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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 11 avril 1848

(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1265) M. T'Kint de Naeyer procède à l'appel nominal à 1 heure et demie.

- La séance est ouverte.

M. Troye donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, la rédaction est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. T'Kint de Naeyer présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.

« Le sieur Baeyens se plaint d'un artiste vétérinaire établi dans l'arrondissement de Termonde et demande sa révocation. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Leras prie la chambre de le faire rentrer dans l'administration des accises. »

- Même renvoi.


« Le sieur Jules Lefebvre demande la révision de la loi sur la chasse. »

- Même renvoi.


(page 1266) « Les membres du conseil communal de Wavre, adhérant à la pétition du conseil communal de Jodoigne relative aux élections de l'arrondissement de Nivelles, demandent qu'il soit établi à Wavre un bureau électoral pour les cantons de Jodoigne, Perwez et Wavre. »

- Renvoi au ministre de l'intérieur.


« Le sieur Alexis prie la chambre de réviser la législation qui régit l'armée. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Projets de loi portant le règlement définitif du budgets des comptes des années 1841 et 1842

Rapports de la commission

M. de Man d'Attenrode. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des finances qui a été chargée d'examiner les projets de lois de réglementées comptes des exercices 1841 et 1842.

Projet de loi qui modifie la classification des communes

Discussion générale

« Article unique. La première classification des communes, conformément aux articles 3, 4 et 7 de la loi du 30 mars 1846, opérée par arrêté royal du 12 avril 1836, est modifiée d'après les tableaux ci-annexés.»

La section centrale, après avoir corrigé deux erreurs qui se trouvaient au tableau, a adopté le projet.

M. de La Coste. - Messieurs, le projet soumis à vos délibérations aura trois résultats ; en d'autres termes, la classification s'applique à trois objets différents. D'après l'article 3 de la loi communale, il y a deux échevins dans les communes de 20 mille habitants et au-dessous, et quatre, dans les communes dont la population excède ce nombre. La loi en discussion donnera quatre échevins au lieu de deux aux communes qui appartenaient à la première catégorie, mais qui, d'après le dernier recensement, ont maintenant de population de plus de 20 mille âmes. Le deuxième résultat a rapport au nombre des conseillers communaux. La loi communale établit, par son article 4, une classification des communes fondée sur la population en ce qui concerne le nombre des conseillers dans chaque commune. Cette classification sera également modifiée d'après le dernier recensement.

Ainsi la classification, quant à ces deux objets, a pour résultat d'étendre la sphère des droits politiques dans une certaine mesure. Mais la présente loi a un troisième objet, relativement auquel elle produit un effet diamétralement opposé. En appliquant les résultats du recensement à la classification établie par l'article 7, elle tend à restreindre la sphère des droits politiques.

Cette classification détermine le cens électoral, nécessaire pour prendre part aux élections communales. Il est de 15 francs pour les communes de moins de 2 mille habitants ; de 20 francs pour les communes de 2 à 5 mille âmes ; de 30 francs pour celles de 5 à 10 mille âmes ; de 40 fr. pour les communes de 10 à 15 mille âmes ; il a été récemment fixé, pour les communes de plus de 15 mille âmes, à 42 francs 32 centimes comme peur la nomination des membres des chambres et des conseils provinciaux.

Le résultat de la loi actuelle, quant à la classification de l'article 7, sera que dans une commune qui aurait plus de 9 à 10 mille âmes d'après le recensement antérieur et un peu plus de 10 mille d'après le recensement actuel, le cens sera porté de 20 à 30 francs et de même pour les autres classes. Je demande s'il est bien dans l'intention du gouvernement et conforme à la tendance générale des réformes auxquelles nous avons pris part depuis quelque temps, de restreindre la sphère des droits politiques, de priver une partie des électeurs actuels du droit électoral.

Je demande s'il ne vaudrait pas mieux de ne pas toucher à l'article 7 de la loi communale et de se borner à s'occuper des articles 3 et 4, de supprimer en un mot, dans la loi en discussion, la mention de l'article 7, mention qui n'aura d'autre effet que de priver une partie des habitants de plusieurs communes, peut-être de certaines villes, de l'exercice de droits politiques dont ils sont actuellement en possession.

Je soumets cette question à M. le ministre de l'intérieur et à la section centrale.

- La chambre consultée admet les trois rectifications au tableau, mentionnées dans le rapport de la section centrale. Le tableau annexé au projet de loi est approuvé avec ces modifications.

Vote sur l'ensemble du projet

L'ensemble du projet de loi est adopté à l'unanimité des 64 membres qui prennent part au vote, un membre (M. de La Coste) s'étant abstenu.

Ont pris part au vote : MM. Moreau, Orban, Osy, Pirmez, Pirson, Raikem, Rogier, Rousselle, Scheyven. Sigart, Simons, Thienpont, Tielemans, T'Kint de Naeyer, Troye, Van Cleemputte, Vanden Eynde, Vandensteen, Verhaegen, Veydt, Biebuyck, Brabant, Bricourt, Broquet-Goblet, Cans, Clep, Cogels, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bonne, de Brouckere, Dechamps, de Clippele, de Corswarem, de Foere, de Haerne, Delehaye, Delfosse, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Roo, Destriveaux, de Terbecq de Tornaco, Donny, Duroy de Blicquy, Eenens, Eloy de Burdinne, Frère-Orban, Gilson, Henot, Huveners, Jonet, Lange, Lebeau, Le Bon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Maertens, Malou, Mercier et Liedts.

M. le président. - Le membre qui s'est abstenu est invité à faire connaître les motifs de son abstention.

M. de La Coste. - Je me suis abstenu par les motifs que j'ai indiqués.

Proposition de loi prorogeant les pouvoirs des jurys d'examen de 1847 pour la première session de 1848

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale est ouverte.

M. de Haerne. - Messieurs, je crois devoir adresser une demande au ministère, à l'occasion du projet de loi qui vous est soumis. Ce projet propose de maintenir les jurys actuels pour la première session de 1848 et cela dans l'intérêt des études, dans l'intérêt des jeunes gens qui se présentent pour les grades académiques.

Je désirerais savoir si, d'après les mesures qui semblent être arrêtées, les chambres venant à être dissoutes et des élections ayant lieu, le ministère croit que les nouvelles chambres pourront être convoquées à temps pour pouvoir statuer sur la seconde session des jurys. J'avoue que si la dissolution des chambres ne se fait pas attendre trop longtemps, et si les nouvelles chambres se réunissent avant l'époque fixée pour la seconde session du jury d'examen, elles pourront prendre telles mesures qu'elles jugeront utiles, pour que les examens puissent avoir lieu ; mais s'il en était autrement, les inconvénients qui ont donné lieu à la proposition en discussion, se représenteraient encore.

Je désire avoir quelques explications sur ce point.

M. de Brouckere. - Dans notre opinion, les chambres pourront être réunies avant l'époque ordinaire de la seconde session. Mais quand il n'en serait pas ainsi, l'inconvénient ne serait pas très grand ; on ajournerait quelque peu la réunion ordinaire des jurys, et je ne crois pas que le préjudice qui en résulterait serait très grand.

M. de Haerne. - S'il est vrai, comme l'honorable M. de Brouckere vient de le dire, que les chambres se réunissent avant la seconde session des jurys, je retire mon observation. Mais je ne partage pas l'opinion qu'il n'y aurait pas d'inconvénient à ajourner la réunion des jurys. Car on dépasserait bientôt l'époque des vacances et on arriverait à déranger complètement les études.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, la session des grandes vacances commence le troisième mardi du mois d'août ; je pense que pour cette époque les chambres nouvelles auront été convoquées et auront pu s'occuper de l'examen d'une nouvelle loi.

M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, je crois devoir faire observer à la chambre que l'article 71 impose au gouvernement l'obligation de réunir les chambres endéans les deux mois qui suivront la dissolution. Il est donc, pour ainsi dire, certain que la législature nouvelle sera à même de statuer sur la question du jury d'examen avant la seconde réunion du jury qui a lieu ordinairement, je pense, le troisième mardi du mois d'août.

M. de Mérode. - Messieurs, dans des circonstances comme celles où nous nous trouvons, on ne peut jamais être absolument certain de la position dans laquelle se trouvera le gouvernement. Il me semble qu'on pourrait, éventuellement, maintenir le jury actuel pour les deux sessions 1848, sauf à ne pas user de ce moyen, dans le cas où les chambres auraient le temps de voter une loi nouvelle avant la deuxième réunion des jurys d'examen.

M. Delfosse. - C'est bien assez, messieurs, que les jurys d'examen, nommés par l'ancienne majorité et par l'ancien ministère, fonctionnent encore une fois. C'est parce qu'il n'y a guère moyen de faire autrement, que nous admettons la proposition dont nous sommes saisis. J'aurais même voulu qu'on donnât au gouvernement le droit de renouveler le tiers des membres du jury. Le gouvernement acceptant la proposition, je ne présenterai pas d'amendement ; mais je m'oppose de toutes mes forces à ce que le jury nommé par l'ancienne majorité et par l'ancien ministère fonctionne plus d'une session.

M. de Haerne. - Je vois avec beaucoup de peine, messieurs, que mon observation donne lieu à une discussion plus ou moins irritante. Il était bien loin de ma pensée de provoquer une telle discussion, et je vous assure que plutôt que de voir se produire l'inconvénient que je signalais tantôt, et qui résumerait de l'ajournement de la deuxième session du jury d'examen, inconvénient qui serait très grave pour les études et pour les jeunes gens, je préférerais qu'un nouveau jury fût nommé par la chambre actuelle, par la nouvelle majorité. Je déclare que, si la proposition était faite, je l'adopterais. Je ne m'opposerais pas le moins du monde, non plus, à ce que le projet en discussion fût modifié dans ce sens, que le ministère ferait, pour sa part, les nominations qui ont été faites précédemment par le gouvernement. Comme il ne s'agit que d'une mesure provisoire, je n'y verrais aucun inconvénient ; mais je verrais, je le répète, un très grand inconvénient à ce que les deux sessions n'eussent pas lieu aux époques ordinaires. Voilà tout ce que j'ai voulu dire, et je désire qu'on ne donne pas une mauvaise interprétation à ma pensée.

M. de Mérode. - Je n'ai pas songé le moins du monde à faire prévaloir le jury nommé par l'ancienne majorité. C'est bien le dernier de mes soucis, de savoir si le jury a été nommé par telle majorité ou par telle autre, surtout dans les circonstances où nous nous trouvons, et je n'ai pas pensé que cette question pût attirer l'attention de personne. Si j'ai combattu la proposition qui avait été faite par le ministère, c'est parce que je ne veux pas, confier au gouvernement la nomination des membres du jury d'examen ; c'est une question de principe ; je ne le voudrais pas, alors que mes amis les plus intimes seraient au pouvoir.

Maintenant si l'on trouve un inconvénient à la proposition que j'ai faite, assurément, je ne demande pas mieux qu'on s'y oppose ; mais je proteste contre toute intention quelconque qu'on me prêterait, de faire prévaloir un jury plutôt qu'un autre ; cela a été fort loin de ma pensée ; (page 1267) je n'ai songé qu’à l'inconvénient qui a été signalé par l'honorable M. de Haerne.

M. Delfosse. - Messieurs, je n'ai entendu attaquer les intentions de personne. Je me suis borné à combattre une idée que je croyais dangereuse. L'inconvénient signalé par l'honorable M. de Haerne est imaginaire ; il est bien certain que les chambres nouvelles seront réunies à temps...

