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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 28 janvier 1848

(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 657) - M. de Villegas procède à l'appel nominal à midi et un quart.

M. T’Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Villegas communique à la chambre l'analyse des pièces qui lui sont adressées.

« Plusieurs habitants de Bruxelles demandent qu'il soit fait des économies dans les dépenses de l'Etat. »

- Renvoi à la commission des pétitions et dépôt sur le bureau pendant la discussion des budgets.


« Plusieurs habitants de la commune de Pailhe prient la chambre de rejeter le projet de loi relatif au droit de succession. »

« Même demande de plusieurs habitants de Perwez et Gœsne et d'autres communes de la province de Namur. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet.


« Le sieur Adam, maître de poste du relais de Furnes, prie la chambre d'allouer au budget des travaux publics une somme sur laquelle il puisse lui être accordé une indemnité, ou de modifier la loi sur la poste aux chevaux. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.


M. Fallon, retenu chez lui par une indisposition, s'excuse de ne pouvoir assister aux séances de la chambre.

- Pris pour information.


M. Dechamps demande un congé de quelques jours par suite de la perte qu'il vient de faire d'un membre de sa famille.

- Accordé.


M. de Breyne, retenu chez lui par des affaires de famille, demande un congé.

- Accordé.


Il est fait hommage à la chambre, par M. Vleminckx, inspecteur générai du service de santé, du premier cahier d'une publication mensuelle faite par le corps du service de santé de l'armée, sous le titre : « Archives de médecine militaire. «

- Dépôt à la bibliothèque.

Rapport sur une pétition

M. Dubus (aîné). - Messieurs, par une pétition datée de Courtray du 29 décembre dernier, plusieurs négociants de cette viile se plaignent de la concurrence que leur fait un conducteur des ponts et chaussées, et demandent qu'il soit interdit à ces fonctionnaires d'exercer, soit par eux-mêmes, soit par leurs épouses, un commerce quelconque.

N'ayant pris qu'hier connaissance de cette pièce, la commission des pétitions n'a pu se procurer les renseignements nécessaires pour vérifier l'exactitude des faits avancés par les pétitionnaires ; toutefois cette requête ressortissant au département des travaux publics, dont le budget est en ce moment en discussion, elle a cru devoir vous en saisir immédiatement.

Sans vouloir préjuger la question soulevée par les pétitionnaires, la commission croit qu'il est de l'intérêt de l'Etat, comme de la dignité des fonctionnaires publics, que ceux-ci ne puissent faire aucun commerce ni par eux-mêmes, ni par leurs épouses. Elle estime néanmoins que cette prohibition ne saurait s'étendre indistinctement à tous les fonctionnaires, plusieurs d'entre eux n'ayant pas un traitement qui puisse suffire à leurs besoins et à ceux de leur famille.

D'après les déclarations du gouvernement, le corps des ponts et chaussées doit subir une nouvelle organisation. Votre commission pense que ce sera alors le moment de régler d'une manière générale les questions relatives à cet objet. Elle vous propose donc, messieurs, le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics, après la discussion du budget de ce département.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des travaux publics

Rapport de la section centrale

M. Rousselle. - J'ai l'honneur de déposer le rapport sur la demande de crédit supplémentaire de 1,300,000 fr. pour le département des travaux publics.

M. le président. - Le rapport sera imprimé et distribué. A quelle époque la chambre veut-elle en fixer la discussion ?

M. Osy. - Après le budget des travaux publics.

M. Delfosse. - J'appuie la proposition, mais il y a deux autres rapports sur des demandes de crédits supplémentaires du département des travaux publics qui ont été déposés et qui sont imprimés et distribués ; je demande qu'ils soient également mis à l'ordre du jour après les objets qui y figurent déjà.

M. de Corswarem. - Après le budget des travaux publics, nous devons avoir la question des sucres ; cette question a déjà été remise plusieurs fois ; il me paraît que le temps est arrivé de la discuter, d'autant plus que de cette discussion doit résulter un grand accroissement de ressources pour le trésor public. Je demande que l'ordre du jour soit maintenu et que la discussion des rapports dont on vient de parler n'ait lieu qu'après celle de la question des sucres.

M. Delfosse. - C'est ce que j'ai demandé ; j'ai demandé que les crédits supplémentaires, sur lesquels des rapports ont été faits, soient mis à l'ordre du jour après les objets qui y sont déjà.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi sur le tarif des droits que peuvent percevoir les consuls

Rapport de la section centrale

M. Osy. - J'ai l'honneur de déposer le rapport sur le projet de loi concernant les consulats.

M. le président. - Ce rapport sera imprimé et distribué.

M. Delfosse. - Ce projet est assez urgent ; il est présenté depuis deux ans ; comme je pense qu'il ne donnera lieu qu'à une discussion de quelques minutes, on pourrait en fixer la discussion après le budget des travaux publics.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l'exercice 1848

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ponts et chaussées. Bâtiments civils. Canaux. Rivières. Polders. Ports et côtes. Personnel des ponts et chaussées

Section III. Services des canaux et rivières, des bacs et bateaux de passage
Article 14

« Art. 14. Service de la Meuse dans le Limbourg, entretien et travaux d'amélioration, charges ordinaires : fr. 50,000

« Charges extraordinaires : fr. 100,000.

« Ensemble : fr. 150,000. »

- Adopté.

Article 15

« Art. 15. Service de la Dendre, entretien et travaux d'amélioration, charges ordinaires : fr. 10,000

« Charges extraordinaires : fr. 700.

« Ensemble : fr. 10,700. »

M. Van Cleemputte. - Je le sais, messieurs, et la réponse faite par M. le ministre des travaux publics à la section centrale l'indique suffisamment, tant que le délai accordé à la société concessionnaire du canal de Jemmapes ne sera pas expiré, il n'y a pas de probabilité que le gouvernement s'occupe sérieusement des travaux que réclame impérieusement la Dendre. Mais, messieurs, d'un côté ce délai n'est pas loin de sa fin, d'un autre côté il est tellement certain aujourd'hui que la société concessionnaire ne pourra pas exécuter ses engagements, que l'on peut dès à présent appeler utilement l'attention de M. le ministre des travaux publics sur ce qu'il y aura à faire quand l'éventualité dont je viens de parler se sera accomplie.

Une chose, messieurs, qui est certaine, c'est qu'on ne peut laisser la vallée de la Dendre dans l'abandon, dans l'oubli où elle est restée jusqu'à présent. On ne le peut, ni en bonne équité, ni en saine politique.

Messieurs, la vallée de la Dendre est une des contrées les plus populeuses du pays, et elle se distingue par l'excellence de sa culture, par la supériorité de ses terres ; il n'en est pas en Belgique qui, toute proportion gardée, contribue pour une part plus grande aux charges générales de l'Etat. Voilà pour le présent.

Que si l'on veut retourner, reporter ses regards en arrière, et se reporter aux temps antérieurs à la péréquation cadastrale, eh bien ! l'inégalité de la répartition de la contribution foncière n'a pesé nulle part plus lourdement que sur le pays d'Alost.

Il est vrai, messieurs, qu'à cette époque, la prospérité y régnait comme dans les Flandres en général, et qu'elle nous permettait de porter une part proportionnellement très grande dans les charges publiques.

Aussi doit-on le dire, les Flandres se sont alors montrées grandes et généreuses et plus tard elles se sont contentées de l'espèce de réparations même tardive et imparfaite que la loi de péréquation leur a donnée. Les sacrifices autrefois faits par les Flandres sont donc un motif pour que le gouvernement et les chambres se montrent aujourd'hui généreux envers nous.

Heureusement, messieurs, et j'ai hâte de le dire, les sentiments du gouvernement et des chambres sont aujourd'hui tels que nous pouvons les souhaiter.

Le gouvernement a dit : Il faut sauver les Flandres ! et ce cri a trouvé de l’écho sur tous les bancs de cette assemblée. Oui, messieurs, nous vous trouvons aujourd'hui tels que nous (page 658) méritons de vous trouver, et c'est à cause de cela que je me permettrai d'indiquer, quant aux localités que j'ai plus spécialement l'honneur de représenter, quelques-uns des moyens qui puissent nous aider pour le présent et nous sauver pour l'avenir.

Messieurs, c'est une banalité de vous dire ce qui est cause de notre détresse actuelle. Vous le savez tous, messieurs, c'est la ruine d'une industrie unique qui répandait partout, sinon la richesse, du moins l'aisance. Eh bien, à cela quel est le remède ? La réponse n'est douteuse pour personne : substituer des industries nouvelles à l'industrie déchue.

Mais que faut-il pour qu'une industrie quelconque puisse prospérer ? Il faut qu'elle se trouve dans des conditions telles qu'elle puisse soutenir ta concurrence.

Or, messieurs, dans le district d'Alost toute concurrence est impossible avec les industries similaires établies dans des localités plus favorisées. Le défaut de voies de communication promptes et économiques nous exclut forcément de toute chance de succès.

Pour parler de la ville d'Alost, ville autrefois si industrieuse et si commerçante, eh bien ! si les circonstances dans lesquelles elle se trouve placée depuis l'établissement du railway se continuaient, il est sûr que toute industrie, tout commerce y deviendraient impossibles. Aussi, plusieurs sources importantes de son antique prospérité se sont-elles taries, et à chaque instant des maisons importantes émigrent vers les villes que le railway a favorisées.

Heureusement, quant à ce qui concerné Alost et ses environs, le moment n'est pas loin où ils seront tirés de leur isolement. Nous en avons pour garant l'engagement formel pris par M. le ministre des travaux publics et les sentiments suffisamment connus de la majorité de cette chambre.

Mais, messieurs, cet acte de justice n'est pas le seul auquel nous ayons droit et que nous attendions de l'équité du gouvernement et du pays.

Une rivière importante, la Dendre, traverse le district d'Alost dans toute sa longueur. Nous ne pousserons pas l'exigence jusqu'à réclamer que l'on construise le canal latéral que vous avez voté ; mais nous demanderons que vous amélioriez ce qui existe à présent, et que l'on s'occupe une fois enfin sérieusement des travaux qui doivent rendre notre rivière vraiment navigable, et restituer aux propriétés riveraines la valeur que le mauvais écoulement des eaux leur a enlevée.

Si l'on ne se résout pas à cela, qu'on ne songe pas à extirper chez nous le paupérisme ; car toute grande industrie nous est interdite. Nulle part, en effet, la houille ne coûte plus cher que dans le district d'Alost, et pourtant nous ne sommes qu'à une petite distance des bures d'extraction.

Or, je n'ai pas besoin de vous le dire, sans la houille, ce grand agent de l'industrie moderne, toute participation à la production sur une grande échelle est impossible. Il faut donc, messieurs, que le cours de la Dendre soit amélioré, si vous voulez que la vie rentre dans la belle contrée que traverse cette rivière.

Il le faut encore, messieurs, sous un autre point de vue très important.

Les prairies qui bordent la Dendre seraient des plus productives du pays, si des travaux bien entendus permettaient l'écoulement opportun des eaux. Malheureusement il n'en est pas ainsi, et des propriétés considérables sont aujourd'hui rendues presque improductives. Une pétition signée par plus de 20 bourgmestres de notre arrondissement et déposée sur le bureau en fait foi, et cette pétition constate de plus que cet état de choses si fâcheux pour les riverains de la Dendre n'existe que depuis que cette rivière est devenue le domaine de l'Etat.

Voilà pourquoi, messieurs, je demanderai formellement que M. le ministre des travaux publics veuille s'occuper le plus tôt possible de faire examiner quelles sont les améliorations dont la Dendre est susceptible sans que cela doive entraîner des frais trop considérables, et je le prierai, quant aux études à faire, bien entendu, de ne pas m'opposer la fin de non-recevoir qu'il a tirée de la non expiration du délai accordé, à la société concessionnaire du canal de Jemmapes à Alost. En effet, il est certain aujourd'hui que cette société ne s'exécutera pas. Que M. le ministre des travaux publics veuille nous donner cette satisfaction peu dispendieuse, et nous aurons l'espoir que justice nous sera enfin rendue.

Messieurs, pendant que j'ai la parole, je vous demanderai la permission de dire quelques mots qui auraient dû trouver leur place dans la discussion générale et que j'aurais dites alors, si le Moniteur d'avant-hier nous avait fourni le compte rendu complet de la séance de la veille.

Un de nos honorables collègues, qui représenté le même district que moi, a parlé du chemin de fer de la Dendre. Je me rallie à ce qu'il a dit à cet égard et je n'y ajouterai rien, car toute discussion me paraît, vu la situation financière, inopportune et prématurée. Toutefois, je crois nécessaire de demander une chose, c'est que M. le ministre des travaux publics veuille bien s'engager à faire faire par un ingénieur du l'Etat une étude consciencieuse du railway de la Dendre, des ressources qu'il ne peut manquer d'offrir, et que le résultat de cette étude soit rendu public. Je demanderai de plus que, vu la connexion intime qui existe entre le railway de la Dendre et celui de Bruxelles à Gand, par Alost, l'ingénieur distingué qui a fait le remarquable rapport sur ce dernier chemin de fer, soit aussi chargé du rapport sur le chemin de fer de la Dendre.

Si M. le ministre des travaux publics accède à ce vœu que je regarde comme très légitime et qui est certainement très modéré, j'ai la conviction (et cette conviction, je pourrais, au besoin l'étayer de chiffres, de données certaines), j'ai la conviction, dis-je, qu'il sera alors établi que le chemin de fer de la Dendre sera infailliblement un des plus productifs du pays. Or, du moment qu'il n'y aura plus de doute à cet égard, il est certain que la crise financière étant passée, et grâce à la prime d'un million que le cautionnement permettra de donner, le chemin de fer de la Dendre trouvera de nouveaux et, cette fois, de sérieux concessionnaires.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - L'honorable préopinant a demandé deux choses au gouvernement : la première, de faire faire des études relativement à la rivière de la Dendre ; la seconde, de faire faire des études sur le chemin de fer de la vallée de la Dendre. Quant à la rivière de la Dendre, je pense qu'il existe au département des travaux publics un grand nombre d'études tout à fait complètes ; notamment les travaux qui auraient dû être exécutés en rivière, ont fait l'objet d'une étude approfondie. On a substitué à ce projet de travail en rivière un projet de canal latéral, qui est celui qui a fait l'objet d'une concession. Je ne crois pas qu'il y ait, sous le rapport des études, quelque chose à faire. Mais on ne peut rien maintenant, quant au canal ; il est concédé et il existe à cet égard une contestation entre les concessionnaires et le gouvernement.

Il serait inopportun, ce me semble, de dépenser des fonds pour faire de grandes améliorations jusqu'à ce qu'on soit bien convaincu que l'on ne parviendra pas à faire exécuter le canal latéral.

Quant au chemin de fer, je présume qu'avant de le concéder des études suffisantes auront été faites. Je suis d'autant plus porté à le croire qu'à l'appui de la demande de concession et depuis la concession il a été produit des plans pour lesquels il a fallu des études préalables. Je m'enquerrai, au surplus, de ce qui a été fait ; mais je ne puis prendre aucun engagement. Je parle avec cette réserve, parce que les études de ce genre absorbent des sommes considérables.

M. Van Cleemputte. - Je m'en rapporte volontiers aux dispositions bienveillantes de M. le ministre des travaux publics. Cependant je me permettrai de lui faire observer que s'il y a des études faites relativement au chemin de fer de la Dendre, jusqu'à présent il n'a pas, que je sache, été fait d'évaluation des produits probables de ce chemin de fer. Les chambres l'ont voté sans examen approfondi, et pour un très bon motif : c'est qu'alors, on était sûr de trouver des concessionnaires, pour quelque concession de railway que ce fût. C'était, du reste, aux sociétés à calculer les chances plus ou moins avantageuses que pouvait présenter une entreprise.

Aujourd'hui, messieurs, il n'en est plus de même. Les capitaux ne s'engagent plus qu'à bon escient, et si l'on veut qu'ils affluent vers une concession quelconque, il faut qu'il soit bien établi que la concession sera productive. Voilà, messieurs, ce que je tiens à faire constater, quant au chemin de fer de la Dendre, et voilà pourquoi je demande un rapport fait par un homme compétent.

M. le ministre m'objecte la dépense que cela devrait entraîner. Mais, messieurs, cette dépense ne me paraît pas pouvoir entrer en ligne de compte avec le résultat qu'elle peut produire, et il me paraît qu'on pourrait la prélever, sans inconvénient, sur le cautionnement d'un million, dont le gouvernement se trouve nanti, cautionnement qui doit, autant que possible, servir à procurer l'exécution du railway auquel il a été affecté.

M. Desaive. - Les observations qui viennent d'être présentées abrégeront singulièrement celles que je me proposais de faire et que j'avais annoncées à la chambre.

J'appellerai d'abord votre sérieuse attention sur l'importance de la Dendre qui a bien du malheur, il faut, en convenir, car depuis deux siècles on est convenu de la canaliser.

