(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 513) M. Dubus procède à l'appel nominal à 2 heures et quart.
M. T'Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Dubus présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Les sieurs Rey, Fortamps et autres membres de la commission pour la réforme postale rectifient une erreur qui s'est glissée dans leur pétition du 8 décembre et présentent de nouvelles considérations en faveur de la réforme postale à 10 centimes. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur la réforme postale.
« Les docteurs en médecine, en chirurgie et en accouchements à Malines, demandent l'abolition de l'impôt patente sur ceux qui exercent la profession médicale. »
M. de Perceval. - Messieurs, le corps médical de Matines s'adresse à la législature, et demande, par la requête dont on vient de vous
Présenter l'analyse, l'abolition de l'impôt patente qui est prélevé sur l'exercice de l'art de la médecine. Je viens appuyer cette réclamation qui est à mes yeux des plus fondées. Cet impôt, il est permis de le dire, pèse injustement sur les médecins, car la patente ne devrait pas frapper une profession libérale.
Déjà plusieurs requêtes de cette nature ont été adressées aux chambres législatives. Les médecins et les sociétés médicales de la plupart des villes du pays, de Gand, de Louvain, de Termonde, de la province de Luxembourg, de Bruxelles, etc., et d'un grand nombre de campagnes, l'académie de médecine elle-même, si mes souvenirs sont fidèles, ont demandé l'abolition de l'impôt-patente. En Allemagne il n'existe pas, en France il a été aboli, et j'espère que la législature belge, à son tour, ne tardera pas à exempter les médecins de la patente. Ce sera de toute justice.
J'appelle l'attention sérieuse du gouvernement sur cette question, et je désire que cette exemption soit adoptée par M. le ministre des finances quand il nous saisira d'un projet de loi définitif sur les patentes.
Je demande que la commission des pétitions s'occupe de la réclamation émanée du corps médical de Malines et qu'elle nous fasse un prompt rapport sur l'objet important qu'elle traite.
- La requête est renvoyée à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
« Le conseil communal d'Héverlé réclame contre la nomination du bourgmestre de cette commune. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demanderai le renvoi de cette requête à la commission des pétitions, avec prière défaire un prompt rapport. Cette affaire, qu'on a cru utile de porter devant la chambre, est, au fond, très insignifiante; mais quelques personnes intéressées veulent lui donner des proportions qu'elle ne comporte pas. Il s'agit de la nomination d'un bourgmestre en dehors du conseil. Je serai charmé de profiter de la première occasion favorable pour donner de très courtes explications sur cette affaire, où le gouvernement est resté pleinement dans son droit et dans la loi.
Je demande donc que la commission veuille bien faire le plus promptement possible son rapport sur la pétition dont on vient de donner l'analyse.
- La proposition de M. le ministre de l'intérieur est adoptée.
« Plusieurs habitants de Turnhout demandent que la garde civique soit divisée en 2 bans et que le premier ban, composé de célibataires ou veufs sans enfants, de 21 à 35 ans, soit seul astreint, en temps de paix, aux obligations imposées par la loi sur la garde civique. »
M. Dubus. - Cette pétition, au bas de laquelle sont deux cents signatures, mérite l'attention de M. le ministre de l'intérieur. Elle demande que la garde civique soit divisée en deux bans. Ce n'est pas le moment d'entrer dans le fond de la question soulevée par les pétitionnaires. Je ferai remarquer que dans les petites localités la loi sur la garde civique ne doit pas être exécutée avec la même rigueur que dans les grandes villes. Ainsi par exemple, dans les petites localités où des armes n'ont pas encore été distribuées aux gardes, il n'y a aucun motif de faire faire M. ce moment l'exercice à ces derniers.
Je demande le renvoi de cette pétition à la commission, avec prière de faire un prompt rapport sur son objet.
- La proposition de M. Dubus est adoptée.
« Le conseil communal de Lombartzyde demande que le tribunal de première instance de Furnes soit transféré à Nieuport, s'il ne devait être maintenu à Furnes. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Deliége dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi sur les droits de succession.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et décide qu'elle s'occupera du projet à la suite des objets qui se trouvent à l'ordre du jour.
Les articles 1 et 2 n'ayant pas été amendés, ne sont pas soumis à un second vote.
« Art. 3. § 1. Aucune pension ne sera accordée pour cause de blessures, accidents ou infirmités , en dehors des conditions d'âge et d'années de service déterminées par la loi, si la réalité des blessures, accidents ou infirmités n'est constatée par une commission spéciale, à la majorité de quatre voix.
« § 2. Il y aura une commission par province. Elle sera nommée par arrêté royal et composée de six membres dont un magistrat de l'ordre judiciaire, deux membres de la députation permanente du conseil provincial, deux fonctionnaires supérieurs du département des finances et un fonctionnaire supérieur appartenant à un autre département ministériel. La commission sera renouvelée tous les trois ans. Un tiers sortira tous les ans. Le premier renouvellement se fera par la voie du sort. Les membres sortants pourront être renommés. Leurs fonctions sont gratuites.
« § 3. Il sera adjoint à la commission, avec voix consultative, deux docteurs en médecine et en chirurgie à désigner par la députation permanente dans la séance qui précédera immédiatement celle de la commission. Le procès-verbal de la commission indiquera, pour chaque prétendant droit à la pension, l'opinion individuelle des hommes de l'art.
§ 4. Si la nature des blessures, accidents ou infirmités ne permet pas à l'intéressé de se présenter devant la commission, cette impossibilité sera constatée par un certificat motivé de deux médecins à désigner par la commission. »
L'amendement à cet article consiste dans les mots : « à la majorité de quatre voix, » qui terminent le premier paragraphe.
- Cet amendement est mis aux voix et définitivement adopté.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, il y aurait une légère addition à faire au paragraphe 3 de cet article. Il n'y est pas dit de quelle manière les honoraires des docteurs en médecine et en chirurgie seront payés, ni par qui ils seront fixés.
Il faudrait une disposition additionnelle qui serait conçue ainsi :
« § 3. Leurs honoraires seront fixés par le gouvernement et payés par les intéressés. »
Cela a lieu aujourd'hui.
- Cette disposition additionnelle est mise aux voix et adoptée.
L'article 4 a été amendé au troisième paragraphe ; il est définitivement adopté en ces termes :
« Art. 4. Les crédits nécessaires au service des pensions seront portés du budget de la dette publique.
« Le budget du département auquel les intéressés ressortissent ne comprendra que les crédits destinés au payement du premier terme de leur pension.
« Chaque année le ministre, lors de la présentation du budget de son département, produira la liste nominative et détaillée des personnes admises à la pension dans le courant de l'année. Il indiquera aussi le nombre et le montant des pensions éteintes pendant le même terme, et des pensions qui restaient à servir à l'époque du 1er janvier. »
M. Toussaint. - Les pensions se payent habituellement par semestre. Il est sans doute entendu que le terme dont parle ici la loi, c'est l'année. (Oui ! oui !)
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous sommes d'accord.
