(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 519) M. Troye procède à l'appel nominal à 2 heures.
M. T'Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Troye présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Jean-François Grégoire, mécanicien ajusteur, employé à l'administration des chemins de fer de l'Etat, né à Sainle-Marie-aux-Chesnes (France), demande la naturalisation avec exemption des droits d'enregistrement. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le sieur Debrun, juge de paix du canton de Waremme, présente des observations sur les projets de loi relatifs à la réduction du personnel des cours et tribunaux, et à la compétence en matière civile et commerciale et en matière criminelle. »
- Renvoi aux sections centrales chargées d'examiner les projets de loi.
La discussion générale est ouverte.
M. de Denterghem. - La discussion générale du budget des finances nous fournit, il me semble, l'occasion de traiter d'une manière générale la question des économies à introduire dans l'administration du pays.
Il ne s'agit pas, messieurs, d'introduire furtivement quelques petites économies dans l'un ou l'autre des budgets. M. le ministre des finances nous promet une économie immédiate de 372,800 fr., et pour l'année prochaine une économie de 900,000 fr.; et cependant, messieurs, le contribuable s'apercevra à peine de l'existence de ces sommes économisées.
Ceci prouve qu'il y a à faire et laisse préjuger ce qu'on pourrait faire. Ce n'est pas par de petites économies qu'on guérira le trésor, il faut beaucoup élargir ce terrain et chercher un système nouveau moins dispendieux.
Que de fois le mot économie a retenti dans cette enceinte depuis l'ouverture de la session, et que de fois aussi les propositions faites dans cette vue ont été repoussées par l'assemblée !
Cependant l'économie est un besoin des plus impérieux pour nous. Est-il quelqu'un qui en doute? Mais si cette conviction est si générale, comment alors expliquer les votes de la chambre?
Messieurs, il y a deux espèces d'économies ; les unes ruineuses, parce qu'elles tendraient à décourager des employés qui croiront leurs services méconnus, les autres parce qu'elles entraveraient la marche et l'action gouvernementale, et il s'agit plutôt d'éviter des difficultés que d'en créer de nouvelles.
Les économies utiles sont celles qui feraient disparaître un double emploi, ou bien celles qui tendraient à faire entrer le gouvernement dans un système nouveau, moins dispendieux. Le gouvernement a témoigné de la bonne volonté. Le budget qui est soumis à vos délibérations en est une preuve. Donc il partage nos convictions, et sous ce rapport il n'y a plus de discussion avec lui.
Reste à lui désigner quelques doubles emplois, échappés peut-être à sa perspicacité, ou bien à entrer avec lui dans la discussion des résultats que nous voudrions atteindre par les prochains budgets ; ou bien encore, lui désigner un système complet que nous désirons voir appliquer le plus promptement possible. A mon avis, le seul, l'unique système véritablement économique et utile, c'est celui qui est désigné par les règles de l'économie politique, la plus grande simplicité dans les rouages de l'administration.
Mais pour que ce système soit applicable, il faudrait presque qu'une seule pensée présidât à son organisation, qu'une grande uniformité d'action existât entre les différentes parties qui composent le gouvernement.
Réduire les appointements des fonctionnaires est une immense erreur. C'est de la parcimonie. C'est l'histoire de l'homme qui se prive de la nourriture nécessaire, et dont les forces s'épuisent à mesure que ses facultés intellectuelles s'affaissent. Au contraire, payez tous vos employés le plus largement possible; ne perdez pas de vue qu'à mesure que vous payerez mieux, vous serez mieux servi. Tout est relatif dans ce monde, tout se pèse et se compte.
Le gouvernement, comme un particulier, ne recevra que pour une somme égale aux avantages qu'il offrira.
Mais ayez à votre service un petit nombre d'hommes choisis, exigez d'eux un travail assidu, que tout leur temps, que toutes leurs facultés soient employés pour l'utilité de l'Etat, rendez-les responsables, comme le sont déjà aujourd'hui les premiers dignitaires de l'Etat, mais aussi donnez à chacun de ces hommes toute l'autorité nécessaire sur leurs subalternes; rendez-les forts et respectables.
Donnez-leur les éléments nécessaires pour accomplir la mission que vous leur imposez, et hâtez-vous de retirer comme inutiles ou nuisibles, ceux qu'ils repoussent : que leurs appointements soient d'autant plus considérables, qu'ils auront moins d'employés à leur disposition : c'est-à-dire, qu'ils soient d'autant plus payés, que leur travail sera plus assidu.
Vous éviterez les frais énormes de la bureaucratie, vous éviterez et les frais et les longueurs interminables de la correspondance des autorités entre elles. Vous éviterez les tiraillements qui proviennent des prétentions et des susceptibilités mesquines, inséparables des administrations trop nombreuses. Ce ne sont pas les gros appointements de quelques hommes qui menacent le trésor, c'est ce nombre considérable d'employés dont ils ne sont plus que les pachas ! Aujourd'hui ce n'est plus le travail de cette haute intelligence, que je consens à payer cher, qui se produit; c'est le travail de plusieurs hommes qui sont contrôlés du haut d'un fauteuil devenu par trop commode.
Si alors encore cet état de choses tournait au profit des agents subalternes, il y aurait au moins un bien ; mais non, c'est au contraire un moyen de les cacher et de les éconduire.
Combien de fois n'arrive-t-il pas qu'il y a parmi eux des hommes d'une haute intelligence ! Et ce degré de capacité tourne au profit de celui qui ne le mérite pas !
Par ce défaut d'organisation naissent ces injustices dont on se plaint et qui font crier à tort contre les gros appointements.
Ne regrettez pas cet argent s'il est donné à des hommes capables. Là, n'existe pas le défaut. Le défaut est celui que l'honorable M. Troye vous a désigné. Le défaut est le même que celui qui existait en France sous Louis-Philippe. L'idée que la faculté de nommer à ces emplois apporte toujours un nouveau contingent de force au gouvernement, est une grave erreur. Je m'arrête. Cette pensée a été développée par l'honorable M. Troye d'une manière trop lucide pour que j'essaye d'y ajouter un mot. En France on criait à la réforme d'une manière exagérée. En Belgique on crie souvent économie d'une manière tout aussi exagérée. Je désire que le gouvernement ne perde pas de vue cette similitude.
Revenons à mon idée primitive et je dis, au contraire, moins il y aura de places et moins il y aura de solliciteurs, et si l'on pouvait diminuer le nombre des solliciteurs, ce serait déjà un grand résultat.
A mesure que les esprits se porteraient moins vers la politique aride et passionnée, ils se porteraient davantage vers les améliorations matérielles qui rendront plus douce la condition de l'humanité ; vers les arts et métiers, le commerce, l'industrie, l'agriculture. On éviterait à tant de jeunes gens qui ont besoin de leur intelligence et de leurs bras pour vivre, de quitter étourdiment la carrière de leurs parents. Mais ici incomberait au gouvernement un nouveau devoir; il s'agirait de relever cette classe de la société par tous les moyens dont il dispose; il faut lui rendre accessibles toutes les distinctions qui sont à la portée des autres classes; et, sous ce rapport, nous avons des félicitations à adresser au gouvernement, il est entré dans cette nouvelle voie de progrès.
Comme l'honorable M. Troye, je me rallie à la généreuse pensée de M.de Gasparin, mais comme lui aussi je partage ses craintes.
Que d'ambitions malheureuses se sont transformées en mécontents ! Puis, tombant d'erreurs en erreurs, perdus au milieu des tourbillons de la politique passionnée, ces hommes deviennent comme le fléau destructeur de leur patrie.
Au contraire, si ces imaginations fortes et ardentes s'étaient plus exclusivement tournées vers les améliorations matérielles, ils auraient puissamment aidé à leur développement et seraient devenus une des gloires de la patrie.
Le grand perfectionnement des produits anglais, qui les fait estimer partout , et qui presque partout les fait dominer , est une des gloires de l'Angleterre. La classe dont je m'occupe maintenant ne peut-elle pas en revendiquer la plus large part?
Remarquez-vous en Angleterre ce triste débordement d'une sève vivifiante qui, dans d'autres pays moins avancés sous le rapport des intérêts matériels, devient, au contraire, un sujet d'entraves et de difficultés?
Tant il est vrai qu'un principe faux doit amener le mal comme un principe juste amène toujours le bien.
Le service civil de l'Etat est une carrière qui procure à celui qui l'exerce une plus grande somme de bien-être matériel, mais elle ne peut être uniquement un moyen d'existence.
La société doit être parfaitement libre de choisir les hommes qui lui conviennent et de repousser ceux qui ne lui conviendraient plus, et ceci pour le plus grand bien de tous et abstraction faite de toute individualité.