En 1846, Philippe roi d'Espagne, duc de Bourgogne, l'avait déjà décrété, en concédant à un bourgeois d'Ath l'autorisation, moyennant un droit de péage, de rendre la Dendre navigable jusqu'à Termonde.

En 1640, le 18 février, le gouvernement belge en a pris possession. Depuis lors, on a fait des promesses dont aucune ne s'est réalisée. Il est bon cependant que les promesses de ce genre reçoivent leur exécution dans un espace de temps plus ou moins rapproché.

S'il suffit d'un projet plus ou moins sérieux pour retarder la construction d'une voie navigable aussi importante que la Dendre, ce serait un moyen fort simple d'ajourner des travaux d'une haute utilité. En effet il suffirait d'une demande, d'une ligne tracée sur une carte pour faire ajourner indéfiniment une voie de communication dont l'utilité ne peut être contestée.

La Dendre arrose une des vallées les plus fertiles de la Belgique. Des localités importantes, Ath, Lessines, Grammont, Ninove, Alost, Termonde, ont un intérêt immense à voir améliorer une navigation qui est excessivement mauvaise. Toutes les populations de ces localités sont intéressées, au point de vue agricole comme au point de vue industriel, à ce qu'on apporte des améliorations à cette rivière.

Lorsque l'honorable M. Dechamps tenait le portefeuille des travaux publics, il a eu aussi quelques velléités de bon vouloir en faveur de l'amélioration de la navigation de cette rivière, si l’on doit en croire la démonstration qu'il a faite et qui a consisté à planter quelques jalons dans le voisinage de la ville d'Ath. Mais ces jalons sont restés comme souvenir du passage de cet honorable membre aux travaux publics et on n'a rien fait pour la Dendre ! Continuera-t-on encore le même système d'abstention ?

(page 659) Aujourd'hui on demande pour cette rivière 10,700 fr. Il faut convenir que cette somme est absolument trop minime. L’honorable ministre des travaux publics vient de nous dire qu'avant d'entreprendre quelque chose de sérieux, il faut attendre la solution de la question relative au cautionnement pour le canal de Jemmapes à Alost et pour le chemin de fer de la vallée de la Dendre.

J'espère que cette solution ne se fera pas longtemps attendre. Mais toujours est-il qu'une dépense de 40,700 fr. pour une rivière qui devrait contribuer si puissamment à la production et à la distribution des richesses dans les localités qu'elle parcourt, est hors de proportion avec l'utilité de cette rivière, avec l'utilité qu'elle pourrait acquérir.

On estime, dans les voies et moyens, les revenus annuels de la Dendre à 22,000 francs, et on demande, pour améliorer le cours d'une rivière qui, quoique dans un état pitoyable, rapporte 22,000 francs, on demande 10,700 francs. C'est beaucoup, direz-vous. Mais pour d'autres rivières (et toutes-ont une importance immense sous le rapport de la richesse du pays), pour d'autres rivières et notamment pour la Meuse, on fait des dépenses bien autrement considérables. Ainsi au budget actuel on nous demande pour la Meuse 370,000 fr.

Depuis plusieurs années on travaille à cette rivière et je serais curieux devoir le chiffre de ce que la Meuse a coûté. Mais toujours est-il qu'en comparant le chiffre de 10,700 francs au chiffre de 370,000 fr., on devrait trouver une plus grande différence dans les rapports. Or, la Dendre produit le quart de ce que rapporte la Meuse au trésor public. La Dyle et le Denier, pour lesquels on demande aujourd'hui une somme considérable (je suis loin de m'en plaindre), ne rapportent que 3,000 fr.

J'ai l'espoir, messieurs ; que la question relative au cautionnement du chemin de fer de la vallée de la Dendre recevra une prompte solution et qu'alors nous verrons le gouvernement s'occuper de cette question d'une manière sérieuse et efficace. Quant à moi, je voudrais, si l'on se décidait à saisir le cautionnement, qu'il fût employé à améliorer le cours de cette rivière.

L'importance agricole et commerciale de la Dendre m'engage à réclamer des travaux d'amélioration profitables, en attendant sa prompte canalisation, que je ne me lasserai pas de demander comme un acte de justice et de réparation.

- Le chiffre de 10,700 francs est mis aux voix et adopté.

Article 16

« Art. 16. Rupel. Travaux : fr. 110,540. »

M. de La Coste. - Messieurs, je lis dans le rapport de la section centrale une réponse du gouvernement à la demande d'une section. Il y est dit :

« Une demande de concession d'un pont à établir sur le Rupel entre les communes de Boom et de Petit-Willebroeck, a été soumise à une enquête, dans la province d'Anvers, conformément aux dispositions de l'arrêté royal du 29 novembre 1836. Les pièces de l'enquête viennent d'être transmises au conseil des ponts et chaussées, chargé de rédiger le cahier, des charges pour la mise en adjudication publique de cette concession. »

Messieurs, ce projet cause d'assez vives inquiétudes. Je ne dis pas qu'un pont ne doive pas être construit, bien qu'il fût préférable pour la navigation, que l'on conservât un autre moyen de passage d'eau. Mais M. le ministre des travaux publics, par les faits qui ont été sous ses yeux, sait mieux que personne quelle influence la construction de ponts exerce sur la navigation. Le pont des Arches, le pont de la Boverie, le pont récemment construit par la société du chemin de fer de Liège à Namur, sont autant d'exemples des dangers que peut entraîner, pour la navigation, la manière dont un pont est construit. Je pense donc que M. le ministre des travaux publics donnera une attention particulière aux dispositions qui seront faites, car la navigation du Rupel est très importante ; c'est le débouché de la navigation de plusieurs de nos villes.

L'enquête qui a été faite dans la province d'Anvers ne doit nullement rassurer, parce que dans la province d'Anvers, c'est l'intérêt du pont qui doit s'exprimer le plus hautement, tandis que c'est la province de Brabant qui a le plus grand intérêt dans la navigation du Rupel.

Je désirerais qu'il fût possible de ne pas exécuter le pont, de pourvoir par d'autres moyens aux besoins du passage. Mais il paraît que déjà un arrêté du 29 novembre 1846 a plus ou moins décidé la question ; dans tous les. cas, je prierai M. le ministre des travaux publics de vouloir bien fixer son attention la plus spéciale sur la construction de ce pont, et sur les moyens de prévenir les dangers qui pourraient en résulter pour la navigation.

- L'article est adopté.

Article 17

« Art. 17. Dyle et Demer. Entretien et travaux à faire pour obvier aux inondations de la vallée du Demer, charge ordinaire : fr. 13,000.

« Charge extraordinaire : fr. 100,000.

« Total : fr. 113,000. »

M. de La Coste. - Messieurs, une section a demandé l'état indicatif des dégâts occasionnes par les inondations du Demer ; M. le ministre des travaux publics a répondu qu'il s'était adressé pour cet objet au département des finances et qu'il donnerait communication de la réponse qui lui serait faite. Je ne pense pas que cette communication ai encore eu lieu. Quoi qu'il en soit, le but de cette demande dans les sections avait été de faire voir le grand intérêt, même pécuniaire, qu'il y a, pour l'Etat, à prendre des mesures contre les inondations du Demer, qui ont causé de très grands dommages et nécessité des indemnités fort considérables.

Une autre demande a été adressée au gouvernement par les sections, ou plutôt on avait rappelé un engagement pris par le gouvernement l'année dernière. Il s'agit, messieurs, à l'égard du Demer, comme à l'égard de toutes les autres rivières, de deux points : de prévenir les inconvénients des inondations pour les propriétés et d'utiliser les cours d'eau pour la navigation. Quant au second point, il est indispensable d'améliorer sous ce rapport le cours du Demer ; ce débouché est d'une grande importance ; non seulement pour les propriétés voisines, mais encore pour les houillères du Hainaut et de la province de Liège, par la liaison qui pourrait exister entre cette navigation et toutes celles que nous établissons ; mais de plus pour les intérêts financiers de l'Etat, à raison de la grande économie qui résulterait de cette navigation, pour les matériaux qui servent à la construction des fortifications de Diest. Cette navigation cependant est maintenant dans un état tout à fait déplorable.

Il y a deux projets d'amélioration : l'un est la canalisation du Demer, l'autre un canal latéral. Ces deux projets ont chacun ses partisans, auraient probablement chacun des avantages, Nous avions demandé dans la session dernière, à M. le ministre des travaux publics, de présenter un travail comparatif sur ces deux moyens d'amélioration et défaire connaître sa pensée à cet égard. La chambre pourrait ainsi apprécier les conséquences de ces deux moyens, quant aux résultats utiles et quant à la dépense, ainsi que les vues du gouvernement. Il est temps, en effet, que le gouvernement prenne un parti ; car enfin voici maintenant ce qui se passe :

On a employé des sommes déjà assez considérables, quoique peut-être insuffisantes, à diminuer le danger des inondations. Mais en quoi ces travaux consistent-ils ? Ils consistent en digues qui n'ont aucune influence sur la navigation ; ils consistent encore à redresser le lit et à l'élargir, c'est-à-dire à accélérer l'écoulement des eaux, à conserver moins d'eau dans ledit de la rivière, et cela dans un lit plus large, où un même volume d'eau, par conséquent, atteint un niveau plus bas.

Ainsi, ces travaux, qui sont utiles aux propriétés, ne le seraient pas à la navigation, s'ils devaient se borner là.

La navigation doit, à son tour, exciter la sollicitude du gouvernement. Il faut qu'on se décide, ou bien à faire le canal latéral, ou bien à établir des barrages ou plutôt des écluses qui retiennent les eaux et, ainsi utilisent pour la navigation les travaux déjà faits et en cours d'exécution.

M. le ministre des travaux publics, dans la session dernière, s'était engagé à présenter à la chambre un travail comparatif à ce sujet. Ce n'est pas là un engagement conditionnel, subordonné au concours de la chambre, car il s'agissait d'un objet purement administratif. Ce n'est pas non plus un engagement pris par la personne, qui était assise au banc ministériel avant l'honorable ministre actuel, vis-à-vis d'un membre de cette chambre ; c'était un engagement pris par le gouvernement vis-à-vis des populations qui sont intéressées dans la question.

Messieurs, il est d'autant, plus urgent que le gouvernement s'occupe de cet objet, qu'il y a dans tous les travaux un enchaînement logique, qui ne peut échapper à la chambre. Le gouvernement paraît avoir l'intention d'achever le canal de la Campine dans la direction d'Anvers. C'est là certainement un travail utile ; nous aurons plus tard à examiner la question d'opportunité et celle des moyens ; mais ce n'est pas là l'objet principal du canal de la Campine : c'était l'objet principal à une autre époque, à une époque où je m'en suis occupé moi-même et où il s'agissait de mettre en communication Anvers avec Liège ; mais depuis ce temps a été créée la ligne du chemin de fer qui atteint ce but. Ce n'est donc plus l'objet principal.

Quel a été l'objet principal ? La fertilisation de la Campine. Pour atteindre ce but, il faudra s'occuper particulièrement de l'embranchement vers Hasselt, parce que là on rencontrera les terrains arides que les eaux pourront fertiliser ; mais quand vous arriverez à Hasselt, vous aurez porté un coup funeste à une autre ville, la ville de Diest, car Diest et Hasselt sont en concurrence pour les distilleries ; en changeant les conditions de la concurrence, vous la rendrez impossible ou difficile pour la ville de Diest. Si vous vous intéressez également à l'une et à l'autre ville, vous êtes conduits à ne pas vous arrêter à Hasselt (l'honorable M. de Corswarem voudra bien reconnaître qu'en exposant les faits, je fais apprécier l'utilité des communications à établir) ; vous devez aller plus loin ; vous devez aller à Diest, et poursuivre cette voie navigable de manière à la mettre en relation avec tout notre système de navigation intérieure ; vous devez du moins améliorer la navigation du Demer en aval de Diest, pour que cette ville ne demeure pas isolée et ne soit pas placée dans un état d'infériorité relative.

Je prie M. le ministre de vouloir bien remplir la promesse faite, non par M. de Bavay à M. de La Coste, mais par le gouvernement à la ville de Diest et aux territoires environnants.

M. de Theux. - Malgré l'apparence d'opposition qui peut exister entre Diest et Hasselt, d'après ce que vient de dire l'honorable M. de La Coste, je me joins à lui pour réclamer la canalisation du Demer, pour que cette rivière soit en communication avec le système de navigation établi par les canaux de la Campine.

(page 660) Je pense qu'au moyen du crédit qui va être volé on pourrait pourvoir à l'écoulement des eaux du Demer jusqu'à Diest. Mais il y aura des travaux à faire entre Diest et Hasselt où de grandes inondations se sont manifestées depuis quelques années et ont causé des dégâts considérables.

Je ferai observer que la rivière du Demer n'a été déclarée navigable que jusqu'à Diest, ville qui se trouve à l'extrême frontière de la province de Brabant. Cependant elle continue à être navigable dans la province de Limbourg jusqu'au moulin de Lummen, à moitié chemin de Diest à Hasselt.

Sous l'empire, à l'époque où l'on a fait le tableau des rivières navigables, l'administration n'a pas eu une connaissance suffisante des faits ou n'a pas trouvé l'objet assez important ; mais elle a négligé de faire déclarer navigable cette partie du Demer.

Il serait important que M. le ministre voulût charger l'ingénieur à qui est confié le service du Demer, de faire l'étude des travaux nécessaires pour assurer l'écoulement des eaux entre Hasselt et Diest. C'est un point important, les travaux à faire seraient peu considérables ; pour qu'il n'y ait pas d'interruption dans l'exécution, je prierai M. le ministre de faire faire les études le plus promptement possible, de manière à être en mesure de pétitionner, au budget prochain, les fonds qui lui seront nécessaires.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - L'honorable M. de La Coste, appuyé par l'honorable M. de Theux, signale au gouvernement comme importants des travaux de canalisation qui devraient absorber des sommes très considérables. L'honorable M. de La Coste, insistant sur le nécessité d'exécuter ces travaux, a soin d'exprimer des réserves quant aux moyens de faire face à la dépense. S'il est jugé que des travaux de cette nature peuvent être opérés, le gouvernement devrait soumettre en même temps à la chambre et les voies et moyens d'exécution et les projets de travaux à exécuter, et je suppose que l'honorable membre n'adopterait point les travaux en refusant les moyens d'y faire face. Je ne sais jusqu'à quel point mon honorable prédécesseur aurait pris des engagements pour des études à faire sur des travaux comparatifs, et jusqu'à quel point ils devraient être tenus par moi.

J'examinerai volontiers les observations qui ont été présentées par l'honorable M. de La Coste ; je verrai s'il est possible d'y faire droit, mais je ne me crois en aucune façon tenu à faire dresser des plans et des devis comparatifs entre les projets indiqués par l'honorable membre et ceux qu'on exécute ou dont on pourrait poursuivre l'exécution.

L'honorable M. de Theux a demandé que le gouvernement fît étudier les travaux qu'il faudra exécuter au Demer entre Diest et Hasselt. Il a en outre fait remarquer que le Demer n'était pas déclaré navigable dans tout son parcours, qu'il ne l'était que jusqu'à l'extrémité du Brabant, tandis qu'il l'est encore dans une partie de la province du Limbourg ; je donnerai des instructions aux ingénieurs chargés de cette partie des travaux pour reconnaître ce qui en est exactement.

Quant aux travaux à faire au Demer pour remédier aux inondations, un grand nombre de projets ont déjà été soumis au gouvernement, moins par ses agents que par des particuliers intéressés. Souvent on a réclamé, je suis bien loin de dire que ce soit sans raison, contre les inondations qui, dans les années pluvieuses, mettent, pendant une partie de l'année, une grande quantité de terres excellentes sous l'eau.

J'ai pu me convaincre en parcourant ce pays que cet état de choses est très fâcheux. Le gouvernement ne négligera pas cet objet. Jusqu'ici il n'y a rien à proposer ; ce sont des observations dont le gouvernement doit tenir note.

J'avais oublié de répondre à une autre observation de l'honorable M. de La Coste. Il a dit que les travaux qu'on fait actuellement au Demer ne sont faits qu'en vue de remédier aux inondations et qu'on n'apporte pas d'amélioration à la navigation ; je crois que cet honorable membre est dans l'erreur, les travaux exécutés ont à la fois pour but de faciliter la navigation et de remédier aux inondations. Les digues qu'on fait mettent obstacle aux inondations et permettent d'établir des chemins de halage, ce qui est très important pour la navigation.

Ces résultats sont obtenus, et j'ai lieu de croire, par les documents qui m'ont passé sous les yeux, qu'ils ont été généralement appréciés et approuvés.

M. de Corswarem. - Ainsi qu'on vient de le dire, il y a deux questions à traiter au sujet du Demer. il y a d'abord celle de l'écoulement des eaux ; il y a ensuite la question de navigation. Le plus pressé est l'écoulement des eaux.

On doit commencer par dégager ce pays des inondations ; on ne doit pas le laisser se noyer. Après cela, on pourra voir s'il est plus utile de construire un canal latéral que de canaliser la rivière même. Ces inondations causent les plus grands dégâts dans la vallée en amont de Diest, contenant 1,400 hectares de prairies de terre de première qualité. En 1845, toute cette vallée a été inondée en un jour. Il y a eu 150,000 fr. de dégâts.