L'article 6 est un amendement ; il est ainsi conçu :
« La loi du 21 juillet 1844 sur les pensions des ministres est abrogée. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Quelque difficulté que, comme membre du cabinet, je puisse éprouver à m'expliquer sur cet article, depuis le vote d'hier, je me trouve cependant dans une position plus nette et plus libre; la question personnelle, pour autant qu'on aurait pu la croire engagée dans cette discussion, a disparu quant à moi. Je suis donc plus à l'aise pour m'expliquer aujourd'hui au nom des intérêts du gouvernement. La chambre a décidé hier à une trop grande majorité pour revenir aujourd'hui sur sa décision que la loi du 21 juillet 1844 serait abolie ; mais a-t-elle entendu décider en même temps que le principe des pensions à décerner aux ministres serait également aboli ? A-t-elle voulu placer les ministres, par cela seul qu'ils sont les premiers fonctionnaires politiques de l'Etat, dans une position exceptionnelle et les frapper de ce que l'ancien droit appelait un privilège odieux?
Je ne pense pas que telle puisse être l'intention de la chambre. Elle veut sans doute que. les titulaires des fonctions ministérielles puissent (page 514) être appelés à jouir de la pension comme en jouissent les autres fonctionnaires. Je pense qu'il ne sera pas entré dans l'esprit de la chambre de renverser entièrement la loi de 1844, mais plutôt de la réviser. Cette loi a pu donner lieu en effet à des abus, alors même qu'elle était appliquée dans toute sa rigueur. Mais de ce que l'application d'une loi a pu ou peut donner lieu à des abus, il ne s'ensuit pas que le principe sur lequel elle repose constitue en lui-même un abus qu'il faille à tout prix extirper.
A mon avis il y a lieu de rétablir le principe d'une pension spéciale pour les ministres; à défaut d'une telle disposition, ces fonctionnaires, qui sont après tout la haute expression de l'opinion des chambres, se trouvent frappés d'une exclusion impolitique et imméritée. Un fonctionnaire public aura abandonné sa carrière administrative où déjà il avait acquis des droits éventuels à une pension par 25 années de service ; il passera trois années au ministère, il lui sera après cela matériellement et moralement impossible de rentrer dans la carrière administrative, d'accepter des fonctions subalternes des mains de ceux qui ont contribué à son renversement; il se verra privé non seulement des avantages qui devaient résulter pour lui des trois années d'exercice du pouvoir ministériel, mais des avantages qu'il avait acquis par 25 années de services administratifs antérieurs ; cela n'est pas acceptable.
Avec quelque passion qu'on ait critiqué la loi des pensions des ministres, je ne pense pas que dans le pays et encore moins dans cette chambre qui doit être la représentation de ses sentiments les plus élevés, je ne pense pas que personne veuille faire une position semblable aux fonctionnaires politiques de l'Etat les premiers en rang et qui sont en quelque sorte l'émanation de la chambre même.
Quel est le système à substituer au système qui a été aboli par le vote d'hier? C'est ce que la chambre ou le gouvernement, au besoin, devra rechercher.
Mais qu'il soit bien entendu que si, sans chercher à faire revenir la chambre sur son vote émis hier, nous acceptons purement et simplement l'article 6, c'est avec la réserve formelle qu'une disposition spéciale sera proposée à l'effet d'assurer à certaines conditions une pension spéciale aux ministres.
M. Delfosse. - Nous ne pouvons empêcher un ministre, pas plus qu'un membre de la chambre, de faire des réserves. Je n'ai qu'une chose à répondre à M. le ministre de l'intérieur : c'est que si nous sommes saisis d'une proposition spéciale, soit par le gouvernement, soit par suite de l'initiative d'un membre de la chambre, nous l'examinerons librement, consciencieusement.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous ne demandons pas d'autre vote à la chambre.
M. Delfosse. - Permettez-moi, messieurs, quelques mots sur un incident de la séance d'hier.
Je lis dans le Moniteur (paroles de M. Orts in fine) : «. Les explications nettes, loyales et vraies données par l'honorable M. de Theux n'ont été contestées par personne, elles n'ont pas été contestées notamment par les membres du cabinet qui ont concédé la pension dont il s'agit. »
Après ces paroles prononcées par M. Orts, le Moniteur ajoute : « De toutes parts. Très-bien ! »
Tout en rendant justice aux sentiments qui ont engagé l'honorable M. Orts à prendre la parole, je tiens à déclarer que je ne suis pas de ceux qui ont crié : Très bien! Je n'attribue pas aux explications de l'honorable M. de Theux la portée qu'on leur donne. Si je ne me suis pas levé pour les contester, ou plutôt pour les discuter, c'est qu'il est des choses d'une nature tellement délicate, tellement personnelle qu'elles ne doivent pas être l'objet des débats parlementaires.
- L'article 6 est mis aux voix et adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble de ce projet de loi.
En voici le résultat :
69 membres répondent à l'appel nominal.
64 votent l'adoption.
4 votent le rejet.
1 (M. Mercier) s'abstient.
En conséquence le projet est adopté.
Il sera transmis au sénat.
Ont voté l'adoption : MM. Mascart, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Peers, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Sinave, Thibaut, Thierry, T'Kint de Naeyer , Toussaint, Tremouroux, Troye, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alp.), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Allard, Ansiau, Boedt, Cans, Clep, Coomans, Dautrebande, David, de Baillet (H.), de Breyne, de Brouckere (H.), de Brouwer de Hogendorp, Debroux, Delescluse, Delfosse, d'Elhoungne, de Liedekerke, Deliége, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Perceval, de Pitteurs, Desoer, Destriveaux, de Theux, Dubus, Dumont, Jacques, Jouret, Jullien, Julliot, Lange, Le Hon, Lesoinne et Verhaegen.
Ont voté le rejet : MM. Schumacher, Anspach, de Pouhon et Lebeau.
- Le membre qui s'est abstenu est invité à faire connaître les motifs de son abstention.
M. Mercier. - Je n'ai pas voulu voter contre la loi, parce que je donne mon plein assentiment à celles de ces dispositions qui ont pour objet de prévenir des abus, et qui, du reste, eussent pu faire l'objet d'un règlement d'administration générale, aux termes de l’article 57 de la loi du 21 juillet 1844 sur les pensions. D'un autre côté, je n'ai pas adopté le projet, parce qu'il renferme d'autres dispositions auxquelles il m'est impossible d'adhérer.
M. le président. - L'ordre du jour appelle un rapport de pétitions.
M. H. de Brouckere. - Je demanderai si le bureau ne voudrait pas d'abord fixer l'ordre du jour de lundi.
M. le président. - Nous avons à l'ordre du jour de lundi le budget des finances.
M. Delfosse. - Il n'est pas certain que M. le ministre des finances sera lundi de retour à Bruxelles. On pourrait mettre à l'ordre du jour de lundi des rapports de pétitions et des naturalisations.
M. le président. - M. le ministre des finances m'a dit hier qu’il serait de retour lundi matin. On peut du reste mettre à l'ordre du jour de lundi, en même temps que le budget des finances, des pétitions et des naturalisations.
M. H. de Brouckere. - Il est bien entendu que si M. le ministre est présent, on commencera par le budget des finances.
- La chambre met à l'ordre du jour de lundi, le budget des finances, des rapports de pétitions et des naturalisations.
