d'Andrimont Henri, Julien libéral
né en 1834 à Liège décédé en 1891 à Liège
Représentant entre 1870 et 1878, élu par l'arrondissement de Liège(Extrait de l’Indépendance belge, du 22 juillet 1891)
Nécrologie
Mort de M. Julien d’Andrimont
Une triste nouvelle nous arrive : M. Julien d’Andrimont est mort à Liége mardi matin.
M. d’Andrimont était né a Liége le 27 octobre 1834.
Après avoir fait de très bonnes études à l'athénée, il. suivit avec succès les études de l'école des mines de Liége et obtint le 25 août 1856 son diplôme d'ingénieur : il voyagea, connaissant bien les langues étrangères, étudiant la grande industrie ; il entra bientôt aux importants charbonnages du Hazard où il fut ingénieur, puis directeur, et où il est aujourd’hui remplacé par son fils aîné, M. Paul d’Andrimont.
Il s'occupa jeune des affaires communales et fut élu conseiller pour la première fois le 31 octobre 1860 ; il fut toujours réélu depuis.
Nommé bourgmestre le 20 août 1867 en remplacement de M. Piercot, démissionnaire, il resta en fonctions jusqu'au 7 mai 1870, mais ne cessa pas de faire partie du conseil et d'y apporter sa grande part de travail et d'activité.
Il fut renommé bourgmestre intérimairement le 21 novembre 1885 après la retraite de M. Warnant le 22 février 1886.
M. d'Andrimont fut élu conseiller provincial pour le canton de Fléron au mois de mai 1867 et fit partie de cette assemblée jusqu'au jour où il entra à la Chambre des représentants, le 14 juin 1870.
Il fit partie de la Chambre jusqu'au jour où il entra au Sénat le 4 février 1878, et depuis lors siégea dans cette assemblée.
Des deux côtés, dit excellemment le Journal de Liège, il fit preuve de travail, de bon sens et de dévouement : les questions politiques comme les questions industrielles, artistiques ou littéraires, appelaient également son attention.
Depuis un très grand nombre d'années M. d’Andrimont était président de la société « La Légia », et chacun, à Liége, sait avec quelle ardeur, quel tact, quelle générosité il contribuait à ses succès et sa vaillante renommée. Dans plus d'une occasion « La Légia » lui dut et sut d'ailleurs lui témoigner une profonde reconnaissance.
Il y a eu, il y a deux mois, vingt-cinq ans qu'il était président de la Société. II voulait fêter cet anniversaire, mais la maladie l'en empêcha.
Membre de divers jurys, représentant la Belgique aux expositions de Paris et d'Amsterdam, M. d'Andrimont était partout le même : dévoué, actif, généreux, soignant avec zèle les intérêts de ceux qui les lui confiaient.
La mort de M. d’Andrimont est un deuil public pour la ville de Liége.
M. d'Andrimont était officier de l'ordre de Léopold, décoré de e la Croix civique de première et de deuxième classe pour actes de courage et de dévouement, officier de la Légion d'honneur, officier de l'Instruction publique de France, officier de la Couronne d'Italie et commandeur de l'ordre du Lion Néerlandais.
(Extrait de l’Indépendance belge, du 23 juillet 1891)
Au jour le jour
Echos de la ville
Le bourgmestre de Liége, Julien d'Andrimont, qui vient de mourir à 57 ans, a été surtout une personnalité liégeoise ; mais il comptait à Bruxelles de nombreux amis. Il a eu son rôle dans le pays administrateur d'une des plus grandes villes industrielles du royaume, représentant, puis sénateur, parlant avec compétence et bonhomie des questions matérielles, politique non sans souplesse, sympathique aux deux fractions du parti libéral.
Mais sa marque originale a été son tempérament liégeois, son humeur liégeoise, cette familiarité wallonne qu'il a su garder avec une existence et des relations patriciennes. Il avait l'exubérance, la belle santé apparente, le bel appétit, la bonne raillerie pittoresque et sans âcreté des nés natifs plantureux des bords de la Meuse ; et avec cette rondeur d’allure toute naturelle, en étant tout à tous, dans cette ville frondeuse dont il était le mayeur populaire, il maintenait son rang et ses prédilections de famille.
