(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)
(Présidence de M. Verhaegen, vice-président.)
(page 907) M. de Villegas procède à l'appel nominal à 1 heure.
M. T'Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la séance précédente. La rédaction en est adoptée.
M. de Villegas présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Augustin-Jacques Lacroix, caporal au 6ème régiment de ligne prie la chambre de statuer sur sa demande tendant à recouvrer la qualité de Belge. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Le sieur Mattecroes réclame contre le prix d'adjudication des chaussures pour l'armée. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les membres de l'administration communale de Heyd demandent le rétablissement du droit d'entrée sur le bétail. »
« Même demande des membres de l'administration communale de Gerdingen. »
- Renvoi à la commission permanente d'industrie.
Par message en date du 22 février, le sénat informe la chambre qu'il ne sera donné aucune suite à la demande de naturalisation du sieur Dieudonné Daubourg, ex-musicien au 2ème régiment de ligne.
- Pris pour notification.
M. le président. - La parole est à M. Delfosse.
M. Delfosse. - M. le ministre de l'intérieur s'est félicité, dans son premier discours, de n'avoir trouvé d'adversaires que d'un côté de la chambre. « On m'a reproché, a-t-il dit, de ne pas faire assez, mais personne ne m'a reproché de faire trop « ; M. le ministre de l'intérieur a regardé cette position, qui lui est faite, comme un progrès dans les mœurs, et il s'en est félicité. Moins heureux que M. le ministre de l'intérieur, j'ai entendu l'honorable M. Castiau dire que je ne fais pas assez ; j'ai entendu M. le ministre de l'intérieur dire que je faisais trop. Mais je suis loin de m'en plaindre, je m'en félicite, au contraire, car cela me prouve que j'ai su me tenir en garde contre deux espèces d'exagération.
L'honorable M. Castiau avec lequel je suis plus d'accord qu'il ne le pense, s'imagine que je m'écarte des règles de la logique parce que je consens à autoriser, sous certaine condition et pour des cas très rares, la nomination du bourgmestre en dehors du conseil. L'honorable M. Castiau me reproche, à ce sujet, je ne sais quelle contradiction. J'ai dit que le bourgmestre, ayant deux espèces d'attributions, devait aussi avoir un double mandat, qu'au point de vue des intérêts communaux qui lui sont confiés, il doit avoir un mandat des électeurs de la commune, au point de vue de l'exécution des lois, dont il est chargé, il doit avoir un mandat, une nomination du gouvernement. Je reste fidèle à cette opinion, mais je dois bien tenir compte des faits ; je dois bien reconnaître qu'il peut y avoir, dans certains cas, impossibilité d'appliquer la règle que je trouve bonne.
Je l'ai dit et je le répète, le bourgmestre doit, à la fois, recevoir son mandat et des électeurs de la commune et du gouvernement ; mais puis-je rejeter une exception à cette règle pour les cas où il serait impossible de l'appliquer ? Je voudrais bien que l'honorable M. Castiau m'indiquât comment, avec son système absolu, il serait possible de nommer un bourgmestre, lorsque aucun membre du conseil ne voudrait accepter. D'autres cas peuvent se présenter où il y aurait nécessité pour le gouvernement de choisir le bourgmestre en dehors du conseil. Voici une hypothèse. Je suppose une petite commune ; un homme influent, un propriétaire parvient à s'y faire nommer membre du conseil communal. Il désire être bourgmestre et il exerce sur les membres du conseil une influence telle qu'aucun d'eux ne voudrait accepter les fonctions qu'il convoite.
Le gouvernement est donc obligé de le nommer, il ne peut pas en nommer un autre alors même que cet homme serait taré dans l'opinion publique, alors même qu'il aurait été condamné par la justice pour un fait déshonorant ! Et ceci n'est pas une pure hypothèse ; j'ai connu un bourgmestre qui avait été condamné pour escroquerie. Je le demande à l'honorable M. Castiau, lui qui tient tant à la moralité, s'il n'est pas bon, s'il n'est pas moral que le gouvernement puisse dans ce cas, nommer le bourgmestre en dehors du conseil.
M. Castiau. - C'est réellement là un fait presque incroyable ; les (page 908) condamnés pour escroquerie ne peuvent pas même être élus ; comment donc pourraient-ils être conseillers communaux ou bourgmestres ?
M. Delfosse. - Je ne veux citer ni le nom du bourgmestre ni le nom de la commune, mais je certifie le fait. Je concède à l'honorable M. Castiau qu'on a violé la loi en conférant les fonctions de bourgmestre à un tel homme.
Mais si cet homme, au lieu d'être condamné pour escroquerie, l'avait été pour un fait ne tombant pas sous l'application de l'article 12 de la loi communale, en aurait-il été moins indigne de la confiance du gouvernement ?
L'honorable M. Castiau a indiqué trois moyens auxquels on pourrait recourir : l'honorable membre voudrait qu'on pût forcer quelqu'un à être bourgmestre ; on serait bourgmestre comme on est soldat, malgré soi ; je ne pense pas que la chambre soit fort tentée d'accueillir cette idée. L'honorable membre a indiqué ensuite l'envoi de commissaires spéciaux et la dissolution du conseil ; je n'ajouterai rien à ce qui a été dit sur ces deux points par M. le ministre de l'intérieur.
Messieurs, j'ai répondu, à la fin de la séance d'hier, à l'honorable M. Castiau qui m'avait reproché de ne pas faire assez. Je crois avoir démontré que mon honorable ami veut faire trop. Je répondrai maintenant à M. le ministre de l'intérieur qui m'a reproché de faire trop, et j'espère démontrer que M. le ministre de l'intérieur ne veut pas faire assez.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). Eh bien ! venez-le faire à ma place.
M. Delfosse. - Nous pouvons discuter avec calme. Je ne parle pas dans l'intention de vous fâcher.
Je ne blâmerai pas M. le ministre de l'intérieur de la position qu'il prend, mais mon opinion est qu'il ne veut pas faire assez ; j'espère que je suis libre de l'exprimer.
M. le ministre de l'intérieur a repoussé mon amendement parce qu'il le considère comme allant au-delà du programme ministériel, dans les termes duquel M. le ministre déclare qu'il entend rester. M. le ministre de l'intérieur a proclamé une politique qui est à la fois une politique de progrès et de résistance.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - De progrès et de conservation.
M. Delfosse. - De progrès dans les limites indiquées ; de résistance au-delà ;
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - De résistance contre les exagérations.
M. Delfosse. — Vous résistez à une proposition qui n'est certes pas exagérée.
Je ne dirai en ce moment qu'un mot sur la déclaration de M. le ministre de l'intérieur ; c'est que la position qu'il convient au ministère de prendre ne m'empêchera jamais, quelles que soient mes sympathies pour les hommes qui le composent, d'exprimer franchement et consciencieusement mes opinions.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Et réciproquement.
M. Delfosse. - Il y a, messieurs, deux partis à prendre, lorsqu'on a ses amis au pouvoir, on peut les appuyer et voter avec eux sur toutes les questions importantes, sauf à les avertir de leurs fautes amicalement, et en quelque sorte à huis clos ; c'est le système qui a été recommandé et pratiqué par l'honorable M. de Theux.
On peut aussi ne pas reculer devant la manifestation publique d'un désaccord sur certaines questions. La triste expérience que l'ancienne droite a faite du premier système m'engage à préférer le second. Je le crois plus franc et en même temps plus habile.
J'arrive à mon amendement.
Je vous avoue, messieurs, que je ne croyais pas mon amendement d'une nature aussi compromettante. Je ne croyais pas, en le présentant, pousser le ministère au-delà de son programme, encore moins à l'exagération. Je croyais, au contraire, que mon amendement était dans les termes et dans l'esprit du programme.
Le gouvernement vous propose de poser une limite au droit de nomination des bourgmestres. Je vous propose de poser en même temps une limite au droit de révocation.
Je vous le demande, messieurs, ma proposition n'est-elle pas une conséquence rigoureuse, directe de la proposition du gouvernement ? Si le gouvernement, en faisant sa proposition, a agi conformément à son programme, comment mon amendement, qui n'est qu'une conséquence de la proposition du gouvernement, pourrait-il être une déviation au programme ? Le législateur a, dans tous les temps, établi une corrélation étroite entre le droit de nommer un fonctionnaire et le droit de le révoquer.
La loi de 1836 avait posé une limite au droit de nommer le bourgmestre ; elle avait en même temps posé une limite au droit de le révoquer ; la loi de 1842 était conséquente. La loi de 1842, ayant fait disparaître la limite au droit de nommer, a fait en même temps disparaître la limite au droit de révoquer. La loi de 1842 était conséquente aussi. Mais ne serions-nous pas inconséquents si, alors que nous rétablissons la première limite, la limite au droit de nommer, nous ne rétablissions pas aussi une limite au droit de révoquer ? Si ma proposition est exagérée, celle du gouvernement l'est aussi. Elles sont toutes deux de la même nature. Elles rentrent toutes deux dans les termes du programme.
M. le ministre de l'intérieur a présenté contre mon amendement quelques observations qui m'ont peu touché, qui ne m'ont pas même paru sérieuses. M. le ministre de l'intérieur a dit qu'il n'y a pas d'inconvénient à consulter la députation permanente, sur la question, de savoir s'il y a lieu de nommer les bourgmestres en dehors du conseil, mais qu'il y aurait un grand inconvénient à la consulter sur le point de savoir s'il y a lieu de révoquer un bourgmestre. La députation permanente, d'après M. le ministre de l'intérieur, soumise à des influences électorales, n'offrirait pas des conditions d'impartialité suffisantes pour se prononcer sur une telle question.
C'est précisément le contraire qui est vrai. Si, comme M. le ministre de l'intérieur le suppose, la députation permanente se trouve sous l'influence de préoccupations électorales, elle craindra bien plus de froisser tout un conseil, en déclarant qu'il n'y a pas dans le conseil un seul homme apte à remplir les fonctions de bourgmestre, que de froisser un seul homme, le bourgmestre qu'il s'agirait de révoquer.
Si la raison donnée par M. le ministre de l'intérieur était vraie, si la députation permanente n'offrait pas des conditions d'impartialité suffisantes, cette raison s'appliquerait également aux échevins, et cependant il y a une disposition encore en vigueur, qui ne permet pas de révoquer les échevins sans l'avis conforme de la députation permanente, et M. le ministre de l'intérieur ne propose pas d'abroger cette disposition. Je dis à M. le ministre de l'intérieur que si la raison de défiance qu'il a donnée contre la députation permanente est vraie, elle est vraie pour la révocation des échevins comme pour la révocation des bourgmestres ; si on ne veut pas consulter la députation pour le bourgmestre, on doit, sous peine d'être inconséquent, proposer l'abrogation de la disposition qui exige l'avis conforme de la députation pour la révocation des échevins.
J’ai fait d'ailleurs observer hier que la députation permanente délibère à huis clos et qu'elle peut en conséquence se prononcer sans crainte et sans danger sur les questions de personnes qu'on lui soumet. Ne prononce-t-elle pas sur le sort des miliciens, et ses décisions en cette matière ne peuvent-elles pas donner lieu à plus de haines, à plus d'inimitiés que la décision qu'elle prendrait, une fois par extraordinaire, sur la révocation d'un bourgmestre ?
Je pense avoir fait justice de la première raison donnée par M. le ministre de l'intérieur.
M. le ministre de l'intérieur a encore dit qu'il n'y a pas de raison pour se défier du gouvernement, qui, d'après lui, aurait plutôt une tendance à l'indulgence qu'à la sévérité ; et que le droit de révocation des bourgmestres n'est pas illimité, qu'on ne peut les révoquer que dans le cas d'inconduite notoire ou de négligence grave.
Cette garantie, que M. le ministre de l’intérieur trouve si forte, ne me rassure nullement. Sans doute la loi porte qu'on ne pourra révoquer un bourgmestre qu'en cas d'inconduite notoire ou de négligence grave, mais qui est juge de l'existence de ce cas ? A qui l'appréciation est-elle laissée ? Au ministre seul ; c'est le ministre seul qui décide s'il y a inconduite notoire ou négligence grave. Il y a eu, et je crains bien qu'il n'y en ait encore, il y a eu des ministres qui étaient très disposés à trouver coupables de négligence grave ou d'inconduite notoire des bourgmestres qui leur étaient hostiles dans les élections ou qui leur déplaisaient pour d'autres motifs.
Je connais des bourgmestres très capables, très fermes, très honorables, entourés de l'estime de leurs concitoyens, qui auraient bien certainement été révoqués, il y a quelques années, s'il n'avait fallu alors l'avis conforme de la députation permanente ; mais comme on était sûr que la députation permanente ne donnerait jamais son assentiment à une pareille mesure, force a bien été d'attendre l'expiration de leur mandat pour leur donner des successeurs.
Je ne sais vraiment comment M. le ministre de l'intérieur peut trouver une garantie suffisante dans la disposition de la loi qui porte qu'on ne pourra révoquer qu'en cas d'inconduite notoire ou de négligence grave.
La loi qui a créé l'ordre civil de Léopold ne contenait-elle pas aussi une disposition de même nature ? Ne disait-elle pas qu'on ne pourrait conférer la décoration que par un arrêté motivé et pour services rendus au pays ? Cette disposition a-t-elle été une garantie dans l'exécution ? N'a-t-on pas décoré une foule de gens sans valeur et même des gens méprisés ?
D'ailleurs, messieurs, s'il n'y a nulle raison de se défier du gouvernement, si MM. les ministres passés, présents et futurs ont été, sont et doivent être de petits saints, pourquoi se défie-t-on d'eux quand il s'agit de la nomination en dehors du conseil ? Pourquoi pose-t-on une limite à la faculté de nommer en dehors du conseil ? Pourquoi dans ce cas une garantie contre l'arbitraire ministériel, et pourquoi pas dans l'autre cas ? Pourquoi aussi ne pas donner au gouvernement le droit de révoquer les échevins sans le concours de la députation permanente ?
Je ne cesserai de le dire à M. le ministre de l'intérieur : tant qu'il soutiendra son système et qu'il ne proposera pas l'abrogation des dispositions de la loi communale, concernant les échevins, il sera inconséquent.
Est-ce par hasard parce que le bourgmestre aurait un peu plus d'attributions que les échevins, qu'il devrait avoir moins de garanties et qu'il faudrait le livrer à l'arbitraire ministériel ? Mais cette différence dans les attributions, qui ne porte guère que sur l'exécution des lois de police, (page 909) n'a pas été jugée suffisante pour motiver le droit donné au gouvernement dénommer, quand il le voudrait, les bourgmestres en dehors du conseil ; il serait peu rationnel, peu logique, de s'en prévaloir pour ne pas poser de limite au droit de révocation.
