de Riquet de Caraman (prince de Chimay) Joseph, Marie, Guy, Henri, Philippe catholique
né en 1836 à Menars (France) décédé en 1892 à Bruxelles
Ministre (affaires étrangères) entre 1884 et 1892 Représentant entre 1882 et 1892, élu par l'arrondissement de Nivelles(Extrait du Journal de Bruxelles, du 3 mars 1892)
Le prince de Chimay
Issu de l'illustre famille des Riquety de Mirabeau et fils du prince Joseph de Caraman t de Chimay, qui gouverna le Luxembourg, fut membre de la Chambre des représentants et représenta le pays dans plusieurs cours d'Europe, le prince de Chimay qui vient de mourir naquit à Ménars (France), le 9 octobre 1836.
Tout Jeune il entra dans la carrière diplomatique et fut attaché en qualité de secrétaire de légation au ministère des affaires étrangères, où il devait revenir plus tard comme chef du département.
Après avoir passé, comme secrétaire et conseiller, par les légations de Paris, Rome, Saint-Pétersbourg, après avoir passé trois années en Suisse en qualité de chargé d'affaires, le prince fut, en 1870, appelé aux fonctions de gouverneur de la province de Hainaut. L'immense popularité qu'il ne tarda pas à conquérir dans la province entière, par son habile gestion des affaires provinciales autant que par ses bienfaits et son extrême affabilité, laissera d'impérissables souvenirs dans la mémoire de la population hennuyère.
En 1877 il fut désigné pour présider la section belge à l'exposition de Paris, où notre industrie et nos produits figurèrent avec éclat et où le prince de Chimay lui-même obtint une distinction pour les écoles ménagères qu'il avait fondées dans le Hainaut.
En 1878, à l'avènement du dernier ministère libéral, le gouverneur du Hainaut rentra dans la vie privée, suivi dans sa retraite par les regrets et les sympathies de tous les habitants de la province.
En 1882 le prince rentra dans la vie publique comme représentant de l'arrondissement de Philippeville, dont il n'a cessé, depuis dix ans, d'être le mandataire.
Dans l'opposition le député de Philippeville prit part aux discussions, prononça à propos de la loi de 1879 un discours très remarqué, où il adjurait le ministère de réviser la loi de malheur, et intervint à plusieurs reprises dans les débats relatifs au budget des affaires étrangères.
Ce fut le 26 octobre 1884 - lors du remaniement ministériel qui suivit les élections communales - que le prince de Chimay se vit confier par le Roi le portefeuille des affaires étrangères.
C'est pendant cette dernière période de l'existence du prince que se réunit à Berlin l'importante conférence de 1885, au cours de laquelle fut consacrée l'œuvre de Léopold II au Congo ; feu le ministre des affaires étrangères a signé aussi de nouveaux commerce avec différents pays ; sous ses auspices ont été conclu des conventions, des arrangements de nature à faciliter les relations entre divers pays notamment en ce qui concerne. les services postaux, télégraphiques et téléphoniques. C'est aussi pendant qu'il dirigeait le département que se réunit à Anvers le grand congrès international de droit commercial ayant pour but l'unification des lois du commerce. C’est encore sur l'initiative de son département que s'organisa la conférence internationale ayant pour but la création d'une entente entre nations pour la traduction et la publication des tarifs douaniers de tous les pays du monde.
N’oublions pas non plus l'organisation, au département des affaires étrangères, d'un service de renseignements concernant l'émigration, organisation qui rend de précieux services à ceux d'entre nos nationaux qui se disposent à s'expatrier.
A la Chambre le ministre des affaires étrangères que la mort nous enlève a toujours apporté dans la discussion, et notamment dans celle de son budget, une courtoisie souriante qui lui a c conquis toutes les sympathies; aussi les attaques perfides qu'essaya de diriger contre lui un trop habile prestidigitateur ès-lettres, pour qui le prince n'avait cessé d'être un bienfaiteur, ces attaques, disons-nous, ne trouvèrent dans l’enceinte parlementaire personne qui les voulût défendre. Le nom pur du prince de Chimay, son haut caractère de gentilhomme défièrent les outrages d'un ingrat devenu transfuge... et chimiste. L’honorable ministre continua à jouir de la considération, de la déférence de tous.