Il y a donc là une question de conservation de propriétés et il y a là une question de salubrité publique. Les fièvres tierces sont endémiques dans cette contrée. Les moyens d'écoulement sont très difficiles. L'écoulement s'opère avec une très grande lenteur et la vallée n'est souvent pendant plusieurs mois qu'un véritable marais dont les exhalaisons empoisonnent tous les environs.

Je ferai remarquer que le gouvernement ne sera jamais dans l'obligation d'améliorer le cours du Denier jusqu'à Hasselt même ; il ne doit l'améliorer que jusqu'à l'endroit où il a été navigable, c'est-à-dire jusqu'à Lummen, et je ne puis assez engager M. le ministre à porter au budget de 1849 le crédit nécessaire pour y parvenir.

Au-delà de ce point, le Demer coule dans la partie la plus basse de la vallée et le plus souvent les inondations sont plutôt bienfaisantes que malfaisantes pour les pâturages de la vallée. Je ne pense pas que le gouvernement doive s'en mêler.

Quant à la différence de position que la construction de l'embranchement du canal de la Campine jusqu'à Hasselt ferait aux distilleries de Hasselt et de Diest, nous ne devons pas nous y arrêter. Ces distilleries vont bien aujourd'hui ; quand il y aura plus de moyens de transport, elles iront encore mieux. Les distillateurs des deux villes s'entendent maintenant, ils s'entendront encore mieux alors.

La différence qu'il y aura, c'est que quand l'embranchement du canal de la Campine sera construit jusqu'à Hasselt, les houilles pourront y arriver de Liège par eau.

Si l'on construit un canal latéral au Demer de Diest à Hasselt, les houilles du Hainaut viendront faire concurrence à celles de Liège sur le marché de Hasselt et celles de Liège iront faire concurrence à celles du Hainaut sur le marché de Diest.

Je trouve donc que les avantages sont réellement égaux des deux côtés.

Puisque j'ai la parole, j'anticiperai sur la discussion du canal de la Campine dont on a déjà parlé.

Le ministère de la guerre a fait de très grandes dépenses pour fortifier la ville de Diest.

On conçoit que les dépenses n'auraient pas été à beaucoup près aussi considérables si les travaux de canalisation avaient été faits jusqu'à Diest, avant que les travaux de fortification ne fussent commencés. On aurait transporté les matériaux à bien meilleur compte. Si mes renseignements sont exacts, beaucoup de bâtiments au camp de Beverloo devront être reconstruits d'ici à peu de temps. On a fait des adjudications pour je ne sais combien de millions de briques pour travaux à exécuter en 1848. Lorsque les constructions du camp de Beverloo seront terminées, on commencera l'embranchement du canal qui doit traverser le camp, c'est-à-dire qu'on commencera cet embranchement lorsqu'il ne pourra plus servir directement aux transports pour compte de l'Etat même. Le transport des matériaux, s'il pouvait se faire par le canal, aurait diminué considérablement les frais.

Je crois donc que ce serait une bonne économie de commencer par la construction de cet embranchement jusqu'au camp de Beverloo.

Les briques qui se font aujourd'hui dans les bruyères, qui sont médiocres et coûtent cher, pourraient être remplacées par des briques de Boom, qui valent mieux et dont le prix n'est pas aussi élevé.

Cette économie pourra s'élever jusqu'au quart et peut-être même jusqu'au tiers des frais de construction de l'embranchement du canal jusqu'au camp.

Une autre considération, c'est que si l'on construisait le canal jusqu'à Beverloo, on se trouverait dans les terrains où M. l'ingénieur Bidault a découvert des minerais de fer assez riches pour pouvoir être exploités. Il a fait à ce sujet un rapport qui a été inséré dans les Annales des travaux publics, et qui a sans doute déjà été lu par plusieurs honorables membres.

J'engage donc M. le ministre des travaux publics à faire étudier cette question, d'autant plus que cette partie du canal, traversant exclusivement des bruyères, se trouve à un niveau tel, qu'elle n'exige la construction que d'une seule écluse. Il y a cela de remarquable que le premier bief de la section vers Beverloo, puis le premier bief du canal de la Campine et celui du canal de Bois-le-Duc ont le même niveau ; de manière qu'il ne faudra qu'une seule écluse pour construire cette section jusqu'au camp de Beverloo.

Il y a encore la question de savoir si l'on ne pourrait pas utiliser les militaires disciplinaires qui sont au camp pour concourir à ces travaux. Il y a là plusieurs questions très intéressantes que je recommande à toute l'attention de M. le ministre.

M. de La Coste. - Je répondrai par deux observations à celles qu'a faites M. le ministre des travaux publics. La première, c'est que les paroles prononcées par l'honorable prédécesseur de M. le ministre sont insérées au Moniteur, où chacun peut s'assurer de l'exactitude de mon assertion. La seconde, c'est que si les chemins de halage importent à la navigation, c'est quand la navigation a lieu, c'est quand il y a de l'eau.

Or pour qu'il y eût de l'eau il faudrait des écluses. Le Demer est une rivière assez rapide ; l'eau y est retenue par les écluses de certains moulins, notamment du moulin d'Aerschot, qui ne la laisse écouler que certains jours. Cela forme un régime fort imparfait ; il ne peut être amélioré que par des barrages ou des écluses.

Il s'agit d'examiner s'il convient d'exécuter ces barrages, ces écluses, ou de faire un canal latéral. C'est un travail à ce sujet qui nous avait été promis, et il peut être fait sans engager la décision de la chambre, ni même celle du gouvernement.

Dans tous les cas, ce cours d'eau devrait être amélioré au même titre que l'ont été les autres voies navigables, au titre de la reprise qui en a été faite dans ce but par le gouvernement.

- L'article 17 est mis aux voix et adopté.

Article 18

« Art. 18. Senne. Travaux à faire pour obvier aux inondations (page 661) de la vallée de la Senne. Loyer d'une maison pour l'éclusier de Vilvorde : fr. 29,250. »

- Adopté.

Article 19

« Art. 19. Canaux de Gand à Ostende. Entretien et travaux d'amélioration : fr. 96,584 58 c. »

M. Lejeune. - Messieurs, une des mesures les plus utiles, les plus fécondes en bons résultats, c'est la reprise des canaux par le gouvernement. Il serait curieux de voir un tableau analytique de tous les travaux exécutés et de tous les bons effets qu'ont produits ces travaux depuis la reprise des canaux.

Nous votons annuellement des sommes assez considérables pour l'amélioration du régime des canaux et. rivières, et si l'allocation de ces fonds était contestée, la meilleure manière de la justifier, ce serait de rendre compte et des dépenses faites dans le passé et des bons effets que doivent produire ces dépenses.

Ces dépenses, ces améliorations sont utiles à toutes les sources de la fortune publique, à l'agriculture, à l'industrie et au commerce. Je ne puis qu'engager le gouvernement à continuer dans cette voie et à reprendre les canaux qui ne sont pas encore repris. Il faut qu'il y ait unité de vues dans l'administration des voies navigables tant au point de vue des intérêts de la navigation, qu'à celui de l'écoulement des eaux, en faveur de l'agriculture.

Les canaux de Gand à Ostende sont de ceux que le gouvernement a repris il n'y a pas longtemps.

Le canal d'Ostende a déjà subi cette influence bienfaisante. Il est considérablement amélioré, depuis qu'il est entre les mains de l'administration centrale.

Le canal de Gand à Bruges n'a pas encore subi cette influence. Mais on peut espérer que son tour viendra également.

En prenant la parole, j'ai eu principalement pour objet de faire remarquer à M. le ministre des travaux publics qu'un canal qui est, en quelque sorte, une dépendance du canal de Gand à Bruges, n'a pas été repris jusqu'ici. Je veux parler de la Lieve. Je demanderai à M. le ministre qu'il veuille faire aussi cette reprise. S'il n'y voyait pas d'obstacle, je demanderais qu'il le fît par le budget même.

Il faut remarquer qu'il ne s'agit pas d'un chiffre. Ce serait seulement le principe qui serait adopté. Ainsi on n'aurait qu'à ajouter au libellé : Canaux de Gand à Ostende et canal de la Lieve. Le gouvernement entrerait ainsi purement et simplement dans la position où se trouve la province ; la dépense prévue au budget provincial pour 1848 ne s'élève qu'à un millier de francs, et cette dépense est couverte par le revenu.

Messieurs, j'insiste sur ce point pour plusieurs motifs. D’abord le conseil provincial de la Flandre orientale a fait au gouvernement la demande que ce canal fût repris ; et c'est une conséquence en quelque sorte logique de la reprise déjà faite du canal de Bruges. En second lieu, tant qu'on reste dans l'incertitude à l'égard de ce canal, on n'y fait pas tous les travaux qu'il réclame. Au moyen de quelques dépenses peu considérables (et je le répète, je ne demande pas qu'on les impute sur l'exercice actuel), on pourrait opérer un très grand bien et pour la navigation entre Gand et Eecloo, et aussi pour les terres riveraines qui sont souvent exposées à des inondations.

J'oserai invoquer la sollicitude de M. le ministre pour un autre motif ; c'est que la reprise du canal serait une mesure favorable à la ville d'Eecloo.

On a souvent parlé, messieurs, d'accorder quelques faveurs, quelques compensations à des localités qui non seulement ne profilent pas des grands travaux publics exécutés dans l'intérêt général du pays, mais qui même y perdent beaucoup.

Messieurs, nous aurons peut-être dans d'autres circonstances l'occasion de revenir sur cette question. Mais je puis dire, et d'honorables collègues pourraient le confirmer, que la ville d'Eecloo, loin d'avoir profilé de tous les grands travaux qui s'exécutent, n'a fait qu'y perdre. Ainsi, non seulement elle ne profite pas du chemin de fer, mais le chemin de fer l'a complètement privée des moyens de communication qu'elle possédait. Ce sont les bonnes communications, on ne cesse de le dire, qui sont la vie de l'agriculture, du commerce et de l'industrie. Eh bien, messieurs, avant la construction du chemin de fer, toutes les relations entre Bruxelles et Ostende avaient lieu par Eecloo. Or, savez-vous à quoi les habitants de la ville d'Eecloo en sont réduits ? Lorsqu'ils doivent se rendre à Bruges, à cinq lieues de distance, il faut qu'ils se rendent à Gand. C'est-à-dire qu'ils doivent commencer par s'éloigner de leur destination de quatre lieues, pour prendre alors le chemin de fer et se rendre à Bruges. Les moyens de communication qui existaient en grand nombre entre Eecloo et Bruges, avant la construction du chemin de fer, ont cessé.

Je ne veux pas, messieurs, insister davantage sur ce point. Je le recommande spécialement à M. le ministre des travaux publics ; et s'il n'y voyait pas de graves inconvénients, je l'engagerais à vouloir faire en principe la reprise du canal de la Lieve par le budget même.

Messieurs, je vous demanderai la permission de dire un mot sur un autre point.

J'ai vu par le Moniteur que parmi les travaux à faire sur le haut Escaut, en exécution de la loi de 1840, M. le ministre des travaux publics a cité l'établissement d'un barrage en amont d'Audenarde. Ces travaux, messieurs, vont s'exécuter ; c'est une affaire purement administrative, la chambre ne doit plus y intervenir. C'est pour ce motif que je désire en dire un mot avant l'exécution.

Les 300,000 fr. votés pour le haut Escaut l'ont été, si je me souviens bien de l'esprit qui a dicté cette disposition, ont été surtout pour débarrasser le plus promptement possible la vallée de ses eaux surabondantes. Je suis étonné que, pour arriver à un but semblable, il soit question de recourir à un nouveau barrage. Un barrage sur l'Escaut, ou, pour m'expliquer plus clairement, l'augmentation du nombre des barrages actuellement existant sur l'Escaut, ne me paraît pas un moyen d'activer l'évacuation des eaux. Je crains que cette mesure, qui va absorber la plus grande partie du crédit de 300,000 fr., ne soit ou inutile ou nuisible pour l'écoulement des eaux.

Je comprends les barrages du moment qu'ils sont réclamés pour faciliter la navigation. Du moment qu'il y a manque d'eau dans un bief, il faut le partager pour y conserver les eaux. Or, depuis l'établissement du barrage d'Autryve, je crois que la navigation n'a nullement besoin d'un nouveau barrage ; les rames de bateaux descendent facilement d'Autryve à Audenarde.

Outre que le barrage dont il s'agit ne serait pas utile, il aurait pour inconvénient d'imposer une nouvelle charge à la navigation, de lui imposer une charge permanente. J'ai toujours pris la défense des intérêts agricoles, quand il s'est agi de canaux ; mais j'ai toujours eu pour principe qu'il faut concilier, autant que possible, les divers intérêts, et je considérerais comme fâcheux l'établissement d'un ouvrage qui ne serait pas très nécessaire pour l'agriculture, et qui constituerait un embarras et une charge permanente pour la navigation.

Du reste, messieurs, je n'émets pas ces considérations d'une manière absolue ; je me permets seulement d'appeler l'attention de M. le ministre sur la question, parce que nous n'aurons plus à nous occuper de ces travaux.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - L’honorable membre vient de s'occuper d'une question qui, comme il l'a dit, est bien plutôt du ressort du département des travaux publics que du ressort de la chambre. Il soulève une question d'art à l'occasion de travaux que j'ai eu l'honneur d'indiquer dans la séance d'hier. Je dois fort humblement avouer sur ce point, comme sur d'autres points analogues, mon incompétence absolue. Le barrage à établir en amont d'Audenarde sera-t-il favorable ou nuisible à la navigation ? Les hommes de l'art ont été appelés à statuer sur ce point, mais je ferai remarquer à l'honorable M. Lejeune que je crois n'avoir indiqué que les deux premières catégories des travaux à exécuter au moyen du crédit de 300,000 fr. ; si mes souvenirs sont exacts, j'ai dit que l'on ferait des rectifications, un curage, des dérivations à Audenarde et que l'on perfectionnerait les quatre canaux de dérivation qui existent entre cette ville et la ville de Gand.

J'ai bien indiqué effectivement un barrage en amont d'Audenarde, mais j'ai ajouté qu'il ne s'agissait maintenant que de l'exécution des travaux des deux premières catégories.

Au surplus je tiens note des observations de l'honorable membre, et j'appellerai sur ce point l'attention des ingénieurs.

L'honorable membre a demandé que le gouvernement reprît, et même à l'occasion de ce budget, le canal de la Lieve. Je ne puis, messieurs, sans examen, sans avoir pris une connaissance complète de la question, consentir dès à présent à la reprise de ce canal. Je suis disposé à croire avec l'honorable membre qu'il y aurait avantage à procéder ainsi, et je pense même qu'il y a quelques raisons particulières, dans l'affaire qui nous occupe, pour opérer cette reprise, c'est que le canal de Zelzaete occupe déjà, si je ne me trompe, une partie de la Lieve, dans une étendue assez considérable de la section qui est décrétée et que la deuxième section doit également occuper une partie de ce même canal.

Je pense qu'il en est ainsi, car, je vois dans le cahier des charges jusque le tracé, actuellement en voie d'exécution, depuis le point de départ qu'à 2,500 mètres, occupera le lit de la Lieve. C'est peut-être une raison de plus pour que l’Etat reprenne le canal dont a parlé l'honorable membre, mais c'est un objet à examiner, et il sera examiné.

M. Lejeune. - Messieurs, j'entends avec plaisir qu'il ne s'agit pas encore de l'exécution du barrage dont j'ai parlé. Du reste, je dois le répéter, mes paroles n'ont pas le caractère d'une critique, bien moins d'un blâme. Je n'oserais pas prendre sur moi de discuter ici la question sous le rapport de l'art. Mon seul but a été d'appeler l'attention de M. le ministre sur cet objet que je crois digne d'un très profond examen.

Quant à la Lieve, je me bornerai à recommander cet objet à la sollicitude de M. le ministre. La partie de la Lieve dont M. le ministre vient de parler et qui disparaîtra dans le canal de Zelzaete n'est pas précisément celle que j'aie eu en vue.

La Lieve se divise aussi en deux biefs et j'ai voulu parler de la haute Lieve qui est la seule partie navigable ; c'est la partie non navigable ou la basse Lieve qui va être absorbée par le canal de Zelzaete. Ce que je demande, c'est la reprise de la partie navigable de la Lieve.

- L'article est adopté.

Article 20

« Art. 20. Canal de Mons à Condé. Entretien et travaux d'amélioration : fr. 28,284. »

- Adopté.

Article 21

« Art. 21. Canal de la Campine. Entretien et travaux d'amélioration : fr. 83,000. »

(page 662) M. Mast de Vries. - Messieurs, les articles 21, 22 et 23 concernent ce qu'on nomme aujourd'hui le canal de la Campine, c'est le canal de Turnhout, le canal de la Campine proprement dit, et la partie de la Petite-Nèthe canalisée entre Lierre et Herenthals. Cette partie a été exécutée par la province et par l'Etat, au moyen d'annuités dont ta troisième est portée au budget.

