de Rossius Fernand, Henri libéral
né en 1831 à Liège décédé en 1885 à Liège
Représentant entre 1866 et 1882, élu par l'arrondissement de Liège(Extrait de la Meuse, du 3 décembre 1885
Funérailles de M. de Rossius-Orban, ancien représentant.
Les funérailles civiles de M. F. de Rossius-Orban ont eu lieu hier, à midi, au milieu d’un immense concours de monde.
Rarement, il nous a été donné de voir dans notre ville pareille affluence.
A la maison mortuaire, boulevard Frère-Orban, il y avait une telle foule, qu'on avait peine à se frayer un passage pour arriver à la chambre funèbre, où les membres de la famille se trouvaient réunis autour du cercueil, qui disparaissait sous les couronnes de deuil/
Toutes les classes de la population avaient voulu rendre hommage à la mémoire de M. de Rossius, enlevé si subitement à l’affectation de sa famille et de tous ses concitoyens.
Il nous est impossible de citer les noms de toutes les autorités qui assistaient à cette cérémonie funèbre. Nous devrions citer tout ce que Liége et la province comptent d'hommes politiques, d'autorités administratives et judiciaires, tous les principaux représentants du commerce, de la finance et de l'Industrie.
Bornons-nous à mentionner la présence de M. Frère-Orban, ministre d'Etat, oncle du regretté défunt ; de toute la députation liégeoise au Sénat et à la Chambre ; de MM. le baron de Sélys-Longchamps, sénateur de Waremme ; de Macar, représentant de Huy ; Mineur, ancien représentant, et de plusieurs autres députés ; de MM. Pety de Thozée. gouverneur de la province ; J. d'Andrimont, bourgmestre de Liége; Schuermans. premier président de la cour d'appel ; Detroz. procureur général; des généraux de L'Escaille et Wolff, colonel Halkin, commandant de la place : baron Georges Forgeur, ministre plénipotentiaire ; des membres de la députation permanente ; des conseillers provinciaux et communaux ; de nombreux magistrats de la cour et des tribunaux ; des chefs de toutes les grandes administrations publiques et des principales industries du bassin de Liége, ainsi que de Verviers, de Huy, de Seraing ; d'un grand nombre de bourgmestres des communes de l'arrondissement, etc., etc.
Deux discours ont été prononcés à la maison mortuaire au milieu d'un profond recueillement : le premier, par M. Emile Dupont, représentant, au nom de la députation liégeoise, dont M. de Rossius fut pendant plusieurs années un des membres les plus distingués ; le second, par M. Neef-Orban. au nom du conseil d'administration des Aciéries d'Angleur.
Le cortège s'est formé à midi et demi et s'est dirigé par les boulevards, la rue de la Casquette, les places du Théâtre, Verte et Saint-Lambert, la rue de Bruxelles, la rectification de Hocheporte et la rue de Campine vers le cimetière de Sainte-Walburge, où l'inhumation a eu lieu dans le caveau de la famille Orban.
L'harmonie des Aciéries d'Angleur précédait le char funèbre, qui était orné de nombreuses couronnes.
Le deuil était conduit par les fils, le gendre et le frère du défunt.
Derrière la famille venaient de nombreux employés et ouvriers des Aciéries, portant de magnifiques couronnes et bouquets de deuil, dernier témoignage de leur affection pour le chef dévoué qu'ils ont perdu.
Les drapeaux de l’Association libérale et du Vestiaire libéral, recouverts de crêpes, étaient accompagnés de nombreux membres de ces sociétés.
Les autorités , les amis de la famille, plusieurs centaines d'employés et d'ouvriers des Aciéries ont suivi à pied jusqu'à Sainte-Walburge, où cet immense cortège n'est arrivé qu'à 2 heures de relevée. Sur tout le parcours se pressait une foule nombreuse et recueillie.
Le défunt étant officier de l'Ordre de Léopold, le service d'honneur était par une compagnie du 9ème régiment de ligne, sous le commandement du capitaine Glaeser et du lieutenant Lonhienne.
Avant que le cercueil fût déposé dans le caveau, l'honorable M. J. d’Andrimont, bourgmestre et président de l'Association libérale, a rappelé en quelques paroles émues les services que M. de Rossius a rendus à notre opinion.
Un des employés des Aciéries est ensuite venu, au nom du personnel de cet établissement, rendre un dernier hommage à sa mémoire vénérée.
Ces discours ont été dits au milieu du plus religieux silence. Puis les ouvriers ont été déposer sur la tombe des couronnes de deuil ; tous pleuraient ; ils ne pouvaient pas faire un plus touchant éloge du défunt.