Indépendamment de ses qualités parlementaires et administratives, le prince de Chimay possédait une érudition et une virtuosité musicales très remarquées. C'était un musicien accompli ; il était depuis plusieurs années président de la commission de surveillance du conservatoire royal de musique de Bruxelles.
Nous ne nous attarderons pas à parler de l'homme privé. Tous ceux qui ont approché le prince connaissent l'inépuisable bonté, l'amabilité constante, le naturel bon-enfant, l’obligeance infatigable qui formait le fond de son noble caractère.
Le prince de Chimay a pu faire des ingrats, mais il fallait pour devenir son ennemi que l'on fût doué d'une méchanceté, d'une injustice raffinées. On peut affirmer que l'homme excellent que nous venons de perdre n'a jamais rencontré une rancune, une animadversion.
Il laissera de profonds et unanimes regrets.
Le prince-de Chimay avait épousé à Paris, le 16 juin 1857, Mlle Marie de Montesquiou-Fezensac. Devenu veuf, il s'était uni, le 2 septembre 1889, à Marie-Mathilde de Barandiaran.
Le défunt laisse six enfants : le prince de Caraman-Chimay, qui fut, on se le rappelle, candidat à la Chambre dans l'arrondissement de Thuin ; la comtesse Elisabeth, unie au comte Grêffulhe, député à la Chambre française ; le prince Pierre, secrétaire de légation à Paris; les comtesses Ghislaine et Geneviève ; enfin le prince Alexandre, âgé de 19 ans, qui fréquente les cours de l'université de Louvain.
(Extrait du Soir, du 30 mars 1892)
Le prince de Chimay, ministre des affaires étrangères s'est éteint ce matin, à 10 heures, après une longue agonie.
Le prince Joseph -Marie -Guy-Henri-Philippe de Riquet, prince de Chimay, prince de Caraman, était né à Menars, le 9 octobre 1836.
II était fils du prince Joseph, grand d'Espagne de première classe, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de Belgique à Rome et d'Emilie comtesse douairière de Brigode, née Pelaprat.
Le prince de Chimay entra aux affaires étrangères en 1862, en qualité d’attaché à l'expédition - comme il l'a rappelé il y a peu de temps à l'occasion du 50ème anniversaire du baron Lambermont.
Successivement, de 1862 à 1870, il fut attaché, secrétaire et conseiller de légation, puis chargé d’affaires de Belgique en Suisse.
En 1870, lors de l'avénement du ministère catholique, il fut nommé gouverneur du Hainaut, poste qu'il garda jusqu'en 1878, époque à laquelle le ministère Frère-Bara revint au pouvoir.
On invita le prince de Chimay à donner sa démission. Celui-ci déclara ne le faire que par haute convenance, ne jugeant pas qu’il devait quitter le poste de gouverneur parce que des adversaires politiques étaient au pouvoir.
Il s ensuivit une correspondance assez longue - qui fit quelque bruit – entre le prince et le ministre de l'intérieur d’alors, M. Rolin-Jaequemyns, qui estimait que « les gouverneurs ne sont pas de simples administrateurs, mais que le gouvernement doit avoir en eux des agents politiques. »
Quelque temps après, en juin 1880, il se présenta aux élections législatives de Philippeville comme candidat contre M. Mineur ; ce dernier fut élu, mais en 1884 le prince de Chimay l'emporta . Depuis il représentait cet arrondissement à la Chambre.
En 1884, le 26 octobre, il fut appelé à faire partie du cabinet et remplaça aux affaires étrangères M. de Moreau qui passait à l'agriculture.
En 1857 le prince s'était marié à Marie, fille du vicomte Napoléon-AnatoIe de Montesquiou-Fezensac et d'Isabelle, fille du général CuilIer-Perron, mort en décembre I884.
