de Clercq Emile, Jean, Jacques catholique
né en 1822 à Bruges décédé en 1888 à Bruges
Représentant entre 1864 et 1888, élu par l'arrondissement de Bruges(Extrait de La Patrie (de Bruges), du 2 février 1888)
Nécrologie.
Funérailles de M. De Clercq-Jullien.
C’est au milieu d'une foule immense qu'ont eu lieu hier les funérailles de notre regretté représentant. Dès 10 heures et demie, les abords de la maison mortuaire étaient occupés par les troupes et peu après a commencé le défilé des amis et connaissances devant les fils et les gendres de M. De Clercq.
Vers 11 heures, quand la députation de la Chambre des représentants est arrivée, l’accès de la rue St-Georges était devenu difficile.
Le clergé, M. le curé-doyen de Saint-Gilles en tête, n'a pas tardé à se présenter ; les prières prescrites par I Eglise ayant été dites, M. De Lantsheere, président de la Chambre des représentants, s'est avancé jusqu'au seuil de la chambre mortuaire et a prononcé le discours suivant :
« Messieurs,
« La Chambre des Représentants s'associe à la légitime douleur d'une famille frappée deux fois, coup sur coup, dans ses les plus affections les plus chères, Elle participe au deuil qui couvre cette glorieuse cite de Bruges et vient, en s'inclinant devant cette tombe prématurément ouverte, rendre hommage à deux nobles sentiments : l'abnégation toujours prête au sacrifice et les convictions s'affirmant avec une inébranlable constance au milieu des succès comme parmi les revers. Ce sont ces sentiments, en effet, qui semblent avoir dominé toute la carrière de M. Emile Jean Jacques De Clercq, dont nous honorons la mémoire.
« L'histoire de sa vie se confond, depuis un quart de siècle, avec celle des luttes politiques dont l'arrondissement de Bruges a été le théâtre.
« Il est des hommes à qui le labeur des générations précédentes a assuré le repos dans la dignité. Ils n'ont besoin de rien demander au monde. Le foyer domestique, la famille offrent à leur cœur le seul champ où ils aient l'ambition de déployer leur activité. Ils passent en faisant le bien.
« Et cependant, tel est l'attrait de ces vertus qui s'enveloppent dans leur modestie, si grande est l'influence qui rayonne autour d'elles, que l'opinion publique, aux heures de rénovation, va arracher à leur retraite volontaire et élève sur le pavois ceux en qui elle les honore. Elle cherche en eux un appui et une force que l'éclat et le talent n'assurent pas toujours.
« Ainsi en fut-il à Bruges, lorsque, en 1863, le parti catholique. reprenant des combats où il n'avait connu que des défaites, tenta une fois encore d'enlever son mandat parlementaire à un homme comme Paul Devaux. Ce fut à M. De Clercq qu’échut le périlleux honneur de figurer sur la liste rivale. Le sort de la première bataille ne fut pas décisif. Une deuxième journée assura la victoire, et M. De Clercq reçut de l'arrondissement son premier mandat. Victoire éphémère car, quelques mois plus tard, une nouvelle élection ramené à la Chambre les vaincus de l'élection précédente, Cette défaite n’ébranla pas le courage de M. De Clercq. Nous le retrouvons an combat, en 1868, avec son ami, notre excellent collègue, M- Visart. Cette fois il l'emporte et la fortune électorale lui demeure fidèle, malgré des combats deux fois renouvelés, jusqu’en 1880.
« En 1880, nouvelle défaite, à laquelle succède, en 1884, une nouvelle victoire.
« La mort, cette fois, est venu le frapper, au milieu de la session, alors qu'avec son activité accoutumée, il consacrait aux intérêts de son arrondissement tout son zèle et tout son dévouement. Il n'est pas nécessaire ici, messieurs, au milieu de cette population qui l’aimait, d'exposer tout ce que notre regretté collègue a fait pour Bruges. Sa modestie l'éloignait de la tribune. Cependant, il ne se passait point de session sans que le désir de défendre les iIntérêts de ses commettants ou d'assurer son concours à quelque mesure d'ordre supérieur ne l'y amenât. Il savait revendiquer, avec l'opiniâtre énergie du Flamand, ce qu'Il estimait être son droit. Il revenait à la charge, quoiqu'il pût loi en coûter, mais sans se rebuter jamais, jusqu'à ce qu'il eût obtenu satisfaction. II n'a pas eu le bonheur de voir réaliser la grande œuvre de Bruges port de mer, dont avec une clairvoyance qui l'honore, il avait, le premier, recommandé l’étude à la Chambre.