J'avais signalé un inconvénient qui me paraissait attaché au système du gouvernement ; j'avais dit qu'il serait possible que si un bourgmestre était révoqué sans l'avis de la députation, peut-être contre le gré de la députation, aucun de ses collègues membres du conseil ne voulût prendre sa place. Il serait possible aussi que la députation, mécontente de la révocation, n'autorisât pas le gouvernement à choisir le bourgmestre en dehors du conseil. C'est là un inconvénient grave ; la prérogative royale pourrait être compromise.
M. le ministre de l'intérieur m'a répondu que c'était là une considération subtile ; subtile, je le veux bien ; mais le cas peut se présenter, et s'il se présente, je demande à M. le ministre comment il se tirera d'embarras ? A moins qu'il n'ait recours à l'un des moyens indiqués hier par l'honorable M. Castiau ; à moins qu'il ne force les gens à être bourgmestre malgré eux, à moins qu'il ne fasse des bourgmestres comme on fait des soldats, ou bien qu'il n'obtienne de la chambre le droit de dissoudre les conseils communaux, je ne vois pas comment il en sortira. Je défie les plus habiles, M. le ministre tout le premier, d'en sortir.
Je persiste à croire qu'il serait sage, prudent, de rétablir la loi de 1836. Cette loi avait donné une garantie aux bourgmestres comme aux échevins ; et ce n'est pas sans une discussion approfondie que cette disposition y avait été introduite. Si elle a été modifiée en 1842, c'est qu'on modifiait la disposition relative à la nomination ; comme conséquence, il fallait modifier aussi la disposition relative à la révocation. Puisque-vous faites justice de la modification relative à la nomination des bourgmestres, vous devez également faire justice de l'autre changement qui n'était que le corollaire, que la conséquence du premier. La plupart d'entre vous ont confiance dans le ministère ; mais les ministères passent ; souvenez-vous du passé et craignez l'avenir ; c'est quand on a un bon ministère qu'il faut obtenir des garanties pour l'époque où l'on en aura de mauvais.
M. de Mérode. - Messieurs, la question de la nomination des bourgmestres, circonscrite ou non circonscrite dans la sphère étroite du conseil communal, est une question purement d'ordre civil et politique.
En ouvrant le Moniteur de juillet 1834, je trouve que MM. Dubus, Dumortier, Doignon, Desmet et Dellafaille soutenaient, avec la plus vive préoccupation des envahissements du pouvoir, que le bourgmestre devait être exclusivement choisi par le Roi, dans le conseil. J'y vois que MM. Rogier, Lebeau et Goblet, avec lesquels j'étais membre du conseil des ministres, défendaient la nomination royale librement faite dans la commune, conformément à la faculté formellement établie à cet égard dans l'article 108 de la Constitution ; j'y vois, en outre, que l'honorable M. Fallon, qui représentait ordinairement l'opinion intermédiaire entre les partis principaux, ne voulait pas davantage que cet article n'eût aucun effet dans l'organisation communale, et, dans un discours remarquable qui mériterait d'être relu maintenant d'un bout à l'autre, il défendait le pouvoir exécutif supérieur contre l'intervention électorale dans la nomination du chef de la commune. La réunion d'habitants à laquelle nous conservons le nom de commune, disait-il, n'est autre chose qu'une fraction de l'Etat dans un cercle plus étroit que la réunion d'habitants que nous appelons la province. Comme la province dans ses intérêts exclusivement provinciaux, la commune dans ses intérêts exclusivement communaux, doit jouir de toutes les libertés que la Constitution garantit aux agrégations d'habitants, comme à chaque habitant en particulier ; mais aussi en ce qui regarde les lois de l'Etat et les mesures d'ordre et d'intérêt général, la commune doit être soumise tout autant que la province à l'action directe et immédiate du pouvoir exécutif. Mais le motif le plus fort que faisait valoir l’honorable M. Fallon, c'était le principe de la responsabilité du pouvoir exécutif, si important dans notre Constitution.
« On peut confier, disait-il, la surveillance de la police municipale, proprement dite, au collège du bourgmestre et des échevins, parce que le concours de l'intérêt public et de l'intérêt communal existe réellement ; mais en ce qui concerne l'exécution des lois, des règlements et des mesures d'administration générale, je pense, avec le gouvernement (et le gouvernement c'était MM. Rogier, Lebeau, Goblet, Coghen, que ce doit être exclusivement là l'affaire de son agent, et qu'en ce point l'intervention des échevins est incompatible avec la responsabilité ministérielle. La première chose à laquelle on doit donc veiller dans l'institution communale, c'est de satisfaire en premier lieu à l'intérêt général dans ses rapports avec l'intérêt communal, et, par conséquent, c'est l’action du bourgmestre, comme agent du gouvernement, qu'il faut d'abord assurer. »
« Quant à moi, messieurs (continuait-il), je ne connais d'autre moyen de concilier cette action avec la responsabilité ministérielle, qu'en laissant au gouvernement le droit de choisir l'agent du pouvoir exécutif en dehors comme en dedans du conseil. »
Je me détermine d'autant plus aisément à adopter ce système, qu'il ne porte aucune atteinte à l'action libre et indépendante de l'administration communale en tout ce qui regarde ses intérêts domestiques, et qu'il satisfait du reste entièrement aux exigences de la loi constitutionnelle. N’oublions pas, en effet, que, suivant l'article 31 de la Constitution, ce ne sont que les intérêts exclusivement communaux, et rien de plus que nous pouvons abandonner aux administrations communales. Ce système est, d'ailleurs, celui que vous avez adopté dans la loi provinciale et, quant à moi, je ne vois pas de raison de ne pas appliquer à la commune les principes que nous avons crus propres à l'organisation provinciale. La province a un conseil, une députation et un chef d'administration sous le titre de gouverneur ; la commune aura un conseil des échevins pour députation et un chef d'administration sous le titre de bourgmestre. Le gouverneur est choisi librement par le Roi (non seulement dans la province, mais dans le royaume entier), il assiste au conseil et n'y délibère pas, et cependant il préside la députation et délibère avec elle. Rien n'empêche de mettre le bourgmestre dans la même position, alors qu'il a été choisi en dehors du conseil, il assistera au conseil sans y avoir voix délibérative, il présidera les collèges des échevins et délibérera avec eux. Dans cette combinaison il y aura uniformité de principe dans l'organisation des provinces et des communes, et je n'y aperçois rien qui puisse raisonnablement alarmer les susceptibilités communales. L'action du conseil reste libre et indépendante. Aucune voix étrangère à l'élection populaire ne prend part aux délibérations.
Le collège des échevins, qui est exclusivement saisi et qui doit être exclusivement saisi de l'exécution journalière de ce qui est d'intérêt communal, est formé de manière que la majorité reste à l'élection populaire, en dehors du conseil et du collège ; le bourgmestre n'est que l'agent du pouvoir exécutif dans ce qui a exclusivement rapport à l'exécution des lois et des règlements d'administration générale, et ce n'est plus là l'affaire de la commune.
En tout ce qui touche les intérêts généraux, en ce qui regarde l'action du pouvoir exécutif, le bourgmestre est le principal agent, non pas de la commune, mais dans la commune, et à coup sûr en cette qualité l'élection populaire ne lui est pas plus applicable qu'an gouverneur de la province ou à tout autre agent de l'administration de l'Etat. Ce système, messieurs (ajoutait toujours l'honorable et savant jurisconsulte), ce système qui n’est autre, comme vous le voyez, que le système même que vous avez déjà adopté pour la province, a en outre cet avantage que, dans le cas où un conseil communal ne présenterait aucun membre qui pût ou qui voulût se charger des fonctions de bourgmestre, circonstance qui pourra fort bien se rencontrer plus souvent qu'on ne pense, le service public ne restera pas en défaut. Il terminait en ces termes ses observations, aussi vraies en 1848, c'est-à-dire, après quatorze années, qu'en 1834. « Nous avons dans l'organisation produite par les arrêtés du gouvernement provisoire, de nombreux exemples vivants que ce n'est pas toujours celui qui a passé par la filière électorale qui est entouré de plus de considération ; un bourgmestre sera considéré non pas précisément parce qu'il est sorti de l'urne électorale, mais parce qu'il saura concilier avec fermeté et sans craindre le résultat d'une élection subséquente, le double devoir qu'il a à remplir tant dans les intérêts généraux de l'Etat que dans les intérêts spéciaux de la commune. Si, dans le double rôle que doit remplir le bourgmestre, on craint de le placer, comme agent du pouvoir exécutif, sous les exigences du pouvoir, pense-t-on que, comme agent de la commune, les exigences de l'élection populaire ne sont pas tout autant à craindre pour l'exécution rigoureuse des règlements d'administration publique ? Quant à l'affaiblissement du pouvoir dans la nomination d'un bourgmestre pris en dehors du conseil, je suis aussi de ceux qui pensent que l'on n'affaiblit le pouvoir qu'alors que, dans le cercle légal de ses attributions, on lui refuse une action entièrement libre, qu'alors qu'on lui impose fa loi de n'avoir d'autre agent qu'un agent sorti de l’urne électorale. »
Pour avoir, messieurs, le droit de vous répéter ces passages si concluants du discours de M. Fallon, j'ai pris la peine de les extraire du Moniteur en les copiant, ce qui donne plus de peine assurément que d'en écouter la lecture.
A ces considérations, voici quelques-unes de celles que je présentais en 1842, il y a six ans et qui s'appliquaient non pas aux intérêts généraux, mais aux intérêts de la liberté, pour chaque citoyen. Messieurs, disais-je, l'indépendance louable (toute indépendance ne l'est pas) disparaît chez les fonctionnaires par bien des causes diverses en Belgique. Jusqu'ici (je parlais, bien entendu, avant la politique nouvelle, qui prévaut maintenant contre les fonctionnaires les plus estimables), jusqu'ici ce n'est pas la crainte du gouvernement qui les inquiète, celui-ci se trouve surveillé, soutenu de toutes parts ; il a une responsabilité morale, parce que ses actes sont des actes de personnes connues par leur nom, obligées de l'apposer au bas de leurs arrêtés ; mais le pouvoir qui confère les places par élection, où est-il saisissable ? Où est la responsabilité de l'intrigue, de la cabale qui joue un si grand rôle dans les élections, comme cela est de toute évidence ? Elle n'est nulle part, et le citoyen vexé par un pouvoir exécutif élu ne sait à qui s'en prendre. C'est là le grand vice de la loi communale actuelle, elle met le pouvoir exécutif à la merci de l'élection, et qu'est-ce que le résultat de l’élection partout où il y a deux opinions contraires ? C'est le triomphe de la majorité sur la minorité, 50 votants sont dominés par 51 votants, est-il bon que les 51 volants aient le dessus, non seulement pour le pouvoir délibérant de la commune, mats aussi pour la nomination du pouvoir exécutif ? Et croyez-vous que 40 électeurs communaux, qui contre 60 par exemple formât une minorité de deux cinquièmes n'ont pas droit à quelque garantie à quelque protection contre leurs adversaires ?
Où la trouveront-ils, cette garantie, cette protection, si tout dans, la communs est livrée à la majorité du conseil, du bourgmestre et échevins, c'est-à-dire le pouvoir entier ? Dans l’Etat constitutionnel, les individus (page 910) qui appartiennent aux minorités subissent sans doute la loi de la majorité, mais ce n'est que sous des rapports généraux : les personnes ne sont pas en perpétuel contact comme dans la commune, là chaque jour il faut supporter le vae victis que le parti dominateur impose au parti dompté. Si un pouvoir modérateur venu d'une autre source ne peut changer le fond des choses, il en adoucit la forme, il exécute avec impartialité, il protège les uns comme les autres, parce qu'après tout le pouvoir central d'où émane cette autorité locale ne peut être aussi étroit que les coteries de ville et de village. Je ne parle pas ici dans l'intérêt de l'ordre administratif ; le produit de l'enquête dont les détails sont consignés au Moniteur est sous vos yeux ; mais je soutiens l'intérêt de la liberté qui ne se conserve que par la division des pouvoirs. Or, il n'y a pas division et véritable équilibre des pouvoirs dans la commune sous le régime actuel, comme il y a division des pouvoirs dans l'Etat. A Bruxelles, ville de plus de cent mille âmes, le Roi est censé posséder le droit de choisir un bourgmestre dans le conseil. Eh bien, ce droit est presque illusoire parce que la plupart des conseillers communaux ne peuvent être bourgmestre, soit à cause de leurs affaires, soit à cause de leurs fonctions judiciaires ou autres. J'honore infiniment, ajoutais-je, M. le chevalier Wyns de Raucour ; mais grâce au système exclusif de la loi communale il est quasi indispensable, et cependant, qui croira que Bruxelles ne renferme plus d'hommes libres, capables de jouir aussi comme bourgmestre de la confiance des habitants ?
Ces hommes sans doute ne sont pas en très grand nombre, mais on doit espérer qu'il en existe plus d'un ou deux dans toute la cité. L'imperfection humaine entraîne, je le répète, pour assurer la plus grande liberté possible combinée avec l'ordre, la division des pouvoirs. Dans l'ordre judiciaire, celui qui fait la loi, ne l'applique ni peu ni beaucoup. Que dirait-on d'un parlement qui prendrait une part quelconque au jugement des causes ? L'élection est bonne à produire un pouvoir délibérant, elle est mauvaise quand elle produit un pouvoir d'exécution. C'est ce qui, chez nous, annule la garde civique. Des soldats qui nomment et révoquent des officiers leur obéissent mal, des administrés qui nomment leur administrateur deviennent des maîtres, et leur chef apparent subit leur influence au lieu de leur imposer l'autorité des lois. Et comme celles-ci sont après tout destinées à protéger le faible contre le fort, le premier est toujours le plus exposé à souffrir, quand elles n'ont point de tuteur indépendant de l'esprit factieux. Celui qui ressent davantage l'absence de la police, ce n'est pas à coup sûr le turbulent, car il en profite ; et si le pouvoir est quelque peu sous le coup de la turbulence, certes c'est au détriment des gens tranquilles. Turbulence et élection sont malheureusement liées plus ou moins comme arbitraire et autorité monarchique le sont également plus ou moins. L'art gouvernemental consiste à combiner leur action réciproque. Laissez à l'élection le pouvoir législatif, la surveillance des actes du pouvoir agissant ; mais ne lui donnez jamais l'exécution des lois, parce qu'elle y est impropre.
Faire de l'élection la panacée libérale par excellence, c'est vraiment tomber dans l'erreur la plus grossière. Elle a son rôle nécessaire dans un gouvernement modéré ; elle est comme le sel, si bien placé dans les aliments quand on n'en outre pas la dose, mais qui les rend insupportables quand on l'y jette à pleines mains ; c'est ce que fait la loi communale actuelle, elle livre dans la commune presque tout à l'élection ; la part de l'autorité royale n'y est pas nulle tout à fait mais peu s'en faut.