(page 520) Or, aurait-elle cette liberté vis-à-vis d’un père de famille qui n’aurait que son emploi pour moyen d’existence ? Donc, puisque cela peut devenir un embarras pour l’un et un malheur pour l’autre, il faut le prévoir et l’éviter.
Nul n'a le droit de vivre aux dépens de la société entière; si ce besoin existe, c'est un défaut qu'il est urgent de corriger.
L'intelligence et les forces physiques sont un capital dont chaque homme doit savoir tirer parti. La société lui doit aide et protection pour le développement de ce capital. C'est pourquoi, il faut que le gouvernement domine toutes les industries sans y participer, sinon il est exposé à être dans la nécessité ou de sacrifier une part des intérêts financiers de la nation ou de faillir à ses devoirs politiques.
En résumé, messieurs, pour réaliser des économies sérieuses et utiles, je désire limiter le plus possible le nombre des administrateurs, afin de les rémunérer le mieux possible. Je désire des administrateurs toujours agissant par eux-mêmes; des administrateurs responsables; des administrateurs forts, parce qu'ils disposeront des éléments qui leur sont nécessaires. Enfin, je désire que le gouvernement reste étranger à tout ce qui est du domaine de la spéculation particulière.
A cet égard, s'il est possible de revenir sur le passé, nous devrions le faire promptement par la considération suivante :
Les événements graves qui ont surgi il y a à peu près un an, nous ont surpris, et le trésor était dépourvu. De là la nécessité de recourir à un emprunt forcé, et, à mon avis, il faut éviter, par tous les moyens en notre pouvoir, d'être surpris de nouveau dans la même position ?
Les événements qui se sont passés ne peuvent-ils pas en engendrer d'autres, qui nous ramèneraient au même point.
Je pense que le gouvernement est obligé de le prévoir et de songer dès à présent aux mesures qu'il pourrait prendre pour éviter de puiser de nouveau aux sources qui lui ont fourni l'année dernière. Y recourir aussi fréquemment serait appauvrir le pays, et cela au début d'une crise plus longue et plus forte peut-être que celle où nous sommes encore, mais qui nous a frappés moins vivement que d'autres.
Je demanderai à M. le ministre de vouloir songer à faire rentrer dans le trésor des sommes engagées mal à propos dans l'industrie. Ces sommes, jointes aux économies promises dans le budget, pourraient former sans peser sur les contribuables, une petite réserve, dont l'existence donnerait tout au moins au gouvernement le temps de la réflexion dans un cas difficile. Puissions-nous réaliser ce projet sans être prévenus par les événements!
- Personne ne demandant plus la parole, la discussion générale est close.
M. T'Kint de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, en réclamant quelques mesures complémentaires pour améliorer les cadres de la nouvelle organisation, la section centrale a pensé que les réformes doivent, autant que possible, être amenées par le gouvernement lui-même, afin de les coordonner avec l'uniformité et la maturité qu'un pareil travail demande.
A mesure que les affaires de détail seront écartées de l’administration centrale, il sera possible de simplifier les écritures et de restreindre le nombre des employés.
L'administration des contributions directes, douanes et accises, est entrée dans cette voie. Mais nous devons constater à regret que l'administration de l'enregistrement et des domaines est restée stationnaire. Depuis quinze ans, elle n'a doté le pays d'aucune amélioration législative et le personnel est pour ainsi dire resté le même, malgré l'aliénation successive de plusieurs domaines.
Nous pouvons difficilement expliquer la répartition des fonctionnaires supérieurs de la direction générale. Ainsi la première division qui a dans ses attributions l'enregistrement, le timbre, les successions, les droits de greffes et d'hypothèques, n'a qu'un directeur et un chef de bureau ; tandis que la deuxième direction, chargée des affaires domaniales et des forêts, qui diminuent chaque année, se compose d'un directeur, de deux inspecteurs et de deux vérificateurs faisant fonctions de chefs de bureau. Nous ne comprenons pas la nécessité de donner à une simple division les proportions d'une direction générale et nous engageons fortement M. le ministre à examiner de nouveau si les besoins réels du service exigent un aussi grand nombre d'employés supérieurs.
Je saisirai cette occasion, messieurs, pour demander à M. le ministre des finances si les documents destinés à constater les propriétés et les droits acquis à l'Etat ont été transmis à la cour des comptes, conformément à l'article 48 de la loi de comptabilité générale. La cour des comptes et l'administration centrale des finances doivent être à même d'exercer leur contrôle non seulement sur les rentrées, mais aussi sur les revenus de toute nature que l'Etat possède et qui pourraient rester en souffrance. L'administration des Pays-Bas possédait des copies de tous les registres et sommiers relatifs aux propriétés de l'Etat; ces registres étaient conformes à ceux tenus par les agents en province; aucun changement ne pouvait y être apporté sans le consentement de l'administration supérieure; le numéro sous lequel un immeuble ou une rente figurait au sommier était invariable ; les tableaux indiquaient la situation et la nature des revenus tels que fermages, arrérages, produits de la pêche et des passages d'eau, etc. Nous doutons que ce travail ait été fait d'une manière complète; il est impossible d'en contester l'utilité. Quelle opinion aurait-on, messieurs, d'un propriétaire qui se contenterait de contrôler les comptes de recette de ses receveurs sans pouvoir se référer à des états de biens régulièrement établis ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable M. T'Kint de Naeyer veut bien reconnaître que l'administration des contributions est entrée très largement dans la voie des économies, et il lui en adresse ses félicitations; mais il n'en est pas de même, selon lui, en ce qui touche l'administration de l'enregistrement, qui jusqu'à présent n'aurait pas fait tout ce qu'elle devait faire dans l'intérêt public. Une semblable accusation, énoncée d'une manière si générale, sans qu'elle soit appuyée du moindre fait, de la moindre preuve, peut être, à bon droit, considérée comme une injustice. L'administration de l'enregistrement n'est pas restée stationnaire, à l'envisager au point de vue où se place l'honorable préopinant, c'est-à-dire an point de vue de l'amélioration du service et de l'économie à introduire dans l'administration, car les réductions opérées sur le service de l'enregistrement, tant à l'administration centrale qu'en province, s'élèvent, si ma mémoire est fidèle, à plus de 110,000 fr.
Une pareille somme prouve que l'on a fait de grands efforts pour réduire les dépenses, car l'administration de l'enregistrement ne comprend pas un personnel considérable.
Si l'honorable membre avait comparé la dépense au produit que donne l'administration de l'enregistrement, il se serait convaincu que les frais d'administration sont relativement peu importants.
L'honorable membre répète ce qui a été avancé dans une section et ce qui a été réfuté par les documents que j'ai fournis à la section centrale, à savoir que les fonctionnaires supérieurs sont relativement trop nombreux. Mais ce personnel se réduit en définitive à un directeur général, un inspecteur général et deux directeurs. Je ne puis compter, en effet, parmi les fonctionnaires supérieurs les chefs de bureau.
L'ensemble de l'administration, je le répète, est assez économique : les frais d'administration ne s'élevaient pas à plus de 6 pour cent avant la réforme que j'ai introduite, et ils seront encore assez notablement réduits par l'économie de plus de 100,000 francs qui figure au budget.
L'honorable membre m'a demandé si tous les documents exigés par la loi de comptabilité avaient été fournis à la cour des comptes. Je ne le pense pas. Nous sommes encore assez loin d'une exécution complète de cette loi ; !e gouvernement y travaille depuis assez longtemps déjà ; il est à désirer que l'on puisse parvenir à l'exécuter dans toutes ses dispositions dans le cours de cette année.
M. T'Kint de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, je crois que M. le ministre des finances n'a pas bien saisi le sens des premières observations que j'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre. J'ai remarqué dans les développements du tableau du personnel et des attributions qui est déposé sur le bureau, que la première direction qui a dans ses attributions l'enregistrement et le timbre, et, par conséquent, la partie la plus difficile de l'administration, n'a qu'un directeur et un chef de bureau, tandis que la direction des domaines et des forêts est composée d'un directeur, de deux inspecteurs et de deux vérificateurs.
Il est vrai que ces fonctionnaires remplissent les fonctions de chefs de bureau, mais ils ont à titre personnel des traitements correspondant à leur grade. Mon but a été d'engager M. le ministre des finances à examiner de nouveau si les besoins réels du service justifient le maintien dans la seconde direction de la direction générale, de l'enregistrement et des domaines, d'un nombre d'employés supérieur à celui de la première direction.
