Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 6 juillet 1848

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session extraordinaire 1848)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 55) M. A. Dubus procède à l'appel nominal à midi et un quart.

La séance est ouverte.

M. de Luesemans donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

« Le sieur Lonydat, ancien soldat, congédié pour infirmités contractées au service, demande une pension ou un secours. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Quelques habitants de Bruxelles demandent l'abolition ou tout au moins la révision de la loi sur la contrainte par corps, en matière civile et commerciale. »

- Même renvoi.


« Plusieurs habitants de Wacken, Ousselghem et d'autres communes de l'arrondissement de Thielt, prient la chambre de leur faire obtenir, pour eux et leurs familles, le transfert gratuit vers la province de Sainte-Catherine, au Brésil. »

M. Toussaint. - Les habitants de la partie rurale du district de Thielt demandent, pour eux et pour 500 autres, leur transport gratuit vers la province de Ste-Catherine, au Brésil.

Cette pétition se rattache, d'une part, à une face très importante de la question flamande, l'exubérance de la population rurale et sa disproportion avec le produit de la terre.

Elle se rattache, d'autre part, à l'avenir de notre commerce extérieur transatlantique.

Depuis longtemps il s'est établi en Allemagne un courant régulier très considérable d'émigration vers le nouveau continent. L'émigration a été, pour l'Allemagne, un grand soulagement au trop plein de sa population rurale; elle a été peut-être même une cause d'atermoiement des difficultés politiques que la trop grande densité de la population ne fait toujours que compliquer. L'établissement des émigrés allemands sur le territoire américain, où ils font groupe, a considérablement augmenté les relations commerciales de l'Allemagne avec le nouveau continent.

La Belgique a de même intérêt à voir des groupes de population sortir, de son sein, s'établir sur divers points du littoral et du territoire sud et nord-américain, et cet intérêt est assez important sous les deux faces que je viens d'indiquer, pour que le gouvernement belge prête la main, dans une modeste mesure, à l'établissement premier de quelques groupes de population en Amérique en général, et au Brésil en particulier.

Nous avons déjà, vers Rio-Janeiro, une ligne régulière de navigation ; et déjà quelques maisons belges sont établies dans ce pays. Une maison anversoise, la maison Sheridan et Telghuys, a essayé de s'établir à Vestern, capitale de la province de Sainte-Catherine même. Quelques colonies d'agriculteurs belges, établies dans le sud, c'est-à-dire la partie la plus saine du Brésil, ne pourraient qu'augmenter encore nos relations avec cet empire.

Je pense donc qu'il y a des motifs suffisants pour proposer le renvoi de la pétition à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


Il est fait hommage à la chambre, par M. Quetelet, des volumes XXI et XXII des mémoires de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts et du volume XXII des mémoires couronnés de cette Académie.

- Dépôt à la bibliothèque.


M. le ministre de l'intérieur adresse à la chambre 110 exemplaires d'une brochure contenant entre autres pièces le rapport de la commission instituée pour recevoir le système actuel des droits d'octroi.

- Distribution aux membres de la chambre et dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi sur le droit sur les sucres

Demande de non-caducité

M. Mercier. (pour une motion d’ordre). - Dans l'intérêt du trésor public, dont les ressources sont insuffisantes, je demande que la chambre veuille bien se considérer comme restant saisie du projet de loi relatif aux sucres que j'ai présenté dans le cours de la dernière session. Ce projet a pour but principal de faire rentrer au trésor des sommes très considérables qui en sont aujourd'hui détournées par l'effet d'une prime d'exportation déguisée que la loi actuelle autorise. Ce projet, messieurs, a reçu une instruction complète; il a été examiné par les sections qui, toutes, y ont donné leur adhésion ; elle a fait l'objet d'un rapport de la section centrale qui l’a approuvé à l'unanimité. Messieurs, pour que ce projet puisse être examiné utilement, je demande aussi que toutes les pièces qui le concernent soient distribuées aux membres qui font nouvellement partie de la chambre. Ces pièces sont : un extrait du rapport fait par la section centrale sur le budget des voies et moyens de 1848 ; le document déposé par M. le ministre des finances pour expliquer la législation actuelle et les débats auxquels elle a donné lien ; le rapport de la section centrale qui a procédé à l'examen du projet dont je viens de parler; enfin un nouveau document dépoté très récemment par le gouvernement pour démontrer l'influence que le commerce des sucres exercerait, suivant lui, sur l'exportation des produits de notre industrie.

M. le président. - Je dois mettre la chambre à même d'apprécier le mérite de la proposition. Par suite de la dissolution, la chambre se trouve dessaisie de tous les projets qui lui avaient été soumis antérieurement. C'est, sans doute, à raison de cette position que l'honorable M. Mercier propose à la chambre de se considérer comme saisie de la proposition relative aux sucres.

M. Mercier. - Il est bien entendu que je ne demande pas que le projet soit mis à l'ordre du jour. Ma proposition a seulement pour but de mettre les nouveaux membres à même d'étudier la question.

M. Osy. - Messieurs, je ne m'oppose pas à ce que lors de la rentrée, la chambre s'occupe du projet dont l'honorable M. Mercier a parlé, mais je prie tous mes honorables collègues d'examiner non seulement le projet de l'honorable M. Mercier et le rapport de la section centrale, mais aussi le rapport contradictoire présenté par l'honorable M. Veydt avant la dissolution des chambres. L'honorable ministre des finances a prouvé également que la loi peut très bien rester telle qu'elle est aujourd'hui. M. le ministre des finances a dit hier que les recettes, au 1er juillet, avaient atteint le chiffre prévu. Je pense que cette déclaration est de nature à satisfaire la chambre.

M. Delehaye. - Messieurs, je ne dirai rien quant au fond de la question. Je demande également que la chambre soit saisie de la proposition relative aux sucres. Mais l'honorable M. Mercier sait beaucoup mieux que nous qu'il n'est point de question plus ardue, plus difficile que la question des sucres. Cette question se rattache à toutes nos industries, et l'expérience a prouvé que chaque fois que la question était soumise à la chambre, et qu'après un long examen on abordait la discussion publique, nous nous apercevions qu'il nous manquait des notions. Il est même arrivé que, sur la proposition d'un ancien ministre, on a adopté une mesure qui n'a pas tardé à détruire toute l'économie de la loi.

Je demande donc que la chambre reste saisie de la question, mais je demande que tous les documents qui s'y rattachent soient renvoyés aux sections, et que les sections s'en occupent à la session prochaine. (Interruption.)

On me dit que c'est inutile. Mais comment espérer que la chambre aborderait avec fruit l'examen en séance publique d'une question sur laquelle les hommes les plus compétents ne sont pas d'accord, alors que moitié de la chambre se compose de membres nouveaux, qui ne se sont jamais occupés de cette question?

Je persiste donc dans la demande que j'ai faite.

M. de Brouckere - Messieurs, dans le cours de la précédente session, l'honorable M. Mercier a proposé un projet de loi concernant les sucres ; il demande aujourd'hui que la chambre se considère comme saisie de ce projet.

D’abord, il y aurait un moyen beaucoup plus simple d'atteindre le but que se propose l'honorable M. Mercier, ce serait qu'il renouvelât sa proposition. Mais qu'il renouvelle sa proposition, ou que la chambre se déclare saisie, sans même que l'honorable membre la dépose de nouveau, je ne vois pas quel résultat on obtiendrait par là. Car, incontestablement, qu'il y ait une nouvelle proposition, ou que la chambre se considère comme saisie de l'ancienne proposition, il y aura lieu d'en ordonner le renvoi aux sections. (Interruption.)

La proposition y a été examinée, me dit-on; mais les anciens membres de la chambre n'entendent pas sans doute priver les membres nouveaux qui forment la majorité, de l'examen préparatoire en sections, avant l'examen en assemblée générale.