Discours de M. Dupont, représentant.
« Messieurs, Il y a trois ans à peine que celui que nous pleurons aujourd'hui a cessé de représenter l'arrondissement de Liége au Parlement.
« Certes, il ne cédait pas alors à la lassitude et au découragement. L’ardeur de ses convictions était restée la même, et son dévouement aux idées libérales ne s'était pas démenti. Toute son ambition eût été alors de continuer à les défendre au sein de la Chambre. avec l'autorité que lui donnaient l'éloquence de sa parole, la fermeté de ses opinions, la dignité de son caractère et les services rendus.
« Il nous exprimait ses regrets avec une tristesse émue ; mais d'autres devoirs plus impérieux encore s'imposaient alors à son activité. Nos efforts furent impuissants à le retenir, et il renonça à ce mandat que cinq fois en seize ans les électeurs liégeois avaient renouvelé.
« Il ne nous quittait pas cependant, j'en ai la certitude, sans esprit de retour. Si la mort n'était pas venue le frapper dans toute la force de l'âge, il serait rentré dans la carrière où il avait remporté, au service de la plus noble des causes, des succès dont il était fier et que ses concitoyens n’ont pas oubliés.
« Il nous avait promis de ne pas se séparer de nous, de continuer à combattre avec nous sous le drapeau commun, de rester un soldat fidèle dans la défaite comme dans la victoire. Vous savez. Messieurs, s’il a tenu parole.
« Aussi. pour nous. Fernand de Rossius n’avait pas quitté nos rangs. Nous le considérions toujours comme un collègue aimé que nous étions heureux de consulter au milieu des épreuves et des revers de ces dernières années. Nous conservions l'espoir de le voir occuper un jour encore le siège qu'il avait dû abandonner.
« Cette espérance, cette intimité si douce, la mort nous les enlève aujourd'hui : et c'est sa mémoire respectée que j'ai la douleur de rendre en ce moment un dernier hommage.
« Fernand d Rossius entra jeune à la Chambre. La loi du 7 mai 1866 avait attribué à l'arrondissement de Liége un siège nouveau. Il le brigua : il faisait partie du conseil communal de Liége ; ses débuts au barreau avaient été brillants, et il n'est douteux pour personne, pour nous surtout, témoins de ses premiers succès, que s'il y était resté, il eût bientôt été au premier rang.
« Ses goûts le portaient cependant plutôt vers l'industrie et il ne tarda pas à s’y faire une haute position.
« Les électeurs liégeois comptèrent avec raison trouver en lui un mandataire capable de défendre, avec le même zèle, les intérêts matériels et les opinions libérales de notre arrondissement.
« Il fut élu une première fois le 12 juin 1866, à la majorité de deux mille voix.
« A la Chambre, M. de Rossius ne tarda pas à acquérir une autorité méritée.
« Jurisconsulte, il montra quelle était sa valeur dans l'élaboration de nos codes. Je dois citer ici ses rapports comme membre des diverses commissions qui se sont occupées de cette œuvre législative, et ses discours dans la discussion de la loi sur les sociétés. Son sens pratique empêcha mainte fois que l'on allât trop loin dans la réaction suscitée contre la liberté des conventions en cette matière par les désastres financiers des sociétés Langrand.
« Homme politique, il se préoccupa surtout des deux questions qui sont encore aujourd'hui le champ de bataille des partis.
« Lors de l'approbation indirecte donnée par le gouvernement d'alors au règlement de Chênée sur les inhumations, il revendiqua avec éloquence les droits de l'autorité civile et lutta avec énergie pour le principe de la liberté de conscience.
« Chaque fois que l'occasion s'en présenta. il prit en main la grande cause de l’enseigne- ment national à tous ses degrés. Il voulait son organisation forte et conforme aux exigences de la société moderne.
Enfin. il se fit en toute occasion le défenseur des intérêts industriels de notre arrondissement.
Deux fois, en 1870,puis en 1874. enfin en 1878, il sollicita et obtint, sans contestation sérieuse, le renouvellement de son mandat.
A deux reprises la Chambre lui témoigna l'estime dont il était entouré, en lui confiant les fonctions de secrétaire de cette assemblée.
Fernand de Rossius n'avait pas, en effet, d’ennemi au sein du Parlement. Tous rendaient hommage à sa courtoisie, à son talent, à sa loyauté, à son désintéressement. Il n'avait pas, il est vrai, cette tolérance un peu banale qui n'est souvent que de l'indifférence ou du scepticisme ; ses opinions avaient conservé toute l'ardeur et tout l'enthousiasme de sa jeunesse: sa foi politique était de celles qui enfantent des œuvres. Mais il respectait sincèrement les opinions adverses, tout en cherchant à convaincre ceux qui ne pensaient pas comme lui.
