obligatoire, ou plutôt favorisé par une prime, étant bien supérieurs à ses inconvénients, cette objection ne doit pas nous arrêter. Elle a surtout de la valeur dans les villes, où les lettres, le plus (page 952) souvent, ne se remettent point directement aux personnes auxquelles elles, sont adressées, mais à des intermédiaires qui ne présentent pas toujours les mêmes garanties que les agents de la poste.

Ces derniers, indépendamment de leur garantie morale, en présentent une autre, celle du contrôle auquel ils sont soumis. Les lettres perdues sont dans une proportion très faible, et j'espère que cette proportion n'ira pas en croissant.

J'ajouterai une observation relativement à l'amendement proposé pour les journaux. Cet amendement serait tout à fait inutile.

D'après la rédaction que vous avez adoptée pour l'article premier, les lettres simples seront soumises à la taxe de dix centimes, pourvues qu'elles soient affranchies, sans que la loi détermine le mode de l'affranchissement. De même, aux termes de l'article 6 de la loi du 24 décembre 1847, le port des journaux est fixé à un centime, pourvu qu'ils soient affranchis.

La rédaction de la loi sera pour les journaux exactement la même que pour les lettres. Il n'est pas plus nécessaire de déterminer le mode de l'affranchissement pour les uns que pour les autres. L'administration prendra, pour l'exécution de la loi, les mesures qu'elle jugera le plus utiles.

M. de Theux. - M. le ministre a donné une réponse entièrement satisfaisante, en ce qui concerne les facilités pour le timbre. Mais il a omis de répondre à l'observation sur la nécessité de multiplier les boîtes aux lettres. Cependant c'est très important, car là où un voiturier passe habituellement, on lui donnera de préférence les lettres, s'il faut les porter au centre de la commune; tandis que si la boîte est à proximité, on ne fera pas usage du voiturier.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Il n'y a nul inconvénient à multiplier les boites. C'est ce que nous faisons très fréquemment. Récemment encore le département a émis une circulaire dans ce but. Il est évident que l'introduction d'une réforme aussi large que celle que nous discutons en ce moment, nécessitera l'extension de cette mesure sur une plus grande échelle, pour que les campagnes en profilent le plus possible. Je ne perdrai pas cet objet de vue.

Encore une réflexion, messieurs, quant à la mesure qu'on a proposée pour l'affranchissement des journaux. L'application n'en serait pas aussi simple et aussi facile qu'on l'imagine. Il y a des précautions à prendre, une vérification à faire pour prévenir la fraude, et le double emploi des timbres d'affranchissement. Or, les journaux se multiplient dans des proportions si considérables que ce contrôle serait peut-être impossible, et qu'il exigerait, dans tous les cas, un très long travail. C'est ce que je me propose d'examiner.

M. Coomans. - Je voulais seulement ajouter à l'observation de l'honorable comte de Theux, que la nécessité d'augmenter le nombre des boîtes aux lettres dans les villages, est évidente. En effet, en hiver quand les chemins sont mauvais, il est presque de toute impossibilité de porter une lettre à la poste. Pour cela, il faut souvent faire une lieue dans les boues. Il convient que dans tous les hameaux un peu considérables, il y ait une boîte. Je prends acte de la promesse de M. le ministre.

Relativement aux journaux, je me permettrai de faire observer que la demande de l'honorable M. Rodenbach que M. le ministre des travaux publics n'a pas rejetée, n'est pas recevable. Elle est inexécutable. Messieurs, si l'on appliquait le timbre d'affranchissement aux journaux, ce serait un grand surcroît de travail pour les éditeurs de journaux et pour les employés de la poste.

L'honorable M. Rodenbach dirait qu'on pourrait jeter dans la boîte le journal affranchi par un timbre. Mais à chaque instant, un seul porteur arrive à la poste avec 500 ou 600 journaux. Il devrait se trouver pendant deux heures devant la boîte pour y glisser tous ses exemplaires. Les journaux auraient le monopole de la boîte aux lettres, ce qui ne serait pas raisonnable. D'ailleurs, il n'y aurait pas de boîte assez grande pour contenir tant de paperasses.

M. Cools, rapporteur. - J'ajouterai aux observations des honorables MM. de Theux et Coomans, qu'à en juger par les localités qui nous sont connues, il n'y a pas une commune qui ait deux boîtes aux lettres. J'engage donc le gouvernement à porter spécialement son attention sur les communes rurales, parce que c'est là qu'il est nécessaire d'avoir de nouvelles boîtes. S'il faut aller porter les lettres au centre de la commune, la réforme ne produira pas d'effet. J'engage donc le gouvernement à porter spécialement son attention sur les campagnes.