Ce travail a coûté à la province beaucoup plus d'argent qu'elle ne l'avait prévu ; elle a établi sur cette voie de navigation un tarif extrêmement élevé ; aujourd'hui, le gouvernement, a un tarif sur le canal de la Campine et sur le canal de Turnhout ; et il existe un tout autre tarif sur l'autre partie du canal. Ainsi, il résulte, par exemple, de cet état de choses que sur le canal de la Campine et sur le canal de Turnhout le transport du fumier se fait sans frais, tandis que sur l'autre partie du canal, le fumier paye des droits.

J'ai une autre observation à faire. On a cru, par le canal de la Campine, favoriser tous les produits de la Campine ; le bois, par exemple, ne paye que 5 centimes par tonneau et par lieue ; or, on a oublié la tourbe ; la tourbe est une matière que la Campine produit en abondance ; eh bien, le transport, pour la tourbe, se paye à raison de 10 centimes, au lieu que le bois ne paye que 5 centimes.

J'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre des travaux publics, et je suis sûr que l'examen auquel il se livrera, le déterminera à changer le tarif.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - J'ai reçu une pétition qui contient une réclamation analogue à celle que vient de présenter l'honorable M. Mast de Vries. Cette pétition a déjà été examinée, mais je dois avertir l'honorable préopinant que cet examen n'est guère favorable aux réclamants. En tous cas l'affaire est actuellement soumise au conseil des ponts et chaussées.

M. A. Dubus. - Sous le gouvernement impérial, des emprises ont été faites pour le projet du grand canal du Nord, aujourd'hui le canal de jonction de la Meuse et de l'Escaut. Un certain nombre de propriétaires de la commune de Gheel n'ont pas encore été payés du chef des emprises faites à cette occasion. A différentes reprises, des réclamations ont été adressées au département des travaux publics, par les intéressés, mais jusqu'ici elles sont demeurées sans résultat. J'ignore si les titres des pétitionnaires sont valables, s'ils ne sont pas forclos. Le gouvernement devrait, me semble-t-il, faire examiner cette question et prendre une décision quelconque.

J'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre des travaux publics.

- L'article 21 est mis aux voix et adopté.

Articles 22 à 24

« Art.-22. Canal d'embranchement vers Turnhout. Entretien et travaux d'amélioration, charges extraordinaires : fr. 9,000. »

« Charges extraordinaires : fr. 23,000. »

- Adopté.


« Art. 23. Petite-Nèthe canalisée. Troisième annuité à payer à la province d'Anvers : fr. 50,000.

« Travaux d'entretien et d'amélioration : fr. 17,000. »

« Charges ordinaires : fr. 10,000.

« Charges extraordinaires : fr. 57,000. »

- Adopté.


« Art. 24. Canal de Zelzaete à la mer du Nord. Entretien et travaux d'amélioration, charges ordinaires : fr. 19,800.

« Charges extraordinaires : fr. 9,000. »

- Adopté.

Article 25

« Art. 25. Service du Moervaert. Entretien : fr. 2,200. »

M. Vilain XIIII. - Messieurs, je désire dire deux mots sur l'un des affluents de Moervaert ; je veux parler du canal de Stekene. Ce petit canal a été calomnié de toutes les manières.

On a prétendu qu'il était une propriété communale, on a dit qu'il n'était pas d'intérêt général. Je ne comprends pas comment on a pu accorder la propriété du canal de Stekene à la commune de Stekene ; ce canal a été creusé autrefois par le comte de Flandres qui était bien l'Etat de ce temps-là, il a été dévasé par le gouvernement autrichien en 1778 et en 1788 ; on possède des placards de Marie-Thérèse et de Joseph II, qui ordonnent le recreusement du canal de Stekene aux dépens de l'Etat. Enfin, et c'est là, je pense, une raison péremptoire, le domaine perçoit tous les ans le produit de la pêche sur ce canal. Cette dernière circonstance établit incontestablement que le canal de Stekene est la propriété de l'Etat.

M. Delfosse. - Combien cela rapporte-t-il ?

M. Vilain XIIII. - Le produit de la pêche est de 200 fr. par an.

Du reste la somme ne fait rien à l'affaire ; c'est le droit de percevoir la somme qui décide la question.

Quand même la pêche ne produirait rien, il me semble que du droit de propriété de l'Etat résulte pour le gouvernement le devoir d'entretenir ce canal comme tous les autres cours d'eau du royaume. Les riverains sont obligés d'entretenir les voies non navigables et non flottables dans l'intérêt de l'assèchement des terrains, et dans celui de la salubrité publique.

Or, il me semble que le canal de Stekene étant navigable et flottable et la propriété de l'Etat, l'Etat est tenu aux mêmes devoirs que les particuliers, et dès lors obligé d'entretenir le canal ; eh bien, depuis 1788, l'Etat n'a pas fait remuer une simple pelletée de terre au canal. Qu'en est-il résulté ? Dans plusieurs endroits le canal est envasé et empêche l'eau de s'écouler.

Maintenant je dirai que le canal est d'intérêt général. Il y a, je le sais, intérêt général et intérêt général. J’avoue que l'intérêt du canal de Stekene pour le pays est peu considérable ; cependant c'est un intérêt général, parce qu'il y a plusieurs provinces qui profitent du canal. La navigation sur le canal est assez animée ; il y a 15 bateaux qui sont continuellement en voyage ; le transport des denrées y est à très bon marché, parce qu'on peut en exporter et en importer constamment. Ainsi, ces bateaux importent au centre du pays de Waes, pour 40,000 habitants, du charbon, du grès, de la chaux, toutes matières encombrantes, et ils exportent des matières pondéreuses, des bois, des céréales, des poteries, qui vont à Liège, à Bruxelles, à Anvers et dans d'autres localités du royaume.

Le Hainaut, la Flandre, le Brabant, Anvers et Liége prennent donc leur part dans cette navigation, et on ne peut pas dire que ce canal soit positivement d'un intérêt particulier pour le pays de Waes ; il est d'un intérêt général, intérêt peu considérable, il est vrai, mais qui s'étend cependant à plusieurs provinces.

D'après un devis qui a été fait, le creusement complet du canal coûterait 30,000 fr. Or, le mouvement commercial sur le canal de Stekene est de 300,000 fr. par an ; il me semble que ce mouvement vaut bien la dépense que le gouvernement ferait une fois tous les 50 ans.

Enfin, il se présentera bientôt une circonstance qui forcera absolument le gouvernement à recreuser le canal de Stekene ; on va recreuser le Moervaert ; or, si je puis m'exprimer ainsi, le canal de Stekene est de plain-pied avec le Moervaert ; eh bien, quand on recreusera le Moervaert pendant l'été, toute l'eau du canal de Stekene s'écoulera dans le Moervaert, et le canal de Stekene ne sera plus qu'un conduit de boue et de vase.

Je désire que M. le ministre des travaux publics veuille bien comprendre la dépense du recreusement du canal de Stekene dans la demande de crédit qu'il présentera pour le recreusement et le dévasement du Moervaert et j'ajouterai que M. le ministre de l'intérieur, dans son discours sur les Flandres, nous a fait espérer ce travail : il a nommé le canal de Stekene.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - On n'est pas du tout d'accord sur le véritable caractère du canal de Stekene ; « on a été, dit l'honorable préopinant, jusqu'à prétendre qu'il était purement communal ; que c'est un canal insignifiant ; ce qui est une bien grosse calomnie. »

Le fait est, messieurs, que la question n'est pas décidée ; qu'on prétend dans l'administration que le canal est réellement communal et que le gouvernement n'a pas à y intervenir dans le sens qui est indiqué par l'honorable M. Vilain XIIII.

L'honorable membre indique l'importance que peut avoir ce canal, le caractère d'utilité générale qu'il présente, pour arriver à cette conclusion que le gouvernement devrait présenter une demande de crédit de 30 mille francs pour opérer le curement du canal en même temps que celui du Moervaert. Il donne à l'appui de cette demande une raison d'équité : en effet, dit-il, quel que soit le caractère de ce canal, le curement du Moervaert opérerait une baisse des eaux au canal de Stekene, on rendrait ce canal complètement inutile.

Il me paraît pas qu'il doive en être ainsi. Voici la raison que donnent les hommes de l'art, et en vérité, elle semblé concluante.

Le canal de Stekene est en communication directe avec le Moervaert ; le Moervaert se jette dans la Durme, la Durme est en communication directe avec la mer ; le niveau est donc déterminé par de niveau même de la mer ; le niveau du canal sera donc, après comme avant le curement du Moervaert, absolument le même, il sera identiquement dans les mêmes conditions. Par le curement, le Moervaert aura un tirant d'eau plus considérable, mais le niveau se trouvera toujours le même et parlant toujours le même au canal de Stekene. Cependant je ne me refuse en aucune façon à livrer à l'examen des hommes compétents les observations présentées par l'honorable M. Vilain XIIII.

M. de T'Serclaes. - Relativement à la question de savoir si le canal de Stekene est ou non une dépendance du domaine public, M. le ministre des travaux publics nous dit que c'est une question controversée : je ne puis en aucune façon admettre ce doute, et je dois rappeler que dans la séance du 14 avril dernier M. de Bavay, prédécesseur de l'honorable M. Frère-Orban, n'a point contesté que le canal de Stekene fût une propriété de l'Etat.

L'Etat exerce tous les droits de propriétaire, il perçoit le produit de la pêche et des herbages, et à quel titre, je vous prie, sinon à celui de propriétaire ? Cet exercice n'a jamais subi aucune interruption. La propriété du canal appartient notoirement et sans conteste à l'Etat.

Le prédécesseur de M. le ministre des travaux publics avait promis qu'il aurait examiné la question de savoir si, comme propriété de l'Etat, celui-ci devait seul être charge des frais de dévasement. Je pense, messieurs, qu'il est temps de faire sortir ce canal de l'état d'abandon déplorable ou il se trouve. Depuis 1843 les ministres des travaux publics ont promis un examen bienveillant, il est grand temps d'agir, de faire droit aux réclamations qui se sont produites dans cette chambre. Il y a des (page 663) motifs sérieux qui militent en faveur de ces réclamations ; en y faisant droit le gouvernement fera cesser un grief réel qui existe dans cette partie du pays. Du reste, je crois, messieurs, que la question sera remise sur le tapis, lorsqu'un crédit spécial nous sera demandé pour les travaux du Moervaert.

- L'article 25 est mis aux voix et adopté.

Article 26

« Art. 26. Canal de Nevele. Entretien : fr. 660. »

- Adopté.

Article 27

« Art. 27. Travaux aux voies navigables de second ordre, frais d'études et de levées de plans, achat et réparations d’instruments : fr. 14,777. »

M. Orban. - Je demanderai à M. le ministre des travaux publics de vouloir bien donner à la chambre quelques renseignements sur la situation du canal de l'Ourthe. Je lui demanderai de vouloir bien nous dire quels sont les travaux qui ont été exécutés, quelles sont les démarches qui peuvent avoir été faites pour mettre la société en demeure de remplir ses engagements, quels sont les droits et les moyens de contrainte dont le gouvernement se considère comme investi vis-à-vis de la nouvelle société.

M. le ministre n'ignore pas que la société primitivement concessionnaire qui avait excipé des événements de 1830, pour prétendre qu'un cas de force majeure la dispensait de remplir ses engagements, a été déboutée par un arrêt de la cour de Bruxelles qui l'a condamnée à remplir les obligations de son contrat ; cet arrêt la condamnait à les remplir dans un délai qui doit être bien près d'expirer.

Depuis lors, une nouvelle société s'est trouvée substituée à la société primitive. C'est la société concessionnaire du chemin de fer du Luxembourg, qui a dû racheter, comme condition de cette concession, le canal dé Meuse et Moselle. Je ne sais pas à quel point la société a rempli les engagements qu'elle avait assumés.

Ce que je puis affirmer, c'est que pour ce qui concerne la partie de l'Ourthe que je connais, elle n'a rien fait, elle n'est en mesure de rien faire.

Je serais charmé que M. le ministre nous fît connaître les droits du gouvernement et les moyens de contrainte dont il croit pouvoir user. Quand le gouvernement a poursuivi la société de Meuse et Moselle, il avait un but ; quand il a obtenu contre elle un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles, il devait y voir un moyen pour la contraindre à exécuter ses engagements.

Les droits du gouvernement doivent être les mêmes envers la société qui s'est mise au lieu et place de la société primitive. Toutefois si le gouvernement ne croyait pas avoir de moyen d'action, je l'engagerais alors à aviser, à faire prononcer la déchéance, car la rivière de l'Ourthe se trouve dans une situation exceptionnelle qu'il faut à tout prix faire cesser.

Depuis 1828, cette voie navigable, qui a une grande importance, n'a pu recevoir aucune amélioration, par suite des droits accordés à la société du canal de Meuse et Moselle.

Le gouvernement, les particuliers et les sociétés nouvelles qui auraient pu se former, ont dû également s'abstenir, et la rivière de l'Ourthe est ainsi restée dans un état d'abandon déplorable.

Il ne faut pas que cet état de choses se prolonge ; si nous ne pouvons pas obtenir que le canal soit exécuté par la compagnie, il faut au moins faire cesser l'espèce d'interdit qui pèse sur la rivière de l'Ourthe. M. le ministre connaît l'importance de cette rivière ; elle parcourt 25 lieues de pays, elle traverse deux provinces et vient aboutir au centre industriel le plus important du pays.

Avant 1830, alors que l'esprit d'entreprise n'était pas aussi développé qu'aujourd'hui, elle a donné lieu à la conception du fameux canal de Meuse et Moselle.

Depuis lors, elle a augmenté d'importance sous le rapport des services qu'elle peut rendre au commerce, à l'industrie. Le transport des minerais qui s'extraient en grande quantité dans les contrées qu'elle traverse s'est accru dans les mêmes proportions que l'industrie métallurgique elle-même. L'on sait que le nombre des hauts fourneaux, qui n'était que de deux ou trois avant 1830, est aujourd'hui de près de vingt. Je pourrais citer d'autres transports que cette rivière peut faire avec avantage, notamment les pavés et les pierres à bâtir que l'on extrait des carrières riveraines.

Evidemment, s'il n'y avait pas un obstacle résultant de la concession, il y a longtemps qu'une nouvelle société se serait chargée d'apporter des modifications partielles peu dispendieuses qui permettraient à cette rivière de rendre les services qu'on peut en attendre.

Je regrette d'avoir interpellé M. le ministre sur cette affaire sans avoir pu le prévenir préalablement ; mais comme il doit en avoir une connaissance particulière, j'espère qu'il pourra me donner les renseignements que j'ai demandés.

M. Mast de Vries. - Je demanderai à M. le ministre si, avec les crédits portés au budget, il pourra continuer les travaux commencés l'année dernière à Lierre pour mettre cette ville à l'abri des inondations. Nous nous trouvons aujourd'hui à chaque marée sous la menace et sous le fait d'avoir de l'eau dans nos demeures.

Si je pouvais mêler à cette discussion une question personnelle, je dirais que j'ai été obligé de me rendre eu barquette chez moi où jamais il n'y avait eu d'eau auparavant. Ceci arriva par le redressement du canal et de la rivière qui fait affluer à Lierre les eaux qui stationnaient sur les bruyères supérieures.

On a consulté à cet égard le corps des ponts et chaussées et l'on n'a pas trouvé d'autre moyen que de faire exécuter un déversoir pour la traverse de la ville de Lierre. Le gouvernement a ordonné des travaux, ils ont coûté 9 mille francs, mais ils seraient exécutés en pure perte, s'ils ne sont pas continués. Je demanderai donc si le crédit pétitionné, est tel que l'on puisse trouver le moyen de continuer les travaux exécutés à Lierre, l'année dernière.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Les voies navigables de la Belgique ont été négligées pendant un très grand nombre. d'années.

Parmi celles qui nécessitent d'importantes améliorations, se trouve l'Ourthe, dont nous parlait tout à l'heure un honorable représentant. Cette rivière devait être canalisée. La canalisation faisait l'objet en partie (d'autres objets y étaient compris) d'une vaste concession qui fut instituée, avant 1830, sous le nom de Société de Meuse et Moselle. Cette société n'a pas rempli ses engagements, et elle s'est fondée pour rester, dans l'inaction, non pas principalement sur le motif qu'a fait valoir l'honorable préopinant, mais surtout sur la privation, par suite de la séparation de la Belgique d'une partie du Luxembourg, des avantages que la société se promettait d'une entreprise que l'on venait morceler.

Des poursuites ont dû être exercées contre la société. Après de longs procès, la société a été enfin condamnée à exécuter ces travaux.