Voilà, messieurs, ce que je disais en 1842 comme en 1834, d'accord avec M. le ministre de l'intérieur de cette époque, M. Rogier, d'accord avec l'article 108 de la Constitution qui déclare que l'élection directe n'est point nécessaire à l'égard des chefs des administrations communales et laisse complètement à la législature le droit d'attribuer la nomination du bourgmestre au Roi.
On ne peut donc concevoir que le même ministre vienne attribuer des intentions réactionnaires à ceux qui ont tenu le langage qu'a tenu l'honorable M. Fallon, en 1834, confirmé par son vote de 1842 ; à ceux qui ont tenu le langage que je tiens moi-même aux deux époques et toujours, et que je viens de vous rappeler. J'ai parlé comme je parlerai tant que j'aurai la parole, en ami de la liberté, en ancien ami de la Grèce, en ancien adversaire de ceux qui pendaient Riego, bien que ses partisans se soient plus tard montrés persécuteurs détestables, en ami de la Pologne, en adversaire du système destitutionnel et véritablement réactionnaire qui pèse sur la Belgique aujourd'hui et la fera dévier, s'il continue, du noble système du congrès vers le dur régime des nouveaux dominateurs de la Suisse, qui déjà ne peuvent plus supporter la moindre contradiction par la presse.
Messieurs, j'ai donc raison de ne pas vouloir que l'attribution dont le Roi est en possession, quant à la nomination du bourgmestre dans et hors du conseil, lui soit enlevée pour être remise à la discrétion de la députation. D’abord la députation étant encore un pouvoir élu sans responsabilité quand la députation agit par caprice ou esprit de parti, comment la saisir ? Les chambres réunies ne peuvent rien contre une députation ; tandis qu'une minorité même faible dans les chambres, quand elle est douée de quelque énergie, peut souvent retenir la mauvaise volonté d'un ministre.
La commune de Froid-Chapelle, canton de Beaumont, qui avait naguère 60 mille francs en caisse et possède 15 mille livres de rente, était livrée à une faction créée par le bourgmestre, qui était parvenu à éliminer du conseil tous les principaux habitants. Là, malgré la richesse communale, pas un chemin empierré, pas de mur au cimetière, pas de pont, des écoles en ruine. Je la visitai par esprit serviable, il y a trois ou quatre ans, sous le ministère de M. Nothomb, et aussitôt je réclamai la faculté de nomination d'un bourgmestre hors du conseil, qu'il possédait, en lui déclarant que, s'il n'en usait point, je signalerais à la session prochaine les énormes abus dont j'avais connaissance de visu. Bientôt un bourgmestre pris hors du conseil y porta remède ; mais qu'aurais-je dit à la députation, où j'ai lieu de croire que le bourgmestre mauvais trouvait de l'appui ? Rien, messieurs ! car la députation n'a pas la moindre responsabilité. Dernièrement celle du Brabant a confirmé très promptement la destitution d'un excellent secrétaire du district de Nivelles, à l'appui de laquelle on n'apportait aucun motif ; puis elle a cassé sept ou huit fois la révocation du secrétaire de Coulture-St-Germain, comme vous l'avez su tous par le procès intenté à Bruxelles aux membres du conseil communal de ce lieu. Eh bien, messieurs, j'ai le tort extrême, si l'on veut, d'aimer la responsabilité du pouvoir exécutif.
J'aime mieux pouvoir demander raison de leurs actes à des ministres, bien qu'aujourd'hui le banc ministériel soit très avare d'explications, que de n'avoir aucune prise sur un corps tout à fait insaisissable.
En second lieu, messieurs, c'est amoindrir le pouvoir royal que de lui enlever un droit conforme à la Constitution, quand ce droit lui est légitimement acquis. Et lorsque j'ai été à Londres offrir la couronne belge au prince de Saxe-Cobourg avec M. de Brouckere et de Foere, il nous fit des objections graves sur l'insuffisance du pouvoir accordé au chef de l'Etat par notre Constitution de 1830...
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - C'est inconvenant.
M. le président. - Je dois rappeler à M. de Mérode que le nom du Roi ne peut pas être mêlé à une discussion. L'observation qu'il vient de faire est complètement déplacée.
M. de Mérode. - Je rends compte de ma mission.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Il ne s'agit pas de votre mission.
M. de Mérode. - Si vous ne voulez pas m'entendre, je ferai imprimer mon discours.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je ne demande pas que l'honorable membre interrompe son discours ; je demande au contraire qu'il continue. Je me suis permis de l'interrompre pour lui faire observer qu'il était contraire à nos usages, je dirai même aux convenances parlementaires, de faire intervenir ici l'opinion personnelle du Roi.
Je crois que l'honorable M. de Mérode, quand il y aura réfléchi, regrettera cette partie de son discours. Je l'engage à continuer. Je n'ai pas eu l'intention, d'ailleurs, de gêner en rien la libre expression de ses opinions.
M. de Mérode. - Si M. le président m'y autorise, je continuerai.
M. le président. - En faisant une observation à l'honorable membre, je n'ai pas voulu l'empêcher de continuer son discours.
Plusieurs membres. - Passez cette partie du discours.
M. de Mérode. - Je ne puis passer une partie de mon discours. Au reste, ce qui me reste à dire ne concerne que moi.
Nous reconnûmes l'impossibilité de la modifier, mais nous assurâmes le prince que dans les lois organiques nous ferions nos efforts pour que l'autorité royale obtînt tout ce que la loi fondamentale permettait de lui attribuer. La même chose lui fut dite par la députation plus nombreuse qui vint lui porter le décret d'élection de sa personne par le congrès, en l'engageant à l'accepter, service immense que rendit le prince à la Belgique, alors dans une position si dangereuse.
Je n'ai pas deux paroles, messieurs ; j'ai tenu loyalement ma promesse, et d'autant plus volontiers, qu'elle était entièrement conforme, dans ma conviction, aux intérêts du pays, aux intérêts de la justice pour tous et de la liberté pour tous, non pas, il est vrai, aux vues ambitieuses du despotisme exercé en nom collectif des majorités locales sur les minorités locales ; mais celui-là je l'ai en aversion plus grande que l'absolutisme unitaire, parce qu'il joint la déception à la tyrannie, et qu'il est en conséquence plus pénible à subir et plus dangereux.
M. de Theux. - Dans la séance d'hier, on a parlé de nominations faites en dehors du conseil, en vue de moyens électoraux, d'influences électorales. J'avoue que, pour mon compte, je n'ai fait aucune nomination dans ce sens. Mais comme cette assertion assez générale serait de nature à produire quelque impression sur l'esprit des lecteurs de nos débats, je crois qu'il serait juste que M. le ministre de l'intérieur fît publier dans le Moniteur la liste des communes où le bourgmestre a été nommé hors du conseil, et l'époque des nominations. Je crois que ce serait un acte de justice envers mon administration et celle de mes prédécesseurs.
Les motifs qu'on a donnés pour modifier la loi de 1842, en ce qui concerne la nomination des bourgmestres, ont été reproduits par l'honorable M. Delfosse, pour demander également la modification de la disposition relative aux révocations. Quant à moi, je n'appuie pas l'amendement de l'honorable M. Delfosse...
M. Delfosse. - J'en suis charmé.
M. de Theux. - Bien que je reconnaisse que plusieurs révocations de fonctionnaires publics ont eu lieu sous l'administration actuelle, d'après mon opinion, par des motifs électoraux. Malgré cette opinion, je ne voterai pas pour ôter au gouvernement le droit de révoquer le bourgmestre avec les limites que veut poser à ce droit l'honorable M. Delfosse. L'abus est moins à craindre quand le droit existe sans limites.
(page 911) Rarement, les révocations profitent à ceux qui les font. Alors qu'elles sont légitimes, il s'y attache toujours une espèce de défaveur ; il y a toujours dans l'opinion une tendance à blâmer l'usage que le gouvernement fait de son autorité ; à plus forte raison en sera-t-il ainsi si les motifs de révocation ne sont pas en réalité conformes à ceux déterminés par la loi. Il s'élèvera alors une telle réprobation que la révocation ne sera pas tentée une deuxième fois.
L'honorable ministre de l'intérieur m'a reproché d'avoir en quelque sorte manqué à la transaction convenue tacitement dans la chambre, en 1836, à l'époque de la confection de la loi.
J'ai déjà eu l'occasion de dire que, bien que je fusse convaincu que la loi de 1836 était insuffisante pour le pouvoir exécutif, que cette insuffisance avait été démontrée par plusieurs faits, cependant j'ai refusé, en 1839, d'ouvrir une enquête, qui eût fait supposer de ma part l'intention de provoquer des modifications à la loi communale.
Mais, messieurs, l'enquête ayant été ouverte en 1840 sous le ministère dont faisait partie l'honorable M. Rogier, et en 1841 l'honorable M. Nothomb, ayant saisi la chambre d'un projet de modifications de la loi communale en ce qui concerne la nomination des bourgmestres. j'aurais cru, en combattant ces modifications, manquer à la conviction que j'avais déjà acquise de la réalité de motifs suffisants pour y admettre des modifications ; et ce qui s'est dit hier dans cette discussion, et par M. le ministre de l'intérieur et par l'honorable M. Delfosse lui-même, et par l'honorable M. de Brouckere, prouve que dans leur opinion il y avait en effet dans la loi de 1836 insuffisance pour le pouvoir exécutif.
Dès lors la nécessité d'une modification est encore reconnue aujourd'hui comme elle a été reconnue en 1842, et la discussion ne roule que sur le moyen de donner à l'autorité centrale une suffisance d'action.
Le moyen adopté en 1842 était-il préférable à celui qu'on vous propose ou à tout autre qu'on pourrait nous proposer encore ? Voilà sur quoi le débat roule ; mais quant au fond, quant à la nécessité d'apporter une modification quelconque à la loi de 1836, les opinions sont unanimes.
L'honorable M. Castiau lui-même l'a admis en consentant à substituer à la dissolution du conseil communal la faculté de prendre le bourgmestre, dans certains cas, en dehors du conseil. C'est avouer qu'il est possible dans quelques circonstances que le gouvernement ait besoin de plus de moyens d'action que la loi de 1836 ne lui en accordait.
Pour moi, messieurs, je n'ai pas été d'avis, et l'honorable ministre de l'intérieur l'a rappelé dans la séance d'hier, de cumuler au profit du gouvernement divers moyens d'action. Ainsi en 1835, j'ai abandonné la dissolution des conseils communaux, qui était proposée. Mais je demandais alors pour le Roi, pour le gouvernement, la faculté de prendre le bourgmestre en dehors du conseil.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Vous l'avez également abandonnée.
M. de Theux. - J'ai dû l'abandonner, parce que la chambre a voté contrairement à mon opinion, et que le motif du refus de la chambre d'accorder au Roi le droit de choisir le bourgmestre en dehors du conseil, n'était pas un motif suffisant de priver le pays d'une organisation communale qui était commandée par la Constitution. Il valait mieux attendre que l'expérience de la loi portât ses fruits et amenât une autre conviction dans la représentation nationale. Cet événement s'est réalisé. Cette nécessité a été reconnue en 1842 ; elle est reconnue encore aujourd'hui par tous les orateurs qui ont pris part à la discussion. Ainsi que je l'ai fait observer, on ne diffère que sur les moyens.
J'aurais donc droit, messieurs, si je tenais à cette faiblesse, de dire qu'en 1838, qu'en 1842 mon opinion était à certains égards plus libérale que ne l'était l'opinion de l'honorable ministre de l'intérieur en 1833, lorsqu'il présentait à la chambre un projet de loi qui cumulait divers moyens d'action au profit du gouvernement, je ne dirai pas contre les institutions communales, mais contre la volonté de l'action communale.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Ce projet de loi est celui que vous avez préparé.
M. de Theux. - Mais cette espèce de popularité de libéralisme, je ne la recherche en aucune espèce de manière. Les libertés sont assez garanties dans le pays. Ce qu'il est nécessaire de garantir, c'est l'action du gouvernement. Il est évident pour tout homme qui réfléchit que depuis très longtemps, dans tout le pays, l'action du gouvernement va toujours en s'affaiblissant ; et je pense que s'il y a un danger, c'est de précipiter l’action de cet affaiblissement ; surtout avant que le peuple ne soit suffisamment habitué à l'usage d'une liberté encore plus grande, si toutefois elle est possible, si toutefois elle est compatible avec le maintien de l'ordre.
Messieurs, il ne s'agit donc ici que de deux moyens, celui présenté par M. le ministre de l'intérieur de choisir le bourgmestre en dehors du conseil, sur l'avis conforme de la députation, et celui consacré par la loi de 1842.
Quant à moi, je l'ai fait pressentir dans la séance d'hier, ayant mûrement réfléchi, ayant entendu les diverses raisons qui ont été alléguées, j'avoue que je trouve que le principe de la loi de 1842 est le plus conforme à nos institutions politiques, en ce qu'il laisse toute entière la responsabilité ministérielle et que de ce chef il offre plus de garanties au public. Car ce que je disais tantôt des révocations dont je ne crains pas les abus, alors qu'elles peuvent même être faites contrairement à mon opinion, je le dirai aussi des nominations en dehors du conseil ; je ne crains pas les abus, alors même qu'une administration contraire à mon opinion détient le pouvoir ; parce que je suis persuadé que si le pouvoir faisait un usage fréquent et abusif de cette faculté, cet abus retournerait contre mes adversaires.
Ainsi ayant mûrement délibéré sur toute la discussion que j'ai entendue, je persiste à soutenir que le système de 1842 est réellement plus libéral, et d'autre part plus conforme aux vrais principes constitutionnels, et pour ce motif je ne voterai pas la proposition du gouvernement.
M. Vandensteen. - Je ne dirai, messieurs, que quelques mots pour motiver mon vote.
Aujourd'hui, comme en 1842, il reste établi que la loi de 1836 présente une lacune en ce sens, que l'autorité responsable est, dans certains cas, mise dans l'impuissance de pourvoir à une bonne organisation de la commune, lorsque, par suite d'une coalition, le refus d'accepter des fonctions de bourgmestre s'est produit.
En 1842, j'ai voté les modifications à la loi communale de 1836, parce que j'avais été frappé des inconvénients qui nous avaient été signalés à cette époque. Ces inconvénients sont les mêmes aujourd'hui ; le remède indiqué alors, et qui a été employé, n'a point produit d'heureux résultats, il faut bien le reconnaître. Je ne veux pas rechercher ici les causes de ce non-succès, il me suffit de le signaler. Quant à moi, je ne pense pas qu'il y ait inconvénient à revenir sur la mesure qui a été adoptée en 1842.
Je ne puis cependant admettre la proposition qui nous est faite par le gouvernement, qui aurait pour effet de confier à une autorité irresponsable une attribution qui placerait encore dans la commune un fonctionnaire d'une catégorie autre que les fonctionnaires de la généralité du pays.