(page 56) Ainsi, il y aurait lieu de renvoyer le projet aux sections. À quoi aboutirait ce renvoi? La session est à la veille d'être close ; le renvoi aux sections n'aboutirait à rien.

Pour atteindre le but que se propose l'honorable M. Mercier, il faut que la chambre ordonne que toutes les pièces concernant le projet soient distribuées à tous les membres de la chambre qui ne les ont pas reçues pour qu'ils puissent en prendre connaissance dans l'intervalle des deux sessions. À l'ouverture de la session prochaine, on pourra faire sur l'examen préparatoire de ce projet telle proposition qu'on voudra.

Mais une décision prise aujourd'hui serait une décision qui n'atteindrait aucun but quel qu'il soit.

M. Dumortier - Messieurs , je désire vivement que la chambre s'occupe de la loi sur les sucres, mais la motion de l'honorable M. Mercier a une certaine gravité. Il s'agit en effet de savoir si la chambre nouvelle, issue d'une dissolution, est saisie de tous les projets qui existaient avant la dissolution.

Or, d'après la jurisprudence adoptée en 1833, tous les projets présentés antérieurement à la dissolution sont mis au néant et doivent être présentés de nouveau. Si cette jurisprudence n'était pas maintenue, il y aurait un arriéré de projets de loi dont vous seriez surchargés. La plupart sont devenus inutiles, il importe de les faire disparaître. Quant à la proposition de M. Mercier, la marche à suivre est toute simple; cet honorable membre n'a qu'à la représenter de nouveau et à inviter les membres de la chambre à étudier les questions que soulèvent et le sucre indigène et le sucre exotique, de manière qu'à l'ouverture de la prochaine session la chambre puisse en aborder la discussion.

Je vous prie de ne pas perdre de vue la portée qu'aurait la décision de la chambre si elle se considérait comme saisie des projets présentés avant la dissolution: c'est qu'elle se trouverait aussi saisie de tous les anciens projets présentés depuis 1833. Je vois beaucoup de membres qui pensent que la chambre ne peut être considérée comme saisie de tous ces projets. Quant à ceux qui ont conservé un certain degré d'utilité, les membres qui en sont les auteurs peuvent les représenter de nouveau ; de cette manière nous aurons débarrassé notre arriéré des projets qui ne sont pas destinés à venir à terme.

M. Mercier. - J'ai demandé la parole, non pour appuyer le renvoi aux sections, car, sur ce point, je suis d'accord avec l'honorable M. de Brouckere, mais pour faire remarquer que j'ai seulement proposé que la chambre se considérât comme saisie de la proposition relative à la législation des sucres.

D'après les observations présentées par l'honorable M. Dumortier, la chambre étant dessaisie de tous les projets qui lui ont été présentés, il faudrait une présentation nouvelle pour qu'elle pût en délibérer. Je ne sais si l'honorable M. Dumortier est dans le vrai quand il applique son observation à des projets complètement instruits, émanant de l'initiative du gouvernement ou de celle des membres de la chambre.

Si la chambre était de cet avis, je me verrais dans la nécessité de déposer de nouveau ma proposition, en demandant qu'elle soit renvoyée aux sections avec toutes les pièces que j'ai indiquées tout à l'heure. La chambre verra que parmi ces pièces se trouve celle sur laquelle MM. Osy et Delehaye ont appelé son attention.

Si les membres de la chambre n'étaient pas dès maintenant en possession des documents relatifs à cette affaire, ils ne pourraient commencer l'étude de cette importante question qu'au mois de novembre, et la session s'écoulerait peut-être sans que la loi pût être votée.

Ne suffirait-il pas de la proposition du gouvernement ou d'un membre de la chambre pour que celle-ci continuât à être saisie de tel ou tel projet déterminé ? Cette résolution n'empêcherait pas qu'un nouvel examen eût lieu dans les sections, si la chambre l'ordonnait.

M. le président. - Pour distribuer aux nouveaux membres les pièces indiquées, il faudrait en ordonner la réimpression.

Pour les précédents en 1833, il s'agissait d'une proposition qui avait été faite dans une session précédente par M. Corbisier. On a agité la question de savoir s'il fallait renvoyer de nouveau cette proposition aux sections pour savoir si elles en autoriseraient la lecture et suivre toutes les formalités prescrites par le règlement. La chambre a ordonné qu'il en serait ainsi. Si cette jurisprudence est maintenue, il faudra que M. Mercier dépose de nouveau sa proposition, elle sera renvoyée aux sections pour savoir si elles en autoriseront la lecture, etc. Voilà la question nettement posée.

M. Delfosse. - Les précédents et la raison indiquent que la chambre actuelle, nommée à la suite d'une dissolution, n'est saisie d'aucun des projets qui ont été soumis aux chambres précédentes. Pour que la chambre soit saisie de ces projets, il faut soit une proposition d'un membre usant du droit d'initiative, soit une nouvelle présentation du gouvernement.

L'honorable M. Mercier doit donc renoncer à la proposition qu'il avait d'abord faite que la chambre se considérât comme saisie de plein droit de sa proposition relative aux sucres.

Je conçois que la marche qui doit être suivie cause quelque embarras à l'honorable M. Mercier. Il avait, dans la session dernière, présenté sa proposition sous forme d'amendement. Il avait ainsi échappé aux formalités prescrites par le règlement aux membres de la chambre qui veulent user du droit d'initiative.

Lorsqu'un membre de la chambre veut user de ce droit, il dépose sa proposition sur le bureau ; elle est renvoyée aux sections qui décident si la lecture en sera autorisée. Cette autorisation accordée, l'auteur de la proposition est admis à la développer ; et la chambre décide si elle prend la proposition en considération.

Si la prise en considération est adoptée, la proposition est renvoyée à l'examen des sections ou d'une commission spéciale.

Je le répète, l'honorable M. Mercier a échappé à ces formalités en présentant sa proposition comme amendement au budget des voies et moyens. Il est impossible, comme il n'y a pas de budgets présentés, que M. Mercier use encore du même moyen.

De deux choses l'une, ou M. Mercier doit suivre les formalités que je viens d'indiquer, ou il doit attendre que le gouvernement présente les budgets pour reproduire son amendement.

C'est à l'honorable M. Mercier à voir quelle est la marche qu'il lui convient de suivre. Mais je demande que le gouvernement recherche quels sont les anciens projets de loi dont il convient de saisir la chambre, et qu'il fasse distribuer le plus tôt possible les documents relatifs à ces projets afin que les membres de la chambre puissent les étudier dans l'intervalle des deux sessions.

M. de Brouckere - Je crois que nous sommes tous d'accord sur un point, c'est que la chambre n'est pas saisie du projet dont nous nous occupons.

Nous sommes d'accord sur un autre point, c'est qu'on ne gagnerait rien à saisir la chambre de ce projet aujourd'hui.

Voilà donc deux points sur lesquels il n'y a pas à discuter.

Est-ce une raison pour ne pas distribuer aux nouveaux membres les pièces relatives à la question des sucres? Non. Il est incontestable que la question des sucres sera examinée dans la session prochaine. Il est incontestable aussi que cette question est extrêmement difficile et que les membres de la chambre doivent être mis à même de l'étudier.

Je ne verrais donc aucun inconvénient à ce que l'on décidât que tous les documents relatifs à cette question seront distribués aux nouveaux membres de la chambre.

M. Sinave. - Puisque le mot sucre est dans la bouche de tout le monde, je me permettrai d'adresser une question à M. le ministre.