M. Van Grootven, rapporteur. - « Par pétition sans date, le sieur Dillen, ancien officier, demande qu'il soit mis un terme aux vexations que le colonel du troisième régiment de chasseurs à pied exerce contre les officiers et les soldats sous ses ordres. »
La commission propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Van Grootven, rapporteur. - « Par pétition datée de Dixmude, le 20 novembre 1848, plusieurs habitants de Dixmude demandent que la garde civique soit divisée en deux bans, et que le premier ban seulement, qui serait composé de jeunes gens et de veufs sans enfants, de 21 à 35 ans, soit obligé, en temps de paix, de se soumettre à toutes les obligations de la loi sur la garde civique.
« Même demande de plusieurs habitants de Roulers, Courtray, Termonde et Gand. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
M. Rodenbach. - J'appuie, messieurs, le renvoi de ces pétitions à M. le ministre de l'intérieur. Il en est de plusieurs villes et notamment de Roulers, de Gand, de Courtray, etc. Il paraît que ces réclamations soit assez générales, et je crois qu'il serait possible de faire quelque chose. On ne peut pas modifier une loi qui vient seulement d'être votée, mais on devrait être un peu moins rigoureux dans l'exécution ; on devrait autant que possible réserver le service actif pour les jeunes gens de 21 à 35 ans et ne pas faire exercer des hommes de 40 et de 50 ans. Lorsqu'on use de trop de rigueur, cela jette de la défaveur sur la loi et la fait devenir impopulaire.
On cite devant les conseils de discipline, on prononce des condamnations ; je voudrais qu'on usât de plus de modération.
Je demande que M. le ministre de l'intérieur examine mûrement ce qu'il y a à faire pour éviter ces réclamations.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, la loi sur la garde civique est de l'année dernière. Je ne sais pas comment l'apprécient quelques habitants de Roulers, mais dans le pays en général elle est loin d'être impopulaire; elle est, au contraire, très populaire, et je suis charmé d'avoir cette occasion de constater, sous ce rapport, encore l'excellence de l'esprit public. Partout, on peut le dire, cette loi est exécutée avec un zèle qui va parfois jusqu'à l'enthousiasme.
Il ne peut donc pas être question de revenir sur le principe même de la loi. (Interruption.) Les observations de M. Rodenbach attaquent la loi dans son essence.
Faut-il que la garde civique soit composée seulement de jeunes gens ou faut-il y admettre aussi les hommes d'un âge mûr jusqu'à 50 ans ? Voilà la question. Elle a été résolue dans ce dernier sens par la loi de l'année dernière, et je ne pense pas que le pays demande qu'on revienne sur cette loi. Messieurs, conservons la stabilité dans nos institutions et dans les lois qui en découlent. Evitons de modifier ces dernières à chaque instant et sans nécessité. Laissons s'exécuter successivement la loi sur la garde civique; elle est suffisante, elle est bonne, elle sera bonne, surtout aussi longtemps qu'elle sera soutenue de l'excellent esprit public qui distingue le pays. Avec un tel ressort, il est bien des difficultés de détail qui viennent à disparaître et la loi atteindra ainsi son but, sans modification nouvelle.
M. Van Grootven, rapporteur. - Je voulais donner à la chambre les motifs que M. le ministre vient de lui exposer. Lorsque nous avons demandé le renvoi à M. le ministre de l'inférieur, c'est parce nous avons pensé qu'il pourrait aviser s'il y avait lieu.
M. Rodenbach. - Messieurs, je n'ai pas demandé qu'on modifiât brusquement la loi sur la garde civique. J'ai dit qu'il y avait des plaintes, et la preuve qu'on n'est pas, dans toutes les villes, si enthousiaste de cette loi, c'est que M. le rapporteur nous a cité 12 ou 15 pétitions qui émanent non pas de villages, non pas même de petites villes, mais de (page 515) grandes villes, car j'ai entendu nommer Tournay, Gand, Courtray et autres localités de cette importance. Ainsi, l'enthousiasme dont on a parlé n'est pas si considérable qu'on veut bien le croire. Du reste, messieurs, j'ai dit que la loi devait avoir quelques années, d'exécution avant qu'on pût songer à la modifier; mais, j'ai ajouté que, dans l'exécution il faudrait se montrer moins rigoureux envers des hommes de 40 ou 50 ans, qui ont leur commerce, qui ont leur famille, et pour qui le service est souvent très pénible, tandis que les jeunes gens le font souvent avec beaucoup de plaisir.
Voilà tout ce que j'ai dit et je ne suis nullement venu demander qu'on bouleversât une loi, que j'ai moi-même votée.
M. le président. - Les conclusions de la commission tendent au renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il est bien entendu que c'est un renvoi sans aucune signification, que ce n'est pas du tout une invitation de modifier la loi sur la garde civique. S'il en était autrement, je devrais combattre les conclusions. Il n'entre pas dans nos intentions de présenter un nouveau projet de loi sur la garde civique, je le déclare formellement.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. Van Grootven, rapporteur. - « Par pétition, datée de Pont-à-Migneloup, le 29 juin 1848, le sieur Donnen, fermier de la barrière n°3 de Pont-à-Migneloup, prie la chambre de lui accorder la remise d'un quart sur le prix de location de sa ferme. »
« Par pétition datée de Gosselies, le 29 juin 1848, le sieur Kaise, fermier de la barrière n°2, de Gosselies, prie la chambre de lui accorder une remise d'un quart sur le prix de sa ferme.
« Par pétition datée de Weyler, le 8 octobre 1848, les fermiers des barrières situées sur les routes d'Arlon à Longwy, Virton, Habay, Bastogne, Steinfort et Geichel, prien' la chambre de statuer sur leur demande tendant à obtenir une diminution du prix de location de leurs barrières. »
« Par pétition sans date, les adjudicataires des barrières situées sur la route de Mons à Maubeuge et sur celle de Pâturages à Givry, demandent à être déchargés du défrayement des trois derniers douzièmes de leur fermage. »
« Même demande des adjudicataires des barrières situées sur la route de Mons à Chimay. »
La commission propose le renvoi de ces diverses pétitions à M. le ministre des finances.
- Adopté.
M. Van Grootven, rapporteur. - « Par pétition datée de Borghtgrave-Lombeek, le 10 juillet 1848, le sieur Van Vaerenbergh réclame l'intervention de la chambre pour obtenir l'exécution d'un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles qui ordonne au séquestre des biens délaissés par la demoiselle de Bie, de rendre son compte et de lui remettre les titres et papiers de la succession. »
La commission propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Van Grootven, rapporteur. - « Par pétition, datée de Munte, le 4 mai 1848, les sieurs Gremmens, Van Holstraete, Beirnaert et Peters, cultivateurs à Munte, réclament l'intervention de la chambre pour obtenir une indemnité du chef d'abattage de leurs vaches atteintes de maladie contagieuse. »
La commission propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Van Grootven, rapporteur. - « Par pétition, datée de Bruges, le 14 septembre 1848, le sieur Lagauw, jardinier à Bruges, demande une indemnité pour perte de bétail. »
La commission propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Van Grootven, rapporteur. - « Par pétition, datée de Warneton, le 20 février 1848, les demoiselles Vandebeussche, fermières à Warneton, réclament l'intervention de la chambre pour obtenir une indemnité du chef de bestiaux perdus par suite de maladies contagieuses. »
La commission propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Van Grootven, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 14 novembre 1848, le sieur Van Assche demande que ses habitations, louées à la semaine au-dessous de 1 fr. 27 c., ne soient point soumises à la contribution personnelle. »
La commission propose le dépôt au dépôt des renseignements.