Il en eut six enfants tous vivants, à savoir :
1° Prince héréditaire, Jopseh-Marie-Anatole-Elie de Riquet, prince de Caraman, né à Paris le 4 juillet 1858, marié en 1890 à Clara, néé Ward, née à Détroit, Michigan, Etats-Unis d'Amérique.
2° Comtesse Elisabeth, née à Paris en juillet 1860, mariée en 1878 au vicomte Greffulhe.
3° Prince Pierre, né à Paris, en août 1862, secrétaire de légation de Belgique à Paris, marié en 1889 à Marthe, fille du comte Werlé et de Mathilde, née Lannes de Montebello.
4° Comtesse Ghislaine, née à Chimay, 24 octobre 1865.
5° Comtesse Geneviève, née à Paris, 29 avril 1870.
6° Prince Alexandre, né à Paris, 9 mars 1873.
Le prince de Chimay s'est remarié le 2 septembre 1889, à Marie de Barandiaran, fille de M. Grégoire de Barandiaran et d’Isabelle, née Cavalcanti d'Albuquerque, née le 15 décembre 1862.
Le prince de Chimay était le type du parfait diplomate : parlant peu, faisant bien.
Estimé de tous - libéraux ou catholiques - pour sa droiture, son urbanité son exquise délicatesse, c'était un esprit cultivé, un artiste dans la haute acception du mot.
Sa grand-mère était la belle Mme Tallien qui représenta la Déesse de la raison, et qu'Arsène Houssaye a appelée Notre-Dame de Thermidor.
Le prince était très répandu dans le monde des artistes ; depuis 1874 il était président de la commission de surveillance du Conservatoire royal de musique de Bruxelles. Très répandu également à Paris dans le monde littéraire.
C'est dans son hôtel du quai Malaquais que PailIeron - qui y occupait un appartement - écrivit son Monde où l'on s'ennuie. Cet hôtel a été racheté depuis par le gouvernement français qui en a fait une sorte d'annexe du Musée des Beaux-Arts. Pendant son séjour à Mons comme gouverneur, le prince de Chimay se rendit vite populaire dans la capitale du Hainaut en allant faire le soir des parties de violon dans les familles de la bourgeoisie ; on ne l'appelait que le « Prince Charmant. » M. de Chimay est, croyons-nous, le quatrième ministre qui, depuis 1830, meurt en fonctions.
Le premier fut le général Buzen, ministre de la guerre. Nous avons eu ensuite M. Partoes, décédé ministre des travaux publics ; puis le général Renard, décédé ministre de la guerre.
Extrait de La Réforme, du 30 mars 1892
La Mort du prince de Chimay
Le ministre des affaires étrangères. qui était agonisant depuis lundi midi, est mort mardi à 9 h. 50 du matin.
Le malade, dont la vigueur physique a tenu si longtemps la mort en échec, a trépassé sans souffrance. Il avait eu pendant la nuit de lundi à mardi plusieurs crises, et un apaisement subit s’étant produit vers le matin. les médecins qui le veillaient déclarèrent que l’agonie se prolongerait pendant toute la journée.
Le prince de Chimay a succombé une affection artérielle généralisée. de nature goutteuse. Tous les organes ont été tour à tour attaqués : miné de toutes parts, le malade était condamné depuis plusieurs jours. La paralysie s'était déclarée dimanche.
L'intelligence a été atteinte la dernière, car le prince de Chimay en pleine agonie a encore reconnu lundi dans la soirée le père Delvaux son confesseur. Il ne s'est point vu mourir, mais il s'est parfaitement rendu compte de son état désespéré pendant les éclairs de lucidité qu'il a eus quelques heures encore avant de mourir.
Avant sa mort
Plus complètement présent à lui-même, il a peut-être envisagé plus nettement encore sa situation lors de sa grande crise, survenue pendant la nuit de mercredi à jeudi. C’est cette nuit-là que le malade a reçu l'extrême-onction. Autour de lui se pressaient tous les membres de sa famille et ses collègues du cabinet qui le veillèrent toute la nuit.