M. Mercier. - L’honorable préopinant a fait un reproche à l'administration de l'enregistrement de ne pas avoir réalisé des économies assez larges; il fonde principalement ce reproche sur ce que l'on aurait aliéné des domaines considérables depuis 1830, et que cependant le personnel n'a pas été réduit. Cette allégation n'est pas exacte ; il est vrai qu'une aliénation de domaines a été décrétée jusqu'à concurrence d'une somme de dix millions; mais jusqu'à ce moment il n'en a été vendu que pour environ deux millions, ce qui n'a pu naturellement donner lieu à une diminution sensible des frais d'administration.
Quant à la direction dont a parlé spécialement l'honorable membre, il faudrait être extraordinairement bien initié aux détails de l'administration pour pouvoir établir une comparaison exacte entre les exigences de son service et celles du service d'une autre direction. Les affaires domaniales donnent lieu à beaucoup de détails et soulèvent des questions de la plus haute importance. Les péages sont aussi du ressort de la même direction ; il est encore à remarquer que l'adjonction de la forêt de Soignes au domaine public a contribué à en augmenter les travaux.
Je ne crois pas qu'à moins de faire une enquête très minutieuse la chambre soit à même de se prononcer sur la question de savoir s'il y a dans une division un ou deux employés de trop ; le ministre seul peut juger si le nombre d'employés qui s'y trouvent est rigoureusement indispensable.
Il y a d'ailleurs lieu de supposer que ce sont les nécessités du service qui font que dans une division il y a plus d'employés que dans d'autres de la même administration.
Puisque j'ai la parole, je ferai une remarque sur le libellé de l'article qui est en discussion. J'ai pensé que M. le ministre des finances, en exécutant fidèlement, pour l'avenir, les nouvelles mesures d'organisation générale, respecterait cependant les positions acquises par d'anciens (page 521) fonctionnaires supérieurs. Je ne vois cependant figurer aux développements du budget pour les administrations centrales de l'enregistrement et du trésor public que des traitements de 4,800 fr. à 9,000 fr.
Je désirerais apprendre de M. le ministre que son intention est de conserver aux chefs d'administration actuels les avantages dont ils sont en position depuis plus de 18 ans. C'est là une mesure réclamée par l'équité.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les traitements sont indiqués au budget tels qu'ils doivent l'être régulièrement d'après les arrêtés organiques. Celui du directeur général est porté à 9 mille francs. Le directeur général de l'enregistrement est également porté à 9 mille francs. Il est vrai que les directeurs actuels jouissent d'un traitement de 10,500 fr. depuis un très grand nombre d'années. Ce traitement est maintenu, mais il n'en résulte pas d'aggravation de charges pour le trésor. Au point de vue de la chambre, cette question est indifférente ; la somme nécessaire pour parfaire le traitement se trouve sur les traitements d'autres fonctionnaires qui n'ont pas encore le traitement normal auquel ils pourraient prétendre. C'est une situation transitoire qui a été ménagée. Dans le sein de la section centrale, j'ai déclaré que cet état de choses serait maintenu.
- La discussion est close.
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 468,050.
« Travail extraordinaire : fr. 4,000.
« Total : fr. 472,050. »
- Adopté.
« Art. 3. Frais de tournées : fr. 7,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Matériel : fr. 40,000. »
- Adopté.
« Art. 5. Service de la monnaie : fr. 17,200. »
M. Osy. - Lors de la discussion de la dernière loi sur la monnaie, je me suis opposé à la confection de pièces de 25 fr.; et lors de la discussion du budget des voies et moyens, j'ai demandé à M. le ministre jusqu'à concurrence de quelle somme il avait autorisé la fabrication de ces pièces; il m'a répondu qu'il restait 7 millions sur la fabrication desquelles il n'y avait pas eu de décision prise.
Depuis la discussion du budget des finances, il est venu à notre connaissance un événement tout à fait inattendu, qui peut produire de grandes perturbations. C'est la découverte de mines d'or en Californie. D'après tous les renseignements qui nous arrivent des Etats-Unis, il paraît que ces mines d'or sont extrêmement riches et peuvent changer complètement le rapport qui existe aujourd'hui entre la valeur de l'or et celle de l'argent.
Je pense qu'il serait nécessaire que M. le ministre des finances, avant d'autoriser la confection des 7 millions, prît tous les renseignements possibles à l'effet de vérifier s'il ne serait pas convenable de ne pas donner suite au restant de la loi.
Vous savez aussi que, depuis que nous avons voté la loi, le gouvernement des Pays-Bas est revenu à un autre système, qui est le mien, en déclarant qu'il n'y aurait plus en Hollande que l'étalon d'argent. Quant à la pièce de 10 florins, elle ne sera plus considérée que comme marchandise, aussitôt que le gouvernement le trouvera convenable et pourra le déclarer par arrêté royal. On ne sera plus alors obligé de les recevoir. C'est bien dire qu'il n'y aura plus que l'étalon d'argent.
Après les événements de février, et moi-même j'y ai poussé, nous avons dû prendre une mesure pour avoir, aillant que possible, de la monnaie dans le pays. Nous avons décidé que l'on recevrait dans les caisses publiques les souverains anglais. Cette mesure a fait un bien infini au pays, parce que les pièces de 5 fr. et les pièces de 10 fr. s'exportaient ou se cachaient, parce qu'elles ne reparaissaient point, parce qu'il n'y avait presque plus d'argent dans la circulation du pays
Mais maintenant nous n'avons dans le pays que de l'or. Il est à espérer que, lorsque les banques seront dans une situation normale, le gouvernement prendra une mesure pour faire cesser le cours légal de la monnaie d'or anglaise; parce que, si les nouvelles d'Amérique se confirment, l’or viendra en abondance en Europe; la diminution de la valeur de l’or pourrait donc frapper sensiblement la Belgique.
J'insiste donc pour le gouvernement n'autorise à frapper les 7 millions de monnaie d'or qu'après avoir reçu les renseignements nécessaires qu'il doit lui être facile d'avoir par notre agent à New-York. Le commerce reçoit régulièrement des nouvelles à ce sujet ; le gouvernement peut également en recevoir sur cet événement inattendu, et sur ce qui doit avenir de cette découverte.
Je demanderai également à M. le ministre, aussitôt que les banques seront dans une situation normale, de prendre des mesures pour faire cesser le cours légal de la monnaie d'or anglaise.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai pas négligé de suivre avec attention les faits qu'a signalés l'honorable M. Osy. Aussi je n'ai pas encore pris de résolution définitive sur la demande qui m'a été faite d'autoriser la mise en fabrication des 7 millions de pièces de 25 francs.
On a offert de fabriquer cette quantité d'or, en faisant participer le gouvernement dans les bénéfices, pour une somme de 15 mille francs ; j’ai cru cependant devoir attendre avant de me prononcer. L'affaire est soumise à l'instruction.
Quant au deuxième point signalé par l'honorable membre, je pense qu'il y aura lieu de rapporter, dans un temps assez court, la disposition qui considère la guinée comme monnaie légale.
Le cours en est en effet un peu élevé au taux de 25 fr. 50. Il pourrait en résulter ultérieurement quelques préjudices pour le pays. Mais comme l'a très bien fait observer l'honorable M. Osy, une pareille mesure ne peut être prise qu'avec précaution.
Le gouvernement agira avec prudence et de manière à ménager la transition.
M. Veydt. - M. le ministre des finances vient de répondre que son intention est de faire cesser, comme le gouvernement en a le pouvoir, les effets de la loi qui donne cours à certaines monnaies étrangères. C'est une loi de circonstance, qui a été utile, mais qui n'a pas été faite pour durer. Il s'agit de saisir un moment opportun ; là est la précaution à prendre pour les intérêts de l'Etat.
Suivant moi, la situation des banques, en ce qui concerne la circulation de leurs billets aux conditions actuelles, ne doit pas exercer l'influence que lui attribue l'honorable baron Osy. De ce côté, il n'y a pas d'embarras à craindre. Ce qu'il faut avoir en vue, c'est le choix d'un bon moment pour déclarer que les monnaies étrangères privilégiées cesseront d'avoir cours aux taux fixés qui, en effet, sont assez élevés. Il y a quelques semaines, les circonstances étaient favorables et très probablement elles le redeviendront dans le cours de l'année. J'entends parler des souverains anglais, qui ne sont pas entrés aussi abondamment dans la circulation qu'on semble le croire.
M. Osy. - Messieurs, d'après la loi, on est obligé de prendre les souverains anglais au taux de 25 fr. 50 c. et le gouvernement les prend également à ce taux dans ses caisses. Si vous rapportez immédiatement la loi, le gouvernement sera obligé de recevoir dans ses caisses tout l'or qui se trouve dans la circulation, parce que vous ne pouvez empêcher l'importation de l'or dans le pays; ces opérations doivent se faire simultanément.