M. de Haerne. - Soit ; alors je suis content.

M. Delfosse. - La dissolution sera, je n'en doute pas, prononcée aussitôt que les listes électorales seront complètes et définitives. Tout le monde a la conviction que les chambres nouvelles seront réunies à temps ; c'est pourquoi on a réduit de commun accord le chiffre de l'emprunt aux sommes nécessaires à la marche du service jusqu'au mois d'août.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je ne veux pas revenir sur des faits accomplis. Je dois seulement faire remarquer que, si des difficultés se rencontrent, le gouvernement s'était mis en mesure d'y pourvoir. Dans le système proposé par le gouvernement, alors qu'il demandait à la chambre d'être chargé pour cette année de la nomination des membres du jury, il avait en vue la session prochaine et la session des grandes vacances. Si la chambre avait cru devoir donner cette mission toute temporaire au gouvernement, les inconvénients qu'on redoute pour la session des grandes vacances ne se seraient pas présentés ; mais la majorité n'ayant pas cru devoir confier cette mission au gouvernement, on n'a pas la certitude d'échapper aux inconvénients signalés ; toutefois ce que je puis dire, c'est que, dans mon opinion, les nouvelles chambres seront très probablement convoquées en temps opportun pour pouvoir procéder à l'examen d'une nouvelle loi.

M. de Brouckere. - Messieurs, je crois qu'il est inutile de revenir sur ce qui s'est passé dans une séance précédente. Le projet du gouvernement a été rejeté ; celui que j'appuyais moi-même l'a été également ; c'est une chose finie pour cette session. Je crois que la chambre n'a rien de mieux à faire que d'adopter la proposition qui lui a été soumise, bien entendu qu'elle ne sera applicable qu'à la première session du jury, car je suis d'accord avec l'honorable M. Delfosse pour déclarer que si on voulait la rendre applicable à la seconde session, je la repousserais.

Du reste, je ne redoute en aucune manière les inconvénients qui ont été signalés par l'honorable M. de Haerne, et je suis très persuadé que ces inconvénients ne se présenteront pas.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

M. le président. - Voici un amendement présenté par MM. Rodenbach et de Mérode.

« Les frais d'examen ne dépasseront pas le produit des inscriptions. Dans cette limite, un arrêté royal réglera la distribution des indemnités à délivrer aux membres du jury d'examen. »

M. Rodenbach. - Messieurs, depuis qu'une catastrophe politique est arrivée dans un pays voisin, notre commerce et notre industrie souffrent considérablement. Nous avons, de lourds impôts à payer ; il faut pourvoir à 3,300,000 fr. de pensions ; nous avons, outre ce fardeau effrayant, un emprunt forcé dont nous sommes saisis. Il me semble que puisque nous nous sommes imposés de si grands sacrifices, il est plus que temps d'entrer dans les voies d'économie ; il n'y a qu'un vœu dans le pays : « économies et beaucoup d'économies. »

Je crois que le moment est opportun d'admettre ici ce principe. Nous avons proposé, l'honorable comte de Mérode et moi, un amendement qui consiste à faire payer par les élèves les frais d'examen. La rétribution servira à payer les examinateurs. Ensuite le gouvernement fera un règlement. Il s'ensuivra que le gouvernement ne payera rien du tout pour les examens ; ce sont les élèves qui payeront. Au lieu de 122 mille francs que nous payons maintenant, on ne payera plus que 40 à 50 mille francs. C’est une somme excessive que 122 mille francs. Par l'arrêté-loi du 21 juillet 1844, on alloue aux membres du jury d'examen, pour frais de séjour et de voyage, 10 francs et pour jeton par heure d'examen 3 francs.

Ce mode de payement enfle beaucoup le produit. Je pense que cette rétribution qu'on leur accorde est exorbitante ; car, si mon calcul est exact, il est des examinateurs qui reçoivent de cette manière la moitié de leurs appointements d'une année. Pour certains d'entre eux, c'est un cumul ; et les examinateurs eux-mêmes, la main sur la conscience, devraient savoir que dans un temps de calamité, on ne peut pas recevoir une rétribution aussi énorme. Je crois en avoir dit assez pour développer mon amendement.

M. Osy. - Je viens appuyer l'amendement de l'honorable M. Rodenbach ; je crois qu'il est plus que temps de mettre de l'économie dans notre ménage. A cette occasion, je dois dire (j'engage .M. le ministre de faire examiner si mes renseignements sont exacts), je dois dire qu'il y a un fonctionnaire qui a été plusieurs fois examinateur, dont les appointements s'élèvent à 8,400 fr. indépendamment d'un très beau logement et qui remplit trois autres fonctions lui rapportant : l'une, 5,000 fr. ; une autre, 5,174 fr. ; et la troisième, pour ses jetons de présence, 2,200 francs. Voilà un fonctionnaire qui, en 1847, a reçu 16,700 fr.

Je crois qu'il est plus que temps de faire cesser cette prodigalité. On me dira que s'il est payé pour les fonctions autres que ses fonctions principales, il les remplit ; je répondrai que s'il en a le temps, il est trop payé pour ses fonctions principales et qu'il faut le réduire s'il ne veut pas, pour les 8,400 francs, remplir les quatre fonctions.

Je prie M. le ministre d'examiner le fait que je viens de signaler et toutes les autres sinécures pour les faire cesser.

M. Tielemans. - Je commence par appuyer l'amendement de MM. de Mérode et Rodenbach, par des raisons que tout le monde comprend dans les circonstances actuelles. L'article premier porte :

« Les pouvoirs des jurys d'examen de 1847 sont prorogés pour la première session de 1848. »

Il est bien entendu que cet article s'applique aux titulaires et aux suppléants. Il peut résulter ce fait que par décès ou autre empêchement le titulaire et le suppléant viennent à manquer pour telle ou telle branche de l'enseignement. Je pense qu'il serait prudent d'ajouter qu'en cas de décès ou de refus du titulaire et du suppléant, il y sera pourvu par le gouvernement.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - L'amendement de M. Tielemans me paraît devoir être adopté. Il est possible, en effet, que le cas qu'il suppose vienne à se présenter, surtout si l'amendement de MM. de Mérode et Rodenbach est adopté. Cette conséquence ne m'empêchera pas cependant de me rallier à leur proposition.

Je crois qu'il est juste que le trésor public ne dépense rien au-delà du produit des inscriptions pour la collation des grades. Aujourd'hui, il y a une différence très notable entre les frais et les produits des examens. Ainsi pour l'année 1848, je suis obligé de demander un crédit supplémentaire de 30,000 francs.

Je ne fais donc pas de difficulté de me rallier à la proposition de MM. Rodenbach et de Mérode. A cette occasion on a insisté auprès du gouvernement pour qu'il entrât dans une large voie d'économie. Nous ne voulons pas faire de promesses, ne prendre des engagements que nous ne serions pas en position de tenir ; mais nous pouvons annoncer à la chambre que le cabinet s'est mis complètement d'accord sur la nécessité d'introduire dans les dépenses du budget le plus grand nombre d'économies possible.

La chambre ne voudra pas certainement d'un système d'économie qui aurait pour résultat de détruire ou d'altérer profondément des institutions utiles. Le problème à résoudre est celui d'introduire des économies et de conserver dans toute leur utilité, les institutions consacrées depuis 1830, de maintenir les administrations sur un bon pied de rétribuer convenablement toutes les fonctions où des services réels peuvent être rendus à la chose publique.

L'intention du gouvernement, d'accord en cela avec les intentions de la chambre, est de réduire, de supprimer toutes les dépenses qui n'auraient pas un caractère évident d'utilité.

Il y a, messieurs, des fonctionnaires qui cumulent plusieurs fonctions, plusieurs traitements, et cela en raison même, il faut le dire, de leur capacité. Je suis convaincu que ces fonctionnaires seraient les premiers à renoncer à tout ce qui pourrait ressembler à un abus dans l'accumulation des traitements ou des indemnités dont ils jouissent.

En ce qui concerne les jurys d'examen, je le répète, je me rallie à la proposition des deux honorables collègues.

Nous verrons, pour la prochaine formation des jurys, s'il y a d'autres économies à introduire dans ce service.

M. Verhaegen. - J'appuie la proposition qui vous est faite, parcs qu'elle est actuellement nécessaire, et comme mesure simplement provisoire.

J'appuie également le principe de l'amendement qui est présenté par MM. de Mérode et Rodenbach, parce qu'il doit en résulter une économie. Mais je voudrais avoir sur la portée de cet amendement quelques explications. J'ai entendu dire tantôt qu'il était arrivé quelquefois à MM. les examinateurs d'avoir 17 heures d'examen par jour : je conçois cela difficilement, à moins de dire que 12 équivalent à 17. Quoi qu'il en soit, si l'on est parvenu à faire de semblables calculs, il ne sera pas inutile de prendre nos précautions, quant aux mesures nouvelles, ces mesures ne fussent-elles que provisoires.

Les frais d'examen ne dépasseront pas les frais d'inscription. Un arrêté royal réglera cette répartition, soit ; mais entend-on faire une caisse commune pour les diverses catégories d'examen, ou bien attribuera-t-on aux examinateurs pour le doctorat en droit, les frais de cet examen fixés à 300 fr. par candidat, et aux examinateurs pour la candidature en philosophie et lettres, les frais de cet examen fixés seulement à 50 francs ? Ce dernier système ne me parait pas admissible. La caisse doit être une caisse commune.

Mais un autre point plus sérieux est celui de savoir si les sommes versées par les élèves qui se présenteront devant les jurys d'examen et qui seraient ajournés seront acquises, oui ou non, aux jurys provisoires nommés pour la première session de 1848 ?

Je n'entends pas examiner ici tous les détails de ce système. Je ne veux pas en dire davantage sur ce point. Je désire seulement qu'on lève les doutes qu'il peut y avoir à cet égard.

M. de Brouckere, rapporteur. -Primitivement les membres des jurys d'examen avaient, outre leurs frais de route et de séjour, une indemnité de 5 fr. par heure.

En 1844, si je ne me trompe, cette indemnité de 5 fr. par heure a été réduite à 3 fr. Mais, il faut bien le dire, cette réduction n'a pas amené dans le chiffre total de la dépense l'économie à laquelle on s'attendait. Certaines combinaisons se sont établies, par suite desquelles le chiffre (page 1268) total des indemnités s'est élevé encore à une somme beaucoup trop forte.

Je comprends donc parfaitement bien que la chambre soit animée du désir d'introduire des économies dans cette branche de service. Mais je déclare que j'aurais préféré que ces économies eussent été ajournées jusqu'au vote de la loi définitive qui doit intervenir d'ici à quelques mois.

Cependant je ne puis me dissimuler que la proposition de MM. de Mérode et Rodenbach rencontre un assez vif assentiment de la part de la chambre. Je ne la combattrai pas. Mais je ne crains pas de dire que, dans son application, cette mesure ainsi improvisée rencontrera de très grandes difficultés.

Je crois donc que si la chambre l'admet, il faut que l'on donne au gouvernement un pouvoir discrétionnaire pour aplanir les difficultés qui ne manqueront pas de se présenter. L'honorable M. Verhaegen en a signalé une ; je pourrais en indiquer d'autres.

Il est certain que le système adopté jusqu'à présent pour la rétribution des examinateurs doit être complètement changé. L'honorable M. Verhaegen a parlé des élèves ajournés. Aujourd'hui un élève ajourné obtient la restitution de la somme qu'il aurait dû abandonner s'il avait été reçu. Cependant cet élève entraîne pour l'Etat la même dépense.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - On ne lui restitue pas.

M. de Brouckere. - Cela est vrai ; je me trompe, on ne restitue pas, mais l'élève se représente une deuxième fois, puis une troisième fois, sans devoir payer de nouveau. On m'a assuré qu'il y a tel élève qui s'est représenté huit fois, et qui ainsi a coûté à l'Etat huit fois plus que s'il avait été un bon élève. De façon que plus les élèves sont mauvais, plus ils coûtent à l'Etat.