Depuis, chaque veillée a réuni au chevet du malade sa femme, ses trois fils, ses trois filles, ses deux brus, son gendre, le vicomte Greffulhe et sa belle-sœur, la princesse Eugénie de Caraman. Toute cette famille éplorée a assisté, avec le père Delvaux, aux derniers moments de l’agonisant.
II y avait un an que le prince de Chimay était malade. On attribue au refroidissement qu'il a contracté lors des funérailles de Victor Jacobs, l'aggravation qui s'était produite dans son état.
Le ministre des affaires étrangères, qui était alité depuis la fin décembre, a quitté sa couche pour assister à la fête jubilaire organisée en l’honneur du baron Lambermont.
Depuis plusieurs jours, des centaines de personnes viennent s'inscrire au ministère de affaires étrangères. La nouvelle fatale, aussitôt répandue en ville, a amené une recrudescence de visites. Depuis onze heures du matin, tous les membres du corps diplomatique et de la noblesse, un grand nombre de représentants et de sénateurs, une foule de personnalités mondains et d'artistes défilent au ministère des affaires étrangères.
Les funérailles du ministre des affaires étrangères auront lieu vendredi, à onze heures du matin, avec le cérémonial adopté notamment pour celles du général Renard, mort également en fonctions.
L'inhumation aura lieu samedi à Chimay.
* * *
Le prince de Chimay était âgé de cinquante-six ans ; il était né au château de Ménard, en France, dont son père avait fait le rendez-vous des artistes de la première moitié du siècle.
Le prince de Chimay, député de Philippeville depuis 1883 et ministre des affaires étrangères depuis octobre 1884. n'était certes pas un politicien. ni même un homme politique. C’était un homme du monde, un artiste, virtuose même, ayant fait dans la diplomatie les débuts que font les jeunes aristocrates quand ils n’entrent pas à l’armée, mais s’occupant beaucoup plus de musique que de la lutte des partis ou des conflits européens, estimé et aimé de tous, adversaires ou amis. et l’un des gentilshommes les plus réellement aimables que l’on pût rencontrer.
S’il est quelqu’un qui a dû être étonné de se trouver impliqué dans des accusations d’hostilité et de duplicité envers la France, c’est bien le ministre des affaires étrangères dont toutes les traditions. les origines, les relations étaient en France et qui avait eu le tort de pousser la naïveté jusqu'à introduire chez lui et protéger M. Foucault de Mondion. l'espion français rendu célèbre par le procès Boulanger et l’affaire Nieter.
La famille de Chimay est, en effet, d’origine française – et très française. Le nom de famille est Riquet et l’auteur de la noblesse des Caraman-Chimat est l’ingénieur Riquet, qui fit le canal du Midi. Il appartenait à la même faille, d’origine florentine, que les Mirabeau. Mais M. de Chimay tenait de plus près encore aux origines de la France contemporaine : sa grand-mère était la célèbre et belle Thérèse Cabarrus, mariée en premières noces au marquis de Fontenay, puis devenue la citoyenne Tallien et qui fut, sous ce nom, la reine de la société du Directoire et reçut le nom de Notre-Dame de Thermidor. Elle mourut princesse de Chimay, employant en œuvres charitables les dernières années d’une vie si pleine d’agitations et de souvenirs.
M. de Chimay ne semblait donc pas destiné, par ses origines, à appartenir à un gouvernement réactionnaire et que tant de Français considèrent comme complice de l'Allemagne. Mais il paraît que noblesse oblige et que le titre de prince comporte l'obligation d’être clérical et conservateur. M. de Chimay au fond n'était d'ailleurs qu’homme du monde, un homme du monde fort séduisant. Tout dernièrement, il se remaria. bien qu'ayant dépassé la cinquantaine, et apporta le titre de princesse de Chimay à une jeune, jolie et richissime Mexicaine, Mlle de Baranderian - au moment même où son fils ainé épousait une autre héritière américaine, très séduisante aussi, dit-on, et qui a organisé déjà au château de Chimay des fêtes dont on a beaucoup parlé.
