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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 2 février 1848

(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 701) M. de Villegas procède à l'appel nominal à midi et demi.

- La séance est ouverte.

M. T’Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

M. de Villegas communique à la chambre l'analyse des pièces qui lui sont adressées.

Pièces adressées à la chambre

M. Rodenbach informe la chambre qu'une indisposition l'empêche de prendre part à ses travaux.

- Pris pour information.


M. Troye, retenu à Thuin par la maladie grave d'un de ses proches parents, demande un congé.

- Le congé est accordé.


« Plusieurs habitants de Diest prient la chambre de rejeter le projet de loi sur le droit de succession. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur Pierre-Auguste Colmant, garde particulier à Mont-Sainte-Geneviève, prie la chambre de statuer sur sa demande de naturalisation avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Le sieur Jamotte, détenu à Malines, prie la chambre de statuer sur sa demande tendant à être mis en liberté. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Lommel demande que les droits d'entrée sur le bétail soient rétablis à partir du 1er mars. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Plusieurs habitants de Bruxelles demandent qu'il soit fait des économies dans les dépenses de l'Etat. »

M. Castiau. - La pétition, dont l'analyse vient d'être présentée, demande des réductions dans les dépenses de l'Etat. L'honorable M. Eenens me dit que plus de 20 pétitions, ayant le même objet, ont été adressées à la chambre dans les séances antérieures. Qu'a-t-on fait de ces 20 ou 30 requêtes ? On les a condamnées, paraît-il, à un double enterrement, qu'on me pardonne l'expression ; en effet, on en a ordonné le renvoi pur et simple à la commission des pétitions, et le dépôt sur le bureau pendant la discussion des budgets. J'ai dit que c'était là un double enterrement ; en effet, prononcer le renvoi pur et simple à la commission, c'est vouloir que ces pétitions prennent leur numéro d'ordre à la suite de quelques centaines d'autres pétitions et que le rapport n'en soit pas même fait dans le courant de cette session, peut-être pas avant 1850. Quant au dépôt sur le bureau, c'est là, il faut en convenir, une autre espèce d'enterrement ; car (qu'on me permette cette observation que je présente d'une manière générale) je ne crois pas qu'aucun membre de l'assemblée ait été compulser les pétitions réclamant des économies pendant les discussions des budgets qui viennent de finir.

Je suis d'autant plus autorisé à dire et à répéter que ces pétitions ont été par vous doublement enterrées, qu'elles ont déterminé, paraît-il, un effet opposé à celui qu'elles devaient produire. On demandait des économies et des réductions de dépenses, et j'en appelle à vos souvenirs, à vos discussions, à vos votes de tous les jours et d'hier encore : tous les budgets que vous avez votés, au lieu de présenter ces économies, n’ont-ils pas, au contraire, aggravé les charges publiques, en consacrant des augmentations de dépenses ?

Je viens donc vous demander de soustraire au double oubli dans lequel elles ont été ensevelies toutes ces pétitions qui réclament des économies, et de vouloir bien les renvoyer à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport. Et quand je parle de prompt rapport, c'est à la condition que la commission ne croie pas avoir satisfait au vœu de la chambre au moyen d'un rapport fait à la hâte, en quelques mots, à l'ouverture d'une séance, au milieu de l'inattention générale. Je voudrais un rapport qui joignît au mérite de la promptitude celui de la réflexion et de l'étude ; je voudrais enfin qu'il fût complet, approfondi et aussi consciencieux que possible.

Je demande que la commission des pétitions examine, avec un intérêt tout particulier, cette grave question des économies à introduire dans les dépenses de l'Etat, question si digne de fixer l'attention de tous les membres de cette chambre. Cette question domine aujourd'hui toute notre situation. Ce n'est pas seulement au gouvernement que l'étude doit en être recommandée, c'est à tout le monde, c'est à la chambre surtout, plus spécialement chargée de la défense des intérêts des contribuables.

Je ne puis donc trop vivement insister pour que la commission des pétitions prenne sa mission au sérieux, qu'elle se pose hardiment en face d'un problème qu'il faut résoudre à tout prix. En s'unissant au vœu des pétitionnaires, elle pourra s'entourer de tous les renseignements propres à éclairer le problème et indiquer, dans son rapport, quels sont spécialement les services publics que les réductions doivent atteindre.

C'est dans ce but, je le répète, que je réclame le prompt rapport. C’est surtout l'appel le plus pressant que j'adresse aux lumières, à la conscience et au patriotisme de la commission des pétitions.

Ordre des travaux de la chambre

Rapports de pétitions

M. Zoude. - Je prierai la chambre d'accorder plus souvent qu'elle ne le fait la parole aux rapporteurs de la commission des pétitions, qui ont 200 pétitions en mains. Comme on ne met jamais les pétitions à l'ordre du jour, les rapporteurs se dégoûtent, et personne ne travaille. Je demande qu, pendant quelques semaines du moins, on exécute le règlement en mettant les pétitions à l'ordre du jour de la séance du vendredi.

M. Delehaye. - J'appuie la motion de l'honorable M. Zoude, mais je demande que ce soit aussi le vendredi qu'on fasse rapport sur les pétitions à l'égard desquelles il a été demandé un prompt rapport.

Voici, messieurs, ce qui est arrivé hier encore : On vous a lu, au milieu de l'inattention générale, un rapport sur une pétition extrêmement importante. Ce rapport pouvait donner lieu à une discussion assez longue, il concluait au simple renvoi de la pétition au ministre sans demande d'aucune explication. Eh bien ! Personne n'a entendu ce rapport.

Je demande qu'à l'avenir ces rapports se fassent le vendredi. De cette manière, tout le monde sera prévenu et pourra prendre part à la discussion que ces rapports soulèvent.

M. le président. - Si l'on n'a pas prêté attention au rapport qui a été fait hier, ce n'est pas la faute du bureau qui a réclamé le silence avec beaucoup d'instance.

- La proposition de M. Zoude tendant à faire décider, que pendant quelques semaines, la séance du vendredi sera consacrée à des rapports de pétitions, est mise aux voix et adoptée.

M. Delehaye. - J'ai proposé que les prompts rapports fussent faits le vendredi.

M. le président. - C'est l'inverse qui avait été constamment réclamé, pour que la chambre fît plus d'attention aux prompts rapports. Du reste je mettrai votre proposition aux voix.

M. Lejeune. - Il y aurait un autre moyen d'attirer l'attention de la chambre sur les pétitions sur lesquelles on demande de prompts rapports ; c'est que le rapporteur annonce la veille qu'il fera rapport sur telle ou telle pétition et que ce rapport soit indiqué à l'ordre du jour.

Si vous remettez tous les rapports au vendredi, souvent ils ne seront pas faits aussi tôt qu'on le désire.

M. Zoude. - Je voulais faire la même observation.

M. Delehaye. - Je me rallie à la proposition de l'honorable M. Lejeune.

M. le président. - J'engagerai la chambre à user modérément du droit de. demander des prompts rapports. Souvent on demande, ces prompts rapports quand la chambre est inattentive, au commencement d'une séance, et ces demandes deviennent très nombreuses.

- La proposition de M. Lejeune tendant à décider que les rapports de pétitions seront annoncés la veille et portés sur l'ordre du jour est adoptée.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère des finances

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Veydt). - J'ai l'honneur de présenter un projet de loi tendant à ouvrir au département des finances et au budget de la dette publique des exercices 1846 et 1847, les crédits supplémentaires jusqu'à concurrence d'une somme de 2,511,331 fr. 52c.

Lors de la présentation du budget des voies et moyens de l'exercice courant, j’avais pensé que cette somme ne se serait élevée qu'à 2,208,982 francs.

La différence provient surtout de la forte émission de bons du trésor, durant les derniers mois de 1847. L'insuffisance du crédit pour le paiement des intérêts qui était évalué à 650,000 fr., s'est élevée à 932,369 fr., soit 282,369 fr. de plus. J’ai joint un état de l’émission durant le cours de l’année dernière et pour chaque jour de l’année ; il est conforme aux écritures de la trésorerie ; mais il n’a été, comme (page 702) l'état de l'émission de 1846, déposé dernièrement, collationné avec les écritures de la cour des comptes. Je crois que ce projet de loi pourrait être envoyé à l'examen des sections. Les documents qui s’y trouvent annexés donnent quelques détails qu'il peut être utile de consulter.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution du projet de loi présenté par M. le ministre, ainsi que des documents qui l'accompagnent et le renvoi à l'examen des sections.

Projet de loi sur la garde civique

Motion d'ordre

M. le président. - La chambre est saisie depuis longtemps d'un projet de loi qui n'a encore été examiné par aucune section ; c'est le projet de loi sur la garde civique. Je demanderai la permission de le renvoyer aux sections de janvier.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi sur les droits que peuvent percevoir les consuls

Discussion et vote des articles

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). déclare se rallier à l'article 2 proposé par la section centrale.

Les deux articles du projet sont successivement adoptés sans discussion. Ils sont ainsi conçus :

« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à régler, par arrêtés royaux, les droits que peuvent percevoir les consuls. »

« Art. 2. Ces arrêtés seront soumis à l'approbation des chambres dans la session de 1850 à 1851. »

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.


En voici le résultat :

68 membres ont répondu à l'appel nominal.

66 membres ont répondu oui.

2 membres (MM. Destriveaux et Manilius) se sont abstenus, parce qu'au moment où se faisait l'appel nominal, ils entraient dans la salle et qu'ils ne savaient pas sur quoi portait l'appel nominal.

Ont répondu oui : MM. Delehaye, Delfosse, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Muelenaere, de Sécus, de Terbecq, de Tornaco, de Villegas, d'Hane, d'Hoffschmidt, Dubus (aîné), du Roy de Blicquy, Eenens, Eloy de Burdinne, Faignart, Henot, Jonet, Lange, Lebeau, le Bon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Maertens, Malou, Mast de Vries, Mercier, Moreau, Orban, Osy, Pirson, Rogier, Rousselle, Sigart, Simons, Tielemans, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cleemputte, Van Cutsem, Vandensteen, Van Renynghe, Verhaegen . Veydt, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Brabant, Broquet-Goblet, Bruneau, Clep, Cogels, Coppieters, d'Anethan, David, de Bonne, de Breyne, de Chimay, de Clippele, de Corswarem, Dedecker, de Haerne, de La Coste et Liedts.

Propositions de la section centrale sur les sucres, détachées du budget des voies et moyens

Discussion générale

M. Eloy de Burdinne (pour une motion d’ordre) - Messieurs, pour que cette grave question soit examinée avec toute l'attention qu'elle réclame, je demande qu'alternativement on entende un orateur pour et un orateur contre, c'est-à-dire alternativement un défenseur de la consommation du sucre exotique et un défenseur de consommation du sucre de betterave.

M. Verhaegen. - Messieurs, à l'occasion de cette motion d'ordre, je crois pouvoir en faire une autre. Je crois qu'il y a des membres qui se proposent de soutenir que la loi qui nous régit aujourd'hui doit conserver ses effets jusqu'au mois de juillet prochain ; c'est, si je puis m'exprimer ainsi, c'est une fin de non-recevoir qu'on oppose, quant à la question qui s'agite ; il faudra vider ce moyen par un vote quelconque.

Mais si la chambre venait à décider qu'il n'y a pas lieu de s'occuper de cette question avant le mois de juillet, nous aurions perdu huit jours en discussions inutiles ; car il faudrait recommencer plus tard cette discussion.

J'engage la chambre à bien peser cette considération, et, par motion d'ordre, je lui propose de décider que cette question sera résolue préalablement et avant tout comme question préjudicielle à la question principale.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Quand j'ai demandé la parole, c'était pour traiter, en premier lieu, la question du maintien de l'état actuel de la législation jusqu'au 1er juillet prochain, et pour combattre l'amendement de la section centrale. Je me plaçais donc sur le terrain qu'a indiqué l'honorable M. Verhaegen par la motion d'ordre qu'il a faite.

Mais, cette question vidée, il appartient à la chambre de décider si elle veut entrer dans une discussion sur le principe de la loi du 17 juillet 1846. C'est un autre point, et un point très important. Nous y viendrons s'il le faut.

M. Mercier. - La question soumise à la chambre a été présentée à l'occasion du budget des voies et moyens ; nous allons en délibérer comme si nous continuions à discuter le budget lui-même. La section centrale qui a examiné ce budget a prévenu la chambre que si sa proposition |devait donner lieu à de longs débats à cause de la fin de non-recevoir qu’on pourrait opposer, à l'exemple de ce qu'avait fait un de ses membres, elle lui substituerait une autre disposition qu'elle a indiquée et formulée dans son rapport. Cette autre disposition, la voici :

« Par dérogation à l’article premier de la loi du 17 juillet 1846 est rétablie la limite posée par l'article 45 litt. B. de la loi du 4 avril 1846, à la faculté d'apurer les comptes ouverts de l'accise sur le sucre par exportation de sucres raffinés », c'est-à-dire qu'on rétablirait la réserve des 4/10 au profit du trésor.

Maintenant ce qu'il importe le plus, c'est que le trésor ne soit pas sacrifié. Si, par suite de cette fin de non-recevoir. nous attendons la présentation d'un projet de loi, cette loi ne sera pas discutée avant le mois de juillet ; si la loi actuelle conserve ses effets jusque-là, ce n'est pas seulement pendant l'année actuelle, mais pendant l'année qui suivra, pendant l'année 1849,que le trésor perdra une partie des produits que le législateur voulait lui assurer. J'appelle l'attention sérieuse de la chambre sur ce point, car suivant la décision qu'elle prendra, ce sera trois millions qu'elle assurera au trésor ou qu'elle jettera dans le gouffre des 40 millions déjà perdus.

Je demande en tout cas que la section centrale soit autorisée à présenter d’autres propositions. Chaque membre, au reste, peut faire telle proposition qu'il juge utile. Nous devons, je ne puis assez le faire remarquer, nous considérer comme discutant la loi des voies et moyens ; chacun de nous a le droit de présenter des amendements ; il n'y a eu disjonction que parce qu'on craignait de ne pouvoir discuter la question d'une manière approfondie avant le 1er janvier.

M. Manilius. - J'appuie la motion de l'honorable M. Verhaegen. Mais ce n'est pas pour cela que j'ai demandé la parole ; je l'ai demandée pour engager le gouvernement à se décider nettement dans cette question. Je vous dirai que quand j'ai vu M. le ministre se lever, j'attendais plus de lui que de le voir se rallier à la proposition de l'honorable M. Verhaegen ; j'attends, quand la question préjudicielle sera résolue, que le gouvernement commencera à faire connaître sa façon de penser.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Il la fera connaître nettement, clairement.

M. Manilius. - Il faut que nous sachions s'il donnera la main à la mutilation d'une loi qui doit rester en vigueur jusqu'au 1er juillet, d'après son texte.

Je le répète, si la question est résolue dans le sens indiqué par l'honorable M. Verhaegen, je demande que M. le ministre s'explique formellement. Avant toute discussion ultérieure, il importe que nous sachions les vues du gouvernement sur cette grave question.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Il est extraordinaire que l'honorable préopinant vienne sommer le gouvernement de s'expliquer clairement, catégoriquement sur la question posée par l'honorable M. Verhaegen, sur la question préjudicielle. M. le ministre des finances s'est exprimé nettement, catégoriquement. Il a dit qu'il se ralliait à la proposition de l'honorable M. Verhaegen ; c'est-à-dire que le gouvernement entend soutenir la proposition de laisser l'état de choses actuel jusqu'au 1er juillet 1848.

Voilà ce que M. le ministre des finances a déclaré positivement, catégoriquement. Il ne faut donc pas sommer le gouvernement de faire connaître son opinion, alors qu'il l'a déclarée si clairement.

M. le ministre des finances a demandé la parole pour donner les motifs de l'opinion du gouvernement. Que veut-on de plus ? Lorsque mon honorable ami M. le ministre des finances aura la parole, il dira les motifs pour lesquels le gouvernement croit devoir persister dans le statu quo jusqu'au 1er juillet 1848.

M. Cogels. - J'avais demandé la parole pour combattre la motion d'ordre de l'honorable M. Eloy de Burdinne. En effet, ce n'est pas entre le sucre exotique et le sucre indigène que nous sommes appelés à prononcer : la seule question à débattre est celle de savoir si la loi du 17 mai 1847 sera maintenue, ou sera complètement bouleversée dans son système.

Ce n'est pas d'une manière incidente qu'on peut bouleverser complètement le système d'une loi. C'est pourquoi j'appuie la proposition de l'honorable M. Verhaegen.

Le gouvernement ne pouvait prendre une autre attitude que celle qu'il a prise ; il ne pouvait, à l'occasion d'une motion d'ordre, développer son système ; mais attendons que la discussion s'ouvre, nous verrons l'attitude qu'il prendra ; je serai charmé de lui donner mon appui, car je suis persuadé qu'il prendra l'attitude qu'il doit prendre.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Mais le gouvernement a dit quelle attitude il compte prendre !

M. Cogels. - J'en étais persuadé ; car il n'y a là qu'une question d'équité et de loyauté.

M. Loos. - L'honorable M. Verhaegen vous propose de décider d'abord s'il y a lieu de s'occuper en premier lieu de la proposition de la section centrale. L'honorable M. Mercier nous dit que quand nous aurons décidé cette question, nous n'aurons pas fini ; car la section centrale nous propose, dit-il, autre chose. Quand nous aurons statué sur la proposition de la section centrale relative au rendement partiel, nous aurons à statuer sur une proposition subsidiaire de cette section. Je crois que ce n'est pas ainsi que l'honorable Ml Verhaegen a entendu sa motion d'ordre. Il a, je pense, compris que, dans le cas, où la chambre viendrait à décider qu'il n'y a plus lieu à statuer sur la proposition de la section centrale, quant au rendement, tout sera dit jusqu'au 1er juillet, et que la question des 4 dixièmes ne pourrait être soulevée. C'est dans ce, sens que j'appuie sa proposition.

M. Mercier. - Je crois qu'on ne peut limiter le droit de la section centrale et des membres de la chambre eux-mêmes. La motion d'ordre de l'honorable M. Verhaegen me paraît d’ailleurs sans objet. La chambre (page 703) n'est saisie que d'une proposition. Si la motion de l'honorable M. Verhaegen était adoptée, il en résulterait, contre ses intentions sans doute, qu'il serait défendu à chaque membre de faire de nouvelles propositions. Chacun devrait se renfermer dans un cercle tracé d'avance. Ce serait porter atteinte au droit que nous avons tous de présenter des amendements ; une telle décision serait contraire à nos précédents.

La section centrale, en présentant une proposition formelle, en a fait présenter d'autres ; Ne doit-il pas être permis aux membres de la chambre faisant partie de la section centrale de donner suite à cette intention déjà manifestée ? Evidemment oui. C'est cependant ce que la motion de l'honorable M. Verhaegen tend à empêcher. Je ne puis croire qu'il entre dans les intentions de la chambre d'enlever à ses membres le droit de présenter des amendements.

M. Eloy de Burdinne. - Je ne m'oppose nullement à ce que la motion de l'honorable M. Verhaegen soit discutée. Mais comme c'est dans l'intérêt du trésor que nous devons discuter cette grave question, la motion de l'honorable M. Verhaegen pourra très bien trouver sa place, après que nous aurons révisé cette loi qui ne donne rien au trésor. Nous pourrons alors décider que la nouvelle loi ne sera en vigueur qu'à partir du 1er juillet prochain.

M. Verhaegen. - Le but que j'ai voulu atteindre par ma proposition, c'est de donner confiance à ceux qui ont pu compter sur une loi que nous avons faite. Ne le perdez pas de vue : comme on l'a fait remarquer avec beaucoup de raison, nous avons deux lois de même nature, une loi sur les substances alimentaires et une loi sur les sucres. Si vous allez poser un antécédent fâcheux à la loi sur les sucres, vous pourriez avoir un grand mécompte pour la loi sur les substances alimentaires ; si la confiance que vous avez donnée au commerce et à l'industrie vient à être détruite, vous en subirez les graves conséquences.

Ma proposition a pour objet de demander à la chambre qu'elle s'occupe préalablement de la question de savoir si la loi en vigueur conservera ses effets jusqu'au 1er juillet prochain. Quand vous aurez statué sur ma motion d'ordre, si vous l'adoptez, si vous voulez proposer de discuter la question du futur, vous serez libres de le faire. Mais ma motion d'ordre n'a d'autre objet que de décider la question de savoir si la loi en vigueur conservera ses effets jusqu'au 1er juillet, question à laquelle vous ne pouvez échapper ; car tout ce qui résulterait de votre système, c'est que vous commenceriez par décider si la loi est mauvaise, s'il faut la réviser. Ensuite il faudrait décider quand la nouvelle loi recevrait ses effets.

Je demande que l'ordre de ces décisions soit interverti.