Julien d'Andrimont a rendu de grands services à Liége, et non seulement par l’intelligence et l’activité de son administration, par des initiatives de travaux, d'institutions utiles et de fêtes, mais aussi en étant un trait d’union cordial entre des groupes séparés ou hostiles, en ayant de l'habileté à dissiper des préjuges, à rapprocher des gens d'origines et de tendances différentes. Ce politique avisé avait de la finesse, même quand il ne semblait avoir que de la bonne humeur ; et sans jamais prétendre à l'éloquence, il a souvent parlé au nom de la ville de Liége avec le propre accent liégeois, avec la chaleur, la verve, la fierté non solennelle et mêlée de gaité de cette ville, dont le passé glorieux et les lutte héroïques n'ont jamais altéré la vivacité familière, la naturelle gausserie.
Julien Andrimont était d'une année, 1834, qui a donné quelques hommes distingués à la bonne vieille cité liégeoise. Et de même qu'il avait l'orgueil de son sol natal, de son histoire, de son esprit, de sa franchise pittoresque, il avait la camaraderie orgueilleuse et affectueuse de ses condisciples du même âge, qui s'étaient fait un nom comme lui. En 1884, ces anciens amis fêtèrent joyeusement leur cinquantaine, qui est d'ordinaire une date mélancolique. Parmi les cinquantenaires principaux de ce banquet de collégiens mûris, étaient Emile Dupont, éminent avocat, sénateur de Liége, Auguste Desoer, l'excellent directeur du Journal de Liége, Julien d'Andrimont, qui avait eu l'idée de cette réunion, où chacun portait vaillamment son demi-siècle, semblait alors d'une vitalité heureuse, destinée à fournir bien d'autres années. Et cependant il devait être déjà miné par le mal qui a ruiné lentement ses forces, son activité, et tout cet extérieur épanoui, cordial, chaud, bruyant, avenant, qui l'a servi autant que ses ressources d'esprit et ses décisions énergiques. C'était une physionomie vivante, une nature originale, un bourgmestre liégeois, qui laissera un nom et un souvenir. Il a eu ses mérites d'ingénieur et de magistrat communal, d'homme d’affaires et d’homme politique. Mais c'est comme Liégeois de bonne souche, de sève riche et de franche culture, qu'il a été surtout utile à sa terre natale, et l'a bien représentée.
(Extrait de la Meuse du 21 juillet 1891)
Mort de M. d’Andrimont, bourgmestre de Liége
Liége a perdu son premier magistrat !
M. Julien d'Andrimont a succombé cette nuit, à l'âge de 57 ans, a la longue et cruelle maladie qui le tenait depuis plusieurs mois éloigné de l'hôtel-de-ville.
Cette mort causera dans toutes les classes de la population liégeoise la plus douloureuse émotion.
Jamais Liége n'eut de bourgmestre plus aimé, plus dévoué, plus populaire.
Julien d'Andrimont était une personnalité remarquable. La nature l'avait doué de qualités éminentes. A une intelligence élevée, à une grande ardeur au travail, il joignait un cœur d'or, une générosité sans bornes, un dévouement absolu à ses concitoyens. II était Liégeois avant tout, Liégeois de cœur et d'âme ; ce fut le secret de cette grande popularité dont il ne cessa de jouir à Liège pendant un tiers de siècle.
Julien d’Andrimont était né à Liége le 27 octobre 1834. Il appartenait à une ancienne et honorable famille liégeoise ; son bisaïeul avait été le premier président de la cour d’appel de Liège ; son aïeul, premier avocat général à la même cour. Son père le destina la carrière industrielle. Après de brillantes études humanitaires, il entra à l'école des mines et obtenait, le 25 août 1856, à peine âgé de 22 ans, le diplôme d'ingénieur civil des mines. Quatre ans après, le 30 octobre 1860, il était élu conseiller communal.
Malgré son jeune âge, Julien d’Andrimont prenait place aussitôt parmi les membres les plus travailleurs et les plus capables du conseil. Lorsque M. Piercot donna sa démission de bourgmestre, en 1867, il était désigné d'avance par la voix unanime de la population pour le remplacer.
Nommé bourgmestre le 20 avril 1867, aidé par des collègues jeunes et intelligents comme lui, il répondit à la confiance de ses concitoyens. Il sut donner une vigoureuse impulsion à tous ces grands travaux d'utilité publique qui contribuèrent tant à l'assainissement, à l'embellissement et à la prospérité de notre cité. M. d'Andrimont, qui aimait au-dessus de tout sa ville natale, voulut également la faire connaître et aimer des étrangers, et c'est à cette patriotique pensée qu'il obéit lorsqu'en septembre 1869, il réunissait à Liége, dans les plus belles fêtes que notre cité ait vues et dont elle ne perdra jamais le souvenir, les Riflemen anglais, les gardes nationaux français et nos anciens frères de Hollande, fraternisant tous ensemble, dans un immense banquet donné dans la cour du Palais, sous la présidence du Roi Léopold II.