« Il avait, messieurs, trouvé en ce monde une première et légitime récompense dans l'estime et la confiance de ses concitoyens, dans les distinctions dont S. M l'avait honoré. dans la cordiale affection de tous ses collègues Mais il portait plus haut ses espérances. II remplissait son devoir, il en acceptait avec courage toutes les charges et tous les sacrifices, le regard fixé sur un monde meilleur, où toute vertu trouve la seule récompense que veuille ambitionner une âme chrétienne.
« Puisse-t-il reposer en paix dans le sein miséricordieux du Seigneur qu'il a fidèlement servi ! »
M. le comte Amédée Visart de Bocarmé, bourgmestre de Bruges, compagnon de lutte de l'honorable défunt, a rendu à sa mémoire l’hommage que voici :
« Messieurs,
« Vous venez tous, avec une émotion et une douleur trop justifiées, rendre un suprême hommage de sympathie et de respect à M. Emile De Clercq, représentant et conseiller communal de Bruges.
« Permettez à celui qui a été, pendant un quart de siècle, le compagnon de ses luttes et de ses travaux d'exprimer encore une fois les sentiments que vous éprouvez tous. Je sais combien cet homme excellent, cet ami dévoué, ce défenseur constant et de nos droits et de nos intérêts, mérite d'être honoré et pleuré par ses collègues et ses concitoyens.
« M. De Clercq n'a jamais été un ambitieux. li ne serait sans doute jamais sorti de la vie privée où il a donne l’exemple de toutes les vertus ; il aurait été seulement un père de famille admirable, si son attachement à ses convictions politiques et religieuses et le vœu de l'opinion publique, faisant violence à sa modestie et à son désintéressement, ne l’avaient jeté malgré lui dans la carrière politique. Son caractère élevé, ses talents, ses habitudes laborieuses et sa persévérance invincible lui ont permis d'en remplir toutes les obligations avec une fidélité et un dévouement dont nous ne perdrons jamais le souvenir. Depuis 1863 jusqu'aujourd'hui, il a appartenu à la vie publique, et je puis dire, sans être taxé d'exagération, qu'il avait acquis l'estime et le respect de ses adversaires autant que la vive affection et la reconnaissance de ses amis politiques. Il a été longtemps un des membres les plus assidus et les plus laborieux de la représentation nationale ; il a pris une part utile et distinguée à un grand nombre de discussions et de travaux parlementaires et tous ses collègues ratifieront les paroles éloquentes et émues dont M. le président de la Chambre a honoré sa mémoire. Mais, je dois le dire, on ne connaîtra et on ne louera jamais assez le zèle, la fermeté, l'opiniâtreté avec lesquels il a défendu en toute circonstance et de toute manière les moindres comme les plus grands intérêts la ville et de l'arrondissement de Bruges. Pendant vingt ans, son activité et son dévouement n'ont jamais été en défaut pour assurer à commettants ses une juste et large part dans les travaux publics et dans l'amélioration de tous les services de I'Etat. Personne, sous ce rapport, n'a plus mérité la gratitude des Brugeois. Le souvenir de M. De Clercq sera vénéré par eux.
« Rappelons nous aussi avec émotion la bonté, la complaisance inépuisable et presque excessive avec laquelle il a mis sans cesse son influence et ses sages conseils au service même des plus humbles de ses concitoyens et souvent de ses adversaires de la veille. Il écoutait toutes leurs réclamations, défendait leur cause et prenait en main leurs intérêts comme ceux d'un ami. Dans cette foule qui se presse à ses funérailles, qui pourrait compter ceux qu'il a obligés ou aidés au début de leur carrière ou dans un moment difficile ? Combien de souvenirs reconnaissants et de prières le suivront au-delà de la tombe !
« Messieurs, le conseil communal de Bruges, présent tout entier à cette triste solennité, a voulu que je sois ici l'organe des regrets unanimes et profonds que lui fait éprouver la mort de M. De Clercq.
« Depuis 1872, il a toujours siégé parmi nous sauf pendant un intervalle de trois ans. Ses occupations nombreuses ne l'ont pas empêché d’être un des conseillers les plus zélés et les plus actifs et il a constamment apporté à nos délibérations le concours précieux de son expérience, de ses lumières et de son dévouement aux intérêts de la ville. Sa mort laisse un grand vide dans le conseil et ses collègues avec lesquels il avait les plus cordiales relations en sont douloureusement affectés.