On dit que le sucre est fort amer au trésor, que la loi a le malheureux résultat de frustrer le trésor d'une somme de 2 millions. Je demanderai à M. le ministre si le fait est vrai ; comme nouveau venu, je n'en sais rien. Mais dans un moment où l'on est d'accord qu'il faut des économies, il faut que le sucre rapporte tout ce qu'il doit produire.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, le produit espéré de l'impôt sur le sucre était de 3 millions. C'est celui qui a été annoncé, lorsque la loi de 1846 a été faite. On a pensé pendant quelque temps que ce produit ne pouvait pas être obtenu. J'ai eu l'honneur de dire il y a quelques jours à la chambre que, selon tous les renseignements que possédait l'administration des finances, il y a probabilité, presque certitude que le produit présumé de 3 millions qui figure au budget des voies et moyens sera atteint.

L'honorable M. Mercier désire que le sucre produise plus de 3 millions, contrairement à ce qui avait été arrêté par la chambre, lorsqu'elle a adopté la loi de 1846. C'est précisément la question qui est à examiner. Peut-on espérer sans inconvénients pour d'autres intérêts plus ou moins respectables, que le sucre produira 5 millions ? C'est l'objet de la proposition de l'honorable M. Mercier ; c'est le fond; nous l'examinerons lorsque la chambre sera saisie de la question.

M. Coomans. - Un des motifs principaux de l'état de crise où le travail national végète depuis longtemps en Belgique, ce sont les changements sans fin que l'on porte dans la législation douanière. Le sol sur lequel le travail national doit agir est tellement mauvais, qu'il tremble chaque fois qu'on se met à l'œuvre. Aussi j'appuierai la proposition qui tendra à ce que ce problème soit résolu le plus tôt possible.

M. Mercier. - Puisqu'il y a opposition à ce que la chambre se considère comme saisie du projet, je me rallie à la proposition de M. de Brouckere, qui consiste uniquement à demander à ce que la chambre décide que les pièces seront distribuées aux membres qui font nouvellement partie de la législature. Mon but, dans tous les cas, n'est que de donner l'occasion et la possibilité d'étudier cette importante question avant la session prochaine.

- La chambre décide que les documents relatifs à la question des sucres, et imprimés pendant la dernière session, seront distribués aux membres qui font nouvellement partie de la législature.

M. Dumortier - Ne pourrait-on ajouter : avec prière de les étudier dans l'intervalle des deux sessions?

Projet d'adresse

Discussion des articles

Paragraphes 10 et 11

M. le président. - La discussion est ouverte sur le paragraphe 10, ainsi conçu:

« Ces réformes se lient à l'amélioration du sort des classes laborieuses, et la prudence non moins que la justice et l'humanité commandent cette amélioration : relever la condition de ces classes, en y propageant, par l'instruction, les principes et les sentiments religieux et moraux, l'amour du travail, les habitudes d'ordre et de prévoyance, c'est à la fois remplir un grand devoir et faire acte d'une haute politique. »

M. Peers a proposé un amendement qui formerait un paragraphe nouveau à placer à la suite du § 10, et qui est conçu dans les termes suivants :

« Convaincu de la sollicitude que le gouvernement de Votre Majesté (page 57) ne cesse de porter à la situation des Flandres, la chambre des représentants s'associera avec empressement aux mesures utiles qui pourront lui être proposées pour venir en aide aux districts si cruellement éprouvés par la misère et l'épidémie. »

M. Peers. - Les calamités de toute nature qui pèsent si lourdement depuis plusieurs années sur les provinces flamandes, ont servi l'année dernière de texte, dans le discours de la Couronne, à un paragraphe tout spécial.

Parmi les populations qui doivent à bon droit exciter la sollicitude du gouvernement et des chambres, dit ce paragraphe, nous devons placer en première ligne celles de plusieurs districts de nos provinces flamandes. De constants efforts sont attendus de nous, et la nation ne reculera pas devant les sacrifices que cette situation pénible pourrait lui imposer. Ces paroles de consolation avaient imprimé de tels sentiments d'enthousiasme dans ces cœurs minés par la misère la plus affreuse, que l'espoir et la confiance dans un meilleur avenir vinrent renaître instantanément.

Cette année, l'absence de toute mention dans le discours du Trône faisant allusion aux plaies toujours béantes du triple fléau, l'anéantissement de l'industrie linière et dentellière, la misère et l'épidémie, a vivement ému ces populations malheureuses, de plus en plus dignes de toute la sollicitude du gouvernement et des chambres par la résignation, je ne me bornerai pas à dire véritablement chrétienne, mais héroïque, qu'elles ont montrée dans ces jours de véritable détresse.

À cet effet, messieurs, j'espère que vous vous associerez à moi, pour adopter à l'unanimité l'amendement que j'ai l'honneur de vous proposer, afin de porter aux pieds du trône les sentiments que vous ne cesserez, j'en suis persuadé, d'accorder à nos frères des Flandres.

M. Moncheur. - Messieurs, je ne comptais nullement prendre la parole sur l'adresse. Mon intention était de voter purement et simplement le projet de la commission, parce que j'y voyais et j'y vois encore un programme sérieux des améliorations que nous entendons apporter dans les différentes branches de l'administration et principalement dans nos lois financières. Toutefois (et je regrette de ne pas voir à son banc M. le ministre de la guerre), je crois qu'il ne sera pas inutile de faire une observation qui se rattache au paragraphe en discussion.

Les journaux nous ont annoncé, messieurs, qu'une commission avait été nommée près du ministère de la guerre, à l'effet de procéder à la recherche des moyens d'améliorer les lois relatives à la milice et à l'organisation de la force armée de la nation. On dit, messieurs, que cette commission est déjà parvenue à une conclusion, c'est que le remplacement militaire devrait être supprimé. J'aurais voulu, messieurs, apprendre de la bouche de M. le ministre de la guerre ce qu'il y a de vrai dans ce dire, et si lui-même avait déjà quelque idée arrêtée sur cet objet important.

Quant à moi, messieurs, je pense que la suppression absolue du remplacement militaire n'est point nécessaire et qu'elle serait antipathique à la nation. Messieurs, les Belges aiment le drapeau militaire, mais c'est surtout lorsqu'il s'agit sérieusement de le porter contre l'ennemi. Il y a quelque dix ans, le pays a été témoin des élans d'enthousiasme avec lesquels tous nos jeunes soldats s'étaient rendus à leurs corps, lorsqu'ils s'étaient imaginé que, outre la persévérance, il s'agissait de montrer du courage.

Mais, messieurs, en temps de paix nos jeunes gens n'aiment pas à quitter le foyer domestique et à abandonner les travaux sérieux auxquels ils se livrent, pour passer dans la vie stérile des casernes une bonne partie des plus belles années de leur jeunesse, celles pendant lesquelles l’homme est le plus apte à apprendre un métier ou une profession.

Je sais, messieurs, que pour avoir une armée prête en temps de guerre, il faut l'organiser pendant la paix, la réunir pendant la paix, au moins en partie, l'instruire et la bien préparer. Il est donc nécessaire d'avoir une loi sur le recrutement de l'armée: mais je pense qu'au moyen d'un bon système, système que je conçois sans l'avoir bien mûri encore, sans avoir eu le temps de le mûrir, qu'au moyen de ce système, non seulement il ne serait pas nécessaire de supprimer le remplacement, surtout en présence de l'organisation de la garde civique, mais qu'on pourrait même arriver à la suppression, de fait sinon de droit, de la conscription. Je voudrais qu'un fonds spécial considérable fût formé pour être consacré à des primes d'engagements à long terme, et, en outre, à offrir des ressources aux militaires qui seraient devenus incapables, par l'âge ou des infirmités, de continuer leur service.

Ainsi, messieurs, le service militaire deviendrait une carrière, non seulement pour les officiers, mais même pour les soldats. Ils sauraient que leur sort serait assuré lorsqu'ils ne seraient plus en état de suivre la profession de leur choix. Ce fonds spécial devrait être considérable, mais, dans ma pensée, il ne serait point à charge du trésor; il serait alimenté par une imposition très forte à charge des jeunes gens qui ne voudraient pas servir personnellement.