M. le président. - Voici la proposition de M. Verhaegen :

« J'ai l'honneur de proposer à la chambre de s'occuper préalablement de la question de savoir si la loi actuelle conservera au moins ses effets jusqu'au 1er juillet prochain. »

M. Mercier. - Voici mon amendement : « J'ai l'honneur de proposer à la chambre de décider si les dispositions qui pourront être adoptées par elle prendront cours avant le 1er juillet. »

La proposition ainsi formulée n'implique pas qu'on ne pourra pas s'occuper d'autres objets. Je crois que c'est l'intention de l'honorable M. Verhaegen ; si telle est véritablement son intention, je considérerais mon amendement à sa motion comme non avenu.

M. Malou. - Messieurs, la question des sucres s'est présentée plusieurs fois dans cette enceinte, et, en dernier lieu, elle a fait l'objet d'une très longue et solennelle discussion en 1846.

De quoi s'agit-il en ce moment ? Il s'agit d'une manière ou d'autre, mais contrairement au règlement, d'introduire de nouveau cette question devant vous, de saper la loi de 1846, soit par un amendement au budget des voies et moyens, ce qui est insolite, inadmissible ; soit par une discussion improvisée sans instruction préalable dans les sections, sans examen d'une section centrale.

S'il y a une question parmi toutes celles qui doivent s'agiter devant le parlement, qu'il faille assujettir à toutes les formalités du règlement, c'est celle des sucres, parce qu'il n'en est pas de plus compliquée, de plus difficile dans l'ordre des intérêts matériels.

Il y a donc lieu d'adopter la motion de l'honorable M. Verhaegen, c'est-à-dire, de décider préalablement s'il est possible, en équité et en moralité législative, de toucher en ce moment au système des lois de 1846 et de 1847.

Si cette question est résolue affirmativement, si l'on décide qu'on peut toucher à ces lois, je demanderai que l'on soumette à un examen approfondi le système de la loi de 1846, qu'on ne touche à cette loi qu'après avoir examiné dans les sections et dans une section centrale quelles doivent être les modifications à y introduire.

Si l'on reconnaît, au' contraire, que d'après les engagements pris par la chambre et par le gouvernement, il n'est pas possible de toucher, aujourd'hui, à ces deux lois sans préjudice des intérêts des deux industries, toute discussion est terminée. L'on ne porte aucune atteinte aux droits de la section centrale ou des membres de la chambre, en écartant des propositions qui ne sont pas discutables en ce moment ni d'après l'intérêt des travaux parlementaires, ni d'après les termes mêmes de notre règlement.

J'insiste donc, messieurs, pour que la chambre adopte la motion présentée par l'honorable M. Verhaegen ; je comprends cette motion en ce sens que l’on mettrait préalablement en discussion s'il est possible, en ce moment, de toucher à la loi de 1846

Cette question vidée, nous verrons quelle proposition il y a lieu de soumettre à la chambre.

M. le président. - Pour régler les débats qui vont suivre, il faudrait qu'on s'entendît. M. Malou comprend la proposition dans ce sens que la chambre déciderait que, jusqu'au Ier juillet, il n'est pas possible de réviser la loi.

M. Verhaegen. - Ce n'est pas tout à fait mon intention. Je demande que la chambre examine d'abord la question de savoir si la loi en vigueur cessera ses effets avant le 1er juillet. Mais cette question décidée même négativement, rien n'empêcherait d'examiner dès à présent les propositions de la section centrale, sauf à ne donner effet à ces propositions, si elles étaient adoptées, qu'à dater du er juillet 1848.

Mon but, je le répète, est de donner confiance à ceux qui ont pu compter sur la loi jusqu'au 1er juillet prochain.

M. Lejeune. - Messieurs, je ne comprends pas bien la proposition de l'honorable M. Verhaegen ; je ne sais quelles limites on veut poser au pouvoir législatif et à nos discussions.

M. Verhaegen vous demande tout simplement de rejeter la proposition de la section centrale, avant même la discussion de la question ; c'est-à-dire qu'au lieu de discuter la proposition dont la chambre est saisie, il vous appelle à voter sur un motif de rejet.

Messieurs, ce motif sera discuté avec les autres, et ce motif sera peut-être celui qui guidera l'honorable membre, qui, peut-être, guidera la majorité dans le vote de la proposition qui vous est soumise. Mais enfin il faut le discuter, et ce n'est qu'alors qu'on pourra se déterminer pour ou contre la proposition.

Les arguments donnés tout à l'heure par l'honorable M. Malou n'ont pas d'autre portée, si ce n'est qu'il faut rejeter la proposition de la section centrale. Tout ce qu'il a dit tend à faire rejeter la proposition, même avant toute discussion.

Messieurs, quant à moi, je ne séparerai pas cette question des autres. Je crois que la question tout entière est mise en discussion.

D'un autre côté, remarquez-le bien, vous auriez décidé cette question, que peut-être vous n'auriez pas gagné te temps que vous voudriez épargner. Car chacun des membres a son droit d'initiative ; chacun peut faire des amendements, des propositions nouvelles. Quoi ! parce qu'une loi existe, sera-t-il dit que le pouvoir législatif ne pourra en faire une autre, ne pourra déroger, même exceptionnellement, à une loi existante ?

Je crois donc que le mieux serait d'entendre la discussion au fond et d'entendre l'opinion du gouvernement.

M. Mercier. - Messieurs, le but de la section centrale a été de mettre fin à un état de choses désastreux pour nos finances. Elle a fait une proposition formelle ; mais elle a indiqué plusieurs moyens. Elle a même ajouté que si la proposition qu'elle vous soumettait faisait l'objet de quelque discussion, elle en présenterait une autre. Et maintenant vous voudriez étouffer cette discussion ! vous ne voudriez pas discuter la proposition de la section centrale et permettre aux membres de vous soumettre leurs propositions ! Mais jamais rien d'aussi exorbitant n'a été demandé dans cette chambre. Vous discutez la loi des voies et moyens, et vous diriez aux orateurs : Vous ne vous occuperez que de ce point ; vous ne sortirez pas de là.

Messieurs, nous pouvons amender les voies et moyens dont nous nous occupons ; chaque membre a le droit de proposer des amendements. Mon intention est d'en présenter un. S'il est adopté, vous jugerez de l'époque à laquelle il recevra son application. Ceux qui ne veulent pas que la loi actuelle cesse ses effets avant le 1er juillet feront une proposition dans ce sens et la question sera vidée.

L'honorable M. Malou vient de faire observer qu'il s'agit d'une question importante à la discussion de laquelle on n'est pas préparé. Mais cette même question a été discutée il y a dix-huit mois ; personne ici n'est étranger à cette question ; je suis persuadé que l'honorable M. Malou la connaît parfaitement. Pourquoi d'ailleurs l'honorable membre a-t-il demandé lui-même de faire distribuer aux membres de cette chambre toute la discussion de la loi de 1846 ? N'est-ce pas afin que l'on pût s'occuper de la question en connaissance de cause ? Et maintenant que chaque membre s'est donné la peine de prendre connaissance de ces documents, maintenant que nous savons depuis deux mois que nous devons discuter la question des sucres, l'honorable M. Malou pense que personne n'est préparé à cette discussion ! Mais c'est sur la motion de l'honorable membre lui-même que la question a été mise à l'ordre du jour.

On a fait imprimer un gros volume ; une quantité de brochures nous ont été distribuées et tout le monde s'attendait à la discussion de cette question ; c'est en présence de cet état de choses qu'on voudrait maintenant, par une simple fin de non-recevoir, écarter non seulement la discussion de la proposition de la section centrale, mais l'examen de toute autre proposition qui pourrait être produite ! Je dis qu'on ne peut pas ainsi limiter les droits de la section centrale et de chaque membre de la chambre.

Je demande qu'on passe à la discussion de la proposition de la section centrale.

M. Delehaye. - Messieurs, sans doute, en droit, la section centrale avait le droit de proposer des modifications à une loi quelconque : mais il faut, comme vient de le dire M. Malou. tenir compte des garanties données à l'industrie ; il y avait là une question de moralité législative que nous ne pouvions pas perdre de vue.

(page 704) Mon honorable ami, M. Manilius, a adressé à M. le ministre une interpellation, que j'avais comprise tout autrement que M. le ministre de l'intérieur. Il me paraissait que mon honorable ami voulait mettre un terme à la discussion, ne pas perdre un temps utile et, par respect pour la garantie donnée à l'industrie, désirait savoir si le ministère, convaincu de toute l'importance de la question, ne s'opposerait pointa la promulgation de la loi, et par là ne rendrait pas inutile toute discussion actuelle.

Messieurs, nous avons dit souvent que l'ancien ministère n'avait pas de majorité, que c'était la majorité qui avait le ministère ; je désire que ce reproche ne puisse pas s'adresser au ministère actuel, et il repousserait une pareille supposition s'il déclarait que ses convictions, l'importance de la matière, les grands intérêts engagés lui feraient un devoir de ne pas donner son assentiment à l'opinion de la majorité qui voudrait adopter la proposition de la section centrale.

Nous avons dans le temps discuté, pendant plusieurs jours, sur une proposition tendant à restituer des droits payés pour les vins ; malgré la déclaration formelle des deux chambres, malgré une double majorité, le ministère d'alors n'a pas promulgué la décision des chambres, il a opposé son veto. ; là, il s'agissait de favoriser l'étranger aux dépens des nationaux. Aujourd'hui une pareille mesure serait toute dans l'intérêt du pays, du travail national ; pourquoi le gouvernement ne ferait-il pas la déclaration qu'il croirait devoir imiter cet exemple ; sans doute, la majorité applaudirait à une pareille résolution, et le pays tout entier accueillerait une pareille déclaration comme une marque évidente de sympathie pour les intérêts nationaux, qui devraient toujours avoir le pas sur les exigences du trésor.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, ce qui se passe au début de cette discussion est un avertissement pour moi. Cette question il difficile des sucres, on vient de voir combien elle émeut, elle passionne la chambre, alors cependant qu'il est si nécessaire qu'elle soit traitée avec calme.

Si j'avais eu l'honneur de parler, on aurait vu que je suis d'accord avec l'honorable préopinant. Je me proposais de traiter d'abord la question de savoir si l'article 4 de la loi du 16 mai 1847 peut être abrogé, ou du moins modifié avant l'expiration du terme qu'il fixe, oui ou non, ; mais si l'on insiste pour que le fond de la question, c'est-à-dire le principe même de la loi de 1846 soit discuté, je ne crois pas pouvoir m'y opposer. Suivant moi, la liberté de la discussion doit rester entière et alors, dans la mesure de mes forces, je me ferai un devoir de défendre la législation actuelle contre les propositions qui tendraient à la renverser.

Il ne s'agit donc pas de faire un appel au courage du ministère. La position du ministère est ici facile et nette ; il combattra la modification proposée par la section centrale, car dans sa manière de voir un changement au rendement actuel est intempestif, impossible même avant le 1er juillet prochain. Ce point supposé résolu dans le sens du gouvernement, d'autres propositions pourront être faites afin de modifier la législation existante, après cette époque ; je m'attacherai à démontrer qu'il y a de très forts arguments pour les écarter. Il faut au moins attendre que la loi du 17 juillet 1846 ait reçu son exécution.

Je demande donc que la chambre veuille bien m'entendre sur la première question, celle de savoir si la loi du 16 mai 1847 (article 4) peut être rapportée dès à présent, ou si elle doit continuer ses effets jusqu'au le juillet prochain.

M. Le Hon. - Messieurs, après ce que vient de vous exposer M. le ministre des finances, j'aurais renoncé à prendre la parole si la motion d'ordre ne devait pas recevoir une solution. Ou j'ai bien mal compris cette motion, ou elle est d'une extrême simplicité. Dans toute discussion qui embrasse un grand nombre de faits compliqués et d'intérêts divergents, il est assez ordinaire de voir surgir une question qui domine à ce point toutes les autres, que sa solution préalable rend inutile ou simplifie le débat sur les questions de fait ; et telle est la nature de celle que vous appelle à décider la proposition de l'honorable M. Verhaegen. Pour vous en convaincre, il me suffit de la traduire en quelques articles de loi.

L'industrie des sucres, au point de vue des intérêts du trésor, a été soumise successivement au régime de la loi de 1843,qu'a remplacé celui de la loi du 17 juillet 1846, modifié lui-même par une dernière loi du 16 mai 1847. Celle-ci a statué que les effets de l'article 4 de la loi du 17 juillet 1846 seraient suspendus jusqu'au 1er juillet 1848. Et il importe de remarquer que cet article 4 avait pour objet le règlement du taux de la décharge des sucres, d'après les recettes effectuées.

C'était donc une des dispositions capitales de la loi de 1846, et les effets en ont été légalement suspendus.

Que vous a proposé la section centrale ? Voici les termes de son amendement :

« Par dérogation à l'article 4 de la loi du 16 mai 1847, la décharge de l'accise à l'exportation du sucre de la catégorie A de l'article 3 de la loi du 17 juillet 1846 sera réduite, savoir : au 1er janvier 1848, à 63 fr. par 100 kil., au 1er mars de la même année à 62 fr. par 100 kil. »

Je vous prie d'observer que la décharge de 63 fr. répond au rendement de 71 43/100, et que celle de 62 fr. répond à 72 58/100.

Il résulte avec évidence de ce rapprochement,, que la section centrale vous propose d'abroger une des dispositions importantes de la loi du 16 mai 1847, et de changer immédiatement le taux actuel de la décharge.

Si donc la chambre était d'avis qu'il faut prendre en considération sérieuse les transactions qui ont pu se former sous la foi de l'ajournement décrété par la loi de 1847, et qu'il est juste et moral de maintenir les dispositions de cette loi, il me paraît certain qu'il serait inutile de compliquer dès à présent la discussion de toutes les questions de fait que doit soulever l'examen du fond. Ce serait, à mon sens, simplifier cette première partie de la discussion que de la concentrer sur le point de savoir si la chambre entend que la loi de 1847 puisse être modifiée dans ses effets avant le terme du 1er juillet 1848.

Assurément, ce débat préliminaire ne porte aucune atteinte au droit qui appartient à la section centrale et à chacun de nous de produire tels autres amendements qu'ils jugeront convenable de proposer ; par exemple, le rétablissement, au profit du trésor, de la réserve de quatre dixièmes empruntée au système de la loi de 1843.

Mais la décision de la chambre sur le point préjudiciel du maintien du régime de 1847 jusqu'au 1er juillet 1848, aurait le bon effet de rassurer tous les intérêts, et d'ajourner l'exécution des changements ultérieurs, qui pourraient être votés, jusqu'après l'expiration du terme ci-dessus fixé.

Tout est grave d'ailleurs, quand il s'agit de toucher à des intérêts fondés sur un système de législation longuement débattu. Il y aurait une sorte d'immoralité législative à procéder ici légèrement, et sous l'influence trop exclusive peut-être de nos besoins financiers. Il est nécessaire que les deux industries engagées dans la lutte soient entendues aussi bien que les défenseurs du trésor ; et la division du débat en deux parties distinctes et séparées me semble particulièrement propre à assurer à chacune d'elles toute la liberté et toute la clarté désirable.

M. Verhaegen. - Messieurs, je croyais abréger la discussion, gagner du temps, en faisant ma proposition ; je vois qu'au contraire je perds du temps ; eh bien, comme M. le ministre des finances veut discuter le fond, je retire provisoirement ma motion, sauf à la reproduire dans le cours de la discussion.

M. Malou. - M. le président, je la reprends immédiatement.

M. Verhaegen. - Je ne l'abandonne pas.

M. Malou. - Nous la maintiendrons à deux, si l'honorable M. Verhaegen le désire.

Messieurs, toutes les fois que la discussion des sucres s'est engagée, les trois intérêts étant aux prises, on a discuté pendant plusieurs jours avant de commencer à se reconnaître sur le terrain où l'on se trouvait ; le même fait se reproduirait cette fois, et nous arriverions inévitablement, après avoir perdu beaucoup de temps, à résoudre cette question préjudicielle que l'honorable M. Verhaegen, très sagement à mon avis, a posée au début de cette discussion.

Nous ne reculons nullement devant un débat sur la loi de 1846 ; je suis convaincu, comme l'honorable ministre des finances, que quand la discussion s'engagera de nouveau sur les principes, il sera facile d'établir que, tant qu'on voudra maintenir le système de satisfaire tous les intérêts nationaux à la fois dans une juste mesure, on ne peut pas s'écarter essentiellement des principes de la loi de 1846 ; mais nous demandons et nous avons le droit de demander qu'une question comme celle-là se produise régulièrement et avec tous les éléments d'une bonne discussion, qu'on n'improvise pas en quelque sorte une loi sur les sucres.

Quel est le système de l'honorable M. Mercier ? C'est qu'une section centrale, chargée d'examiner un budget des voies et moyens, peut, par une proposition incidente, détruire toute une loi de principe. Si elle le peut pour la loi des sucres, elle pourrait, en vertu du même système, modifier la loi des bières, des distilleries, la contribution personnelle, la loi de frimaire an VII sur l'enregistrement ; elle pourrait introduire dans le budget des voies et moyens le principe du projet de loi sur les droits de succession, principe que le gouvernement a disjoint lui-même de ce budget.

Messieurs, rappelons-nous les antécédents de toutes les chambres législatives ; on n'a jamais admis que la loi des voies et moyens fût autre chose qu'une loi d'application, parce que la discussion en deviendrait impossible si on ne lui conservait pas ce caractère.

La question des sucres se produit donc en ce moment d'une manière irrégulière, contraire au règlement ; qu'on la produise régulièrement, et nous la discuterons.

On ne peut pas, dit-on, empêcher un membre de la chambre d'user de son droit d'initiative. Non, assurément : mais quand un membre de cette chambre a usé de son initiative, on peut, on doit même renvoyer, sa proposition à l'examen des sections ou d'une section centrale.

Je demande, non pas pour fuir la discussion, mais pour qu'elle ait lieu d'une manière utile, que la chambre discute en premier lieu la question de savoir si l'on peut aujourd'hui modifier, au préjudice de l'un des deux intérêts ou même de tous deux, la situation qui leur a été faite par la loi de 1846 et par celle de 1847. Je le répète, c'est dans l'intérêt des travaux de la chambre que j'insiste sur la motion d'ordre.

M. Delfosse. - Je ne veux pas plus que l'honorable M. Malou que la chambre improvise une législation sur les sucres : il ne s'agit pas d'une improvisation, il s'agit d'un examen réfléchi. Si l’honorable M. Malou a l'intention d'empêcher la discussion qui est sur le point de s'ouvrir sur la législation des sucres, il devrait proposer l'ajournement, il ne devrait pas se borner à reprendre la proposition de l’honorable M. Verhaegen. Cette proposition n’a pas la portée que l'honorable (page 705) M. Malou lui assigne. Mon honorable ami, M. Verhaegen, ne demandait pas que la chambre revînt sur la résolution qu'elle a prise de s’occuper de la question des sucres immédiatement après les budgets ; il demandait seulement que l'on se prononçât avant tout sur la question de savoir si les changements que la chambre pourrait introduire dans la législation des sucres auraient leur effet avant le 1er juillet prochain. Mon honorable ami n'entendait pas s'opposer, comme l'honorable M. Malou, à ce que la chambre s'occupât actuellement, conformément à la résolution prise, de la question de savoir si la législation des sucres doit être modifiée ou maintenue.

Mon honorable ami était mû par un sentiment louable. Il voulait protester hautement contre la violation projetée d'une promesse faite par la loi au commerce et à l'industrie. Mais la proposition qu'il a formulée dans ce but est plutôt une proposition additionnelle qu'une proposition préalable.

La première question à poser, la question principale est celle-ci : Modifiera-t-on ou maintiendra-t-on la législation des sucres ?

Si l'on décide que la législation des sucres sera maintenue, à quoi bon examiner la proposition de mon honorable ami ? A quoi bon décider que des modifications, qui ne se feraient pas, n'auront d'effet qu'à partir du 1er juillet ?

Ce n'est que dans le cas où l'on se déciderait à modifier la législation des sucres qu'il pourrait être utile d'examiner si ces modifications produiront leur effet avant le 1er juillet.

Ces courtes observations font voir que la proposition de mon honorable ami aurait dû être présentée comme proposition additionnelle et non comme proposition préalable.

Il est regrettable que l'honorable M. Malou ait repris cette proposition que mon honorable ami a retirée avec raison, pour ne pas faire perdre du temps à la chambre. Je crois que ce que la chambre a de mieux à faire, c'est d'entendre les explications que M. le ministre des finances est prêt à nous donner, nous verrons après quelle marche il convient d'imprimer à la discussion.

M. Mercier. - Je me rallie complètement aux explications données par l'honorable M. Delfosse.

M. Lejeune. - A entendre l'honorable M. Malou, la section centrale serait sortie du cercle de sa mission en faisant la proposition qui vous est soumise.