Il est évident que ce régime doit être changé.

Je ne m'opposerai pas à ce que dès aujourd'hui on adopte l'amendement de l'honorable M. de Mérode et de l'honorable M. Rodenbach. Mais je demande qu'il soit bien entendu que le gouvernement aura un pouvoir discrétionnaire pour aplanir les difficultés que cet amendement pourra soulever dans son application.

Quant à l'amendement proposé par l'honorable M. Tielemans, je crois qu'il n'y a aucune espèce d'inconvénient à l'adopter. Je dois dire cependant que la loi que nous discutons est la reproduction d'une disposition qui se trouve dans la loi du 8 avril 1844, et que cette disposition s'est exécutée avec la plus grande facilité. On conçoit qu'il n'est pas vraisemblable que, d'ici à quelques semaines, le titulaire et le suppléant d'une même place viennent à manquer. Quoi qu'il en soit, je le répète, il n'y a aucun inconvénient à adopter l'amendement de l'honorable M. Tielemans.

M. de Mérode. - M. le ministre de l'intérieur vient de vous dire que le produit des inscriptions des élèves ajournés n'est pas restitué. Il résultera de notre proposition que les élèves qui se feront examiner trois, quatre ou cinq fois, ne coûteront rien de plus à l'Etat que s'ils étaient examinés une seule fois. Il y aura un maximum établi pour les frais d'examen et ce maximum ne pouvant être dépassé, il restera seulement aux membres du jury l'ennui d'examiner six ou sept fois le même individu.

M. de Brouckere, rapporteur. - Messieurs, il résultera, en effet, de ce système que l'Etat ne perdra plus rien ; mais les examinateurs perdront beaucoup. Car les examinateurs étrangers à la ville devront prolonger d'autant plus leur séjour à Bruxelles qu'il se présentera plus d'élèves ; or, vous comprenez que si un élève se présente huit fois et ne paye qu'une, ce sera au détriment des examinateurs que pareille chose se fera.

M. Verhaegen. - Messieurs, je pensais que, comme il s'agit d'une mesure provisoire et que les auteurs de l'amendement voulaient des économies, il y avait lieu, en cas d'ajournement, de restituer les 300 fr. Car s'il en est autrement, mais au lieu d'une économie, vous allez arriver à un tout autre résultat, et voici pourquoi.

Tous ceux qui se présentent pour passer leur examen de docteur en droit, et il y en a beaucoup, payent 300 francs. Vous allez avoir des examinateurs pour six mois. Si tout le produit des examens est acquis à ces examinateurs, sans qu'il y ait restitution en cas d'ajournement, les examinateurs qui viendront après auront à subir la perte de ces 300 francs.

M. de Brouckere, rapporteur. - C'est une erreur ; il y aura compensation. Si les examinateurs actuels touchent en effet les 300 fr. des élèves, même de ceux qui seront ajournés, par contre ils ne toucheront rien pour les élèves qui se présenteront pour la troisième, la quatrième et même la huitième fois.

- La discussion est close.

M. le président. - L'amendement proposé par M. Tielemans est ainsi conçu :

« En cas de décès ou de refus des titulaires et de leurs suppléants, il y sera pourvu par le gouvernement. »

Celui de MM. de Mérode et Rodenbach est ainsi conçu :

« Les frais d'examen ne dépasseront pas le produit des inscriptions. Dans cette limite un arrêté royal réglera la distribution des indemnités à délivrer aux membres du jury d'examen. »

- Ces deux amendement successivement sont mis aux voix et adoptés.

L'ensemble de l'article premier est adopté.

Article 2

M. le président. - Comme l'article est assez long, je proposerai de faire de l'amendement de MM. Rodenbach et de Mérode un article 2.

- Cette proposition est adoptée.

Article 3

« Art. 2 (devenu art. 3). La présente loi sera exécutoire le lendemain de sa publication. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

La chambre décide qu'elle passera immédiatement au vote définitif.

Les amendements admis au premier vote sont définitivement adoptés.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

75 membres répondent à l'appel nominal, 1 (M. David) s'abstient.

74 adoptent. Ce sont : MM. Moreau, Orban, Osy, Pirmez. Pirson, Raikem, Rodenbach, Rogier Rousselle, Scheyven, Sigart, Thienpont, Tielemans, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Troye, Van Cleemputte, Vanden Eynde, Vandensteen, Verhaegen, Veydt, Vilain XIIII, Zoude, Anspach, Biebuyck, Brabant, Bricourt, Broquet-Goblet, Cans, Clep, Cogels, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bonne, de Brouckere, de Chimay, Clippele, de Corswarem, Dedecker, de Haerne, de La Coste, Delehaye. Delfosse, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode, de Roo, Desaive, de Terbecq, de Tornaco, Donny, Dumont, Duroy de Blicquy, Eenens, Eloy de Burdinne, Faignart, Fallon, Frère-Orban, Gilson, Henot, Huveners, Jonet, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Maertens, Malou, Manilius, Mercier et Liedts.

En conséquence, le projet est adopté. Il sera transmis au sénat.

M. David. - Messieurs, je n'ai pas voulu, par un vote favorable, sanctionner un jury d'examen établi au commencement de 1847, mais d'un autre côté, messieurs, j'eusse craint, en m'opposant à la proposition, qui vous est faite d'entraver les éludes des jeunes gens inscrits pour les examens de la première session de 1848.

Ordre des travaux de la chambre

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban) (pour une motion d’ordre). - Je prie la chambre de vouloir bien décider qu'elle interrompra demain la discussion de la loi sur la garde civique pour examiner le projet de loi qui ouvre un crédit au gouvernement pour travaux publies à exécuter dans le pays.

M. Rousselle. - Je crois qu'il faudrait donner la priorité au projet de loi d'emprunt.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je crois que nous ne pouvons pas interrompre, au point où elle est arrivée, la discussion de la loi sur la garde civique. La loi actuelle n'est pas tellement défectueuse qu'on ne puisse en tirer parti ; partout où l'esprit public était actif, la garde civique s'est organisée, mais aujourd'hui l'organisation s'en trouve interrompue dans un grand nombre de communes parce qu'on se trouve entre la loi existante et la loi soumise à la législature ; il importe donc que la loi nouvelle soit votée le plus tôt possible ; j'ai moi-même fait suspendre les élections dans plusieurs communes en attendant la publication de la loi dont nous nous occupons. Je considère certes comme très urgente la loi d'emprunt, mais nous pourrions peut-être terminer demain la loi sur la garde civique, et alors ce ne serait pas la peine d'en interrompre la discussion.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Lorsque la chambre aura examiné la proposition dont je demande la mise en discussion, il restera encore à voter deux crédits pour le département des travaux publics. La section centrale a demandé un très grand nombre de renseignements ; je viens de les lui transmettre. Diverses demandes de renseignements reposaient sur des erreurs de faits ; je pense que le rapport pourrait être fait dans un bref délai, et alors on pourrait examiner ce crédit avant d'aborder la loi d'emprunt, de cette manière on serait d'autant mieux fixé sur les besoins du trésor.

M. de Brouckere. - Le rapport dont vient de parler M. le ministre des travaux publics ne pourra pas être présenté aussi promptement qu'il le pense. La section centrale avait demandé de très nombreux renseignements qui lui sont parvenus aujourd'hui et qui sont accompagnés d'un ballot de pièces ; il n'est pas possible que nous examinions en quelques heures et toutes les réponses de M. le ministre, et ce ballot de papiers ; cet examen durera plusieurs jours.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Je suis persuadé que l'examen de toutes les observations présentées par la section centrale peut se faire en deux heures.

M. de Brouckere. - L'honorable M. de Man et moi sommes spécialement chargés de cet examen, et nous déclarons qu'il ne peut pas avoir lieu et qu'il n'aura pas lieu dans un délai aussi bref que le pense M. le ministre.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - J'ai fait moi-même l'examen dont il s'agit, et je suis convaincu que la section centrale peut le faire en très peu de temps.

M. de Man d'Attenrode. - Je me joins à l'honorable M. de. Brouckere pour déclarer qu'il est impossible d'examiner en quelques heures des renseignements aussi volumineux que ceux qui nous ont été transmis. L'on procède, messieurs, au département des travaux publics d'une manière tout à fait étrange : on dépasse les crédits dans la plus (page 1269) large mesure, on prend toute espèce d'engagements, et, une fois les engagements contractés on voudrait nous voir passer sur tout cela à la vapeur. On va jusqu'à nous contester le temps nécessaire à un examen sérieux. Il semble réellement que nous n'avons qu'à nous incliner devant les faits accomplis, devant des engagements contractés même à l'insu du chef du département. Lors de notre premier examen nous nous sommes empressés de formuler les questions indispensables pour vous éclairer. Il a fallu 8 jours pour y répondre, et si nous demandions 8 jours pour examiner les réponses, nous ne serions certes pas trop exigeants, surtout avec la manière dont les choses marchent dans l'administration.

Il paraît que les chefs de l'administration ne savent pas ce qui s'y passe ; ce sont les agents inférieurs qui engagent le trésor public à leur insu, à l'insu même des ministres, à notre insu. Si la comptabilité était tenue régulièrement, si l'on inscrivait dans des livres les engagements pris par le département des travaux publics, on connaîtrait une bonne fois l'insuffisance qui existe dans ses dépenses. C'est ce que nous ne sommes pas encore parvenus à connaître. Une nouvelle insuffisance est encore venue se révéler à la section centrale ; elle s'élève à 441,066 fr. 51 c. et les déclarations du gouvernement ne sont pas faites pour nous faire espérer que ce sera la dernière.

Je termine en déclarant que je me livrerai, quant à moi, avec toute l'activité dont je suis capable, à l'examen des pièces qui nous ont été transmises.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Je ferai de nouveau remarquer à la chambre que je suis parfaitement étranger aux objets pour lesquels j'ai demandé le crédit. Je ne m'oppose en aucune façon à ce que l'on porte les investigations les plus complètes dans tous les actes du département des travaux publics.

Les crédits ont été dépassés d'une somme notable, d'une somme d'environ deux millions ; je suis prêt, quant à moi, à fournir tous les documents réclamés par la section centrale. Elle m'a posé un grand nombre de questions, et il a fallu quelques jours pour réunir tous les renseignements qu'elle demandait et qui se rapportaient à des actes anciens ; mais s'ensuit-il qu'il faille aussi un temps très considérable pour examiner ces renseignements ? Du reste, la section centrale peut prendre tout le temps qu'il lui faudra, 8 jours, 15 jours, un mois ; mais si l'on ne prend pas une prompte résolution, non seulement je ne pourrai pas payer les créanciers de l'Etat, mais la discussion de la loi d'emprunt ne pourra pas convenablement avoir lieu, car on ne peut pas voter les voies et moyens avant d'avoir voté les dépenses.

M. Rousselle. - Messieurs, je crois que nous pouvons aborder la question de l'emprunt immédiatement après la loi de la garde civique, puisque, si la chambre n'a pas alors voté sur le crédit demandé pour le département des travaux publics, il est à espérer que la section centrale aura déposé son rapport et qu'on pourra apprécier le chiffre pour lequel il faudra créer des voies et moyens. Je crois que la somme demandée est d'un million et demi, et ce renseignement suffirait peut-être déjà pour aborder la discussion de la loi de l'emprunt.