Messieurs, l'obligation de contribuer à la défense du pays pèse sur tous les Belges indistinctement, mais je ne vois nul inconvénient et je vois des avantages à permettre à ceux qui n'ont aucune vocation pour le service militaire et que la fortune a favorisés des moyens de se racheter de ce service, à leur permettre d'user de ces moyens.

J'ai dit, messieurs, que l'imposition dont il s'agit serait forte, mais elle serait proportionnée aux moyens de chacun; elle aurait pour base, par exemple, l'ensemble des contributions payées, ou, si cette base ne paraissait pas suffisante, toute autre base que l'on pourrait découvrir et que l'on reconnaîtrait comme meilleure.

Je livre, messieurs, cette idée au cabinet. S'il est vrai que l'on s'occupe de la réforme des lois qui intéressent particulièrement les classes laborieuses, je crois que celle-ci en est une qui doit être placée au premier rang. La conscription est certainement l'impôt le plus odieux, le plus illibéral, le plus barbare que les commotions récentes nous aient léguées.

Au moyen du système dont j'ai l'honneur de déposer le germe dans l'assemblée, on arriverait à supprimer en grande partie la conscription, car l'on trouverait alors, au moyen des primes accordées, au moyen des pensions accordées, on trouverait un nombre de volontaires tel que le contingent serait rempli, sinon en totalité, au moins en grande partie.

Je pense, messieurs, que ces observations n'étaient point inutiles puisqu'il paraît que l'on s'occupe de la révision des lois sur la milice. Comme cet objet rentre également dans les attributions de M. le ministre de l'intérieur, peut-être voudra-t-il bien donner quelques explications à cet égard.

M. Gilson. - Messieurs, j'ai dit hier que toutes les mesures qui avaient été proposées, pour venir en aide à la misère des Flandres, avaient toujours été bien accueillies par tous dans cette chambre; c'est dire que nous accueillerons avec la même unanimité l'amendement proposé par l'honorable M. Peers. Nous ne voulons pas seulement émettre des vœux, mais nous voulons poser des actes.

Je prie toutefois l'honorable M. Peers d'être bien convaincu que rien jusqu'ici n'a été négligé dans l'intérêt de l'industrie des Flandres. Les chambres s'en sont occupées constamment, le ministère s'en est occupé sans relâche. Si donc aujourd'hui l'honorable M. Peers avait quelques idées nouvelles à émettre sur les moyens à employer, il rendrait un grand service en les indiquant.

M. T'Kint de Naeyer. - Je demande la parole.

M. Gilson. - Nous n'aurons pas trop du temps qui s'écoulera d'ici à notre prochaine session, pour étudier les mesures à prendre dans les circonstances malheureuses où se trouvent les belles provinces flamandes. Toutefois je ne pense pas qu'à la veille de notre séparation, il soit dans l'intention de l'assemblée d'examiner aujourd'hui même toutes les questions qui peuvent se rattacher à une affaire aussi importante.

J'ai indiqué quelques idées, je désirerais que mes honorables collègues voulussent en faire autant; ces idées je vais les répéter en quelques mots. Mais je ne veux pas qu'elles s'étendent aux questions qui concernent l'agriculture, les travaux publics, même les émigrations, la marine.

M. le ministre de l'intérieur a déclaré, dans une circonstance précédente, que son dessein était de s'occuper de ces divers points; je désire, messieurs, pour ma part, examiner la question industrielle; eh bien, je pense avec d'honorables membres que le meilleur moyen de sauver une grande partie des ouvriers, c'est de les laisser dans leurs habitudes anciennes, de les faire remonter sur les métiers qu'ils possédaient.

Il s'est opéré dans l'industrie des Flandres un immense bouleversement. Ou s'est opposé trop longtemps au changement total qui s'est opéré dans cette industrie. Il fallait suivre le progrès; ou a cru qu'il valait mieux y résister.

M. Rodenbach - Je demande la parole.

M. Gilson. - M. le ministre de l'intérieur vous l'a dit, il a fait tout ce qui dépendait de lui pour opérer la transformation de certaines industries dans d'autres ; il a favorisé la fabrication de tous les genres de tissus ; mais je crains qu'on ne soit allé trop loin; ce que je demande, c'est qu'on veuille ne pas abandonner légèrement l'industrie linière ; je ne dis pas que ce sera chose de facile exécution ; il y aura d'immenses difficultés à surmonter; mais si on le veut bien sérieusement on parviendra à les conjurer. L'industrie linière, qui a pris naissance chez nous, doit lutter contre tous les genres de rivalité qui lui sont opposés, et finir par y reprendre le rang qu'elle y occupait autrefois.

M. de Haerne. - Je demande la parole.

M. Gilson. - Je serais désolé si par ces quelques mots j'avais donné occasion à une discussion que la chambre ne peut pas devoir aborder maintenant. Permettez-moi cependant d'ajouter encore quelques considérations.

Le paragraphe qui nous occupe est particulièrement relatif à l'amélioration du sort de la classe laborieuse. Il n'est pas pour nous un devoir plus impérieux à remplir. L'amélioration du sort des classes laborieuses est devenue une nécessité. L'intervalle des deux sessions doit être employé, par chacun de nous, à rechercher les meilleurs moyens propres à atteindre le but auquel nous visons tous avec le même zèle. Le gouvernement ne faillit point non plus à sa tâche; il a fait publier récemment un rapport, plein d'intérêt, de M. Moxhet, sur la condition des classes ouvrières aux États-Unis. J'avoue que la lecture de ce document m'a rendu presque jaloux des progrès immenses que l'Amérique a accomplis à cet égard. Ce n'est pas, du reste, le seul enseignement que nous offre l'Amérique; nous en recevons d'autres encore.

D'autres documents ont été publiés, et notamment sur les mesures en usage en Prusse où des améliorations ont été réalisées.

Réunissons donc tous nos efforts, arrivons à ce résultat, qu'avec un salaire égal, nous donnions à nos ouvriers plus de bien-être.

Il y a surtout une amélioration immédiate à accomplir; je veux parler de l'assainissement de la demeure du pauvre. Beaucoup de nos établissements de bienfaisance ont en ce moment des fonds, que par prudence ils ont cru devoir retirer. Ne serait-il pas à désirer que ces établissements consacrassent une partie de ces fonds à l'érection d'habitations pour les ouvriers? Je sais quels arguments on peut mettre en avant contre (page 58) les constructions à faire par les hospices; mais lorsque ces constructions sont faites dans l'intérêt des malheureux, on ne peut pas dire que les hospices détournent leurs fonds de la destination de charité qui leur est affectée.

Voilà une idée que je livre aux méditations de la chambre et du gouvernement. Il en est une autre qui ne se lie pas aussi immédiatement à l'intérêt des ouvriers, mais qui s'y rapporte cependant. Je veux parler de la société de commerce d'exportation. Ce mot a résonné bien souvent dans cette enceinte; il a été écrit trois fois dans des discours du Trône ,et l'on peut se demander pourquoi il a été supprimé dans le discours de cette année. Je ne me dissimule pas les difficultés que présente actuellement l'établissement d'une société d'exportation; mais je reste convaincu, malgré toutes les objections qui peuvent être faites, que, sans un intermédiaire quelconque entre le producteur belge et les consommateurs sur les marchés étrangers, on n'arrivera pas au résultat qu'on a en vue dans l'intérêt des Flandres.

M. Toussaint. (pour une motion d'ordre). - Je dois faire remarquer qu'il ne s'agit pas, dans cette discussion, de vider la question flamande sous le rapport des détails très nombreux qu'elle comporte; je crois qu'il s'agit d’examiner simplement s'il y a lieu, oui ou non, de voter l'amendement de l'honorable M. Peers.

