de Montpellier Charles, Constant, Guillain catholique
né en 1830 à Vedrin décédé en 1914 à Vedrin
Représentant entre 1859 et 1884, élu par l'arrondissement de Namur(Extrait de l’Ami de l’ordre, du 6 novembre 1914)
Le Baron de Montpellier, gouverneur de la province de Namur
Le baron de Montpellier de Vedrin, dont nous avons annoncé hier la mort, était né l'année même où se fondait notre indépendance nationale.
Il devait vivre assez longtemps pour voir les temps sombre que nous subissons.
Son âme de patriote en a profondément souffert, et l'on peut dire que les derniers mois de sa laborieuse existence furent pour lui une période de peines et de sacrifices par lesquels Dieu voulait épurer l'âme de son fidèle serviteur, avant de lui ouvrir les portes de la céleste Patrie.
Il y a trois mois, il quittait le palais du gouvernement provincial, où, semblait-il, il était destiné à rendre le dernier soupir, après y avoir habiter pendant trente ans. Il devait ainsi justifier en sa personne l’inanité des choses humaines et donner une fois de plus raison à la devise qui orne l’entrée de l’ancien palais des évêques de Namur : « Non habemus hic permanentem domum ».
Les circonstances tragiques qui l’ont entourée rendent plus pénible le deuil que provoque, dans tous les rangs de la société, la mort de notre vénéré gouverneur.
Autour de la tombe de cet homme qui incarnait si parfaitement les traditions du peuple namurois, se répandront d’unanimes regrets et de ferventes prières. Tous ceux- et ils sont innombrables – qui ont éprouvé ses bienfaits, garderont pieusement son souvenir.
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Le baron Charles de Montpellier de Vedrin était fils d’Alphonse Alexis de Montpellier de Vedrin et de Hubertine de Moreau de Bioul : il était le niveau de feu Mgr de Montpellier de Vedrin, évêque de Liége, de vénérée mémoire, et de Constant de Montpellier de Vedrin, colonel de la garde de volontaires qui s’illustra en 1830.
La famille de Montpellier, venant du midi de la France, s’est installée dans le Namurois dès le début du XVème siècle.
Elle s’est scindée en deux branches : les de Montpellier d’Annevoie et les de Montpellier de Vedrin, et n’a jamais cessé de résider dans la province de Namur.
Parmi les illustrations de cette noble famille nous voyons des évêques, des généraux, des chambellans, des lieutenants de gardes wallonnes, des grands baillis, des députés aux états-généraux, des membres de notre Parlement belge et de nos diverses assemblées politiques.
Le futur gouverneur de Namur devait, lui aussi, fournir une brillante et fructueuse carrière, tant dans la vie parlementaire que dans la haute administration du pays.
Formé d’abord par son oncle, Mgr de Montpellier, et par les pères jésuites du collège Notre-Dame de la Paix, le jeune Charles de Montpellier alla terminer ses études en Angleterre, au collège de Stonyhurst, où, comme il se plaisait à nous le rappeler, il était déjà abonné à l’Ami de l’Ordre, fondé en 1838 par son oncle, M. le chanoine de Montpellier.
Revenu au pays, Charles de Montpellier, qui aimait à combattre pour les idées catholiques, se lança dans la lutte électorale. Il ne devait y rencontrer que des succès. En 1859 à 29 ans, il était nommé député de l’arrondissement de Namur à la Chambre des représentants.
En 1872, il quitta la politique pour entrer dans l’administration provinciale comme commissaire de l’arrondissement de Soignies ; l’année suivante, il revenait en la même qualité à Namur.
Il occupa ce second poste jusqu’au moment où il fut révoqué par le ministère libéral de 1878. Il ne tarda pas à prendre sa revanche contre ceux qui l’avaient si brutalement destitué. En effet, dès 1879, en pleine guerre scolaire, alors que le ministère déployait la plus grande énergie pour briser les efforts du parti catholique, Charles de Montpellier était, dans une élection très mouvementée, réélu député de Namur.
Aux élections générales de 1880, il passait seul au premier tout de scrutin, tant était grande et légitime la popularité dont son nom et sa personne étaient entourés.
A l’inoubliable scrutin du 7 juin 1884, qui transmis le pouvoir aux mains des catholiques pour un terme de 30 années, son nom figurait au premier rang parmi les triomphateurs de la grande journée. Mais il ne devait plus retourner au Parlement, où il avait rempli son mandat avec autant d’intelligence que de dévouement.
Le 18 juin 1884 la confiance du Roi et le désir de ses amis l’appelèrent aux fonctions de gouverneur de la province de Namur.