- Adopté.
M. Van Grootven, rapporteur. - « Par pétition datée de Schaerbeek, le 21 novembre 1848, le sieur Beys, ancien capitaine, prie la chambre de lui accorder une pension. »
La commission propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Van Grootven, rapporteur. - « Par pétition datée de Soignies, le 4 novembre 1848, le sieur Gardinael, ancien militaire congédié pour infirmités contractées au service, demande une pension. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre de la guerre.
- Adopté.
M. Van Grootven, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 15 novembre 1848, le sieur Leemans réclame contre l'augmentation d'impôt qu'on lui fait subir chaque année, et demande qu'on n'exerce pas contre lui les poursuites dont on l'a menacé. »
La commission propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Van Grootven, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 23 novembre 1848, le sieur Libert, ancien commis des accises, demande que ses années de services militaires puissent lui compter pour la pension. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre des finances.
- Adopté.
M. Van Grootven, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 23 novembre 1848, le sieur Vanderlinden, ancien gendarme, prie la chambre de lui accorder une pension ou un emploi. »
La commission propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Van Grootven, rapporteur. - « Par pétition datée de la Xhavée-Souverain-Wandre, le 6 décembre 1848, quelques habitants de la Xhavée-Souverain-Wandre demandent que les hameaux de Xhavée-Rabosée, Chefneux, Lamotte, Riesvoye et la partie droite de Souverain-Wandre soient séparés de la commune de Wandre et forment une commune distincte. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. Van Grootven, rapporteur. - « Par pétition datée de Tongres, le 12 décembre 1848, plusieurs sergents de la première compagnie de la garde civique de Tongres demandent que le gouvernement fasse délivrer des fusils à la garde civique de cette ville. »
La commission propose l'ordre du jour.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ferai observer, messieurs, que le gouvernement a fait délivrer à la garde civique toutes les armes qui étaient à sa disposition. M. le ministre de la guerre s'est même dessaisi d'une quantité de 20,000 fusils pour le département de l'intérieur. J'ai déjà indiqué la nécessité où se trouverait le gouvernement de demander un crédit spécial destiné à faire confectionner des armes pour la garde civique; mais je dois dire que dans la plupart des villes les plus importantes et dans un grand nombre de villes de deuxième ordre la garde civique est aujourd'hui armée.
M. Van Grootven, rapporteur. - Ce sont les motifs que M. le ministre de l'intérieur vient d'exposer qui ont engagé la commission des pétitions à proposer l'ordre du jour.
L'ordre du jour est mis aux voix et adopté.
M. Van Grootven, rapporteur. - « Par pétition datée de Froidmont, le 29 novembre 1848, quelques habitants de Froidmont demandent la révision des lois sur l'expropriation forcée et sur les faillites. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Van Grootven, rapporteur. - « Par pétition datée de Malines, le 14 novembre 1848, la dame Verbist, veuve du sieur Riglé, ancien commis au bureau des postes à Anvers, prie la chambre de lui accorder les arriérés de sa pension. »
Renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté. .
M. Van Grootven, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 31 mars 1848, les administrations communales de Saint-Gilles, Uccle et Droogenbosch présentent des observations contre la pétition qui a pour objet la fermeture des ateliers de travail dans les prisons, les congrégations religieuses et les dépôts de mendicité. »
La commission propose le dépôt au bureau des renseignements.
- Adopté.
M. Van Grootven, rapporteur. - « Par pétition datée des Abeyes, le 1er décembre 1848, le sieur Pierlot, propriétaire et cultivateur, demande de pouvoir se servir d'une cuve de vitesse en jouissant de la remise accordée par l'article 5 de la loi sur les distilleries, et prie la chambre de prendre une disposition qui autorise, les petits cultivateurs à conserver deux chaudières avec remise des droits. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre des finances.
- Adopté.
M. Van Grootven, rapporteur. - « Par pétition datée de Herenthals, le 16 novembre 184S, le sieur Sirmons prie la chambre de faire obtenir à sa mère l'indemnité qui lui revient du chef de la cession faite à l'Etat, en 1846, d'une parcelle de terre située à Herenthals, le long du petit bassin du canal de la Campine. »
La commission propose le renvoi à M. le' ministre des travaux publics.
M. Dubus. - Messieurs, je viens appuyer les conclusions de la commission des pétitions.
La veuve Simons se trouve à la tête d'une nombreuse famille, et ses moyens d'existence sont très médiocres. Déjà depuis deux années le gouvernement lui doit une somme de 611 fr. 90 c. du chef d'emprise de terrains. Il est déplorable qu'on tarde ainsi à acquitter une aussi juste créance. Je regrette que M. le ministre des travaux publics ne soit pas ici ; toutefois je suis persuadé qu'il s'empressera de satisfaire immédiatement la veuve Simons, en lui payant non seulement le capital qui lui est dû, mais aussi l'intérêt des deux années échues depuis le fait de l'emprise. L'équité, me semble-t-il, exige que ces intérêts soient intégralement payés à la pétitionnaire.
M. Van Grootven, rapporteur. - Ce sont ces motifs qui ont engagé la commission à demander le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Le renvoi à M. le ministre des travaux publies est mis aux voix et adopté.
M. Van Grootven, rapporteur. - « Par pétition datée d'Anvers, le 4 décembre 1848, les sieurs Outshoorn, Cupems et Telghuys prient la chambre de les indemniser des pertes qu'ils ont subies par suite des évènements de guerre de la révolution. »
La commission propose l'ordre du jour.
M. Osy. - Messieurs, dans la loi des indemnités on a introduit une stipulation, aux termes de laquelle les Hollandais qui avaient des réclamations à faire, étaient exclus de la liquidation. Je me suis fortement opposé à cette mesure; mais comme elle a été consacrée, je crois que la commission des liquidations a dû, à la lettre, exclure tous ceux qui étaient nés en Hollande. Les pétitionnaires se sont également adressés au gouvernement, (page 516) et le gouvernement, prenant la loi à la lettre, a pareillement écarté la réclamation de ces personnes. J'appuie, moi, leur demande. Ce sont bien des personnes nées en Hollande, mais qui habitaient déjà la Belgique sous l'empire.
Je ne pense pas que la législature ait voulu exclure les Hollandais qui étaient devenus des habitants de la Belgique, qui avaient épousé des femmes belges, qui avaient des enfants nés en Belgique, qui avaient leurs propriétés, tous leurs intérêts en Belgique.
Je demande le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur, qui examinera s'il y a lieu de présenter, en faveur des intéressés, un projet de loi spécial. Leur réclamation ne monte qu'à 10,000 fr.