Je suis d'accord avec cet honorable membre qu'à l'occasion du budget des voies et moyens, la section centrale ne peut pas changer toutes les lois d'impôt, la loi sur les distilleries, les bières, les sels ; mais la section centrale n'a rien fait de pareil ; elle n'a pas manqué à ce principe général, vous en jugerez ; voici quelle était la position de la section centrale : le budget des voies et moyens porte en recettes trois millions ; il a été démontré, et le gouvernement ne l'a pas contesté, qu'au lieu de 3 millions, dans l'état actuel de la législation, les recettes n'atteindraient peut-être qu'une somme de 1,200 mille fr. La section centrale s'est trouvée dans cette alternative de modifier les dispositions de la loi pour lui faire produire les 3 millions portés au budget, ou de diminuer le chiffre de l'impôt.

Voilà la position limitée qui était faite à la section centrale. Vous n'admettrez pas qu'elle est sortie du cercle de sa mission, en proposant de changer les dispositions de la loi, pour sauvegarder les intérêts du trésor.

L'honorable membre en reprenant la proposition de M. Verhaegen l'a appuyée en disant qu'on n'improvise pas une loi sur les sucres. Que l'honorable membre me permette de le lui demander, la loi de 1846 qu'il a apportée devant la chambre, qu'il a défendue avec tant de talent et d'énergie, était-elle une loi improvisée ? Que propose la section centrale ? De rentrer dans cette loi.

M. Malou. - De la détruire.

M. Lejeune. - De rentrer dans l'exécution de cette loi, pas autre chose. Est-ce là improviser une loi sur les sucres ? Je termine par cette observation, c'est qu'on veuille entendre le gouvernement. Que M. le ministre des finances s'explique ; nous devons savoir à quoi le gouvernement s'arrête. Selon l'opinion qu'énoncera le gouvernement, la chambre abrégera peut-être cette discussion. Le gouvernement pourrait se trouver dans cette position de ne pas approuver les résolutions que la chambre croirait devoir prendre.

On a parlé du veto, messieurs ; le droit de veto se trouve dans le cercle des attributions du pouvoir exécutif. L'exercice de ce droit n'est pas, me paraît-il, nécessairement accompagné d'une question de cabinet ; ce droit de veto peut très bien s'exercer sans que le cabinet doive se retirer, comme paraît le penser l'honorable M. Delehaye. La question qui nous occupe ne doit pas avoir une pareille portée.

(page 716) M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). – Je voudrais qu'on écartât de cette discussion les questions qui y sont étrangères. Certes, nous ne reculons pas devant les questions de cabinet ; mais nous ne voulons pas à tout propos produire de pareilles questions devant la chambre ; nous les produirons, qu'on en soit bien certain, quand la dignité et l'intérêt du gouvernement l'exigeront. Je demande particulièrement à mes honorables amis de s'abstenir de faire des appels au courage du gouvernement dans des questions comme celle-ci, et de nous permettre de réserver notre courage pour de plus grandes occasions.

Que veut la proposition de la section centrale ? Qu'il soit dès aujourd'hui dérogé à une loi dont les effets doivent s'étendre jusqu'au 1er juillet 1848. Le gouvernement pense qu'il faut continuer à cette loi, ses effets ; par conséquent, il repousse la .proposition de la section centrale.

En combattant cette proposition, en soutenant que la loi de 1847 doit continuer ses effets jusqu'au 1er juillet 1848, il va de soi que nous ne pouvons empêcher aucun membre de cette chambre de faire telle proposition qu’il croira utile ; nous ne pouvons pas limiter le droit de la chambre, le droit de chacun de ses membres.

Nous demandons, nous, qu'on laisse à la législation de 1846 le temps de faire ses preuves. Nous avons l'opinion que la loi de 1840 peut produire les effets qu'on en attendait ; et que le trésor recevra les sommes qui ont été promises. Nous répétons l'engagement que nous avons pris que, pour le cas où la loi de 1846 ne rapporterait pas au trésor les trois millions qu'on lui a promis, il faudrait introduire des modifications dans la législation jusqu'à ce qu'on ait atteint cette somme.

Mon honorable ami, M. le ministre des finances, l'a déclaré à plusieurs reprises : nous confirmons ce qu'il a dit. Nous sommes d'avis que les sucres doivent rapporter 3 millions, que si la législation, après expérience faite, est impuissante pour les leur faire rapporter, il faudra la modifier. Mais nous croyons aussi que, dans l'état actuel des choses, il n'y a pas lieu de modifier la loi. Il n'est pas possible de revenir aujourd'hui sur une loi qui a promis à l'industrie et au commerce un répit jusqu'au 1er juillet 1848.

Jusque-là je suis convaincu que si des dispositions nouvelles étaient proposées, les honorables auteurs de la proposition seraient les premiers à demander qu'elle ne produisît ses effets qu'au 1er' juillet ; ils ne voudraient pas faire mentir une loi votée il y a quelques mois à peine.

En résumé, la section centrale propose de revenir sur une loi suspensive d’une autre loi jusqu’au 1er juillet 1848. Nous disons que le système de la section centrale ne vaut rien ; nous le combattons d’une manière très nette, très catégorique.

Nous n'empêchons pas que des propositions soient faites. Que ceux qui doutent des bons effets de la loi de 1846 proposent des modifications, ils sont dans leur droit. M. le ministre des finances vous a fait connaître que, dans tous les cas, le gouvernement était prêt, à soutenir son opinion qui est, qu'il n'y a rien à modifier en ce moment, et qui faut faire suivre à partir du 1er juillet 1848, la loi de 1846.

(page 717) M. de Theux. – Je crois qu’on n’insiste pas sur la proposition de M. Verhaegen. Sinon, j’établirais qu’elle est contraire aux précédents de la chambre et au procès-verbal qui contient une résolution formelle à cet égard.

M. Malou. - Si j'ai bien compris les intentions de M. le ministre de l'intérieur, il vaudrait que la chambre entendît préalablement l'exposé que le ministre des finances se propose de faire. La chambre appréciera ensuite s'il y a lieu de décider préalablement la question posée par l'honorable M. Verhaegen. Si M. le ministre de l'intérieur n'admet pas l'opinion de son honorable collègue des finances, d'après laquelle il y aurait lieu de voter préalablement, sur cette question, et si lui-même demande que la discussion générale sur les sucres s'engage en ce moment, je ne puis insister.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Le gouvernement se borne à combattre pour le moment la proposition de la- section centrale; c'est-à-dire que le gouvernement soutient qu’il y a lieu de maintenir la loi de 1847 jusqu'au 1er juillet 1848. Cela étant j’ai ajouté que nous n’entendons pas restreindre le droit de chaque membre dans cette discussion, ni interdire à la chambre l'initiative de propositions. Il faut seulement s'entendre : c'est une question d'ordre pour la discussion. Je pense que chaque membre comprendra qu'il faut se renfermer d'abord dans la proposition de la section centrale, sauf à statuer plus tard sur les propositions qu'on jugerait convenable de soumettre à la chambre.

(page 705) M. le président. - Je puis considérer comme ajournée la proposition de M. Verhaegen.

La parole est à M. le ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, le gouvernement a maintenu le chiffre de l'accise à trois millions au budget de 1848, quoique, dans l'état actuel des choses, il n'eût pas la certitude que la somme serait obtenue durant cet exercice.

Il l'a maintenue afin de ne pas se départir, un seul instant, de la résolution bien arrêtée d'exiger des sucres un contingent de trois millions et d'annoncer à l'avance son intention de donner à la loi du 16 juillet 1846 tout son essor, d'en tirer le parti qu'il peut, qu'il doit en tirer, lorsqu'une loi temporaire, la loi du 16 mai 1847, n'y mettra plus d'obstacle.

Appelé au sein de la section centrale, qui avait à se prononcer sur le chiffre de trois millions, j'ai émis l'opinion que le trésor ne pouvait pas s'attendre à recevoir cette somme, à cause de l'époque de transition dans laquelle on se trouve. La section centrale s'est avant tout préoccupée du préjudice que le trésor est exposé à éprouver cette année ; elle a pensé qu'il fallait à tout prix mettre un terme à mi état de choses si funeste à nos finances.

Elle a cherché à atteindre ce but, sans s'écarter du système de la loi de 1846, qu'elle a été d'avis de maintenir. Veuillez remarquer ceci.

Sa proposition est de déroger à l'article 4 de la loi du 16 mai 1847, qui a suspendu les effets de l'article 4 de la loi du 17 juillet 1846 jusqu'au 1er juillet 1848, et d'autoriser le gouvernement à réduire le taux de la décharge à l'exportation du sucre de la catégorie A, de 66 à 63 fr., à partir du 1er janvier, et à 62 fr. à partir du 1er mars prochain.

C'est sur cette proposition, sur cet amendement que la chambre est appelée à statuer ; il doit faire le premier, le principal objet de notre examen.

L'honorable rapporteur de la section centrale, pour défendre cette proposition, a fait valoir diverses considérations, qui sont exposées avec clarté dans le rapport sur le budget des voies et moyens.

Il s'est posé cette question : Une nouvelle loi peut-elle abréger le terme fixé par la loi du 16 mai 1847 ? Et il la résout affirmativement.

La loi du 16 mai a bien pu faire naître l'espoir que le rendement ne serait pas modifié avant le 1er juillet prochain ; mais il n'en résulte pas un droit acquis qu'il faille respecter.

Alors même que le rendement aurait été définitivement fixé, le législateur n'en conserverait pas moins le droit de le modifier par une disposition nouvelle.

Il ne faut pas confondre le ferme avec un délai que la législature accorderait à l'industrie pour remplir une condition ou une formalité ; ce délai ne pourrait plus être abrégé avant l'accomplissement de la condition ou du moins avant que l'époque pour la remplir ne soit écoulée ; mais la disposition de l'article 4 de la loi du 16 mai 1847 n'est pas de cette nature.

Personne ne peut considérer notre législation sur les sucres comme définitivement assise, dit encore l'honorable rapporteur ; elle semble destinée à subir diverses influences, et la question si difficile de la coexistence des deux industries n'est pas irrévocablement résolue.

Lorsqu'il s'agira éventuellement d'une révision, le législateur ne s'est pas interdit à l'avance de modifier le taux de la décharge, si cette modification était jugée nécessaire pour assurer la recette du trésor.

La conclusion de ces raisonnements est qu'il peut aussi abréger le terme, dans ce même intérêt du trésor, avant l'expiration du premier semestre de 1848.

Et pour le cas où cette proposition rencontrerait de sérieuses difficultés et donnerait lieu à de longs débats, la section centrale s'est réservé d'en faire une autre tendant soit au rétablissement, du moins provisoire, des 4/10, soit à la fixation d'un rendement supérieur à 72,58,qui est le maximum fixé par la loi du 16 juillet 1846.

Car, dit l'honorable rapporteur, la section centrale ne croira avoir rempli son mandat qu'après avoir assuré au trésor le produit de 3 millions.

Ce n'est pas sous ce point de vue que le gouvernement n'est pas d'accord avec la section centrale ; il s'en est déjà expliqué. Le contingent de 3 millions doit être fourni au budget par l'accise sur les sucres ; la législation actuelle ne pourra être maintenue qu'à ce prix, aucune capitulation ne nous semble possible.

Mais, malgré notre sollicitude sincère pour les intérêts du trésor, nous nous croyons arrêtés par un obstacle qu'a créé la loi du 16 mai 1847, par son article 4, qui enlève au gouvernement la faculté de réduire la décharge avant le 1er juillet 1848.

L'année dernière, mon honorable prédécesseur déclara qu'à raison de la cherté des denrées alimentaires, qui avait réduit la consommation du sucre, l'expérience du système de la loi du 16 juillet 1846 n'avait pas pu être complète ; pour la juger en connaissance de cause, il crut qu'il était nécessaire de compléter cette expérience dans des circonstances normales.

A cet effet, il proposa une disposition tendant à suspendre jusqu’au 1er janvier 1848 toute augmentation de rendement ; c'était assurer les raffineurs qu'ils pourraient continuer à travailler avec le rendement de 68 kil., pendant un temps déterminé.

Cette disposition est devenue l'article 4 de la loi du 16 mai 1847, sauf que la date a été reculée de 6 mois, c'est-à-dire portée au 1er juillet prochain.

Le gouvernement envisage cette disposition comme constituant un engagement pris envers l'industrie par la législature, sur la foi duquel elle a pu contracter et dont elle est aujourd'hui fondée à réclamer l'entier accomplissement.

Ceux d'entre nous qui l'ont votée, messieurs, tout en sachant qu'elle imposait un sacrifice momentané au trésor, n'ont pas pensé que l'on songerait à la révoquer avant le terme ; ceux qui l'ont combattue, l'ont également envisagée comme devant être sérieuse, car c'est pour cela qu'ils l'ont combattue.

On objecte que c'est au gouvernement à fixer le taux de la décharge (page 706) après le 1er juillet 1848, mais que le législateur ne s'est pas interdit le pouvoir de le modifier, de le fixer autrement, avant cette date. C'est la une erreur ; le législateur a prononcé. D'après la loi du 17 juillet 1846, la décharge ne pouvait être éventuellement réduite qu'à partir du 1er juillet 1847 ; par suite de circonstances exceptionnelles, la loi du 16 mai 1847 a stipulé, par son article 4, que la réduction ne pourrait avoir lieu qu'à dater du 1er juillet 1848 ; ne tenir aujourd'hui aucun compte de cette date, c'est dire que la loi du 16 mai n'a aucune signification. Le législateur peut fixer, à son gré, le taux de la décharge ; après l'avoir fixée, il peut le changer, il en est le maître ; je suis ici d'accord ; mais quand, fixant cette décharge, il déclare qu'elle ne sera pas modifiée avant une époque déterminée, ce serait méconnaître les droits ainsi conférés que de la modifier avant l'expiration de ce délai. On a fixé jour ; jusqu’à ce qu'il vînt on a dû croire que l'on vivrait en sécurité. En vérité, c'eût été tendre un piège à une industrie, qu'on a voulu ménager en lui fournissant l'occasion de se préparer de plus longue main à subir éventuellement le système de la nouvelle loi. Quel que soit le haut intérêt qui s'attache en ce moment plus qu'à aucune autre époque au maintien, à l'accroissement des ressources du trésor, il ne serait jamais assez grand, assez impérieux pour justifier la violation d'une parole donnée par le législateur.

M. Osy. - La loi du 16 mai 1847 est une véritable transaction qui a eu lieu à la suite de conférences chez M. le ministre.

La session était prête à finir et il fallait une loi pour la surveillance des fabriques de sucre indigène, et comme on ne pouvait tomber d'accord, il fallut proposer des mesures provisoires, qui ont été sanctionnées jusqu'au 1er juillet prochain par la loi du 16 mai.

M. le ministre ayant en même temps reconnu que pour l'année 1846-1847, la consommation du sucre avait considérablement diminué à cause de la cherté des denrées alimentaires, et qu'il n'était pas possible de bien juger de l'effet de la loi de 1846, sur un amendement proposé par mon honorable ami M. Loos, du consentement du gouvernement, il fut décrété que le rendement des deux sucres ne serait pas augmenté avant le 1er juillet prochain.

Aujourd'hui les fabriques de sucre indigène prétendent qu'on aurait dû aussi par cette loi garantir à la betterave, jusqu'au 1er juillet 1848, que le droit de 30 fr. n'aurait pas été majoré.

Je dois dire que, dans les différentes conférences qui ont eu lieu chez M. le ministre, cette prétention n'a jamais été manifestée, de même que dans la chambre lors de la discussion de la loi du 16 mai, et cela se conçoit parce qu'à cette époque on ne connaissait pas encore la production de la campagne de 1846, et ce n'est qu'au mois de juillet, lorsque l'honorable M. Malou a connu ce résultat, qu'il a dû, par arrêté royal et en vertu de la loi de 1846, augmenter l'impôt de la betterave de 4fr. Ainsi, les fabriques de sucre indigène ont tort de se plaindre aujourd'hui d'avoir été oubliées, et qu'on n'ait pas décrété pour elle le statu quo, lors du vote delà loi du 16 mai.

Personne ne l'a réclamé alors, tant dans les conférences particulières, que pendant la discussion de la loi.

Je conçois que toute loi peut être rapportée par une autre loi ; mais lorsque la loi a donné des garanties à des tiers et que de graves intérêts sont en jeu, lorsque la loi a un terme déterminé et fixe il n'est pas permis de sacrifier ainsi ses intérêts en proposant le retrait de la loi avant d'être arrivé à son terme.

Nous avons toujours dit que la loi de 1846 était une loi de progrès ; et qu'en assurant un revenu de 3 millions et augmentant successivement le rendement, c'était la mort des petits industriels qui par leur situation n'ont pas pu, dans un aussi court terme, faire les changements nécessaires pour pouvoir lutter contre les exigences du fisc. Je plaide donc principalement les intérêts des petits établissements, et toujours vous me verrez le défenseur des opprimés.

Vu la crise alimentaire, les raffineries, comme toutes les industries soumises à l'accise, comme les distilleries et les brasseries ont dû souffrir, et par contre les recettes de l'Etat ont dû s'en ressentir.

Les petites raffineries et même de grands établissements, également par la crise financière, n'ont pas pu établir les changements nécessaires pour améliorer leur industrie, et maintenant qu'il nous reste à peine 5 mois pour atteindre le terme garanti, un membre de la section centrale, dans son impatience et sous prétexte qu'il faut soigner les intérêts du trésor, propose, par un amendement à la loi des voies et moyens, de décréter le retrait de la loi du 16 mai et d'obliger le gouvernement de porter de suite et sans transition le taux du rendement à 72 1/2, ce qui se traduit par diminuer la décharge de 66 à 62 fr.

La loi ayant garanti 66 fr. ou le rendement de 68 jusqu'au 1er juillet, je dois appeler cette proposition une véritable spoliation, et si jamais vous pouviez vous joindre à une pareille proposition, ce serait le coup le plus funeste que vous pourriez porter non seulement aux raffineries, mais à toutes les industries en général ; car par ce fâcheux antécédent, tous ceux qui auraient le désir de venir au secours par leurs capitaux à l'industrie se garderaient bien de les exposer dans un pays où il n'y aurait aucune stabilité, et où une protection garantie pour un terme plus ou moins long pourrait être annulée par une autre disposition.

Nos industriels malheureusement ne peuvent pas tout entreprendre par leurs propres moyens et doivent avoir recours aux associations et aux capitaux de nos rentiers ; et si ceux-ci se retirent, je vous demande ce que deviendront vos industries et l'esprit d'association. Hélas ! dans un moment où, pour venir au secours des Flandres, on veut y introduire des industries nouvelles, soyez sûrs que les meilleures intentions du gouvernement échoueront, si les capitaux des particuliers et du commerce font défaut. En Angleterre on a pu faire de grandes choses, de grandes entreprises par cet esprit d'association.

Ces considérations seules devraient faire rejeter la proposition de la section centrale des voies et moyens, car dans un pays où il n'y a pas de stabilité les grandes entreprises industrielles deviennent impossibles ; les capitaux feront défaut et on préférera rester rentiers que de s'exposer par des revirements d'opinion à voir anéantir les garanties données.

Dans la section centrale, je suis resté le seul membre qui s'est opposé à une pareille violation garantie envers des tiers ; tous les autres se sont joints, dans l'intérêt du fisc, à la proposition qui vous est soumise.

Mais quelques jours après l'adoption de cette première proposition, votre section centrale a eu à s'occuper de la pétition des fabricants de sucre indigène, qui demandaient de ne pas admettre l'augmentation du droit de 4 fr. Cependant, c'était une recette d'environ 200,000 fr. dont on voulait priver le trésor.

Le même membre qui avait proposé l'augmentation du rendement avant le 1er juillet, dans l'intérêt du trésor, a alors aussi fortement plaidé contre les intérêts du trésor qu'il avait plaidé pour augmenter les revenus. J'ai fait ressortir cette inconséquence, et tous les membres de la section centrale que j'avais eus contre moi lors de la première proposition, se sont joints à moi contre la seconde proposition, et, d'isolé que j'étais pour l'augmentation du rendement immédiat, j'ai entraîné, sur le rejet de la demande des fabriques pour le dégrèvement des 4 fr., toute la section centrale, et à l'unanimité moins une voix, nous vous proposons le rejet de la demande de dégrèvement.

Les 5 membres de la section centrale sont restés conséquents pour les deux propositions, n'ayant eu en vue que les intérêts du trésor ; pour moi, je suis également resté conséquent, n'ayant demandé dans les deux questions que l'exécution de la loi de 1846 et de celle du 10 mai 1847. Mais le membre qui a fait les deux propositions, qu'il me permette de le lui dire, s'est entièrement trahi, et son but n'était pas les intérêts du trésor, mais une partialité injuste envers une seule industrie.

Cependant ce même membre a été deux fois ministre du Roi, et il doit cependant s'être convaincu, pendant son passage aux affaires, que ce n'est qu'avec de la stabilité en politique et en industrie qu'on peut mener les affaires du pays, et que ce n'est qu'en ayant des opinions politiques fermes et consciencieuses, qu'on peut inspirer de la confiance au pays.