C'est immédiatement après qu'une nouvelle société s'est formée qui a pris l'engagement d'exécuter le canal de l'Ourthe, jusqu'à la Boche, je pense. Cette société se trouve vis-à-vis du gouvernement à peu près dans des conditions analogues à celles de l'ancienne société ; c'est-à-dire qu'il s'agit d'une concession, d'un contrat, et qu'à défaut d'exécution par les concessionnaires, il faut agir par les voies judiciaires ; il faut provoquer la résiliation du contrat et obtenir éventuellement des dommages-intérêts.

Je n'ai pas sous les yeux les conventions faites avec la nouvelle société du Luxembourg. Je ne sais s'il y a une stipulation qui permette au gouvernement d'agir d'une autre manière, de récupérer sur un cautionnement quelconque des pénalités en cas d'inexécution. Mais je tiens que nous sommes dans les conditions ordinaires, en présence d'un contrat, dont ou peut éventuellement demander la résiliation. Est-on dans le cas de la demander à l'heure qu'il est, parce que cette société n'a pas rempli ses engagements ? C'est ce que je ne puis dire. C'est un point qui peut être douteux, parce que si le délai n'est pas expiré, la société peut prétendre qu'elle est dans le délai stipulé pour remplir ses obligations. Je n'examinerai pas cette question ; je ne la discuterai pas ; j'ai encore moins la prétention de la résoudre.

La compagnie du Luxembourg s'est obligée à exécuter le canal jusqu'à la Roche et le chemin de fer de Bruxelles dans la direction d'Arlon. Elle se trouve, en ce moment, dans une situation assez difficile, en raison de la crise qui continue en Angleterre, et qui pèse surtout sur les capitaux nécessaires à l'exécution de ces entreprises. C'est pour cela que la société a demandé la restitution de son cautionnement au fur et à mesure de l'exécution des travaux du chemin de fer.

Si je rappelle cette circonstance, c'est qu'il m'a paru que la pensée de l'honorable membre allait au-delà des points qu'il a indiqués et par exemple, que, à son avis, le gouvernement devrait exiger l'application du cautionnement à l’exécution du canal de l'Ourthe. Je ne pense pas que ce soit possible.

Le cautionnement était spécialement et taxativement appliqué au chemin de fer. S'il n'y a pas de convention spéciale quant au canal, nous sommes en présence d'un contrat ordinaire, soumis aux règles des contrats.

La compagnie a été plusieurs fois invitée par le gouvernement à mettre la main à l'œuvre, à exécuter certains travaux, à faire droit aux nombreuses réclamations adressées par les bateliers, entravés très souvent dans la navigation. Il y a quelque temps, une des digues de l'Ourthe a été enlevée par les eaux, la navigation a été tout à fait interrompue. La compagnie n'a pas fait droit à toutes ces demandes du gouvernement. Lorsqu'elle est venue demander une faveur au gouvernement, la restitution de son cautionnement pour l'exécution du chemin de fer, dans la convention provisoire que j'ai passée avec cette compagnie, j'ai stipulé notamment qu'elle s'obligeait à faire droit aux diverses réclamations qui lui avaient été notifiées relativement à la rivière de l'Ourthe.

Il y a un point où la compagnie a annoncé l'intention de commencer des travaux. Elles les a mis en adjudication ; c'est pour le canal de Liège à Chênée. L'adjudication n'a pas eu de résultat ou plutôt elle n'a pas été approuvée. La compagnie déclare qu'elle a l'intention sérieuse (je crois que c'est son intérêt, et qu'elle aurait tort de ne pas le faire) d'exécuter promptement cette partie du canal.

J'examinerai de plus près quelle est la situation véritable de la compagnie, quelles sont ses obligations, quels sont les droits du gouvernement, quant au canal, et s'il y a dans ce moment quelque chose à faire par le gouvernement.

M. Osy. - Comme l'a très bien dit l'honorable M. Orban, ces localités ont été, pendant 17 ans, privées de l'espoir de voir exécuter les travaux. La concession du chemin de fer du Luxembourg a pu leur rendre quelque espoir. Mais la compagnie du Luxembourg ne tient nullement ses engagements. Il est dit dans le cahier de charges qu'il y a un terme pour l'exécution du canal de l'Ourthe. L'année dernière la société a fait un simulacre d'adjudication qui n'a abouti à rien.

(page 664) Je vais souvent sur les lieux. J'ai constaté que l'on a construit entre l'Ourthe et la Meuse quelques baraques où demeurent des ouvriers occupés, non à travailler, mais à pêcher.

Je demanderai à M. le ministre des travaux publics, qui a présenté un projet de loi relatif au chemin de fer de Bruxelles à Wavre, concernant la même société, de faire exécuter le cahier des charges primitif. C'est là qu'on verra que le terme est sur le point d'expirer pour l'ancienne société.

Malheureusement on n'a pas exigé de cautionnement pour le canal. Car sur le cautionnement de 5 millions, 3 millions ont été affectés au chemin de fer de Bruxelles à Wavre et 2 millions aux chemins de fer de Namur à Arlon.

Mais dans le cahier des charges il y a un terme fixé pour les travaux du canal. Or, je dis avec l'honorable M. Orban qu'aussitôt ce terme fixé le gouvernement doit mettre la société en demeure, pour qu'on puisse enfin faire quelque chose dans cette partie de la Belgique et qu'une nouvelle société ou l'Etat puisse construire cette œuvre qui est véritablement une des plus intéressantes du pays. Comme on vous l'a dit, il y a entre le Luxembourg et la province de Liège un grand mouvement commercial qui doit surtout s'exécuter par eau, et lorsque les eaux sont basses, la navigation n'est pas praticable.

Je demanderai que lors de la discussion du projet de loi relatif au remboursement d'une partie du cautionnement de la société du chemin de fer du Luxembourg, M. le ministre nous donne tous les renseignements désirables à cet égard.

Puisque j'ai la parole, je dirai encore un mot de l'Ourthe.

Vous savez, messieurs, que près de Chênée il s'est élevé un grand établissement. Cet établissement nuit aux propriétés voisines. Je ne m'occupe pas de ce point ; il y a un procès ; les tribunaux décideront qui a raison. Mais lorsque le chemin de fer a été construit, on a élevé des arches pour l'écoulement des eaux de la rive gauche. Or l'établissement dont il s'agit vient d'être entouré d'une digue qui ferme les arches, de sorte que toutes les eaux de la rive gauche devront se jeter sur la rive droite.

Les propriétaires de la rive droite vous ont déjà adressé leurs plaintes à cet égard ; vous avez été saisis de pétitions qui, je crois, ont été renvoyées à M. le ministre des travaux publics. Je demanderai à l'honorable M. Frère de vouloir se faire reproduire ces pétitions qui ont été renvoyées l'année dernière à son département, et d'examiner si effectivement les travaux exécutés sur la rive gauche ne doivent pas nuire aux propriétés de la rive droite.

M. Orban. - Messieurs, mon intention n'était que d'appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics sur l'importante question que je viens de signaler. Je dois déclarer que je suis satisfait de la réponse qu'il m'a donnée, et que la réserve avec laquelle il s'est exprimé sur les différents points qu'il a traités est de nature à sauvegarder tous les intérêts.

Cependant j'ajouterai deux mots : un mot sur la question de garantie et un mot sur la question de déchéance.

En ce qui concerne la garantie offerte par la société pour l'exécution du canal de l’Ourthe, il est bien vrai qu'il n'y a aucun cautionnement spécialement affecté à ce travail. Cependant je crois que la société actuelle est dans une position différente de la société primitive, dans une position plus avantageuse pour le gouvernement.

La société chargée maintenant de l'exécution du canal de l'Ourthe est en même temps concessionnaire du chemin de fer de Bruxelles à Arlon.

Cette dernière concession a été accordée à la société à la condition qu'elle se chargeât également du canal de l'Ourthe. Les deux engagements sont en quelque sorte solidaires, et si la société se refusait à remplir ses engagements quant au canal, je crois que le gouvernement serait en droit de se saisir de toutes les propriétés qui appartiennent à la société comme concessionnaire du chemin de fer de Bruxelles à Arlon.

En ce qui concerne le délai de déchéance, je dois faire observer qu'il est près d'expirer. C'est en 1848, si je ne me trompe, que l'ancienne société devait avoir terminé les travaux du canal. La société nouvelle s'est chargée du travail sans aucune modification des engagements de la société primitive. Depuis lors elle n'a demandé aucune prolongation de délai pour l'exécution des travaux.

Le gouvernement se trouve donc aujourd'hui dans la situation de devoir examiner les mesures qu'il y a à prendre, et je l'engage encore une fois à faire de cette question l'objet de toute son attention. S'il ne voit pas le moyen de pouvoir obtenir l'exécution ultérieure du canal, qu'il prenne des mesures pour faire cesser au moins l'espèce d'interdit qui pèse sur la rivière de l'Ourthe, afin de permettre l'exécution du canal, soit par une autre société, soit par l'Etat.

M. Le Hon. - Je ne savais pas qu'un fait purement administratif viendrait prendre place dans la discussion du budget des travaux publics. Il était à ma connaissance qu'un propriétaire voisin de la grande usine d'Angleur, M. le baron Osy, frère de l'honorable représentant, faisait une guerre acharnée à cet établissement ; qu'il mettait toute son activité et sa persévérance à soulever des réclamations et des plaintes incessantes contre ces usines, tantôt auprès du conseil provincial, de Liège et de la députation permanente, tantôt auprès du ministère et des ingénieurs ; qu'il avait même saisi la justice d'une action ne tendant à rien moins qu'à les faire supprimer : mais, jusqu'à présent, la chambre n'avait pas encore retenti de ces plaintes. Puisque l’honorable député d'Anvers a jugé l'une d'elles assez grave pour la recommander publiquement, de cette tribune, à M. le ministre des travaux publics, qu'il me soit permis d'expliquer en peu de mots à la chambre et au ministre ce qui doit les prémunir contre le principe et la tendance des réclamations et contre l'inexactitude du fait.

L'établissement d'Angleur, situé sur le bord de l'Ourthe et longé par le chemin de fer d'Anvers à Cologne, a été autorisé par le gouvernement, après les formalités de publication et d'enquête prescrites par la législation. Il a absorbé des capitaux considérables, entretient un grand mouvement industriel dans la contrée, fait vivre des milliers d'ouvriers ; et outre le commerce de consommation qu'il a agrandi dans la commune de Chênée, il assure au chemin de fer de l'Etat de très grands produits par l'importance de ses transports.

Le voisin dont j'ai parlé, M. le baron Osy, qui possède un château non loin de l'exploitation d'Angleur, mais de l'autre côté de l'Ourthe, se trouve incommodé (du moins il le prétend) par les fumées qui s'échappent des cheminées de l'usine. Pour y remédier, il s'est mis en insurrection contre la loi en vertu de laquelle l'établissement a été autorisé et existe depuis près de douze ans. Il en veut la suppression et, entre-temps, il attaque à outrance et dénature à plaisir tous les actes, toutes les mesures de son administration. Jusqu'à présent, il ne s'était agi que des vapeurs et des émanations des fourneaux de la fonderie ; aujourd'hui, il se plaint qu'on va le submerger par les eaux ; peut-être se plaindra-t-il bientôt que le feu des usines lui fait courir d'imminents dangers d'incendie.

Si tous les établissements industriels de notre pays avaient pour voisins des propriétaires aussi persévérants à les attaquer en toutes circonstances et de toutes manières et qu'ils parvinssent à les faire éloigner de leurs propriétés, il faudrait poser en principe que l'industrie métallurgique, cette source de richesses publiques qui alimente sur tant de points le travail national, devrait être reléguée dans les parties les plus désertes de notre territoire, dans les endroits reculés des Ardennes et du Luxembourg. Mais il est un principe contraire qui a prévalu dans nos lois et que je défendrai dans toutes ses applications à la grande industrie ; c'est que les établissements industriels qui occupent le plus d'ouvriers, emploient le plus de matières premières, et donnent le plus de produits, doivent être autorisés à se placer au centre de communications et de transports faciles, comme à la portée des houillères, afin que', réunissant le plus de moyens possible de productions économiques, ils puissent soutenir et vaincre en tout temps la concurrence étrangère.

Quant à la pétition que vient de recommander l'honorable député d'Anvers, elle est aussi étrange que la plupart des autres plaintes portées par M. le baron Osy. Elles donneraient lieu de supposer que la direction des usines d'Angleur a élevé une digue sur la rive droite de l'Ourthe, pour faire refluer les eaux de cette rivière sur les terrains de la rive gauche, en cas de débordement ; eh bien, ce fait est inexact : cette administration, usant du droit qui appartient à tout propriétaire, a fait sur son terrain, dans l'intérieur de sa propriété, une digue pour préserver ses magasins, ses ateliers et ses fonderies de l'invasion des eaux. L'écoulement de celles-ci conserve des débouchés sur la rive droite par quelques-unes des arches du pont.

La plainte dont il s'agit ne pourrait être fondée que si une société particulière, dans un intérêt privé, avait élevé une digue au bord de la rivière et sur le domaine public ; mais rien de semblable n'a eu lieu, et l'instruction le prouvera.

Je soumets avec confiance ces observations à M. le ministre des travaux publics et à la chambre, pour que la recommandation de l'honorable député d'Anvers ne semble pas recevoir ici un assentiment tacite de la part de l'assemblée et de la mienne.

Le gouvernement peut être rassuré, la société à laquelle on a fait allusion n'a fait aucun acte qui pourrait compromettre la sûreté des propriétés ou la salubrité publique, dans quelque partie que ce soit de la province de Liège. Elle répand assez de bien autour d'elle, met trop de soins à se conformer aux lois, et, autant qu'elle le peut, aux vœux de l'autorité, pour être à l'abri du soupçon de vouloir porter gratuitement atteinte à d'autres intérêts.

M. Osy. - Je me serais bien gardé, messieurs, de parler ici de mes intérêts ou des intérêts de ma famille. Je n'ai dit que deux mots. Quant à la fumée, j'ai dit : Il y a un procès, je n'en parle pas. Mais, messieurs, je me suis emparé de la pétition qui a été adressée à la chambre et que la chambre a renvoyée à M. le ministre des travaux publics, pétition où l'on se plaint d'inondations produites par des travaux qui ont été exécutés sur la rive gauche et qui rejettent les eaux vers la rive droite. J'ai appelé l'attention du gouvernement sur cette pétition, qui soulève une question, non pas d'intérêt particulier, mais d'intérêt général, une question à laquelle sont intéressées toutes les communes de la rive droite. Je persiste à demander que M. le ministre rende justice à tout le monde, aussi bien aux petits qu'aux grands. Si la société dont il s'agit est un établissement très considérable, ce n'est pas un motif pour qu'elle puisse nuire à ses voisins. Je prie M. le ministre d'étudier la question et de voir si la rive droite ne nuit pas à la rive gauche.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Mast de Vries a demandé tantôt si la somme de 14,777 fr. suffirait pour l'exécution de certains travaux qu'il a indiqués. Je lui répondrai que le fonds n'est pas spécialement affecté à tel ou tel objet déterminé dès à présent ; il est demandé pour travaux aux voies navigables de second ordre, frais d'études, achat et réparation d'instruments, de telle sorte que je (page 665) pourrai très librement examiner s'il y a nécessité de faire les travaux indiqués par l'honorable membre, et au besoin les imputer sur le crédit de 14,777 fr., mais je ne connais pas assez la nature de ces travaux pour dire aujourd'hui s'ils doivent être faite et s'il y a nécessité de les faire maintenant.

- L'article est adopté.

Article 28

« Art. 28. Entretien des bacs et bateaux de passage et de leurs dépendances : fr. 20,000. »

Section IV. Ports d’Ostende et de Nieuport, côte de Blankenberghe

Articles 29 à 32

« Art. 29. Port d'Ostende. Entretien et travaux d'amélioration, charges ordinaires : fr. 43,450.

« Charges extraordinaires : fr. 93,360. »


« Art. 30. Port de Nieuport. Travaux d'entretien et d'amélioration, charges ordinaires : fr. 15,933 33.

« Charges extraordinaires : fr. 9,699 68. »


« Art. 31. Côte de Blankenberghe. Entretien et travaux d'amélioration, charges ordinaires : fr. 79,900.

« Charges extraordinaires : fr. 7,790 49. »


« Art. 32. Phares et fanaux. Entretien : fr. 750. »

- Ces articles sont successivement adoptés sans discussion.

Section V. Personnel des ponts et chaussées
Article 33

« Art. 33. Traitement des ingénieurs et conducteurs des ponts et chaussées et des ingénieurs et conducteurs adjoints à ce corps. Frais de bureau et de déplacement. Indemnités et dépenses éventuelles : fr. 589,244. »

M. le président. - La section centrale propose de réduire le chiffre de cet article à 570,244 fr.

M. Osy. - Messieurs, ce crédit comprend 318,000 fr. pour les ingénieurs et 256,000 fr. pour la surveillance des chemins de fer et les inspecteurs des ponts et chaussées. J'ai voulu me rendre compte du chiffre des traitements de ces ingénieurs et employés des ponts et chaussées.

Leur traitement normal s'élève à 439 mille francs ; la somme demandée est de 589 mille francs ; donc 150 mille francs pour frais de bureau et autres. Ce sont encore les gros bonnets qui se partagent en partie cette somme.