M. Van Grootven, rapporteur. - Le chiffre de la réclamation s'élève à une somme de 10,111 fr. 78 c.
La commission de liquidation n'a pas cru pouvoir leur accorder cette remise, attendu que la loi stipulait que la remise ne pouvait se faire qu'aux Belges et aux étrangers appartenant à des nations avec lesquelles la Belgique n'était pas en hostilité.
Les trois pétitionnaires sont Hollandais de naissance, établis depuis longtemps en Belgique, mais ne se sont jamais fait naturaliser.
Votre commission estime que leur demande n'est pas fondée et a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.
M. De Pouhon. - Messieurs, j'appuie la proposition de l'honorable baron Osy. Il s'agit de Hollandais qui habitent depuis longtemps le pays. L'un d'eux était à Naples où, pendant un long séjour, il ignora les formalités que la Constitution imposait pour acquérir la qualité de Belge. Un autre, presque octogénaire, a des enfants nés en Belgique d'une mère belge. C'est à eux, à des Belges par conséquent, que l'indemnité profitera réellement, si l'indemnité est accordée. La commission de liquidation, ayant dû s'en tenir à la lettre de la loi, en a exprimé son regret dans le rapport qu'elle a fait en 1846 au ministre de l'intérieur, et elle a témoigné le désir qu'il fût pourvu à cette réclamation par une loi spéciale.
M. Van Grootven, rapporteur. - La commission des pétitions joint ses regrets à ceux de la commission de liquidation ; mais en strict droit, les pétitionnaires n'ont aucun titre à obtenir une indemnité.
M. De Pouhon. - Il n'y a pas de réclamation plus légitime ; les pétitionnaires remplissent, depuis 40 à 80 ans, les devoirs du citoyen belge; ils en ont supporté toutes les charges ; ils ont concouru aux emprunts forcés qui ont été faits au commencement de la révolution comme à ceux de l'année dernière. Ils ont participé, en leur qualité de contribuables, au payement de l'indemnité accordée par la loi du 1er mai 1842, aux régnicoles et aux étrangers qui avaient essuyé des pertes à la suite des événements de la révolution. Ils se sentent justement froissés dans leurs sentiments de se voir traités en ennemis dans un pays où ils ont leur famille et leurs intérêts.
M. Osy. - Je conçois que la commission des pétitions, ne connaissant pas tous les faits, ait proposé l'ordre du jour ; mais d'après les explications qui viennent d'être données, le gouvernement ne peut pas se dispenser d'examiner de nouveau la question, et de proposer, s'il y a lieu, un projet de loi spécial.
Je persiste donc à demander le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur.
M. Vanden Branden de Reeth. - Messieurs, je ne vois aucun inconvénient à changer les conclusions qui sont proposées par M. le rapporteur. Mais la commission ne pouvait pas proposer d'autres conclusions en présence de la loi sur les indemnités. Toutefois, comme on vient de le faire observer, il s'agit ici d'un cas particulier ; la chambre peut l'apprécier, et, s'il y a lieu, accorder un crédit spécial, pour faire face à cette dépense.
M. Van Grootven, rapporteur. - Messieurs, voici comment s'est exprimée la commission de liquidation :
« La commission, en terminant ce rapport, se permettra d'exprimer un regret, c'est que l'application du principe qui exclut du partage les personnes appartenant à des nations avec lesquelles la Belgique était en hostilité, ait dû paraître dans certains cas fort rigoureuse. C'est ainsi qu'il a fallu rejeter les réclamations formées par des individus établis depuis un grand nombre d'années dans le pays, mais qui n'avaient pas perdu leur qualité de Hollandais ; d'autres fois pour des familles composées de trois frères et sœurs belges, de père en fils, la commission a dû diminuer le chiffre nominal des pertes d'un tiers, parce qu'une des filles avait épousé un Hollandais.
« Le total des rejets prononcés par suite de l'exclusion que nous venons d'indiquer, n'a pas été considérable ; il n'a pas atteint fr. 150,000 (somme nominale), à répartir entre 20 à 30 individus, et encore un tiers de cette somme a été réclamé par la société de commerce des Pays-Bas, être moral, exclu par cette autre disposition générale de la loi, qui veut que les pertes aient été essuyées par des individus. »
Ainsi vous voyez que la commission de liquidation a été obligée de distraire un tiers de l'indemnité qui était due parce que la fille d'un ayant droit avait épouse un Hollandais.
Vous pouvez ordonner le renvoi au gouvernement; mais il rencontrera, je pense une barrière, qu'il ne pourra pas franchir.
M. de Luesemans. - Nous sommes en présence de deux propositions, celle de la commission et celle de l'honorable M. Osy. Il a été donné des explications sur des détails qui devront être appréciés; si le renvoi demandé n'a pas d'autre portée que de faire examiner les faits par le ministre qui dans le cas où il les trouverait assez importants pour faire l'objet d'un projet de loi, en présenterait un, je ne vois aucun inconvénient au renvoi ; toute discussion ultérieure est en ce moment sans objet.
M. de Haerne. - Messieurs,, la question est plus sérieuse que ne semble le penser l'honorable préopinant. Il s'agit, d'après la proposition de M. Osy, de déroger à la loi. Je ne m'y oppose pas, seulement je veux faire voir que la question est plus grave que ne semble l'indiquer M.de Luesemans. Si les faits annoncés par l'honorable M. Osy sont exacts, je serai le premier à demander qu'on déroge à la loi existante, qu'on présente un projet de loi spécial. C'est une question de bonne foi ; il faut examiner les faits, il faut voir si ces personnes ont eu les intentions qu'on leur attribue. Sous ce rapport, je ne m'oppose aucunement au renvoi à M. le ministre de l'intérieur, pour qu'il fasse un examen sérieux et présente un projet de loi s'il y a lieu.
Après les faits signalés à l'ordre du jour, qui implique toujours une désapprobation, serait une décision rigoureuse.
M. de Baillet (Hyacinthe), ancien membre de la commission de liquidation. - C'est avec un vif regret que je me suis vu dans l'obligation d'exclure du bénéfice de la loi d'indemnité ces anciens habitants de la Belgique ; mais d'après les termes précis de la loi la commission ne pouvait pas agir autrement qu'elle ne l'a fait, bien qu'elle trouvât très dur d'exclure du bénéfice de l'indemnité des hommes qui avaient contribué à toutes les charges publiques, tandis qu'on y admettait les étrangers.
Je suis heureux de pouvoir appuyer la proposition de l'honorable M. Osy, à laquelle d'autres membres se rallient.
M. Sinave. - Nous sommes tous d'accord.
M. Van Grootven, rapporteur. - Remarquez qu'il ne s'agit pas seulement de 10,111 fr., mais que si la réclamation était admise, c'est 150,000 fr. que l'on mettrait à la charge de l'Etat, parce que toutes les personnes exclues par les mêmes motifs s'empresseraient de réclamer, et les réclamations écartées par la commission par le motif qui a fait écarter la demande du pétitionnaire s'élèvent à 50 mille francs. Je regrette que l'honorable M. Lebeau, qui a présidé cette commission, soit absent, car il aurait pu donner des renseignements curieux.