M. de Brouckere. - Messieurs, la demande qui a été présentée par M. le ministre des travaux publics, dans la séance du 18 mars, pour dépenses arriérées, ne montait, en effet, qu'à environ 1 million et demi ; mais depuis, la section centrale a été saisie directement, d'une nouvelle demande de crédit supplémentaire de plus de 400,000 fr. pour dépenses arriérées ; et, soit dit en passant : dans la réponse que nous avons reçue aujourd'hui, on nous annonce qu'on n'est pas bien certain qu'on ne trouvera pas encore quelques petites dépenses qui n'ont pas été découvertes jusqu'à présent.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, ceci mérite explication.

La chambre doit comprendre que je dois mettre la plus grande réserve dans les déclarations que j'ai à faire à l'égard des crédits supplémentaires. Je ne puis rien affirmer. J'ai pris toutes les précautions possibles pour faire tout connaître ; après une première erreur commise, mais reconnue en temps opportun, j'ai appelé tous les chefs de l'administration ; j'ai dit : « J'exige qu'on examine avec le soin le plus scrupuleux, qu'on me fasse connaître toutes les dépenses qui restent à payer. » C'est après cela qu'on a constaté des omissions jusqu'à concurrence de 400,000 fr. Je ne puis pas affirmer qu'il n'y aura pas encore de réclamations ; s'il y en a encore, je les produirai et la chambre examinera.

Messieurs, quant à la fixation de l'ordre du jour, je ne m'oppose pas à ce que la loi d'emprunt vienne après la loi sur la garde civique, s'il est bien entendu qu'on tiendra en réserve la somme de deux millions qui serait comprise dans la discussion, comme étant une somme certainement engagée, sauf examen de la section centrale. (Marques d'assentiment.)

M. Delfosse. - Messieurs, il s'agit de dépenses faites par les prédécesseurs de M. le ministre des travaux publics. M. le ministre a dit lui-même, lors de la discussion de son budget, qu'il n'avait pas de moyens suffisant pour contrôler tout ce qui se passe à l'administration du chemin de fer ; c'est pour ce motif qu'il a résolu de créer un bureau de contrôle.

La section centrale qui a été chargée de l'examen des crédits supplémentaires dont il s'agit en ce moment, a cru entrevoir de graves abus. Elle a voulu savoir à quoi s'en tenir, et elle a délégué deux de ses membres, MM. de Man et de Brouckere pour faire une enquête. Ces messieurs ont posé des questions par écrit ; on leur a adressé des réponses ; ils doivent avoir le temps de les examiner. M. le ministre désire que cet examen se fasse promptement. Ces honorables collègues mettront, sans doute, tout le zèle possible dans l'accomplissement de leur mission. On peut être sûr qu'ils ne perdront pas de temps.

On pourrait, en attendant, aborder l'examen du projet d'emprunt ; il est très probable que la somme de 2 millions devra être payée, alors-même qu'on reconnaîtrait qu'il y a eu des abus. La chambre aurait, dans ce cas, des mesures à prendre contre le ministre ou les fonctionnaires auxquels ces abus seraient imputables ; mais les créanciers qui ont fait des fournitures de bonne foi devraient être payés ; il est désirable surtout, dans les circonstances actuelles, que le gouvernement ne tarde pas trop à payer ce qu'il doit, pour que les fournisseurs puissent continuer à donner du travail à leurs ouvriers.

Quoi qu'il arrive, la somme de 2 millions devra très probablement être payée. Si la section centrale a ordonné une enquête, c'est uniquement pour découvrir les coupables, s'il y en a ; on peut donc, sans inconvénient, mettre la loi d'emprunt à l'ordre du jour après le vote de la loi sur la garde civique.

- La chambre décide que la demande de crédit supplémentaire (n° 6) viendra demain à l'ordre du jour en première ligne.

Elle décide ensuite, sur la proposition de M. Lebeau, qu'elle discutera immédiatement après le projet de loi concernant le renouvellement des conseils communaux et le projet de loi portant la réunion de Stavelot à l'arrondissement administratif de Verviers.

Elle décide en troisième lieu que le projet de loi sur l'emprunt sera mis en discussion immédiatement après le vote du projet de loi sur la garde civique.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget des dotations

Vote de l'article unique

« Article unique. Il est ouvert au budget des dotations un crédit supplémentaire de vingt et un mille quinze francs quatre-vingt-deux centimes (fr. 21,015 82 c.) pour le renouvellement et la restauration du mobilier de l'hôtel de la cour des comptes, détruit par suite de l'incendie du 7 novembre 1846.

« Ce crédit formera l'article 5 du chapitre IV du budget des dotations pour l'exercice 1848. »

M. le président. - La section centrale propose l'adoption du projet, et elle ajoute un paragraphe ainsi conçu :

» Cette dépense sera couverte au moyen de l'indemnité de même somme qui a été versée dans la caisse de l'Etat par la société qui avait assuré le mobilier de l'hôtel de la cour des comptes. »

Le gouvernement se rallie à cet amendement.

L'amendement de la section centrale est mis aux voix et adopté.

L'article unique, avec cet amendement, est également adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 68 membres qui ont répondu à l'appel. Il sera transmis au sénat.

Ont répondu à l'appel : MM. Moreau, Orban ,Osy, Pirmez, Pirson, Raikem, Rogier, Rousselle, Scheyven , Sigart, Thienpont, Tielemans, T'Kint de Naeyer, Troye, Van Cleemputte, Vanden Eynde, Vandensteen, Verhaegen, Veydt, Vilain XIIII, Zoude, Anspach, Biebuyck, Brabant, Bricourt, Broquet-Goblet, Cans, Clep, Cogels, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bonne, de Brouckere, de Chimay, de Clippele, de Corswarem, de Foere, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Delfosse, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode, Desaive, Destriveaux, de Terbecq, de Tornaco, Donny, Duroy de Blicquy, Eenens, Eloy de Burdinne, Fallon, Frère-Orban, Henot, Huveners, Jonet, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Maertens, Manilius et Liedts.

Projet de loi sur la garde civique

Discussion des articles

Titre V. Des élections et nominations aux grades

Article 53

M. le président. - Nous en étions restés à l'article 53.

On a soulevé la question de savoir si un étranger pouvait être nommé officier ; mais aucune proposition n'a été déposée.

La section centrale a proposé la suppression de l'article.

Le gouvernement se rallie à cette proposition.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, s'il pouvait y avoir quelque doute sur la capacité constitutionnelle d'un étranger admis dans les rangs de la garde civique à devenir officier, on pourrait prévoir le cas dans la loi même. La question s'est présentée, notamment pour la garde civique de Bruxelles ; il y a plusieurs étrangers qui n'ont cessé depuis 1830 de faire partie de la garde comme officiers : ils ont été élus et réélu ; la question a été soumise à la députation permanente ; elle a pensé que les étrangers ne peuvent pas être admis ; malgré cette décision, ils ont continué à être élus par les gardes.

J'ai fait valoir hier les motifs qui me déterminent à soutenir que les étrangers admis comme simples gardes pussent aussi être admis comme officiers, alors qu'ils sont élevés à cette fonction par la confiance de leurs pairs.

On a objecté la nécessité de la prestation de serment. Cela ne peut pas faire objection ; les professeurs de l'université, d'après la loi universitaire, peuvent être choisis parmi les étrangers, et ils prêtent serment comme les indigènes.

(page 1270) Si l’on voulait ne laisser aucun doute, on pourrait introduire une disposition ainsi conçue :

« Les titulaires de tous les grades sont choisis parmi les habitants appelés au service en vertu de l'article 9. »

M. Verhaegen. - Les observations que j'ai eu l'honneur de soumettre hier à la chambre devaient avoir pour conséquence la présentation d'une disposition semblable à celle que vient de déposer M. le ministre : On m’a très mal compris ; je n'ai pas voulu contester aux étrangers le droit d'être admis aux grades dans la garde civique. J'ai posé une question. J'ai bien fait de la poser, parce que si les choses étaient restées au point où elles étaient hier, il est évident que les étrangers ne pouvaient pas être admis aux grades d'officiers dans la garde civique. La disposition constitutionnelle y était obstative. Du moment qu'un étranger veut jurer fidélité au Roi, obéissance aux lois du peuple belge, si le gouvernement ne trouve pas d'inconvénient à ce qu'il puisse être nommé officier, je n'en vois pas non plus.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je ne vois aucune espèce d'inconvénient à admettre comme officier de la garde civique l'étranger choisi en cette qualité par les gardes eux-mêmes. Nous avons déjà eu l'occasion de nous expliquer à l'égard des étrangers. Nous ne pouvons trop souvent répéter quels sont à leur égard les principes du gouvernement, qui sont aussi ceux du pays : nous sommes un pays hospitalier, nous voulons traiter libéralement tous les étrangers disposés à maintenir dans le pays l’ordre public. Le gouvernement ne continuera d'être sévère qu'envers les étrangers qui apportent dans le pays des éléments de trouble et de désordre.

Plus on se montre sévère, défiant, injuste envers nous dans d'autres pays, plus il importe à la Belgique de continuer à montrer le bon exemple sous le rapport de l'hospitalité. Je ne doute pas que, sous ce rapport, la Belgique ne continue de marcher dans la même voie, j'espère qu'elle ne se laissera pas entraîner par les exemples fâcheux, qui lui viennent d'ailleurs.

- L'article 53 nouveau, proposé par M. le ministre de l'intérieur, est mis aux voix et adopté.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Au second vote, je proposerai de classer cet article différemment.

Article 54

« Art. 54 (projet du gouvernement). Les réclamations contre la validité des élections seront portées dans les dix jours devant la députation permanente du conseil provincial, qui statuera sans recours. »

« Art. 50 (projet de la section centrale). Les réclamations contre la validité des élections sont portées dans les dix jours devant la députation permanente du conseil provincial, qui statue en dernier ressort.

- Cet article est adopté avec la rédaction de la section centrale, à laquelle le gouvernement se rallie.

Article 55

« Art. 55 (projet du gouvernement). Les officiers des gardes civiques actives qui, un mois après leur élection, ne seront pas complètement armés et équipés, seront considérés comme démissionnaires et remplacés. »

« Art. 50 (projet de la section centrale). Les officiers des gardes civiques actives qui ne sont pas complètement armés et équipés dans le mois qui suit leur élection, sont considérés comme démissionnaires et remplacés. »

- Cet article est adopté avec la rédaction de la section centrale, à laquelle le gouvernement se rallie.

Article 56

« Art. 56 (projet du gouvernement). Une commission d'examen, composée d'un officier de chaque grade, nommée annuellement par le chef de la garde et présidée par lui, prononcera le remplacement des officiers qui, six mois après leur élection, ne connaîtront pas les trois premières écoles et le règlement sur le service de garnison, et des sous-officiers qui ne connaîtront pas les écoles de soldat et de peloton, et des sergents-majors et fourriers qui ne seraient pas aptes à remplir ces fonctions.

« Dans le cas du présent article, les titulaires déclarés démissionnaires ne pourront être élus à un grade qu'aux élections générales. »

« Art. 52 (projet de la section centrale). Une commission d'examen composée d'un officier de chaque grade, élu annuellement par ses pairs, prononce, sous la présidence du chef de la garde, le remplacement des officiers qui, six mois après leur élection, ne connaîtraient pas les trois premières écoles et le règlement sur le service de garnison. Cette commission prononce aussi le remplacement des sous-officiers qui, passé le même délai, ne connaîtraient pas les écoles du soldat et de peloton, et des sergents-majors et fourriers qui ne seraient pas aptes à remplir leurs fonctions.

« Dans le cas du présent article, le titulaires déclarés démissionnaires ne peuvent être élus à un grade qu'aux élections générales. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - La proposition du gouvernement modifie les dispositions actuellement existantes. La proposition de la section centrale reproduit, je dois le dire, la disposition de la loi de 1835, qui attribue non pas au commandant de la garde, mais aux gardes mêmes, la nomination de la commission chargée de procéder à l'examen dont parle l'article 56.