M. Rodenbach. - Je désire faire une observation, en réponse à l'honorable M. Coomans. Lorsque j'ai demandé qu'on pût affranchir les journaux au moyen d'un timbre, je n'ai pas prétendu qu'on dût les jeter un à un dans la boîte. On pourrait les porter au bureau par paquets. Cette mesure est donc exécutable. Elle diminuerait beaucoup le travail des employés de la poste.

Quant à l'objection qu'a tirée M. le ministre des facilités que la mesure offrirait à la fraude, en ce sens que le même timbre pourrait servir plusieurs fois, je ferai remarquer qu'il suffira, pour prévenir cette fraude, de maculer ou d'enlever le timbre, en remettant le journal au destinataire.

M. le président. - L'amendement présenté par MM. Cans, T'Kint de Naeyer et Loos est conçu comme suit avec de légères modifications proposées par M. le ministre des travaux publics, à laquelle ils se rallient :

« Art. 1er. La taxe des lettres, quelle que soit la distance à parcourir dans le royaume, est réglée comme suit :

« Lettres affranchies, pesant moins de 10 grammes, 10 cent.

« Id. de 10 à 20 grammes inclusivement, 20 cent.

« Id. de 20 à 40 id., 40 cent,

« et ainsi de suite en augmentant de 20 centimes par 20 grammes.

« Pour les lettres non affranchies il sera perçu le double de la taxe dont elles auraient été passibles si elles avaient été affranchies.

« Lorsque la valeur représentative des timbres appliqués sur une lettre sera insuffisante en raison de son poids, le supplément de taxe à percevoir du destinataire sera également doublé. »

- L'article est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2. La taxe pour voie de mer, à laquelle sont assujetties les lettres de et pour les pays d'outre-mer, transportées par d'autres voies que celles indiquées dans les conventions postales, est réduite à 2 décimes par lettre simple, non compris le port interne.

« Cette taxe sera progressive, en raison du poids, sauf la restriction admise en faveur de paquets autres que les lettres missives, par l'article 8 de la loi du 29 décembre 1855. »

M. Cools, rapporteur. - Je demanderai aux auteurs de l'amendement qui a été adopté dans la séance d'hier, s'il n'entre pas dans leur système de fixer aussi à un décime la taxe des lettres dont s'occupe l'article 2. Puisqu'ils veulent une taxe uniforme pour tout le royaume, il me semble que la même taxe devrait être appliquée aux lettres de mer, à raison de leur parcours sur le territoire belge. Il en résultera, il est vrai, un déficit plus considérable ; mais c'est la conséquence de leur système.

M. Cans. - Dans mon opinion, le principe qui a été voté hier s'applique aussi bien à l'article 2 qu'à l'article premier.

M. Cools. - Je demanderai en conséquence à l'honorable membre s'il fait la proposition d'établir la taxe de 10 centimes pour les lettres indiquées à l'article 2.

M. Cans. - J'en fais la proposition. Je ferai d'ailleurs remarquer à la chambre que le nombre des lettres de mer est extrêmement restreint, qu'ainsi la disposition sera sans importance pour le trésor.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs, je crois devoir m'opposer au changement qu'on propose de faire à l'article 2.

Voici l'état actuel des choses.

Aujourd'hui les lettres se transporteur par voie de mer au prix de 5 décimes, dont 3 pour le capitaine de navire et 2 pour la poste.

En réduisant la taxe par voie de mer à 2 décimes, il y aura un décime pour le capitaine et un décime pour le trésor. Cette taxe ne sera certainement pas élevée. La réforme que vous consacrez est déjà très libérale. On ne peut point l'exagérer.

M. Orts. - Dans ma pensée, messieurs, lorsque j'ai proposé l'amendement qui est devenu l'article premier, je n'ai pas cru appliquer la réduction des 2 décimes à 1 décime à l'article 2. Voici quel en est le motif.

J'ai cru qu'il fallait porter la taxe à 10 centimes pour les lettres préalablement affranchies ; mais comme les lettres arrivant par la voie de mer ne sont pas préalablement affranchies, elles ne me semblent pas devoir être comprises dans la mesure.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je proposerai un changement de rédaction au deuxième paragraphe.