M. de Chimay sera unanimement regretté par ses collègeus de la Chambre, par le monde musical où il était connu à la fois comme dilettante et comme Mécène, et par tous ceux qui ont eu l’occasion d’être en rapport avec lui, notamment par le personnel du ministère des affaires étrangères dont il était fort aimé.
(Extrait de L’Indépendance belge, du 2 avril 1892)
Discours prononcés lors de la levée du corps du prince de Chimay à l’hôtel ministériel de Bruxelles.
Le premier discours est prononcé par M. Van Wambeke, second vice-président de la Chambre des représentants. M. Van Wambeke rappelle les différentes phases de la carrière diplomatique et ministérielle du défunt. M. Beernaert, chef du cabinet, s’attache également à faire valoir les services rendus au pays par le ministre des affaires étrangères. Voici ce discours.
« Monseigneur, Messieurs,
« Je viens, au nom du cabinet, adresser un dernier adieu au collègue aimé que nous avons perdu.
« Pendant huit ans bientôt, nous avons vécu ensemble de cette vie ministérielle si rude, si féconde en embûches et en surprises ; toujours nous l'avons trouvé le même, dévoué à ses devoirs qui se confondaient avec l'intérêt du pays, laborieux, bon jusqu'à l'excès, même envers ceux qui ne le méritaient point, de relations excellentes et d'une courtoisie pleine de charmes, artiste comme tous les siens, sûr et droit comme une épée de gentilhomme.
« Oui, Messieurs, il laisse à ses collègues de vifs regrets, et c'est avec raison que le ministre de la justice disait l'autre jour à la Chambre que ce deuil est pour nous comme un deuil de famille. Issu d'une race ancienne et illustre, où toujours le travail a été en honneur, le prince de Chimay a eu une carrière bien remplie. Tout jeune encore, il fit ses premières armes dans les bureaux de ce même ministère dont il devait mourir le chef. Il fit ensuite partie de plusieurs de nos légations à l'étranger et, pendant plusieurs années, il représenta la Belgique auprès de la Confédération suisse.
« A l'avènement du cabinet de 1870, il fut appelé au difficile et laborieux gouvernement de la province de Hainaut, et ses adversaires politiques eux-mêmes furent séduits non seulement par son réel mérite, mais par le charme de ses relations et ce désir constant d’obliger, qui était comme le fond de son caractère. Peu après il organisait à Paris la participation de la Belgique à la grande exposition internationale de 1878. Depuis 1882 il représentait au Parlement l’arrondissement de Philippe ville, et ce fut en octobre 1884 que le Roi lui confia la direction du département des affaires étrangères. Les années qui ont suivi ont été fécondes en œuvres utiles et, aucune époque, la Belgique n'eut prendre à des négociations plus nombreuses et plus importantes. Je ne veux en énumérer que les objets principaux : le rétablissement des relations de la Belgique avec la cour de Rome, la grande œuvre du Congo et sa reconnaissance internationale, la conférence esclavagiste qui, pour ainsi dire, à ce moment même, aboutit à l’institution d’une croisade philanthropique qui sera un des honneurs de ces siècles, l'Union internationale des chemins de fer, celle des marques de fabriques, celle pour l'échange de documents officiels ou scientifiques, toute une série de conventions télégraphiques ou téléphoniques, . l’union relative à la publication des tarifs de douane, dont Bruxelles est devenu le centre, les propositions relatives à l'unification internationale des lois qui régissent le commerce, l’organisation des services relatifs à l’émigration. Et puis, enfin, les traités de commerce et les négociations, multiples et délicates, auxquelles ils ont donné lieu dans le cours de ces dernières années.
« Tels sont, messieurs, les principaux éléments d'un labeur assurément considérable, et la mémoire du prince de Chimay demeurera justement attachée à de grandes choses. Il est vrai qu'Il a eu d’incomparables collaborateurs, dont il savait apprécier le haut mérite, et comment ne pas rappeler qu'il y a trois semaines, nous l'avons vu dans ce même salon, quittant son fauteuil de malade et à peine en état de se tenir debout, vouloir assister la fête jubilaire du plus éminent d'entre eux.