Sous ce rapport, nous ne satisfaisons pas à l'opinion publique qui s'est manifestée si violemment contre la loi de 1842 ; nous sanctionnerions encore une catégorie de fonctionnaires d'exception, et c'est un des griefs faits à la loi de 1842. Suivant moi, il n'y a que deux systèmes rationnels, ou la nomination du bourgmestre, dans tous les cas, en dehors du conseil ; ce système n'est pas proposé, je n'ai pas à l'examiner ; ou revenir purement et simplement à la loi de 1836, comme l'a proposé l'honorable M. Castiau.
Je sais bien, messieurs, qu'il pourra arriver dans certains cas, que par suite d'une coalition, il y aura impossibilité pour le gouvernement de nommer un bourgmestre. Eh bien, je vous l'avoue, dans ces cas je ne verrais pas de difficulté à ce que le gouvernement fît un appel à de nouvelles élections, et lorsqu'on saura dans la commune que le gouvernement a cette faculté, je suis convaincu qu'il aura très rarement besoin d'en faire usage.
Je crois, messieurs, qu'en admettant le retour pur et simple à la loi de 1836, nous satisfaisons beaucoup plus largement à l'opinion qui a été généralement manifestée dans le pays, qu'en adoptant la proposition du gouvernement ; car, en admettant cette proposition, nous débarrasserions le gouvernement de la responsabilité qui lui incombe et qui doit surtout peser sur lui lorsqu'il s'agit d'un fait aussi grave que la nomination d'un bourgmestre en dehors du conseil ; nous déplacerions, en un mot, cette responsabilité, non pas au profit de la commune ou de l'élément électif, mais au profit d'une autorité qui doit seule être responsable, et cela pour placer cette autorité sous le contrôle d'un corps irresponsable, la députation ; c'est ce que je ne puis admettre. Aussi je l'avoue, je préfère le retour pur et simple à la loi de 1836, et je voterai l'amendement de l'honorable M. Castiau.
(page 916) M. Lebeau, rapporteur. - Messieurs, cette discussion a déjà pris tant de développement que je serais le premier à en demander la clôture, si je ne croyais, devoir en acquit du mandat de la section centrale, présenter quelques observations. C'est assez dire que je serai très bref.
Personne, messieurs, dans cette enceinte, si ce n'est peut-être l'honorable député de Nivelles, n'a professé et pratiqué, en matière d'administration communale, des principes absolus.
La revue rétrospective à laquelle il s'est livré, et à l'occasion de laquelle il a tiré au moins autant sur ses amis que sur ses adversaires, a fourni la preuve que la longue discussion qui a abouti à la transaction de 1836 n'a été qu'une série de tâtonnements, d'essais et de transactions de la part de presque tous les membres des différents côtés de la chambre.
L'honorable membre a essayé de démontrer que, fidèle à ses antécédents, il n'a jamais abandonné une occasion de renforcer ; de fortifier la prérogative royale, qui tend, dit-il, au grand danger du pays et du maintien de l'ordre, à s'affaiblir chaque jour. J'ai regret, messieurs, qu'une telle préoccupation n'ait point agi sur l'esprit de l'honorable membre et de ses honorables amis, quand un ministère, qui devait avoir leur confiance, est venu demander pour la prérogative royale un acte de confiance que l'honorable membre a été le premier à refuser. Je parle de la loi sur le jury d'examen.
M. de Theux. - C'est tout autre chose.
M. Lebeau. - Je sais bien que la question de la liberté d'enseignement est mise par vous, messieurs, bien au-dessus de la liberté communale ; mais qu'il me soit permis de le dire, vous parliez, quelques années avant 1842, de la liberté communale comme l'honorable M. de Theux semble parler, en ce moment, de la liberté d'enseignement. Je n'ai pas besoin, et je n'ai nul désir de chercher à expliquer pourquoi ce revirement d'opinion s'est produit à l'égard de la loi communale.
Si la proposition actuelle était jugée en elle-même, je serais d'avis, avec un des honorables préopinants, qu'elle n'a pas une bien grande portée ; toute l'importance de la loi actuelle est due aux circonstances qui ont amené et dans lesquelles on a exécuté la loi de 1842.
La loi de 1842, messieurs, a apparu d'abord dans cette enceinte comme devant répondre à des nécessités graves et purement administratives. Voilà sous quelles couleurs elle s'est présentée ici ; et bien que son origine la rendît, pour une partie de cette chambre, déjà très suspecte, il eût été possible, en lui conservant sincèrement le caractère qu'on semblait vouloir lui attribuer, et en établissant à l'évidence que d'impérieuses nécessités administratives demandaient qu'on touchât à la transaction de 1836, il eût été possible que la loi rencontrât sur nos bancs plus de sympathie qu'elle n'y en a trouvé. Mais, à peine celle loi eût-elle pénétré dans cette chambre, qu'une opinion qui semblait dominer plutôt que suivre et appuyer le cabinet, est venue dénaturer essentiellement le caractère purement administratif de la loi, en élaguant les garanties que l'auteur même du projet y avait insérées pour lui conserver, sinon ce caractère, au moins l'apparence de ce caractère purement administratif.
Ainsi, messieurs, on vous l'a rappelé, le gouvernement ne pouvait faire usage du pouvoir exceptionnel qu'il demandait que pour des motifs graves et après avoir entendu la députation permanente du conseil provincial. Eh bien, si réellement on voulait conserver à cette loi un caractère purement administratif, il fallait tout au moins y laisser cette double garantie morale. Cette double garantie, vous l'avez effacée du projet de loi, et s'il y avait encore eu sur nos bancs quelques hommes assez aveugles pour se tromper sur le caractère de la loi, vous auriez déchiré le bandeau qui leur couvrait les yeux.
(page 917) Votre loi a donc été une véritable loi politique, une véritable loi d'expédient et voilà ce qui lui donne de l'importance, voilà ce qui donne de l'importance au projet de loi actuel. C'était une loi d'expédient, une loi électorale sous les couleurs mensongères d'une amélioration purement administrative. Voilà pourquoi le pays l'a répudiée et pourquoi le ministère a bien fait de revenir à la transaction de 1836, en conservant, par une exception désormais inoffensive, ce que l'expérience peut avoir conseillé de praticable et de purement administratif.
Deux amendements, messieurs, ont été proposés. Celui de l'honorable M. Castiau, je ne dois en dire que quelques mots après ce que l'honorable M. de Brouckere vous en a dit hier. L'honorable M. Castiau a si bien reconnu qu'il n'y avait de remède sérieux à opposer aux inconvénients signalés par l'honorable M. de Brouckere, que la dissolution, que, malgré l'espèce de réprobation qui semble peser sur ce mot de dissolution qui, la première fois qu'il a fait apparition dans cette enceinte, a été qualifié de conception doctrinaire, l'honorable M. Castiau n'a pas reculé devant cette mesure inscrite dans la loi française. Il a fallu que l'honorable membre fût bien convaincu qu'il n'y avait que ce moyen sérieux de résoudre la difficulté qui se présente dans le cas où il est impossible de nommer dans le conseil, pour qu'il soit venu vous proposer lui-même d'en revenir à la dissolution.
C'est le système français ; eh bien, je crois que ce système n'a pas même encore aujourd'hui, malgré les appuis divers qu'il a rencontrés, la chance de faire fortune dans cette enceinte ; je crois qu'il faudrait des nécessités administratives nombreuses, sincèrement et publiquement constatées, pour que la chambre consentît à introduire ce principe dans notre législation provinciale et communale.
L'amendement de l'honorable M. Delfosse a déjà été, dans le sein de la section centrale et de la part de M. le ministre de l'intérieur, fortement combattu. Je crois que l'on confond ici deux prérogatives très différentes pour la députation provinciale ; la prérogative qui est proposée dans le projet de loi est d'une nature très différente de la prérogative que voudrait reproduire l'honorable M. Delfosse.
Messieurs, remarquez bien que quand la députation sera consultée (si elle ne prend pas l'initiative, ce qui, à mon avis, doit arriver le plus souvent ; je crois que l'initiative du gouvernement sera l'exception) ; lorsque la députation se prononce sur la question de savoir s'il faut choisir le bourgmestre en dehors du conseil, la députation n'a pas à statuer sur des questions de personne.
Vainement l'honorable M. Delfosse dira-t-il que la députation, en déclarant qu'il y a convenance, utilité, nécessité même de choisir en dehors du conseil, elle donne en quelque sorte un brevet d'incapacité au conseil tout entier. Mais non ; dans tous les cas qui vous ont été exposés par des hommes dont l'expérience administrative n'est pas contestable, c'étaient les conseils eux-mêmes qui suppliaient, en quelque sorte, le gouvernement, croyant à tort qu'il en avait les moyens légaux, de choisir en dehors d'eux-mêmes ; c'est parce qu'aucun d'eux ne voulait être bourgmestre que le gouvernement se trouvait dans l'impossibilité de pourvoir aux besoins de l'administration dans la commune. Eh bien, je crois que, par la force des choses, ce doit être à peu près dans des cas analogues que le gouvernement pourra faire usage des pouvoirs exceptionnels qu'il vient vous demander.
Maintenant, quant au choix de la personne, il est tout entier sous la responsabilité du gouvernement ; la députation statue sur une question de chose, elle constate une nécessité administrative ; mais quant au choix de la personne, elle n'y intervient nullement, je le répète, il est tout entier dans le domaine et sous la responsabilité du gouvernement.
Autre chose est de prononcer la destitution d'un bourgmestre ; là, il s'agit d'une pure question de personne, devant laquelle les députations provinciales hésiteront, reculeront et se résigneront bien difficilement à engager leur responsabilité ; et cela d'autant plus que pour provoquer à la destitution d'un bourgmestre dans l'état actuel de la législation, la députation doit préalablement flétrir le fonctionnaire, car, d'après la loi actuelle, le bourgmestre ne peut être révoqué que pour inconduite notoire ou pour négligence grave. Eh bien, je dis que, pour exercer une attribution qui peut gravement compromettre la réfutation d'un citoyen, il faut en quelque sorte l'action gouvernementale elle-même. Je crois que ce pouvoir, dans les mains de la députation, serait un pouvoir tout à fait énervé, une véritable lettre morte.
Je sais bien que je fais un peu le procès à la loi de 1836, en ce qui concerne la révocation des échevins ; mais j'ai déjà dit que la loi de 1836 avait été faite après deux ou trois ans de tâtonnements et un peu, qu'on me passe l'expression, par pièces et morceaux.
Cela existera encore pour les échevins, et c'est là, selon l'honorable M. Delfosse, une anomalie choquante.
Je conçois qu'à certains égards, il y a anomalie ; mais pour les bourgmestres il y a cependant une raison de plus que pour les échevins, de maintenir intacte la loi de 1842 sous ce rapport.
Ce moyen, je l'ai déjà fait valoir en section centrale ; M. le ministre de l'intérieur l'a reproduit ; c'est l'exécution des lois et règlements de police, qui peut avoir une très importance ; cette exécution peut exiger des mesures promptes, immédiates, un changement immédiat du bourgmestre ; ce qui dans notre petit pays, sillonné de chemins de fer, est très facile à obtenir du pouvoir central.
L'honorable M. Delfosse trouve étrange que la députation, qui interviendra pour la nomination, n'intervienne pas pour la révocation. D'abord, je ferai remarquer à l'honorable M. Delfosse que la députation n'interviendra dans la nomination qu'exceptionnellement ; elle n'interviendra pour la nomination que dans les cas très rares où cette nomination sera faite en dehors du conseil. Dès lors, l'induction qu'on pourrait tirer du droit de nomination ne pourrait s'étendre qu'au cas de révocation de ces bourgmestres d'exception.
On dit que le pouvoir central serait placé dans une position singulière si la députation, lorsque le gouvernement le croit utile, se refusait à déclarer qu'il y a nécessité de choisir en dehors du conseil ; mais pourquoi voulez-vous que la députation refuse, lorsque vous avez eu soin d'inscrire dans votre loi une précaution qui lui donne un caractère purement administratif, lorsque le gouvernement ne sortira pas de là, lorsqu'il ne méconnaîtra pas l'esprit de la loi ? Pourquoi voulez-vous que la députation résiste ? La députation n'est-elle pas la première frappée des obstacles qui nuisent à ses bonnes relations avec les communes ? N'est-ce pas la députation elle-même qui presque toujours prendra l'initiative ? Que si le gouvernement voulait, par des motifs politiques, choisir en dehors du conseil, et si la députation résiste, oh ! alors, elle fera bien ; elle aura compris le but de la loi que nous faisons, et c'est le gouvernement qui l'aura méconnu. La députation résistera, c'est ce que nous voulons.
Messieurs, je ne puis pas comprendre que d'honorables membres, qui ont exercé des fonctions administratives, qui ont été eu rapport et avec le pouvoir central et avec les administrations communales ; je ne puis pas réellement concevoir comment ils mettent toujours ainsi le gouvernement central en suspicion, comment ils croient que tout est passion, désordre au faîte, que tout est vertu, sincérité, loyauté à la base.
Vous ne voulez pas supposer que les ministres seront des petits saints, soit ; mais pourquoi supposez-vous que les fonctionnaires communaux, jusque dans les localités les plus infimes sont des petits saints, des hommes impeccables ? Si j'avais à choisir, quant à moi, entre les dangers du despotisme ministériel et ceux du despotisme local, dans notre gouvernement représentatif, je n'hésiterais pas à affronter de préférence les dangers du despotisme ministériel, de ce pouvoir qui agit sous le soleil de la publicité, sous le contrôle législatif, sous les yeux du pays tout, entier, plutôt que les dangers d'un pouvoir qui, dans des localités secondaires, éloignées des centres de publicité, peut si aisément et si impunément abuser de leur isolement et de leur obscurité. Dans l'ignorance où leurs administrés peuvent si longtemps demeurer, combien il leur est plus facile qu'à des ministres de pressurer la population au profit de leurs passions et quelquefois de leurs intérêts les plus égoïstes ! Voilà à quoi je préférerais de beaucoup les dangers du despotisme ministériel, si j'avais un choix à faire ; mais je ne veux de despotisme nulle part ; et j'ai la conviction, comme l'ont, j'en suis sûr, les honorables MM. Castiau et Delfosse, que la loi qui vous est soumise ne constituera de despotisme au profit de personne.
(page 911) M. Delehaye. - Messieurs, les différents orateurs qui ont parlé jusqu'à présent se sont attachés exclusivement à signaler les inconvénients des propositions faites par leurs adversaires.
Il y aurait un moyen facile de prévenir tous ces inconvénients, ce serait le retour pur et simple à la législation antérieure à 1836, c'est-à-dire à la nomination directe des bourgmestres et échevins par les électeurs.