Ce paragraphe porte : « Cette taxe sera progressive en raison du poids, sauf la restriction admise en faveur des paquets autres que les lettres missives, par l'article 8 de la loi du 29 décembre 1835. »

Cette rédaction eût été suffisante, si l'on n'avait rien changé à la progression du poids. Mais la progression que vous avez établie par l'article premier étant différente de celle qui existait auparavant, il faudra que le deuxième paragraphe soit rédigé en ces termes : « Cette taxe augmentera en raison du poids des lettres suivant l'échelle de progression déterminée par l'article premier, sauf la restriction, etc. »

- L'article 2, modifié comme le propose M. le ministre, est adopté.


M. Veydt. - Messieurs, les deux premiers articles du projet de loi étant les seuls qui concernent la taxe des lettres, je désire, avant que la chambre s'occupe de l'article 3, présenter une observation relative à la taxe des lettres chargées. Il en est parlé dans la loi du 6 messidor an IV. Je n'ai pas trouvé d'autre disposition. Suivant l'article 7 de cette loi, les lettres chargées sont taxées au double et le port doit en être payé à l'avance; mais alors la taxe la plus faible était de trois décimes. Le vote d'hier l'a réduite à un décime, quelle que soit la distance à parcourir. Ce serait donc deux décimes pour une lettre chargée, s'il faut s'en rapporter encore à la loi de messidor. La rétribution ne suffirait pas. Les lettres chargées exigent de la part de l'administration des postes une sollicitude toute spéciale : il en est tenu écriture et on en demande reçu au destinataire. Ces précautions sont si efficaces qu'il se passe des années sans qu'une lettre chargée vienne à se perdre. Je ne sais même si on peut citer le fait d'une lettre perdue. Peut-on équitablement admettre que la poste ne recevra pour tous ces soins qu'un port de vingt centimes? Je ne le pense pas. Il est encore à remarquer que la loi du 24 décembre 1847 a créé une autre catégorie de lettres ; ce sont les lettres recommandées, pour l'enregistrement desquelles il est perçu, en sus du port ordinaire, une taxe fixe d'un décime. Elles doivent aussi être affranchies. Cette espèce de lettres ne payera, par suite de la taxe uniforme qui a été adoptée, que deux décimes pour toutes les distances. Cela est bien; mais alors ne faut-il pas augmenter la rétribution pour les lettres chargées? Les unes et les autres ne sont pas soumises aux mêmes formalités par l'administration des postes, qui fait une distinction entre elles. Je n'ai pas l'intention de soumettre aujourd'hui une proposition à la chambre ; je me borne à prier l'honorable ministre des travaux publics de vouloir examiner la question dans l'intervalle du second vote.

(page 953) M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - J'examinerai la question. La proposition de l'honorable membre me paraît fort acceptable. Le gouvernement doit admettre avec reconnaissance tout ce qui peut servir, même dans la mesure la plus faible, de compensation au déficit que causera l'adoption de la taxe à 10 centimes.

Article 3

« Art. 3. Les prix courants, bulletins de bourse ou mercuriales imprimés, gravés, lithographies et autographiés, affranchis dans le royaume, sur lesquels le prix des marchandises est indiqué en chiffres tracés à la main, ne subiront plus que la taxe déterminée par l'article 6 de la loi du 24 décembre 1847.

« La même taxe sera applicable aux bulletins de souscription à des ouvrages de librairie, lorsque ces bulletins ne contiendront, outre la date et la signature, que l'adresse écrite des souscripteurs et l'indication du nombre d'exemplaires demandé par eux. »

La section centrale adopte le paragraphe premier de l'article 3 ; elle rejette le paragraphe 2.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs, je propose la suppression de l'article tout entier. En voici la raison :

L'article 6 de la loi du 24 décembre 1847 porte :

« Le port des journaux, ouvrages périodiques, livres, papiers de musique, prospectus, annonces et avis imprimés de toute nature, affranchis dans l'intérieur du royaume, est fixé, sans avoir égard à la distance parcourue dans le royaume, à un centime par feuille, quelle qu'en soit la dimension. »

Cette rédaction est celle de l'article qui nous occupe, sauf une différence dans l'énumération, et sauf que, dans notre article, après ces mots : « affranchis dans le royaume », il est dit : « sur lesquels le prix des marchandises est indiqué en chiffres tracés à la main. »

Cette modification était conçue dans le but de faire au commerce une certaine libéralité qui eût été rationnelle, dans la supposition que la taxe des lettres simples eût été fixée à 20 centimes, mais qui ne se justifierait pas suffisamment en présence de la modique taxe de 10 centimes.

Quant à la deuxième partie de l'article, je pense qu'elle doit également disparaître. Elle constituait une sorte de privilège en faveur du commerce de librairie ; la section centrale en a proposé la suppression, et le gouvernement se rallie à cette proposition.