L'année suivante, à la suite d'une crise communale, M. d'Andrimont crut de sa dignité de donner sa démission de bourgmestre qui fut acceptée le 7 mai 1870.
II n'abandonna pas fonctions de conseiller communal auxquelles il fut constamment réélu par le corps électoral à une énorme majorité. Il était toujours là, dans les importantes questions que le conseil eut à résoudre et c'est à son habileté, à son esprit de conciliation que l'on doit la solution de cette question de l'Ile de Commerce, qui se faisait attendre depuis tant d'années et qui a doté notre ville d'une de ses plus belles améliorations.
En 1885, à la suite d’une nouvelle crise échevinale, M. d'Andrimont donnant une nouvelle preuve de dévouement à ses concitoyens consentit, comme doyen du conseil, à accepter les fonctions de bourgmestre, dans un collège provisoire. Quelques mois après, le 22 février 1886, cédant aux vives instances de ses amis politiques, il acceptait définitivement ces fonctions.
Nos concitoyens l'ont vu de nouveau à l'œuvre depuis cinq ans, apportant toujours le même dévouement aux intérêts de la ville, présidant le conseil avec une intelligence, un tact et une dignité qui ne se démentirent jamais, cherchant toujours dans les questions difficiles un terrain de conciliation, apportant dans toutes les affaires les lumières de sa longue expérience, toujours bienveillant et affectueux pour ses collègues, qui avaient pour lui, - on peut le dire, - une profonde vénération.
M. d’Andrimont avait également su gagner les sympathies de tout le personnel de l'administration communale et de la police qu'il dirigeait avec une fermeté tempérée par un esprit de justice et d'impartialité, auquel tous se plaisaient à rendre hommage.
La mort de M. d'Andrimont est une perte irréparable pour l’administration de la ville de Liége. Tous les fonctionnaires qui ont été sous ses ordres l'aimaient et le pleureront comme un père.
Julien d’Andrimont n n'avait pas limité à notre ville sa sphère d'action politique. Dès 1867, il était élu conseiller provincial par le canton de Fléron, où il possédait de grands intérêts industriels.
Le 14 juin 1870, il remplaçait M. Lesoinne à la Chambre des représentants et huit ans après, le 4 février 1878, il était élu membre du Senat en remplacement de M. Ch. Grandgagnage.
M. J. d’Andrimont prit une part active aux travaux de ces assemblées, principalement dans les questions industrielles, de travaux publics, de chemins de fer, de tarifs, etc., où sa voix était toujours écoutée. Là aussi, il avait su mériter l’affection de ses collègues ; en 1880, le Sénat le choisit comme l'un de ses secrétaires. L’année précédente, M. J. d’Andrimont avait été désigné comme rapporteur de la loi sur l'instruction primaire et son travail restera comme une réponse décisive aux attaques dont cette loi a été l'objet. Personne ne défendit plus énergiquement que lui les droits des Wallons ; il avait la passion de notre vieil idiome qu'il fit un jour connaitre au Sénat en récitant quelques strophes d'un de nos meilleurs poètes.
Dans les débats dé ces assemblées il avait la parole facile, l'esprit vif et primesautier, une éloquence pleine de verve, de bon sens et .de bonhomie qui avait son caractère propre.
Julien d’Andrimont était un franc et sincère libéral, aux idées larges et généreuses. Très tolérant pour les autres, jamais il ne transigea avec ses opinions politiques. Dès son entrée à la Chambre, en 1870, il avait compris la nécessité d'une large réforme électorale et, à cette époque, il votait déjà, sans hésiter, une proposition de révision constitutionnelle.
Comme industriel , Julien d’Andrimont était aussi un homme de progrès. Il avait une activité prodigieuse qui, trop vite, hélas ! a usé sa vie. Le charbonnage du Hasard, dont la direction lui fut confiée alors qu'il était bien jeune encore, lui doit les grands développements qu'il reçus et ses admirables institutions ouvrières, qui en ont fait un charbonnage modèle. Chaque fois qu'il s’agissait d’améliorer le sort des ouvriers, d'Andrimont ne comptait pas, son cœur et sa main ont toujours été largement ouverts à tous les malheureux.