Au point de vue pratique, la proposition du gouvernement est préférable. Il ne faut pas se dissimuler que la charge de la garde civique est aggravée par des réunions trop fréquentes, qu'il ne faut la réunir, la déplacer que chaque fois qu'un intérêt public l'exige.

Si à chaque instant vous mettez en mouvement les officiers et les sous-officiers de la garde, il en résultera du relâchement dans le service. On a déjà beaucoup de peine à réunir les gardes pour l'élection des officiers. La loi nouvelle tient tellement compte de cette disposition des esprits, qu'elle fait de l'élection un service obligatoire et qu'elle commine une amende contre ceux qui ne se rendent pas aux élections. Je ne pense pas qu'il convienne d'imposer aux gardes des déplacements, sans nécessité indispensable.

Je conviens que, dans une garde nombreuse, l'élection signifiera quelque chose. Mais appliquée à une compagnie que signifiera-t-elle ?

A moins que le capitaine ne s'élise lui-même, je ne vois pas en quoi consistera l'élection.

Le lieutenant devra sans doute s'élire aussi lui-même. Je conçois le système de la section centrale, appliqué à une légion. Mais, dans beaucoup de communes, il n'y aura pas de légion ; il n'y aura même pas de bataillon. Dans ces communes l'élection deviendra tout à fait vaine.

Voilà les motifs qui m'engagent à maintenir la proposition du gouvernement, qui déroge, je dois le reconnaître, aux dispositions existantes.

Pour le reste, l'article est à peu près le même dans les deux projets. Seulement je demanderai à la section centrale si ce n'est pas par inadvertance qu'elle a compris le sergent-major dans les sous-officiers assujettis à l'examen, de sorte qu'il pourrait être démissionné s'il ne faisait pas preuve de capacité.

D'après l'article déjà voté, sur la proposition même de la section centrale, le sergent-major est à la nomination du capitaine. Je crois que celui qui nomme, doit avoir le droit de le révoquer, et qu'il faut laisser le sergent-major à la disposition du capitaine qui le nomme.

M. Delfosse. - Il est bien certain que la disposition du gouvernement ne peut être maintenue. Le gouvernement veut donner trop de pouvoir au chef de la garde. D'après le gouvernement, le chef de la garde aurait le droit de nommer tous les membres de la commission d'examen, dont les attributions sont importantes, puisqu'elle peut déclarer les officiers démissionnaires. Une commission d'examen ayant des pouvoirs aussi importants ne peut être nommée uniquement par le chef de la garde.

Il y a d'ailleurs, contre la proposition du gouvernement, un précédent de la chambre. Le gouvernement avait aussi proposé de faire nommer les membres du conseil de recensement par le chef de la garde. Mais la chambre a repoussé cette proposition.

Elle ne doit donc pas, si elle veut rester conséquente, donner au chef de la garde la nomination des membres de la commission d'examen.

Nous pouvons facilement nous mettre d'accord avec M. le ministre de l'intérieur.

M. le ministre de l'intérieur a fait une objection : il a dit que le système de la section centrale, qui consiste à faire nommer les membres de la commission d'examen par leurs pairs, serait peu praticable dans les communes où il n'y aurait qu'un petit nombre de gardes. On ne trouverait pas dans ces communes, un nombre suffisant d'officiers pour prendre part à l'élection. J'admets cette objection, et je proposerai une modification qui, je l'espère, engagera M. le ministre Je l'intérieur à se rallier à la proposition de la section centrale. Je demanderai que la commission d'examen soit nommée par le conseil communal. Nous avons décidé que les membres du conseil de recensement, présidé par le chef de la garde, seraient nommés par le conseil communal. Faisons aussi intervenir le conseil communal pour le choix de la commission d'examen.

M. le ministre de l'intérieur a cru que c'était par inadvertance que la section centrale avait soumis les sergents-majors au contrôle de la commission d'examen.

La commission d'examen doit, selon nous, pouvoir rechercher si un sergent-major est apte à remplir ses fonctions.

On fait remarquer que la section centrale ayant donné au capitaine le choix du sergent-major, il faut aussi laisser à cet officier le droit d'apprécier la capacité du sergent-major et de le révoquer, s'il y a lieu.

Mais il peut arriver qu'un capitaine ait trop d'indulgence et que le sergent-major ne remplisse pas convenablement ses fonctions. Le capitaine lui-même étant soumis au contrôle de la commission, il n'y a pas de raison pour y soustraire le sergent-major La commission qui pourra déclarer que le capitaine n'est pas apte à remplir ses fonctions doit pouvoir apprécier aussi l'aptitude du sergent-major. Si la commission ne trouve pas le sergent-major capable, le capitaine devra en choisir un autre.

La proposition de la section centrale se concilie donc fort bien avec le droit du capitaine de choisir le sergent-major.

M. Cans. - Je proposerai d'ajouter au premier alinéa de l'article 56 une disposition en vertu de laquelle tout garde de la compagnie aurait le droit d'être présent aux examens des officiers et des sous-officiers. Il faut que les gardes puissent s'assurer que les officiers ont réellement les capacités requises et que les décisions de la commission ne sont pas dictées par un esprit de camaraderie.

Je propose donc de dire : « Tout garde de la compagnie a le droit d'être présent aux examens. »

(page 1271) M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). -Messieurs, je ne pense pas que l'amendement proposé par l'honorable M. Delfosse améliore la loi. J'aimerais mieux encore la disposition primitive de la section centrale. Nous avons compris, dans des matières plus graves, l'inconvénient de faire intervenir des corps délibérants dans certaines nominations. Ainsi il paraît qu'aujourd'hui, de commun accord, on est d'avis que les chambres ne sont pas aptes à désigner les jurés. Ici on voudrait charger le conseil communal de faire au petit pied ce qu'on reconnaît être peu utilement praticable pour les chambres. Il devrait désigner les officiers chargés de juger de la capacité des officiers et des sous-officiers.

Je pense qu'un conseil communal n'a pas d'aptitude pour cela. C'est le colonel qui connaît le mieux quels sont les hommes les plus capables par leurs antécédents, par leur exactitude dans l'accomplissement de leurs devoirs, à bien juger le mérite des officiers et des sous-officiers.

Faire intervenir le conseil communal, ce serait encore une fois étendre outre mesure les attributions d'un corps délibérant.

Il nous reste deux autres modes : celui du gouvernement qui charge le chef du corps de désigner les membres de la commission d'examen. Je crois qu'au point de vue pratique c'est à ce mode qu'il faut s'arrêter. Pourquoi cette défiance contre les chefs ? Quel est l'intérêt du chef ? C'est d'avoir de bons cadres, d'avoir des compagnies bien commandées. La bonne composition des cadres importe avant tout à celui qui a la responsabilité du service, à celui qui a le commandement. Je ne sais dans quelle hypothèse on pourrait supposer que le commandant aurait un intérêt à choisir une commission d'examen qui pourrait être dirigée dans des vues hostiles à la garde même.

Quant à la nomination par élection, je reviens en peu de mots sur les motifs que j'ai fait valoir tout à l'heure.

Je dis qu'il ne faut pas multiplier outre mesure les déplacements pour les gardes. Je dis ensuite que si je puis comprendre les élections dans une garde civique composée de plusieurs bataillons, ces élections deviendraient tout à fait dérisoires dans une garde peu nombreuse. Laissons un peu de liberté d'action au chef qui, lui aussi, a sa responsabilité.

Quant au sergent-major, je persiste à croire que c'est par inadvertance que la section centrale l'a compris dans l'article 52. Il me semblerait offensant pour un capitaine qui a le droit de désigner son sergent-major, qu'une commission d'examen vînt lui dire : « Vous avez mal choisi ce sergent-major ; il ne nous convient pas ; nous allons le démissionner. » Ce serait détruire en fait l'exercice de la faculté que vous avez cru devoir accorder au capitaine.

M. Delfosse. - Messieurs, j'avais présenté un sous-amendement pour me mettre d'accord avec M. le ministre de l'intérieur. Puisque M. le ministre ne s'y rallie pas, je le retire et je maintiens la disposition de la section centrale, qui me paraît préférable.

M. le ministre de l'intérieur dit qu'il ne faut pas multiplier les occasions où les gardes devront se réunir. Je réponds qu'il ne faut pas multiplier les causes d'abus. De graves abus sont à craindre si le chef de la garde nomme à lui seul la commission d'examen. Le chef de la garde peut avoir de la partialité pour ses amis ; il peut trouver mauvais que ses amis n'aient pas été nommés officiers et user de sévérité envers leurs concurrents.

Il faut une garantie contre l'abus que le chef pourrait faire des attributions que le gouvernement veut lui conférer.

M. le ministre de l'intérieur n'approuve pas ce que j'ai dit du sergent-major. Il serait, selon lui, offensant pour le capitaine que la commission d'examen déclarât que le sergent-major nommé par lui n'est pas apte à remplir ses fonctions. Je répéterai à M. le ministre que la commission peut dire au capitaine lui-même qu'il n'est pas apte à remplir ses fonctions.

M. de Mérode. - Il me semble, messieurs, que de toutes ces complications qu'on veut établir, il peut résulter des conflits dans la garde civique, tandis qu'il faudrait au contraire s'efforcer d'y établir l'union et l'esprit d'ensemble.

M. le président. - M. le ministre, vous ne vous êtes pas expliqué sur la proposition relative à la présence des gardes à la commission d'examen.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - La loi se tait ; elle n'exclut pas la présence des simples gardes ; mais je ne pense pas qu'il convienne de la consacrer d'une manière formelle. On comprendra facilement qu'un officier qui, sans faire preuve d'une véritable incapacité, aurait fait une réponse malheureuse, pourrait perdre par là une partie de son autorité sur les gardes ; la présence même des gardes pourrait susciter certains embarras et nuire au succès de son examen. Je crois, messieurs, qu'il faut laisser cela à l'usage ; il ne faut pas empêcher la présence des gardes, mais il ne faut pas non plus en consacrer le droit dans la loi.

M. Brabant. - Messieurs, on ne s'est occupé jusqu'à présent que du mode de composition de cette espèce de jury d'examen ; je crois devoir dire quelques mots du programme lui-même. Je voudrais qu'au lieu de déterminer dans la loi les connaissances que doivent posséder les officiers et les sous-officiers, on s'en rapportât à cet égard à un règlement d'administration publique. Ces connaissances, si on les exigeait avec rigueur et comme on les exige dans l'armée, sont une affaire d'assez longue haleine, et elles comprennent une foule de choses qui sont inutiles à des officiers de la garde civique. Ainsi, dans l’école de bataillon on traite des précautions à prendre contre la cavalerie ; eh bien, nous nous occupons ici de la garde sédentaire qui, évidemment, n'aura jamais à croiser la baïonnette contre une charge de cavalerie ; il est donc inutile que la garde civique connaisse cette partie de l'école de bataillon.

Le nouveau règlement a aussi introduit beaucoup de manœuvres inutiles. Je crois donc, messieurs, qu'il serait bon de s'en référera un règlement d'administration générale, dans lequel le gouvernement déterminerait les connaissances qui sont réellement indispensables aux officiers de la garde civique. Je proposerai en conséquence de remplacer les mots : « ne connaîtraient pas les trois premières écoles et le règlement sur le service de garnison, » par ceux-ci « n'auraient pas les connaissances déterminées par un arrêté du gouvernement. »

Je crois que M. le ministre de l'intérieur ne fera aucune objection à cette proposition.

M. Cans. - Je retire l'amendement que j'avais proposé, du moment qu'il est entendu, par suite des explications de M. le ministre de l'intérieur, que tout garde civique a le droit d'assister aux examens subis par les officiers de sa compagnie.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Ce n'est pas défendu.