M. Cumont. -L'intention de M. le ministre serait-elle de faire payer pour les circulaires 10 centimes ?

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Non. La faveur attribuée aux circulaires et aux imprimés de toute nature resterait entière; il ne serait pas dérogé à l'article 6 de la loi du 24 décembre 1847; seulement on ne pourrait, de même que sous l'empire de cette loi, tracer à la main sur les imprimés aucun chiffre, aucune indication ; sinon l'imprimé aurait le caractère d'une lettre et dès lors il serait assujetti à la taxe de 10 centimes.

M. Cumont. - Il y a à cela un grave inconvénient, c'est que souvent, au moment où l'on doit expédier des prix courants, il y a des variations qu'on n'a pas eu le temps de faire imprimer; cependant il est important pour le commerce que les prix courants puissent partir par le premier convoi. Si vous exigez qu'ils soient entièrement imprimés, vous détruisez les bons résultats que le commerce en attend; il est impossible de les faire imprimer d'avance.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - M. Cumont se trompe. Dans le cas particulier qu'il prévoit, le prix courant, bien que contenant des indications à la main, n'en pourra pas moins partir par le premier convoi; mais le commerçant payera un port de lettre; et cela est juste. Une circulaire, un prospectus, un prix courant, qui contient des indications à la main, n'a plus ce caractère de généralité qui justifie une faveur exceptionnelle. C'est un avis particulier, personnel, qui s'adresse spécialement à tel ou tel correspondant ; et cet avis a véritablement le caractère d'une lettre. Il est donc juste qu'il paye comme telle.

M. Manilius. - Je pense qu'il vaudrait mieux maintenir l'article tel qu'il avait été proposé en premier lieu par le gouvernement. Il n'est pas possible de faire imprimer les prix courants au moment où il faut en faire usage ; on les fait imprimer d'avance et on les remplit d'après les fluctuations.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - L'observation qui vient de vous être présentée vient à l'appui de la suppression proposée, plutôt qu'elle n'y est contraire. Au surplus, ce que je propose pour les imprimés, contenant des indications à la main, c'est ce qui existe en Angleterre pour les imprimés en général.

M. Cumont. - Je dois insister sur ce que j'ai eu l'honneur de dire, c'est qu'il est impossible que les prix courants soient imprimés en temps utile pour les faire partir par le premier convoi. Je pense que lorsqu'on inscrit dans un prix courant les prix qui viennent d'être fixés, on n'en fait pas pour cela une lettre; au reste, dans la catégorie des prix courants, si vous n'accordez plus cette faveur au commerce, vous détruisez l'effet des prix courants, ou vous occasionnez un retard jusqu'au lendemain. Ensuite, la plupart du temps les prix courants ne pourront pas être affranchis, et alors ils devront payer 20 centimes. Ce serait une charge énorme pour le commerce.

Je demande que l'article primitif soit maintenu.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je le répète, la suppression de l'article nous laissera sous un régime plus libéral que le régime anglais. En Angleterre, les circulaires, prospectus et imprimes de toute nature payent la taxe des lettres. Nous maintenons, au contraire, pour tous les imprimés la taxe minime de 1 centime. Quant aux indications particulières, comme celles qui concernent les fluctuations de la bourse, il me semble qu'il est très juste que lorsqu'on voudra les transmettre à un correspondant par des indications à la main, on paie la taxe de 10 centimes.

M. Cans. - Je viens appuyer la proposition de M. le ministre qui consiste à supprimer l'article. Avec la réforme à 10 centimes, le commerce peut se trouver parfaitement satisfait. Quant aux prix courants, lorsqu'ils ont une certaine importance ils sont imprimés très rapidement. Ainsi les cotes de la bourse d'Anvers, de la bourse de Paris, sont imprimés pendant la bourse même et un quart d'heure après on peut les obtenir. Pour les prix courants qu'il faudrait remplir à la main, on payera 10 cent, car alors ce sont des lettres. La chose a très peu d'importance.

- La clôture est demandée et prononcée.

L'article 3 est supprimé.

Article additionnel

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs, en remplacement de l'article que vous venez de supprimer, nous en avons un autre à vous proposer. Il serait conçu en ces termes :

« Les échantillons de marchandises sont soumis à la taxe des lettres. »

- Cet article est adopté.

Article 4

« Art. 4. Les billets de banque ou autres objets de valeur trouvés dans les lettres tombées en rebut, et qui ne pourront être remis au destinataire ou à l'envoyeur, seront acquis au trésor, s'ils n'ont été réclamés dans un délai de cinq ans, à partir du jour de leur dépôt à la poste. »

- Adopté.