. Je ne fais pas aujourd'hui de proposition ; je suis persuadé que M. le ministre fera, dans le budget de 1849, toutes les réductions possibles ; mais s'il n'en était pas ainsi, je m’associerais à l'honorable M. de Man pour proposer des économies. Il y a des ingénieurs qui ont 12,000 fr. de traitement et à qui on donne 6,000 fr. de frais de bureau.

Dans la séance d'aujourd'hui, l'honorable M. Albéric Dubus a fait un rapport sur une pétition de Courtray, dans laquelle on se plaint de ce qu'un conducteur fait le commerce de graines de lin, etc. ; vous sentez, messieurs, que, par sa position, ce conducteur peut singulièrement favoriser son commerce, au détriment des négociants ordinaires.

Je demande que la pétition de Courtray soit renvoyée à M. le ministre des travaux publics, et qu'il examine s'il n'y a pas lieu de prendre, à l'égard des fonctionnaires de cette catégorie, une mesure semblable à celle qui a été prise pour d'autres fonctionnaires, pour les magistrats, etc.

J'avais déjà reçu antérieurement des plaintes de quelques amis de Courtray sur le fait signalé dans cette pétition ; j'ai toujours répondu à ces personnes que, comme il s'agissait d'un intérêt privé, je ne voulais pas m'en occuper ; mais aujourd'hui qu'il y a une pétition, je demanderai que M. le ministre des travaux publics adresse à qui de droit une circulaire pour empêcher les agents dont il s'agit de se livrer au commerce. Leur traitement est assez élevé, et quand ils ne s'occuperont pas de commerce, ils surveilleront mieux les affaires du pays.

M. Dedecker. - Messieurs, l'honorable préopinant vient de soulever la question du commerce qui est exercé par des fonctionnaires publics. Je saisirai cette occasion pour présenter quelques observations sur la même question, quoique plus spécialement applicable aux éclusiers. Déjà, l'année dernière, j'ai signalé l'inconvénient réel qui résulte de l'autorisation accordée à quelques employés du département des travaux publics, d'exercer le commerce.

M. le ministre des travaux publics de cette époque m'a promis d'examiner la question. Toutefois il a présenté, à l'instant même, une observation de nature à contrebalancer un peu l'inconvénient signalé ; il nous a dit que dans certaines localités où il n'y a pas de commerce libre, les intérêts mêmes de la navigation demandent qu'il y ait un dépôt de certains objets dont les bateliers peuvent avoir besoin.

J'ai répondu alors à M. le ministre des travaux publics que, si dans certaines localités, un commerce tenu par un agent de l'administration est nécessaire dans l'intérêt de la navigation, il faut, en tout cas, distinguer ces localités d'avec d'autres où le commerce particulier offre à la navigation toutes les ressources dont elle a besoin.

En effet, ce cas se présente, entre autres, à l'écluse de Saint-Ghislain. Aussi les négociants et boutiquiers de cette localité ont adressé à la chambre une pétition où ils réclament contre le commerce exercé par les employés du canal.

Je me permettrai de donner lecture de cette pétition.

« A différentes reprises, nous nous sommes adressés au gouvernement, ainsi qu'à vous, messieurs, pour solliciter de votre intervention la disparition d'un abus, qui nous lèse au plus haut degré dans nos intérêts commerciaux, celui qui permet aux receveurs éclusiers le long des canaux, le commerce d'agrès de bateaux, en concurrence arec le commerce privé. Cet abus, messieurs, est tellement grave, qu'il nous ôte le moyen de soutenir plus longtemps une concurrence aussi désastreuse. En effet, les éclusiers sont logés aux frais de l'Etat, ont leurs magasins dans des bâtiments appartenant à l'Etat, reçoivent des appointements payés par l'Etat, et par leur fonction et leur influence qui en est une suite nécessaire, ils savent obliger ou contrarier le batelier acheteur.

« Nous pensons, messieurs, que c'est en vain qu'on pourrait objecter que cette permission est accordée aux éclusiers en faveur de la navigation. Non, messieurs, elle ne tend qu'à monopoliser ce commerce entre les mains des agents du gouvernement, au détriment du commerce particulier qui, se trouvant dans des conditions moins favorables, devra forcément abandonner ce genre d'affaires.

«Nous nous abstiendrons, messieurs, d'entrer dans de plus longs développements ; seulement, pour vous donner une idée de ce monopole acquis aux agents du gouvernement, nous vous dirons qu'à l’écluse de Herbières, près Saint-Ghislain, se trouve un dépôt d'agrès, faisant annuellement pour au moins 75,000 fr. d'affaires, tandis que nous, voisins concurrents, sommes réduits à une stagnation complète. »

Cette pétition porte la signature de vingt-cinq négociants tous établis à St-Ghislain. La raison mise en avant, l'année dernière, par M. le ministre des travaux publics pour justifier les agents de l'administration n'existe donc pas dans le cas actuel.

J'appelle donc de nouveau l'attention spéciale du gouvernement sur cette question. Ce n'est pas ici une question d'intérêt personnel ; s'il en était ainsi, je ne me ferais dans cette enceinte ni l'écho ni le défenseur d'un semblable intérêt ; c'est une question de bonne administration en même temps que de liberté de commerce.

Dans ce moment le petit commerce souffre beaucoup ; la concurrence est extrême. C'est un motif de plus pour que, dans des circonstances aussi défavorables, on fasse tout ce qu'il est possible de faire pour ne pas entraver le commerce libre et pour ne pas lui susciter une concurrence de plus et la plus redoutable de toutes puisqu'elle est privilégiée.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Les débats qui ont eu lieu pendant ces derniers jours ont suffisamment fait connaître mes intentions, quant à la révision de l'organisation actuelle du corps des ponts et chaussées et du chemin de fer, principalement en ce qui touche les traitements et les indemnités. J'ai déjà eu l'honneur de dire à la chambre qu'un certain nombre de ces indemnités étaient à mes yeux trop élevées ; mais j'ai dit aussi qu'on était arrivé à donner ces indemnités comme de véritables suppléments de traitements ; elles n'ont d'indemnité que le nom ; elles ne représentent pas, pour les déplacements, par exemple, des frais qui auraient été réellement occasionnés au fonctionnaire public, elle ne représente pas les frais de bureau, c'est-à-dire les dépenses que les fonctionnaires auraient dû faire ; c'était un moyen détourné à l’aide duquel on suppléait à l'insuffisance du traitement. Beaucoup de traitements n'ont pas été fixés au véritable chiffre qu'ils doivent avoir.

Je recueille de nouveau les observations de l'honorable M. Osy ; certainement il sera fait droit à ces observations en ce sens que l'état des traitements et des indemnités sera entièrement et scrupuleusement révisé. Vous dire dès aujourd'hui que j'opérerai à l'aide de cette révision de notables économies, c'est impossible, je n'en veux pas même faire concevoir l’espérance à la chambre, car je ne puis prévoir quel sera le résultat définitif de cette révision. A côté des traitements élevés, des premiers traitements qu'on peut trouver trop forts, il y a les traitements des employés d'un grade inférieur, qui ne sont pas trop élevés, peut-être |y aurait-il équité, en enlevant quelque chose aux grands, à en laisser quelques parcelles aux petits. C'est dans ce sens que je ferai la révision que j'ai annoncée. Il y aura d'autant plus nécessité de procéder ainsi qu'il est nécessaire de faire droit aux réclamations que signale M. Osy et qu'a signalées après lui l'honorable M. Dedecker. C'est un principe qui doit être généralement appliqué et scrupuleusement respecté, que les fonctionnaires de l'Etat ne doivent exercer aucune industrie ou commerce quelconque. Il ne faut pas même qu'ils puissent être soupçonnés de condescendre à des connivences fâcheuses ou que leur intérêt ne les laisse pas dans de suffisantes conditions d'impartialité.

C'est les placer dans une position dangereuse, que de leur permettre d'exercer un commerce ou une industrie quelconque. Dans l'administration des postes, les règlements d'administration défendent l'exercice de tout commerce et industrie à tous les fonctionnaires et employés au-dessus du grade de distributeur.

Il a fallu établir cette exception ; les distributeurs n'ayant qu'une indemnité modique qui ne leur suffirait pas pour vivre, il a fallu leur laisser la latitude d'exercer encore quelque commerce. Je crois que beaucoup d éclusiers sont aussi dans une condition analogue ; ils ont peut-être des traitements trop minimes pour vivre, et c'est sans doute à cette circonstance qu'il faut attribuer la tolérance qu'on leur accorde de se livrer au commerce.

Quart au fait auquel on a fait allusion concernant un conducteur des ponts et chaussées de l'arrondissement de Courtray, je n'ai pas pu (page 666) prendre de mesure ; quoiqu'une enquête ait été ordonnée sur les faits dénoncés au département, j'ai cru devoir m'abstenir dans un intérêt de justice que chacun de vous comprendra. Le conducteur auquel on a fait allusion, alors qu'il était l'objet d'une enquête administrative, a intenté un procès à un journal qui lui avait imputé des faits graves.

J'ai cru devoir laisser la justice agir librement, craignant de paraître l'influencer d'une manière ou de l'autre soit en punissant, soit en déclarant que les faits n'existaient pas. J'ai cru qu'en pareille circonstance, à moins d'une nécessité administrative impérieuse, les convenances me faisaient un devoir de m'abstenir.

Le crédit, actuellement sollicité, doit être augmenté d'une somme de 16,760 fr., mais, la chambre le sait, ce n'est pas une augmentation de dépense, c'est une régularisation. Cette somme figure au budget des voies et moyens, c'est le produit de l'indemnité payée pour frais de surveillance par des compagnies concessionnaires.

La section centrale, d'un autre côté, a proposé le rejet d'une somme de 19,000 francs. Je ne puis me rallier à cette proposition.

La somme de 19 mille francs dont on propose le rejet comprend 8,700 francs qui constituent l'insuffisance d'allocation bien et dûment constatée par la production de pièces, pour payer le personnel des ponts et chaussées ; elle comprend en second lieu 4,400 fr. pour le traitement d'un ingénieur de l'Etat qui était en congé, et dont le congé est expiré ; en troisième lieu elle comprend le traitement de trois conducteurs qui étaient précédemment payés sur des fonds spéciaux, qui sont rentrés maintenant dans le service ordinaire et doivent par conséquent être payés sur les fonds du budget. La section centrale, quant au premier point, pense qu'on peut récupérer la somme de 8,700 fr. sur les indemnités considérables payées à quelques ingénieurs des ponts et chaussées. Mais il faut avant tout que la question soit examinée et décidée ; elle ne l'est pas ; aussi longtemps que la révision n'aura pas été faite, je dois avoir à ma disposition des fonds nécessaires pour les traitements et les indemnités conformément aux règlements.

Jusqu'à l'organisation, jusqu'à ce que le règlement ait été fait, les indemnités et les frais qui auront été faits par les fonctionnaires du département devront être réglés sur état. Je ne pense pas qu'avant d'avoir opéré cette révision, on puisse faire disparaître la somme de 8,700 fr.

Il est possible qu'au budget de 1849, il y ait une réduction au chiffre indiqué, mais à présent je ne puis pas affirmer que je pourrai faire face aux besoins sans cette somme. Quant au second article, il ne peut y avoir de difficulté ; c'est par erreur que la section centrale a rejeté cette somme de 4,400 fr. L'ingénieur qu'elle concerne a obtenu un congé à une époque où aucune disposition réglementaire ne stipulait qu'il devait attendre qu'une place fût vacante pour rentrer au corps des ponts et chaussées. Ce congé est expiré, il a été donné sans condition, l'ingénieur se représente, on ne peut pas lui refuser son traitement, ce serait indigne de l'administration.

Sur les instances faites dans cette chambre et dont on retrouve la pensée dans les observations de la section centrale, en 1846, je crois, le département des travaux publics a pris un arrêté portant que quand un fonctionnaire obtiendrait un congé, il ne pourra prétendre rentrer au service de l'Etat et toucher son traitement qu'autant qu'il y aurait une place vacante.

M. Delfosse. - Quelle est la date ?

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - C'est un arrêté qui a été pris par mon honorable prédécesseur. La somme de 4,400 fr. est nécessaire pour payer le traitement d'un ingénieur à qui un congé a été accordé avant que cet arrêté ait été pris. Ainsi il y a lieu de maintenir ces 4,400 francs.

Quant à la somme de 5,900 fr. pour trois conducteurs, la section centrale est tombée dans l'erreur, lorsqu'elle a supposé que ces trois conducteurs avaient été retirés d'un service spécial étranger à l'Etat et placés en service ordinaire. Il n'en est rien. Ces trais conducteurs n'étaient pas en congé ; ils étaient en service spécial ; c'est-à-dire qu'ils avaient la surveillance des travaux exécutés en vertu d'une loi et non sur les fonds du budget, de la même manière que les employés du chemin de fer, pour lesquels j'ai annoncé qu'il y avait une régularisation à faire. Ce fonds spécial n'existant plus, il y a lieu de faire payer par le budget le traitement de ces trois conducteurs. Il y a eu erreur de la part de la section centrale. Il est évident que j'avais le droit de maintenir dans le chiffre indiqué par le gouvernement cette somme de 5,900 fr.

M. Osy. - Comme j'ai eu l'honneur de le dire, j'ai refusé, il y a deux ans, de m'occuper d'une affaire personnelle, dont mes honorables amis de Courtray m'avaient entretenu par correspondance. Mais je crois que nous devons établir comme règle générale pour tous les employés de l'Etat la règle que nous avons admise pour les membres de l'ordre judiciaire.

J'apprends avec plaisir que M. le ministre est aussi d'avis d'interdire tout commerce aux fonctionnaires de son département, lorsque leur traite ment est assez élevé.

L'article en discussion comprend deux catégories de dépenses, les unes relatives à une surveillance spéciale, les autres relatives à l'inspection des ponts et chaussées. Je crois qu'il conviendrait d'en faire deux articles distincts. Nous saurions alors si la somme portée en dépense n'excède pas celle qui figure au budget des voies et moyens pour surveillance.

Je prierai M. le ministre de charger désormais de la surveillance des chemins de fer concédés les membres du corps des ponts et chaussées.

Nous désirons tous la réforme parlementaire, ce n'est pas dans de telles circonstances qu'il convient de nommer à ces fonctions des membres de cette chambre.

Je suis étonné de ne pas voir comprises dans le budget les personnes dont nous avons vu dans le moniteur les arrêtés de nomination. Il devrait y avoir à ce sujet un article de 10,000 fr. Je ne sais sur quel fonds ces personnes sont payées.

Lorsque ce service sera confié au corps des ponts et chaussées, les sommes imposées pour cette surveillance aux compagnies concessionnaires par l'acte de concession, pourront rester au trésor. Ce sera une véritable économie.

M. Tielemans, rapporteur. - Messieurs, la section centrale n'a pas cru devoir admettre l'allocation de 19,000 fr. : cette somme se décompose, comme on vous l'a dit, en trois autres sommes.

Je commencerai par la dernière : celle de 5,900 fr. demandée pour trois conducteurs. La section centrale avait pensé que ces conducteurs avaient été détachés du service de l'Etat pour être employés à des travaux particuliers. C'est à ce point de vue qu'elle a refusé l'allocation. M. le ministre vient de nous donner l'assurance que la section centrale a été dans l'erreur sous ce rapport ; que ce n'était pas pour s'occuper de travaux concédés à des particuliers, mais pour faire un service spécial au compte de l'Etat que ces conducteurs ont été divertis de leur service ordinaire. Si le fait est exact, et personne ne révoquera en doute l'affirmation de M. le ministre des travaux publics, il me semble que la section centrale peut et doit renoncer à sa première opinion. Les 5,900 fr. doivent donc être maintenus au crédit demandé.

La seconde somme est de 4,400 fr. ; elle forme le traitement d'un ingénieur qui était en congé, et qui est revenu au corps. La section centrale, pour refuser cette allocation, s'est fondée sur un principe qui paraît avoir reçu l'assentiment de la chambre, et qui consiste en ce qu'un ingénieur, et généralement tout membre du corps des ponts et chaussées, ne peut obtenir de congé pour s'occuper de travaux étrangers au service de l'Etat, qu'à la condition que sa place reste vacante jusqu'à son retour ou son rappel. La section centrale a cru que la place de l'ingénieur dont il s'agit n'était pas restée vacante ; qu'un autre avait été nommé au même poste et qu'il y avait eu, par conséquent, double emploi. M. le ministre des travaux publics n'a pas contesté ce principe, mais il a fait observer que si on l'appliquait dans l'espèce, on lui donnerait un effet rétroactif. Et, en effet, si la date du congé est telle que M. le ministre des travaux publics l’a indiquée, si c'est avant que ce principe fût admis par la chambre, que le congé a été accordé, l'équité exige que l'allocation des 4,400 francs demandée de ce chef, soit consentie.