Malheureusement les deux propositions du même député, l'une plaidant les intérêts du trésor, et l'autre leur étant nuisible, prouvent qu'il y a manque de principe chez notre honorable collègue, et je le regrette pour lui.

Mais en attendant, la proposition seule de revenir sur une loi dont le terme n'est pas expiré, doit donner par la suite des craintes sérieuses à l'industrie, si par une grande majorité vous ne rejetiez pas la proposition de la section centrale, car lorsque vous avez décrété, pour un terme fixé, des garanties à des tiers, vous ne pouvez, sans être injuste, les leur ravir.

Comme membre de la section centrale je vous devais, messieurs, cette explication, pour que vous pussiez bien juger des propositions qui vous sont faites et pour pouvoir décider en connaissance de cause.

Il est vrai, messieurs, que la recette de 1847 pour les sucres n'est pas telle que nous pouvions l'espérer depuis l'adoption de la loi de 1846 ; mais comme le disait très bien l'honorable M. Malou au mois de mai passé, les circonstances fâcheuses que nous avons traversées pendant deux ans à cause de la cherté des denrées alimentaires ont principalement produit la diminution des revenus de cette branche d'industrie, et je vais vous le prouver par des chiffres et quelques simples raisonnements.

En 1847 on a mis en raffinage 20,200,000 kil. de sucre.

On a exporté 10,200,000 kil.

Et la consommation n'a pris que 9,300,000 au lieu de 12,600,000 kil. qui était la consommation normale du pays suivant l'enquête faite sous le ministère de M. Mercier.

Ainsi le déficit de la consommation est constaté être 3,336,000 kil., ce qui fait pour le trésor un déficit de 1,840,000 fr. Si j'ajoute la recette réelle de 1847, 1,400,000 fr., on atteindra plus de trois millions lorsque la consommation sera revenue à son taux normal. Et comme il est certain que la betterave produira cette année plus de 3 millions, l'impôt sera porté à 40 fr. au lieu de 34 fr. augmentation 6 fr. ou 300,000 fr. de manière que nous pouvons espérer de recevoir de cet impôt près de 3 millions à 3 millions et demi de recette. Avec égalité de droit et au rendement actuel de 68 p. c. pour les deux sucres, ce que l'on veut retirer de cette branche d'industrie sera largement assuré ; mais il faut en même temps une bonne loi (qui doit être faite avant le 1er juillet) de surveillance des fabriques du sucre indigène et qu'on puisse atteindre la fraude et ne pas trouver de nouveaux mécomptes, en faisant entrer, dans la consommation, des sucres indigènes indemnes de droits.

En suivant cette marche, les intérêts du trésor seront assurés et nous pourrons pendant quelques années laisser fonctionner la loi de 1846 et les deux industries pourront marcher de pair, sans se nuire, mais il ne (page 707) faut pas à chaque instant vouloir venir bouleverser les lois par des propositions qui doivent effrayer l'industrie.

Avant la loi de 1846, le prix des sucres indigènes était seulement 110 à 115 fr. ; maintenant 140 à 150 fr. pour 100 kil. Le prix du sucre brut indigène était de 70 à 80 francs, maintenant 100 à 110 fr. Avant la loi de 1846, les primes de mévente étaient montées jusqu'à 50 et même 60 pour cent, et depuis 1846, la prime a été nulle et cela, comme nous le disions, grâce à l'abolition du faux système des retenues forcées.

Vous voyez donc, messieurs, que la loi de 1846 a été avantageuse à la production indigène.

Voyons maintenant le mouvement commercial, but que nous avons également voulu atteindre.

Sous la loi de 1843, on a mis en raffinage en 1845, 10,000,000 de kil. seulement ; en 1847 le raffinage est monté à 16,140,000 kil. Les exportations en 1845 étaient seulement, de 4,200,000 kilog. ; en 1847, de 10,135,000 kilogrammes.

En 1815 le mouvement commercial a été de 24,300,000 kil. ; en 1847 de 38,700,000 kilog.

En sucre de la Havane seulement, en 1845, les importations ne se sont montées qu'à 55,000 caisses, en 1847 à 121,000 caisses.

Eu 1846, 81 navires, dont 9 belges, sont arrivés de la Havane.

En 1847, nous avons reçu 71 navires, dont 25 belges.

Ainsi grande augmentation de mouvement commercial et accroissement de navigation nationale, et avec cela tous les navires belges exportent des produits de l'industrie nationale.

Je conclus donc en disant que la loi de 1846, dans des circonstances ordinaires, donnera les produits réclamés pour le trésor, peut faire vivre les deux industries, augmentera le mouvement commercial et la marine marchande nationale, qui fournit au trésor tant de produits indirects et alimente le railway national. (Je connais une seule maison à Anvers qui a expédié en 1847, par le chemin de fer vers l'Allemagne 24,000 caisses de sucre.)

Rejetons donc l'amendement de la section centrale, attendons la présentation, obligée d'ici au mois de juillet, de la loi pour la surveillance des fabriques, et à cette occasion nous verrons s'il ne conviendra pas plutôt de proroger pour un an la loi de mai 1847, avant d'augmenter le rendement et laisser le temps aux raffineries de se développer et de se perfectionner.

Avec l'abondance et le bien-être du pays les intérêts du trésor sont sauvegardés et l'industrie, le commerce et la marine marchande pourront prendre de grands développements ; mais comme je l'ai dit, il faut de la stabilité et ne pas à chaque instant remettre les lois en question et alarmer toutes les branches de l'industrie.

M. Mercier. –La section centrale vous a fait connaître elle-même que si la proposition qu'elle a soumise à la chambre rencontrait une opposition sérieuse, si elle devait donner lieu à de longs débats, elle y substituerait une autre proposition.

Quoi qu'en ait dit l'honorable préopinant, je ne suis pas l'auteur de la proposition de la section centrale ; je désirais une disposition plus efficace ; je m'y suis rallié dans l'espoir, que nous avions alors, que, restant dans le système de la loi de 1846, cette proposition ne donnerait lieu qu'à une courte discussion, et aurait pu être voté avant le 31 décembre.

Voilà, quant à moi, l'unique motif pour lequel j'ai cessé d'insister pour que la section centrale adoptât une autre proposition.

Je crois au surplus que la législature peut toujours revenir sur une loi, et que le terme fixé par la loi de 1847 pourrait être devancé, parce que cette loi se borne à dispenser le gouvernement de l'exécution d'une disposition de la loi de 1846 sans que le législateur se soit interdit à lui-même le droit de réviser la législation.

Quoiqu'il en soit, je ne m'arrêterai pas sur ce point ; je reste dans l'esprit qui a guidé la section centrale en substituant une autre proposition à celle qu'elle a formulée.

L'honorable M. Osy n'a pas rendu un compte très fidèle de ce qui s'est passé dans la section centrale. La proposition de ne pas augmenter l'accise sur le sucre indigène a été adoptée par la section centrale par six voix contre une, pour le cas où la disposition que la section centrale proposait à l'égard du sucre exotique ne serait pas adoptée par la chambre.

Sur un point seulement il y a eu désaccord entre la majorité de la section centrale et moi ; j'ai pensé et je pense encore que ce qui était juste pour une année entière devait l'être également pour six mois, et par conséquent j'ai été d'avis que, dans le cas où la disposition relative au sucre exotique aurait été mise à exécution au 1er janvier l'augmentation de droit sur le sucre indigène, au lieu d'être de 4 fr., comme le porte l'arrêté qui a été pris à ce sujet, ne fût que de 2 fr., et ce parce que le sucre exotique aurait déjà joui pendant six mois de la faveur accordée par la loi de mai 1847 ; c'est sur ce seul point que je n'ai pas été d'accord avec la majorité de la section centrale.

Ai-je besoin de vous dire que je suis complètement désintéressé dans cette question ? que je la traite avec une entière impartialité ? que je n'y ai aucun intérêt ni électoral, ni autre ? Je ne le ferai pas, bien que l'honorable M. Osy se soit permis de m'accuser de partialité. Quand même cet honorable membre aurait à la fois un intérêt personnel et un intérêt électoral dans la question qui est engagée, je ne méconnaîtrais pas le sentiment des convenances, au point de supposer que ce double intérêt exercerait sur lui quelque influence, et lui ôterait l'impartialité qui doit présider à nos délibérations.

Le gouvernement annonce l'intention de faire produire aux sucres 5 millions. Je crois à cette intention. Mais quand se réalisera-t-elle ? par suite de la loi de 1847 dont les effets apparents finissent au 1er juillet mais dont les effets réels se prolongeront jusqu'à la fin-de 1849 en vertu des dispositions de la loi qui accordent aux raffineurs pour le payement de l'accise trois termes de crédit de six mois chacun ; vous pourrez non pas seulement en 1849 mais même en 1850 aussi bien qu'aujourd'hui, prétendre que vous ne connaissez pas suffisamment les effets de la loi de 1846. De sorte que d'expérience en expérience, au lieu de 1,400,000 fr. que nous perdons, ce sera par millions qu'il faudra compter et ce ne sera tout au plus qu'en 1850 qu'on pourra, d'après les motifs allégués, présenter une proposition pour modifier la loi de 1846 ; car ce ne sera qu'alors que l'on pourra l'apprécier par ses résultats ; la loi de mai 1847 intervenue entre-temps exige dans votre système que l'expérience soit recommencée.

Eh bien, messieurs, je pense que c'est là une épreuve trop onéreuse pour le contribuable, et qu'il est plus que temps d'y mettre fin.

Nous sommes dans ce moment, il faut bien en convenir, en déficit dans la balance de nos budgets. Je n'ai jamais soutenu le contraire.

Différentes circonstances, messieurs, ont concouru à produire ce déficit. Des dépenses extraordinaires ont été faites. Ces dépenses concernent principalement les travaux publics dans la Campine et dans les Flandres ; les subsides que nous avons accordés à nos populations souffrantes, l'augmentation des frais d'entretien des détenir dont le nombre s'est considérablement accru, et aussi l'augmentation des dépenses d'entretien du chemin de fer et du renouvellement de son matériel. De tous ces faits il résulte que nos voies et moyens étant portés à 117,600,000 fr., et que ces voies et moyens laissant néanmoins un déficit connu de 1,600,000 fr., puisque nous n'avons reçu que 1,400,000 francs sur le sucre et que nous ne recevrons selon toute probabilité pas davantage cette année, d'un autre côté les dépenses déjà votées s'élevant à 118,180,000 fr., il en résulte que la balance des budgets présente un déficit de 2,180,000 francs. De plus il y a d'autres dépenses que nous pouvons prévoir et qui augmenteront encore dans une certaine proportion ce déficit.

Messieurs, en présence d'une telle situation qu'avons-nous à faire ? Chercher à combler ce déficit par les moyens les moins onéreux pour les contribuables.

La diminution du produit de l'accise sur les sucres a véritablement dépassé toutes nos prévisions ; si la section centrale, dans cette circonstance, avait agi, non pas contrairement à ses droits, mais en avait fait dans l'application un usage qui ne doit pas être suivi dans les circonstances ordinaires, elle n'aurait fait que remplir un devoir rigoureux en présence d'un résultat aussi déplorable ; alors que dans la discussion de la loi de 1847, que je m'applaudis d'avoir combattue de toutes mes forces, on nous disait que la différence dans les produits ne pouvait être en tous cas que de 400,000 fr. Or, nous n'avons obtenu qu'un produit de 1,400,000 fr.au lieu du minimum de trois millions qui avait été annoncé.

Messieurs, c'est toujours au nom des intérêts industriels surtout, et des intérêts commerciaux, que l'on a réclamé la continuation du régime actuel de la législation sur les sucres.

On a attribué au commerce du sucre une vertu qu'on dénie à celui des autres marchandises coloniales. On a poussé l'exagération au point de prétendre que, sans le sucre, des échanges seraient impossibles avec les pays transatlantiques.

J'ai déjà démontré, en 1843,que,dans l'état de nos relations avec ces contrées, le commerce du sucre n'exerce qu'une influence très secondaire, si elle n'est pas complètement nulle, sur l'exportation des produits de notre industrie : Mais, comme c'est encore aujourd'hui cette influence que l'on invoque pour obtenir la continuation de faveurs désastreuses pour nos finances, je considère comme un devoir de faire de nouveaux efforts pour achever de détruire une erreur trop fatale à l'intérêt public, et pour faire passer dans vos esprits la conviction profonde, que j'ai puisée dans un examen attentif et une appréciation consciencieuse des motifs allégués en faveur de ce régime.

Pour aller au-devant de toute, supposition contraire à ma pensée, je rappellerai, messieurs, que j'ai toujours partagé l'opinion de la presque unanimité des membres des deux côtés de cette chambre, que de semblables questions devaient être discutées librement par tous, sans leur donner aucune portée politique à l'égard du cabinet.

Absent pour remplir une mission à l'étranger, je n'assistais pas à la discussion de la loi du 17 juillet 1846 ; mais j'ai saisi la première occasion qui s'est offerte pour déclarer que je l'aurais combattue et je me suis opposé avec énergie à la loi du 16 mai 1847, dont la section centrale vous a signalé les déplorables effets.

On se plaint de l'instabilité de quelques-unes de nos lois ; mais ceux qui dirigent une pareille accusation contre le gouvernement et les chambres, ont-ils donc perdu complétement la mémoire du passé ? Qui donc réclamait à grands cris la révision de la législation des sucres en 1842 ? Mais ceux-là principalement qui aujourd'hui invoquent la stabilité. Et la loi du 5 mars 1843, qui en a sollicité le renversement moins de 6 mois après sa promulgation ? Mais encore les mêmes intéressés. Aujourd'hui qu'une loi, qui dépouille, au-delà de toute prévision, le trésor de la nation, doit être modifiée dans l'intérêt général, ceux qui élevaient si haut la voix pour obtenir des changements successifs, crient à l'instabilité !

Quand leurs intérêts sont satisfaits, c'est un crime de modifier la loi, peu importe que l'intérêt public soit en souffrance. Au contraire, si la somme des sacrifices que l'Etat fait en faveur de leur industrie ne remplit pas leurs vœux, le principe de stabilité est rejeté bien loin ; il faut au plus tôt réviser la loi. Certes, messieurs, la loi du 16 mai n'eût pas (page 708) réuni 18 voix dans cette enceinte, si ses résultats avaient pu être prévus ; cette loi, dans ses dispositions essentielles, n'a été examinée ni dans les sections ni à la section centrale. Des amendements de la plus haute importance sont venus remplacer d'autres dispositions. La chambre, au moment de terminer sa session, les a malheureusement adoptés avec trop de précipitation, sans avoir pu en mesurer la portée.

Je ne m'arrêterai pas plus longtemps sur ces observations, car mon intention est moins de m'occuper spécialement de la loi actuelle que du système même qui a créé les primes d'exportation en 1822, système emprunté par le gouvernement des Pays-Bas à l'Angleterre, qui, depuis longtemps, en a fait justice et l'a banni de sa législation, à cause de ses effets ruineux pour le trésor public. Du reste, je dirai en passant que, si ce système pouvait être utile aux Pays-Bas, comme moyen de placement d'un produit de leurs colonies, ce que je n'ai pas à examiner, ce ne serait pas un motif pour qu'il ne fût pas désastreux pour la Belgique.

Vous n'ignorez pas, messieurs, que la prime d'exportation excède tout le prix de la main-d'œuvre que le sucre brut reçoit en Belgique pour être converti en sucre raffiné et être, après cette transformation, exporté à l'étranger.

Cette opération en elle-même constitue donc un travail non seulement improductif, mais souvent même onéreux, car il nous est arrivé de livrer le sucre raffiné à l'étranger au-dessous du prix d'achat du sucre brut de bonne qualité.

C'est parce que l'exportation du sucre raffiné est par elle-même une lourde charge pour le pays qu'on lui a attribué des avantages indirects, et qu'on prétend que le sucre, comme marchandise d'encombrement, est indispensable à la navigation ; que, sans le sucre, les navires qui sortent de nos ports n'auraient pas de cargaison de retour ; que par conséquent nous ne pourrions exporter les produits de notre industrie dans les pays transatlantiques.

Pour que ces allégations eussent une valeur quelconque, il faudrait que, dans nos échanges avec les pays qui produisent les marchandises coloniales, il y eût à peu près balance entre ce que nous recevons d'eux et ce que nous leur envoyons.

Il faudrait que les moyens ou les occasions d'exporter nos produits vers ces parages nous fissent défaut.

Mais il n'en est absolument rien. Je démontrerai facilement par l'expérience d'un grand nombre d'années que l'industrie du raffinage pour 'étranger n'a pas exercé d'influence soit directement, soit indirectement, sur l'exportation des autres produits de notre industrie ; que par conséquent tous les sacrifices que nous nous sommes imposés depuis 17 ans, en vue de cette exportation, sont entièrement perdus pour le pays.

J'espère vous convaincre, messieurs, que l'existence prolongée d'un pareil abus n'est que le résultat de l'erreur. Trop peu de personnes jusqu'ici ont étudié cette question sous toutes ses faces au point de vue de nos intérêts et de notre situation. On s'est laissé éblouir par quelques paroles vagues au moyen desquelles on représentait avec adresse toutes les grandes industries du pays comme étant intéressées à l'exportation du sucre raffiné.

Il n'a pas dépendu de l'administration que tous les faits ne soient éclaircis : en 1845, de nombreuses questions ont été posées par le gouvernement sur le mécanisme et les effets de la législation des sucres ; elles étaient nettement articulées et accompagnées de l'indication de plusieurs systèmes qui n'étaient donné que comme exemples propres à faciliter la solution des problèmes à résoudre ; mais ces questions sont restées sans réponse, et comme l'a très bien fait remarquer mon honorable successeur, M. Malou, l'on s'est renfermé dans des généralités. On se serait expliqué, messieurs, si l'on n'avait pas un intérêt à rester dans le vague et à fuir la lumière de la vérité.

Malgré les modifications nombreuses apportées successivement à notre législation sur le sucre, tantôt dans l'intérêt du trésor, tantôt sur les pressantes réclamations des intéressés, cette législation n'a cessé, depuis notre émancipation politique, d'être l'objet des critiques les mieux fondées ; c'est, messieurs, qu'elle est entachée d'un vice organique dont on n'a jamais fait disparaître le germe ; ce vice, qui a presque toujours faussé nos prévisions, réside dans les primes d'exportation ; ces primes, sévèrement condamnées par tous les économistes, sont l'exagération la plus extrême du système protecteur ; à ce titre seul, il semble que le ministère actuel, d'après les principes qu'il manifeste en matière de douanes, devrait s'empresser de les faire disparaître de notre législation commerciale et financière.

On a objecté, il est vrai, que toutes les industries du pays jouissent d'une protection ; sans doute, mais ici elle est exorbitante, puisqu'elle dépasse la valeur de la production ; et, d'ailleurs, il ne s'agirait en aucun cas de supprimer la protection énorme qui est établie en faveur du raffinage pour la consommation intérieure, mais seulement de renoncer à la prime que l'on accorde pour l'exportation du sucre raffiné.

La nécessité de cette mesure est impérieuse, s'il est vrai que ces primes désastreuses pour le trésor restent stériles dans leurs effets sur le mouvement industriel du pays ; c'est ce dont ne douteront pas ceux qui voudront sérieusement se rendre compte des faits ; les primes déguisées à l'aide desquelles s'opère l'exportation des sucres raffinés ont naguère été énergiquement condamnées par un honorable vice-président du sénat qui, dans la discussion de 1846, a cru ne pouvoir mieux les qualifier qu'en disant qu'elles sont « une véritable calamité publique ».

Dans la même discussion d'autres honorables membres et notamment un honorable sénateur, qui siège aujourd'hui au banc des ministres, ont appelé l'attention du gouvernement sur des faits déjà plusieurs fois signalés dans cette enceinte, faits dont il ressortirait, selon ces honorables membres, que le commerce du sucre exotique n'a pas sur le mouvement industriel de notre pays l'influence qu'on se plaît à lui attribuer, et que même l'exportation de nos produits a souvent été en raison inverse de l'importation de cette denrée.

L’honorable ministre des affaires étrangères et du commerce M. Dechamps prit à tâche de combattre cette appréciation, ainsi qu'il l'avait déjà fait dans cette chambre à propos de la même loi ; il annonça qu'il allait démontrer que, malgré une législation qui, avant le 21 juillet 1844, ne favorisait pas les arrivages directs des pays transatlantiques, les faits commerciaux attestaient l'heureuse influence de l'importation du sucre colonial sur l'exportation des produits de notre industrie. Vous jugerez, messieurs, du mérite de cette démonstration : je suivrai l’ordre et la série des faits exposés par le gouvernement lui-même dans l'intérêt du maintien des primes d'exportation. Voici comment s'est exprimé l'organe du gouvernement : « Nos importations de sucre de Cuba et Porto-Rico en 1840 ont été de fr. 10,600.000 (il y a erreur ; c'est fr. 10,080,000) ; c'est l'année de la plus forte importation ; nous avons exporté cette année-là en produits de notre industrie vers ces contrées pour fr. 2,300,000 ; c'est le chiffre le plus élevé de nos exportations vers ce pays.