Article 5

« Art. 5. Le gouvernement est autorisé à faire opérer, par l'intermédiaire de la poste, et pour le compte du public, le recouvrement des sommes ne dépassant pas 500 francs.

« Il sera perçu de ce chef une remise payable par l'expéditeur et qui ne pourra, en aucun cas, excéder 2 p. c. de la somme à encaisser ; cette remise restera acquise au trésor, sans que l'administration des postes soit tenue à aucune garantie de protêt des effets qui ne seraient pas acquittés à présentation. »

- La section centrale propose la suppression de cet article.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je me rallie à cette suppression.

M. Manilius. - Messieurs, je regrette que le gouvernement se soit rallié à cette suppression. Il y a un an, les négociants ont fait de grandes instances pour obtenir l'adoption d'une disposition de ce genre. A cette époque , il était impossible de faire des recouvrements par aucun moyen , et le gouvernement a dû reconnaître et il a reconnu qu'il y avait nécessité d'autoriser les comptoirs d'escompte; il a même à cet effet disposé largement des deniers du trésor.

Telle était donc la position il y a un an, c'est-à-dire que le gouvernement, ayant le monopole des messageries par le chemin de fer, et le monopole des messagers dans les communes par la poste rurale, il n'y avait cependant aucune possibilité de faire le moindre recouvrement; et cela par la seule raison que les banques étaient fermées.

C'est cet état de choses qui avait engagé le prédécesseur de l'honorable M. Rolin à introduire cette disposition.

Maintenant, je dois ajouter que l'autorisation qu'il s'agit de conférer au gouvernement n'est pas impérative ; eh bien, si les circonstances ne sont plus aussi impérieuses, le gouvernement n'usera pas de l'autorisation. Mais si les mêmes difficultés se reproduisaient, il serait très désirable que le gouvernement vînt au secours du petit commerce que les banquiers en voient promener dans ces moments-là.

Je conçois qu'aujourd'hui les banques, les sociétés doivent s'opposer à une pareille disposition, et je ne serais pas étonné que ce fût par leur influence que le gouvernement s'est empressé de renoncer à cette disposition. (Interruption.) Je ne parle pas de la section centrale. L'honorable M. Delfosse, qui l'a présidée et que j'ai consulté, m'a donné d'autres raisons.

La disposition, je le répète, n'est pas impérative; j'engage fortement la chambre à maintenir cet article qui peut, dans un temps de crise, devenir encore utile pour le commerce en général et pour toutes les personnes qui ont des relations financières avec les communes rurales.

M. Cools, rapporteur. - Messieurs, quoique l'honorable préopinant ait voulu mettre la section centrale hors de cause, je n'en crois pas moins devoir prendre la parole, puisque c'est sur la proposition de la section centrale que M. le ministre s'est rallié à la suppression de l'article.

La section centrale a cru qu'il était inutile de donner cette nouvelle extension à l'administration des postes. Nous comprenons qu'il y aurait quelque avantage pour certains négociants à ce que la poste fît les transports d'argent ; mais nous ne croyons pas qu'il y ait nécessité générale à donner cette nouvelle extension à l'administration des postes.

La conséquence de l'adoption de cette disposition serait qu'en réalité la poste, peu à peu, ferait partout les transports d'argent ; elle aurait un monopole plus grand que celui qui lui est déjà attribué aujourd'hui. L'extension journalière que prendrait cette partie de l'administration nécessiterait la nomination de nouveaux employés; les transports d'argent se feraient peut-être plus facilement, mais il faudrait par contre, ce qui est plus grave, créer des impôts pour payer les nouveaux employés.

Il nous a semblé que le gouvernement ne doit pas se jeter dans cette voie, qu'il a assez à faire avec le transport des lettres, tel qu'il existe en ce moment.

(page 954) Voilà les motifs qui ont déterminé la section centrale à proposer la suppression de cet article ; ces motifs ont été parfaitement appréciés par le gouvernement, puisque M. le ministre des travaux publics vient de se rallier à la proposition de la section centrale.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs, je dirai en peu de mots que je ne connais pas l'influence dont l'honorable M. Manilius a voulu parler. La section centrale sait fort bien que si j'ai cédé à une influence, c'est à celle des observations qu'elle m'a présentées.

Cependant je déclarerai qu'il y a une autre considération qui m'a porté à me rallier à la suppression proposée. C'est que moi aussi je pense que le gouvernement ne doit pas s'immiscer dans trop d'affaires. Lorsqu'il se fait entrepreneur, ce ne peut être que parce qu'un grave motif d'utilité publique le lui commande ; hors de là, la raison, la bonne politique exige qu'il s'abstienne.