M. Rodenbach. - Comme vous venez de l'entendre, il ne s'agit pas seulement d'une somme de 10 mille francs, car il y a d'autres réclamations semblables qui, dit-on, s'élèvent à 150 mille francs. C'est une question assez grave. Je pense que nous devons nous borner à envoyer la pétition au bureau des renseignements. Si la réclamation des pétitionnaires est fondée, rien ne s'oppose à ce que l'honorable M. Osy prenne la pétition au bureau des renseignements et en fasse l'objet d'une proposition ; dans ce cas, la chambre sera assez juste pour l'admettre.
Il est inutile d'ordonner le renvoi à M. le ministre des finances.
M. De Pouhon. - Qu'il s'agisse de 150,000 fr. ou de 10,000 fr., si la réclamation est fondée, il faut payer; mais on se trompe sur le chiffre des réclamations qui pourraient survenir, car on y fait figurer la société de commerce des Pays-Bas ; or, la loi n'accordant d'indemnité qu'à des individus, la société de commerce a été exclue, à ce titre, du bénéfice de l'indemnité.
M. de Haerne. - S'il s'agissait de trancher la question par le renvoi qu'on propose, je ne l'appuierais pas. En demandant le renvoi de la pétition au ministre, j'ai entendu qu'il voulût examiner la question et présenter un projet de loi s'il trouvait que les pétitionnaires eussent des droits réels. J'ai assez de confiance dans le patriotisme des ministres, pour croire qu'ils ne proposeraient pas d'imposer des charges au pays au profit d'individus dont les droits ne seraient pas parfaitement établis.
- L'ordre du jour n'est pas adopté.
Le dépôt au bureau des renseignements est ordonné.
M. Vanden Branden de Reeth, deuxième rapporteur. - « Par pétition datée d'Anvers, le 13 décembre 1848, plusieurs négociants, commissionnaires, armateurs et industriels à Anvers, demandent une loi décrétant que les navires venant des pays de production hors d'Europe, et relâchant dans un port intermédiaire pour recevoir des ordres, sont considérés comme importation directe, si, dans le port intermédiaire, ils n'ont pas rompu charge. »
La commission propose le dépôt au bureau des renseignements.
- Adopté.
M. Vanden Branden de Reeth, rapporteur. - « Par pétition datée d'Anvers, le 18 décembre 1848, plusieurs habitants et négociants, à Anvers, présentent des observations contre la demande de proroger la loi exceptionnelle du 19 mai dernier, qui assimile les arrivages dans les ports intermédiaires aux arrivages directs. »
Deux pétitions adressées à la chambre par des négociants, commissionnaires, armateurs et industriels de la ville d'Anvers ont été envoyées à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
Organe de cette commission, je vais avoir l'honneur de vous exposer le résultat de son examen.
Par la première de ces requêtes, les pétitionnaires demandent une loi décrétant que les navires venant des pays de production hors d'Europe et relâchant dans un port intermédiaire pour recevoir des ordres, sont considérés comme importation directe si, dans le port intermédiaire, ils n'ont pas rompu charge.
A l'appui de leur demande, les réclamants invoquent les inconvénients multipliés qui, d'après eux, résulteraient à chaque moment de l'application de la loi sur les droits différentiels en ce qui concerne les navires relâchant pour ordre. Ils signalent les heureux effets de la mesure prise le 19 mai dernier, et qui consisteraient dans un arrivage plus considérable de navires formant la principale partie de nos importations de Tannée courante.
La seconde pétition appelle au contraire votre attention sur le coup (page 517) fatal qui serait porté à nos relations commerciales avec les pays de production, si la mesure, tout exceptionnelle, toute de circonstance, qui assimilait aux navires belges les navires étrangers relâchant dans un port intermédiaire, devait recevoir son application au -delà des limites qui lui ont été assignées, alors qu'elle trouvait son excuse dans des appréhensions qui n'existent plus aujourd'hui.
Les pétitionnaires ajoutent que décréter une loi dans le sens réclamé ce serait apporter un changement radical à la loi des droits différentiels, renoncer bénévolement à des avantages commerciaux au profit d'une puissance rivale et favoriser l'industrie étrangère au détriment de la nôtre.
En effet, en abandonnant la minime surtaxe qui seule protège nos importations directes et le retour de nos propres fabricats, nous livrerions complètement, disent les pétitionnaires, notre commerce et notre industrie à l'exploitation anglaise. D'ailleurs, nos traités avec les Pays-Bas et les Etats-Unis s'opposent formellement à ce qu'un droit de faveur soit accordé aux entrepôts d'Angleterre.
En présence d'intérêts si majeurs, soulevés par ces pétitions, votre commission ne se croit pas appelée à émettre une opinion qui tranche d'une manière absolue la question agitée par les pétitionnaires. Toutefois elle pense que les circonstances qui ont motivé la dérogation temporaire à la loi du 21 juillet 1844, étant venues à cesser, il ne peut s'agir dans ce moment d'apporter des modifications à notre système douanier.
Les pétitions dont il vient d'être fait mention pouvant être utilement consultées, la commission a l'honneur de vous en proposer le dépôt au bureau des renseignements.
M. Coomans. - Après les explications que M. le ministre des finances nous a données l'autre jour à ce sujet et qui me satisfont entièrement, je n'ai rien à ajouter sur cette grave affaire, si non que je propose à la chambre d'adopter les conclusions de la commission des pétitions.
Je dirai un mot encore, c'est que, d'après un relevé que j'ai fait, la loi exceptionnelle du 19 mai dernier a occasionné au trésor une perte d'environ 170 mille francs.
Je considérerais comme une chose très déplorable le renouvellement de cette loi, du reste opposée aux principes de la loi des droits différentiels; mais elle ne sera pas remise de sitôt en vigueur, j'aime à le croire.
J'adhère pleinement aux conclusions de la commission des pétitions.
M. Mascart, rapporteur. - « Par pétition datée de Houffalize, le 16 octobre 1848, le sieur Roelants, ancien militaire, prie la chambre de statuer sur sa demande tendant à obtenir un congé honorable ou sa réintégration dans l'armée. »
La commission propose l'ordre du jour.
-Adopté.
M. Mascart, rapporteur. - « Par pétition datée de Comblain-au-Pont, le 20 juin 1848, le sieur Gillard réclame l'intervention de la chambre pour faire obtenir au sieur Stevens, sergent au 6e régiment de ligne, l'autorisation de contracter mariage arec sa fille. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre de la guerre.
- Adopté.
M. Mascart, rapporteur. - « Par pétition datée d'Oostvleteren, le 27 juin 1848, la demoiselle Dufour réclame l'intervention de la chambre, pour qu'un employé des douanes, qui désire l'épouser, obtienne à cet effet l'autorisation nécessaire. »
La commission propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Mascart, rapporteur. - « Par pétition datée de Messancy, le 24 avril 1848, les sieurs Kruchten et Mathern, fermiers des barrières de Differt et d'Aubange, demandent une diminution de fermage. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre des finances.
- Adopté.