Quant à la somme de 8,700 fr., je ne sais si je me trompe, mais il me semble que nous ne sommes pas d'accord en fait avec M. le ministre des travaux publics. Cette somme de 8,700 fr. était comprise, au budget de 1847, dans une autre somme de 28,700 fr., et alors M. le ministre (je ne parle pas de l'honorable M. Frère, mais de son prédécesseur l'honorable M. de Bavay) disait que ces 28,700 fr. étaient nécessaires pour payer les frais de déplacements extraordinaires.

La section centrale d'alors réduisit la somme de 28,700 à 20,000 fr. parce que la dépense pour déplacements extraordinaires ne s'était élevée en 1845 qu'à cette dernière somme. Par suite les 8,760 fr. ne furent pas alloués par la chambre.

Aujourd'hui on reproduit, messieurs, pour 1848 la somme de 8,700 fr. refusée au budget de 1847. Mais on allègue, pour l'obtenir, un autre motif. On dit au cahier des développements que la somme de 8,700 fr. était rigoureusement indispensable pour faire face à la dépense du personnel tel qu'il existait au 1er janvier 1847. Ce n'est donc plus pour dépenses extraordinaires de déplacement que la somme est demandée.

Si les choses sont telles que je viens de les exposer, il me semble que M. le ministre ne peut persister dans la demande qu'il fait de cette somme, car son prédécesseur n'a pas eu le droit de la dépenser en 1847, puisque la chambre l'a refusée, et par conséquent il ne peut y avoir lieu à la demander pour 1848. Si, au contraire, les faits que je viens d'exposer ne sont pas exacts, je prierai M. le ministre de nous donner quelques explications.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Les explications que j'ai eu l'honneur de donner à la chambre ont déjà ce résultat de nous mettre d'accord sur deux points avec l'honorable rapporteur de la section centrale. Il y a lieu de faire figurer au budget le traitement de 4,400 fr. pour un ingénieur, et le traitement de 5,900 pour trois conducteurs.

Une seule question reste à vider. C'est celle qui est relative à la somme de 8,700 fr. Voici ce qui en est de cette question. Au budget de 1847, on a opéré une réduction de 8,700 fr. sur un article qui a été à tort supposé de 28,000 fr., qui était de 16,220 fr. seulement, et qui était relatif aux frais de route et de séjour. On a diminué cette somme de 8,700 fr., mais cette réduction était évidemment excessive ; car sur une dépense de 16,220 fr., il était impossible d'opérer une économie de 8,700 fr. Ce sont là les indications que je trouve dans les pièces. L'état de la situation du personnel, calculée un centime près, d'après l'organisation existant au 1er janvier 1847, nous donne (page 667) pour traitements fixes 370,300 fr. pour traitements supplémentaires 700 fr., pour indemnités fixes 57,874 fr. 90 c., pour frais de route et de séjour (ceci est un chiffre variable) 16,220 fr., pour école du génie civil 12,000 fr. Total des charges, 463,094 fr. 90 c.

L'allocation votée pour 1847 a été de 457,100 francs, d'où résulte qu'il y a eu un déficit de 7,994 fr. 90 c.

Il est à remarquer que, dans cette situation, les frais de route sur état, seule dépense qui soit variable, étaient évalués à 16,220 fr., et, comme je viens de le dire tout à l'heure, la réduction de 8,700 fr. sur ce chiffre ne pouvait être raisonnablement espérée.

Dans les prévisions d'aujourd'hui, une réduction a cependant été opérée sur ce chiffre pour le budget de 1848. Les frais de route et de séjour ne sont plus évalués, comme on pourra s'en convaincre par les développements du budget, page 62, qu'à une somme de 14,800 fr. C'est ce qui a paru nécessaire en 1848 pour cet objet. Voilà l'explication, quant à ce chiffre de 8,700 fr.

On a supposé à tort que le chiffre pour les frais de route et de séjour était de 28,000 fr. et que sur ce chiffre on pouvait opérer une réduction de 8,700 fr. Le chiffre de 28,000 francs aura été probablement composé tant des 16,220 fr. pour frais variables que des 12,000 fr. qui forment les frais relatifs à l'école du génie civil.

C'est, messieurs, par ces considérations que je justifie le chiffre que j'ai sollicité au budget de 1848.

M. Brabant. - Messieurs, les faits relatés dans le rapport de l'année dernière étaient parfaitement exacts. A un des articles du tableau de récapitulation qui a été fourni à la section centrale sur la dépense du corps des ponts et chaussées, il avait été porté une somme de 28,500 fr. comme ayant été dépensée en 1848 pour les frais variables de route et de séjour, et c'est sur ces 28,500 fr. que la section centrale avait proposé, et que vous avez adopté, une réduction de 8,700 fr. ; de sorte qu'aucune spécialité n'était indiquée au budget, mais que, dans les intentions de la section centrale, on pouvait dépenser une somme de 20,000 fr. pour indemnités de voyage.

M. le ministre croit qu'une somme de 14,500 fr. suffira à cette dépense pendant l'année 1848 ; il y aura donc réellement une réduction de 5,500 fr. sur ce que la section centrale vous avait proposé d'allouer l'année dernière.

Il est vrai, messieurs, que la dépense se trouve aujourd'hui plus considérable : mais c'est que probablement l'état du personnel qui nous avait été fourni n'était pas complet. Il n'était pas nominatif et, je le répète encore une fois, le tableau représentant l'administration était, comme l'administration elle-même, un véritable chaos.

Messieurs, il est aujourd'hui passé en force de chose jugée, en pratique constante qu'on ne retire pas l'emploi à celui qui en est revêtu. Je voterai le chiffre proposé par M. le ministre d'autant plus qu'il m'a paru que l'honorable rapporteur consentait à l'abandon des amendements proposés par la section centrale.

Mais je prierai M. le ministre d'être très sobre en fait de promotions et de nominations.

Veuillez remarquer, messieurs, que le service ordinaire du corps des ponts et chaussées n'emporte qu'une somme de 318,339 fr. 90 c. et le service extraordinaire emporte 256,550 fr.

Il est bien vrai que sur ces 256,550 fr. les compagnies concessionnaires de chemins de fer fournissent à l'Etat un subside considérable et même supérieur à la somme réellement dépensée pour la surveillance de ces chemins de fer ; mais, messieurs, déjà nous voyons qu'il y a stagnation dans les travaux entrepris par les compagnies, plusieurs concessions seront même abandonnées. Or, les compagnies qui auront renoncé à leurs concessions cesseront de fournir le subside qui leur était imposé pour les frais de surveillance, et cependant, suivant la pratique, les ingénieurs qui sont aujourd'hui chargés de la surveillance conserveront leurs grades et leurs traitements.

Messieurs, comme je l'ai fait observer dans la discussion de l'année dernière, le corps des ingénieurs était autrefois dans des proportions infiniment plus modestes qu'il ne l’est aujourd'hui. Successivement il s'est agrandi et l'on a justifié plus ou moins bien les dépenses qui en résultaient, par la grande impulsion donnée aux travaux d'utilité publique, surtout dans l’établissement de notre railway. Mais je crois bien que nous ne reprendrons pas par périodes de 10 ou 15 ans des travaux aussi considérables que ceux qui ont été exécutés dans la période écoulée. Conséquemment il faudrait arriver successivement à des réductions du personnel, qui est réellement trop nombreux.

Il suffira, messieurs, pour voir combien l'on pourrait réduire, de prendre un exemple dans le canal latéral à la Meuse. Par une première loi nous avons alloué une somme de 3,500,000 francs et dans la séance d'hier on nous a annoncé un supplément de dépense, de pareille somme à peu près. Je ne sais si ce sera le dernier crédit, mais enfin je veux bien m'en tenir là.

Voilà que le canal latéral à la Meuse aura coûté 7 millions, et je suppose qu'on aura mis 4 ans à le construire. Je ne sais quand il a été commencé je ne sais quand il sera achevé, mais je suppose que l'on y mette 4 ans. Eh bien, tout le personnel des ponts et chaussées employé à ce travail vraiment extraordinaire ne se compose que de 8 personnes, et si 8 ingénieurs et conducteurs suffisent pour une dépense de 7 millions répartie sur 4 années, ce qui représente, à peu près, 1,800,000 francs par an, je ne sais pas comment on pourra employer tous ceux qui sont en service extraordinaire lorsque viendront à cesser les contributions que les compagnies nous payent aujourd'hui pour les chemins de fer. Je crois que si l'on faisait annuellement pour 2 ou 3 millions de travaux extraordinaires en dehors du budget des travaux publics, il n'y aurait pas stagnation sous ce rapport, et cependant un personnel beaucoup plus restreint d'ingénieurs pourrait y suffire.

M. Tielemans, rapporteur. - Messieurs, les observations que j’ai faites tout à l'heure étaient puisées dans le rapport de la section centrale de l'année dernière. Voici ce qu'on lit dans ce rapport :

« Suivant un tableau remis à la section centrale, et qui sera déposé sur le bureau pendant la discussion, le crédit du litt. A se partagerait : 1° En traitements normaux 367,000 fr., 2° en traitements supplémentaires 700 fr., 3° en frais fixes 55,400 fr. Ensemble 423,100 fr.

Il y avait, messieurs, entre cette somme et la somme pétitionnée alors, une différence de 28,700 francs et voici comment s'exprime la section centrale, au sujet de cette différence :

« Les 28,700 de différence seraient affectés aux déplacements extraordinaires. Cependant les dépenses de cette nature ne se sont élevées en 1845 qu'à la somme de 20 mille francs, ainsi que le mentionne une note insérée dans ce tableau. Aussi la section centrale propose-t-elle une réduction de 8,700 francs. »

Vous voyez, d'après cela, qu'en effet la somme de 28,700 francs se trouve bien comprise au budget dans l'article global de 423 mille francs et que la réduction a été opérée non pas sur les frais de route, évalués à 16 mille francs, comme le disait tantôt M. le ministre des travaux publics, mais sur le chiffre global de 28,700 francs.

Il est possible que l'on ait été dans l'erreur à cette époque ; et si les données de M. le ministre sont plus exactes aujourd'hui, comme je n'en doute pas, il y a lieu d'allouer le crédit.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, comme je l'ai dit tout à l'heure, la somme de 28,220 fr. se composait de 16,220 fr. pour frais de route et de séjour et d'une somme de 12,000 fr. destinée au jury d'examen et aux voyages des élèves de l'école du génie civil.

M. Brabant. - Messieurs, l'article 48 du projet de l'année dernière était libellé de la manière suivante :

« section V. Personnel des ponts et chaussées. Art. 48. Traitement des ingénieurs et conducteurs. Frais de bureau et de déplacement. Indemnités et dépenses éventuelles. Frais des jurys d'examen de l'école du génie civil et voyage des élèves : fr. 463,800. »

Comme je le disais dans le rapport, page 8, les traitements normaux et supplémentaires et frais fixes s'élevaient à une somme de 423,100 fr. et la note placée à la suite du tableau portait pour voyages extraordinaires 28.700 fr., total 451,800 fr.

Il y avait de plus 12,000 fr. pour frais du jury d'examen et voyages des élèves des ponts et chaussées, ce qui faisait en tout 463,800 fr. L'honorable rapporteur n'aura pas pris garde à une chose, c'est que les 28,700 fr. formaient la différence entre la somme de 451,800 fr. et celle de 423,100 et qu'ils devaient être affectés aux dépenses extraordinaires.

Tout le personnel des ponts et chaussées n'allait pas à 423,100 francs, y compris les frais extraordinaires de déplacement, mais sans ces frais extraordinaires. C'est sur ces 28,700 francs que la chambre a opéré la réduction de 8,700 francs, et elle a alloué en réalité une somme de 20,000 francs pour frais de déplacements extraordinaires. Or M. le ministre ne demande plus aujourd'hui que 14,600 et des francs, ce qui fait une réduction de 8,400.

M. Delfosse. - Messieurs, l'honorable rapporteur a exposé avec sa lucidité habituelle les motifs qui ont engagé la section centrale à proposer une réduction de 19,000 fr. Cependant il n'a pas tout dit, il a omis notamment quelques-unes des raisons qui m'ont décidé à m'associer au vote de la section centrale ; je crois donc utile de présenter quelques observations.

Messieurs, le corps des ponts et chaussées a profité, dans les premiers temps de la révolution de 1830, de la faiblesse, je dirai même de l'obligeance de quelques-uns des ministres qui n'ont fait que passer au pouvoir, pour s'ériger en quelque sorte en corps indépendant ; cette indépendance lui a permis de lutter quelquefois avec succès contre les ministres, qui n'avaient pas l'énergie que je me plais à reconnaître dans le ministre actuel des travaux publics ; il est ainsi parvenu à faire augmenter outre mesure son personnel et les avantages dont il jouit.

J'ai une entière confiance, chacun le sait, dans M. le ministre des travaux publics ; il nous a promis dans la séance d'hier (et, quant à moi, je n'avais pas besoin de cette promesse), il nous a promis de faire sur le personnel des ponts et chaussées, toutes les économies compatibles avec l'intérêt du service. Je suis sûr que M. le ministre des travaux publics tiendra cette promesse, mais c'est justement parce que j'ai confiance en (page 668) lui, c'est parce que je suis sûr qu'il tiendra sa promesse, que j’ai voté, en section centrale, contre l'allocation de 19,000 fr. qui, remarquez-le bien, messieurs, constitue une augmentation réelle sur le chiffre de l’année.

Le chiffre qu'on demande en ce moment se compose du chiffre de l'année dernière, de certains transferts, de certaines régularisations ; et indépendamment de tout cela une augmentation de 19,000 fr.

Voici comment j'ai raisonné en votant avec la majorité de la section centrale. Je me suis dit : La conviction générale, celle de la plupart de mes honorables collègues, comme la mienne, étant qu’il y a moyen, qu’il y a même nécessité d'opérer de fortes économies sur le personnel du corps des ponts et chaussées, pourquoi admettrions-nous augmentation de 19,000 fr., proposée par M. le ministre des travaux publics ?

De deux choses l'une : ou cette augmentation est justifiée, ou elle ne l’est pas ; si elle n'est pas justifiée, il faut la rejeter ; si elle est justifiée, M. le ministre des travaux publics pourra faire face à la dépense, au moyen des économies qu'il a promis de faire et que bien certainement il fera.

L'augmentation de 19,000 fr. est-elle justifiée ? L'honorable ministre a fait valoir des raisons qui portent à croire qu'il a effectivement besoin de cette somme. Cependant, qu'il me permette de lui soumettre sur ce point quelques observations.

Je ne parlerai pas de la somme de 8,700 fr., l'honorable rapporteur et M. le ministre des travaux publics nous ont donné sur ce point des explications satisfaisantes.

Quant à la somme de 4,400 fr., destinée à un ingénieur qui avait quitté le pays, en vertu d’un congé et qui vient d’y rentrer, M. le ministre des travaux publics, tout en reconnaissant le principe, qu’on ne doit pas accorder de congé à un ingénieur qu'autant que la Belgique peut se passer momentanément de ses services, qu'autant que la place qu'il occupe peut rester vacante pendant son absence ; M. le ministre, tout en reconnaissant ce principe, a fait observer qu'il ne faut pas lui donner un effet rétroactif ; qu'il ne faut pas appliquer aujourd'hui à un ingénieur des conditions qui ce lui ont pas été imposées au moment où il a obtenu son congé.

Je suis d'accord sur ce point avec M. le ministre des travaux publics ; mais si les renseignements qui m'ont été fournis sont exacts, et j'ai lieu de les croire tels, le prédécesseur de M. le ministre, bien qu'il eût pris un arrêté portant qu'à l'avenir aucun ingénieur n'obtiendrait de congé qu'autant que sa place pourrait rester vacante, s'est cependant permis de déroger à cette mesure générale, par divers arrêtés spéciaux, en donnant à des ingénieurs qui obtenaient un congé et qui étaient immédiatement remplacés, le droit de reprendre leurs fonctions à leur rentrée dans le pays.

Je signale cet abus à M. le ministre des travaux publics, qui saura, j'en suis sûr, empêcher qu'il ne se reproduise, et qui fera exécuter le règlement dans toute sa rigueur.

Quant à la troisième somme, celle de 5,900 fr. destinée à trois conducteurs qui ont été attachés à un service spécial, et qui, lorsque ce service spécial a cessé, ont été placés dans le service ordinaire, je ne trouve pas les explications données sur ce point par M. le ministre des travaux publics et par M. le rapporteur, entièrement satisfaisantes. Si, lorsque le service spécial a commencé, ces trois conducteurs étaient déjà au service de l'Etat, on aurait dû, en les attachant à un service spécial sur les fonds desquels ils devaient être payés, on aurait dû retrancher leur traitement de l'allocation du personnel, et je ne me souviens pas qu'on soit venu, depuis que je fais partie de cette chambre, nous proposer une réduction de ce genre ; si, au contraire, ces trois conducteurs ne faisaient pas partie du corps des ponts et chaussées, je ne vois pas pourquoi on les a engagés d'une manière permanente ; puisqu'il s'agissait d’un service spécial, d’un service temporaire, il fallait ne les engager que pour la durée du service auquel ils étaient attachés ; on pouvait encore, pour les engager à accepter et à remplir avec zèle la mission que le gouvernement entendait leur confier, on pouvait leur dire, et cela eût été raisonnable, que lorsqu'ils se seraient acquittés de cette mission, le gouvernement, s'il était satisfait d'eux, leur donnerait les premières places de conducteurs qui deviendraient vacantes dans le corps des ponts et chaussées ; mais il ne fallait pas aller plus loin. Il ne fallait pas s'engager à créer pour eux trois places nouvelles dans le service ordinaire. C'est en procédant ainsi qu'on a augmenté outre mesure le personnel des ponts et chaussées. J'appelle sur cet abus l'attention sérieuse de M. le ministre des travaux publics.