Vous ne pouvez donc rapporter la loi que lorsque le gouvernement et les banques seront en mesure de pouvoir reprendre l'or anglais qui se trouve dans le pays et l'exporter. Or, il faut une grande force financière pour pouvoir exporter les millions qui se trouvent dans le pays. Il faut donc, pour que le gouvernement rapporte la loi, que la position des banques permette cette mesure.
Je crois du reste que le gouvernement fera bien de s'occuper de cette affaire Si les nouvelles de l'Amérique sont exactes, et si la loi n'était pas rapportée dans le courant de l'année, il pourrait en résulter une grande perte pour le pays.
M. Toussaint. - Messieurs, je saisis cette occasion pour demander au gouvernement ce qu'il y a de vrai dans l'annonce que contiennent la plupart des journaux, qu'un ingénieur belge serait placé par le gouvernement à la tête d'une expédition qui se dispose à partir pour la Californie. Je crains que cette annonce, que je ne regarde pas comme réelle, qui me paraît être une réclame, ne produise un mauvais effet, en faisant croire que le gouvernement est intéressé dans cette entreprise qui est en dehors de notre commerce et de notre marine.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai pas ouï parler du fait qui vient d'être dénoncé par l'honorable préopinant. Je n'ai pas lu non plus dans les journaux que le gouvernement eût placé à la tête d'une expédition qui se rendrait en Californie, un ingénieur belge.
Rien de semblable n'émane du gouvernement. Je ne connais aucun fait qui ait trait de près ou de loi à la Californie et dans lequel le gouvernement serait intervenu.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je n'ai pas lu, messieurs, le fait auquel on fait allusion. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'aucun ingénieur belge n'a été placé à la tête d'une expédition pour la Californie.
Voici peut-être ce qui a pu donner lieu à ce bruit.
Des armateurs et des négociants ont communiqué au gouvernement un projet qui consisterait à diriger un armement dans l'océan Pacifique, vers la Californie. On croit qu'une certaine affluence d'émigrants, de pionniers américains se dirigeant sur ce point, il y aurait possibilité d'y vendre certains produits et que ce serait l'occasion de diriger l'expédition d'un navire chargé de produits belges vers cette contrée.
Voilà de quoi il s'agit. Pour le reste, j'ignore complètement ce qui peut avoir été publié, et je déclare formellement que le gouvernement belge n'a mis à la disposition de qui que ce soit un ingénieur pour se rendre en Californie.
- L'article est mis aux voix et adopté.
« Art. 6. Achat de matières et frais de fabrication de pièces de monnaie de cuivre (charges extraordinaires) : fr. 100,000. »
- Adopté.
« Art. 7. Magasin général des papiers : fr. 135,500. »
- Adopté.
« Art. 8. Rédaction de documents statistiques : fr. 19,500. »
- Adopté.
« Art. 9. Traitement des directeurs : fr. 69,000. »
(page 522) M. Osy. - A l'occasion du traitement des directeurs, je ferai remarquer à M. le ministre des finances que, d'après les états que j'ai vus à la cour des comptes, il existe encore plusieurs irrégularités quant aux cautionnements des comptables. M. le ministre doit veiller à ce que les cautionnements de tous les comptables soient régularisés d'après les arrêtés existants. Or, il y a des comptables qui n'en ont pas fourni ou qui n'en ont fourni que de provisoires. L'intérêt du trésor exige que l'on mette un terme à un semblable état de choses qui pourrait amener des pertes pour le trésor.
- L'article est adopté.
« Art. 10. Frais de bureau, de commis, de loyer, etc., des directeurs : fr. 17,550. »
- Adopté.
« Art. 11. Caissier général de l'État : fr. 250,000. »
- Adopté.
« Art. 12. Surveillance générale. Traitements : fr. 331,400. »
M. le président. - Cet article devra être voté par littera.
Un amendement a été présenté par M. Jullien au littera A. Il est ainsi conçu :
« Littéra A de l'art. 12 du projet de budget :
« Traitement des directeurs de première classe : fr. 8,000 ; de deuxième classe : fr. 7,500 ; de troisième classe : fr. 7,000. »
La parole est à M. Jullien pour développer son amendement.
M. Jullien. - Messieurs, il résulte des développements du budget soumis à nos délibérations, que les directeurs des contributions, douanes et accises dans les provinces sont divisés en trois classes. Je partage, messieurs, l'idée de cette classification ; mais ce que je ne puis admettre, c'est que les directeurs de la première, de la deuxième et de la troisième classe jouissent d'un traitement uniforme. En principe, le traitement doit être en rapport avec le rang personnel du fonctionnaire, avec l'importance et l'étendue de ses attributions.
En partant de ce principe, n'y a-t-il pas anomalie véritable à assimiler, sous le rapport du traitement, le directeur de première classe au directeur de troisième classe?
Le directeur de première classe est ordinairement le plus ancien fonctionnaire et jouit, à ce titre, du premier rang. N'a-t-il pas une besogne plus étendue? Ne rend-il pas plus de services que le directeur de troisième classe?
Les directeurs de première classe , placés dans les chefs-lieux de provinces les plus importants, ne sont-ils pas, d'un autre côté, messieurs, exposés à des dépenses de loyer, à des dépenses de la vie animale, beaucoup plus considérables que les directeurs de deuxième et de troisième classe ?
Sous ces différents rapports, est-il convenable que le directeur de la province de Brabant ou d'Anvers soit mis sur le même pied, par exemple, que le directeur de la province de Limbourg?
Nous pensons qu'il n'existe aucune raison fondée pour justifier l'uniformité de traitement proposée pour tous les directeurs, surtout si vous la mettez en regard de la classification admise pour tous les fonctionnaires qui sont leurs subordonnés. C'est ainsi, messieurs, que dans le projet de budget, on trouve, immédiatement après les directeurs, les inspecteurs en chef qui sont divisés en trois classes et dont les traitements sont différents.
Il en est de même des inspecteurs d'arrondissements, des premiers et seconds commis de direction. Si M. le ministre des finances a trouvé que les inspecteurs en chef, que les inspecteurs d'arrondissement doivent jouir d'un traitement proportionné au rang qu'ils occupent, réglé d'après la classe à laquelle ils appartiennent, comment se fait-il que les directeurs des provinces ne soient point soumis à cette règle commune?
Mais, dit-on, le chiffre de 8,000 fr. est le chiffre le plus bas auquel nous puissions descendre. Si cette objection était vraie, s'il était vrai que le directeur de troisième classe dût être rémunéré au moyen d'un traitement de 8,000 fr., il en résulterait, messieurs, que la chambre se montrerait injuste envers les directeurs de première classe, en ne leur assignant pas un traitement plus élevé que 8,000 fr.
En fait un traitement de 8,000 fr. me paraît suffisant pour rémunérer un directeur des contributions de première classe. C'est là, messieurs, une position fort belle dans l'ordre hiérarchique des fonctionnaires. A coup sûr aussi, des traitements de 7,500 et de 7,000 fr. suffisent largement pour rétribuer des directeurs de deuxième et de troisième rang.
On a prétendu, au sein de la section centrale, que les directeurs des provinces ne pourront plus réaliser aucun bénéfice sur leurs frais de bureau. Je me demande si jamais ces fonctionnaires (erratum, page 540) auraient dû avoir des bénéfices sur leurs frais de bureau. Je me demande, messieurs, s'il est permis de faire état d'une considération semblable pour perpétuer les conséquences d'un abus en maintenant les directeurs en jouissance de traitements trop élevés. Cette considération, nous devons la mettre tout à fait à l'écart.
Il est une dernière observation qui a été également produite à la section centrale par M. le ministre des finances, c'est que si vous n'admettez point le chiffre de 8,000 fr. pour tous les directeurs de province indistinctement, vous allez rompre l'égalité proportionnelle des traitements des fonctionnaires en sous-ordre.
Dans le système de l'amendement que j'ai eu l'honneur de vous présenter, cette égalité proportionnelle n'est pas anéantie; elle ne souffrirait pas la moindre atteinte, puisque les directeurs de première classe recevant un traitement de 8,000 fr., ceux de deuxième classe, un traitement de 7,500 fr. et les directeurs de troisième classe, un traitement de 7,000 fr., il y aurait encore une différence de 1,000 fr. entre le traitement d'un inspecteur en chef de première classe et le traitement d'un directeur de troisième classe, et une différence de 2,000 fr. entre le traitement d'un inspecteur en chef de deuxième classe et le traitement d'un directeur de première classe.
Il me paraît donc que, sans porter atteinte à l'équilibre des chiffres introduits dans le budget, on peut parfaitement se rallier à l'amendement que j'ai pris la confiance de vous soumettre.