M. Mascart, rapporteur. - « Par pétition datée de Villers-sur-Semois, le 28 novembre 1848, plusieurs membres du conseil communal de Villers-sur-Semois réclament contre la nomination du bourgmestre de cette commune. »
La commission propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Mascart, rapporteur. - «. Par pétition datée de Mainvault, le 2 décembre 1848, quelques habitants de Mainvault réclament contre l'arrêté de la députation permanente du conseil provincial qui annule l'élection du sieur Monnier en qualité de conseiller communal. »
La commission propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Mascart, rapporteur. - « Par pétition datée de Petit-Hier, le 28 novembre 1848, les membres du conseil communal de Petit-Hier présentent des observations contre le projet de supprimer le bureau des douanes établi dans cette commune. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre des finances.
- Adopté.
M. Mascart, rapporteur. - « Par pétition sans date, le sieur Dupont demande que le gouvernement fasse rentrer au trésor les droits de transcription et d'enregistrement de la vente des domaines de Chiny et d'Orval. »
La liquidation de la société d'Orval et Chiny ayant vendu, par un acte passé en France, des biens immeubles appartenant à cette société, l'acte de vente fut soumis en Belgique à la formalité de l'enregistrement et de la transcription, ce qui donnait ouverture à des droits considérables au profit du trésor.
Les liquidateurs de la société s'adressèrent au gouvernement pour obtenir un délai pour le payement des droits. Ce délai fut accordé ; commencé le 30 mars 1842, il expira le 30 septembre suivant.
Au mois d'octobre, après l'expiration du délai, le gouvernement fit diriger des poursuites par voie de contrainte, pour parvenir au recouvrement des droits.
A peine cette contrainte était-elle décernée, que le liquidateur de la société et l'avocat Decock, mandataire contractuel du comte de Geloes, à qui les biens avaient appartenus, s'adressèrent de nouveau au gouvernement pour obtenir un deuxième délai ; ils motivaient leur demande sur ce que le comte de Geloes avait intenté une action en nullité de la vente passée en France.
Les pétitionnaires émettaient dans leur requête l'avis que si la vente était résiliée, il ne pouvait y avoir lieu au payement des droits réclamés.
Le gouvernement accorda un nouveau délai de six mois, par décision du 10 janvier 1843.
Dans l'intervalle, un jugement rendu par défaut, du 16 décembre 1843, par le tribunal de Charleroy, avait déclaré la vente nulle.
Les partis ayant acquiescé à ce jugement, qui a ainsi obtenu l'autorité de la chose jugée, le liquidateur, avant l'expiration du délai accordé, le 10 janvier, s'adressa au gouvernement en demandant que les droits d'enregistrement et de transcription fussent déclarés non exigibles.
Cette demande fut écartée par une décision du 25 août 1843, fondée sur le principe que « le droit de mutation est acquis au trésor par le seul fait d'un acte possédant les caractères extérieurs d'une transmission de propriété et que l'exigibilité du droit est indépendante des événements ultérieurs, même de l'annulation de l'acte pour vice radical. »
Plus tard, le 18 octobre 1843, l'honorable M. Mercier, alors ministre des finances, « ordonna, indépendamment de la reprise des poursuites contre les sieurs Dcmeulemeester et Decock, de mettre en cause les membres de la société d'Orval et Chiny, dont les deux premiers nommés tenaient leurs pouvoirs. Enfin, le 25 décembre suivant, des instructions relatives à l'instance engagée sur l'opposition de plusieurs d'entre eux devant le tribunal d'Arlon, ont été données au directeur provincial chargé de la défense du procès. »
En donnant ces explications à la chambre dans un rapport du 6 mars 1844, M. Mercier ajoutait qu'on avait fait instruire et mettre en délibération à la question de savoir si le jugement par défaut, du tribunal de Charleroy, et l'acquiescement volontaire donné à ce jugement, ne constituaient pas une rétrocession passible d'un nouveau droit de mutation. » Il ajoutait : » Ayant reconnu que cette question doit être résolue affirmativement, j'ai donné des ordres pour que le droit proportionnel de rétrocession soit immédiatement recouvré par tous les moyens légaux. »
Tels sont les faits qui ont été portés officiellement à la connaissance de la chambre en 1844, par l'honorable M. Mercier.
Depuis lors, une double instance a été suivie, l'une pour le recouvrement des droits de transcription et d'enregistrement de l'acte de vente passé en France au profit des sieurs Requier et Huart en 1842, l'autre pour le recouvrement des droits semblables pour la rétrocession que le gouvernement trouvait dans le jugement de Charleroy qui avait annulé cette vente.
Nous ignorons quels sont les résultats utiles que ces deux instances ont procurés.
Mais dans une pétition sans date, adressée à la chambre, un M. Dupont expose que des décisions judiciaires sont intervenues, mais que le gouvernement n'a pu recouvrer les droits dus, qu'il évalue à 200,000 francs, parce que, selon le pétitionnaire, les poursuites ont été dirigées contre des insolvables, et qu'on a laissé de côté les débiteurs solvables; le sieur Dupont prie la chambre de prendre des renseignements sur les lieux, pour se convaincre de la vérité des faits qu'il allègue et qui renferment une véritable accusation contre des agents du trésor.
La pétition se faisant remarquer par un caractère tout particulier de gravité, la commission a l'honneur de vous en proposer le renvoi à M. le ministre des finances, avec demande d'explication dans un délai rapproché. Ce n'est que quand ces explications auront été données, que la chambre pourra se prononcer sur le mérite de la pétition dont il s'agit.
M. Jullien. - Messieurs, je viens appuyer les conclusions du rapport.
L'objet de la pétition du sieur Dupont a déjà occupé la chambre, en 1843 et en 1844, sans qu'il soit intervenu aucune décision sur la question de responsabilité ministérielle qu'elle soulève.
Des valeurs importantes auraient dû, en 1842, entrer dans le trésor ; il s'en trouve encore aujourd'hui privé.
Lorsque le syndicat d'amortissement fit procéder à la vente des propriétés domaniales, le comte de Geloes se rendit acquéreur, pour le prix d’environ un million, des forêts d'Orval et de Chiny.
A défaut de payement des termes échus du prix de vente, il encourut la déchéance. Cette déchéance existait de plein droit en vertu d'une clause positive du cahier des charges. Placé sous le poids de cette mesure, le comte de Geloes s'adressa à M. d'Huart, ministre des finances, pour en être relevé.
M. d'Huart résista à cette demande; il maintint que le gouvernement devait rentrer dans la possession des forêts d'Orval et de Chiny, qui présentait une valeur de trois millions.
Le comte de Geloes fut plus heureux sous le ministère de M. Mercier . Alors, il fut relevé de la déchéance. Rentré en possession des forêts, (page 518) ayant besoin de fonds, il s'adressa à des capitalistes de Gand qui lui firent un placement considérable, moyennant qu'il apportât les forêts d'Orval et de Chiny dans une société, qui prit le nom de société d'Oral et de Chiny. Cette société, une fois constituée, vendit d'accord avec un mandataire du comte de Geloes, les forêts d'Orval et de Chiny.
L'acte de vente était sous seing privé; il fut passé en France, il portait une stipulation qui imposait au vendeur l'obligation de le faire enregistrer dans un délai déterminé entre les parties.