Ce que fut, pendant six lustres, ce haut magistrat, l’opinion publique le proclame plus éloquemment que notre plume ne pourrait le faire. La grandiose manifestation organisée en son honneur et juillet 1909, à l’occasion de son jubilé de 25 ans, fut l’explosion sincère de l’universelle sympathie, de la vive reconnaissance que tous les habitants de la province, sans distinction d’opinion, éprouvaient à l’égard de leur chef bien-aimé.
Le 18 juin dernier, au trentième anniversaire de cette éminente magistrature, ses amis voulaient encore le fêter, mais, avec sa modestie et son humour bien connus, le baron de Montpellier déclina la nouvelle avalanche de fleurs, de compliments et de remerciements.
Il lui suffisait, à cet homme de bien, de faire son devoir, de servir son Dieu, sa Patrie, sa chère province, et ce devoir, il voulait le remplir jusqu’à son dernier jour. Il voulait mourir à la tâche.
Dieu en a disposé autrement. En grand chrétien qu’il était, le baron de Montpellier s’est incliné, sans même laisser apparaître ses regrets, et il a accepté l’épreuve avec une admirable résignation à la volonté divine.
C’est dans les mêmes sentiments qu’il a vu venir la mort. Depuis longtemps, il s’y était préparé. Il garda jusqu’au bout sa pleine et lucide personnalité, se tenant au courant des événements.
Quand le moment fut venu, il se recueillit pour recevoir dignement. en viatique, le Dieu que, si souvent, chaque jour, tant que sa santé le lui permit, il allait visiter à la Table Sainte.
Sa mort fut pour les siens le plus édifiant et le plus réconfortant des adieux : Charles de Montpellier est mort comme il a vécu, en saint ; son âme s’est envolée vers le Ciel, vers lequel il avait toujours aspiré pendant sa longue et méritante existence.
Au cours de sa belle carrière, le baron de Montpellier fut honoré de hautes distinctions par le roi et par le pape. II était grand officier de l'Ordre de Léopold, grand cordon de l'Ordre Saint-Grégoire le Grand, commandeur avec plaque de l'Ordre de Pie IX, décoré de la Croix civique de première classe et de la médaille commémorative du règne de S. M. le roi Léopold II.
Ajoutons aussi que pendant plusieurs années de sa vie militante, Charles de Montpellier fut président de l'Association catholique de l’arrondissement de Namur.
(Extrait de l’Ami de l’Ordre, du 10 novembre 1914)
LES FUNERAILLES DU BARON DE MONTPELLIER DE VEDRIN, gouverneur de la province de Namur
Les funérailles du baron de Montpellier de Vedrin, le vénéré gouverneur de la province de Namur, ont été célébrées à Vedrin, samedi, à 11 h. 1/2 du matin.
De toutes parte, la foule était accourue, désireuse de saluer une dernière fois les restes du grand citoyen que Dieu à rappelé à Lui, à rendre au vénéré défunt le suprême hommage de l'affection et du respect, ardente aussi à unir ses prières à celles de l'Eglise, à celles de la famille en deuil.
Au château tendu de noir, sur les routes, au seuil des maisons, l’affluence était énorme.
Parmi les personnalités présentes nous avons remarqué : MM. Albéric de Pierpont et Hicguet, sénateurs ; Fernand Golenvaux, membre de la Chambre des représentants. bourgmestre de Namur; le baron Paul de Gainer d'Hestroy, président de la députation permanente ; le baron Fallon, commissaire d'arrondissement ; M. Georges Henry, vice-président du Conseil provincial ; M. Georges Everard, député permanent; M. Malisoux, greffier provincial honoraire; M. Xavier Bribosia, greffier provincial ; de très nombreux conseillera provinciaux ; M. Charles Thibaut, président da tribunal de première instance de Namur : M. Capelle Henry, procureur da Roi ; M. Arthur Procès ; tous les bourgmestres du canton; quantité de notabilités ; des fonctionnaires de l'administration provinciale et des diverses administrations.
A cette émouvante manifestation de sympathie avaient voulu s'associer S. E. le lieutenant général baron von Hirschberg, gouverneur allemand de la position fortifiée ; M. le général-major von Longchamps-Bérier, gouverneur de la province ; M. le conseiller impérial Kransbühler, président de l'administration civile ; plusieurs officiers.
Un seul discours fut, à raison des circonstances, prononcé à la maison mortuaire. M. Georges Henri fit un très éloquent éloge du baron de Montpellier. Nous reproduisons plus loin son discours.