La chambre a cru devoir réduire les traitements des membres de la cour des comptes; soyons justes, et réduisons également les autres traitements que nous trouvons trop élevés. Il ne faut pas, messieurs, que la cour des comptes puisse nous accuser d'avoir usé envers elle d'une sévérité arbitraire.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'amendement de l'honorable M. Jullien a déjà été produit dans les sections ; il y a été examiné, combattu et repoussé. Il a été de nouveau produit, examiné, combattu et repoussé dans la section centrale. Je crois, en effet, qu'il y aurait injustice à réduire les traitements des directeurs en province. La seule raison que donne l'honorable préopinant est celle-ci : « Les directeurs sont divisés en trois classes ; comment pouvez-vous attribuer le même traitement à des fonctionnaires de catégories différentes? » Cet argument n'est que spécieux.
Messieurs, on a cru devoir diviser les directeurs en trois classes; mais c'est là une distinction qui est en réalité purement honorifique ; arrivés à la partie la plus élevée de l'administration en province, ils ne pouvaient plus rien espérer, si ce n'est quelques distinctions de ce genre. Leur rang est le même, et c'est à tort que l'honorable préopinant a supposé qu'il n'en était pas ainsi; leurs attributions sont les mêmes, comme leur travail est à peu près le même. Et vous allez le comprendre sur-le-champ.
Tout travail de direction, proprement dit, qu'il s'applique à un nombre de personnes considérable ou restreint, est à peu près le même. Il est assez indifférent de prendre des résolutions, de donner des instructions pour 10,000, ou 100,000, ou 1,000,000 de personnes. Par exemple, il n'est pas plus difficile de préparer une loi pour la France que de la préparer pour la Belgique. Il n'y a pas plus de travail pour la direction générale dans ces matières; quelle que soit l'étendue du territoire ou l'importance de la population, les études préparatoires, la confection des lois, les instructions pour les exécuter sont manifestement les mêmes.
Certes je n'ai pas l'intention de grandir outre mesure les directions provinciales. Mais j'ai voulu faire comprendre qu'il ne faut pas juger absolument du travail qu'exige une direction par sa circonscription. Si, sous bien des rapports, les travaux des directeurs sont les mêmes, on sent qu'il n'est pas injuste de leur allouer des traitements égaux.
Et c'est ainsi que vous agissez sans contestation à l'égard des gouverneurs. Prenez-vous en considération pour les gouverneurs l'importance de la province? Dites-vous : Le gouverneur du Luxembourg doit avoir un traitement moins élevé que le gouverneur de Gand ? Cela ne doit certainement pas être, parce que la position est la même, parce que le rang est le même, et j'ajoute maintenant, quant aux directeurs et pour rencontrer une autre observation qui a été faite par l'honorable M. Jullien, parce que les dépenses sont aussi à peu près les mêmes. La vie animale est à peu près également chère dans les divers chefs-lieux de province; les loyers y sont à des prix qui ne diffèrent pas trop notablement. (Interruption.)
Nous parlons des directeurs de contributions qui ne sont pas logés aux frais de l'Etat.
Je dis que les directeurs sont tenus à des dépenses à peu près les mêmes, et cette observation qui, du reste, est secondaire à côté de celles que j'ai présentées tout à l'heure; cette observation mérite aussi d'être pesée.
Mais il est une autre raison pour laquelle l'administration a pensé qu'il était nécessaire de maintenir pour les directeurs une position analogue, quelle que fût leur résidence. Cette raison, la voici : c'est qu'il importe aux intérêts du trésor que les fonctionnaires investis du grade de directeur soient intéressés à rester dans leur province respective, à la bien connaître, à la bien administrer; il ne faut plus qu'ils soient préoccupés du désir de passer dans d'autres provinces, en vue d'un avantage pécuniaire. Ce sont là les principales considérations qui ont déterminé l'administration et qui ont été appréciées par la section centrale.
M. Jullien. - Messieurs, je pense que M. le ministre des finances n'a nullement rencontré les considérations sur lesquelles je me suis fondé pour demander que les directeurs de provinces ne soient pas rangés sur la même ligne quant au traitement. J'ai invoqué un principe, et ce principe n'a pas été combattu ; il ne peut l'être, parce qu'il est vrai : c'est que le traitement doit être en rapport avec le travail, avec le rang du fonctionnaire.
M. le ministre des finances me répond que le travail des directeurs de provinces est absolument le même. Je dis que le travail n'est pas le même.
(page 523) Telle direction de première classe embrasse un travail plus étendu que telle direction de troisième classe.
Les directeurs des provinces sont, entre autres travaux, chargés de l'examen des rôles de contributions et de patentes, des réclamations auxquelles ils donnent lieu, des présentations de candidats pour le personnel des douanes et accises, etc.
M. le ministre des finances prétendra-t-il qu'un directeur dans le Brabant n'ait pas, sous ce rapport, un travail beaucoup plus compliqué que le directeur de la province de Namur? En fait donc, il est avéré que les directeurs ne peuvent pas être rangés sur la même ligne sous le rapport du travail.
J'ai dit, messieurs, qu'une autre considération militait pour établir une différence entre les traitements des directeurs de province; j'ai allégué que, dans tous les chefs-lieux de province, les dépenses de la vie animale, les loyers ne sont pas les mêmes. M. le ministre des finances s'est élevé contre cette assertion ; vous lui avez répondu, messieurs, par un dissentiment unanime au moment où il l'a contestée.
Si le système de M. le ministre des finances est juste, si les directeurs des contributions, douanes et accises doivent être traités sur un pied d'égalité, je demanderai à M. le ministre comment il se fait qu'il ne traite pas sur le même pied d'égalité les directeurs du trésor, dont les uns, ceux de première classe, auront un traitement de 8,000 fr., et les autres, ceux de deuxième classe, un traitement de 7,000 fr.? Que M. le ministre veuille bien nous donner des raisons plausibles, pour justifier que les directeurs du trésor doivent ne recevoir que des traitements proportionnés au rang qu'ils occupent, tandis que les directeurs des contributions devraient jouir d'un traitement uniforme, parce que, dit-on, ils jouissent du même rang? S'ils jouissent du même rang, de grâce, veuillez donc supprimer les classifications de première, deuxième et troisième classe que vous proposez vous-même. Si les directeurs de provinces sont égaux en rang, il n'y a plus de distinction de classe à introduire parmi ces fonctionnaires, même à titre honorifique.
Il me semble dès lors incontestable que les directeurs du trésor doivent jouir d'un traitement différentiel, proportionné à l'importance des directions qui leur sont confiées, proportionné au travail attaché à ces directions et proportionné aux dépenses que chacun de ces fonctionnaires doit faire dans la résidence qui lui est assignée.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable préopinant vient de signaler comme une anomalie ce fait que le traitement des directeurs des contributions est uniforme, tandis qu'il ne l'est pas pour les directeurs du trésor ; c'est que l'honorable membre n'a pas lu avec attention les observations présentées diverses fois à cet égard, et qui ont été reproduites dans le sein de la section centrale ; c'est qu'on n'a pas cru opportun de toucher à la position des directeurs du trésor telle qu'elle existe aujourd'hui, une organisation nouvelle devenant nécessaire dans le cours de la session actuelle, en vertu de la loi de comptabilité qui déclare que le service du caissier de l'Etat sera organisé par une loi avant le 1er janvier 1850.
Jusqu'à présent, d'ailleurs, il n'y a pas eu de distinction, quant aux directeurs du trésor ; on faisait figurer en un seul chiffre ce traitement et les indemnités dont jouissaient ces fonctionnaires. J'ai cru devoir faire la division, afin de ne plus calculer la retenue pour la caisse des veuves sur ce qu'ils percevaient, mais sur ce qui devait être considéré comme leur traitement. Il n'y a pas d'argument à tirer de ces positions exceptionnelles provisoires des directeurs du trésor.
Si un exemple peut être pris quelque part, c'est dans l'administration de l'enregistrement. Cette administration est organisée définitivement et peut servir de terme de comparaison avec l'administration des contributions ; or, l'honorable membre a pu remarquer que les directeurs de l'enregistrement, comme les directeurs des contributions, ont un traitement de 8,000 fr., d'après les résolutions adoptées par le gouvernement.
L'honorable membre a prétendu que je n'ai pas répondu aux observations qu'il a présentées.
J'ai, dit-il, posé un principe; ce principe n'a pas été renversé, il ne peut pas l'être, il faut que les fonctionnaires soient payés suivant le rang qu'ils occupent et le travail qu'ils font.