Je me garderai bien de faire cette proposition, de crainte d'être accusé de trop avancé, alors surtout que mon honorable ami M. Delfosse lui-même a été qualifié de trop avancé pour une proposition bien moins innocente.
Le motif qui m'avait engagé à demander la parole, c'était pour exprimer mon étonnement du silence de la section centrale sur une proposition qui avait obtenu un accueil très favorable dans la section à laquelle j'avais l’honneur d'appartenir.
Convaincu que la loi de 1842 n'avait été qu'une loi réactionnaire, j'avais demandé qu'on revînt à la loi de 1836, pour ce qui concerne l'exécution des lois et règlements de police.
Par cette loi, c'est le collège des bourgmestre et échevins qui est chargé de ce qui se rapporte à la police ; par la loi de 1842, c'est le bourgmestre seul qui connaît de ces affaires.
Dans les grandes localités, il peut être utile au bourgmestre de consulter ses collègues dans des moments de trouble ; alors des mesures prises par cinq individus imposeront plus de confiance ; elles seront mieux accueillies et environnées de plus de considération et de respect.
D'un autre côté il arrive souvent dans les grandes localités que, dans le choix du bourgmestre, on s'attache plus à la position sociale qu'aux (page 912) connaissances des lois et règlements de police qui ne s'acquièrent que par des longues études et une grande pratique.
En adoptant ma proposition, vous donnez aux bourgmestres ainsi élus à l'approbation de la majorité, de sages collègues, aux lumières desquels ils peuvent avoir recours au moment du danger.
Je propose de rétablir l'article 90.
(page 917) M. Malou. - Messieurs, je ne prolongerai pas beaucoup ce débat ; je tiens seulement à expliquer sommairement les motifs de mon vote.
La loi communale a été l'objet de longues discussions de 1833 à 1836. Les discussions de 1842 ont longtemps occupé la chambre ; toutes les opinions doivent être formées.
On a qualifié hier et aujourd'hui de réactionnaire la loi de 1842. J'ai compris l'emploi de ce mot la première fois qu'on l'a prononcé et même jusqu'au 8 juin inclusivement, mais maintenant et surtout depuis la présentation du projet qui est soumis à la chambre, je ne le comprends plus.
Lorsqu'on discute la question de la nomination des bourgmestres, il ne s'agit pas de l'intérêt de l'un ou de l'autre parti, mais de savoir, quelle est, d'après notre organisation politique, la part à faire au gouvernement dans l'administration de la commune, soit qu'on considère les intérêts de l'unité nationale ou de la fraction, c'est-à-dire de la commune elle-même. Le dissentiment peut donc porter sur une question de centralisation, de pouvoir plus ou moins fort ; mais il n'y a pas là de question de parti. La qualification de réactionnaire est aussi imméritée pour la loi de 1842, que si on l'appliquait à la loi actuellement soumise à la chambre ; en effet, cette loi n'est pas le retour pur et simple à la loi de 1836 ; elle conserverait donc aussi, aux yeux de certaines personnes, quelque venin réactionnaire, s'il m'est permis d'employer ce mot.
En 1842, j'ai pensé que nous trouvions dans nos institutions un système analogue qui devait être appliqué à la commune. Notre loi provinciale est peut-être la seule qui ait subi l'épreuve du temps sans avoir été attaquée, sans avoir été modifiée.
J'avais proposé, en 1842, de donner au bourgmestre une position analogue à celle du gouverneur ; malheureusement cette proposition a été rejetée par partage de voix.
Je crois encore aujourd'hui que ce système doit être préféré, au point de vue des deux intérêts : de l'unité, de la centralisation et en même temps de la liberté communale dans ce qu'elle a de positif, en ce qu'elle a pour objet de sauvegarder les intérêts de tout genre de la communauté.
Cependant (les motifs en sont tellement simples que je me dispenserai de les énoncer) je m'abstiendrai de proposer de nouveau ce système. Il présente, comme la loi de 1836, un avantage très grand à mes yeux sur la loi de 1842 et sur la proposition du gouvernement. Cet avantage consiste en ce qu'il n'y a pas dans ce système, non plus que dans le système de la loi de 1836, deux catégories de bourgmestres. Il n'y a qu'un (page 918) droit commun, le même pour tout le pays. C'est dans notre pays, avec les idées qui y règnent, un très grand avantage. C'est ce qui me fait penser que si nous devons modifier la loi de 1842, il vaut mieux revenir purement et simplement à la loi de 1836 que d'adopter un système qui ne satisfait à aucun intérêt, qui compromet la dignité du gouvernement, qui intervertit la hiérarchie administrative.
Je suis frappé de cette considération : le gouvernement a la prérogative de nommer le bourgmestre en dehors du conseil.
Je ne pense pas que ce soit parce que le cabinet se défie de lui-même qu'il propose de n'avoir ce droit désormais qu'avec l'avis conforme de la députation du conseil provincial. C'est une faculté qu'a maintenant le gouvernement ; il dépend de lui de ne faire application de la disposition de la loi que quand il a obtenu l'avis conforme de la députation du conseil provincial.
A ce point de vue, le projet de loi est réellement inutile. Il n'est pas seulement inutile : en effet, il y a intérêt évident à maintenir l'unité dans l'application des lois.
Or que faites-vous par le projet actuel ? Vous donnez lieu à la possibilité qu'il s'établisse quant à la nomination des bourgmestres, autant de jurisprudences qu'il y aura d'opinions diverses dans les députations permanentes. Il peut arriver qu'une députation soit favorable à la nomination du bourgmestre en dehors du conseil, tandis qu'une autre y sera systématiquement hostile. Nous aurons un droit communal dans une province, suivant l'opinion actuelle de la députation, dans une autre province une institution communale réellement différente, et les mêmes changements dans la députation permanente, selon que les éléments en changeront.
Ce que je dis des députations doit se combiner avec les changements de gouvernement. Ainsi l'on croit qu'on fait disparaître les inconvénients, qu'on donne des garanties contre les mesures politiques. Ce serait supposer qu'aucune députation ne sera désormais d'accord avec le gouvernement pour prendre, dans une circonstance donnée, une mesure politique. Mais le contraire peut arriver ; arrivera souvent. Selon que la députation sera composée dans un sens ou dans un autre, elle pourra donner un avis conforme même pour une mesure politique. Sous ce rapport la garantie me paraît complètement illusoire.
Je ne pense pas que dans la loi communale ni dans la loi provinciale on trouve un seul cas où l'action du gouvernement serait subordonnée à l'avis conforme de la députation permanente.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je ne conçois pas que vous ne l'ayez pas vu.
M. Malou. - Je me suis fait produire les termes de la loi de 1836. Ce n'est pas le gouvernement qui agit, c'est le gouverneur.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Oh !
M. Malou. - Je suis charmé d'avoir provoqué l'interruption.
L'article 86 de la loi du 30 mars 1836 porte :
« Le gouverneur peut, sur l'avis conforme et motivé de la députation permanente du conseil provincial, suspendre et révoquer, pour inconduite notoire ou négligence grave, le bourgmestre et les échevins. »
Mais l'anomalie que je signale ne se trouve pas là. Si le gouverneur qui délibère avec la députation voit son opinion subordonnée à celle de la députation, ce n'est pas une interversion de pouvoir, comme lorsque le gouvernement, le pouvoir royal voit son action maintenue ou annulée, selon que veut ou ne veut pas la députation permanente : c'est une position subalterne, je ne veux pas dire une position d'humiliation. C'est une anomalie ; c'est le bouleversement complet de la hiérarchie administrative.
Ces considérations me porteront à voter pour l'amendement de l'honorable M. Castiau et contre l'ensemble du projet de loi.
(page 912) M. le président. - L'amendement déposé par B. Delehaye a pour objet de rétablir l'article 90 de la loi communale tel qu'il a été voté en 1836 ; c'est-à-dire de rétablir le n°4°, qui chargeait le collège des bourgmestre et échevins de l'exécution des lois et règlements de police et de supprimer le paragraphe final ajouté à cet article par la loi du 30 juin 1842, et ainsi conçu :
« Le bourgmestre est chargé de l'exécution des lois et règlements de police ; néanmoins, il peut, sous sa responsabilité, déléguer cette attribution, en tout ou en partie, à l'un des échevins. »
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je continue à combattre la proposition de mon honorable ami M. Castiau, soutenue et appuyée par l'honorable M. Malou, et, je pense, aussi par l'honorable M. de Theux.
M. de Theux. - J'ai dit que c'était un moyen pour remédier aux inconvénients ; mais je ne l’ai pas appuyé ; je ne me suis pas expliqué.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - L'honorable M. de Theux ne serait donc pas encore sorti de ses hésitations ?
M. de Theux. - Oh ! je n'hésite pas.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Quoiqu'il en soit, il m'a paru que l’honorable membre inclinait vers la proposition de mon honorable ami M. Castiau. Nous attendrons le vote pour constater son opinion définitive.
Je dis que je continue de combattre la proposition de mon honorable ami M. Castiau soutenue par l'honorable M. Malou.
Pourquoi ? Parce que je pense qu'elle ne peut pas remplir le but que le gouvernement a voulu atteindre en présentant le projet de loi. La loi qui vous est soumise est une loi toute pratique et tout administrative. En cela elle diffère de la loi qui a été, non pas proposée, en 1842, par le gouvernement, mais qui a été improvisée dans la chambre, imposée jusque certain point au gouvernement.
La loi de 1842, par les circonstances qui ont précédé et qui ont suivi sa mise à exécution, a été une véritable loi de parti, une loi politique et qu'on a pu jusqu'à certain point qualifier de réactionnaire par l'exécution qu'elle a reçue en diverses provinces.
L'honorable M. de Theux a protesté en son nom contre les allusions qui ont été faites relativement à certaines nominations toutes politiques dans certaines provinces. Je dois à la loyauté de déclarer, et mon discours le faisait entendre hier, que je n'ai pas fait allusion à l'honorable M. de Theux en ce qui concerne ces nominations. J'avais dit hier qu'à peine la loi de 1842 avait été votée, il en avait été fait abus dans un intérêt politique. Je n'avais donc pu faire allusion à l'honorable M. de Theux, qui alors n'était pas au pouvoir.
Je dis que la loi, telle qu'elle vous est présentée, est une loi toute pratique, tout administrative, et qui servira à dépouiller la loi de 1842 du caractère politique qui, au grand détriment de l'administration, l'a marquée à son origine.
Que demandons-nous, messieurs ? Nous conservons intact comme règle le principe qui a prévalu en 1836, c'est-à-dire la nomination du bourgmestre dans le sein du conseil. Mais, nous demandons ce que nous demandions en 1833 avec l'honorable M. de Theux contre l'honorable M. Dechamps, contre l'honorable M. Dubus et plusieurs de ses amis ; nous demandons pour le Roi la faculté de nommer en dehors du conseil, mais dans des cas tout à fait exceptionnels, dans des circonstances tout administratives.
Qui est-ce qui sera appelé à constater ce besoin administratif ? Qui est-ce qui sera appelé à déterminer le cas où il y a lieu, dans l'intérêt de l'administration, de choisir un bourgmestre en dehors du conseil ? Mais naturellement ce sont les députations, les corps qui tous les jours sont en relation avec les communes, les corps qui sont les premiers intéressés à informer le gouvernement que, dans telle commune, la marche des affaires se trouve totalement entravée, parce qu'on ne peut trouver un bourgmestre dans le conseil, soit que tous les conseillers refusent d'accepter ces fonctions, soit qu'ils soient tout à fait incapables de les occuper. Le gouvernement, averti, marche d'accord avec le corps administratif principal de la province, il pourvoit à ce besoin administratif, et tout est dit. Il n'y a pas ici de politique à craindre.
Je ne nie pas que l'élément politique ne pourra pas s'introduire quelquefois dans les délibérations des députations provinciales. Mais peut-on supposer que la députation subordonne cet intérêt très mince pour elle, le fasse prédominer sur l'intérêt de l'administration ? Il faudra supposer en outre, pour qu'il y ait abus, qu'il y aurait une sorte de complicité entre le gouvernement et la députation dans un intérêt politique. Je dis que c'est pousser la supposition beaucoup trop loin, que c'est même se livrer à des suppositions injurieuses et pour la députation et pour le gouvernement.
A-t-on, messieurs, indiqué des moyens pratiques autres que celui proposé dans la loi, pour constater dans une commune la nécessité de choisir le bourgmestre en dehors du conseil ? A-t-on d'autres moyens plus administratifs, plus pratiques ? Qu’on les indique ; je serai prêt à m'y rallier.
En 1833, lorsque j'ai demandé, suivant en cela le projet de loi auquel avait grandement concouru l’honorable M. de Theux, lorsque j'ai demandé la faculté pour le Roi de nommer en dehors du conseil, j'ai dît, et j'ai ici des extraits de mes discours, qu'il ne pourrait être fait usagé de cette faculté que par des motifs tout à fait exceptionnels, dans des cas très rares, et j'ai ajouté à plusieurs reprises que le gouvernement n'attachait pas une très grande portée à cette proposition. Cette proposition n'a pas été accueillie.
En 1836, après deux années de discussions violentes et pénibles, la chambre vota le principe de la nomination du bourgmestre dans le sein du conseil. Mais elle vota aussi une autre mesure qui consistait à faire nommer les échevins par les électeurs ou par le conseil communal. Cette proposition ne fut pas accueillie au sénat. Elle revint à la chambre, et en 1836, par une grande transaction, presque toute la chambre vota le système de la nomination du bourgmestre dans le sein du conseil. 82 voix, je pense, adhérèrent à cette proposition. Je votai et mon honorable ami M. Lebeau vota également pour cette proposition ; et l'honorable M. de Theux accepta cette transaction comme très bonne ; il la présenta au sénat comme une chose magnifique.il est vrai qu'il devait être pressé d'en finir. Car cette loi, depuis deux ans, devait être une espèce de tourment pour le ministère.
Voici comment, en 1836, l'honorable M. de Theux jugeait le système qui a prévalu alors, comment il le présentait au sénat dans la discussion qui précéda le vote définitif :
« Le système consacré par la loi est un système de transaction. Chacun a été d'avis qu'il fallait que le Roi participât d'une manière quelconque dans l'organisation communale. Le système qui a prévalu est celui qui est réclamé comme le plus adapté à nos usages, à nos habitudes et aux mœurs du pays ; et aussi a-t-il été accueilli avec faveur. Sous ce rapport, nous ne pouvons que nous féliciter que la chambre soit revenue au système adopte par le sénat. »
Voilà en quels termes l'honorable M. de Theux s'expliquait sur le système de 1836.
Si ce système était si excellent, s'il répondait si bien à nos mœurs en 1836, pourquoi l'honorable M. de Theux, en 1842, a-t-il trouvé ce système si mauvais ?