Après ces paroles, qui résumaient si bien toute une carrière de travail, d’honneur, de patriotisme et de foi, le clergé paroissial fit la levée du corps et le cortège funèbre se mit en marche (…)
Les funérailles da baron de Montpellier de Vedrin furent imposantes et grandioses dans leur noble simplicité. Elles furent empreintes d'une piété profonde, telles qu'elles devaient l’être pour ce chrétien fidèle et généreux. La foule était recueillie ; elle priait avec ferveur. Un même sentiment animait tous ceux qui étaient venus s'agenouiller au bord de cette tombe, une même émotion dans la douleur, une même confiance dans nos espérances immortelles.
Discours de M. Georges Henry, président du conseil provincial
Messieurs,
L’émotion est grande autour de ce cercueil.
Elle est mêlée de trouble, d'affection, de regrets. Elle est aussi désireuse d’entendre l'éloge du baron de Montpellier de Vedrin, qui fit, pendant plus de trente ans, gouverneur de la province.
Je traduirai ici les sentiments et les émotions du conseil provincial de. Namur en lui rendant an suprême hommage de gratitude et en m'inclinant avec respect devant ce grand citoyen qui a honoré sa province en la servant généreusement.
Car c’est une vie longue de plus d’un demi-siècle que la baron de Montpellier a consacrée utilement à la grandeur et à l’administration de son pays ! Et de même qu’il a donné toute son ardeur et son talent militant à la défense des intérêts de la nation, quand la voix populaire l’envoya à la tribune du Parlement, pour y défendre, suivant sa conscience droite, les libertés dont le peuple belge est avide, de même il apporta une sage prudence et une science intelligente dans l’administration provinciale à laquelle notre roi l’avait appelé.
Toue ceux qui l'ont abordé ont constaté sa grande serviabilité dans ses importantes fonctions, l'heureux à-propos de son esprit, ainsi que son désir d'encourager les initiatives. Et ses conseils, ses décisions, ont été appréciés toujours, à l'égal des services qu'il a rendus à son roi.
Sa personnalité appartenait vraiment au cadre de l'hôtel du gouvernement provincial, dont il avait fait sa chose pour le plus grand bien de tous, et il semblait aux conseillers de la province que ce cadre lui appartenait en propre, tant ils avaient pris l'habitude d'y voir sa physionomie vive et mobile, de l'entendre parler d'une façon alerte et spirituelle en même temps que sage et pondérée.
Le baron de Montpellier a été le plus zélé des gouverneurs. Toujours à son poste, toutes les questions administratives étaient traitées par lui avec une vue large et charitable.
Malgré son âge, ses idées et ses aspirations restaient jeunes, car, au milieu des problèmes de tous genres qui chaque jour se font plus nombreux, il admettait l'évolution politique et sociale, en soutenant les jeunes initiatives.
Ses discours d'ouverture de nos sessions sont là pour en témoigner, car, fidèlement, il y relatait avec une satisfaction bien marquée la réalisation des désirs qui lui étaient manifestés. Il intervenait aussi par ses encouragements, suivant le rôle qui lui était confié, dans l’amélioration da sort des humbles et des déshérités de la terre, amélioration que le conseil provincial a réalisé dans les limites de ses moyens.
Enfin, messieurs, vous rappellerai-je que le baron de Montpellier possédait au plus haut degré les vertus de patriotisme et de loyalisme ?
Issu d'une ancienne famille où les règles de l'honneur et de la fidélité sont de tradition depuis plusieurs siècles, il devait, sans effort et par atavisme ancestral, être attaché à sa Patrie et à son Roi. II n'y a pas manqué.
Tous ceux qui l'ont entendu dans ses discours ont été pénétrés de ses sentiments d'attachement à notre Patrie et à notre Roi. II avait une manière de parler si communicative et si convaincante ! Et plus d'un, parmi ceux qui lui adressent en ce jour un adieu suprême, plus d'un se rappellera avec émotion les sentiments qu’il remuait dans les âmes.
Celui qui, il y a plus de trente ans, avait déclaré à son conseil provincial « mettre à sa disposition tout ce qu'un chrétien, un royaliste, un Belge, peut donner d'affection, de dévouement, à son Dieu, à son Roi, à sa Patrie » et qui a tenu sa promesse d'une façon nette et chevaleresque, celui-là doit être admiré et proposé comme exemple aux générations nouvelles.
Messieurs, nous allons quitter cette demeure qui a vu naître et mourir celui qui fut le gouverneur aimé de Namur, et nous rendre aussitôt invoquer le Maitre qui juge les hommes et qui dirige la destinée des nations.
Elargissons les émotions de nos pensées, et, à nos sentiment8 de regret, de reconnaissance et de respect éprouvés à de l'homme de bien que noue perdons, ajoutons les pensées qui ont angoissé son cœur pendant ces douloureux moments où notre pays subit une si terrible secousse.
Que le Dieu tout-puissant soit miséricordieux pour son fidèle serviteur et qu'Il protège notre chère Belgique !