Vous dites qu'il faut payer les fonctionnaires suivant leur rang; soit, mais alors expliquez pourquoi vous vous mettez en contradiction avec vous-même, puisque vous voulez des traitements différents pour des fonctionnaires du même rang. Vous violez le principe, parce que, dites-vous, les directeurs sont divisés en trois classes. Mais le titre honorifique de première ou de deuxième classe ne fait rien à la position réelle des directeurs.
Je puis dans l'arrêté organique ne pas faire de différence entre les directeurs; rien ne prouve que je maintiendrai la récompense nationale dont vous parlez. Je projetais de l'établir uniquement afin de pouvoir rémunérer par un titre honorifique ceux qui sont arrivés au sommet de la hiérarchie.
Le directeur de troisième classe, après un certain nombre d'années, pourrait devenir directeur de deuxième classe et enfin de première classe. Mais cela n'établirait aucune espèce de hiérarchie entre eux, le directeur d'Arlon ne serait pas pour cela subordonné à celui du Brabant ; ils sont, ils resteraient sur la même ligne ; ils ont, ils auraient les mêmes droits, les mêmes prérogatives, les mêmes charges.
Voyons la deuxième partie de l'axiome : Le travail n'est pas le même. Et moi je répète que pour tout ce qui est direction, le travail est le même. Je vous concède que le travail matériel s'accroît en raison de l'étendue et de la population de la province qu'il s'agit d'administrer.
C'est un point secondaire, beaucoup de fonctionnaires sont dans une position analogue, vous ne faites aucune critique quoiqu'ils aient le même travail. Ainsi, les gouverneurs de province ont un traitement égal quelle que soit la province ; et ce même traitement attribué aux gouverneurs ne suppose pas qu'ils aient tous absolument, identiquement la même besogne, qu'ils fassent le même travail ; il n'est douteux pour personne que l'administration de certaine province donne plus de travail que celle du Limbourg ou du Luxembourg. Personne ne songe, par cette seule considération, à placer les gouverneurs dans des situations différentes.
J'ajoute que la dépense est à peu près la même, que la vie animale est aussi chère à Gand qu'à Anvers, à Liège ou à Bruxelles, qu'elle est la même à Namur qu'à Gand. Vous prétendrez peut-être qu'elle est moins chère à Arlon. Si j'en crois les renseignements qui m'ont été communiqués, il en serait autrement.
L'honorable membre pourra donner son témoignage sur ce point, mais il m'a été attesté que les loyers y étaient à des prix très élevés, comme ils le sont en général dans les petites localités érigées en chef-lieu-de province.
Il est très difficile aux fonctionnaires de se loger convenablement dans ces villes. C'est ce qui arrive également à Hasselt.
Ces fonctionnaires placés dans une position supérieure, ayant des charges plus grandes pour leur famille à raison de leur position, ont aussi à faire des dépenses plus considérables pour l'instruction de leurs enfants que ceux qui se trouvent dans les grands centres de population.
Ce sont toutes ces considérations qui ont engagé à maintenir les mêmes traitements pour tous les directeurs de province.
J'ai indiqué un autre motif très sérieux qui n'a pas encore été rencontré, c'est qu'il importe hautement à une bonne administration qu'arrivés au sommet de la hiérarchie les fonctionnaires ne soient plus désireux de changer de position. Il faut qu'ils s'identifient avec leur province, qu'ils y restent aussi longtemps que possible. Il ne faut pas qu'ils aient le désir de passer dans une autre province. Lorsque le fonctionnaire ne se passionnera pas pour le service, pour l'administration dans sa province, il en résultera bientôt pour l'Etat un préjudice qui sera plus grand que la chétive économie que l'on veut faire. Ne s'agit-il pas, en effet, de quelques centaines de francs à prendre sur quelques directeurs de province, puisqu'on devra toujours maintenir des directeurs de première classe i C'est tout à fait insignifiant.
Et puis l'honorable membre entend-il limiter l'action du gouvernement touchant la classification à faire des fonctionnaires ? Si le gouvernement les plaçait tous dans la première classe, ou s'il faisait disparaître la classification, les considèrerait-il tous comme de troisième ou comme de première classe?
Il n'y a pas de motifs pour lui en dehors de ces catégories. C’est parce qu'il y a trois classes qu'il veut trois espèces de traitement. Une fois les classifications abandonnées, il renoncerait sans doute à établir une différence entre les traitements. C'est ce qui démontre la futilité des raisons données à ce sujet.
Je ne concevrais pas que la chambre fût disposée à se laisser entraîner sur ce terrain. Il n'y a déjà eu que trop de plaintes sur des économies faites sans intelligence appliquées uniquement à des réductions de traitement. Ces économies ne sont pas dignes de la chambre, ne sont pas dignes du pays. Nous en avons fait de plus grandes, de plus sérieuses et telles qu'il devait en être fait, par des simplifications, des suppressions d'emplois inutiles.
Lorsque je présente un budget offrant un million de réductions, cela vous donne suffisamment la preuve que le gouvernement a fait tout ce qui était vraiment possible pour diminuer les dépenses de l'Etat. J'y ai réussi, en ménageant les positions existantes, puisque tous les traitements,, sauf ceux excédant 9 mille francs ont été maintenus et que même les petites positions ont été améliorées. Les réductions sur les traitements, à de rares exceptions près, ne peuvent produire que des économies fâcheuses sans procurer aucun bien au trésor.
M. Loos. - Si j'ai demandé la parole, c'est moins pour appuyer la réduction proposée, que pour provoquer une différence entre les traitements des directeurs.
Je n'ai pas été touché des explications que vient de donner M. le ministre des finances. D'après lui, il conviendrait de maintenir une parfaite égalité entre les traitements des directeurs de province, parce qu'un directeur ne doit pas désirer passer d'une localité dans une autre.
Mais ce but sera-t-il atteint? Je ne le crois pas. Aujourd'hui, il existe, je crois, une différence assez importante entre les avantages dont jouissent les directeurs de première, de deuxième et de troisième classe. Les directeurs de troisième classe désirent devenir directeurs de première classe ; c'est un motif d'émulation ; ils témoignent des connaissances, du zèle, pour fixer l'attention du gouvernement, et pour arriver à la position à laquelle ils aspirent.
Si désormais vous placez tous les directeurs sur le même rang, l'homme que vous aurez jugé capable d'occuper la direction la plus importante du pays, celle d'Anvers, par exemple, qui est sans contredit aussi la plus difficile à gérer, s'il vient de la direction de Namur, il n'aura qu'un désir, celui de retourner à Namur, où la vie est à bien meilleur marché ; (page 524) parce qu'en définitive, en l'appelant à Anvers vous lui aurez imposé un surcroît de travail et un surcroît de dépense.
En France, les directeurs des douanes et des contributions ont subi aussi une réduction assez importante. Là, on n'a pas cru pouvoir agir comme le propose M. le ministre : on a maintenu trois catégories ; mais on y a attaché des traitements différents. Ainsi, en France, les traitements sont de 12 mille francs pour la première classe, 10 mille pour la deuxième, 8 mille pour la troisième. Cela se conçoit : Il y a des directions infiniment plus importantes que les autres. Vous détruisez toute émulation entre les fonctionnaires, si vous les mettez tous sur le même rang, quant au traitement. Cela me paraît une mesure fâcheuse.
Sans vouloir appuyer une réduction de traitement, je crois que, dans tous les cas, les directeurs de première classe, ayant à diriger des affaires plus importantes que les directeurs de deuxième et de troisième classe, doivent avoir un traitement plus élevé.
Je ne pense pas qu'il y ait lieu de réduire les traitements. Je ne ferais une proposition en ce sens que s'il n'y avait pas d'autre moyen d'établir une différence entre les traitements des directeurs.
Si M. Je ministre des finances veut attribuer aux directeurs de première classe un traitement plus élevé, plus en rapport avec leurs fonctions, avec leurs devoirs, je l'appuierai. Sinon je devrai appuyer une réduction sur les traitements des directeurs de deuxième et de troisième classe.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L’honorable préopinant me paraît supposer (en y réfléchissant, c'est ce qui me semble aussi résulter de la discussion) que j’établis une innovation; mais remarquez que je me borne à maintenir, quant aux directeurs, l'allocation que la chambre a votée tous les ans. L'organisation de 1846 n'a pas été modifiée en ce point; elle attribue aux directeurs de provinces un traitement de 8,000 francs.
Si les choses ont toujours été sur ce pied, que signifient les raisons données par l'honorable M. Loos, qu'on va détruire l'émulation, qu'on va placer sur la même ligne des fonctionnaires qui doivent se trouver dans des positions différentes? L'émulation n'a pas été tarie dans sa source depuis que cette organisation existe. Or, je n'y fais, sous ce rapport, aucun changement.