Je voulais donc proposer de borner le débat à la question de savoir si l'amendement sera, oui ou non, inséré dans l'adresse et de ne pas le faire porter sur les moyens de sauver les Flandres. Au surplus nous allons retourner dans nos foyers, et les détails dans lesquels on pourrait entrer maintenant ne peuvent guère avoir d'utilité. Je propose donc de borner la discussion à la question de savoir si le paragraphe nouveau sera admis.

M. de Perceval - Je pense que l'honorable député de Thielt est dans l'erreur ; il parle de borner le débat à l'amendement proposé ; mais cet amendement n'est pas en discussion. Nous devons d'abord voter sur le paragraphe 10, qui parle de l'amélioration du sort des classes laborieuses; nous nous occuperons ensuite de l'amendement. Maintenant la discussion sur le paragraphe est générale.

M. le président. - La discussion doit porter et sur l'amendement et sur le paragraphe.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je dois déclarer que nous ne faisons aucune difficulté d'admettre la proposition de l'honorable représentant de Bruges. Si le discours du Trône n'a pas fait mention des Flandres en parlant des classes laborieuses et pauvres, si la mention de l'année dernière ne se trouve pas reproduite, c'est parce que la question n'a pas cessé d'occuper la sollicitude du gouvernement d'une manière toute spéciale.

Si la chambre croit devoir encourager le gouvernement dans les efforts qu'il ne cesse de faire dans l'intérêt des classes ouvrières des Flandres, nous n'y voyons pas d'inconvénient. Je dois faire une réserve pour l'avenir. Le mal qui travaille les Flandres sera long et difficile à guérir, si même les efforts du gouvernement et des chambres parviennent à une guérison complète et radicale. Il ne faudrait pas que le jour où la mention cesserait de figurer dans le discours du Trône ou dans l'adresse des chambres, il ne faudrait pas en conclure que les chambres et le gouvernement ont abandonné cette question.

De là probablement la nécessité pour les chambres de reproduire encore pendant plusieurs années cette mention; car je le répète, il ne faut pas qu'on se fasse illusion, la question des Flandres n'est pas de celles qui peuvent se résoudre du jour au lendemain; il y faut beaucoup d'efforts, beaucoup de temps , beaucoup d'argent. Voilà ce que je n'ai jamais cessé de répéter.

Quant au paragraphe, à part les observations que je viens de faire, je l'adopte avec plaisir; il ne fait que répondre aux vues persévérantes du gouvernement, en ce qui concerne les Flandres.

- La clôture est prononcée. Le paragraphe est mis aux voix et adopté.

Le paragraphe additionnel proposé par M. Peers est également adopté.

Paragraphe 12

« Au milieu d'une époque remplie de dangers pour la société européenne, la Belgique se maintiendra dans la voie sage et sûre où elle est entrée en 1830. Elle n'a pas besoin de demander à des secousses toujours douloureuses et d'un résultat problématique des progrès dont le principe est déposé dans l'œuvre mémorable et si profondément démocratique du congrès national, des progrès dont la réalisation est garantie par cet amour de la liberté puisé dans nos luttes et nos franchises séculaires, dans les glorieux exemples que nous ont légués nos ancêtres, et par ce respect pour la légalité, par cette patience qui sait accepter les sages lenteurs des formes constitutionnelles, et qui sont les vertus des peuples mûrs pour un gouvernement libre. »

- Adopté.

Paragraphe 13

« La nation a foi en elle-même. Ces épreuves, rappelées par Votre Majesté, et dont, par une solidarité qui lie de plus en plus les États européens, la Belgique doit supporter sa part, ne la détourneront point de sa mission de paix et de travail. Pour les peuples comme pour les individus doués d'un caractère viril, ces épreuves fortifient loin d'abattre, et chacun a pu apprécier à quel point elles ont hâté chez nous le progrès du sentiment national et rapproché tous les bons citoyens. »

- Adopté.

Paragraphe 14

« La chambre des représentants, grâce à la louable neutralité du pouvoir, se regarde à bon droit comme l'expression fidèle des sentiments et des vœux de la nation. Nous croyons répondre à son attente, en promettant au gouvernement de Votre Majesté le concours bienveillant qu'il réclame pour remplir sa tâche difficile et dont il a besoin pour assurer de plus en plus sa marche dans une voie libérale et pour réaliser les améliorations morales et matérielles promises au pays. »

M. Delfosse. - Je n'ai pris jusqu'à présent aucune part à la discussion du projet d'adresse, qui n'a guère porté que sur la question des économies. Cette question est sans doute pleine d'intérêt et digne de toute la sollicitude de la chambre, mais il faut qu'elle vienne en son temps. Il ne faut pas, comme on l'a fort bien dit, qu'elle soit isolée de l'examen et du vote des budgets. Lorsque le moment de discuter la question des économies sera venu, je ne serai pas, croyez-le, messieurs, l'un des moins ardents à en réclamer d'efficaces; et puisque le mot efficaces n'a pas paru assez significatif à quelques-uns de nos collègues, j'ajouterai de notables. En attendant je tâcherai d'être au moins économe de paroles. Je dois cependant vous présenter quelques observations sur le dernier paragraphe du projet d'adresse; elles seront très courtes.

Le pouvoir a gardé la neutralité dans les dernières élections; il a bien fait, et je me joins à la commission d'adresse pour l'en féliciter. Mais je ne puis admettre, avec la commission d'adresse, que la neutralité du pouvoir soit la cause, la seule cause grâce à laquelle la chambre des représentants pourrait se regarder à bon droit comme l'expression fidèle des vœux et des sentiments de la nation.

En 1847, le pouvoir n'a pas gardé la neutralité; il a pesé sur les élections de tout son poids, de tous ses moyens d'influence; et cependant la chambre élue alors pouvait aussi se regarder à bon droit comme l’expression fidèle des sentiments et des vœux de la nation. La preuve, c'est que le ministère que la nation repoussait, dont elle était lasse, n'a pas osé comparaître devant cette chambre, c'est que la manifestation du corps électoral a suffi pour le renverser.

Croyez-vous, messieurs, que si les électeurs de 1847 ont eu assez de fermeté et d'intelligence pour résister aux influences du pouvoir, pour faire, en dépit de ces influences, des choix conformes à leurs vrais intérêts, croyez-vous que les électeurs de 1848 se seraient montrés moins fermes et moins intelligents ?

Non sans doute; plus nombreux grâce à la réforme électorale, impressionnés en outre par les événements qui remuent les pays voisins, il eut été bien moins facile de les influencer par des promesses de places «m de subsides. L'intervention du pouvoir aurait peut-être, probablement même amené un changement dans le choix de quelques petits districts. Mais, soyez en sûr, la majorité, l'immense majorité de cette chambre* n'en aurait pas moins été l'expression fidèle des sentiments et des vœux de la nation.

Je ne puis, messieurs, par les considérations que je viens d'indiquer, adhérer au passage du projet d'adresse qui, tout en rendant un juste hommage à la neutralité du pouvoir, donne à cette attitude que le gouvernement a prise une portée exagérée, et contre les intentions de la commission d'adresse, j'en suis convaincu, quelque peu injurieuse pour le corps électoral. Je demande, en conséquence, la suppression des mots: « Grâce à la louable neutralité du pouvoir, » ou si l'on tient à signaler cette neutralité dans l'adresse, je propose la rédaction suivante : « La chambre des représentants, issue d'élections que le pouvoir n'a pas cherché à influencer... » Le reste comme au projet d'adresse.

Je ne terminerai point, messieurs, sans déclarer que je suis du nombre de ceux qui croient répondre à l'attente de la nation, en promettant au gouvernement le concours bienveillant qu'il réclame.