Tel fut cet homme éminent, cette âme généreuse et dévouée, ce brave et loyal caractère que la ville de Liége vient de perdre.
On aimait à voir cette bonne et franche figure, toujours affable, toujours réjouie, cette main toujours tendue aux humbles et aux petits.
Julien d'Andrimont emporte dans sa tombe les unanimes regrets et la reconnaissance de ses concitoyens ; tous le pleureront en apprenant sa mort ; n'est-ce pas le plus bel éloge qu'on pusse faire de sa vie ?
Julien d’Andrimont est mort d'une maladie de foie qui, depuis quelques semaines, avait pris un caractère très grave et ne laissait plus aucun espoir à sa famille éplorée.
Jusqu'à ces derniers temps, notre regretté bourgmestre ne croyait pas à la gravité de son état et il se berçait toujours de l’espoir d'une prochaine guérison. Lorsqu'il y a un mois, un journal de Bruxelles annonça le caractère alarmant de sa maladie, c'est Julien d’Andrimont lui-même qui nous écrivit pour nous demander de rectifier cette nouvelle et d'annoncer qu'il pourrait reprendre bientôt ses fonctions à l’hôtel de ville.
Mais depuis avant-hier le malade, qui souffrait beaucoup de l'hydropisie et dont la faiblesse augmentait de plus en plus, ne se faisait plus aucune illusion. II a vu arriver la mort avec un admirable stoïcisme, parlant de sa fin imminente avec le calme et la tranquillité d'un homme qui n'a jamais cherché qu'à faire le bien.
« Je vais mourir à 57 ans, nous disait-il encore hier matin ; je ne regrette qu'une chose, c'est de mourir à un âge où je pouvais encore être utile à mes concitoyens. »
Après avoir dormi une partie de l’après-midi, il perdit connaissance vers 10 heures du soir et l'agonie commença.
II est mort à 5 heures du matin, dans les bras de sa femme et de ses enfants, qui éclataient en sanglots.
La ville entière s'associera à la profonde douleur de la famille de notre premier magistrat.
M. d’Andrimont était officier de l'Ordre de Léopold, décoré de la Croix civique de première et de deuxième classe pour acte de courage et de dévouement, officier de la Légion d honneur et de l'instruction publique de France, officier de la Couronne d'Italie, commandeur de l'Ordre du Lion Néerlandais, etc., etc.
(Extrait de Meuse, du 23 juillet 1891)
I N'EST NIN MOÈRT !
Qu'est-ce qu'on raconte ? Qui nost Mayeûr,
Qu'esteut l’pus joyeux d'tos nos autes,
Areu rindou l'âme tot asteûr
Po s'ènairi d'Iez les apôtes !
Allez don n'crèyez nin çoula,
C'est on fåt brut qui court è l’veie…
Mourt-on qwand on n'a qu'cist-age là
Et qu'on a n'si belle vicâreie ?
- - -
Lu mori !.. l'binamé Mayeûr,
Po les Lîgeoès si populaire,
Qui d'vinri-ti, sins s’ protecteûr ?
Nost vi wallon n'vicreut pus waire !
Dihez qu'est èvôve fer là-haut
Po nos autes, à Diu, messège...
Min mori !... On s'pie’reu s'såreau â
Si nos n'vèyi pus s'bon visège.
- - -
Qui d'vinreu Lîge sins nost Mayeûr ?
Ine veie sins brut ! On coérps sins âme !
On jârdin dispouyî d'ses fleûr,
Nosse belle Moûse ni cherrant qu'dè lâmes !
Nos fiesses ni sèrit qu'des spawta
Et nos heureies piedri leu jôie !
On n'pout nin mori comme çoula
Qwand c'est qu'on n'est qu'à mitant vôie.
- - -
Et nosse Légia sins s’Mayeûr
Ji m'è l'dimande, qui d'vinreu-t-elle ?
Ca por leie, c'esteut tot s'bonheûr :
Elie rotéve disos n'maisse tûtelle.
Et qwand l'rivinreu d'on concour
Qui don sèreu là po fer l'teie!
Qu'on n'mi vinsse nin fer creure qu'on moure
Qwand on a si mèsàhe e s'veie !...