M. le président. - Je vais mettre aux voix l'amendement de M. Brabant. Il consiste à remplacer les mots : « ne connaîtraient pas les trois premières écoles et le règlement sur le service de garnison » par ceux-ci : « n'auraient pas les connaissances déterminées par un arrêté du gouvernement.»

M. Brabant. - Après les mots : « officiers » il faudrait ajouter « sous-officiers et caporaux. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). – Il n'est pas nécessaire d'ajouter les caporaux.

- L'amendement de M. Brabant est mis aux voix et adopté.

L'amendement de la section centrale portant que les membres de la commission seront nommés par leurs pairs, est ensuite mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Le premier paragraphe de l'article est adopté tel qu'il a été proposé par le gouvernement et modifié par M. Brabant.

« § 2. Dans le cas du présent article, les titulaires déclarés démissionnaires ne peuvent être élus à un grade qu'aux élections générales. »

M. Tielemans. - Je voudrais savoir s'il s'agit ici d'une exclusion de toute espèce de grade. En cas de négative, il faudrait dire : « au même grade ou à un grade supérieur. »

Le paragraphe est mis aux voix et adopté.

La chambre passe à l'article 57.

Article 57

« Art. 57 (projet du gouvernement). Le gouverneur peut, à la demande du chef de la garde et après avoir pris l'avis du collège échevinal, suspendre tout officier élu. Celui-ci sera préalablement entendu dans ses observations.

« Si dans les deux mois il n'intervient pas d'arrêté royal qui prolonge la suspension, celle-ci cesse d'avoir son effet.

« Si l'officier n'est pas rendu à ses fonctions dans le cours de l'année, il sera procédé à une nouvelle élection.

« L'officier ainsi suspendu ne peut être élu à un grade qu'aux élections générales. »

« Art. 53 (projet de la section centrale). La députation permanente peut, à la demande du chef de la garde, et après avoir pris l'avis du collège des bourgmestre et échevins, suspendre tout officier de la garde civique. Celui-ci est préalablement entendu.

« Cette suspension ne peut dépasser trois mois. Ce délai expiré, les gardes sont convoques pour procéder à une nouvelle élection. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je ne me rallie pas à la rédaction de la section centrale.

M. Delfosse. - C'est toujours le même système ; on veut donner au gouvernement le droit de suspendre des officiers élus par leurs concitoyens ; je proteste contre les tendances de M. le ministre de l'intérieur.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je dirai, à mon tour, que c'est toujours, de la part de l'honorable président de la section centrale, le même système de défiance absolue pour ce qui est gouvernement, gouverneur ou chef.

Au point de vue pratique, je demande ce que vient faire la députation permanente dans ce cas-ci. Il s'agit de suspendre un officier de la garde civique ; eh bien, en quoi cette attribution peut-elle concerner de près ou de loin la députation permanente ? Dans quelle circonstance la députation peut-elle être appelée à apprécier le mérite d'un officier de garde civique ? Elle n'est jamais en contact avec elle ; la députation poserait des actes d'autorité dans une branche du pouvoir public où elle n'a rien, à dire, rien à faire.

Je n'empêche pas l'honorable M. Delfosse d'avoir des défiances à l'égard du gouvernement, quel qu'il soit, à l'égard du gouverneur, quel qu'il soit ; mais s'il veut supprimer dans la loi le gouvernement et le gouverneur, qu'il les remplace au moins par une autorité apte à exercer les attributions qu'il veut lui conférer.

(page 1272) Le gouverneur peut suspendre les bourgmestres ; je ne pense pas que l’honorable M. Delfosse ait voulu lui enlever cette attribution ; eh bien, si le gouverneur peut suspendre un bourgmestre, je pense qu'on peut encore lui attribuer le droit de suspendre un officier, à la demande du chef de la garde, et après avoir pris l'avis du collège échevinal.

Cette disposition, je le reconnais, à une certaine importance ; c'est une disposition nouvelle. Je suis très éloigné de vouloir déposer dans la loi sur la garde civique un germe quelconque d'impopularité. Je n'ai aucun désir de fortifier inutilement l'action du pouvoir exécutif. Mais lorsqu’il s'agit de l'organisation d'une force publique, vouloir que le pourvoir exécutif, qui est responsable au premier chef du maintien de l'ordre, s'efface entièrement, c'est aller aussi beaucoup trop loin dans le système de défiance.

M. Delfosse. - Messieurs, je persiste à trouver mauvais qu'un officier, élu par ses concitoyens, soit à la merci du gouverneur. M. le ministre de l'intérieur dit que le gouverneur peut bien suspendre un bourgmestre. Il y a d'abord une différence entre un officier de garde civique et un bourgmestre ; le bourgmestre tient sa nomination du Roi ; l'officier de la garde civique ne tient la sienne que de ses concitoyens.

Je ferai en outre remarquer que quand on a discuté les modifications à la loi communale, j'ai proposé que le gouverneur ne pût révoquer le bourgmestre que de l'avis conforme de la députation permanente.

M. le ministre de l'intérieur me demande pourquoi cette défiance envers le gouvernement ? Je lui demanderai à mon tour pourquoi la Constitution a posé des limites à la prérogative du gouvernement ? C'est sans doute parce qu'elle suppose que le gouvernement pourrait en abuser ; c'est parce que, sans ces limites, il n'y aurait pas de liberté ; c'est parce que, sans ces limites, nous aurions le despotisme. La confiance que M. le ministre de l'intérieur réclame pour le gouvernement conduit tout droit .au pouvoir absolu.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - J'engage beaucoup mon honorable ami à ne pas pousser à l'extrême défiance. On croirait vraiment que nous faisons ici une loi remplie d'arbitraire.

M. Delfosse. - C'est un article de réaction.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Si je voulais protester aussi, je protesterais contre l'espèce de violence que mon honorable interrupteur met dans cette discussion et qui, je dois le dire, est injuste et peu opportune.

Je remplis ici non seulement un devoir de ministre, mais un devoir de bon et de vrai libéral ; je me tiens comme professant des idées tout aussi libérales que l'honorable M. Delfosse ; je ne suis pas plus que lui partisan du despotisme et de la tyrannie, mots vieillis depuis longtemps.

Messieurs, nous devons faire une loi sérieuse qui détermine les droits et les devoirs de chacun ; je n'admets pas que, dans une loi qui organise une partie de la force publique, le pouvoir exécutif soit entièrement effacé. Je ne pense pas qu'il se trouvât un seul ministre qui voulût s'associer à un tel système.

M. Delfosse. - Messieurs, M. le ministre de l'intérieur parle de violence ; il n'y a pas eu de violence dans mes paroles, il y a eu de la vivacité, et elle s'explique très bien par l'étonnement que doit me causer la persistance de M. le ministre de l'intérieur, à soutenir des principes qui ne sont plus de notre temps.

M. Eenens, rapporteur. - Messieurs, je crois nécessaire, chaque fois qu'on touche à une de nos lois, de la mettre autant que possible en harmonie avec les principes de la Constitution. Je vous rappellerai ce qui s'est passé au congrès national ; je vous lirai l'extrait du rapport de l’honorable M. Fleussu sur le titre V de la Constitution belge (force publique).

Nous trouvons à la page 103 des discussions de la constitution ce que disait le rapporteur de la section centrale relativement à la force publique :

(L'orateur donne lecture d'un passage du rapport de M. Fleussu sur le titre V de la Constitution, de la force publique.) Voilà ce que disait l'honorable M. Fleussu.

Vous voyez, messieurs, qu'il y a une grande différence entre l'esprit qui présidait aux discussions du congrès et celui qui a présidé à la rédaction de la loi que nous discutons.

M. le président. - Voici l'amendement que propose M. Delfosse :

« Le gouverneur peut, à la demande du chef de la garde et de l'avis conforme à la députation, etc. »

M. Delfosse. - J'ai développé suffisamment mon amendement.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je ne suis pas contraire à l’amendement. Je demande seulement pourquoi on veut substituer la députation au collège échevinal. J'admets l'avis conforme du conseil échevinal.

M. Rousselle. - Je préférerais la rédaction de la section centrale. M. le ministre a dit qu'il ne voyait pas comment la députation du conseil provincial pourrait être appelée à concourir pour ce qui concerne la garde civique. La députation doit concourir à tous les actes que lui défère le législateur, en vertu de l'article 106 de la loi provinciale. Cet article porte :

« La députation donne son avis sur toutes les affaires qui lui sont soumises, à cet effet, en vertu des lois ou par le gouvernement.

« Elle délibère, tant en l'absence que durant la session du conseil, sur tout ce qui concerne l'administration journalière des intérêts de la province et sur l'exécution des lois pour lesquelles son intervention est requise, ou qui lui sont adressées à cet effet par le gouvernement ; elle délibère également sur les réquisitions qui lui sont faites par le gouverneur.

« Elle peut défendre en justice à toute action intentée contre la province ; elle peut intenter sans délibération préalable du conseil, lorsqu'il n'est pas assemblé, les actions qui ont pour objet des biens meubles, ainsi que les actions possessoires, et faire tous actes conservatoires ; les actions sont exercées conformément à l'article 124 de la présente loi. »

La question est de savoir si on recourra à l'intervention de la députation pour cette partie du service de la garde civique. Je pense qu'on doit appeler la députation à y intervenir et qu'il ne faut pas l'abandonner au gouverneur seul ; le gouverneur préside la députation, il en fait partie, il exerce l'influence légitime du pouvoir central sur la députation ; le pouvoir a donc ses garanties ; il faut que les droits des citoyens aient aussi les leurs. Par l'intervention de la députation, nous concilions les droits du pouvoir avec ceux des citoyens.

M. Broquet-Goblet. - D'après la discussion qui a lieu dans ce moment, je regrette que l'observation que j'ai faite hier n'ait pas eu de suite ; car si nous avions pu discuter la question de savoir si le chef de la garde sera nommé par les officiers ou par le gouvernement, suivant la décision qui aurait été prise, nous aurions peut-être des garanties qui nous feraient admettre la proposition du gouvernement. En effet si on avait décidé que le chef de la garde serait nommé par les officiers, il n'y aurait pas d'inconvénient à ce que le gouvernement, sur sa demande, pût avoir le droit de suspendre un officier. Mais si au contraire le chef de la garde est nommé par le gouvernement je pencherai pour la rédaction de la section centrale ; je demanderai que le droit de suspension soit conféré à la députation, parce qu'alors il y aura une double garantie pour l'un et pour l'autre

Je désire que la rédaction de la section centrale puisse être adoptée parce qu'au deuxième vote nous saurons si le chef de la garde est nommé par le gouvernement ou par les officiers ; nous pourrons alors prendre une décision dans le sens que je viens d'indiquer.

M. Manilius. - J'appuie la rédaction de la section centrale. Les motifs que vient de faire valoir l'honorable M. Eenens militent fortement en sa faveur. Je dirai au gouvernement qu'il s'agit d'une innovation, et que, quand on innove en un point aussi délicat que celui dont il s'agit, c'est assez d'avoir admis la décision du gouverneur sur l'avis conforme de la députation. Je pense qu'on peut s'en tenir là. La proposition de la section centrale présente toute sécurité ; c'est pour celle-là que je voterai.

M. de Corswarem. - Je ne suis pas de l'opinion de ceux qui veulent que la suspension ne puisse être prononcée que de l'avis conforme de la députation ; il vaut mieux que ce soit de l'avis conforme du collège échevinal. Le gouverneur dans la députation voterait sur sa propre proposition. Comme gouverneur, il demandera la suspension à la députation, et comme président de la députation il votera pour sa proposition.