M. de Theux. - Il était bon quant au fond ; mais il laissait toujours à désirer quant aux exceptions.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Ce n'est donc pas nous qui avons changé d'avis, c'est l'honorable M. de Theux. Quant à nous, nous avons toujours soutenu, de 1836 à 1848, le système qui a prévalu en 1836.
M. de Theux. - J'ai changé, parce que j'ai succombé.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Vous voyez comment vous vous êtes expliqué au sénat sur le projet de loi qui vous avait occasionné une défaite. Il faut avouer qu'on ne peut pas être vaincu d'une manière plus douce et accepter avec plus de grâce la loi du vainqueur.
Messieurs, je ne voudrais pas prolonger outre mesure ces débats. La loi communale, à diverses époques, n'a déjà que trop occupé la chambre. Si cependant, messieurs, nous ne mettons pas une sorte de point d'arrêt, une limite sérieuse aux velléités de modifications et d'amendements qui se manifestent, je crains que la chambre ne soit de nouveau entraînée dans des discussions qui pourraient prendre toute la fin de la session, alors que nous avons à l'employer si utilement.
L'honorable M. Delehaye vient de joindre un amendement à ceux de ses honorables amis. J'ignore si cet amendement a aussi des chances d'être soutenu par les honorables membres de la droite ; mais s'il en est ainsi, nous aurons encore une discussion fort longue. Je combats l’amendement de l'honorable M. Delehaye. Je me renferme dans les propositions du gouvernement. Je ne fais point en ceci acte d'une opiniâtreté étroite et aveugle ; si je voyais une véritable amélioration dans les propositions faites, je n'hésiterais pas à m'y rallier ; mais il me semble que la modification n'est nullement nécessitée, je ne dirai point par les besoins politiques, mais par les besoins administratifs.
Je dois donc la combattre. Ne point mettre, dès le principe, des limites à ces amendements, ce serait engager la chambre dans une voie d'où il lui serait très difficile de sortir.
J'engage donc particulièrement ceux de mes honorables amis qui ont l'habitude de voter avec le ministère, j'engage aussi ceux de mes honorables adversaires qui veulent épargner à la chambre de longs débats, je les engage à considérer si la voie la plus simple et la plus courte ne serait pas de se rallier purement et simplement à la proposition du gouvernement. Cette proposition, je le répète, a un but tout pratique, tout administratif ; elle a aussi pour but de faire disparaître une cause d'irritation dans le pays ; et sous ce rapport, messieurs, la loi a aussi un côté politique.
J'ignore si l'amendement de l'honorable M. Delfosse, en ce qui concerne la révocation, a quelque chance de succès ; mais je dois persister à le combattre.
Je trouve que l'honorable M. Delfosse n'est pas fidèle ici à cet (page 913) esprit logique et conséquent qui le distingue d'ordinaire. L'honorable M. Delfosse établit entre deux ordres de faits différents une analogie qui n'existe en aucune manière : de ce que la députation est consultée par le gouvernement sur la question de savoir si dans telle commune il faut choisir un bourgmestre en dehors du conseil, l'honorable M. Delfosse conclut que la députation doit être consultée sur la question de savoir si tel ou tel individu doit être destitué. Je concevrais l'analogie si la députation était consultée quant à la personne à nommer bourgmestre ; je concevrais dans cette hypothèse qu'on la consultât également quant à la personne à destituer. Voilà où il y aurait connexité, analogie entre les dispositions ; mais l'analogie n'existe en aucune manière. La députation, dans le premier cas, dans le cas où il s'agit de nommer un bourgmestre en dehors du conseil, est consultée sur les besoins administratifs d'une commune, abstraction faite de tout nom propre, tandis que dans le cas de destitution la députation prononcerait non pas sur un fait administratif, sur des besoins administratifs, mais sur un nom propre, sur le mérite de tel ou tel individu. Or voilà un droit que je refuse nettement, catégoriquement à la députation.
M. Delfosse. - Il existe pour les échevins.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - J'ai répondu à cela. Les fonctions d'échevins ne sont pas de la même nature que celles de bourgmestre. Il y a une grande différence entre ces deux catégories de fonctionnaires, quant à l'importance des fonctions et quant à la nature des attributions. D'ailleurs, de ce qu'il y aurait dans la loi une inconséquence, ce ne serait pas un motif pour en mettre deux.
Messieurs, je dirai, en finissant, un mot à l'honorable M. Delehaye qui se plaint que le ministère l'a accusé d'exagération, lui et quelques-uns de ses amis. Je n'ai point formulé cette accusation, je ne considère point la proposition de l'honorable M. Delfosse ni celle de l'honorable M. Delehaye comme étant marquées d'une grande exagération, je les considère seulement comme inopportunes. Je crois que mes honorables amis ne doivent point, pour satisfaire à des opinions plus ou moins individuelles, ne doivent point, en toute circonstance, se croire dans la nécessité de produire, sous forme de proposition, des opinions purement individuelles. Cette marche, messieurs, je ne la crois pas bonne au point de vue parlementaire. Je le dis sans détour, rien de mieux que de conserver son indépendance personnelle ; mais il y a dans une chambre d'autres devoirs à remplir que des devoirs à remplir envers soi-même, et sous ce rapport, j'engagerai fortement mes honorables amis, à moins qu'ils n'aient des raisons particulières pour entraver en quelque sorte la marche de la discussion et pour s'opposer au ministère, j'engagerai fortement ces honorables amis à vouloir bien, dans des circonstances données, faire le sacrifice de quelques opinions individuelles, et laisser au ministère toute sa liberté d'action.
Voyez, messieurs, si ces propositions ainsi faites ne doivent point donner lieu à réfléchir, il est bon de s'expliquer avec franchise.
L'honorable M. Castiau n'est-il pas frappé de ce singulier rapprochement, que sa proposition se trouve appuyée par l'honorable M. Malou ? Je me borne à faire ce rapprochement, je le livre aux méditations de la nouvelle majorité.
Ainsi, messieurs, tout en conservant nos opinions individuelles, notre indépendance respective, tâchons de procéder toujours avec ensemble, avec bonne entente ; voilà à quelles conditions on est parti parlementaire.
Le gouvernement a fait connaître depuis longtemps quelle était son opinion ; cette opinion a été formulée dans un programme officiel ; le ministère se considère comme lié par ce programme ; rester en deçà de ce programme, comme aller au-delà, ce serait, quant à présent, manquer à nos engagements, et nous n'y manquerons pas.
Qu'on appelle cela de la résistance, soit. Nous sommes un ministère ami d'un progrès sage et réglé. Nous l'avons dit : lorsqu'on voudra nous faire aller d'un pas trop rapide, nous résisterons ; nous voulons améliorer, mais en conservant ; nous ne sommes nullement disposés à nous laisser entraîner dans une voie où l'on voudrait nous faire marcher d'un pas précipité. Si d'autres pensent que notre marche n'est pas assez rapide, que les affaires publiques doivent être conduites avec plus d'ardeur, dans la voie d'un plus large progrès, eh bien, à ceux-là nous abandonnerons le soin de diriger les affaires ; et voici ce que nous promettons : c'est qu'une fois au pouvoir, une fois investis de cette confiance intime et générale qu'un parti donne au ministère venu à la suite du triomphe de l'opinion que ce parti représente ; une fois en possession de ce pouvoir, nous leur promettons notre concours loyal et permanent, et nous saurons alors faire facilement, dans certaines questions, le sacrifice de nos opinions personnelles, pour ne pas entraver la marche d'un ministère ami, qui offrira à nos principes des garanties suffisantes.
(page 918) M. Lebeau, rapporteur. - Messieurs, un honorable préopinant a paru s'adresser particulièrement (je me trompe peut-être) au rapporteur de la section centrale, lorsqu'il a contesté l'appréciation politique que l'on avait faite de la loi de 1842. J'ai dit que, par les circonstances qui l'ont préparée et qui l'ont suivie, il est clair pour tout le monde que la loi de 1842 a été une loi politique et en ce sens une loi de réaction, mais une loi de réaction qui, comme presque toutes les lois de réaction, s'est brisée à l'instant même dans les mains de ceux qui l'avaient faite.
Messieurs, il n'a été fait usage de cette loi, qu'on semble vouloir vous convier à maintenir, que de manière à compromettre gravement aux yeux du pays le pouvoir même qui en avait fait usage. Dans toutes les grandes localités où l’homme du gouvernement a été éliminé par la réprobation électorale, vous n'avez pas osé faire usage de votre loi ; vous n'avez fait usage de votre loi que dans quelques localités obscures, secondaires, comme si vous aviez été en quelque sorte honteux de l'usage que vous faisiez de cette loi. Vous avez dû respecter le vœu des électeurs dans les grandes communes ; vous n'avez pas osé réinstaller dans le conseil ceux que les électeurs en avaient chassés ; mais dans quelques villages vous vous êtes vengés sur quelques conseillers provinciaux, qui avaient commis le crime de n'être pas de votre avis dans les assemblées provinciales.
Eh bien, par votre inaction, comme par l'usage que vous avez fait de cette loi, vous l'avez discréditée. (Interruption.)
Je parle du ministère de M. Nothomb, et en parlant de ce ministère qui appartient à l'histoire, je parle de vous qui siégez sur les bancs de la droite, car M. Nothomb était particulièrement appuyé par vous.
L'honorable M. Castiau doit être bien surpris, je ne sais si je dois dire un peu effrayé, lui qui tant de fois a qualifié durement les lois de 1842 ! Il se voit l'objet d'une sorte d'entente cordiale ; on lui serre la main avec tendresse sur ces bancs que pourtant il n'a pas l'habitude de caresser ! Et l'honorable M. Malou, qui semble disposé à ratifier, au nom de son parti, cette entente cordiale, est le même qui, après avoir condamné en 1842 le système proposé alors comme entaché de la monstruosité grave de faire deux espèces de bourgmestre, a cependant, son amendement une fois rejeté, voté pour cette loi monstrueuse de 1842. Aujourd'hui il n'en veut plus à aucun prix, et l'on est, sur les bancs où siège l'honorable préopinant, si respectueux de la prérogative royale (prérogative dont on n'avait pas beaucoup de souci lors de la loi du jury d'examen], qu'on ne vote pas le rejet de la proposition ministérielle, mais qu'on veut en revenir à la loi de 1836, qui concentre le choix du Roi nécessairement dans le sein du conseil. Je demande comment il faut comprendre ce revirement si singulier en faveur de la prérogative royale ? Ou ne veut pas revenir à la loi de 1842, car sans cela vous vous borneriez à repousser la loi nouvelle, vous ne donneriez pas les mains au projet de faire revivre la loi de 1836. Mon Dieu ! si nous nous livrions à des suppositions, nous pourrions dire que la loi de 1836 était mauvaise parce que vous étiez chargés de l'appliquer, et que la loi de 1842 vous paraît redoutable, parce que ce sont vos adversaires qui sont maintenant chargés de l'exécuter.
Voilà comment on pourrait s'expliquer cette espèce d'entente cordiale qui semble se préparer.
Eh bien, savez-vous à quoi on s'expose des deux côtés ? Quoiqu'il arrive, vous n'aurez pas, vous ne pouvez pas avoir la loi de 1836 ; c'est pour le gouvernement, après ce qu'il a dit, une question d'honneur ; vous n'aurez pas la loi de 1836 dans son intégrité. L'honorable M. Castiau lui-même ne la réclame pas. Voilà pour nos collègues de la gauche.
Vous, messieurs, qui siégez de l'autre côté, vous ne l'aurez pas non plus.
Le ministère vous fera encore moins cette concession, qu'il refuse à des amis politiques. Qu'en résultera-t-il ? Une nouvelle journée des dupes, comme on en a vu naguère une, aux dépens du trésor public, dans la question des sucres. Ce qui résultera ce sera la loi de 1842, qu'on appliquera, il est vrai, non dans un sens politique. Aussi longtemps, en effet, que je verrai le banc ministériel occupé comme il l'est, lors même que vous n'écririez pas une garantie nouvelle dans la loi de 1842, je suis convaincu qu'on n'en ferait usage que dans un sens exclusivement administratif.
Quant à moi, je ne prêterai pas les mains à ce qu'on fasse du résultat de cette discussion une duperie pour tout le monde.
(page 913) M. Delfosse. - Je n'ai pas compris la grande émotion que mon amendement a causé à M. le ministre de l'intérieur. Je ne puis accepter la leçon un peu étrange qu'il vient de nous faire. L'amendement que j'ai présenté n'est certes pas de nature à compromettre le sort de la loi ; j'ai usé de mon droit en le présentant ; le ministère a usé du sien en le combattant.
La chambre appréciera ; mais, quoi qu'il arrive de cet amendement, le projet de loi sera, j'en suis convaincu, adopté à une forte majorité ; il n'y aura donc pas de journée de dupes. C'est bien à tort que l'honorable M. Lebeau a parlé d'une journée de dupes.
Quelque raison que le ministère ait de compter sur mes sympathies, il ne peut pas espérer que je renoncerai au droit de présenter les amendements qui me paraîtront utiles. Je puis me tromper, mais si je crois qu'un amendement est utile, qu'il peut donner des garanties à nos libertés, mon devoir est de le présenter, et ce n'est pas seulement comme M. le ministre de l'intérieur veut le dire, un devoir envers moi-même, c'est un devoir envers le pays et envers la cause que j'ai à cœur de défendre.
C'est ainsi que je comprends mon devoir et que je continuerai, à le remplir. Plusieurs fois, en 1840, quand l'honorable M. Rogier était ministre, j'ai combattu des propositions ministérielles, je m'en suis plus tard félicité, et il a dû s'en féliciter lui-même car j'ai été plus fort pour lutter contre ses successeurs.
Voilà ce que j'avais à répondre à l'honorable M. Rogier, je répète, en terminant, que je ne comprends pas la grande colère, que mon amendement, certes bien inoffensif, lui a inspiré.
M. Malou. - Je ne comprends pas non plus l'émotion de M. le ministre de l'intérieur et de l'honorable rapporteur de la section centrale.
M. Lebeau. - Je ne suis pas ému.
M. Malou. - Il semble qu'il nous soit interdit à nous de nous rallier en quoi que ce soit à un membre de la gauche. (Interruption.)
Si cela ne nous est pas interdit je ne comprends pas pourquoi l'honorable M. Castiau serait surpris, effrayé je crois qu'il ne l'est guère, de l'adhésion que je crois pouvoir donner à sa proposition.
Pourquoi suis-je disposé à adhérer à cette proposition ? Parce que je la trouve plus logique, plus utile que celle du gouvernement. Il n'y a pas eu de négociation, il y a eu entente cordiale sur les principes ; je m'en félicite. Je ne pense pas que cela puisse déplaire à M. le rapporteur.