- - -
Si moréve minme, nost bon Mayeûr,
Çou qu'on n'sâreut m'mette è l'ideie,
I rid'hindreu vite di là d'zeûr,
Ca n'sâreut s'passer d'nos v'ni veie !
N'est-ce nin l'pére di tos les Wallons
Qu'a disfindou leu vix lingage !...
Lu moèrt !... Allez don, c'est s'i åbion
Qui passe !... Est-ce qu'on mourt à cist age!...
G. THIRIART
21 juillet 1891
(Extrait de la Meuse, du 24 juillet 1891)
Un voile de deuil s'étend aujourd'hui sur la ville de Liége.
La population tout entière vient de faire à M. Julien d’Andrimont, sénateur et bourgmestre de Liége, des funérailles dignes des services que ce magistrat d'élite a rendus à notre cité.
M. J. d’Andrimont s'était tellement identifié avec elle comme chef de la commune et comme Liégeois, il avait pour sa ville natale un dévouement si vif, une affection si sincère, qu'il semble que tous les Liégeois, en perdant leur premier magistrat, aient perdu un membre de leur propre famille, en même temps qu'un protecteur et un ami.
Toutes les classes de la population, les riches comme les pauvres, se sont senties frappés du même coup, et il nous faudrait remonter bien loin dans l'histoire de notre ville pour y retrouver le spectacle d'une manifestation aussi grandiose et aussi touchante que celle à laquelle nous venons d'assister.
Tous ls Liégeois connaissaient leur bourgmestre et l'aimaient ; ils viennent de le prouver une fois de plus par ces marques de profonde affliction qu'ils ont données sur tout le passage du funèbre cortège.
Julien d’Andrimont emporte dans sa tombe les unanimes regrets de toute une population. Son nom ne s'effacera pas de la mémoire de ses concitoyens.
(…)
Un calme et imposant silence plane dans cette vaste chambre mortuaire, d'un effet si saisissant, avec ses tentures noires lamées d’argent, sur lesquelles les lustres allumés et la clarté vascillante des bougies des candélabres projette une lumière blafarde.
C’est au milieu de cette affluence recueillie que M. Léo Gérard échevin ff. de bourgmestre, prend le premier la parole et prononce, d'une voix profondément émue, le discours suivant :
« Messieurs,
« Au nom de l'administration communale, je viens rendre un suprême hommage au premier magistrat de la ville de Liége, notre cher et respecté bourgmestre, Julien d’Andrimont.
« Peu d’hommes ont accompli autant de choses utiles et consacré autant d efforts et de dévouement à la gestion des affaires publiques. Et, cependant, celui que nous regrettons nous est ravi prématurément, à l'âge de 57 ans, alors qu'il était encore appelé à rendre de nombreux services à ses concitoyens et à son pays.
« Richement doué des plus heureux dons, son activité exceptionnelle, ainsi que son amour du travail, lui permettait de conduire de front les affaires les plus diverses.
« Tour à tour administrateur communal, membre de la Chambre des représentants, puis du Sénat, ingénieur et industriel, mêlé aux plus grandes entreprises en Belgique et à l'étranger, président de nombreuses sociétés de tous genres, partout il apportait un concours précieux et donnait des preuves d'une vive intelligence ouverte à tous les progrès et d'un bon sens pratique qui le faisaient hautement apprécier.
« J'ai pour mission en ce triste moment, messieurs, de retracer spécialement le rôle qu’il a joué comme conseiller communal pendant plus de 30 années sans interruption et comme bourgmestre de la ville de Liége, à deux reprises.
« Julien d'Andrimont est né à Liége le 27 octobre 1834, d’une ancienne famille qui avait fourni déjà nombre d'hommes distingués à la magistrature, aux fonctions publiques et à l'industrie. Le diplôme d'ingénieur. qu'il avait vaillamment conquis, et les preuves de capacité qu'il avait données de bonne heure le firent choisir, le 31 octobre 1860, pour siéger au conseil communal. II apporta dans l'exercice de son mandat cette ardeur au travail et cet entrain qui le caractérisaient, et il ne tarda pas à être fort en vue au sein de l'assemblée communale. Les circonstances ayant amené un changement d'administration, iI se trouva désigné, par l'opinion publique, pour occuper d'emblée, trente-trois ans, chose rare, les fonctions de chef de la commune.