« Je veux rappeler encore la sollicitude du prince de Chimay pour les questions d'intérêt social. Il fut l’un des premiers à établir en Belgique des écoles ménagères et son initiative ce sujet lui valut une haute distinction à l'exposition de Paris. Que dire enfin de l'homme et des regrets que laisse chez les siens une mort aussi prématurée. Sa femme, ses enfants, eux surtout ont pu apprécier tous les trésors de cette nature si bonne et si droite. Mais leur deuil est trop récent pour que je veuille leur adresser déjà des paroles de consolation.
« Qu’à cette heure de dernier adieu et des suprêmes espérances que justifient une vie et une mort chrétiennes, l’unanimité de nos regrets puisse apporter quelques soulagements à leur douleur. »
M. de Baré de Comogne prononce ensuite quelques paroles au nom de la députation de Philippeville, et M. Schrevens, au nom de la Société de médecine publique. Après M. de Baré de Comogne M. Fétis vice-président de la commission de surveillance, parle du rôle joué par M. le prince de Chimay comme président de cette commission. Ce discours, qui apporte une note caractéristique et originale, est intéressant à reproduire :
« Monseigneur et Messieurs,
« Je viens, au nom de la commission de surveillance du Conservatoire de Bruxelles, dont le prince de Chimay était, depuis près de 20 ans, le président, au nom du Conservatoire tout entier, payer un dernier tribut d'affection, de reconnaissance et de profonds regrets à celui dont la dépouille mortelle est sous nos yeux. Ces fonctions de président de notre collège, qu'il avait tenu à conserver quand le Roi l'appela à la haute direction d'un département ministériel n'étaient pas pour lui un vain titre ; il les remplissait aussi assidûment que le permettaient et les devoirs inhérents à sa grande position diplomatique, et ses travaux parlementaires, heureux des occasions qu'elles lui offraient de s'occuper de son art favori.
« Le prince de Chimay aimait le Conservatoire ; il s'intéressait vivement au succès de ce grand établissement d’enseignement musical ; tout y était l'objet de sa sollicitude éclairée : études, concours, concerts, bibliothèque, musée instrumental, et cette sollicitude se manifesta en mainte circonstance de la manière la plus efficace pour la prospérité de l'établissement. S'associant à l'Initiative de l'éminent directeur avec lequel il était en complète conformité de vues, il usa souvent de sa légitime influence pour obtenir du gouvernement des mesures favorables au développement de cette prospérité. Et quand il agissait ainsi, ce n'était pas seulement pour remplir consciencieusement la mission qu'il avait acceptée ; c'était aussi sous l'inspiration d'un vif et délicat sentiment artistique.
« Le goût de l'art musical, qui était personnel au prince de Chimay était en même temps, pour lui, une tradition de famille. Le château de Chimay fut, dans les premières années de ce siècle, un centre remarquable d'activité musicale ; les plus célèbres parmi les compositeurs et parmi les virtuoses de l’époque y prouvèrent une franche et délicate hospitalité. À l’exemple du chef de la famille, les enfants et les petits enfants reçurent une éducation musical complète, éducation poussée jusqu’à la virtuosité. C’est sous l'Influence de ces belles et généreuses traditions de culture intellectuelle que se développèrent les heureux instincts artistiques du prince de Chimay et qu’il prit le goût de l’exécution instrumentale à laquelle il ne cessa pas de consacrer les loisirs que lui laissaient les hautes fonctions qu'il fut successivement appelé à remplir.
« En rendant hommage aux grandes qualités et aux mérites de l’homme si distingué qui présidait nos travaux, nous sentons que sa perte laisse parmi nous un vide bien difficile à remplir.
« Et comment cette pensée ne se présenterait-elle pas à nous, quand nous nous rappelons quelle compétence il apportait à l'examen des questions qui nous étalent soumises, et de quel esprit judicieux il faisait preuve dans la recherche de leur solution ? Aussi est-ce avec une douloureuse émotion que nous exprimons, dans ce moment austère, les sentiments de grande et affectueuse estime que nous avions pour lui, et les regrets que nous cause sa fin prématurée. »