Je me résume, M. le ministre des travaux publics pourra, j'en suis convaincu réaliser de notables économies sur cette partie de son budget ; si ces économies se réalisent, il n'y a pas le moindre inconvénient à adopter la réduction proposée par la section centrale. Si les 19,000 fr. sont nécessaires, les économies dont je viens de parler, y feront face ; si au contraire ils ne le sont pas, il n'y a aucune raison pour les admettre.

L'honorable rapporteur a en quelque sorte retiré la proposition de la section centrale, et je dois convenir qu'il n'a pas eu en cela un très grand tort, que la réduction de 19,000 fr. soit admise ou rejetée, M. le ministre des travaux publics, je le sais, ne dépensera que ce qui lui paraîtra strictement nécessaire aux besoins du service. Cependant, il serait peut-être préférable de voter la réduction.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Trois choses ont été établies : la première que c'est par suite d'une erreur, qu'on demandait une réduction de 8,700 fr. L'honorable rapporteur de la section centrale de l'année dernière a donné à cet égard des explications qui ont été confirmées par l'honorable rapporteur de cette année ; il ne faut donc pas opérer cette réduction ; en second lieu, il a été établi que ce serait en donnant un effet rétroactif à un principe que je reconnais bon et utile, qu'on opérerait la réduction de 4,400 fr., ce qui me mettrait dans l’impossibilité de payer le traitement d'un ingénieur rentrant au service de l’Etat. Enfin il a été établi que ce serait par une autre erreur qu'on opérerait le retranchement de 5,900 fr. L'honorable préopinant se trompe complètement quand il suppose que cela constitue une dépense nouvelle ; c'est un véritable transfert, comme je l'ai énoncé dans les développements, ainsi que tous les autres transferts qui ont été accueillis.

J’ai proposé de transférer du fonds spécial voté par la loi du 28 mars 1847, neuf mille francs ; ce transfert a été accueilli ; j’ai proposé de transférer 600 fr. de l’article 3 de la même loi, la proposition a été accueillie ; j’ai proposé de transférer 600 fr. de l’article 3 de la même loi, la proposition a été accueillie ; j’ai proposé un transfert de 26 mille fr. du fonds spécial créé par la loi du 16 mai 1845 pour la construction du canal latéral à la Meuse, on la accueilli ; ce sont autant d'employés qui étaient payés sur des fonds spéciaux au lieu de l’être sur les fonds du budget ; tous ces employés devaient, après l’exécution des travaux spéciaux auxquels ils étaient attachés, rentrer dans la catégorie des employés payés sur les fonds du budget.

Il se trouve que trois conducteurs n'ayant pas cessé de faire partie du corps des ponts et chaussées, corps auquel, je le reconnais, on a donné une très grande extension, il se trouve que trois conducteurs nommés ne pouvant être destitués ni directement ni indirectement, il n'y a aucune espèce de motif pour cela, payés jusqu'à présent sur des fonds spéciaux, ne peuvent plus être ainsi payés, mais doivent l'être sur les fonds ordinaires du budget. Or, c'est pour la chambre le moyen de connaître le véritable état du personnel des ponts et chaussées, qui autrefois était payé partie sur de. fonds spéciaux, partie sur les fonds du budget, que de ramener tous ces traitements au budget. On reconnaît que la somme doit être payée ; mais, dit-on : Comme vous annoncez que vous voulez réviser les traitements et les indemnités, et comme nous avons la conviction que vous opérerez des économies, nous retrancherons provisoirement cette somme de 19,000 fr.

Pour que la chambre vote ou que le ministre propose des économies, il faut que cela ait été examiné. Comment peut-on, sans examen, dire qu'il est démontré qu'une économie est possible et fixer cette économie au chiffre de 19 mille francs ?

Pour la troisième fois je prends l'engagement de réviser cet article des traitements et indemnités ; mais sais-je à quel résultat j'arriverai ? Il se peut que j'aboutisse à des économies ; mais si, comme j'ai eu l'honneur de le dire, il y a lieu, au moyen des économies opérées sur les gros traitements, de réparer une injustice envers les employés qui ont des traitements trop faibles, j'aurai, en agissant ainsi, posé un acte d'aussi bonne administration que si j'avais fait tomber en boni dans les caisses de l'Etat quelques milliers de francs. Je crois même que j'aurai agi plus utilement au point de vue des intérêts généraux en opérant comme je viens de l’indiquer. Mais encore une fois, je ne sais pas quel sera le résultat.

Quand le ministre précise, plus qu'on ne l'a jamais fait, tous les besoins et les constate, quand nominativement il indique tous les agents qui doivent être rétribués, il faut bien qu'on lui donne les moyens de faire face aux engagements qui ont été contractés au nom de l'Etat.

Tantôt l'honorable M. Osy a fait une observation à laquelle j'avais omis de répondre, il a demandé que le chiffre de 606,604 fr. fût divisé en deux, dont l'un comprendrait le traitement ordinaire des ingénieurs, et l'autre l’indemnité accordée pour la surveillance des chemins de fer concédés.

Je ne crois pas pouvoir accueillir cette demande. En voici la raison : le traitement des ingénieurs ne sera pas divisé ; ils n'auront pas une somme à titre de traitement et une autre à titre d'indemnité sur le fonds de surveillance. Au budget des voies et moyens ce fonds doit figurer pour en opérer la recette, mais au département des travaux publics la somme à dépenser figure seule, qu'elle vienne de telle ou telle source, le traitement de l'ingénieur ne variera pas parce qu'il sera chargé de la surveillance de tel ou tel chemin de fer concédé.

Je ne crois donc pas qu'il y ait lieu d'opérer cette division qui présenterait d'ailleurs des inconvénients.

L'honorable membre a dit qu'on ne voyait pas figurer au budget les traitements des fonctionnaires qui ont été chargés, par des arrêtés émanes du ministère précédent, de la surveillance des chemins de fer concédés.

Il n'y a pas encore lieu de faire figurer au budget quelque somme de ce chef, parce que la surveillance doit s'appliquer à des chemins de fer qui ne sont pas encore en exploitation. Il s'agit de la surveillance de l'exploitation, non de l'exécution. On examinera ultérieurement ce qu'il y a à faire à cet égard.

M. Delfosse. - Je répondrai en peu de mots à ce que l'honorable ministre des travaux publics vient de nous dire : « Je ferai, nous a-t-il dit, les économies qui seront possibles ; mais je ne puis savoir à quelle somme elles s'élèveront. » Pourquoi la section centrale s'est-elle arrêtée au chiffre de 19,000 fr. plutôt qu'à tout autre ? Pourquoi ? Par le motif que j'ai indiqué, parce que ces 19,000 fr. constituent une augmentation réelle.

Les 8,700 fr. sont une augmentation, puisque la chambre les a rejetés l'année dernière.

(page 669) Les 4,400 fr. sont une augmentation, puisqu'il s'agit d'un ingénieur qui n'était pas payé précédemment, d'un ingénieur qui avait obtenu un congé et qui vient de rentrer dans le pays.

Les 5,900fr. ne constituent qu'un transfert, si l'on en croit M. le ministre des travaux publics ; entendons-nous, c'est un transfert en ce sens que la dépense qui était temporaire devient permanente. 'Trois conducteurs étaient attachés à un service spécial qui a cessé. Néanmoins on les garde et on veut les garder toujours.

Il y a donc réellement une augmentation de 19,000 fr. Voilà pourquoi la section centrale s'est arrêtée à ce chiffre. J'espère que M. le ministre des travaux publics ne s’y arrêtera pas dans les économies qu'il a promises.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - L'honorable préopinant suppose que les 5,900 fr. étaient une dépense temporaire, parce que les trois conducteurs dont ce chiffre représente le traitement, étaient chargés d'un service spécial. Mais à un service spécial en succédait un autre. De temporaire en temporaire, des employés de ce genre auraient été éternellement payés sur des fonds spéciaux. C'était un moyen de ne pas faire connaître l'extension donnée au personnel des ponts et chaussées.

C'est pour éviter cet inconvénient qu'on a porté ces traitements au budget. Telle était l'intention de la chambre. C'est, pour me conformer à cette intention que je demande un véritable transfert, non d'une dépense temporaire à une dépense permanente, mais un transfert dans toute la force du terme, en comprenant l'allocation de 5,900 dans le budget actuel.

- L’article 33 est adopté avec le chiffre de 606,604 fr. proposé par le gouvernement.

Articles 34 et 35

« Art. 34. Traitement du personnel définitif des surveillants, gardes-ponts à bascule, éclusiers, pontonniers et autres agents subalternes du service des ponts et chaussées : fr. 421,788 23. »

- Adopté.


« Art. 35. Frais des jurys d'examen de l’école du génie civil, et voyage des élèves : fr. 12,000. »

- Adopté.

Chapitre III. Chemin de fer

Discussion générale

M. le président. - La discussion est ouverte sur l'ensemble du chapitre III, Chemin de fer.

M. David. - Les paroles de M. le ministre des travaux publics, à l'occasion de la discussion du budget qui nous occupe, sont venues au-devant des réclamations que je voulais élever, et nous ont fait concevoir d'heureuses espérances ; le pays commercial et industriel y a applaudi. Les promesses qu'elles renferment de réformes et d'améliorations dans le système d'exploitation de nos chemins de fer seront accomplies ; les connaissances économiques étendues, le caractère ferme et loyal d« M. le ministre nous en sont un sûr garant ; aussi je me plais à le féliciter de l'initiative, si conforme aux vœux du pays, qu'il a prise. Je lui demanderai maintenant d'exécuter son plan le plus tôt possible et de nous dire dès aujourd'hui quand il croit pouvoir faire jouir le public des bienfaits énoncés dans son discours de mardi ; bien des industries en souffrance les attendent avec impatience et les charbonnages du bassin de Liège, entre autres, y trouveront peut-être un moyen de reprendre bientôt leurs relations interrompues avec l'Allemagne. Je ne sais si, dans la révision des tarifs, il sera apporté quelques changements à ceux des voyageurs. Qu'il me soit donc permis d'en dire un mot.

D'après moi, messieurs, il existe sous ce dernier rapport plusieurs moyens d'augmenter les recettes du chemin de fer sans avoir pour cela de plus grandes dépenses à faire soit en matériel, soit en personnel, soit en frais de traction et d'administration. Je dirai d'abord qu'en diminuant convenablement le prix des places de waggons et haussant ceux des diligences, vous convierez les voyageurs à pied, bien nombreux encore, à prendre le chemin de fer par économie de temps et d'argent, sans perdre un seul voyageur de première classe. Ce dernier fait me paraît démontré par ce qui se passe sur les chemins de fer français, dont les tarifs pour les places de première classe sont d'un tiers plus élevés que chez nous. En adoptant cette mesure, vous auriez toujours vos voitures de troisième classe beaucoup mieux garnies encore qu'elles ne le sont sous le régime actuel, sans aucune augmentation de frais pour l'administration.

Je dirai ensuite que, si à l'instar de ce qui se pratique en Prusse et sur divers chemins de fer français, les voyages du dimanche, dans la bonne saison, quand il s'agirait de l'aller et retour dans la journée, ne se payaient que la moitié de ce qu'ils coûtent les autres jours, vous verriez affluer aux stations des chemins de fer des familles et des sociétés nombreuses qui profiteraient avec empressement de cette occasion à bon marché de faire des excursions d'agrément auxquelles la dépense à résulter du tarif actuel ne leur permet pas de penser.

Des personnes peu aisées ou que leurs travaux retiennent toute la semaine se déplaceraient soit par curiosité, soit pour leurs affaires, tandis qu'elles sont condamnées, sous le coup des tarifs actuels, à ne sortir jamais de chez elles ou à ne le faire qu'à pied.

Par cette innovation, les trains de chemins de fer, au lieu de voyager presque à vide les dimanches, seraient toujours copieusement chargés et donneraient d'abondantes recettes tout en satisfaisant un nombreux public.

Je demanderai, avant de terminer, à MM. les ministres des travaux publics et des finances s'ils croient la douane la compagne obligée de tous les convois de marchandises, et si, sous ce rapport, il ne serait pas possible de simplifier et d'obtenir quelque économie.

M. de Man d’Attenrode. - Il est impossible à une heure aussi avancée, de s'occuper d'une discussion aussi importante que la discussion générale du chapitre Chemin de fer. J’en demande la remise à demain.

M. de Mérode. - Appuyé ! Ordinairement j’engage les membres de la chambre à continuer la séance le plus tard possible pour avancer la besogne. Mais puisque personne n'est prêt à prendre la parole sur ce chapitre qui est l'objet le plus important du budget du département des travaux publics, et que d'ailleurs nous ne sommes plus en nombre, je demanderai, par dérogation à mes habitudes, la remise à demain.

M. Osy. - J'ai des observations à présenter, Le gouvernement a annoncé qu'il avait besoin d'une somme assez considérable pour achever le chemin de fer.

Je crois qu'à cette occasion M. le ministre pourrait nous donner quelques détails. Effectivement il y a beaucoup à faire pour le matériel et pour les stations.

Pour ma part, je désirerais que cette année nous fissions le moins de dépenses possible en dehors du budget, vu la situation financière du pays. Cependant je crois qu'il est absolument nécessaire d'achever le chemin de fer. Le matériel a besoin d'être renouvelé ou complété, et les stations sont loin d'être achevées. On n'a qu'à voir ce qui se passe à Anvers, où l’on est obligé de déposer les marchandises en plein air.

Je crois donc que le gouvernement fera bien de nous dire franchement ce dont il a besoin pour le .chemin de fer.

A plusieurs reprises, l'année dernière, nous avons entretenu la chambre de l'état du matériel ; nous avons démontré à l'évidence que nous avions besoin d'un plus grand nombre de waggons. Le gouvernement, en présence des réclamations du commerce et de l'industrie, a fait construire 400 nouveaux waggons. Mais comment a-t-il couvert la dépense ? En enlevant un million au fonds des stations et en ajournant ainsi la construction de celles-ci.

J'engage le gouvernement, je le répète, à nous faire connaître les besoins réels et à ne pas faire ce qu'ont fait, pendant trois ou quatre ans, les précédents ministères, à ne point nous cacher la situation véritable du chemin de fer.

Messieurs, on a construit 400 waggons nouveaux. Cependant dans le cours de 1847 nous avons encore été obligés d'emprunter des waggons au chemin de fer du Nord pour faire le service sur Cologne. Et je vous laisse à deviner quel intérêt vous avez payé à la compagnie du Nord. Vous lui avez payé 3 francs par jour pour chaque waggon, ce qui fait au-delà de 1,000 francs par an pour une voilure qui en coûte 2,000. Vous avec donc emprunté à un intérêt de 50 p. c. Je vous demande s'il est permis à un pays comme le nôtre d'emprunter à un taux aussi usuraire.

Il est temps qu'un pareil état de choses cesse ; il faut qu'on complète le matériel, de manière à ce que nous ne devions plus emprunter des voitures et à ce que vos locomotives soient dans un état convenable pour avoir des convois accélérés, ce qu'on n'ose pas aujourd'hui parce que les remorqueurs sont dans un tel état qu'on craint d'accélérer la marche des convois.

L'honorable M. David vient de vous signaler une économie qui me paraît très praticable.

Aujourd'hui tous les convois de marchandises qui vont de frontière à frontière sont convoyés par la douane. Les waggons sont non seulement fermés par des cadenas, mais en outre ils sont plombés au point de départ par la douane. Il me paraît dès lors qu'il suffirait que ces convois fussent accompagnés par les employés du chemin de fer. Ils sont assez nombreux. Nous avons vu dans le rapport, que sur chaque convoi de marchandises il y avait trois gardes-convois. Remarquez que les gardes-convois donnent des cautionnements et que les douaniers n'en donnent pas. Les premiers doivent donc inspirer à l'administration autant de confiance que les seconds.

Dès lors il me paraît qu'il suffirait qu'au lieu de départ, la douane remît aux employés du chemin de fer une feuille de route qui serait remise à la douane de la frontière opposée. Il résulterait de cette mesure une économie, non seulement dans les frais de personnel, mais aussi dans les frais de déplacement.

Je crois que c'est un point sur lequel M. le ministre des travaux publics pourrait facilement s'entendre avec son collègue M. le ministre des. finances.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.