M. Delfosse. - Je préfère aussi la proposition de la section centrale ; si j'avais consenti à la modifier, c'était par des motifs dont M. le ministre de l'intérieur aurait dû tenir compte. Je retire mon amendement qui présentait, du reste, des garanties suffisantes.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Malgré l'observation de l'honorable représentant de Mons, la députation ne me paraît pas pouvoir décider sur les cas qu'il s'agit de lui soumettre. La démonstration contraire n'a pas été faite.

Pour répondre à l'observation de l'honorable M. Delfosse, je proposerai de dire : « sur l'avis conforme du collège échevinal ». Le collège échevinal est beaucoup plus compétent que la députation pour prononcer en pareil cas ; il est chargé du pouvoir exécutif dans la commune, il connaît parfaitement les officiers qui sont parfaitement inconnus de la députation.

Au point de vue des garanties, il y en aura davantage pour l'officier dans la proposition du gouvernement, telle qu'elle est maintenant formulée, que dans la proposition de l'honorable M. Delfosse. Les bourgmestre et échevins auront certainement plus de ménagements pour les officiers, leurs concitoyens dans la commune, que ne pourrait en avoir la députation.

En outre, le gouverneur n'exercera pas sur le collège échevinal la même influence qu'il pourrait exercer sur la députation permanente.

L'honorable M. Manilius s'est référé aux observations de M. Eenens ; mais cet honorable membre n'a pas touché l'article en discussion ; il s'est occupé de la nomination des chefs et pas du tort de la suspension prévue par cet article.

(page 1296) M. Manilius. - Je me suis référé aux paroles de l'honorable M. Eenens relativement à la démonstration qu'il a faite du droit constitutionnel. J'ai dit en même temps que c'était une innovation, une peine nouvelle contre les officiers. Est-ce que les peines que peuvent infliger les conseils de discipline n'ont pas été suffisantes jusqu’aujourd'hui ? Je prierai M. le ministre de l'intérieur d'avoir la bonté de dire à la chantre quels sont les motifs qui l'ont porté à accepter cette innovation. Il l'a trouvée dans le projet de loi qui a été présenté, non par lui, mais par l'honorable M. Nothomb. Il a dû se rendre compte des motifs de cette innovation. Je demande qu'il les indique. Qu'il dise, dans quelles circonstances on a dû recourir, à l'égard des officiers, à la mesure rigoureuse de la suspension. Je crois qu'il n'y en a pas d'exemple. Je crois que c'est déjà beaucoup qu'admettre la proposition de la section centrale. Aller au-delà serait aller trop loin. Je maintiens mon dire. Je voterai pour la proposition de la section centrale. Je crois que c'est aller assez loin.

(page 1272) - Le premier paragraphe du projet de la section centrale est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Le paragraphe premier de l'article 57 du projet du gouvernement est adopté avec la nouvelle rédaction proposé par M. le ministre de l'intérieur.

Le deuxième paragraphe de l'article 53 du projet de la section centrale est adopté. L'ensemble de cet article est mis aux voix et adopté.

Article 58

« Art. 58 (projet du gouvernement). En cas de vacance d'un grade, les électeurs seront convoqués (page 1273) dans les deux mois : celui qui est appelé à ce grade, achève le terme de celui qu'il remplace. »

« Art. 54 (projet de la section centrale). En cas de vacance d'un grade, les électeurs sont convoqués dans le mois : l'élu achève le terme de celui qu'il remplace. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - J'ignore pour quels motifs la section centrale a proposé un mois au lieu de deux mois. Je n'ai d'autre objection à faire contre ce délai que celle que j'ai déjà produite contre l'inconvénient de rendre trop fréquentes les réunions des gardes.

Je maintiens donc le terme de deux mois.

- La chambre, consultée, admet le terme de deux mois.

L'article 84 du projet de la section centrale est adopté avec cette modification.

Article 59

« Art. 59 (projet du gouvernement). Le membre de la garde élu à un grade qu'il a accepté ne peut donner sa démission que dans le courant du mois de janvier, à moins qu'il n'ait transporté sa résidence dans une autre commune. »

« Art. 55 (projet de la section centrale). Le membre de la garde élu à un grade qu'il a accepté ne peut donner sa démission que dans le courant du mois de janvier, à moins qu'il n'ait transféré sa résidence dans une autre commune. »

- Cet article est adopté avec la rédaction de la section centrale, à laquelle le gouvernement se rallie.

Article 60

« Art. 60 (projet du gouvernement). Le chef de la légion nomme :

« Le tambour-major, l'adjudant sous-officier et le tambour-maître ».

« Art. 56 (projet de la section centrale). Le chef de la légion nomme :

« L'adjudant-sous-officier, le tambour-major et les tambours-maîtres. »

- Cet article est adopté avec la rédaction de la section centrale, à laquelle le gouvernement se rallie.

Article 61

« Art. 61 (projet du gouvernement). Le Roi nomme l'inspecteur-général et les officiers de son état-major. Il nomme également, mais parmi les gardes de la commune ou des communes dont le corps se compose, le commandant supérieur, les officiers de son état-major, les chefs de légion, les lieutenants-colonels, les majors, les adjudants-majors, les quartiers-maîtres, les rapporteurs, les médecins de légion et de bataillon, et les porte-drapeau. »

« Art. 57 (projet de la section centrale). Les officiers de l'état-major du bataillon sont nommés par les officiers du bataillon ; ceux de l'état-major de la légion par les officiers de la légion.

« Le Roi nomme l'inspecteur général et les officiers de son état-major.

« Il en est de même de l'état-major dont il est parlé à l'article 30. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) déclare ne pas se rallier à la proposition de la section centrale.

M. Delfosse. - Je voudrais bien savoir si le gouvernement maintient toutes les dispositions de cet article, s'il entend avoir la nomination même des majors ? J'adresse d'abord cette interpellation à M. le ministre de l'intérieur. Ensuite je prendrai la parole sur l'article.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, l'article 122 de la Constitution porte :

« Il y a une garde civique. L'organisation en est réglée par la loi. Les titulaires de tous les grades, jusqu'à celui de capitaine au moins, sont nommés par les gardes, sauf les exceptions jugées nécessaires pour les comptables. »

En restant dans les termes de la Constitution, on ne doit attribuer aux gardes que la nomination des officiers jusqu'au grade de capitaine inclusivement.

Je sais que la Constitution a posé en quelque sorte une réserve, a donné ouverture à une extension du droit électoral, en se servant de l'expression au moins.

Je ne cherche, messieurs, dans cette discussion qu'à obtenir des lumières de cette chambre une bonne loi, une loi sérieuse, une institution capable de rendre des services, Tous les actes qui sont posés depuis un mois prouvent que le gouvernement fait tous ses efforts pour populariser de plus en plus toutes nos institutions. C'est l'esprit qui nous domine ; et lorsque nous venons revendiquer ici pour le pouvoir exécutif l'exercice de certaines prérogatives, ce sont encore les mêmes vues, les mêmes principes qui nous dominent. Nous voulons assurer le maintien de l'ordre ; nous voulons assurer le maintien de nos institutions, le maintien de toutes nos libertés. Ce n'est pas au profit des principes rétrogrades ou despotiques que nous voulons une certaine force dans le gouvernement ; c'est au profit de l'ordre et pour le maintien des libertés et des institutions.

Eh bien, je crois que ce serait singulièrement énerver et dénaturer le caractère de l'institution de la garde civique que d'attribuer sans exception toutes les nominations à l'élection. Il faut qu'il existe entre la garde civique et le pouvoir exécutif certains liens, de telle manière que la garde civique ne soit pas entièrement étrangère à l'action du pouvoir exécutif. Mais ici, comme dans diverses de nos institutions, nous pouvons faire marcher de front les deux principes, le principe électif et le principe de l'investiture par le pouvoir exécutif. C'est le système qui a été adopté pour l'administration communale.

Je dirai tout de suite que, quant à la nomination des majors, je reconnais qu'on peut, tout en restant dans l'esprit de la Constitution, attribuer leur nomination aux officiers. Mais quant aux chefs proprement dits, quant aux colonels et lieutenants-colonels, je maintiens les propositions du gouvernement. Il faut que ce soit le pouvoir exécutif qui les choisisse, non pas, messieurs, à son gré, d'une manière arbitraire, mais parmi les élus des gardes.

Voilà, messieurs, dans quelles limites je restreindrai les droits demandés d'abord par l'article 61 du gouvernement : abandon de la nomination des majors aux officiers ; nomination du commandant supérieur, des colonels et lieutenants-colonels parle pouvoir exécutif ; mais choisis dans le cadre des officiers.

Restent les fonctions spéciales, telles que celles d'adjudants-majors et de quartiers-maîtres. La législation actuelle attribue la nomination de ces grades au Roi. On considère les adjudants-majors et les quartiers-maîtres comme rentrant dans la catégorie de ceux pour lesquels la Constitution a fait une exception ; on les considère comme officiers comptables. Je n'ai pas besoin de dire que le quartier-maître est essentiellement officier comptable. L'adjudant-major est chargé de l'armement et de l'équipement. Il faut bien qu'un officier soit chargé, dans l'intérêt de l'Etat, de surveiller le bon entretien des armes et de l'équipement qui se distribuent aux frais du trésor. En sa qualité d'officier comptable, l'adjudant-major, en vertu de la loi de 1835, est nommé par le Roi. Cependant, si l'on me démontre que les fonctions d'adjudant-major peuvent être abandonnées sans inconvénient à la nomination des gardes, je renoncerai à le faire nommer par le gouvernement.

J'espère, messieurs, que ces explications seront de nature à satisfaire au moins en grande partie l'honorable M. Delfosse.

Voici comment serait rédigé l'article :

« Le Roi nomme l'inspecteur général et les officiers de son état-major. Il nomme également, mais parmi les officiers du corps, le commandant supérieur, les officiers de son état-major, les chefs de légion, les lieutenants-colonels, les quartiers-maîtres et les rapporteurs. »

M. de Mérode. - M. le ministre de l'intérieur vient de faire observer que les adjudants-majors étaient chargés de la surveillance des armes qui sont fournies par le gouvernement. Il importe que le gouvernement nomme les personnes qui sont chargées de la conservation de cette partie importante de la propriété publique. Je fais donc la proposition de les comprendre parmi les officiers nommés par le Roi.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, si les adjudants-majors sont nommés par les gardes, il faudra nécessairement transférer leurs attributions de comptables aux quartiers-maîtres. On a cru que, dans l'intérêt du service, les adjudants-majors devaient être nommés par le pouvoir exécutif, et c'est pour qu'il pût en être ainsi qu'on leur a donnés, en 1845, des attributions de comptables.

M. Delfosse. - Messieurs, je n'ai plus l'espoir de faire triompher mes opinions. Il y a dans la chambre, telle qu'elle est composée en ce moment, une majorité pour les idées de M. le ministre de l'intérieur. Je n'en regarde pas moins comme un devoir de soutenir les miennes jusqu'au bout.

D'après la Constitution les officiers des compagnies sont nommés par les gardes. La Constitution ne s'explique pas sur la nomination des officiers supérieurs ; elle laisse au législateur une entière liberté pour décider par qui les officiers supérieurs seront nommés. On peut soutenir qu'il n'est pas dans l'esprit de la Constitution que les officiers supérieurs soient nommés par les gardes ; mais par qui seront-ils nommés ? Le seront-ils par les officiers, par le conseil communal, par la députation permanente ou par le Roi ?

M. le ministre veut bien reconnaître qu'il convient que les chefs de bataillons soient nommés par les officiers de bataillon. Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur comment il se fait que lorsqu'il reconnaît que les officiers du bataillon sont aptes à nommer le major, il ne reconnaisse pas aux officiers de la légion l'aptitude nécessaire pour nommer le colonel et le lieutenant-colonel ? M. le ministre de l'intérieur nous dit : Il faut qu'il y ait un lien entre la garde civique et le gouvernement.