A-t-on vu, sous l'empire de cette organisation, les prévisions de l'honorable membre se réaliser? A-t-on vu des fonctionnaires manifester le désir de quitter une position importante, dans une ville de premier ordre, pour aller occuper des fondions moins laborieuses dans quelque petite ville à l'extrémité du pays? Si cet inconvénient ne s’est pas présenté dans le passé, pourquoi se présenterait-il dans l'avenir ? Et qui ne sent qu'il est peu à redouter?
Il me semble donc que les raisons qu'on fait valoir sont peu concluantes.
Je dois ajouter à ce que j'ai eu l'honneur de vous exposer, quant aux directeurs de province, que par suite de la suppression de l'abonnement sur lequel ils avaient un certain avantage, à tort ou à raison, nous n'avons pas à l'examiner ici, ils essuient déjà un préjudice assez notable.
Si donc on pouvait songer à établir la différence qui a été signalée par les honorables préopinants, si l'on pouvait songer à établir une différence entre les traitements des directeurs, ce n'est pas en ce moment qu'il y aurait lieu de le faire. Les directeurs de province se trouveraient frappés deux fois d'une manière sensible, et, à ce titre, il me serait impossible d’admettre la proposition qui vous est faite. Ce serait d'une rigueur inique vis-à-vis d'eux. Le préjudice qu'ils essuient parce qu'en fait ils jouissaient de certains avantages par l'abonnement pour frais de bureau, est certes suffisant dans les circonstances où nous trouvons.
M. Mercier. - J'appuie d'abord les observations de l'honorable M. Loos en ce qu'elles tendent à maintenir le chiffre porté au budget. Quant à la classification des directions, comme vient de le faire observer M. le ministre des finances, elle n'avait pas eu lieu précédemment pour l'administration des contributions directes, douanes et accises. Toutefois elle avait au contraire été établie pour l'administration de l'enregistrement et des domaines.
Au moment où l'on modifiait profondément l'organisation existante, il y avait à examiner si l'on adopterait ce qui s'était fait pour l'administration de l'enregistrement ou si l'on prendrait pour base ce qui existait dans l'administration des contributions. Le doute était permis à cet égard.
Mais il me semble qu'en admettant une division par classes, le gouvernement se réservait une faculté utile : par ce moyen, un fonctionnaire d'un mérite éminent, se trouvant dans une direction de troisième classe, pouvait être appelé à un poste plus important sans éprouver aucun préjudice.
J'aurais donc désiré que M. le ministre des finances eût adopté une différence dans les traitements basée sur l'importance des directions. Car si un directeur demande à changer de province, le gouvernement peut le lui refuser. Mais il reculera peut-être lorsqu'il s'agira d'appeler un homme capable, dans une province plus importante que celle où il se trouve, si les intérêts personnels de ce fonctionnaire en doivent être froissés.
M. le ministre des finances nous a parlé de l'abonnement; les directeurs avaient en effet un abonnement, bien que, dans l'origine, l'intention du gouvernement n'eût pas été d'en accorder un. Mais peu à peu les frais de matériel et de bureau ont été transformas en une sorte d'abonnement. Les directeurs des provinces importantes faisaient de cette manière un bénéfice que ne réalisaient pas en général les directeurs de provinces moins importantes. C'était là encore une classification de fait parmi les directions provinciales.
Ainsi, messieurs, je n'appuie pas l'amendement de l'honorable M. Jullien, en ce qu'il tend à réduire l'allocation portée au budget. Je ne pense pas qu'un chef d'administration, qui a un certain rang à tenir, puisse avoir un traitement inférieur à 8,000 fr. Mais puisque l'organisation n'est pas terminée, je demande que M. le ministre des finances, quand il s'en occupera, ait tel égard que de droit à mes observations, sous le point de vue de la classification des directeurs des contributions directes, douanes et accises et de l’enregistrement et des domaines.
M. le président. - Voici un nouvel amendement présenté par M. Loos.
Je propose de porter à 8,500 francs les traitements des directeurs de première classe; à 8,000 fr. les traitements des directeurs de deuxième classe; à 7,500 fr. les traitements des directeurs de troisième classe.
M. Loos. - J'ai dit, messieurs, que mon intention n'était pas d'appuyer une réduction sur les traitements des directeurs. Je n'ai pas voulu non plus proposer d'augmentation réelle au budget. Les chiffres que je viens de proposer auront pour effet de maintenir celui qui est proposé par le gouvernement. Seulement il y aura une différence qui, selon moi, n'est pas suffisante encore, mais il y aura une différence quelconque dans les traitements des différents directeurs des contributions, douanes et accises.
Cette différence, messieurs, existe à peu près chez tous les fonctionnaires de l'Etat. Les tribunaux ont des juges qui sont différemment rétribués selon les classes auxquelles ils appartiennent. On ne prétendra sans doute pas qu'un juge de tribunal de troisième classe doive posséder moins de connaissances qu'un juge de tribunal de première classe. Et cependant les traitements différent dans des proportions plus grandes que celles que je propose.
Sous tous les rapports il est désirable, ainsi que je l'ai dit, qu'on maintienne chez les fonctionnaires le désir d'arriver à un grade supérieur, d'acquérir dès lors plus de connaissances; il faut en un mot, maintenir cette émulation, qui doit exister dans toute l'administration.
M. T’Kint de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, la section centrale avait décidé en principe qu'il ne devait pas y avoir uniformité de traitement pour les employés divisés en classes; mais la majorité a renoncé à vous proposer une réduction sur le traitement de 8,000 francs, parce que, dans son opinion, on ne pouvait guère descendre en dessous de ce minimum, à moins de détruire l'égalité proportionnelle qui a été établie entre les différents grades. D'un autre côté, l'économie paraissait peu importante, puisqu'elle ne pouvait atteindre que trois ou quatre directeurs.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je dois faire une observation sur l'amendement qui vient d'être présenté par l'honorable M. Loos.
Je puis admettre cet amendement à titre de renseignement, à titre de conseil; je prends volontiers l'engagement de l'examiner. Mais la chambre n’est pas appelée à distribuer, à l'occasion du budget, les fonctions administratives en telles ou telles classes. Elle a à statuer sur l'allocation que j'ai proposée, et qu'elle peut augmenter ou réduire à son gré.
Dans les développements du budget sur lesquels la chambre ne vote pas, on donne des renseignements et notamment ces diverses classifications. Mais la chambre ne me paraît pas pouvoir voter un amendement décrétant qu'il y aura des directions de première, de deuxième et de troisième classe, auxquelles des traitements tels que l'indique l'honorable M. Loos seraient attachés.
Je répète que je puis admettre l'amendement à titre de renseignement, avec la volonté de l'examiner, parce que cet amendement emporte l'adoption du chiffre du gouvernement. Mais, de la part de la chambre, le vote sur l'amendement me paraît impossible.
M. Mercier. - M. le ministre des finances rient de présenter une observation que j'avais l'intention de faire, lorsque j'ai demandé la parole. Nous ne pouvons pas, en effet, voter cet amendement, car l'article de la loi se résume en un seul chiffre; nous avons vu, par les développements du budget, que l'intention du gouvernement, lorsqu'il a formulé ses propositions, était de n'établir qu'un traitement uniforme pour tous les directeurs dans les provinces; des observations très sérieuses ont été faites à cet égard, je crois que cela doit suffire; il s'agit ici d'une mesure purement administrative et nous ne pouvons pas, à mon avis, émettre un vote à cet égard.
L'intention de l'honorable M. Loos est de maintenir le chiffre actuel; mais ses observations, sous le rapport de la classification, tendent au même but que celles de l'honorable M. Jullien qui propose une réduction de chiffre. Je pense, avec l’honorable M. Loos, qu'il y a lieu d'adopter le chiffre du gouvernement.
Pour qu'il n'y ait pas d'équivoque, je crois devoir faire remarquer que lorsque je me suis prononcé pour la division des directions par classes, j'ai bien entendu que ce fût sous la réserve du maintien des positions acquise par les directeurs en exercice, à qui le gouvernement conserverait leur traitement actuel, comme il le fait, avec raison, pour les directeurs généraux.
M. Lebeau. - Messieurs, je ne m'occuperai pas de la question qui a été agitée jusqu'à présent et qui est, je crois, épuisée. On se borne, je pense, à recommander à M. le ministre des finances, d'examiner jusqu'à quel point la hiérarchie pourrait être établie entre les directeurs dans (page 525) les provinces; cette discussion, à mon avis, ne peut pas avoir d'autre résultat.