« M. De Clercq, qui a donné, comme homme public, les plus beaux exemples, était, en même temps, un chrétien convaincu et fervent. Il a supporté avec une résignation héroïque le grand malheur qui l'a frappe à la tin de sa vie dans ses affections les plus Intimes.
« Ses travaux, ses vertus, ses épreuves trouveront au-delà de cette vie passagère, la seule récompense à laquelle il aspirât.
« Nos regrets et les honneurs que nous rendons à sa mémoire ne suffiraient pas sans cette pensée à adoucir la désolation de ses enfants et de ses proches. »
M. van Ockerhout, vice-président de l'Association conservatrice, remplaçant M. le chevalier de Cock, retenu chez lui par les soins que réclame sa santé, a fait l'éloge de M. De Clercq en flamand. Nous traduisons son discours :
« Messieurs, a dit en substance l'honorable sénateur, l'absence de M. le chevalier Eug. de Cock m'impose, en ces douloureuses circonstances, le devoir de prononcer quelques paroles à la mémoire de celui que nous pleurons.
« Je ne vous ferai pas de discours. Je ne vous retracerai pas la carrière si bien remplie d'Emile De Clercq Jullien. Je viens remplir au nom de l'Association conservatrice de Bruges un devoir de reconnaissance et un devoir d'ami.
En 1863, notre Association lui offrit une candidature à l'élection législative. Il accepta. C'était, vu les circonstances. un acte de courage. En dépit de son caractère pacifique, il renonça aux joies tranquilles de la famille pour prendre part aux agitations de la vie politique. Depuis lors il est resté sur la brèche, en champion fidèle de l'opinion conservatrice, par dévouement à la Religion et à la Patrie.
« Pendant dix-huit ans, M. Emile De Clercq a été le digne représentant de l'arrondissement de Bruges. Amis et adversaires sont d'accord pour rendre hommage à son zèle ; partout on parle de sa générosité et de sa serviabilité. Et, vraiment, tous ses concitoyens, même les plus humbles, trouvèrent toujours chez lui un accueil plein de charité chrétienne.
« En toutes circonstances, le regretté défunt défendit nos intérêts à la Chambre. Par ses efforts incessants, il obtint plus d'une faveur pour l'arrondissement et pour un grand nombre de ses habitants.
« Envoyé, en 1872, avec dix de ses amis politiques, au conseil communal de Bruges, vous savez, messieurs, la part qu'il prit aux travaux et discussions de l'assemblée communale.
« Sa bonté, jointe à une franchise toute flamande, lui assurèrent l'estime et l'affection de ses collègues de la Chambre et du conseil. L'émoi que la nouvelle de sa grave maladie causa dans tout l'arrondissement prouve que ces sentiments étalent partagés par l'immense majorité de la population et démontre que ses concitoyens appréciaient ses services.
« Un instant on a espéré qu'il nous aurait été conservé. Joie de courte durée ! Dieu rappela à lui ce chrétien d'élite. Sa tâche était accomplie !
« Le coup est rude.
« Inclinons-nous avec respect el confiance devant les décrets de la volonté divine. Consolons-nous par la pensée qu'Emile De Clercq a, sans doute, déjà reçu la récompense de ses vertus.
« Adieu, Emile De Clercq, adieu et au revoir ! »
Ces hommages à la mémoire de l'honorable défunt rendus, le cortège s’est mis en marche. A la sortie de la maison mortuaire, les troupes de ligne ont exécuté un feu de peloton et, aussitôt après, présenté les armes.
Les coins du poêle étaient tenus à droite par M. De Lantsheere, président de la Chambre des représentants et M. le comte Amédée Visart de Bocarmé, bourgmestre et représentant de Bruges. à gauche par M. Van den Peereboom, ministre des chemins de fer, postes et télégraphes et M. Sheridan, greffier provincial représentant M. le gouverneur.
La famille suivait immédiatement : à côté des fils et gendres, de M. De Clercq, nous avons distingué M. Vergote, gouverneur de Brabant, M. De Ridder, ancien membre de la Chambre des représentants.
Après la famille suivait immédiatement la députation de ia Chambre. Elle était composée de MM. le vicomte de Jonghe d'Ardoye, questeur, baron de Montblanc, Léon Visart de Bocarmé, chevalier de Stuers, Struye, De Bruyn, Begerem. Fiévé, De Kepper, Raepsaet, Verwilghen, M. le baron Huyttens de Terbecq, greffier et M. Bruyninckx, économe de la Chambre, accompagnaient la députation qui était précédée et suivie de huit huissiers et messagers.