Le ministère a sans doute commis des fautes. Qui n'en commet pas? Mais on doit reconnaître qu'il a, dans des circonstances difficiles, utilement, dignement géré les grands intérêts du pays.

Il est bien entendu que cette promesse de concours que je fais sincèrement, que je tiendrai tant que le ministère m'en paraîtra digne, n'est pas exclusive d'une opposition même énergique aux actes que ma conscience ne me permettrait pas d'approuver. On sert quelquefois mieux un ministère en le combattant qu'en se traînant servilement à sa suite.

M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, la chambre n'a pas cru devoir entendre quelques observations que je voulais lui soumettre sur la question des Flandres.

Je demanderai maintenant à motiver mon vote. Je considère la question des économies comme une question de salut public; en votant pour l'adresse, je me réserve, lorsque les budgets seront présentés, d'apprécier la politique du gouvernement sur ce point.

M. Lebeau, rapporteur. - Je demande la permission de dire deux, mots sur le paragraphe en discussion. Je crois utile de reproduire quelle a été la pensée, autant que j'ai pu la saisir, de la commission d'adresse.

La commission d'adresse avait conservé un bon souvenir, un souvenir reconnaissant de la déclaration officielle adressée à tous les fonctionnaires par le gouvernement, sur la neutralité qu'il voulait garder dans la lutte électorale.

Je n'ai pas à examiner ce qui s'est fait antérieurement. Mais je dois dire que ce document officiel est une heureuse innovation dans nos mœurs électorales, comme dans nos mœurs administratives. J'ai pensé que la commission et la chambre devaient l'encourager. Je n'ai pas cru qu'on (page 59) dût le passer sous silence. Sous ce rapport, je ne puis consentir et je crois que la commission ne consentirait pas, à la radiation de la pensée énoncée dans le dernier paragraphe. Mais la commission et son rapporteur se rapprocheront volontiers de l'honorable M. Delfosse pour faire disparaître le doute que la rédaction a laissé dans son esprit.

Les développements qu'il a donnés à son amendement, c'est la pensée de la commission. Je n'hésite pas à dire que son amendement la reproduit mieux que le texte même de l'adresse.

Je demande à la chambre la permission de l'arrêter encore un moment sur ce point. Ce n'est pas seulement au nom de la moralité et de la sincérité électorale, que nous avons cru devoir adresser un éloge au pouvoir pour sa neutralité dans les élections. Mais on a pu, et quant à moi, j'ai pu constater aussi la salutaire influence de cette déclaration sur les fonctionnaires publics. Ils se sont sentis relevés d'une servitude morale, dont beaucoup d'entre eux avaient été antérieurement frappés, et dont ils se croyaient menacés à l'approche des élections. En faisant cette déclaration de neutralité, non seulement on a purifié l'atmosphère électorale, mais on a relevé l'administration à ses propres yeux et aux yeux du pays.

M. de Selys-Longchamps. - Messieurs, j'ai écouté avec la plus grande attention la discussion relative au projet d'adresse. Plus d'une fois j'ai désiré prendre la parole. Mais j'ai préféré écouter ceux qui connaissaient depuis plus longtemps que moi les affaires parlementaires. J'ai voulu, en un mot, attendre la fin de la discussion pour me former une opinion bien mûrie sur l'ensemble du projet d'adresse, résultant notamment des commentaires que chacun des orateurs aurait pu faire sur ce projet.

Toutefois, messieurs, j'éprouve le besoin, avant de présenter quelques observations qui motiveront mon vote, de protester contre ce que l'honorable rapporteur a dit de la position des nouveaux députés, des nouveaux venus, comme on les appelle.

Nous manquons sans doute d'expérience, messieurs, quant aux usages parlementaires ; cependant il est vrai de dire aussi que la plupart d'entre nous ne sont pas arrivés ici sans s'être occupés auparavant des affaires publiques, soit dans les conseils provinciaux, soit dans les conseils communaux, de sorte que sous ce rapport nous pouvons, je pense, apporter un contingent consciencieux à l'examen des questions qui se présentent dans cette chambre.

On a paru objecter aussi que nous subissions une sorte de pression du dehors; que nous nous faisions ici l'écho de demandes immodérées d'économies qui se produisaient dans le pays; en un mot, que nous voyions à travers une sorte d'optique, pour arriver à des réformes qui dans la pratique sont, en quelque sorte, imaginaires.

Je crois que d'un autre côté, messieurs, on pourrait dire en faveur de la position des nouveaux députes, qu'ils arrivent ici exempts de tout préjugé, résultant des anciennes discussions; que n'ayant jamais pu nous tromper, ici, parce que nous n'avons pas eu occasion de nous occuper des affaires publiques, nous avons une position meilleure que ceux qui ont vu souvent leurs prévisions démenties et qui se sont en quelque manière exposés à se trouver en contradiction avec eux-mêmes par suite de la longue durée de leur présence aux affaires et de la variété des événements. Sous ce rapport, c'est un avantage dont nous pourrions nous prévaloir.

Je demande pardon à la chambre de cette digression ; je chercherai à être court.

Messieurs, un des orateurs auxquels j'ai fait allusion, vous a dit que les réformes dont on avait parlé étaient si nombreuses, qu'il faudrait six à huit sessions pour les examiner. Je dois le dire, les détails qui ont été donnés à cet égard m'ont paru décourageants pour ceux qui croient qu'il y a beaucoup de bien à faire très prochainement.

On nous a dit tout à l'heure,' dans la discussion relative aux Flandres, que de nombreuses années étaient nécessaires pour arriver à détruire le principe du mal. Je n'en doute pas, messieurs, le mal est long à détruire.

Gardons-nous bien cependant de ne pas décourager les populations, en leur faisant entendre qu'il faut tant de temps pour remédier à des maux dont plusieurs ne souffrent pas de retard.

Un de nos honorables collègues, l'honorable M. Delehaye, je pense, vous a dit, lorsqu'on a parlé de la facilité avec laquelle les emprunts forcés étaient payés : Mais on ne travaille pas, on ne fait que le strict nécessaire. Je dois ajouter que si ce fait est vrai pour les Flandres, il est vrai aussi pour la province de Liège. Dans nos campagnes on a payé régulièrement l'emprunt; mais les ouvriers ne travaillent pas; on ne fait que le strict nécessaire, on ne fait que les travaux purement agricoles ; et dans cette position, je ne, sais comment nous traverserons l'hiver prochain. Car il ne faut pas se faire illusion, les finances des communes sont horriblement grevées. Nous connaissons les budgets des communes; nous savons ce qu'elles ont eu à souffrir par suite de trois années malheureuses ; nous avons eu d'abord la maladie des pommes de terre ; est venue, l'année suivante, la disette résultant de la mauvaise récolte du seigle; après cela nous avons eu la crise financière; aujourd'hui nous avons la crise politique d'où vient en partie la cessation du travail.

Je crois, messieurs, que l'on devrait engager le gouvernement à s'assurer de l'état des budgets communaux, pour connaître les communes qui sont encore en état de faire des efforts, et celles qui sont réduites à la dernière extrémité, par suite des emprunts particuliers, et des avantages qu'elles ont dû faire depuis deux ou trois ans.

Messieurs, je regrette de devoir vous le dire, je ne pourrai donner mon approbation à l'ensemble du projet d'adresse ; j'en donnerai les motifs en deux mots. J'ai cru que c'était à l'occasion du paragraphe dernier que cette explication pouvait venir convenablement, d'autant plus, comme je l'ai dit en commençant, que j'ai désiré me former une opinion sur l'ensemble de la discussion.