« Rien n'était plus simple, plus affable, plus cordial que son accueil. Toujours prêt à rendre service à ceux qui recouraient à lui, il était pour ceux qu'il admettait dans son intimité l'ami le plus dévoué et le plus affectueux.
« D'une rare distinction d'esprit, et de manières, il nous charmait dans ces relations familières que l'accomplissement du même mandat entretenait entre nous.
« Hélas! quelques heures ont suffi pour briser tous ces liens, pour nous ravir cette intelligence d'élite, pour enlever cet homme de bien à la tendresse d'une famille qu'il adorait.
« Le travail incessant auquel il se consacrait depuis de longues années semble avoir miné sourdement cette organisation, robuste cependant, et l'avoir laissé tout à coup exposé sans défense au mal qui l'a foudroyé !
« Adieu Fernand !
« Puissent les témoignages de la douleur publique. puisse la sympathie de cette foule en deuil, ôter un peu d'amertume au coup terrible qui vient de frapper les tiens !
« Au nom de tes amis et de tes anciens col- lègues, adieu ! »
Discours de M. O Neef
« En ma qualité de président des Aciéries d'Angleur, j'ai la triste mission d'adresser un suprême adieu à l'homme distingué qui fut tout la fois le créateur et l'âme de la société, qui lui a consacré les plus belles années de son existence.
« Nous, ses collaborateurs de la première heure, nous ne trouvons pas d'expression pour dire la profonde douleur que sa mort nous cause.
« De Rossius n'était pas seulement un travailleur infatigable, opiniâtre, une intelligence d'élite ; il avait une droiture, une délicatesse de sentiment qui commandaient immédiatement le respect et la confiance.
« Chacun sentait qu'il pouvait se reposer sur sa parole ; son caractère avait une grandeur qui, dans certains moments, inspirait une véritable émotion à ceux qui l’approchaient.
« Nous l'avons vu aux prises avec toutes les difficultés inséparables d'une création industrielle. Jamais son énergie et sa foi dans son œuvre ne se sont démenties.
« Tel nous l'avons vu dans le succès préparé par son travail, calme, inaccessible à l’enivrement de la prospérité, tel nous l'avons trouvé lorsque la crise a éclaté plus effrayante que les plus pessimistes ne pouvaient l'entrevoir.
« Nous l'avons vu souffrant d'une situation terrible pour toute notre industrie ; nous ne l'avons jamais vu ni abattu ni découragé.
« Il était de ceux qui pensent que le travail triomphe toujours des difficultés, que les perfectionnements et le progrès doivent sortir des luttes de l'esprit humain aux prises avec les problèmes posés par les années d'adversité. Aussi, dans ces derniers temps, s'est-il prodigué, multiplié, s'usant véritablement pour réaliser à nos diverses usines tous les progrès révélés par la science ; et au moment où. cette partie de sa tâche accomplie, il venait de consolider pour 30 ans une situation financière qui met notre société à l'abri d'un prolongement même inattendu de la crise, la mort le frappe !
« N'est-il pas cruel que ce soit devant sa dépouille que nous soyons condamnés à dire la reconnaissance que nous lui devons ?
Oui, cher de Rossius, c'est un devoir pour nous de proclamer ici que tu nous as tout sacrifié, plaisirs, distractions, repos. Aussi prenons nous solennellement l'engagement de na pas laisser péricliter ton œuvre : nous n'aurons pour cela qu'à nous inspirer des exemples que tu nous as laissée.
« Nous rendrons ainsi à ta mémoire le seul culte digne de ton cœur.
« Cher collègue, adieu ! »
Discours de M. J. d’Andrimont
« Messieurs,
« Que pourrais-je ajouter sur cette tombe à ce qu'ont dit avec tant d'éloquence mes amis Dupont et Neef ; que pourrais-je dire surtout. qui égale cette manifestation exceptionnellement imposante que nos cités n'accordent qu'à leurs grands citoyens ? La droiture, la fermeté, la sagesse. le bon sens, la modération délicate que de Rossius a montrés au Parlement, dans I industrie ; en un mot, cet ensemble de qualités maîtresses qui faisaient de lui un homme hors ligne, il les a apportées dans la direction de l'Association libérale. qu'il a présidée à deux reprises différentes, aux heures les plus difficiles.