J'ai demandé la parole, messieurs, pour demander une explication. On transforme les abonnements en dépenses directes, c'est-à-dire que certains frais qui étaient à la charge des directeurs, moyennant une indemnité fixe, seront maintenant à la charge du gouvernement; je crains que la conséquence de cette transformation ne soit de changer de simples employés des directeurs en employés du gouvernement et de donner dès lors ouverture à de nouvelles pensions. Le système de l'abonnement s'applique en France sur une échelle beaucoup plus grande qu'ici ; il s'y applique non seulement, comme en Belgique, aux sous-préfectures, mais même aux préfectures, et le but en est de ne pas créer un trop grand nombre de fonctionnaires publics, ainsi qu'un trop grand nombre de pensions. Je crains que ce ne soit là, en définitive, le résultat de la mesure prise par M. le ministre des finances qui a cependant eu en vue de réaliser une économie.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, c'est dans un but d'économie que la mesure dont il s'agit a été prise, et ce but est atteint ; dès ce moment l'économie est acquise. L'honorable membre se dit : Mais dans l'avenir n'y aura-t-il pas une dépense plus considérable? Je réponds : Non, aussi longtemps qu'on le voudra bien. On ne crée pas de nouveaux emplois; la rémunération aura lieu à titre de salaire, conformément aux propositions faites par les directeurs, et ceux qui recevront cette rémunération ne seront pas fonctionnaires de l'Etat; ils n'auront pas de commission, pas de nomination ; ils n'acquerront pas droit à la pension. Il ne peut y avoir sous ce rapport aucun doute. Je ne prétends pas que, dans l'avenir, on ne songera pas à neutraliser les effets de la mesure dont nous nous occupons. Mais la chambre l'empêchera quand elle le voudra; et si la chambre jugeait à propos, ultérieurement, de consacrer un système moins favorable au trésor, on ne pourrait point l'imputer à la résolution qui a été prise aujourd'hui et qui est bonne en elle-même, on ne pourra l'imputer qu'à un acte nouveau dont répondront ceux qui l'auront posé.
M. T'Kint de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, la section centrale a partagé la crainte que l'honorable M. Lebeau vient de manifester; elle a cru aussi que le chiffre de 21,000 fr. pourrait successivement s'accroître, comme l'expérience l'a démontré pour d'autres articles du budget. M. le ministre vient de répondre en ce qui concerne la position qui sera faite aux expéditionnaires; mais il reste un autre point sur lequel je demanderai une explication, c'est le remboursement que le gouvernement fera aux directeurs pour frais d'impression , fournitures de bureau et autres menus objets.
Nous savons tous que l'abonnement donnait lieu à des abus ; mais lorsque le gouvernement se sera assuré de la somme qui est réellement nécessaire, ne serait-il pas préférable de rétablir l'abonnement et d'allouer à chaque directeur un maximum qu'il ne pourrait plus dépasser? Je demanderai à M. le ministre des finances, si la mesure qu'il a prise de payer ces frais directement sur états, est une première expérience ou s'il compte définitivement supprimer les abonnements.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne veux point, messieurs, énoncer un principe absolu en cette matière et déclarer que le système introduit aujourd'hui devra être maintenu à perpétuité ; le fait est que j'ai rencontré une chose que l'on pouvait jusqu'à un certain point, considérer comme abusive; je l'ai fait disparaître, et j'ai substitué à la marche qui a été suivie jusqu'à présent, un autre mode plus économique. Si plus tard ou constate que l'on peut adopter encore l'abonnement notablement réduit, il est possible qu'on y revienne; car, au premier abord on doit se dire que le système le meilleur est celui qui consiste à faire un abonnement avec les chefs de service. Comme leur intérêt est alors en jeu il y a certitude qu'ils ne dépenseront pas au-delà de ce qui est nécessaire. Cependant, messieurs, l'expérience a prouvé que l’abonnement finit par dégénérer aussi ; que s'il a des avantages, il a des inconvénients, et il est juste de le supprimer quand il devient préjudiciable au trésor.
M. Lebeau. - M. le ministre des finances se tromperait beaucoup s’il pensait que je suis son contradicteur ; je n'ai pas eu le moins du monde l'intention de critiquer la mesure qu'il a prise ; j'ai seulement voulu prévenir une conséquence qui me semblait dériver naturellement de ce que je croyais être une transformation véritable en employés de l'Etat de ceux qui sont aujourd'hui simplement les employés des directeurs. Je suis satisfait de l'assurance que M. le ministre vient de me donner, que la mesure dont il s'agit n'opérera point cette transformation.
M. Loos. - Messieurs, je retirerais volontiers l'amendement que j'ai proposé si M. le ministre voulait prendre, envers la chambre, un engagement plus formel que celui qu'il a énoncé. Si j'ai fait cette proposition, c'est que M. le ministre me semblait combattre l'établissement d'un traitement différentiel ; or, il a persisté à dire que, dans son opinion, les directeurs devaient être traités de la même manière. Pour le moment, M. le ministre me répond par une fin de non-recevoir, en disant que nous ne sommes pas appelés à voter sur le traitement des fonctionnaires.
C'est une doctrine que je ne puis pas admettre. Il figure, à ce chapitre, une somme de 331,400 francs; d'après M. le ministre des finances, nous n'aurions qu'à voter cette somme, et lui en disposerait, pour rétribuer, comme il l'entendrait, les fonctionnaires de son département. Je le répète, je ne puis pas admettre cette doctrine. Toutefois, si M. le ministre des finances déclare vouloir entrer dans les vues qui ont dicté mon amendement, je retirerai volontiers cette proposition.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je ne pense pas avoir énoncé une doctrine contre laquelle il y ait lieu de se récrier, en rappelant que la chambre, ayant à voter sur l'allocation de 331,400 fr., n'avait pas à voter un règlement d'administration, ou à fixer la position des fonctionnaires.
De deux choses l'une : ou l'administration est réglée par la loi ou elle est réglée par des arrêtés royaux. Aussi longtemps qu'il n'y a pas été pourvu par la loi, le Roi a le pouvoir de prendre toutes les dispositions pour assurer les services publics conformément aux lois.
A moins d'une exception expressément établie par une loi, le Roi nomme aux emplois d'administration générale. Il fixe, en conséquence, le rang et la position du fonctionnaire; il détermine son traitement. C'est à quoi il pourvoit par les arrêtés organiques. La chambre a incontestablement le droit de dire ensuite : « Je ne vous alloue pas les fonds nécessaires pour faire face à cette organisation; je n'accorde qu'une somme moins élevée. » Mais la chambre ne peut pas faire directement de l'administration, au lieu et place du gouvernement.
Aussi le budget ne contient-il qu'une allocation non détaillée pour une catégorie entière de fonctionnaires.
En France, les budgets sont beaucoup plus abrégés que les nôtres. La loi du budget, le tableau du budget, se réduit à quelques articles, et la section centrale a reconnu que le système français valait mieux que le nôtre.
Quant au fond de l'amendement, l'honorable membre demande que je m'engage à faire ce qu'il désire. Je ne puis aller jusque-là. J'ai fait connaître la pensée du gouvernement sur la position qu'il convient d'accorder aux directeurs provinciaux; j'ai cru que ce que je proposais était justifié; j'en ai exposé les raisons; un débat a eu lieu; les idées qui s'y sont produites peuvent éclairer le gouvernement.
Il est possible qu'un nouvel examen nous conduise à faire droit, dans une certaine mesure, aux observations de l'honorable M. Loos. Mais je ne puis pas dire dès à présent qu'il sera fait droit à ces observations. Il me paraît que l'engagement pris par le gouvernement, d'examiner et d'aviser, doit suffire en pareille circonstance.
M. Loos. - Messieurs, d'après ces explications, je retire mon amendement.
- La discussion est close.
M. le président donne une nouvelle lecture de l'amendement de M. Jullien.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, cet amendement présente le même inconvénient que celui qui vient d'être retiré. Il s'applique aux développements du budget. Or, la chambre ne vote pas sur ces développements. L'amendement doit donc se formuler en réduction de l'allocation.
M. Jullien. - Messieurs, j'ai suivi l'ordre que M. le ministre des finances a suivi lui-même en appelant la chambre, par son projet de budget, à voter des traitements déterminés, affectés à des classes également déterminées parmi les directeurs.
M. le président. - L'amendement de M. Jullien suppose une diminution de 4,500 francs sur le chiffre de l'allocation ; je mets donc aux voix le chiffre le plus élevé qui est celui du gouvernement et qui est adopté par la section centrale.
- Le chiffre du gouvernement est mis aux voix et adopté.
La chambre remet à demain la suite de la discussion.
- La séance est levée à 4 3/4 heures.