Tout en remerciant le gouvernement des engagements qu'il a pris, quant aux économies, il me paraît que le ministère, avec une franchise dont je lui sais gré, s'est opposé à tout ce qui pouvait faire croire que des économies très grandes devaient également être faites dans le budget de la guerre. Le gouvernement, je le reconnais, vous a parlé à cet égard avec une grande franchise lors du rejet de l'amendement die l'honorable M. Orts. Cet amendement me paraissait tellement inoffensif qu'il eût dû être accepté par tout le monde. S'il n'a pas été accepté, c'est sans doute par suite d'un scrupule honorable de la part du cabinet, qui a craint que cet amendement ne servît de point de départ pour réclamer prochainement un changement dans l'organisation de l'armée. J'ai regretté qu'on ne nous laissât pas entrevoir le jour où un pareil changement pourrait avoir lieu.

Personne plus que moi n'est partisan de l'armée. Je compte sur son patriotisme, et c'est précisément parce que je compte sur son patriotisme que je suis persuadé que lorsqu'il s'agira de réduire un budget qui absorba le tiers des revenus de l'État, en respectant toutefois les positions acquises ou les droits légitimes, l'armée sera la première à admettre, lorsque le moment sera venu, les sacrifices qu'elle devra faire dans l'intérêt de la nation. Car je n'ai jamais séparé l'armée de la nation. La nation, la garde civique, l'armée ne font qu'un. L'armée n'est qu'une sorte de garde civique mobile.

J'ai trouvé un autre motif de défiance dans l'opposition qui a été faite à l'addition du simple mot notablement, dans la discussion qui a eu-lieu à ce sujet et dans les paroles que l'honorable M. Lebeau a prononcées hier.

En présence de l'opposition faite à cet amendement, et à celui de l’honorable M. Orts, je me vois, à regret, forcé de voter contre le projet d'adresse.

M. Lebeau, rapporteur. - Je regrette vivement, messieurs, de devoir rentrer dans la discussion, cette fois pour un fait à peu près personnel ; mais je serais désolé que la chambre accueillit, sans rectification, l'interprétation que l'honorable membre donne aux observations que j'ai présentées hier. Le rôle que semblerait me prêter l'honorable membre, serait à la fois d'un ridicule et d'une inconvenance véritablement impardonnables. J'ai soumis hier à la chambre, avec sincérité, quelques vues rétrospectives ; j'ai cherché à faire un peu l'histoire de ce que j'ai vu, et dans cet exposé, je me suis exécuté personnellement de tout aussi bonne grâce que je pouvais exécuter les autres. Je n'ai pas eu, certes, la pensée de m'ériger ici en pédagogue à l'égard de collègues qui n'ont et ne doivent avoir aucune disposition ni aucune raison d'accepter un pareil rôle de ma part. Ce rôle, je le répudie ; et si l'honorable membre veut lire attentivement, dans les Annales, les paroles que j'ai prononcées hier, il sera convaincu qu'elles excluent complètement l'interprétation qu'il a donnée aujourd'hui. Si tel pouvait être le sens très involontaire de mes paroles, je déclare protester très hautement contre une telle interprétation.

J'ai, messieurs, accueilli avec bonheur l'entrée dans cette chambre d'un grand nombre de nouveaux collègues qui, j'en suis convaincu, fourniront un contingent très utile à nos travaux, y apporteront beaucoup de lumières, et plusieurs d'entre eux ont déjà montré, dès leurs premiers pas, qu'ils étaient à la hauteur des discussions auxquelles ils auront à prendre part dans cette enceinte.

M. de Mérode - Messieurs, j'appuie l'amendement de l'honorable M. Delfosse, parce que l'on ne doit pas trop accorder à l'impartialité du gouvernement dans les élections dernières. Je reconnais que l'on a moins que précédemment recouru à l'intervention électorale des fonctionnaires publics; mais cependant il ne faut pas oublier qu'une circulaire ministérielle a indiqué les vœux du gouvernement en faveur des représentants de la majorité sortante. Or, comme plusieurs fonctionnaires avaient été destitués ou transposés, non pour défaut de capacité administrative, mais pour simple opinion présumée, rigueur nouvelle qui n'était pas à l'usage des précédents cabinets; un certain nombre de ces agents ont agi très activement dans les élections et ont empêché plusieurs de mes anciens collègues de reparaître sur ces bancs quels que fussent leurs services.

Messieurs, j'ai fait partie de plusieurs ministères pendant les premières années qui ont suivi 1830, et jamais je n'ai consenti à ce qu'on forçât les fonctionnaires à agir dans les élections. Lorsque ceux-ci se trouvaient disposés à seconder les vues du gouvernement, j'ai trouvé bon qu'on réclamât ce concours de leur part, mais je me suis constamment opposé à ce qu'ils fussent exposés à aucune contrainte.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - L'amendement de l'honorable M. Delfosse est motivé par les mêmes raisons que la proposition de la commission d'adresse. C'est un simple changement de rédaction, qui explique mieux la pensée de la commission, mais qui ne la rectifie pas. Si donc l'honorable M. de Mérode donne son adhésion à cet amendement, ce n'est point, ce ne peut pas être parce qu'il exprimerait autre chose que ce qu'a voulu exprimer la commission d'adresse, puisque l'honorable M. Delfosse lui-même a rendu hommage à l'attitude tenue par le pouvoir dans les dernières élections.

(page 60) L'honorable M. de Mérode reconnaît que le gouvernement a agi moins activement, cette fois, dans les élections, qu'il ne l'avait fait antérieurement; c'est déjà là une concession. Je répète la déclaration que le gouvernement n'a entendu exercer aucune espèce d'influence directe sur les électeurs. Y a-t-il eu, dans l'une ou l'autre localité, des agents du gouvernement qui ont cru devoir intervenir activement dans les élections, qu'on me les signale ; s'ils ont employé des moyens peu avouables, des moyens qui leur étaient interdits, il sera sévi contre eux. Je demanderai notamment à l'honorable M. de Mérode si lui, personnellement, a à se plaindre des agents du gouvernement dans le district qui l'a envoyé dans cette enceinte. Je demanderai (il a sans doute reçu des renseignements à cet égard), si plusieurs de ses anciens amis qui ont cessé de faire partie de cette chambre, s'ils ont à se plaindre de la conduite des agents du gouvernement.

Nous n'avons point demandé, messieurs, à la chambre les félicitations qui nous sont proposées; maintenant que la proposition en est faite, nous devons la défendre. La repousser aujourd'hui, ce serait supposer que le gouvernement est intervenu dans les élections, contrairement à ses déclarations.

Quant à la forme, quant à la rédaction, nous croyons, en effet, que la rédaction proposée par l'honorable M. Delfosse remplit mieux la pensée de la commission d'adresse et celle du gouvernement, que la proposition primitive. Nous ne faisons donc aucune difficulté, pour notre part, de nous y rallier entièrement.

M. de Mérode - Je déclare que, pour mon compte, je n'ai aucun reproche à adresser au gouvernement relativement à l'élection qui me concerne, si ce n'est la circulaire qui tendait plus ou moins à m'exclure. (Interruption.) La circulaire ne m'excluait pas directement, mais cependant elle ne m'était pas favorable.

Il y a d'anciens membres de la chambre qui ne sont pas revenus sur ces bancs et qui ne pourraient pas, d'après ce que je leur ai entendu dire, faire la même déclaration que moi. Je ne puis pas les signaler ici publiquement, mais je les indiquerai volontiers à M. le ministre en particulier.

M. le président. - Je vais mettre aux voix le changement de rédaction proposé par M. Delfosse, et auquel le gouvernement s'est rallié.

M. Lebeau, rapporteur. - Je m'y suis également rallié.

- L'amendement de M. Delfosse est mis aux voix et adopté.

Le dernier paragraphe ainsi modifié est ensuite mis aux voix et adopté.

Second vote des paragraphes

M. le président. - Il y a deux amendements.

Des membres. - Déclarons l'urgence.

- La chambre déclare l'urgence.