« En 1841 et 1842, le chiffre de l'importation du sucre descend à fr. 8,200,000 ; celui des exportations décline jusqu'à fr. 800,000. »

Arrêtons-nous ici un instant pour apprécier ces chiffres.

Comment l'honorable ministre ne s'est-il pas aperçu qu'il fournissait des arguments contre sa proposition en mettant en présence les résultats des années 1840 et 1842 ?

Est-il logique d'attribuer une exportation de 2,300,000 fr. des produits de notre industrie à l'influence d'une importation de sucre de 10,080,000 fr., alors qu'on n'accorderait à une importation de 8,200,000 fr. qu'une exportation de 800,000 fr. ? Les importations de sucre restent très considérables ; elles ne sont réduites que de 1/5' ; l'exportation des produits belges, au contraire, diminue des 2/5. De telles disproportions n'indiquent-elles pas assez que les différences signalées dans nos exportations de ces deux années tiennent nécessairement à d'autres causes qu'à une diminution peu sensible dans l'importation du sucre ? S'il pouvait exister le moindre doute à cet égard, on aurait pu le dissiper en remontant seulement à l'année qui précède immédiatement celle qui forme le point de départ de l'honorable défenseur de la loi qui était en discussion. En 1839 l'importation des sucres de Cuba et Porto-Rico n'a été que de 4,900,000 fr., donc un peu plus de la moitié de ce qu'elle a été en 1842, et cependant nos exportations se sont élevées à 1,340,000 fr. ; c'est 540,000 fr. de plus que pendant cette dernière année.

Ainsi en adoptant la formule employée par l'organe du gouvernement on pourrait en renverser les termes et dire :

« En 1839 nos importations de sucre de Cuba et Porto-Rico n'ont été que de 4,900,000 fr. et nous avons exporté cette année, en produits de notre industrie, pour 1,340,000 fr.

« En 1842, le chiffre de l'importation du sucre monte à 8,200,000 fr. et celui de l'exportation de nos produits vers ces contrées décline à 800,000 fr. »»

Vous voyez, messieurs, que l'exportation de nos produits pour ces deux années a été en raison inverse de l'importation du sucre.

L'honorable défenseur de la loi, continuant sa démonstration, ajoute :

« Je reconnais que le résultat de 1843 ne répond pas tout à fait à ceux que j'ai cités pour les trois années précédentes ; mais cela tient à des circonstances particulières ; deux comptoirs belges ont été établis à la Havane et ce fait explique l'accroissement plus rapide de nos exportations pendant cette année. »

Voyons si cette fois on est dans le vrai.

En 1843 les importations de sucre de Cuba et Porto-Rico ne se sont élevées qu'à une valeur de 5,950,000 fr. et l'exportation de nos produits vers ces contrées a été de 1,045,000 fr.

Ainsi diminution de plus de 2 millions dans les importations de sucre par rapport à l'année antérieure, et au lieu d'une diminution analogue dans nos exportations vers ces contrées il y a augmentation de 250,000 francs. Le gouvernement a attribué cette amélioration à l'établissement récent de deux comptoirs ; mais cette supposition tombe devant d'autres faits antérieurs et postérieurs à 1843 : en effet, messieurs, si c'est grâce à deux comptoirs établis en 1842 et 1843 qu'une importation de sucre de 5,955,000 fr. répond à une exportation de produits de notre industrie de 1,045,000 fr. comment se fait-il que plusieurs années avant l'établissement de ces comptoirs une importation de sucre inférieure de plus d'un million ait coïncidé avec une exportation de produits belges de 200,000 fr. plus élevée ? Comment se fait-il encore que plus tard, en 1846,une importation de sucre de 7,953,000 fr., supérieure de 3 millions à celle de 1839 et de 2 millions à celle de 1843 n'ait eu pour parallèle qu'une exportation de marchandises belges, égale à celle de cette dernière année et inférieure de 250,000 fr. à celle de 1839 ?

Les rapprochements que je viens de faire et qui se rattachent à une série de huit années concourent tous à prouver combien on s'est trompé dans l'appréciation que l'on a faite de notre commerce avec Cuba et Porto-Rico, puisqu'il n'y a aucune harmonie dans les rapports de nos exportations avec les importations de sucre de ces contrées.

A l'appui de la thèse que je combats et des observations que j'ai rectifiées, le même orateur a fait une autre comparaison ; il a dit que pendant (page 709) la période quinquennale de 1839 à 1843 l'exportation des produits belges vers les Etats-Unis d'Amérique ne représentaient que 10 a 12 p. c. des importations de ce pays en Belgique, tandis que nos exportations vers Cuba et Porto-Rico correspondaient à 16 p. c. des importations ; il n'a pas manqué d'attribuer ce résultat un peu plus favorable de nos rapports avec ces dernières contrées à l'influence du commerce du sucre qui manque dans nos relations avec les Etats-Unis. Mais ces chiffres mêmes mettent en relief l'état d'infériorité vraiment déplorable dans lequel nous nous trouvons dans nos échanges avec l'un et l'autre de ces pays ; que nos exportations soient de 12 ou de 16 p. c. de leurs importations chez nous, certes le résultat est également affligeant.

Quoi qu'il en soit, pour que la comparaison faite eût une signification quelconque, il faudrait que des marchandises de retour eussent pu manquer aux navires qui ont exporté nos produits aux Etats-Unis, si ces produits avaient été plus considérables ; or pour prouver qu'il n'en était pas ainsi, il suffît de rappeler que pendant la période quinquennale de 1841 à 1845 nous avons reçu en marchandises des Etats-Unis pour une valeur de fr. 21,040,000 annuellement, alors que nous n'y avons exporté pendant le même espace de temps qu'une moyenne de fr. 2,660,000. Pourquoi le coton en laine, le tabac, les cuirs, l'huile de poisson, la potasse, le riz et tant d'autres objets importés des Etats-Unis dans nos ports ne seraient-ils pas des marchandises de retour tout aussi bien que le sucre ? Est-ce sérieusement que l'on prétendrait que nous serions condamnés à ne jamais faire un commerce fructueux avec cet immense et riche pays, par la seule raison que nous n'y prenons pas nos approvisionnements de sucre ! Qu'on fasse donc attention qu'en général les marchandises que nous y exportons sont des objets fabriqués qui occupent bien moins d'espace dans les navires que les matières premières et les denrées que l'on nous importe de ces parages ; ainsi quand même les valeurs des importations et des exportations se balanceraient au lieu d'être aussi inégales qu'elles le sont à notre détriment, la capacité des bâtiments qui exportent nos produits serait encore insuffisante pour contenir ceux qui nous sont importés de ces contrées.

Mais que devient l'argument que l'on a cherché à faire valoir si la comparaison faite pour la période quinquennale de 1839 à 1845 est appliquée aux deux dernières années dont les tableaux du commerce ont été publiés, à savoir 1845 et 1846 ? Les termes en sont tout à fait renversés ; pendant ces deux années nos exportations vers les Etats-Unis, qui ne nous fournissent pas de sucre, ont atteint une moyenne de 17 p. c. des importations de ce pays, alors que nos exportations vers Cuba et Porto-Rico sont descendues à 12 p.c. de la valeur des marchandises importées de ces contrées, et ce en dépit des deux comptoirs établis et d'une importation de sucre de 7,953,000 fr. pendant une de ces années.

Du reste, bien d'autres faits viennent démentir l'assertion que nos rapports commerciaux avec les contrées qui produisent le sucre seraient relativement plus favorables pour nous que ceux que nous avons avec les pays d'où nous ne tirons pas cette denrée ; il en est parmi ces derniers qui laissent tout l'avantage de notre côté ; nos exportations chez eux excèdent leurs importations, bien loin de n'être avec ces derniers que dans la proportion de 12 ou 16 p. c. comme dans nos échanges avec Cuba et Porto-Rico ; je citerai le Texas et le Mexique qui ne nous fournissent pas de sucre ; nos exportations dans ces pays pendant la période quinquennale de 1841 à 1845 ont été en moyenne de 600,000 fr., tandis que leurs importations en Belgique n'ont été annuellement que de 172,000 fr., c'est donc 400 p. c. en notre faveur.

Un fait analogue se remarque encore dans nos relations avec le Chili et Rio de la Plata, dont nous ne recevons pas de sucre ; pendant la même période quinquennale les importations de ces pays n'ont été que d'une valeur de fr. 164,000, et nos exportations se sont élevées au double de ce chiffre. Bien plus, si nous n'envisagions que les résultats des deux dernières années dont nous connaissons le mouvement commercial, c'est-à-dire 1845 et 1840, nous trouverions que nos exportations sont dans la proportion de 4 à 1 à ces importations, celles-ci n'ayant été que d'une valeur de fr. 150,000, tandis que celle de nos exportations s'est élevée à fr. 670,000.

On alléguera peut-être, comme on l'a déjà fait, que ce sont les navires qui importent le sucre brut de Cuba et Porto-Rico qui font nos exportations dans d'autres contrées de l'Amérique et notamment au Mexique et au Texas ; un coup d'œil sur nos tableaux du commerce prouve qu'il n'en est rien : du moins le nombre de navires sortis de nos ports pour le Mexique et le Texas a été plus que suffisant pour nos exportations vers ces contrées ; nous avons utilisé moins de la moitié de la capacité de ces navires pendant la période quinquennale de 1841 à 1845 ; cette observation s'applique également au Chili ; nous avons expédié vers cette contrée et Rio de la Plata huit navires d'une contenance de 1,419 tonneaux, toujours pendant la même période, et la moitié seulement de ce tonnage a été occupée par nos exportations.

Cette influence des importations considérables de sucre qui nous sont faites de Cuba et Porto-Rico, cette influence tant vantée dans la discussion de 1843, ne s'est pas même produite dans nos rapports avec d'autres îles des Antilles. Celle d'Haïti se trouve tout à fait dans leur voisinage. Les navires qui vont prendre des chargements de sucre dans ces parages déposent-ils au moins des cargaisons de marchandises belges à Haïti ? Non ; la nullité de l'influence du commerce du sucre se révèle ici comme partout ailleurs. Pendant la même période Haïti nous a fourni en moyenne pour fr. 4,300,000 de marchandises coloniales, et, le croirait-on ? la valeur de nos exportations dans cette île si rapprochée de Cuba et Porto-Rico n'a été que de fr. 13,000.

Je pourrais citer d'autres pays de production du sucre avec lesquels nos relations sont tout aussi défavorables qu'avec les deux îles dont j'ai souvent parlé : ainsi les îles Philippines nous ont livré pendant la même période pour une valeur de marchandises coloniales de fr. 508,000, et la moyenne de nos exportations dans ces mêmes lieux n'a été que de fr. 61,000 ; ce n'est que le rapport de 1 à 8 à peu près, comme dans nos transactions avec Cuba et Porto-Rico.

Je dirai peu de chose du Brésil parce que le sucre est secondaire dans notre commerce avec ce pays ; je ferai seulement observer que le chargement des navires qui y ont été expédiés pendant les six dernières années, n'a absorbé que la moitié de leur capacité.

Mais serions-nous plus heureux dans nos relations commerciales avec les pays vers lesquels nous exportons nos sucres raffinés ? Est-ce là que s'exerce indirectement l'influence que l'on a tant préconisée ? L'exportation des autres produits de notre industrie a-t-elle suivi la progression de celle des sucres raffinés ? Cela est peu vraisemblable, s'il est vrai que, dans les échanges internationaux, les produits se payent par des produits ; car, dans ce cas, le sucre, dont le raffinage n'exige qu'une main-d'œuvre peu considérable, remplacerait, dans nos exportations, d'autres produits qui, créant beaucoup de travail dans le pays, fournissent des moyens d'existence à de nombreuses populations. Du reste, nous allons consulter les faits.

M. le ministre des affaires étrangères, dans la même séance du 17 juillet 1846, a également proclamé cette influence et a cherché à démontrer que nos exportations en sucres raffinés vers les villes hanséatiques et le Levant sont parallèles à nos exportations en produits industriels vers ces mêmes pays, contrairement, dit-il, à l'opinion émise par l'honorable sénateur comte Vilain XIIII. Voici comment il justifie cette proposition :

« En 1840, l'année la plus favorable à l'industrie des sucres, nous avons exporté vers les villes hanséatiques, en sucres raffinés, pour 8 millions 900,000 fr. Celle même année, l'exportation totale en produits industriels a été de 12 millions de fr. En 1841, le chiffre de nos exportations en sucres raffinés descend à 6,900,000 fr., et le chiffre de nos exportations totales de produits nationaux descend à 9,600,000 francs. En 1842, les résultats sont à peu près les mêmes. En 1843, nos exportations en sucres raffinés s'élèvent à 7,500,000 fr., et nos exportations totales de produits belges à 11 millions de fr. En 1844, nos exportations en sucres raffinés vers les villes hanséatiques subissent une décadence marquée. Elles se réduisent à 3,700,000 fr., et nos exportations industrielles tombent en même temps à 7,700,000 fr. »

Je ferai d'abord remarquer que la manière dont l'honorable ministre s'est exprimé a dû, contre sa volonté, induire en erreur les membres du sénat, qui n'avaient pas les tableaux du commerce sous les yeux. En effet, messieurs, quand on a dit que lorsque l'exportation des sucres était de 8,900,000 francs, celle des produits industriels a été de 12 millions de fr., peu de membres sans doute auront pensé que dans ces 12 millions de produits se trouvaient compris les 8,900,000 fr. de sucres, et que par conséquent les autres produits de notre industrie, ceux qui ne sont pas exportés à titre onéreux à la faveur de primes, ceux enfin qui, au lieu d'appauvrir le pays, contribuent à en augmenter la richesse, se réduisaient à 3,100,000 fr. et même à 2,865,000, après rectification d'une erreur de 235,000 fr. qui s'est glissée dans le tableau du commerce.

Ce malentendu était en quelque sorte inévitable, car, sans lui, l'argumentation du ministre portait complètement à faux. En décomposant le second chiffre, en faisant la distinction indispensable, dont je viens de parler, voici quel est le véritable état des choses :

En 1840, lorsque la valeur de nos exportations de sucres raffinés dans les villes hanséatiques a été de 8,900,000 fr., l'exportation des autres produits de notre industrie vers ces mêmes villes a été de 2,865,000 fr.

En 1841, l'exportation des sucres vers ces villes a diminué de 2 millions, et celle des autres produits est cependant restée la même.

En 1842, une nouvelle réduction d'une valeur de 600,000 fr. s'est manifestée dans l'exportation des sucres, et bien loin qu'elle ait coïncidé avec une diminution dans l'exportation de nos produits industriels, celle-ci s'est accrue de 600.000 fr. par rapport à celle de l'année 1840, et a été portée à 3,650,000 fr.

En 1844, un fait plus frappant encore se manifeste : L'exportation des sucres, de 8,900,000 fr. qu'elle était en 1840, descend à 3,870,000 fr., et l'exportation des produits de notre industrie, qui n'était en 1840 que de 2,865,000 fr., s'est élevée à 3,836,000 fr., et a été par conséquent augmentée d'un million, alors que l'exportation des sucres a baissé de plus de moitié.

Vous voyez, messieurs, que la réalité est bien différente de la situation qui, en apparence, résultait des chiffres cités dans la discussion de 1846. Cela provient, comme je l'ai déjà fait remarquer, de ce que dans cette discussion on reportait les sucres raffinés dans le second élément de comparaison, qui naturellement grossissait ou diminuait suivant que l'exportation des sucres augmentait ou se restreignait ; il fallait, au contraire, les en séparer, comme constituant l'exportation onéreuse, au moyen de laquelle on soutenait que celle des autres produits industriels était facilitée.

On s'est arrêté alors à l'année 1844, par la raison que le tableau du commerce de 1845 n'était pas publié au moment de la discussion de la (page 710) loi sur les sucres en 1846. Il sera intéressant d'examiner les faits commerciaux qui se sont manifestés depuis cette époque ; nous verrons si, pendant les années 1848 et 1846, l'exportation des produits de notre industrie, au lieu d'être parallèle à celle des sucres raffinés, comme on l'a supposé bien gratuitement, n'a pas continué à être précisément en sens inverse de nos exportations de sucres.

J'appelle l'attention particulière de la chambre sur ces nouvelles circonstances.

En 1845, l'exportation des sucres raffinés vers les villes hanséatiques s'est restreinte à 1,325,000 fr., c'est-à-dire au septième environ de ce qu'elle était en 1840. .

L’exportation des autres produits de notre industrie a-t-elle éprouve une décroissance analogue ? Loin de là, messieurs, elle s’est élevée à 4,770,000 fr., c'est-à-dire à 2 millions de plus qu'en 1840.

En 1846, l'exportation des sucres est restée aussi faible qu'en 1845 ; l'exportation des autres produits de notre industrie vers les villes hanséatiques n'est pas même restée stationnaire, elle a continué son mouvement ascensionnel et a été portée à 5,870,000 fr., donc à plus du double de ce qu'elle était en 1840, lorsque l'exportation des sucres raffinés avait une valeur de 8,900,000 fr.

Ainsi, messieurs, le but du gouvernement a été d'établir que l'exportation des autres produits de notre industrie suivait la progression de celle des sucres raffinés. Les chiffres que j'ai cités, et qui sont puisés dans les documents officiels, démontrent que c'est précisément le contraire qui est arrivé. L'exportation des autres produits a augmenté à mesure que celle des sucres diminuait. La première avait plus que doublé quand la seconde était réduite au huitième de ce qu'elle était en 1840.

L'organe du gouvernement, à l'époque dont je parle, a fait les mêmes comparaison pour notre commerce avec le Levant. Mais cette fois, il ne les a établies qu'à partir de 1841, laissant de côté l'année 1840 qui, à la vérité, présentait des résultats par trop défavorables à la thèse qu'il voulait soutenir. Quoi qu'il en soit, je le suivrai encore dans les exemples même qu'il a choisis.

Voici comment s'est exprimé M. le ministre des affaires étrangères.

En 1841 ; exportation de sucres raffinés : 1,800,000 fr. ; exportation de produits industriels : 3,200,000 fr.

En 1842 ; exportation de sucres raffinés : 1,300,000 fr. ; exportation de produits industriels : 2,600,000 fr.

En 1843 ; exportation de sucres raffinés : 980,000 fr. ; exportation de produits industriels : 2,400,000 fr.

Je dirai tout à l'heure pourquoi l'on s'est arrêté à 1843, bien que les résultats de 1844 fussent également connus à l'époque de cette discussion. Auparavant, je vais, comme je l'ai fait pour notre commerce avec les villes hanséatiques, décomposer les chiffres et indiquer séparément l'exportation des sucres raffinés et celle des autres produits de notre industrie.

En 1841, l'exportation des sucres raffinés vers le Levant a été de 1,800,000 francs, et celle des autres produits de notre industrie de 1,400,000 francs. En 1842, l'exportation des sucres raffinés a baissé de 400,000 fr., et celle des autres produits de notre industrie est cependant restée la même.

En 1843, nouvelle baisse dans l'exportation des sucres raffinés qui n'est plus que d'une valeur de 988,000 fr. ; mais cette fois l'exportation des autres produits de notre industrie, au lieu de diminuer également ou du moins de rester stationnaire, s'élève à 1,678,000 fr.

Là s'est arrêté le défenseur de la loi des sucres dans le sénat ; les faits relatifs à l'année suivante, déjà connus à cette époque, protestaient trop hautement contre la cause qu'il soutenait pour ne pas le déterminer à les passer prudemment sous silence.

En 1844, messieurs, les exportations de sucres vers le Levant se sont réduites à une valeur de 494,000 fr., et les exportations des autres produits de notre industrie ont atteint le chiffre de 2,489,000 fr., c'est-à-dire le double à peu près de l'exportation de 1841, année pendant laquelle les exportations de sucres ont été les plus fortes.

Enfin en réunissant aux résultats de 1844 ceux des années 1848 et 1846, on trouve que l'exportation des sucres n'a été que d'une valeur de 267,000 fr., tandis que la moyenne de l'exportation des autres produits de notre industrie s'est élevée à 2 millions de francs.

Tous ces faits démontrent à l'évidence qu'il n'y a pas le moindre rapport entre nos exportations de sucre raffiné et celle des autres produits de notre industrie ; plus on les étudie et plus on acquiert cette conviction.

Si les rapprochements que je présente à la chambre ne se rapportaient qu'à une ou deux années, s'ils ne faisaient tous constamment ressortir les mêmes phénomènes, on ne pourrait en tirer que des conséquences plus ou moins incertaines. Mais lorsqu'ils embrassent une période de six à sept années,, non pas choisies parmi un grand nombre d'autres, mais successives et les plus récentes dont la statistique commerciale nous est connue, lorsqu'ils nous révèlent des faits concordant tous entre eux, on ne peut s'empêcher de faire cette triste réflexion que les immenses sacrifices que le pays s'est imposés depuis 17 ans pour l'exportation des sucres raffinés n'ont été compensés par aucun avantage pour les diverse industries du pays. Si, comme l'évaluation en a été faite en 4846, la somme de ces sacrifices s'élevait alors à 49 millions, elle atteint aujourd'hui celle de 53 millions. Mais admettons que cette appréciation soit exagérée, que cette exportation ne nous ait coûté que 34 millions dépensés d'une manière improductive, un tel capital suffirait pour nous éviter en ce moment bien des embarras, et pour soulager efficacement bien des infortunes.