Les vendeurs s'adressèrent à M. Smits, alors ministre des finances, à l'effet d'obtenir délai pour le payement des droits d'enregistrement. Ce haut fonctionnaire, au mépris, je dois le dire, d'une disposition formelle de la loi du 22 frimaire an vu, par une violation flagrante d'une loi de l’exécution de laquelle il ne pouvait dispenser les vendeurs, leur accorda un délai de six mois pour le payement des droits d'enregistrement, à la condition de payer, sur le pied de 4 p. c, l'intérêt de ces droits d'enregistrement montant à 200,000 fr.
Les parties débitrices du droit d'enregistrement ne se mirent pas en mesure, dans le délai de six mois, de le réaliser. Des poursuites furent commencées contre elles. Mais alors elles firent de nouvelles démarches, et sollicitèrent un nouveau délai qui leur fut accordé.
Dans l'intervalle, le comte de Geloes prétendit qu'il n'avait pas été valablement représenté dans le contrat de vente. Il porta devant le tribunal de Charleroy une demande tendant à faire prononcer l'annulation du contrat.
Un jugement du tribunal de Charleroy fit droit à cette demande, et prononça la nullité de la vente. Ce jugement qui faisait retourner la propriété des forêts d'Orval et de Chiny sur la tête du comte de Geloes et de la société d'Orval et de Chiny fut enregistré à un simple droit fixe.
L'honorable M. Delfosse, frappé, d'une part, de ce que le trésor était encore alors privé de l'encaissement du droit primitif d'enregistrement, qui aurait dû être perçu sur la vente des forêts d'Orval et de Chiny, frappé d'un autre côté de cette circonstance qu'on n'avait payé qu'un droit fixe sur le jugement portant annulation de l'acte de vente, interpella le ministère sur le point de savoir quelles mesures avaient été prises pour contraindre les parties débitrices du droit d'enregistrement à le verser au trésor.
Il dénonça à la chambre comme illégale la décision qui avait accordé un sursis pour le payement des droits d'enregistrement, et il présenta cette violation de la loi, comme engageant la responsabilité personnelle du ministre auteur et signataire de l'arrêté de sursis.
L'ex-ministre la défendit devant la chambre; les poursuites à fin de payement des droits étant alors continuées, aucune proposition ne fut formulée par l'honorable M. Delfosse, et la chambre passa purement et simplement à l'ordre du jour.
Bien que ces poursuites aient été suivies d'un jugement favorable au trésor, l'Etat se trouve encore aujourd'hui privé de la rentrée du droit de 200,000 fr. qui aurait dû être perçu dès 1842. Si les renseignements que j'ai recueillis sont exacts, les débiteurs de ce droit d'enregistrement, solvables en 1842, seraient devenus complètement insolvables.
Dans ces circonstances, je me joins à M. le rapporteur pour demander que la chambre ordonne le renvoi de la pétition du sieur Dupont à M. le ministre des finances avec demande d'explications, et j'exprime le vœu que ces explications portent notamment sur le point de savoir si, oui ou non, les débiteurs du droit d'enregistrement étaient solvables en 1842 et si depuis lors ils ne sont pas tombés en déconfiture, de manière que le trésor se trouve exposé à perdre les droits dont il est créancier.
Ces renseignements, messieurs, nous sont indispensables pour apprécier jusqu'à quel point l'ancien ministre des finances, M. Smits, peut être déclaré civilement responsable du dommage qu'il aurait causé au trésor pour n'avoir pas fait payer les droits d'enregistrement au moment où ils auraient dû être perçus.
Il est à regretter, messieurs, que nos institutions constitutionnelles présentent encore la lacune d'une loi sur la responsabilité civile et pénale des ministres. Il est à désirer que les prescriptions de la Constitution soient une bonne fois observées sur ce point. Dix-sept ans ont dû suffire; pour préparer un projet sur la responsabilité des ministres, et je me plais à croire que le ministère actuel, qui jamais n'a reculé devant la responsabilité de ses actes, qui jamais ne déclinera cette responsabilité, s'empressera de faire droit au vœu de la Constitution, en saisissant la chambre, pendant cette session; d'un projet de loi sur il responsabilité des ministres.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Quant à cette dernière interpellation, je demande si le besoin d'une loi sur la responsabilité ministérielle se fait vivement sentir. Je ne le pense pas.
Hier, messieurs, vous avez aboli une loi qui accordait avec justice, selon moi, certains avantages aux ministres. Doit-on avoir très grande hâte aujourd'hui de demander contre eux l'organisation d'une procédure pénale? Avec ou sans loi, leur responsabilité personnelle n'en reste pas moins entière devant le pays et devant les chambres. A mon avis, nous avons beaucoup de lois plus urgentes à faire.
Du reste, ni aucun de mes collègues ni moi nous n'éprouvons la moindre répugnance à présenter à la chambre un projet de loi sur la responsabilité ministérielle.
M. de Theux. - Messieurs, s'il y avait eu urgence dans la présentation d'un projet de loi sur la responsabilité ministérielle, je crois que ce projet eût été présenté depuis longtemps. Mais s'il y avait urgence, ce serait dans l'intérêt du gouvernement que ce projet devrait être présenté. Car notez bien que les ministres sont placés par la Constitution dans une position tout à fait exceptionnelle. La Constitution déclare qu'en attendant qu'une loi soit faite, les ministres pourront être accusés arbitrairement par la chambre et jugés arbitrairement par la cour de cassation qui qualifiera le délit et appliquera la peine. Or, des dispositions pareilles n'existent à l'égard d'aucune autre classe de citoyens; Ce sont des dispositions qu'on peut dire illibérales, pour ainsi dire anticonstitutionnelles et dont il n'existe d'exemple nulle part.
Ainsi, je pense que les ministres passés et présents peuvent parfaitement justifier le silence gardé jusqu'à présent. Car ils se sont exposés à la responsabilité la plus illimitée, la plus arbitraire.
M. Jullien. - Si j'ai exprimé le désir que bientôt la chambre soit saisie d'un projet de loi sur la responsabilité ministérielle, croyez-le bien, messieurs, ce n'est pas dans la pensée que jamais nous ayons besoin d'en faire usage contre le ministère actuel. Mais l'article 90 de la Constitution, en déférant à la chambre le droit d'accuser les ministres, de les traduire devant la cour de cassation, n'a eu en vue que la responsabilité pénale des ministres. Quand il s'agit de responsabilité civile, cette même disposition a voulu une loi organique sur la forme de procéder à l'encontre des ministres de la part des parties lésées.
Eh bien! cette loi organique nous manque encore, et elle serait cependant nécessaire si la chambre reconnaît que la responsabilité de l'ancien ministre des finances, M. Smits, est engagée. Car alors la chambre devrait savoir comment il y aurait lieu de procéder envers lui du chef de l'acte illégal qu'il a posé.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. Dubus, secrétaire. - Par trois messages des 19 et 20 janvier, le sénat informe la chambre qu'il a adopté :
1° Le projet de loi modifiant la loi sur les patentes ;
2° Le projet de loi contenant le budget des non-valeurs et des remboursements pour l'exercice 1849;
3° Le projet de loi portant institution d'une cour militaire.
- Pris pour notification.
La séance est levée à 4 heures 1/2.