M. le président. - Le premier amendement, celui de M. Peers, est une disposition additionnelle au paragraphe 10; il est ainsi conçu :

« Convaincu de la sollicitude que le gouvernement de Votre Majesté ne cesse de porter à la situation des Flandres, la chambre des représentants s'associera avec empressement aux mesures utiles qui pourront lui être proposées pour venir en aide aux districts si cruellement éprouvés par la misère et l'épidémie. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Ne pourrait-on pas supprimer les mots : par la misère et l'épidémie ? (Oui ! oui !)

- Le retranchement de ces mots est mis aux voix et adopté.

L'amendement ainsi modifié est mis aux voix et définitivement adopté.


M. le président. - Vient l'amendement de M. Delfosse au dernier paragraphe; il est ainsi conçu :

« La chambre des représentants, issue d'élections que le pouvoir n'a pas cherché à influencer.......» Le reste comme au projet.

M. Orts. - Je regrette de suspendre quelques instants la décision de la chambre; mais il paraît qu'une nuance très importante a échappé à l'honorable M. Delfosse et à M. le rapporteur de la commission d'adresse, lorsqu'il a approuvé le changement de rédaction. La commission, l'honorable M. Delfosse et le ministère ont adopté la pensée de la rédaction primitive, non pas seulement parce qu'elle constatait le fait de l'abstention du gouvernement dans les dernières élections, mais parce qu'elle était un avertissement pour l'avenir ; on a désiré que cette abstention ne fût pas seulement constatée en fait, mais qu'elle fût louée; et c'est pour cela que le mot « louable » se trouvait dans la rédaction primitive. Je pense qu'il est nécessaire de conserver ce mot dans l'article : il indique que, dans l'opinion du pays, l'abstention des fonctionnaires dans les élections est considérée comme un fait désirable. Je demande donc s'il n'est pas possible de faire rentrer le mol « louable » dans la rédaction de l'honorable M. Delfosse.

M. Delfosse. - Messieurs, nous sommes, je pense, tous d'accord sur ce point, que la neutralité du pouvoir, en matière d'élections, est une chose désirable et digne d'éloges. J'ai déclaré que je m'associais aux éloges que la commission d'adresse a consignées dans son projet. Si je n'ai pas fait passer cette idée dans mon amendement, c'est que j'ai cru qu'il était inutile d'exprimer une pensée que personne ne conteste.

Du reste je ne m'opposerais nullement à l'adoption d'un mot qui pourrait être proposé par l'honorable M. Orts dans le sens de son observation.

M. Lelièvre - Je propose la rédaction suivante :

« La chambre des représentants, issue des élections que le pouvoir s'est sagement abstenu d'influencer, etc. »

M. Delfosse. - J'avais eu l'idée de proposer le mot « sagement » ; j'y ai renoncé parce que ce mot se trouve plusieurs fois dans le projet d'adresse; il ne faut pas le prodiguer.

M. Lelièvre - Je n'insiste pas.

- Le paragraphe 14 et dernier du projet d'adresse, tel qu'il a été amendé par M. Delfosse, est définitivement adopté.

M. Lebeau, rapporteur. - Je crois qu'il a été bien entendu dans une séance antérieure que la commission pourrait corriger quelques négligences de style dues à la précipitation avec laquelle ce travail a dû être présenté à la chambre.

M. Destriveaux. - Mon vote sur l'adresse sera affirmatif, et voici pourquoi :

Des débats, qu'on peut appeler solennels, ont révélé les besoins et les vœux du pays; ils nous ont révélé aussi les dispositions du gouvernement, les engagements solennels aussi que le gouvernement a pris. J'ai foi dans la parole que le gouvernement nous a donnée ; il connaît les besoins du pays; il connaît les remèdes ; il saura les appliquer aux besoins.

Ma confiance dans le gouvernement n'est cependant pas aveugle. Je me réserve la liberté d'examen lors de la discussion des budgets. Je ne crains pas que le ministère s'égare volontairement; mais si, à son insu, il venait à s'égarer, je remplirais alors un devoir envers mon pays et envers lui-même, en signalant les erreurs dans lesquelles le cabinet serait tombé.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé à l'appel nominal sur l'ensemble du projet d'adresse. En voici le résultat :

89 membres ont répondu à l'appel.

86 ont répondu oui ;

3 ont répondu non.

En conséquence la chambre adopte.

Ont répondu non : MM. David, de Selys-Longchamps et Lelièvre.

Ont répondu oui : MM. Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Ansiau, Boedt, Boulez, Bruneau, Cans, Christiaens, Cools, Coomans, Cumont, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Bocarmé, de Bourdeaud'huy, de Breyne, de Brouckere, de Brouwer de Hoogendorp, Dechamps, Dedecker, de Haerne, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, de Liège, de Luesesnans, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Perceval, de Pilleurs, de Renesse, de Royer, Destriveaux, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, d’Hont, Dubus, Dumont, Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Gilson, Jouret, Jullien, Julliot, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Liefmans, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Peers, Pierre, Pirmez, Previnaire, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Sinave, Tesch, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Tremouroux, Troye, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Vanden Brande de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse) et Verhaegen.

Désignation de la députation au roi

M. le président. tire au sort la députation de onze membres chargée de présenter l'adresse au roi. Les membres désignés sont MM. de Pitteurs, de Royer, Vanden Brande, Vermeire, Sinave, Boulez, Dolez , Dubus, Gilson, Cans et de Haerne.

M. le président. - Je suis informé que Sa Majesté pourra recevoir la députation demain ; on fera connaître aux membres de la députation l'heure à laquelle on se réunira au palais de la Nation.

Nous passons à l'ordre du jour.

Projet de loi qui étend les effets de la loi sur le jury universitaire à la deuxième session de 1848

Vote de l'article unique

« Art. unique. Les effets de la loi du 18 avril 1848 sur le jury sont étendus à la 2e session de la présente année. »

- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal.

En voici le résultat :

82 membres sont présents.

1 (M. Destriveaux) s'abstient.

81 prennent part au vote, et votent pour l'adoption.

La chambre adopte.

Ont voté pour l'adoption : MM. Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Ansiau, Anspach, Boedt, Boulez, Bruneau, Cans, Cools, Coomans, Cumont, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe,, de Bocarmé, Debourdeaud'huy, de Breyne, de Brouckere, Dechamps, Dedecker, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, de Liège, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Perceval, de Pilleurs, de Renesse, de Royer, de Selys-Longchamps, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, d'Hont, Dubus, Dumont, Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Gilson, Jouret, Jullien, Julliot, Lange, (page 61) le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Liefmans, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Peers, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Sinave, Tesch, Thiéfry, T’Kint de Naeyer, Toussaint, Tremouroux, Troye, Van Cleemputte, Van den Berghe de Binckum, Van den Brande de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse) et Verhaegen.

M. le président. - La parole est à M. Destriveaux pour motiver son abstention.

M. Destriveaux. - Je me suis abstenu, parce que désapprouvant dans ma conscience, tout le système du projet de loi, je ne pouvais voter pour. Je ne pouvais non plus voter contre, en raison de l'urgence.

Déclaration d'option électorale

M. le président. - La parole est à M. Dumortier pour faire connaître son option.

M. Dumortier - J’ai longtemps hésité. Mais j’opte pour le district de Roulers, où il y a des intérêts majeurs à défendre, à cause de la misère des Flandres.

Nomination du membre de la commission de surveillance de la caisse d'amortissement

84 membres sont présents.

Billets blancs, 2.

Nombre des votants, 82.

Majorité absolue, 42.

M. Osy obtient 43 suffrages.

M. de Man d'Attenrode, 39.

En conséquence, M. Osy est proclamé membre de la commission de surveillance de la caisse d'amortissement.

- La séance est levée à 2 heures trois quarts.