Quoique je ne croie pas que des doutes puissent encore exister dans vos esprits à l'égard de la prétendue influence de l'exportation du sucre raffiné sur les autres industries du pays, je vous demande la permission d'entrer encore dans quelques détails qui ne sont pas sans intérêt.

Je m'occuperai d'abord de notre commerce en marchandises coloniales de toute espèce.

D'après la moyenne quinquennale de 1841 à 1848, nous consommons annuellement pour une valeur de 70,825,000 de marchandises coloniales, et il en entre dans nos ports pour une valeur de 99,204,000 fr.

Toutefois, en vertu de notre traité de commerce et de navigation avec les Pays-Bas, nous devons recevoir directement de ce pays pour une valeur de marchandises coloniales d'environ 8,500,000 fr.

Il resterait donc en marchandises destinées à notre propre consommation et qui peuvent nous arriver directement des lieux de production, 62,525,000 fr.

Ou en marchandises entrées dans nos ports comme formant le commerce général 90,700,000 fr.

Il est vrai que pendant cette période nous n'en avons reçu directement que 41 millions pour notre consommation, ou 61,544 ,000 pour le commerce général ; mais il dépend de nous de régler notre législation de manière à ce que toutes les quantités représentées par la valeur de 62,700,000 nous soient importées sans intermédiaire. On ne devrait en retrancher que la quantité de sucre que nous n'exporterons plus à l’étranger.

Mettons maintenant en regard de ce chiffre la somme de nos exportations vers les pays transatlantiques. Dans la même, période, elle n'a été pour les deux Amériques que de 6,209,000 : pour l'Asie, que de 440,000 fr. Toutes nos exportations dans les pays qui nous fournissent les marchandises coloniales se bornent donc à 6,649,000 fr.

Ce n'est pas le sixième de ce qui a été importé directement pour notre consommation et le neuvième de ce que nous avons reçu directement pour le commerce général.

Des faits spéciaux que je viens d'exposer ; je passe aux résultats généraux de nos exportations et je trouve, en remontant à 1839, que l'exportation moyenne des sucres raffinés pendant la période quinquennale, de 1839 à 1843, a été d'une valeur de fr. 12,610,000, et que celle des autres produits de notre industrie s'est élevée à une valeur de 133,390,000 fr.

En 1844 (par l'effet de la loi du 6 avril 1843), les exportations de sucre ont diminué de 2/5, et bien loin que l'exportation de nos autres produits ait subi, par le contrecoup, une réduction quelconque, elle a dépassé de plus de 33 millions la moyenne des cinq années précédentes et s'est élevée à fr. 166,940,000.

En 1845 et 1846, les exportations de sucre ont encore diminué de 2,200,000 fr. et sont tombées à moins de 2/5 de ce qu'elles étaient pour la moyenne de 1839 à 1845, c'est-à-dire à 5,300,000 fr. ; les exportations de nos autres produits se sont, au contraire, élevées à fr. 179,000,000.

Ainsi, pendant une période de cinq ans, de 1839 à 1843, nos exportations de sucre ont été de 12,600,000 fr. et celle des autres produits de 133,390,000 fr..

En 1844, l'exportation du sucre diminue dans une forte proportion, celle des autres produits augmente de 33 millions de francs.

En 1845 et 1846, l'exportation de sucre diminue encore ; et celle des autres produits augmente de nouveau de plus de 12 millions, malgré le désastre toujours croissant d’une de nos plus grandes industries, celle des fils et toiles de lin.

Relativement à la question qui nous occupe, j’attache moins d'importance à ces faits généraux qu'à ceux que j'ai exposés précédemment. Cependant j'ai cru devoir les placer sous vos yeux pour aller au-devant de toute objection.

On croira peut-être que le ralentissement de l'exportation des sucres raffinés pendant les années 1844, 1845 et 1846, du moins a eu pour effet de réduire notre marché, de sucres bruts étrangers. Il n'en est rien, c'est encore le contraire qui est arrivé.

La moyenne de nos exportations de sucres bruts durant la période de 1839 à 1845, période pendant laquelle on se rappelle qu'une très forte exportation de sucres raffinés a eu lieu, cette moyenne, dis-je, n'a été que de 360.000 kilog., tandis que la moyenne de ces exportations pendant les trois années 1844, 1845 et 1846 s’est élevée à 9,700,000 fr., donc à 17 fois ce qu'elles étaient pendant les années où nous exportions des sucres raffinés en grandes quantités.

Vous voyez, messieurs, qu'en ce qui concerne le commerce proprement dit, ainsi que la navigation et le travail de chargement et de déchargement dans nos ports, il y a eu plus que compensation, puisque les marchandises exportées ont été beaucoup plus considérables, que pendant la période de très fortes exportations du sucre raffiné.

Le commerce et la navigation peuvent donc également se développer sans que nous maintenions nos primes d'exportation.

J'ai dit tout à l'heure que, dans la dernière période quinquennale, nous (page 711) n'avions exporté dans les pays transatlantiques, en produits de notre industrie, que pour une valeur de fr. 6,649,000 ; mais, si les quantités de marchandises représentées par cette valeur ne sont pas plus considérables serait-ce que les moyens de transport nous feraient défaut ? Cela n'est guère vraisemblable, car il est naturel de penser que les bâtiments, qui' importent chez nous des marchandises coloniales, pourraient se charger de l'exportation de nos produits. Or le tonnage des navires qui ont importé directement des pays transatlantiques des marchandises coloniales dans nos ports a été, pendant la dernière période quinquennale, de 1841 à 1845, de 67,821 tonneaux, et le nombre de ces navires a été de 256, Les bâtiments, sortis de nos ports pour les mêmes pays, avaient ensemble un tonnage de 63,767 tonneaux, et seulement 10,800 tonneaux ont été utilisés. Il est donc resté disponible un tonnage de près de 50 mille tonneaux. Il est à remarquer en outre que pendant la même période 550 navires d'un tonnage de 79,322 tonneaux sont sortis de nos ports à l'aventure, et qu'il en est beaucoup qui eussent pu encore exporter nos produits, si le commerce s'était chargé de cette opération. Les occasions d'exportation ne nous ont donc pas manqué. Si nous n'avons pas exporté davantage, la cause en est pour quelques-uns de nos produits ou que nous ne fabriquons pas les qualités qui sont demandées dans les pays transatlantiques ou que, sous le point de vue du prix et du perfectionnement, nous sommes restés dans un état d'infériorité vis-à-vis d’autres nations. Pourquoi ne portons-nous pas, aussi bien que l’Angleterre, de fortes quantités de tissu de lin sur le marché des Etats-Unis ? Assurément quand même notre commerce du sucre eût été dix fois plus considérable, nous n'aurions pas placé une pièce de toile de lin de plus dans ce pays.

Il faut donc un tout autre remède que le commerce du sucre pour que l'exportation des produits de notre industrie prenne quelque développement dans les pays transatlantiques. Nous devons nous attacher à produire bien, à bon marché et selon le goût des consommateurs ; voilà tout le secret.

Maintenant je vais indiquer rapidement les causes qui, selon-moi, ont amené l'énorme déficit du l'accise sur le sucre. Les intéressés l’attribuent exclusivement à la diminution de la consommation ; s'il n'existait pas d’autre raison, le déficit serait proportionné à cette diminution ; il serait en rapport avec celui des autres droits d'accise ; il pourrait y avoir une réduction d'un cinquième peut-être ; l'accise sur la bière, que l'on a citée dans une brochure, n'a par rapport à l'année précédente subi qu'une diminution de fr. 400,000 sur un produit de six millions ; c'est-à-dire la quinzième partie de l'accise ; pour le sucre nous restons au-dessous de la moitié d'un produit de trois millions qui n'était déjà lui-même qu'une partie de l'impôt acquitté par le contribuable.

Voici comment on a procédé en 1846 pour établir que trois millions au moins et probablement un somme plus forte serait acquise au trésor.

On a supposé que le rendement effectif en sucre cristallisé n'était que de 73 ou 75, que par conséquent un très faible excédant en sucre cristallisé serait déversé dans la consommation, que la consommation du pays est, selon toute probabilité, de 12,600,000 kil. en sucre de toute espèce, et (erratum, p. 732) de 7,500,000 en sucre cristallisé ; qu'il fallait nécessairement que les droits fussent acquittés sur la presque totalité de la quantité que je viens d'indiquer en sucre cristallisé, puisque l'excédant du rendement effectif sur le rendement légal était peu considérable.

Enfin on a dit qu'en tout cas nos raffineries ne pouvaient pas en peu de temps prendre assez de développement pour que le chiffre de 3 millions de recette au moins ne fût pas atteint.

En abaissant le rendement à 68 p. c. on a garanti l'importation du sucre raffiné d'une manière certaine, mais on a laissé au trésor toutes les mauvaises chances que devait présenter soit l'erreur des appréciations faites quant au rendement effectif, quant à la consommation de sucre cristallisé et quant au développement des exportations elles-mêmes, soit une diminution réelle dans la consommation de sucre du pays par suite des fâcheuses circonstances dans lesquelles il s'est trouvé.

Je suis convaincu que les qualités de sucre que l'on raffine en Belgique dans les établissements bien organisés, donnent en sucre cristallisé un rendement beaucoup plus élevé qui celui qui a servi à l'appréciation du gouvernement et cette seule circonstance bouleverse toute d'économie du système actuel ; le rendement dépend en grande partie de la qualité de sucre que l'on emploie ; lorsqu'on y a intérêt, on ne manqueras de choisir les qualités supérieures, et c’est ce qui est arrivé.

Pour ne pas laisser le trésor seul exposé à toutes les chances défavorables, il fallait d'abord, comme on l'a fait, augmenter le rendement, élever dans une juste proportion le droit sur le sucre indigène ; introduire dans la surveillance des fabriques les améliorations que l'expérience avait indiquées, mais en outre, et surtout, conserver une réserve obligée au profit du trésor.

Comme la section centrale l'a fait observer, cette réserve calculée dans la proportion d'un produit de trois millions ne peut encombrer le marché intérieur, plus que ne le ferait tout autre système produisant également trois millions. Le droit étant le même il faut absolument la même quantité de sucre pour produire le même revenu : il serait puéril d'insister sur ce point.

C'est cependant en s'appuyant sur ce fait inexact, que la réserve encombre le marché intérieur, que l'on a déterminé les chambres à renoncer à ce système pour en adopter un autre fort aventureux.

On a prétendu aussi qu'on frappait doublement l'industrie du raffinage, en élevant le rendement et en maintenant la réserve ; c'est encore une erreur ; la réserve est une simple limite posée à l'exportation ; elle ne diminue en rien le bénéfice sur une même quantité exportée ; si l'on objecte que, sans la réserve, l'exportation serait plus considérable, je réponds qu'en ce cas ce serait au détriment du trésor, et contre le vœu du législateur, puisque ce résultat ne peut être obtenu que pour autant que les droits ne soient plus acquittés sur la quantité de sucre nécessaire pour produire trois millions. Ce qui a limité l'exportation sous l'empire de la loi du 6 avril 1845, c'est, en ce qui concerne le sucre exotique, le peu d'élévation du rendement légal ; la réserve n'y a fait absolument rien, du moment, bien entendu, que l'on a posé comme prémisses qu'il fallait un produit déterminé.

Tout le mal provient de ce que l'on a confondu les effets de la réserve avec ceux du rendement. Les intéressés n'avaient que trop bien prévu qu'une fois la réserve au profit du trésor écartée, ils parviendraient facilement à éluder le vœu de la loi. Ils n'ignoraient pas que, dans les Pays-Bas, où la réserve était de 3/100 seulement, on épuisait les 97/100 restant pour l'exportation. Aucun effort ne leur a donc coûté pour obtenir cette suppression. Leurs espérances se sont réalisées : au lieu de 3 millions au minimum, le trésor n'a reçu que 1,400,000 fr. en 1847. Je conviens que la consommation a été restreinte dans une certaine proportion ; mais le trésor ne devait pas seul en souffrir. Au moyen d’une réserve déterminée, la part de chaque intéressé eût été plus faible, sans doute, mais dans une juste proportion. Un seul, le trésor, n'aurait pas supporté toute la perte.

Au surplus, messieurs ; ainsi que je l'ai déjà annoncé, mon intention n'est pas de me livrer à un examen approfondi de la loi du 16 juillet 1846, ni des diverses lois d'accise sur le sucre qui ont été en vigueur depuis 1822 ; toutes, à un degré plus ou moins intense, étaient entachées du même vice, toutes créaient des primes d'exportation déguisées, toutes sacrifiaient une partie, quelquefois la presque totalité du produit de l'accise.

Il est encore un point essentiel sur lequel on n'a jamais pu se mettre d'accord : la véritable consommation de sucre dans le pays a toujours été un sujet de contestation ; la production du sucre indigène n'ayant pu être constatée avant 1843, on n'a pu à cet égard qu'établir des conjectures toujours fort incertaines. Dans une discussion qui eut lieu dans cette enceinte en 1838, je crois avoir été très près de la vérité en évaluant cette consommation à 12,282,000 kilog. en sucre brut, avant la cession d'une partie des territoires du Limbourg et du Luxembourg ; mais de cette quantité il faut déduire ce qui faisait l'objet d'un commerce interlope à notre frontière du Midi ; cette partie, d'après les plus grandes probabilités, était d'environ un million de kilog en sucre cristallisé ; notre consommation intérieure n'était donc en réalité que de 11,282,000 kilog. Est-elle plus élevée aujourd'hui que notre population s'est amoindrie ? Cela n'est pas probable. Pour l'apprécier, j'ai établi, d'après les documents officiels, une moyenne de consommation pendant la série des quatre années de 1843 à 1846 ; pour aller au-devant de toute objection, j'ai ajouté 600,000 kilogrammes aux quantités de sucre indigène constatées par l’administration pendant les années 1844, 1845 et 1846, et j'ai supposé la production de la campagne de 1842-1843 quelque peu supérieure à celle de 1843-1844 ; la moyenne ainsi établie donne pour résultat une quantité de 11,178,125 kilogrammes pour notre consommation moyenne. On voit qu'elle se rapproche de très près de celle que j'ai indiquée en Ï838 ; toutefois, elle comprend encore une certaine partie qu'il faudrait en distraire comme ayant alimenté le commerce interlope pendant les trois premières années ; ce genre de commerce a cessé entièrement depuis que l'élévation du rendement a fait augmenter chez nous le prix du sucre. Le chiffre de 1,178,125 kil. serait donc encore exagéré. Cependant vu qu'il y a encore quelque incertitude dans les éléments d'appréciation que j'indiquerai du reste au Moniteur, je veux bien admettre que cette consommation est de 11,500,000 kilog. en sucre brut.

Bases d'évaluation de la consommation moyenne de sucre brut en Belgique : (Note du webmaster : Le Moniteur comprend, page 712, le tableau détaillé de ces bases. Il n’est pas repris dans la présente version numérisée)

(page712) La consommation de 10,500,000 kil. étant admise et posant en principe, qu'il faut au minimum une recette de 3 millions, quelle sera (erratum, p. 732) l’exportation des sucres raffinés ? J'ai calculé, messieurs, qu'au rendement actuel, elle serait de moins de 6 millions. Cette quantité approcherait de 7 1/|2 millions de kil. si le rendement était porté à 72 1/2. C'est pour un aussi faible résultat que nous sacrifierions plus d'un million et demi de recette annuellement, que nous consentirions à subir de nouveaux impôts pour obvier à cette insuffisance de ressources.

Je crois, messieurs, avoir démontré à toute évidence que le commerce du sucre, ou du moins la partie de ce commerce qui a rapport au sucre importé pour être exporté après le raffinage, n'a exercé aucune influence sur l'exportation des produits de nos autres industries, soit dans le pays transatlantiques, soit dans d'autres contrées ; que cette exportation a souvent été en sens inverse de l'importation du sucre ; que pendant les années où l'exportation des sucres a été plus faible, notre commerce de sucre brut a plutôt augmenté que diminué ; que l'immense quantité de marchandises coloniales que nous consommons ou qui entrent dans nos ports nous donnent des moyens d'échange suffisants pour décupler nos exportations dans les pays transatlantiques, sans qu'il soit nécessaire d'y ajouter les quelques millions de kilog. de sucre que nous pourrions exporter ; et qu'enfin il s'offre dès à présent une foule d'occasions d'exportations vers les contrées lointaines dont nous ne profitons pas.

Les faits étant connus et appréciés, l'erreur n'est plus possible ; la cause toujours invoquée pour déterminer les chambres à imposer au pays les sacrifices qu'il a supportés jusqu'ici, n'existant véritablement pas, rien ne peut plus justifier un si déplorable emploi de la fortune publique.

Depuis plus de douze ans, de nombreuses réclamations s'élèvent dans le sein des chambres contre l'abus des primes d'exportation ; en les maintenant aussi longtemps, n'avons-nous pas usé envers les intérêts privés de tous les ménagements compatibles avec l'intérêt général ? Ne faut-il pas enfin renoncer à cette complication décevante d'une législation surannée, depuis longtemps abandonnée par ses auteurs, pour en revenir à un mode plus simple et plus productif ?

La coexistence des deux espèces de sucres est un fait accepté par le pays ; laissez au sucre indigène une protection équitable en rapport avec celle que vous accordez à nos autres industries ; imposez-le à 37 fr. les 100 kil., et conservez le droit de 45 fr. sur le sucre étranger, ou bien plutôt portez à 48 fr. le droit sur le sucre exotique et élevez à 40 fr. celui qui doit frapper le sucre indigène. J'estime qu'une différence de 8 fr. sur le droit d'accise est suffisante ; quant à l'exportation du sucre raffiné, ne l'autorisez plus avec la décharge des droits que pour autant que tous les produits du raffinage soient exportés, comme cela se pratique en Angleterre : de cette manière le trésor percevra le droit sur tout le sucre qui entre dans notre consommation.

Tel est, messieurs, le parti qui me paraît le plus sage.

C'est dans ce sens qu'est conçu l'amendement que je vais déposer sur le bureau.

« Article unique. Les articles 1er, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 de loi du 16 juillet 1846 et l'article 34 de la loi du 4 avril 1843, sont modifiés conformément aux dispositions suivantes :

« 1° Le droit d'accise est fixé à 48 fr. les 100 kilogrammes sur le sucre brut de canne et à 40 fr. sur le sucre brut de betterave ;

« 2° A l'avenir la décharge du droit d'accise sur le sucre raffiné de betterave ou de canne ne sera accordée que pour autant que tous les produits du raffinage soient livrés à l'exportation. .

« Les raffineries, dont les produits seront destinés à l'exportation seront placées sous le contrôle de l'administration, dont les agents constateront les quantités de chaque espèce de sucre obtenues du raffinage.

« La surveillance à exercer sur les raffineries de cette catégorie sera réglée par des arrêtés royaux. Ces arrêtés seront soumis à l'approbation des chambres dans l'année qui suivra leur mise à exécution. »

M. Delehaye. - Messieurs, la proposition que vient de vous faire l'honorable M. Mercier n'est plus l'expression de l'opinion de la section centrale ; c'est une proposition toute nouvelle ; je dirai même que c'est un système tout nouveau, puisque M. Mercier veut substituer au système admis jusqu'ici en Belgique le système anglais, c'est-à-dire le système du travail en entrepôt. Messieurs, il est impossible que nous établissions dans ce moment une discussion approfondie sur un système aussi important. Je demande donc que la proposition de l'honorable M. Mercier soit renvoyée à l'examen des sections.

Remarquez-le, messieurs, si vous adoptez le système de l'Angleterre, il faudra en subir les conséquences, c'est-à-dire que vous arriverez à l'empêchement complet de toute exportation de sucres. Voulez-vous établir un système qui empêche toute exportation de sucres, dites-le franchement ; il faut, quand on fait une proposition, faire voir toutes les conséquences qui peuvent en résulter.

Je n'examinerai pas, pour le moment, la question de savoir si le commerce des sucres n'a eu aucune influence sur nos exportations.

Je suis obligé de me renfermer dans ma motion. Je me borne donc à insister pour que la proposition de l'honorable M. Mercier soit soumise aux règles tracées par le règlement, et renvoyée aux sections.

M. Osy. - Messieurs, la proposition de la section centrale tend uniquement a remettre immédiatement en vigueur la loi de 1846, au lieu de ne la mettre en vigueur qu'au 1er juillet. Mais l'honorable M. Mercier nous fait une proposition toute nouvelle ; il vous demande d'admettre le système du raffinage en entrepôt. Je pense aussi qu'une pareille proposition doit être renvoyée aux sections.