J'ai déclaré deux choses, j'ai dit que je voterais pour l'amendement, mais que je voterais contre l'ensemble de la loi. Qu'est-ce que cela veut dire ? Que je veux le maintien de la loi de 1842, mais que si la majorité voulait modifier cette loi, je préférerais le mode indiqué par M. Castiau, la nomination du bourgmestre dans le conseil pour toutes les communes du royaume, avec le droit de dissolution. Je suis loin de ne plus vouloir de la loi de 1842, c'est parce que j'en veux, que mes successeurs peuvent en avoir besoin que je vote dans ce sens.
Je ne rentrerai plus dans le fond de la question qui a été agitée ; je dois cependant ajouter un mot. Je crois devoir m'expliquer sur les observations de M. le ministre de l'intérieur.
Je désire qu'on en revienne à la loi de 1830, corrigée par le droit de dissolution ; mais si l'honorable ministre de l'intérieur voulait élever la question à la dignité d'une question de cabinet, je m'abstiendrais sur l'amendement de M. Castiau.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je ne crois pas m'être exprimé avec colère, je crois avoir donné des conseils dictés par l'intérêt de l'opinion que mon honorable ami M. Delfosse défend. Je répondrai à l'honorable M. Malou que je ne suis pas autorisé à élever la question qui s'agite à la hauteur d'une question de cabinet. Je laisse donc à l'honorable membre la liberté de son vote. Je serais désolé de le gêner, je suis convaincu que l'honorable M. Malou tient beaucoup au maintien du cabinet.
M. de Brouckere. - En principe, je suis loin d'être contraire à l'amendement proposé par l'honorable M. Delehaye ; je verrais sans regret, je n'hésite pas à le dire, dans les grandes villes surtout, la police restituée au collège des bourgmestre et échevins, comme cela existait avant la loi de 1842, mais je crois que la chambre est fort peu disposée à discuter la proposition de l'honorable M. Delehaye et j'ajouterai qu'une semblable proposition peut difficilement être discutée dans une assemblée comme celle-ci sans avoir été soumise à un examen préparatoire. Il ne faudrait pour vous le prouver que rappeler que ce n'est pas seulement l'article 90 de la loi communale qu'il faudrait modifier, mais encore les articles 94, 123 et 126.
D'après cela, j'engage l'honorable M. Delehaye à ne pas insister sur son amendement qui n'a aucune espèce de change d'être admis.
M. Delehaye. - Je ne dirai qu'un mot. M. le ministre de l'intérieur en me répondant a exprimé la pensée que ma proposition était le résultat d'une inspiration personnelle. C'est une erreur, cette proposition m'a été suggérée par un homme pratique, un échevin d'une grande ville. Dans toutes les grandes villes on a reconnu l'importance de rétablir le n°4 de l'article 90 de la loi communale et on le demande.
- La discussion est close.
Vote de l’article unique
M. le président. - S'il n'y a pas d'opposition, je mettrai d'abord aux voix l'amendement de M. Castiau.
Plusieurs membres. - Oui ! oui !
D'autres membres. - Non ! non !
M. Mercier. - L'honorable M. Castiau n'a-t-il pas proposé la dissolution éventuelle des conseils communaux ?
M. le président. - Il n'a pas été adopté de proposition en ce sens.
M. Malou. - Si la proposition de M. Castiau était adoptée, comme c'est un amendement, il y aurait évidemment un second vote ; on pourrait alors proposer la dissolution, comme conséquence d'un amendement adopté.
Quant à l'ordre du vote, je crois qu'on doit voter d'abord sur cette disposition : « Le Roi nomme le bourgmestre dans le sein du conseil » ; (page 914) puis sur le droit de révocation, puis enfin sur le paragraphe qui abroge la disposition de la loi de 1842.
M. Dolez. - Si l'on met aux voix cette disposition : « Le Roi nomme le bourgmestre dans le sein du conseil » nous voterons tous pour, puisque nous sommes tous d'avis que ce doit être la règle. Ne vaudrait-il pas mieux mettre aux voix cette question : « Rétablit-on la loi de 1836 ? »
M. Castiau. - Ma proposition n'a pas d'autre portée.
M. Dolez. - Eh bien, que l'on mette aux voix la question comme je viens de la poser.
M. de Brouckere. - La question est extrêmement simple. C'est le rétablissement de la loi de 1836, en ce qui concerne la nomination des bourgmestres.
M. Dubus (aîné). -Je voulais faire la même observation. L'honorable M. Castiau propose de rétablir la loi de 1836, en ce qui concerne la nomination et la révocation des bourgmestres. On demande que cette proposition soit mise aux voix par division.
M. Castiau. - C'est cela.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - La proposition de l'honorable M. Castiau, restreinte comme elle l'est (car il n'a pas proposé de donner au gouvernement le droit de dissolution), c'est le rejet de la proposition du gouvernement. Je demande la priorité pour la proposition du gouvernement.
Le gouvernement admet en principe la nomination du bourgmestre dans le sein du conseil. Il demande seulement une exception dans certains cas à constater par la députation permanente.
Je demande qu'avant de mettre aux voix la question de principe, on mette aux voix la question soulevée par le deuxième paragraphe : « Y a-t-il lieu de donner au gouvernement le droit de nommer le bourgmestre hors du conseil, de l'avis conforme de la députation permanente ? » Voilà au fond la proposition du gouvernement, dont M. Castiau propose le rejet.
En un mot, je demande que le dernier paragraphe du projet de loi soit mis aux voix le premier.
M. Mercier. - Tout amendement doit être mis aux voix avant la proposition du gouvernement ; c'est là une règle dont je ne pense pas qu'on ait jamais dévié. Je me trouverais, quant à moi, dans un grand embarras si l'on suivait une autre marche dans cette circonstance, et je me verrais forcé de m'abstenir. J'ai voté, en 1842, contre la proposition de l'honorable M. Fleussu, parce que je ne voulais pas subordonner l'action du gouvernement à l'avis conforme de la députation permanente, ce qui me semblait placer le pouvoir central dans une position peu convenable ; j'ai cru, toutefois, qu'il était utile que la députation permanente fût entendue, et que la nomination hors du conseil n'eût lieu que pour des motifs graves ; j'ai fait dans ce sens une proposition qui n'a pas réuni la majorité. D'un autre côté, je n'ai pas accepté la loi de 1842, et mon intention n'est pas de la laisser subsister. Me trouvant en présence de deux propositions, je donne la préférence à celle de l'honorable M. Castiau, dans la pensée qu'au deuxième vote une disposition relative à la dissolution des conseils communaux y sera ajoutée.
Mais si la proposition de M. Castiau n'était pas adoptée, je préférerais celle qui nous est soumise par le gouvernement à l'état de choses actuel.
Par ces considérations, qui sans doute existent pour beaucoup d'autres, membres, il me semble qu'il est indispensable de voter en premier lieu sur la proposition de l'honorable M. Castiau, ce qui est d'ailleurs de droit, d'après notre règlement.
M. Maertens. - Je soutiens également qu'il faut commencer par mettre aux voix l'amendement de l'honorable M. Castiau et voici pourquoi :
Je n'ai jamais voulu et je ne veux pas encore de la loi de 1842. Cette loi existe aujourd'hui et pour la remplacer deux propositions sont en présence, celle de l'honorable M. Castiau et celle du gouvernement. Je préfère la première, qui est le retour pur et simple à la loi de 1836. Si cette proposition est rejetée, j'adopte alors celle du gouvernement, qui, pour moi, vaut mieux que la loi de 1842. Il faut donc, pour que je puisse librement exprimer ma pensée, commencer par mettre aux voix la proposition de M. Castiau, qui est la plus large, qui n'admet aucune restriction.
Si on commence par mettre aux voix la proposition du gouvernement, je me trouverais dans l'impossibilité de voter. En effet, si je réponds affirmativement sur la proposition du gouvernement, je me prononce directement contre la proposition de M. Castiau, que je veux au contraire adopter. Si je rejette la proposition du gouvernement, je ne suis pas sûr de voir adopter la proposition de M. Castiau, je cours grand risque de voir maintenir la loi de 1842. Il faut donc, pour que tout le monde puisse prendre part au vote, que l'on donne la priorité à la proposition de M. Castiau. Il faut qu'on nous laisse l'occasion de voter sur celle proposition, que, pour mon compte, j'ai déjà admise dans la sixième section, dont je faisais partie conjointement avec l'honorable M. Castiau.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Il faut qu'il n'y ait de surprise pour personne dans le vote. La proposition de l'honorable M. Castiau votée purement et simplement, c'est le rejet de la proposition du gouvernement.
Pour le second vote, on suppose qu'une autre proposition surgira. Mais une proposition de cette importance aurait dû être déposée dès le premier vote. Nous aurions pu en apprécier la portée, les conséquences sur l'adoption du principe qu'on vous propose de voter d'une manière absolue et sans restriction dès le premier vote. Vous ne pouvez, dans la perspective d'une proposition nouvelle à introduire au second vote, vous prononcer dès aujourd'hui sur un pareil principe.
Si dès maintenant la proposition de donner au gouvernement le droit de dissoudre les conseils communaux était faite, était votée, je concevrais jusqu'à un certain point que l'on pût adopter le retour à la loi de 1836. Mais il faut qu'une proposition de cette importance ne vienne pas à l'improviste, d'une manière accessoire, d'une manière tout à fait hypothétique, exercer une influence décisive sur le premier vote. Il faut que cette proposition soit déposée dès maintenant ; alors nous en apprécierons la portée, les conséquences.
Veut-on introduire le droit de dissolution dans la loi communale ? Qu'on en fasse la proposition. Je fais un appel à l'honorable M. Castiau. S'il veut introduire ce principe nouveau dans la loi communale, qu'il le propose ; nous le discuterons. Il ne faut fournir à aucun membre un prétexte, une excuse de son vote.
Je sais que plusieurs membres qui se posent comme les défenseurs de la prérogative royale, vont dire : Nous avons voté pour la disposition qui force le Roi à choisir dans le sein du conseil ; mais nous lui réservons une bien plus belle prérogative, nous lui réservons le droit de dissolution pour le second vote. Voilà derrière quels prétextes ceux qui se sont posés ici comme les défenseurs de la prérogative royale vont se retrancher pour faire essuyer un échec à la proposition du gouvernement.
Je demande donc qu'une proposition de cette importance soit déposée sur le bureau. Voilà ce que je demande à la loyauté de l'honorable M. Castiau et à la loyauté de son honorable associé M. Malou.
Je demande que la chambre s'explique d'abord, et ceci est clair pour tout le monde, sur cette première question : Y a-t-il lieu, dans certains cas, de nommer le bourgmestre hors du conseil, de l'avis conforme de la députation permanente ?
J'ai le droit de demander que la chambre vote d'abord sur cette disposition ; elle ne peut tromper personne ; elle est claire pour tout le monde. La première disposition : « le Roi nomme les bourgmestre et échevins dans le sein du conseil, » je l'adopte en principe, mais j'ajoute : « néanmoins dans certains cas, le Roi pourra nommer hors du conseil, de l'avis conforme de la députation. »
Est-il entendu qu'après avoir voté le principe, je puis encore me réserver de voter sur l'exception ? (Non ! non !) Mais si ce n'est pas entendu, il m'est impossible de voter sur votre proposition, et cependant je suis en principe favorable à cette proposition.
Votons sur ce qui fait véritablement l'objet de la discussion ; votons sur l'exception. Je demande que l'on mette d'abord aux voix l'exception proposée par le gouvernement.
M. Malou. - Je ne parlerai que sur la position de la question.
L'honorable M. Rogier a fait un appel à ma loyauté. Autant que lui, je désire qu'il n'y ait de surprise pour personne, que personne ne soit gêné dans l'expression de son vote.
La proposition de l'honorable M. Castiau est un amendement. L'article 24 du règlement veut, en termes exprès, que les amendements soient mis aux voix avant la proposition principale.
On nous provoque à proposer dès maintenant le droit de dissolution. D'après le règlement, c'est au second vote seulement que cette proposition doit être faite, parce que si la proposition de l'honorable M. Castiau était adoptée, cette disposition serait la conséquence d'un amendement admis au premier vote.
On dit qu'en principe tout le monde est partisan de la nomination du bourgmestre dans le sein du conseil. Assurément, il en est ainsi. Mais il est entendu, et l'honorable M. Castiau l'a déclaré plusieurs fois, que la disposition qu'il propose est le retour à la loi de 1836, c'est-à-dire le rejet de l'exception.
M. Castiau. - M. le ministre fait appel à ma loyauté et m'engage à compléter mon amendement en y joignant le droit de dissolution. Je ne puis que lui adresser le même appel et lui rappeler la proposition que j'ai eu l'honneur de lui faire hier. Veut-il, oui ou non adhérer à l'amendement que j'ai eu l'honneur de faire. Mais s'il refuse, je ne me crois pas tenu, dans l'incertitude ou je suis sur l'adoption de mon amendement, de me rendre à son lui, à lui dire de prononcer.
M. Dolez. - Je veux faire une seule remarque. Il me semble que dans la pensée de l'auteur de l'amendement, l'une disposition est inséparable de l'autre ; qu'il existe entre les deux dispositions une liaison intime. Je ne crois donc pas que l'on puisse procéder comme on le propose, qu'on puisse voter pour la première proposition et réserver la seconde pour le second vote. Il faudrait donc une proposition complexe portant que le choix du bourgmestre devra se faire dans le sein du conseil, mais que le Roi aura le droit de dissolution.
J'ajouterai une dernière considération. Il faudrait d'abord déterminer quelle sera la nature du conseil communal. Le conseil communal sera-t-il sujet à dissolution ou ne le sera-t-il pas ? C'est en vue de la possibilité de dissolution que quelques membres et que l'honorable M. Castiau lui-même nous proposent le retour à la loi de 1836. Il faudrait savoir préalablement si la chambre adopte ce droit de dissolution, et, quant à moi, j'avoue que si la proposition en était faite, j'hésiterais fort à m’en (page 915) déclarer partisan. Je crois qu'au nom des libertés communales, je me prononcerais énergiquement contre cette proposition. (Interruption.)
Plusieurs membres. - Qu'on rouvre la discussion !
M. le président. - La chambre veut-elle rouvrir la discussion ?
Des membres. – Oui ! oui !
D'autres membres. - Non ! non !
M. Dolez. - Je disais donc que je ne pouvais comprendre que l'on vînt demander à la chambre de décréter en principe le retour à la loi de 1836, en lui faisant entrevoir la perspective d'une proposition nouvelle qui viendra plus tard.
J'avoue que depuis que j'ai l'honneur de siéger parmi vous, c'est la première fois que je vois procéder de la sorte. (Interruption.) Le gouvernement maintient sa proposition. Nous sommes donc en présence d'une proposition complète, celle du gouvernement, et d'une proposition qui, de l'aveu de son auteur et de ses partisans, est parfaitement incomplète. Je dis que, dans un pareil état de choses, la chambre doit prononcer d'abord sur la proposition complète, celle qui provoque un premier vote sérieux.