J'ai aussi considéré qu'il faut éviter qu'une trop grave responsabilité ne pèse sur l'administration des postes et sur ses agents, c'est ce qui arriverait si le gouvernement se constituait commissionnaire, banquier, et se chargeait de faire des recouvrements qu'il est bon d'abandonner à l'industrie privée.

M. Osy. - Je regrette de n'être pas d'accord avec l'honorable M. Manilius, quant à la suppression de l'article en discussion. Maintenant que le gouvernement est déjà chargé de tant d'opérations que les particuliers pourraient faire, on voudrait encore faire de lui un banquier. Il est vrai que lors des événements du 24 février, il y a eu un moment d'arrêt pour toutes les opérations; mais nous avons eu alors un établissement particulier (les messageries Van Gend qui s'est chargé des encaissements dans tout le pays.

Eh bien, vous voyez que dans les moments d'arrêt dans les banques et chez les banquiers, des établissements particuliers se sont chargés de faire les recouvrements.

Je ne veux pas que le gouvernement se charge de ces opérations. Voici un autre argument qui n'est pas sans importance ; si le gouvernement se chargeait de faire des recouvrements, il devrait les confier aux facteurs qui n'ont pas de cautionnement, ce qui l'exposerait à des pertes.

Je désire que le gouvernement se mêle le moins possible d'opérations de ce genre.

M. Manilius. - Il n'est pas possible que le gouvernement ait beaucoup de recouvrements à faire en temps ordinaire, puisque les frais seraient de 2 p. c.

M. Osy. - Ne pourraient pas excéder!

M. Manilius. - La mesure ne trouverait d'application que dans les temps d'exception ; mais puisqu'on ne veut pas, je n'insiste pas.

- La suppression de l'article 5 est mise aux voix et prononcée.

Article additionnel

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je crois qu'il serait utile d'insérer à la suite d'un article qui vient d'être adopté, un article nouveau qui n'est que la reproduction d'une disposition de la loi du 14 floréal an X. Cet article porterait :

« Le gouvernement est autorisé à régler la taxe des lettres venant ou à destination de l'étranger, suivant les circonstances et la nature des conventions. »

Voici la raison d'utilité de cette disposition :

L'article premier consacre une règle générale pour le prix du transport de toutes les lettres à l'intérieur. S'il n'y avait pas dans loi une disposition particulière qui permît au gouvernement d'en régler l'application aux lettres venant ou à destination de l'étranger, suivant les circonstances, on serait fondé à se prévaloir de la généralité de l'article pour demander l'application de notre taxe modérée aux lettres de cette catégorie, et nous serions désarmés dans les négociations que nous aurons à faire avec les pays étrangers, pour obtenir des conditions de réciprocité. C'est ce que le nouvel article que je vous propose a pour objet de prévenir.

- L'article nouveau, proposé par M. le ministre des travaux publics, est mis aux voix et adopté.

Article 6

« Art. 8 nouveau de la section centrale qui devient article 6. Le droit à percevoir pour les envois d'articles d'argent confiés à la poste, et qui sont indiqués avec désignation dans l'article 5 de la loi du 24 décembre 1847, est fixé à 1/2 p. c, sans que cette remise puisse être inférieure à 1 décime. »

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je demande la substitution de 1 p. c. à 1/2 p. c. et le remplacement de la rédaction de la section centrale par la suivante :

« Le droit à percevoir pour les envois d'articles d'argent confiés à la poste, sera calculé d'après le tarif suivant :

« Pour toute somme jusqu'à 10 francs exclusivement, 10 centimes ; de 10 à 20 francs, 20 c. ; de 20 à 30 fr. 50 c, et ainsi de suite, en augmentant de 10 centimes de 10 en 10 francs. »

Je crois qu'il y a de bonnes raisons pour ne pas diminuer jusqu'à un demi pour cent le droit à percevoir pour les envois de l'espèce. J'aurais admis la disposition de la section centrale si la taxe des lettres avait été fixée à 20 c. Mais il n'y a pas lieu de la maintenir avec la taxe à 10 c. Pour les envois dont l’importance ne dépassera pas 10 fr., notre disposition sera plus libérale que ne l'eût été celle de la section centrale avec la taxe des lettres à 20 c. Pour les envois de dix à vingt francs, elle le sera tout autant. Ce n'est que pour les envois de plus de vingt francs qu'il y aura une légère augmentation. En effet, l'envoi d'argent est accompagné d'une lettre qui contient une assignation sur la poste. Cette lettre eût payé 20 c, et l'envoi du dix francs eût été soumis à un droit de dix centimes, ensemble 30. Dans le système actuel, le droit perçu sur un envoi de dix francs ne sera également que de dix centimes, et la taxe de la lettre sera également de dix centimes, ensemble 20. On arrive, de la même manière, à constater que l'envoi de 20 francs coûte, dans les deux systèmes, 30 c.