(page 713) M. Cogels. - Messieurs, la proposition que vient de faire l'honorable M. Mercier, à l'occasion de celle de la section centrale, est une proposition tout à fait nouvelle, et dès lors, il me paraît qu'elle devrait passer par toutes les formalités exigées par le règlement, c’est-à-dire, qu'elle devrait d'abord être renvoyée aux sections, pour savoir si elles en autorisent la lecture. Je sais que cette formalité n'est pas d'une grande importance, parce que la lecture sera autorisée. Mais il est certain qu'il s'agit d'une proposition tout à fait nouvelle.

M. Mercier. - Messieurs, ma proposition rentre dans l'esprit du rapport de la section centrale.

La section centrale a été émue surtout par l'excessive diminution des produits. Elle a été convaincue qu'il était de son devoir de présenter à la chambre des propositions quelconques pour faire cesser au plus tôt un pareil état de choses.

Nous avons pensé que la proposition qui vous a été faite, par elle aurait pu être discutée avant le 31 décembre ; c'est pour ce motif que moi-même, membre de la section centrale, je me suis rallié à la proposition qui, au fond, n'était pas celle qui me paraissait la plus convenable.

Mais dans une discussion de la loi des voies et moyens, il dépend toujours de chaque membre de proposer une modification quelconque aux lois des recettes. C'est un droit qu'on ne peut nous dénier. L'application du droit est-elle susceptible d'être critiquée ? Je ne le pense pas.

En présence d'un résultat aussi désastreux que celui qui vous est signalé, en présence d'un produit qui ne rapporte pas la moitié de ce qu'il devrait donner, en présence d'un déficit dans nos finances, se peut-il que la chambre recule devant une semblable discussion ?

On dit que le système que je propose est compliqué. Mais il est tellement simple que chacun peut le comprendre. Le système qui n'est pas facile à comprendre est celui qui est en vigueur, qui a été discuté très souvent, celui de ces primes d'exportations, de ces combinaisons qu'il faut étudier avec soin pour s'en former une juste idée.

Mais le système qui établit une différence bien nette entre l'accise des deux espèces de sucre et qui ne permet la restitution des droits que lorsque tous les produits sont exportés ; ce système peut être compris de tout le monde. Quant à la question commerciale, nous l'avons souvent discutée dans cette enceinte. D'un autre côté, les faits que j'ai exposés, il vous est facile de les contrôler. Je ne sais donc pas pourquoi l'on n'aborderait pas la discussion.

D'ailleurs, messieurs, nous avons le droit de discuter notre proposition ; ce droit, nous l'invoquons. Nous sommes en réalité dans la discussion du budget des voies et moyens. Nous invoquons de plus la convenance qu'il y a de discuter la question. Nous sommes en présence d'un déficit que l'on veut combler par de nouveaux impôts, et dès lors il importe de tirer des sucres le plus de produits possible.

Ainsi, messieurs, je demande que l'amendement soit renvoyé à la section centrale du budget des voies et moyens. Si elle était renvoyée à toutes les sections il s'écoulerait trop de temps avant la discussion et il faut que le mal se prolonge le moins longtemps possible.

M. Malou. - Messieurs, dans la discussion incidente qui s'est ouverte au début de la séance, l'honorable rapporteur de la section centrale a protesté que son intention n'a pas été d'altérer les principes de la loi de 1846, mais qu'elle a voulu seulement rentrer immédiatement dans l'application de cette loi. Maintenant un honorable membre de la section centrale vient déclarer deux choses : d'abord que sa proposition est en harmonie avec l'esprit du rapport de la section centrale et, en second lieu, qu'il s'agit de substituer au système de la loi de 1822 et de la loi de 1846, un système entièrement nouveau. Il y a l'infini entre ces deux systèmes ; l'un est la négation de l'autre.

Le droit d'amendement de chaque membre de la chambre est incontestable ; mais, à côté du droit de chacun de nous, il y a le droit de la chambre, qui consiste à faire examiner toute proposition d'une manière approfondie.

On peut sans doute se livrer à un débat très sérieux sur le point de savoir si nous devons persister, à l'avenir, dans le système qui existe en Belgique depuis 1822, ou si nous ne devons admettre que le raffinage en entrepôt ; mais cette question doit être l'objet d'un mûr examen par chacun de nous. Or, si quelque chose démontre l'irrégularité du mode que l'on suit en ce moment, c'est la proposition de l'honorable M. Mercier. J'ai pris une large part à la discussion de la loi de 1846 ; je pourrais peut-être apporter quelques idées utiles dans la discussion actuelle, mais je déclare franchement à la chambre qu'il me serait impossible, en ce moment, de discuter le système de l'honorable M. Mercier, et je crois pouvoir dire, sans blesser aucun de mes honorables collègues, qu'un grand nombre d'entre eux doivent se trouver dans le même cas, dans l'impossibilité de se prononcer, avant l'instruction prescrite par le règlement, sur la substitution de ce système à celui qui existe aujourd'hui.

J'appuie donc la proposition de l'honorable M. Delehaye qui tend à renvoyer aux sections l'amendement de l'honorable M. Mercier (si amendement il y a), pour qu'elles discutent cette proposition toute nouvelle. Je demande ce renvoi en vertu du règlement de la chambre, et je fais remarquer que la présentation de cet amendement a prouvé qu'après avoir perdu beaucoup de temps nous arriverons nécessairement à un ajournement, c'est-à-dire à un examen comme le règlement le veut.

M. Loos. - J'appuie la proposition qui vous est faite du renvoi aux sections. Au début de cette discussion, lorsque l'honorable M. Verhaegen a proposé de vider d'abord une première question, celle de l'opportunité, l'honorable M. Mercier est venu vous dire : « Mais comment pourrait-il se faire qu'on ne fût pas préparé à la discussion ? Par les soins du gouvernement, tous les documents concernant la question des sucres ont été mis sous vos yeux ; d'un autre côté vous êtes saisis du rapport de la section centrale et la section centrale indique son système. La question a donc pu faire l'objet de vos études et vous devez être préparés aujourd'hui à la discuter ou vous ne le serez jamais. » C'est là, messieurs, en quelques mots, ce que l'honorable M. Mercier est venu nous dire. Mais, messieurs, si l'assemblée pouvait se trouver préparée à discuter la proposition de la section centrale, il est évident qu'elle ne peut pas se trouver préparée à discuter la proposition nouvelle qui lui est faite par l'honorable M. Mercier. Quant à moi, je me suis occupé aussi de la question des sucres, et j'avoue très humblement que je serais incapable de discuter aujourd'hui la proposition de M. Mercier. (Interruption.)

J'entends dire qu'on ne le demande pas, mais alors que l'on consente au renvoi aux sections.

Je crois, messieurs, qu'en définitive nous perdons notre temps, et qu'il faudrait décider avant tout s'il y a lieu de changer la loi de 1846 avant le terme fixé par la loi de 1847. Si nous décidons ce point, nous aurons terminé la question des sucres, au moins pour quelque temps, nous l'aurons terminée jusqu'au moment où le gouvernement nous aura soumis le projet qu'il doit présenter avant le 1er juillet prochain.

J'appuie de toutes mes forces le renvoi aux sections.

M. Mercier. - Messieurs, je ferai d'abord une observation sur ce qu'a dit en dernier lieu l'honorable M. Loos. Je n'ai pas indiqué à quelle époque mon amendement, s'il était converti en loi, serait mis à exécution. Je ne crois pas même que je m'opposerais à ce qu'il ne fût mis à exécution qu'au 1er juillet prochain.

J'arrive à la prétendue contradiction que l'honorable M. Malou a cru devoir signaler. Je prierai l'honorable membre de lire le rapport de la section centrale qui dit positivement ce dont je vais donner lecture :

« Si cependant les intentions de la majorité de la section centrale étaient méconnues, si des débats prolongés ne pouvaient être évités et que l'on cherchât à faire prévaloir l'opinion de l'honorable membre dissident pour retarder l'élévation du rendement jusqu'au 1er juillet 1848, comme il n'a pu entrer dans la pensée du gouvernement et des chambres de faire le sacrifice de la plus forte partie du produit de l'impôt ou de le compromettre presque intégralement, que même les intéressés ne pourraient avouer une telle intention de leur part, la majorité de la section centrale, qui a adopté l'amendement déjà indiqué, se réserve formellement d'y substituer, s'il y a lieu, une disposition qui, tout en maintenant le rendement actuel jusqu'au 1er juillet 1848, ainsi que toutes les dispositions de la loi du 17 juillet 1816, sauf la faculté d'apurer les prises en charge de l'accise sur le sucre jusqu'à extinction de la redevabilité, rétablirait, provisoirement du moins, et jusqu'à ce qu'on eût avisé à d'autres mesures, la réserve de 4/10 des prises en charge au profil du trésor. »

Remarquez bien, messieurs, qu'il s'agissait là d'une discussion qui devait avoir lieu avant le 31 décembre et que cela ne détruit nullement la faculté qui appartient à chaque membre de la chambre de présenter d'autres amendements. Mon but est uniquement de prouver que la section centrale ne se renfermait pas dans le cercle de cette seule proposition, qu'elle s'attendait au contraire à ce que d'autres propositions fussent faites.

Je pense donc que mon amendement peut très bien être renvoyé à la section centrale. L'honorable M. Loos objecte qu'on n'est pas préparé en ce moment à la discussion ; mais avant que la section centrale n'ait fait son rapport il s'écoulera quelques jours, et pendant ce temps on pourra se préparer. Evidemment le renvoi à la section centrale nécessite un ajournement de la discussion de mon amendement.

M. Lejeune. - Messieurs, deux honorables préopinants ont parlé de l'esprit qui a présidé aux travaux de la section centrale. J'ai dit, en répondant à un argument de l'honorable M. Malou, qu'il ne s'agissait pas, dans l'intention de la section centrale, et d'après ses propositions, d'improviser une nouvelle loi sur les sucres.

Je tiens à justifier ce que je disais alors. Voici dans quel esprit la section centrale a examiné la question. Elle a eu pour but d'assurer au trésor la rentrée de l'impôt sur les sucres ; elle a fait, à cette fin, une proposition formelle, la seule dont elle vous a saisis ; elle vous demande simplement de rentrer dans la loi du 17 juillet 1846. Elle a dit ensuite que si cette proposition devait soulever trop de difficultés, elle serait amenée à faire la proposition de la retenue des 4/10. Ce n'est pas là non plus improviser une nouvelle loi sur les sucres, ce n'est pas un système nouveau, et le système des retenues est bien connu en principe et en pratique.

Enfin la section centrale a dit que si le gouvernement avait à faire d'autres propositions, de nature à atteindre le but, c'est-à-dire le payement de l'impôt, la rentrée de trois millions, la section centrale appuierait ces propositions.

Maintenant l'honorable M. Mercier propose effectivement un autre système, qui n'a pas été examiné. Je pense que l'honorable membre est dans son droit ; mais d'un autre côté, je crois qu'on doit admettre aussi toute espèce d'examen à fond de ces propositions, renfermant un système nouveau. Je ne crois pas que la section centrale soit le moins du monde compromise dans la proposition qui est faite aujourd'hui, proposition qui ne lui a pas été soumise et qu'elle n'a pas examinée.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, l'honorable M. Lejeune vient de rétablir parfaitement les questions posées par la section centrale ; elle a voulu, avant tout, modifier l'article 4 de la loi du 16 mai 1847 ; et subsidiairement, en cas de la non adoption de cette modification, elle voulait, soit le rétablissement d'un certain nombre de dixièmes, soit la suppression de la limite fixant un maximum de rendement. La (page 714) section centrale s'en serait en outre rapportée à d'autres moyens à indiquer par le gouvernement ; celui-ci n'a, pour le moment, aucun moyen à indiquer ; son devoir est avant tout de faire produire à la loi du 17 juillet 1846 tous les effets que le législateur a entendu qu'elle produisît. Maïs si vous condamniez aujourd'hui cette loi, vous n'auriez jamais posé un acte législatif empreint d'un pareil caractère de précipitation ; car cette loi n'a pas reçu d'exécution complète, vous ne la connaissez pas je ne puis assez insister sur ce point.

Dans l'état actuel des choses,, le sucre de betterave n'est frappé que d'un droit de 30 francs (interruption) ou de 35 fr. c'est encore une question, qui sera résolue dans la discussion.

Ensuite, le sucre de canne en est toujours à son rendement de 68 ; nous ne l'avons pas modifié, nous ne pouvons pas le modifier. Puis cette loi a pris naissance dans des circonstances tout à fait exceptionnelles. Quand elle a commencé à être en vigueur, il y avait encombrement de sucre raffiné sur le marché intérieur par suite de la loi des 4 dixièmes de retenue ; l'exportation à l'étranger n'était plus possible faute de droits à la sortie. Cette masse de sucre est arrivée successivement et en peu de temps pour jouir de la restitution sans limites que la loi de 1846 autorise. Voilà pourquoi dans les premiers moments de la mise en vigueur de cette loi, nous avons fait d'assez belles recettes.

Eh bien, toutes ces circonstances réunies, que je pourrais développer davantage s'il ne s'agissait pas d'une proposition incidente, démontrent que la loi nouvelle n'a pas pu recevoir son exécution dans des circonstances normales. La modifier, ce serait aller infiniment trop vite.

Lorsqu'il s'est agi de la loi de 1843 qui était condamnée par tout le pays, dont les fabricants de sucre indigène et les raffineurs du sucre exotique ne voulaient plus, cette fois ils étaient parfaitement d'accord ; la mévente que l'on semble avoir oubliée aujourd'hui avait produit cet effet ; l'honorable M. Mercier persistait à dire : « Attendez donc ; on ne peut pas au bout de deux ou trois ans modifier une telle loi. » Aujourd'hui l'honorable M. Mercier demande que l'on modifie une loi qui, s'il m'est permis de m’expliquer ainsi, n'a pas fonctionné.

Messieurs, je suis convaincu que si l'on propose de modifier la loi de 1846, il faut que .la proposition passe par toutes les sections. Ce n'est pas à la section centrale, qui est la section centrale du budget des voies et moyens, qu'une pareille proposition peut être soumise ; il faut que tous les membres de la chambre soient appelés à l'examiner, car c'est un tout autre système. Or, sur ce terrain, le gouvernement n'est pas préparé à s'expliquer ; il aurait pu s'expliquer sur les 4/10, sur la suppression de la limite du rendement, mais non sur des modifications fondamentales à la loi de 1846.

J'appuie donc la demande qu'on a faite de renvoyer aux sections la proposition de l'honorable M. Mercier.

M. Mercier. - M. le président, je n'insiste plus sur le renvoi de ma proposition à la section centrale du budget des voies et moyens pour 1848.

M. de Mérode. - Si l'on veut .renvoyer aux sections, nous ne nous y opposerons pas, mais nous demandons qu'au moins ce renvoi ait lieu immédiatement, car nous avons besoin de voies et moyens. Toutes les raisons qu'a fait valoir l'honorable M. Mercier restent debout, et il est indispensable qu'on se presse, après avoir attendu si longtemps, tandis que la loi précédente a été renversée en un tour de main par la loi due à l'honorable M. Malou, alors ministre des finances, pour laquelle l'honorable membre conserve une espèce de sentiment de paternité-

M. de La Coste. - Messieurs, je ne crois pas que par cette proposition de l'honorable M. Mercier la discussion soit épuisée. Il y a plusieurs autres points à traiter ; des orateurs sont inscrits ; clore en ce moment les débats, ce serait peut-être ajourner indéfiniment la question. (Interruption.) Je crains fort que le renvoi aux sections d'une proposition d'un membre de cette chambre, au milieu d'une foule de projets importants qui nous sont annoncés par le ministère, que ce renvoi n'ait point un résultat prochain, immédiat. La proposition du moins ne sera pas égorgée séance tenante ; on l'examinera quand on en aura le temps ? Mais je ne vois pas qu'elle ait ici un résultat aussi direct qu'on paraît le supposer.

Or, nous sommes réunis, en vertu d'une résolution expresse de la chambre, pour traiter la question qui lui a été soumise par la section centrale du budget des voies et moyens. Il me semble donc qu'il faut continuer la discussion et prendre une décision sur la proposition de la section centrale.

M. Malou. - Messieurs, il faut s'entendre sur la portée du renvoi aux sections. On ne peut pas, ce me semble, placer deux industries nationales dans cette position, de décider aujourd'hui en principe qu'on modifiera plus tard la loi qui les régit, et de laisser la chambre saisie d'une autre proposition dont résulterait la possibilité d'une modification ultérieure dans quelques mois.

Remarquez-le, messieurs, ce ne serait pas seulement là de l'instabilité législative, ce serait quelque chose de pis ; une chose pour laquelle, selon l'expression d'un grand orateur, il n'y a de nom dans aucune langue.

Messieurs, vous devez décider la question des sucres d'une manière aussi stable qu'il est permis de l'espérer en Belgique où malheureusement les lois de cette nature ont trop d'instabilité.

Je demande donc que si la chambre prononce le renvoi de la proposition aux sections, ce renvoi emporte l'ajournement de la question des sucres, jusqu'à ce que les sections aient terminé cet examen.

Il doit en être ainsi. L'examen des faits le démontre. Vous décideriez, je le suppose un instant, qu'il y a lieu de rétablir les 4/10 à partir du 1er juillet : mais avant le 1er juillet, si les sections ont terminé l'examen de h proposition de l'honorable M. Mercier et si cette proposition est convertie en loi, vous aurez fait en même temps deux lois contradictoires sur les sucres. Il faut prendre une décision qui reste ; il ne faut pas s'exposer à l'éventualité presque certaine que je crois avoir fait toucher pour ainsi dire du doigt à tous les membres de cette chambre.

Il ne s'agit pas de savoir si on incline vers l'un ou l'autre des trois intérêts qui sont en jeu, mais de faire une loi que la chambre ; que le pays lui-même puisse considérer comme sérieuse.

M. de La Coste. - Je ne comprends pas la marche que l'honorable préopinant voudrait imprimer à la discussion. Il y a un amendement de l'honorable M. Mercier ; chacun de nous pourrait en présenter également et ces amendements pourraient être renvoyés aux sections sans qu'il y ait une décision de la chambre sur la proposition de la section centrale, qui n'est pas retirée. L'objet de la discussion, c'est la proposition de la section centrale et non l'amendement de M. Mercier qui n'est qu'une opinion individuelle.

Une autre question, d'ailleurs, avait été réservée et renvoyée à la présente discussion, c'est celle de savoir si pendant que la loi est suspendue quant au sucre exotique, son mécanisme doit continuer à opérer relativement au sucre indigène, de manière que le droit qu'il paie arrive d'abord à 34 et bientôt à 40 fr. J'avais quelques observations à faire sur cette question, mais je ne veux pas préjuger ce que j'aurai à dire, quand la motion d'ordre sera vidée. Je demande donc que la discussion continue jusqu'à ce qu'elle soit épuisée.

M. Osy. - Il me paraît impossible de continuer la discussion de la proposition de la section centrale ; il y a une proposition de M. Mercier dont on va prononcer, je crois, le renvoi aux sections. La première proposition est le retour à la loi de 1846, et celle de M. Mercier est l'abolition de cette loi.

(Erratum, p. 732) Si on propose de s’occuper de la question de savoir s’il faut réduire de 4 fr. le droit sur le sucre indigène, je ne m'y oppose pas ; mais continuer à discuter la proposition de la section centrale, cela ne nous conduira à rien ; car en l'adoptant, vous décideriez que dans quatre mois la loi de 1846 serait remise en vigueur, si en adoptant ensuite la proposition de M. Mercier, vous aboliriez cette loi. Je propose de suspendre la discussion de la proposition de la section centrale, de renvoyer celle de M. Mercier aux sections et de ne nous occuper que de la réduction du droit sur le sucre indigène.

M. de Mérode. - Messieurs, depuis bien longtemps on a rappelé notre attention sur la question des sucres. Maintenant que la discussion est ouverte, on aurait dû laisser parler les orateurs inscrits ; rien ne presse tant aujourd'hui pour qu'on veuille empêcher les membres qui ont demandé la parole de présenter leurs observations ; je ne comprends pas qu'on veuille étrangler cette question ; elle a une très grande importance ; le gouvernement se propose de demander de nouveaux impôts, nous devons examiner si nous ne pouvons pas les éviter en faisant produire aux matières imposables reconnues telles, tout ce qu'on peut leur demander. Quand le ministère viendra faite ses propositions, on lui dira : . La question des sucres n'est pas vidée, attendons, avant d'établir de nouveaux impôts, que nous sachions s'il n'est pas possible de retirer de l'impôt sur le sucre plus qu'on ne retire aujourd'hui. La discussion ne peut pas nuire, elle ne peut être qu'utile ; je demande qu'elle continue.