M. Mercier. - Messieurs, nous sommes saisis d'un amendement bien déterminé. Nous avons à voter sur cet amendement avec toutes les chances qu'il peut avoir d'être suivi ou de ne pas être suivi d'une autre proposition, et également avec les chances qu'aurait cette dernière d'être ou de n'être pas adoptée lors du second vote. Chacun, dans sa conscience, appréciera ce qu'il aura à faire ; toujours est-il que nous sommes en présence d'une proposition formelle et que nous devons nous prononcer sur cette proposition.
Quant à la difficulté qui a été présentée tout à l'heure par l'honorable ministre de l'intérieur, elle n'est que dans les mots. Je serai embarrassé, disait M. le ministre, parce que j'adopte en principe la proposition de l'honorable M. Castiau, et que je ne veux qu'une exception à l'application de ce principe. Voilà précisément en quoi consiste la différence entre les deux propositions : il y a une exception dans la proposition du gouvernement et il n'y en a pas dans celle de l'honorable M. Castiau. Il me semble donc que M. le ministre de l'intérieur ne doit éprouver aucun embarras. Il doit voter contre la proposition de M. Castiau.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, un amendement n'est pas un amendement parce qu'on le qualifie ainsi ; il ne l'est que parce que la nature de la proposition lui donne réellement ce caractère. Qu'est-ce que l'honorable M. Castiau propose ? Il propose la première partie du projet de loi. Il propose ce que le gouvernement propose également : les bourgmestres sont nommés dans le sein du conseil.
M. Castiau. - Exclusivement.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Ce n'est donc que le mot « exclusivement » qui constitue l'amendement, et qu'est-ce que c'est que cet amendement ? C'est le rejet du projet du gouvernement. C'est donc le projet du gouvernement qui doit avoir la priorité ; sans cela il y aurait surprise.
M. Bruneau. - La discussion qui vient d'avoir lieu prouve que l'objet principal n'est plus l'amendement de M. Castiau, mais que l'objet principal serait la disposition à introduire sur la dissolution des conseils communaux. (Interruption.) C'est pour une motion d'ordre que j'ai demandé la parole. Je propose de rouvrir la discussion pour examiner la question de la dissolution qui, dans l'opinion d'un grand nombre de membres, est le corollaire indispensable de la proposition de M. Castiau.
M. Dubus (aîné). - Je viens demander à la chambre et à M. le président, l'exécution du règlement. Toutes les propositions incidentes qui vous sont faites tendent uniquement à mettre le règlement de côté et à y substituer un règlement arbitraire fait pour la circonstance actuelle.
D'après l'article 24 du règlement les amendements sont mis aux voix avant la proposition principale. Eh bien, la proposition de M. Castiau est-elle un amendement ? Ou a essayé de le nier tout à l'heure, mais c'est véritablement nier l'évidence.
Le gouvernement propose de modifier la loi de 1842 en ce sens que le Roi pourrait choisir le bourgmestre en dehors du conseil, moyennant l'avis conforme de la députation permanente. M. Castiau, lui, va plus loin que le gouvernement, il va plus loin qu'une simple modification à la loi de 1842 qui concerne la nomination des bourgmestres, il demande l'abrogation complète de cette loi et le rétablissement de l'article de la loi de 1836 qui porte que le Roi nomme les bourgmestres dans le sein du conseil. Evidemment c'est là un amendement au projet du gouvernement.
Mais, dit-on, l'amendement emporte le rejet de la proposition du gouvernement. Eh ! sans doute, tout amendement important emporte le rejet d'une disposition quelconque. Est-ce que pour cela vous ne devez pas mettre l'amendement aux voix avant la proposition principale ?
On dit, messieurs, qu'il y aurait surprise. Je ne comprends pas qu'il puisse y avoir surprise. Chacun comprend parfaitement bien la question.
Y aurait-il surprise en ce sens que plusieurs membres pourraient n'adopter l'amendement de M. Castiau que dans la supposition qu'au second vote il sera suivi d'un autre amendement introduisant dans la loi, au profit du pouvoir exécutif, le droit de dissolution des conseils communaux, amendement qui pourrait n'être pas présenté ou n'être pas adopté ? Mais, messieurs, en quoi y aurait-il là surprise ? N'aura-t-on pas le vote sur l'ensemble, et ceux qui auraient l'opinion dont je viens de parler ne pourraient-ils pas rejeter, au second vote, soit l'amendement de M. Castiau, soit la loi dans son ensemble, si la proposition dont il s'agit n'y avait pas été introduite ?
M. le président. - Je crois qu'il faut en finir. S'il n'y avait pas de doute sur l'exécution du règlement, le bureau saurait faire son devoir ; mais comme on n'est pas d'accord à cet égard, je dois consulter la chambre. Je vais donc consulter la chambre sur la question de savoir si on donnera la priorité à la proposition du gouvernement.
Plusieurs membres. - L'appel nominal !
- Il est procédé au vote par appel nominal sur la question de savoir si la priorité dans le vote sera accordée à la proposition du gouvernement.
Voici le résultat de cette opération :
90 membres ont répondu à l'appel nominal.
53 ont répondu oui.
37 ont répondu non.
En conséquence, la priorité est accordée à la proposition du gouvernement.
Ont répondu oui : MM. Veydt, Anspach, Bruneau, Cans, Clep, Cogels, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Breyne, de Brouckere, de Denterghem, Delehaye, Delfosse, de Muelenaere, Desaive, Destriveaux, de Terbecq, de Tornaco, de Villegas, d'Hane, d'Hoffschmidt, Dolez, Dumont, Duroy de Blicquy, Fallon, Frère-Orban, Gilson, Herry-Vispoel, Jonet, Lange, Lebeau, Loos, Lys, Manilius, Moreau, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Scheyven, Sigart, Simons, Tielemans, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Troye, Van Cleemputte, Van Cutsem et Verhaegen.
Ont répondu oui : MM. Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Biebuyck, Castiau, d'Anethan, de Bonne, Dechamps, de Chimay, de Clippele, de Corswarem, de Garcia de la Vega, de Haerne, de La Coste, de Liedekerke. de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Sécus, de Theux, de T'Serclaes, d'Huart, Dubus aîné, Dubus (Albéric), Eenens, Eloy de Burdinne, Lesoinne, Maertens, Malou, Mast de Vries, Mercier, Orban, Raikem, Thienpont, Vanden Eynde, Vandensteen et Van Renynghe.
M. le président. - Je mets aux voix la proposition du gouvernement.
Des membres. - L'appel nominal !
M. de Corswarem. - Je demande la division de l'article.
M. le président. - La chambre vient d'accorder la priorité à la proposition du gouvernement ; elle a donc décidé que cette proposition devait être mise aux voix.
M. Dubus (aîné) (pour un fait personnel). - Messieurs, on vient de renverser le règlement ; eh bien, d'après le règlement qu'on veut de nouveau renverser, la division est de droit, dès qu'un membre la réclame ; or, la division est réclamée ; quand on donne la priorité à une proposition, il ne s'ensuit pas que chacun ne puisse user du droit de la faire diviser.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je n'admets pas avec l'honorable M. Dubus que le règlement ait été renversé. (Interruption.)
Je prends la défense de la chambre dans cette circonstance ; elle n'a fait que suivre les errements qu'où a suivis lors de la discussion de la loi communale. Je pourrais montrer que dans cette discussion si longue où l'honorable M. Dubus a joué un si grand rôle d'opposition, la chambre a été amenée peut-être vingt fois à voter par questions, et cela sur la proposition de cet honorable membre. Il n'y a pas eu alors de renversement de règlement, ou si le règlement a été renversé, il l'a été par le fait de l'honorable M. Dubus.
Quand j'ai demandé la priorité pour la proposition du gouvernement, c'était pour tout l'article ; l'honorable M. Castiau, par sa proposition, divisait celle du gouvernement ; or, la chambre n'a pas accordé la priorité à la proposition de l'honorable M. Castiau ; par là même elle a décidé qu'elle voterait sur toute la proposition du gouvernement ; diviser maintenant la proposition, ce serait revenir sur le vote que la chambre vient d'émettre sur la question de priorité.
- Personne ne demandant la parole, on passe à l'appel nominal sur la proposition du gouvernement.
Il est procédé à l'appel nominal. En voici le résultat :
88 membres répondent à l'appel.
62 membres ont répondu oui.
18 membres ont répondu non.
8 membres se sont abstenus.
En conséquence la proposition du gouvernement est adoptée.
Ont répondu oui : MM. Veydt, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Anspach, Biebuyck, Bruneau, Cans, Clep, Cogels, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Breyne, de Brouckere, de Clippele, de Denterghem, de Haerne, Delehaye, Delfosse, de Muelenaere. Desaive, Destriveaux, de Terbecq, de Tornaco, de Villegas, d'Hane, d'Hoffschmidt, Dolez, Dumont, Fallon, Frère-Orban, Gilson, Herry-Vispoel, Jonet, Lange, Lebeau, Lesoinne, Loos, Lys, Manilius, Mast de Vries, Moreau, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, (page 916) Tielemans, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Troye, Van Cleemputte, Van Cutsem, Van Renynghe et Verhaegen.
Ont répondu non : MM. d'Anethan, de Corswarem, de Garcia, de la Coste, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Sécus, de Theux, de T'Serclaes, d'Huart, Dubus (aîné), du Roy de Blicquy, Eloy de Burdinne, Malou, Raikem, Van den Eynde.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à énoncer les motifs de leur abstention.
M. Castiau. - J'aurais voté en faveur de la proposition du gouvernement, si l'amendement que j'ai eu l'honneur de proposer avait eu les honneurs du vote. S'il avait été repoussé loyalement par l'assemblée, j'aurais accueilli comme pis-aller la proposition du gouvernement ; mais par suite de la marche qui a été suivie, mon amendement ayant été écarté sans qu'il m'ait été possible d'exprimer mon vote, je ne pouvais voter la proposition du gouvernement, que je ne devais accepter que comme pis-aller.
M. de Bonne. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que mon honorable ami, M. Castiau. Je voulais voter d'abord pour la proposition de M. Castiau, et, à défaut de cette proposition, mon intention était de voter pour celle du gouvernement. Il ne m'a pas été permis de le faire. Voilà pourquoi je me suis abstenu.
M. Dechamps. - La décision de la chambre sur la question de priorité ne m'a pas laissé une liberté suffisante pour voter.
M. Eenens. - Je n'ai pas voulu voter pour la proposition du gouvernement, parce que j'aurais préféré celle de M. Castiau sur laquelle il ne m'a pas été permis de voter ; je n'ai pas voulu voter contre, parce, que je la préfère à ce qui existe.
M. Maertens. - Les observations que j'ai présentées dans la discussion expliquent mon abstention.
M. Mercier. - Je me suis abstenu pour les motifs allégués par l'honorable M. Castiau, qui sont ceux que j'avais déjà énoncés dans la discussion qui s'est élevée sur la question de priorité.
M. Orban. - Je me suis abstenu par les motifs énoncés par M. Dechamps.
M. Vandensteen. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.
M. le président. - Nous passons à la proposition de M. Delfosse, qui est ainsi conçue :
Après ces mots : « relatives à la nomination », ajoutez : « et à la révocation ».
Supprimez les mots : « hors du conseil ». Ajoutez le paragraphe suivant :
« Le § 1er, ajouté à l'article 56 de la loi communale, par la loi du 30 juin 1842, est supprimé.
« Le mot : « bourgmestre », retranché, par cette loi, du même article, y est rétabli, et par suite l'article est ainsi conçu :
« Le gouvernement peut, sur l'avis conforme, etc., suspendre et révoquer les bourgmestre et échevins. »
Plusieurs voix. - L'appel nominal.
M. le président. - Il va être procédé à cette opération.
En voici le résultat : 78 membres sont présents.
1 (M. de La Coste) s'abstient.
77 prennent part au vote.
19 votent pour l'adoption.
58 votent contre. La chambre n'adopte pas.
Ont voté pour l'adoption : MM. Vilain XIIII, Biebuyck, Castiau, David, de Bonne, Delfosse, Destriveaux, de Tornaco, d'Hane, A. Dubus, Eenens, Eloy de Burdinne, Herry-Vispoel, Lesoinne, Tremouroux, Rousselle et Van Renynghe.
Ont voté contre : MM. Veydt, Wallaert, Zoude, Anspach, Bruneau, Cans, Clep, Cogels, d'Anethan, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Breyne, Dechamps, de Clippele, de Corswarem, de Denterghem, de Haerne, Delehaye, de Mérode, de Muelenaere, Desaive, de Terbecq, de Theux, de T'Serclaes, de Villegas, d'Hoffschmidt, d'Huart, Dolez, Dubus aîné, du Roy de Blicquy, Fallon, Frère-Orban, Gilson, Lange, Lebeau, Loos, Lys, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Moreau, Orban, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Raikem, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Tielemans, T'Kint de Naeyer, Troye, Van Cleemputte, Van Cutsem et Verhaegen.
M. de La Coste motive son abstention sur ce que la proposition lui a paru connexe avec la proposition du gouvernement qu'il a rejetée.
M. le président. - Il reste à la chambre à statuer sur l'amendement de M. Delehaye.
M. Delehaye. - J'aurais voulu que ma proposition eût fait l'objet de l'examen de la section centrale. Mais pour ne pas en compromettre le sort, je la retire en me réservant de la reproduire ultérieurement.
M. le président. - La chambre considère-t-elle comme ayant eu lieu sur l'ensemble du projet de loi le vote par appel nominal qui a eu lieu sur l'article unique propose par te gouvernement ? Ou bien croit-elle nécessaire de procéder de nouveau au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet ?
M. Delehaye. - Cela me paraît indispensable. En effet on peut n'avoir voté pour l'article proposé par le gouvernement qu'avec l’intention de voter pour les autres propositions, et, par suite de leur rejet, vouloir voter contre l'ensemble du projet de loi.
- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
En voici le résultat :
Nombre des votants, 72.
62 membres votent pour l'adoption.
10 votent contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l'adoption : MM. Veydt, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Anspach, Biebuyck, Bruneau, Cans, Clep, Cogels, David, de Baillet-Latour, de Bonne, de Breyne, de Brouckere, de Clippele, de Haerne, Delehaye,, Delfosse, de Muelenaere, Desaive, Destriveaux, de Terbecq, de Tornaco, de Villegas, d'Hane, d'Hoffschmidt, Dolez, Dumont, Fallon, Frère-Orban, Gilson, Herry-Vispoel, Lange, Lebeau, Lesoinne, Loos, Lys, Maertens, Manilius, Mercier, Orts, Osy, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont. T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Troye, Van Cleemputte, Van Cutsem et Verhaegen.
Ont voté contre : MM. d'Anethan, de Corswarem, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Theux, de T'Serclaes, d'Huart, Malou et Raikem.
La séance est levée à 5 heures.