Il nous serait impossible de citer ici les nombreuses personnes qui formaient la suite du cortège ; nous aurions à citer toutes les autorités de la ville.
C'est au milieu d'une foule nombreuse et recueillie et aux sons d'une musique funèbre que le cortège s'est acheminé vers l'église Saint-Gilles, où a commencé l’office divin.
L'offrande semblait devoir être interminable : la messe était près de finir quand défilaient les dernières personnes désireuses de donner à la mémoire de M. De Clercq l'hommage de leur estime et de leurs sympathies.
Vers 1 heure, le cortège s’est remis en marche. Malgré l'heure avancée, il était encore très nombreux.
Conformément aux traditions, la députation de la Chambre a accompagne le cortège jusqu’aux portes de la ville. La rigueur de la température à exigé ici une dérogation aux honneurs prescrits que nous approuvons complètement. Pendant le service, M. le président de la Chambre et la famille de M. De Clercq ont fait prier le commandant des troupes de congédier celles-ci.
MM. les membres de la Chambre sont rentrés en ville pendant que la famille et les amis accompagnaient jusqu'au cimetière les restes mortels de l'homme de bien que nous pleurons.
(Extrait de Précis historiques: mélanges religieux, littéraires et scientifiques, Bruxelles, Vromant, 1884, volume 37, pp. 142-143)
Le 31 janvier est pieusement décédé à Bruges M. Emile de Clercq-Jullien, membre de la Chambre des représentants. Cette mort sera vivement regrettée dans la Flandre occidentale et dans le pays entier.
Né à Bruges d'une très honorable et ancienne famille et allié à celle d'un membre du Congrès national, M. De Clercq défendit pendant quinze ans les intérêts de son arrondissement avec un dévouement sans bornes. Catholique convaincu dans la vie privée, il ne manqua jamais de se montrer tel dans la vie publique.
L'aménité et la serviabilité de M. De Clercq étaient proverbiales ; jamais on ne fit en vain appel à sa bonté ; on semblait l'obliger en lui fournissant l'occasion d'obliger les autres. Les petits, les humbles s'adressaient à lui avec une confiance qui n'était jamais trompée.
Ses funérailles ont eu lieu à Bruges au milieu d'un immense concours toute la population de cette grande ville avait tenu à honneur de rendre un suprême hommage à son dévoué représentant. M. De Lantsheere, président de la Chambre, a fait un éloquent éloge de son digne collègue ; nous en reproduisons ici le début et la fin.
« La Chambre, a dit M. De Lantsheere, participe toute entière au deuil qui couvre cette glorieuse cité de Bruges et vient en s'inclinant devant cette tombe prématurément ouverte, rendre hommage à deux nobles sentiments : l'abnégation toujours prête au sacrifice et les convictions s'affirmant avec une inébranlable constance au milieu des succès comme parmi les revers. Ce sont ces sentiments, en effet, qui semblent avoir dominé toute la carrière de M. Emile-Jean-Jacques De Clercq, dont nous honorons la mémoire.
« L'histoire de sa vie se confond, depuis un quart de siècle, avec celle des luttes politiques dont l'arrondissement de Bruges a été le théâtre... Il n'est pas nécessaire, au milieu de cette population qui l'aimait, d'exposer tout ce que notre regretté collègue a fait pour Bruges. Sa modestie l'éloignait de la tribune. Cependant il ne se passait point de session sans que le désir de défendre les intérêts de ses commettants ou d'assurer son concours à quelque mesure d'ordre supérieur ne l'y amenât.
« Il savait revendiquer, avec l'opiniâtre énergie du Flamand, ce qu'il estimait être son droit. Il revenait à la charge, quoi qu'il pût lui en coûter, mais sans se rebuter jamais, jusqu'à ce qu'il eût obtenu satisfaction... Il avait trouvé en ce monde une première et légitime récompense dans l'estime et la confiance de ses concitoyens, dans les distinctions dont Sa Majesté l'avait honoré, dans la cordiale affection de tous ses collègues. Mais il portait plus haut ses espérances. Il remplissait son devoir, il en acceptait avec courage toutes les charges et tous les sacrifices, le regard fixé sur un monde meilleur, où toute vertu trouve la seule récompense que veuille ambitionner une âme chrétienne.
« Puisse-t-il reposer en paix dans le sein miséricordieux du Seigneur qu'il a fidèlement servi ! »