Oui, messieurs, il faut qu'il y ait un lien, mais ce lien c'est l'intérêt commun, c'est l'accord pour le maintien de l'ordre et pour la défense de la nationalité. Je ne connais pas de meilleur lien que celui-là et je suis sûr qu'il peut exister sans que le Roi ait le droit de nommer les officiers supérieurs. Je suis convaincu que les officiers de la garde civique sauront placer à leur tête des hommes dévoués au maintien de l'ordre public et à la défense de notre nationalité. Voilà le lien qui existera entre le gouvernement et la garde civique.

(page 1274) Le temps est passé, messieurs, où l'on pouvait croire que c'est fortifier le gouvernement, que d'augmenter outre mesure ses prérogatives. Le gouvernement ne doit pas puiser, ne puise pas sa force dans les droits qu'on réclame pour lui ; il puise sa force dans, l'accomplissement fidèle et loyal de sa mission et dans la confiance que ses actes inspirent aux citoyens. Ceux qui cherchent pour le gouvernement une force au-dehors de celles-là se trompent ; au lieu de fortifier le gouvernement, ils l'affaiblissent, ils le perdent.

Il n'y a pas le moindre avantage, il y a danger pour le gouvernement d'être investi du droit de nommer les officiers supérieurs de la garde civique. Si le gouvernement choisit ceux que les officiers auraient nommés eux-mêmes, autant valait laisser le choix aux officiers.

Si le gouvernement en nomme d'autres, il est à craindre qu'ils n’obtiennent pas la confiance de ceux qu'ils doivent commander, et qu'ils se trouvent sans influence au moment où l'on devrait faire appel au dévouement de la garde civique. C'est dans l'intérêt de l'ordre, c'est dans l'intérêt du gouvernement lui-même que je demande pour les officiers de la légion le choix du colonel et du lieutenant-colonel, comme pour les officiers du bataillon, le choix du major.

Quelle influence pourrait avoir un colonel nommé par le Roi, lorsqu'il se trouverait en présence de majors librement choisis par les officiers ? Je dis que les majors, inférieurs en grade, auraient plus de force morale que le colonel.

En 1830, il y avait une garde communale dont les officiers étaient nommés par le roi : qu'a-t-elle fait au moment du danger ? Elle a disparu en un instant ; elle s'est évanouie ! Elle avait cependant à sa tête des hommes honorables ; mais comme ils ne tenaient pas leurs grades de la confiance de leurs concitoyens, ils se sont trouvés sans force, sans appui. Récemment encore, dans-une ville qui se distingue par son attachement profond à la nationalité, un officier nommé par le Roi a dû donner sa démission, parce que son impopularité pouvait devenir un sérieux embarras dans les circonstances où nous sommes.

Voilà ce que le gouvernement gagne à obtenir la nomination des officiers supérieurs de la garde civique. Quand il ne s'agit que de parades, de soirées, de bals de la cour, ces officiers remplissent très bien leur rôle, ils peuvent convenir ; mais au moment du danger c'est autre chose ; il importe alors au gouvernement, il importe au pays que tous les officiers de la garde civique aient la confiance, la confiance entière des gardes.

On dit : Le gouvernement fera de bons choix ! Mais l'exemple du passé n'est-il pas là ? Les ministres sont-ils parfaits ? Ne sont-ils pas entourés d'intrigants ? Et n'est-il pas préférable de laisser aux officiers le choix de leurs chefs. Si M. le ministre de l'intérieur appréciait bien la situation, il s'empresserait d'adhérer à la proposition de la section centrale.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je regarde aussi comme un devoir d'exprimer mon opinion que je considère comme aussi patriotique, aussi libérale que celle de l'honorable M. Delfosse, avec lequel je regrette d'être en désaccord.

S'il s'agissait, messieurs, de créer un droit nouveau pour le gouvernement, de lui donner des attributions qu'il n'aurait pas exercées jusqu'ici, je concevrais qu'on pût discuter la question de principe. Mais il s'agit de savoir si vous voulez enlever au gouvernement une attribution qu'il possède, et qu'il possède en vertu de quelle loi ? En vertu d'une loi de 1830, en vertu d'une loi rendue à une époque où tous les sentiments patriotiques, les sentiments populaires étaient encore beaucoup plus exaltés qu'aujourd'hui, Eh bien, qu'a fait le congrès en 1830, alors que le chef de l'Etat n'était pas encore nommé ? Le congrès a attribué au chef de l'Etat la nomination des colonels et des lieutenants-colonels. Je ne pense pas que l'honorable M. Delfosse accusera les hommes d'alors d'avoir voulu sanctionner le despotisme ou flatter la tyrannie. Eh bien, messieurs, voilà ce que nous demandons aujourd'hui ; fidèles à nos principes, nous demandons en 1848 ce que nous demandions en 1830, comme nous sommes prêts à faire en 1848 ce que nous avons fait en 1830.

L'on invoque un choix qui, à ce qu'il semble, aurait été malheureux dans une commune à laquelle l'honorable député a fait allusion. Mais, à mon tour, je pourrais invoquer d'autres choix qui ont été sanctionnés par l'opinion publique. S'il y a eu, dans la ville à laquelle l'honorable membre appartient, un choix malheureux, ce que j'ignore, il y a eu ailleurs des choix très heureux, très populaires ; et la grande démonstration dont nous avons été tout récemment les témoins montre assez quel lien intime existe entre la population et les chefs qui ont été nommés par le gouvernement.

Le gouvernement, dit-on, fera-t-il toujours de bons choix ? Je demanderai à mon tour : Les électeurs feront-ils toujours de bons choix ? Le gouvernement sera dominé par l'esprit de coterie, ajoute-t-on. Mais l'esprit de coterie ne se glissera-t-il pas aussi dans les élections, alors surtout qu'un nombre très restreint de personnes devront procéder aux élections ? J'admettrai que, jusqu'à un certain point, dans certaines villes, les choix sont toujours à l'abri de toute espèce de coterie ; mais descendez dans les villes de second et de troisième ordre, quelle garantie aurez-vous pour vos choix ? Alors que les élections se feront par une demi-douzaine d'officiers, serez-vous plus à l'abri de l'intrigue et de l'esprit de coterie que quand le gouvernement, sous sa responsabilité, fait les désignations parmi les élus des gardes ?

Je suis revenu par ma proposition à la disposition de la loi de 1830 et sur ce terrain, je me sens fort à l'aise/

La loi de 1830 a laissé la nomination des majors aux officiers, mais elle .attribué au chef de l'Etat, quel qu'il pût être, la nomination des colonels, des lieutenants-colonels. Je me réfère à cette disposition. Seulement, d'après la loi de 1830, les colonels et les lieutenants-colonels devaient être choisis parmi les majors et les capitaines ; j'étends la disposition, parce qu'il est possible de rencontrer parmi les lieutenants et les sous-lieutenants des hommes très capables de devenir colonels ou lieutenants-colonels. On a souvent assez de difficulté à trouver de bons chefs ; il faut, sous ce rapport, donner plus de latitude au gouvernement. Du reste, en choisissant parmi les officiers, son action ne s'exerce que parmi les élus des gardes.

M. Delfosse. - Messieurs, M. le ministre de l'intérieur nous dit que les propositions qu'il soumet aujourd'hui à la chambre sont celles qui ont été admises en 1830, aux acclamations du pays, à une époque où il y avait de l'enthousiasme pour les libertés.

Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il pense que les idées et le pays n'ont pas marché depuis 1830. Lui-même a dû reconnaître ce grand progrès du pays et des idées, puisqu'il est venu proposer à la chambre le cens uniforme de 20 florins.

S'il a cru devoir faire un aussi grand pas en dehors de la loi électorale adoptée en 1830, à une époque d'enthousiasme pour les libertés, M. le ministre de l'intérieur peut-il rester, pour la garde civique, au point de départ de 1830 ? Croit-il que les institutions qui ont suffi alors suffiront encore aujourd'hui ?

Je dirai, moi, à M. le ministre de l'intérieur, que s'il veut être fort pour se défendre sur le terrain de la Constitution, il doit aller plus loin qu'on n'est allé en 1830 ; il doit, pour être fort, accorder les libertés qui sont compatibles avec la Constitution.

M. le ministre de l'intérieur, faisant allusion à une cérémonie imposante qui a eu lieu récemment dans cette capitale, nous dit : «Si le gouvernement a fait de mauvais choix, il en a fait aussi d'excellents. » M. le ministre attribue à cette dernière cause la grande manifestation dont je viens de parler. Je ne puis partager sur ce point l'opinion de M. le ministre de l'intérieur ; la cause de la manifestation qui a eu lieu dimanche n'est pas aussi mesquine. Loin de moi, du reste, la pensée de contester le mérite des officiers que le gouvernement a placés à la tête de la garde civique de la capitale ; mais on reconnaîtra sans doute aussi que si les officiers de la garde civique avaient eu la nomination de leurs chefs, les choix n'auraient été ni moins bons ni moins populaires.

Je regrette profondément, dans l'intérêt de l'ordre et de la nationalité, que M. le ministre de l'intérieur veuille s'arrêter au point où nous étions en 1830 ; j'ai la conviction que les circonstances, que l'intérêt du pays, exigent qu'on aille plus loin, et qu'on fasse encore de grands pas.

M. de Mérode. - Messieurs, l'honorable M. Delfosse parle toujours comme s'il ne pouvait pas se trouver dans une localité particulière des dispositions qui ne seront pas en harmonie avec la disposition générale du pays ; et si alors dans cette localité le gouvernement n'a pas un seul homme sur lequel il puisse compter pour la direction de la garde civique que deviendra la situation du gouvernement dans cette localité.

Il ne suffit, pas d'entasser libertés sur libertés pour faire un édifice solide ; on pourrait élever une tour de trois fois sa hauteur, et ne pas assurer son existence pour longtemps.

Il s'agit d'examiner si réellement il ne faut pas laisser au gouvernement une part dans l'organisation de la force publique, de la .force armée. Vous lui en laisseriez une, lorsqu'il s'agit de l'administration civile, et vous ne lui en laisseriez pas lorsqu'il s'agit de la force armée ! Et qui vous répond que partout cette force armée répondra à ce que vous en attendez ?

Il n'y a réellement pas de motif pour aller plus loin que la loi n'est allée en 1830, et quant à moi, j'ai bien peur qu'à force d'avancer dans cette voie de progrès dont on nous a parlé et où nous voyons marcher nos voisins qui ne réussissent pas, j'ai bien peur, dis-je, que nous ne perdions les avantages que nous possédons nous-mêmes.

Nous avons abaissé le cens électoral pour les chambres au minimum de 20 florins, mais ceci ne change pas l'autorité du gouvernement. Que les électeurs payent 20 ou 40 fl., cela ne porte pas atteinte aux attributions du gouvernement ; au lieu qu'ici vous voulez changer ses attributions, vous voulez lui ôter le pouvoir qui lui a été accordé en 1830 pour l'organisation de la force armée.

Il est dans l'intérêt des libertés du pays qu'on n'outre pas ces libertés, et si on veut les conserver, il faut les tenir dans des limites raisonnables.

(page 1296) M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Sur la première partie du paragraphe de la section centrale, nous sommes d'accord ; c'est sur la deuxième que nous sommes en dissentiment.

- La première partie du paragraphe est mise aux voix et adoptée.

Reste la deuxième partie relative à l'état-major de la légion.

Plusieurs membres demandent l'appel nominal.

- Il est procédé à cette opération.

La chambre ne se trouve pas en nombre.

La séance est levée à 4 heures 3/4.