M. Dolez. - J'engage l'honorable M. Mercier à retirer la proposition qu'il a faite, afin qu'elle ne serve plus de prétexte pour demander l'ajournement d'une question qu'il importe de résoudre. Dans un pays où l'on demande au sel de produire beaucoup, c'est un devoir pour chacun de ne pas souffrir que le sucre produise peu ou plutôt presque rien. C'est là une question véritablement urgente. Si la pensée émise par l'honorable M. Mercier peut être la cause d'une demande d'ajournement, je fais appel à l'intérêt qu'il porte au trésor public, pour l'engager à retirer sa proposition. Libre à lui de la reproduire par les voies tracées par le règlement, s'il le croit utile ; mais, quant à présent, ce que je pense qu'il importe de faire, c'est de se renfermer dans la question posée par la section centrale, que je considère comme ayant un caractère impérieux d'urgence.

M. Dechamps. - Je comprends très bien la raison pour laquelle l'honorable M. Mercier a fait la proposition qui a été soumise à la chambre. L'honorable membre s'était rallié à la proposition primitive de la section centrale, celle d'élever le rendement avant le 1er juillet, et subsidiairement de changer le système de la loi de 1846, en revenant à la retenue des quatre dixièmes. C'est au nom de l'intérêt du trésor public, dans le but d'accroître la recette jusqu'au chiffre de 3 millions, que la section centrale a fait cette proposition. Comme l'honorable M. Mercier a étudié avec soin le mécanisme de la loi et qu'il en comprend la portée, il s'est aperçu que, si on maintenait la proposition d'en revenir à la retenue des 4 dixièmes, il nous serait facile de démontrer que le but financier qu'on se propose ne serait pas atteint, que la recette, avec la retenue des quatre dixièmes, et au milieu des circonstances actuelles, aurait été moindre que celle qui a été obtenue par la loi de 1846. C'est pour cela que l'honorable M. Mercier, appréciant parfaitement la question, a cru prudent de faire une nouvelle proposition, proposition exclusivement fiscale, la seule logique dans les idées où il s’est placé.

Je laisse à l'honorable membre le soin d'examiner s'il veut maintenir sa proposition ou s'il veut la retirer. S'il maintient sa proposition, il est de toute évidence, l'honorable M. Dolez l'a compris, qu'elle entraîne (page 715) l'ajournement de toute la question. En effet, mon honorable ami M. Malou vous l'a dit, et on n'a pas répondu à cette observation : Que voulez-vous que la chambre décide en présence du renvoi de la proposition de M. Mercier aux sections ? Elle adoptera ou elle rejettera la proposition de la section centrale ? Or, que fera-t-elle en adoptant ou rejetant cette proposition ? Elle aura rejeté virtuellement la proposition de M. Mercier que vous renvoyez cependant à l'examen des sections. En effet, si vous décidez que la loi de 1846, modifiée temporairement par la loi de 1847, sera maintenue, vous repoussez et la proposition de la section centrale et celle de M. Mercier ; si vous adoptez la proposition de la section centrale, l'élévation immédiate du rendement, ou la retenue forcée de 4/10, système tout autre que celui de M. Mercier, vous adoptez une loi nouvelle que vous avez déclarée mauvaise en 1846 et vous rejetez encore une fois celle de M. Mercier. La discussion ne peut donc aboutir qu'à un non-sens.

Vous voyez donc que toutes ces questions sont corrélatives.

Je dis et je répète que, si l'honorable M. Mercier maintient sa proposition, il est évident qu'il est nécessaire d'ajourner la discussion tout entière, parce que la discussion n'aboutirait à aucun résultat sérieux.

M. de Corswarem. - Je voudrais bien ardemment pouvoir faire payer par les différents sucres la somme de 3,000,000 de francs que nous voulons leur faire produire, et dont le trésor a un si grand besoin. Mais puisque la majorité de la chambre me paraît partager l'opinion du cabinet qu'il n'y a pas lieu à revenir sur la loi du 16 mai 1847, suspensive de la partie des effets de la loi du 17 juillet 1846, qui garantissait au trésor la rentrée des 3 millions, je n'insisterai pas pour que la loi soit appliquée de manière à assurer la recette de ces trois millions ; mais je demanderai que les deux industries soient traitées de la même manière, qu'il y ait égalité de procédés envers l'une comme envers l'autre, contrairement à ce qui existe aujourd'hui, en attendant que la chambre puisse discuter un nouveau système, soit celui que vient de présenter l'honorable M. Mercier, soit tout autre à présenter par le gouvernement ou à provenir de l'initiative de l'un ou l'autre membre de cette chambre.

La loi du 17 juillet 1846 stipule, à l'article 4, que la décharge de l'accise à l'exportation sera réduite de 1 fr. par chaque 100,000 fr. de déficit que les recettes laisseront sur la somme de 3 millions, fixée comme minimum exigé des sucres.

L'article 5 stipule que le droit d'accise sur le sucre de betterave sera augmenté de 2 fr. par chaque 100,000 kil. produits au-delà de la quantité de 3,800,000 kil. Ainsi la décharge devait être diminuée si les recettes ne produisaient pas 3 millions de francs, et l'accise sur le sucre de betterave devait être augmentée si la production dépassait 3,800,000 kil.

Les recettes n'ont pas atteint 3 millions de francs et cependant la décharge n'a pas été réduite.

La production du sucre de betterave a dépassé 3,800,000 kil.,et le droit a été augmenté.

Les deux industries n'ont donc pas été traitées de la même manière, puisqu'on n'a pas diminué la décharge dont jouissait le sucre exotique, tandis qu'on a augmenté le droit dont était frappé le sucre indigène. C'est pour faire cesser cette inégalité que je propose, par amendement, de décider que les effets de l'article 5 de la loi du 17 juillet 1846 sont suspendus pour tout le temps pendant lequel les effets de l'article 4 de la même loi ont été ou seront suspendus ; c'est-à-dire qu'aussi longtemps que la décharge sur l'exportation du sucre ne diminuera pas, on n'augmentera pas le droit d'accise sur le sucre indigène.

J'ai été surtout conduit à vous présenter cet amendement, lorsque j'ai entendu M. le ministre des finances dire qu'il s'agissait de décider si les droits sur le sucre de betterave resteraient à 30 fr., ou seraient portés à 34 fr. Mon amendement a pour but de faire décider cette question. Si vous adoptez mon amendement, il est décidé que le droit sur le sucre de betterave reste fixé à 30 fr. ; aussi longtemps que les effets de l'article 4 ne seront pas appliqués à l'exportation du sucre exotique.

Il y a ici quelque chose d'essentiel à vous faire observer, c'est qu'en maintenant l'augmentation de l'accise sur le sucre indigène, vous n'augmentez en rien les ressources du trésor ; car les raffineurs, en achetant le sucre de betterave, se font céder les crédits, et les apurent par l'exportation. C'est ce qui est déjà arrivé ; car d'après les documents qui nous ont été distribués, nous voyons que le cinquième des sucres raffinés à Gand ont été des sucres de betterave. Cela me fait espérer que pourvu que l'industrie de la betterave puisse se développer, les Gantois deviendront aussi « betteravistes » que qui que ce soit. Ci-devant ils ne raffinaient que du sucre de canne. Aujourd'hui 1/5 de tout le sucre raffiné par eux est du sucre de betterave. L'année prochaine ils en raffineront davantage, et si la progression continue pendant deux ans, les trois cinquièmes de ce qu'on y raffinera seront du sucre de betterave, c'est-à-dire plus que de sucre exotique.

J'espère qu'alors les Gantois mettront autant de talent et de zèle à défendre le sucre de betterave qu'ils en mettent aujourd'hui à défendre le sucre exotique. Mais c'est une question dont il faut laisser la solution à l'avenir.

M. le président. - J'ai dû donner la parole à M. de Corswarem qui l'avait demandée pour développer un amendement. Maintenant nous devons rentrer dans la discussion de la proposition de renvoi aux sections. La chambre jugera si l'amendement de M. de Corswarem doit être joint à la proposition de M. Mercier.

M. Delehaye. - J'ai demandé le renvoi aux sections de la proposition de l'honorable M. Mercier. Il va de soi que la proposition qui vient d'être faite doit suivre la même filière. Je ferai observer que les propositions sur lesquelles la section centrale a émis une opinion doivent subir le même sort.

La proposition qui vient d'être faite porte un cachet bien plus étrange que toutes celles qui ont précédé. L'honorable M. de Corswarem propose de statuer, non pas pour l'avenir seulement, mais encore pour le passé. Il demande que les effets de la loi soient suspendus pour le passé ; c'est-à-dire que tout ce que le trésor a obtenu du chef de la betterave serait restitué à ceux qui l'ont payé. L'honorable M. de Corswarem dit que sa proposition est un amendement à la loi des voies et moyens, et cet amendement diminuerait les revenus du trésor. Cependant c’est dans l'intérêt du trésor qu'on demande que la loi soit modifiée ! N'est-ce pas une inconséquence !

Il est vrai que la raffinerie gantoise opère sur une grande quantité de sucre de betterave. Si je ne consultais que les intérêts de ma localité, je me joindrais aux défenseurs de la betterave. Mais je considère cette industrie comme une véritable calamité. Tou tce qui arrive, je l'avais prédit. J'avais dit que le trésor ne percevrait rien. La proposition de l'honorable M. Mercier aurait les mêmes conséquences. Vous poursuivez une chimère ; vous voulez la coexistence des deux sucres ; c'est une chimère en présence de l'intérêt du trésor. Je l'ai dit il y a 4 ans. L'événement prouve que j'avais raison.

Je demande le renvoi de toutes les propositions à la section centrale.

M. Mercier. - Messieurs, je ne puis accéder au désir exprimé par l'honorable M. Dolez ; je le puis d'autant moins que nous ne sommes en présence d'aucune autre proposition qui aurait, selon moi, une portée efficace.

Mais je ferai remarquer que la proposition de l'honorable M. de Corswarem est tout à fait indépendante de la mienne ; rien n'empêche donc de la discuter immédiatement. Quant à l'amendement que j'ai déposé, j'espère que l'examen qui s'en fera dans les sections sera sérieux et approfondi. Je compte au besoin sur notre honorable président pour convoquer les sections, de manière que l'examen de ma proposition ne soit pas ajourné comme on en a exprimé la crainte.

Revenons à la proposition de l'honorable M. de Corswarem. Je le répète, elle rentre tout à fait dans l'esprit des propositions de la section centrale, au point de vue de l'équité, et elle peut être immédiatement discutée.

M. le président. - M. Mercier persistant dans sa proposition, je dois mettre aux voix son renvoi en sections.

- Ce renvoi est ordonné.

M. le président. - Vient la proposition de M. de Corswarem. Faut-il en continuer la discussion ou la renvoyer aux sections ? Voilà la question à examiner.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, la question soulevée par l'amendement de l'honorable M. de Corswarem a déjà subi un examen ; elle l'a subi au sein de la section centrale.

Cette section, admettant l'hypothèse du rejet de sa proposition tendant à abroger l'article 4 de la loi du 16 mai 1847, s'est demandé si alors il n'y aurait pas lieu, en équité, d'admettre la réclamation qui vous est adressée par M. Ista, au nom des fabricants de sucre indigène. La réponse a été affirmative. L'honorable M. Lejeune a très bien exposé la question dans un travail supplémentaire à son rapport sur le budget des voies et moyens.

Permettez-moi, messieurs, de rappeler comment les choses se sont passées, au mois de mai dernier.

Lorsque mon honorable prédécesseur, M. Malou, crut qu'il y avait des motifs de prolonger la suspension de l'élévation du rendement jusqu'en 1848, il ne s'était pas encore rendu compte du chiffre exact de la production du sucre de betterave. D'après mes renseignements, et ici je me permets de faire un appel à l'honorable membre et de le prier de vouloir bien donner quelques explications à ce sujet, s'il avait su que le sucre de betterave produisait des quantités suffisantes pour que le droit fût porté à plus de 30 fr., pour qu'il fût frappé d'une augmentation de 4 fr. comme cela a eu lieu, mon honorable prédécesseur aurait très probablement demandé à la législature de suspendre, pour le même terme, l'élévation de l'accise sur le sucre indigène.

Il l'aurait demandé, toujours d'après les principes qui l'avaient guidé dans la présentation et la discussion de la loi de 1846. Lorsqu'il l'a défendue, il s'est constamment efforcé, adoptant la coexistence des deux industries, de les faire marcher de pair sur des lignes en quelque sorte parallèles.

Il n'a pas voulu que l'un obtînt une faveur sans que l'autre en obtînt une également, que l'un subît une charge sans que l'autre en subît une équivalente. Dans ces mêmes principes, s'il avait été connu qu'il fallait pour le sucre indigène produisant au-delà de 3,800,000 kil. une suspension de l'élévation de l'accise, mon honorable prédécesseur serait très probablement, je le répète, venu vous la demander. En d'autres termes, il vous eût proposé la suspension de l'article 5 de la loi du 17 juillet 1846, comme il vous a proposé la suspension de l'article 4.

C'est dans cette situation que les choses se présentent. J'en juge d'après ce qui m'a été dit et d'après les pièces que j'ai eues sous les yeux.

Je pense donc que l'amendement de M. de Corswarem n'a pas besoin d'être soumis à l’examen des sections, qu'il peut être imprimé et distribué, et que la chambre pourra statuer en connaissance de cause, après avoir entendu quelques explications à ce sujet.

M. Malou. - Je demande la parole.

(page 716) M. le président. - Vous opposez-vous à ce que l’amendement de M. de Corswarem soit maintenu en discussion ?

M. Malou. - Je voudrais expliquer les faits. Je crois qu'il importe à la chambre de savoir comment les faits se sont passés.

M. le président. - Sans doute, M. Malou. Mais si personne ne s'oppose à ce que l'amendement soit examiné, vos explications pourront venir dans la discussion.

- La chambre, consultée, décide que la proposition de M. de Corswarem ne sera pas renvoyée aux. sections.

M. le président. - On a fait la proposition de faire imprimer et distribuer cette proposition et de la mettre à l'ordre du jour de demain.

M. Dechamps. - Il me semble qu'il y a une lacune dans la décision que la chambre vient de prendre. On a discuté la question de savoir si la proposition de l'honorable M. Mercier serait renvoyée aux sections ; cette question a été résolue affirmativement.

Je demanderai si cette décision n'emporte pas naturellement et logiquement l'ajournement des propositions de la section centrale ? J'ai compris qu'en renvoyant aux sections l'amendement de M. Mercier, on ne laissait en discussion que la proposition de l'honorable M. de Corswarem, qui en effet est indépendante des questions que nous avons examinées tout à l'heure. Mais j'entends contester autour de moi cette portée du vote de la chambre. Il est bon qu'on s'explique pour qu'il 'n'y ait pas de malentendu.

Pour moi je propose à la chambre de se borner à discuter demain la proposition de l'honorable M. de Corswarem, qui a été examinée par a section centrale, et qui est indépendante des autres.

M. Dubus (aîné). - Messieurs, si lorsque vous avez discuté la loi de 1847, le gouvernement vous avait dit : Cette loi ne produira ses effets que dans trois ou quatre ans. Il faut lui laisser le temps de produire ses effets. Entre-temps l'impôt sur le sucre, qui est porté au budget des voies et moyens à trois millions, ne vous donnera en 1847 que douze à treize cent mille francs. Ce même impôt duquel vous espérez obtenir 3 millions au moins, ne vous donnera en 1848 que 1,500,000 francs, et vous n'aurez pas même les 3 millions en 1849 ; mais attendez, et peut-être un jour vous aurez ces 3 millions et au-delà. Si le gouvernement vous avait tenu ce langage, vous auriez dit sur-le-champ, à l'unanimité : Nous ne voulons pas de cette loi de 1847, nous ne voulons pas créer le gouffre du déficit, gouffre qu'il faudra combler en faisant un appel à l'impôt. Cette loi ne nous convient pas. Et vous l'auriez rejetée.

Messieurs, cette supposition que je faisais tout à l'heure se présente aujourd'hui. Dès lors qu'est-ce que vous avez à faire ? Ce que vous avez à faire, c'est de modifier, et aussi vite que possible, cette mauvaise loi de 1847. Vous ne sauriez la modifier trop tôt ; sinon vous ouvrez le gouffre du déficit.

Voilà le sentiment qui a dominé la section centrale. Ses propositions sont la conséquence de ce sentiment que vous devez partager tous.

Ainsi, messieurs, n'ouvrez pas le gouffre du déficit. Modifiez aussitôt que possible cette mauvaise loi de 1847, et de manière que vous obteniez pour 1848 les 3 millions qui nous ont été promis. Voilà, messieurs, la Véritable question.

Mais, dit-on, il sera fait d'autres propositions qui changeront radicalement le système, et alors vous arriverez à cet inconvénient de toucher deux ou trois fois à cette loi. Eh, messieurs, on y a déjà touché 7 ou 8 fois. Déjà on a fait 5 ou 6 lois sur les sucres, parce que l'on a toujours poursuivi le but d'obtenir de cette accise un produit qui répondît aux vœux du pays et aux besoins du trésor, et tant qu'on n'a pas atteint ce but, il a bien fallu recommencer le travail. Un honorable membre de cette chambre a soumis un nouveau système, d'autres membres pourront modifier ce système, d'autres propositions pourront surgir, qui demanderont un assez long examen ; mais est-ce une raison pour ne pas frapper un objet soumis à l'accise qu'il est urgent de faire produire ? est-ce une raison pour ne pas lui faire produire en 1848 les 3 millions qui sont déjà portés au budget des voies et moyens ? Quand vous avez voté le budget des voies et moyens, vous avez porté le produit de l'accise sur le sucre à 3 millions. Eh bien, c'est un mensonge, car vous n’aurez que l,500,000fr. si vous ne modifiez pas la loi.

Il suffit, messieurs, de l'opinion d'un membre de la chambre appuyé par cinq de ses collègues, pour qu'une proposition soit renvoyée aux sections ; mais il ne suffit pas de l'opinion d'un membre de la chambre appuyé par cinq de ses collègues pour arrêter immédiatement les travaux de l'assemblée. C'est donc une erreur de dire que parce qu'en renvoie aux sections la proposition de l'honorable M. Mercier, la chambre doit suspendre l'examen des questions qui lui sont soumises. Que les sections examinent la proposition de M. Mercier ; mais en attendant nous sommes saisis de la proposition de la section centraient nous devons continuer à l’examiner.

Je m'oppose donc de toutes mes forces, au nom de l'intérêt public, au nom de l’intérêt du trésor, à l'ajournement de la proposition de la section centrale.

M. Mercier. - Messieurs, je partage entièrement l'opinion de l'honorable M. Dubus. Ma proposition est indépendante de toute autre proposition qui pourrait être soumise à la chambre, mais elle l’est surtout de la proposition de la section centrale comme de celle de l'honorable M. de Corswarem. En effet, la proposition de la section centrale ne modifie qu'une loi transitoire, celle de 1847 ; ma proposition, au contraire, tend à substituer d'une manière définitive une législation nouvelle à la législation qui existe actuellement. Il me semble donc, messieurs, que rien ne peut dispenser la chambre de discuter la proposition de la section centrale.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, indépendamment des raisons qu'on peut faire valoir pour le maintien en discussion de la proposition de la section centrale, il en est une que le gouvernement doit mettre en avant et à laquelle il tient particulièrement. La section centrale propose à la chambre de suivre une marche qui, peut la conduire très loin ; la section centrale pose à la chambre cette grave question de savoir si une législature peut défaire, à quelques mois de distance, un engagement solennel pris par une législature précédente, A ce point de vue, il importe de maintenir en discussion la proposition de la section centrale. Je crois qu'il faut que la chambre arrête des règles précises à cet égard ; il faut que le pays soit averti de notre jurisprudence parlementaire. Pour mon compte, je crois qu'il n'est pas possible, sans faire descendre d'un degré les chambres législatives dans la considération publique, qu'il n'est pas possible d'adopter le système dans lequel la proposition de la section centrale nous entraînerait et pour cela, messieurs, pour qu'on ne soit pas tenté d'y revenir dans la suite, et de produire de semblables propositions dans des circonstances analogues, il faut que la chambre, par un vote solennel, confirme ce qu'elle a décidé à la fin de la session dernière.

Messieurs, ce n'est pas nous qui avons proposé la suspension de la loi de 1846. Si nous avions été ministre j'ignore si nous serions venu proposer cette suspension ; pour ma part, je n'y ai point poussé l'ancien ministère, mais enfin, à tort ou à raison, cette suspension existe, elle est consacrée par un vote solennel des chambres, les industries et le commerce ont continué leurs opérations dans la confiance que cette loi leur permettrait de vivre jusqu'à l'époque du 1er juillet 1848. Eh bien, messieurs, une proposition, contraire à la décision de la chambre, étant émanée de la, section centrale, il importe, comme antécédent parlementaire, que la chambre se. prononce. A ce point de vue donc, nous demandons le maintien en discussion de la proposition de la section centrale.

- La chambre consultée décide que la proposition de la section centrale est maintenue en discussion.

La séance est levée à 4 heures 3/4.