« Ardent. inébranlable dans ses convictions. il faisait preuve, dans les questions de personnes, d'un étonnant esprit de conciliation. Aussi eut-il des d'adversaires, mais pas un ennemi. Sa loyauté extrême dans les questions où la passion obscurcit souvent le jugement des meilleurs, donnait un charme particulier à son action et une autorité unique à ses avis.
« Liége n'eut jamais de fils plus dévoué. la patrie un citoyen plus passionne pour la servir.
« Adieu ! »
Discours de M. Pierre Burlet, au nom du personnel des Aciéries d’Angleur
« Messieurs.
« Une perte cruelle, irréparable, vient de nous frapper.
« L'impitoyable mort vient de couper le fil des jours, ravissant ainsi, avec une rapidité foudroyante, l'existence de notre administrateur-gérant au milieu de labeurs incessants qui dénotent une nature puissante. Hélas ! Monsieur de Rossius n'est plus !
« Qu'il me soit permis, au nom du personnel tout entier, dont je suis ici l'interprète, de rappeler avec quelle affabilité, quelle sollicitude il s'intéressait aux moindres détails de la fabrication, qui était si chère à ce travailleur infatigable, qui savait se multiplier par une activité extraordinaire.
« Cœur d'or, âme généreuse et vaillante, dévoué à la cause des travailleurs. pour lesquels il avait toujours quelques paroles encourageantes.
« Alors qu'une crise des plus intense sévit partout sur l'industrie, il sut toujours trouver une somme de travail suffisante pour en mitiger les effets et procurer le pain aux ouvriers.
« De plus, n'avons-nous pas encore tous présente à la mémoire sa belle et noble conduite lors du terrible accident qui eut lieu en janvier 1882, où toute une brigade de fonderie fut décimée?
« Il fut le premier sur les lieux pour leur porter secours. Il les fit soigner comme les siens, les visitant régulièrement et veillant par lui-même à ce que rien ne leur fît défaut.
« Bientôt après, son caractère généreux assurait les moyens d'existence aux veuves des victimes, ainsi qu'à leurs nombreux orphelins.
« Mais, à présent, hélas ! quels déchirants adieux, adressés à cet homme de bien auquel chacun de nous est redevable de quelque bienfait.
« Sa mémoire sera vénérée, car le souvenir de ses actes est gravé au tond de notre cœur.
« Que la terre soit donc légère à celui auquel nous adressons un suprême adieu.
« Adieu, Monsieur de Rossius !!! Adieu. »
Entre autres discours prononcés aux funérailles de M. de Rossius, voici celui de M. Duckerls, administrateur de la Belgique industrielle, qui n'avait pas été publié avant-hier :
« J'apporte sur le cercueil de Fernand Rossius la modeste expression des regrets de la société la Belgique industrielle.
« Pour la seconde fois en quinze mois, nous nous trouvons, mes collègues et moi, devant la dépouille mortelle d'un collaborateur.
« L'an dernier c'était notre président Henri De Moor ; aujourd'hui, c'est son successeur, Fernand de Rossius.
« Avec son jugement rapide, son étonnante activité, de Rossius, bien que surchargé de travail, avait voulu faire une petite part de son temps à notre Association, parce qu'il en appréciait la douce et consolante mission, et quand la mort nous enleva notre chef, Henri De Moor, le conseil, d'un mouvement unanime, offrit la présidence à Fernand de Rossius.
« Nous étions loin de penser alors qu'il dirigerait nos travaux pendant un temps si court.
« Fort, robuste, énergique, il nous promettait une longue carrière et nous comptions pour longtemps sur l'appui que donnaient notre institution la haute intelligence et le nom universellement respecté d’un président tel que lui.
« Il appréciait hautement le but humanitaire de nos travaux ; il comprenait combien il sage d'assurer aux travailleurs une compensation pour les nombreux accidents qui attristent l’industrie ; c'était avec une joie sincère qu'il voyait chaque année augmenter rapidement la grande famille de nos sociétaires, aujourd'hui au nombre de près de six cents.
« C'est au nom de tous ceux-là que je parle en ce moment ; c'est plus encore au nom de tous les travailleurs sauvés de la misère, au nom des autres qui peuvent envisager l'avenir avec moins de crainte, grâce à l’œuvre qui s' honorera toujours d'avoir compté de Rossius au nombre de ses présidents.
« Adieu, cher collaborateur, au nom de vos collègues, au nom de vos administrés, adieu. »
Voir aussi, Connaître la Wallonie : les wallons marquants. de Rossius Fernand (consulté le 9 décembre 2024)