Ce n'est qu'à partir de 20 francs que la taxe est un peu plus élevée que celle que la section centrale a eue en vue. Mais il est de l'intérêt du gouvernement de ne pas donner trop d'extension à ce service.

M. Cools, rapporteur. - Je ne sais si on a compris les motifs qui ont engagé la section centrale à faire cette proposition. D’bord en thèse générale elle est contraire à toute extension de l'administration des postes et surtout à sa substitution aux banquiers pour les recouvrements ; par le retrait de l'article 5 du gouvernement le principe est décidé. Cependant elle admet une exception pour les petites sommes comme celles qu'on envoie au milicien et ces envois ne sont pas considérables, comme on peut le voir par le tableau joint au projet ; la section centrale a pensé qu'il fallait les faciliter, les rendre peu onéreux, c'est pourquoi elle a proposé la taxe d'un demi p. c. En proposant une taxe aussi minime, elle a eu un double motif, d'abord d'accorder les facilités les plus grandes à ces sortes d'envois, puis de faire obstacle à ce que le gouvernement eût un intérêt à donner de l'extension à ce genre d'opération.

Maintenant le gouvernement propose, pour couvrir les dépenses d'une partie de ce service, de calculer la remise en moyenne à 1 p. c. Je n'ai pas consulté les autres membres de la section centrale, mais je pense, pour ce qui me regarde, qu'il y a lieu d'adopter la proposition de M. le ministre. Il vaut mieux avoir toujours des sommes rondes pour simplifier les calculs des employés de la poste. D'ailleurs 1 p. c. ne me paraît pas une remise trop forte. Le gouvernement a assez fait connaître son intention de ne donner aucune extension inutile à cette partie du service.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Si la proposition de la section centrale avait été adoptée, elle aurait eu un effet diamétralement contraire au but qu'elle a voulu atteindre ; car plus le droit serait faible, plus le service prendrait d'extension.

- L'article 6, proposé par M. le ministre, est mis aux voix et adopté.

Article 7

« Art. 6 (qui devient l'article 7). Sont abrogées toutes les dispositions contraires à la présente loi, qui deviendra obligatoire le 1er juillet 1849.»

Sur la proposition de M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin), la chambre ajourne le vote sur cet article au second vote, qui est fixé à lundi prochain.

Projets de loi de naturalisation

L'ordre du jour appelle en premier lieu le vote relatif aux demandes de grande naturalisation formées par les sieurs Delacroix et Libert.

Sur l'observation faite par M. Rousselle (et appuyée par M. Cools et M. Dumortier) que les rapports de la commission des naturalisations sur ces deux demandes portent la date du 10 mai 1847 et que la chambre renouvelée depuis, à la suite de la dissolution, n'en est pas validement saisie, la chambre renvoie ces deux demandes à la commission de naturalisation.

Prise en considération d'une demande en grande naturalisation

Demande en grande naturalisation du sieur Edmont-Godefrois-Ferdinand Vander Vrecken de Bormans

Voici le résultat du scrutin :

Nombre des votants, 66.

Boules blanches, 48.

Boules noires, 18.

En conséquence la demande du sieur Vander Vrecken de Bormans est prise en considération.

Ordree des travaux de la chambre

M. le président. - Je proposerai à la chambre de fixer son ordre du jour de demain.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, nous n'avons plus aucun projet à l'ordre du jour.

Je demanderai que l'on fixe l'époque à laquelle on discutera le projet de loi sur la compétence en matière criminelle. Le rapporteur de ce projet est absent, il a témoigné un grand désir d'être ici pour le moment où la discussion aura lieu.

On pourrait la fixer, selon moi, à mercredi, et l'on écrivait à l'honorable M. Jullien pour l'informer de cette décision.

Après ce projet viendrait celui relatif à la réduction du personnel des cours et tribunaux.

D'ici à mercredi nous avons pour lundi le vote définitif du projet de loi sur la réforme postale, et demain et mardi, on pourrait s'occuper de pétitions et de naturalisations.

M. Osy. - Je demanderai qu'on mette aussi à l'ordre du jour de demain les rapports de pétitions fats par la commission d'industrie. 11 y en a quatre ou cinq.

M. David. - J'appuie celle observation. Il est désirable que la chambre se prononce le plus tôt possible sur ces rapports.

M. Tesch. - Avant de fixer à mercredi la discussion du projet de loi sur la compétence en matière criminelle, il faudrait que M. le ministre de la justice fût consulté. Car nous serions peut-être dans le cas de faire faire une course inutile à notre collègue M. Jullien. Il m'a dit lui- même qu'il en avait parlé à M. le ministre qui lui avait témoigné le désir de postposer d'assez longtemps cette discussion. C’est même le motif pour lequel l'honorable M. Jullien a quitté Bruxelles.

(page 955) M. de Brouckere. - En ce cas je proposerai de fixer à mercredi la discussion du projet de loi sur la compétence en matière criminelle, sauf proposition contraire de M. le ministre.

M. Delfosse. - Je comprends que M. le rapporteur doit être averti si l'on met à mercredi la discussion du projet de loi sur la compétence en matière criminelle. Mais je ne vois pas la nécessité de fixer dès aujourd'hui l'ordre du jour de mercredi.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Si l'état de santé de M. le ministre des finances s'améliore, comme nous l'espérons, rien n'empêche qu'on conserve à l'ordre du jour le projet de loi sur les successions et la proposition sur les sucres.

M. H. de Brouckere. - Remarquez, messieurs, que la chambre reste dans la plus complète indécision ; si nous ne prenons aucune résolution aujourd'hui, mercredi nous n'aurons pas le rapporteur du projet de loi sur la compétence en matière criminelle, et peut-être M. le ministre des finances ne pourra-t-il pas défendre les projets dont vient de parler M. le ministre de l'intérieur; nous serions alors sans aucun projet de loi que nous puissions discuter. Il vaudrait mieux statuer aujourd'hui, et alors, sauf l'avis de M. le ministre de la justice, on écrirait immédiatement à M. le rapporteur. Ce que je crains, c'est que d'ici à quelques jours la chambre ne se trouve dans une telle position qu'elle ne puisse aborder aucun projet de loi.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Ce que j'ai dit n'infirme en rien la proposition de l'honorable M. de Brouckere ; je dis seulement que si la santé de M. le ministre des finances le permet, nous pourrons aborder mercredi le projet de loi sur les droits de succession ou le projet de loi sur les sucres.

M. Cools. - Nous aurons très prochainement à nous occuper de deux lois de finances fort importantes : la loi sur les droits de succession et la loi sur les sucres.

J'ai déclaré, il y a déjà quelque temps, que mon intention n'était pas de contrarier les convenances du gouvernement, quant à la mise à l'ordre du jour de ces objets; mais M. le ministre de l'intérieur vient de dire que nous pourrions nous occuper des droits de succession ou des sucres; je lui demanderai si l'alternative est indifférente au gouvernement. S'il en était ainsi, je proposerais de donner la priorité à la loi sur les sucres, car le résultat de la discussion de cette loi aurait, en ce qui me concerne, une influence sur le vote que je compte émettre sur certaines dispositions du projet relatif aux droits de succession.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'alternative est indifférente au gouvernement. Seulement je ne puis pas donner une opinion définitive avant d'avoir entendu M. le ministre des finances qui sera peut-être plus préparé à discuter le projet sur les droits de succession que l'autre.

M. Toussaint. - J'appuie la proposition de M. de Brouckere de mettre à l'ordre du jour de mercredi le projet de loi sur la compétence en matière criminelle. Ce projet n'offre pas autant de difficultés qu'il le semble ; la section centrale admet toute la seconde partie, et quant à la première partie, elle l'a seulement ajournée. Je crois que M. le rapporteur et M. le ministre peuvent très bien être prêts pour mercredi.

M. le président. - Ainsi l'ordre du jour serait fixé de la manière suivante : Mercredi projet de loi sur la compétence en matière criminelle, projet de loi sur les droits de succession ; projet de loi sur les sucres, sauf à voir quelle sera, d'ici là, la position de M. le ministre des finances et sauf, aussi, la question de priorité entre ces deux derniers projets; demain rapports de pétitions et rapports de la commission d'industrie, lundi vote définitif du projet de loi de réforme postale, et pétitions; mardi pétitions et autres objets de cette nature.

Maintenant il est indispensable que nous travaillions en sections, et je proposerai à la chambre de ne se réunir demain en séance publique qu'à deux heures.

- Cette proposition est adoptée.

La séance est levée à 3 heures 3/4.