« Nommé bourgmestre le 20 avril 1867, il s'acquitta de ses importants devoirs, pendant plus de trois ans, de la manière la plus distinguée. La population de Liége n'a pas perdu le souvenir de l’administration qu'il présida alors avec tant d'éclat.
« Son mérite, ses qualités aimables, ses manières pleines de leur et de fine bonhomie, formant un trait distinctif de ce caractère liégeois qu'il personnifiait si bien, lui valurent une popularité vraiment exceptionnelle et dont il était fier à juste titre.
« Le 7 mai 1870, il résigna ses fonctions de bourgmestre et, peu après, le 14 juin, le corps électoral qui avait été à même déjà de l'apprécier comme conseiller provincial, le nomma membre de la Chambre des représentants. Le 4 février 1878, il entra au Sénat, ou il a continué à siéger depuis.
« Dans toutes les fonctions publiques qu’il a remplies. Julien d'Andrimont a toujours fait preuve du plus ferme attachement aux principes du libéralisme, et la vivacité de ses convictions l'a souvent porté à l'avant-garde du parti. II professait la plus large tolérance pour les idées de ceux qui ne pensaient pas comme lui, et ses opinions se manifestaient d'une manière qui ne heurtait jamais personne. Son influence comme homme politique était grande et il s'était fait partout des amis.
« Les services qu'il avait rendus avaient été hautement appréciés. Le Roi l'avait nommé officier de son ordre et il était, de plus, décoré de nombreux ordres étrangers.
« Julien d'Andrimont n’avait pas cessé de s’intéresser aux affaires communales. Dans nombre de circonstances importantes, on le vit apporter dans les discussions du conseil cette force d'argumentation et cette chaleur communicative, qui ont tant de fois fait passer la conviction dans I esprit de ceux qui l'écoutaient.
« Son expérience des affaires lui donnait beaucoup d'influence et il occupait une position des plus élevées dans l'estime publique.
« Aussi nos concitoyens le virent-ils avec une vive satisfaction, en 1885, reprendre le premier rôle et se charger de constituer un collège échevinal sous sa présidence.
« Nommé bourgmestre pour la seconde fois, le 22 février 1886,iI a occupé dignement les fonctions auxquelles il était tout particulièrement attaché.
« Si je ne puis parler en détail des actes de son administration il me sera du moins permis, messieurs, de dire ici les rares et hautes qualités dont il a donné tant de preuves pendant les cinq années qui viennent de s'écouler.
« A la connaissance des hommes et des choses, il joignait un esprit souple et délié qui lui faisait voir immédiatement la solution des questions les plus délicates. Son tact et son jugement étaient précieux pour ses collaborateurs et il savait, d autre part, accueillir de la meilleure grâce les avis de ceux en qui il avait mis sa confiance. C’était un collègue d’une droiture et d'une loyauté extrêmes, pour lequel nous éprouvions tous la plus vive estime. C’était un ami sûr et dévoué, pour lequel nous avions la plus vive affection.
« Sa bienveillance pour tous, ses manières ouvertes et sa bonne humeur inaltérable lui avaient valu de nombreuses amitiés. Un lien sympathique s'était établi de longue date entre nos concitoyens et leur bourgmestre, le type du vrai Wallon, le défenseur attitré de notre vieil idiome. Ils l'avaient réélu en octobre dernier conseiller communal, le premier sur la liste, et ils avalent à cette époque organisé en son honneur cette manifestation, présente encore à l'esprit de tous, qui se termina par la remise de son portrait. C’était là un hommage rendu à son talent surprenant d'organisateur, qui faisait réussir tout ce qu'il voulait entreprendre et qui justifiait la confiance légitime qu'il avait dans sa bonne étoile.
« Peu de temps après, hélas ! la maladie le forçait, pour la première fois de sa vie, à interrompre ses occupations et, après une certaine période, elle prenait une allure inquiétante. Nombreuses furent alors les marques d'intérêt données à notre cher bourgmestre par toutes les classes de la population liégeoise. Il était, avec raison, très sensible à ces témoignages, qui contribuaient à entretenir chez lui le courage avec lequel il supportait ses souffrances.
« Aujourd'hui, après quatre mois de lutte, le mal a triomphé de sa robuste constitution et la mort est entrée dans sa demeure, où la joie et le bonheur ont fait place aux larmes et à la désolation.
« L'annonce du douloureux événement a mis le deuil dans tout cœur liégeois et l'émotion est extrême en notre ville. Une foule respectueuse s'est rendue à la maison mortuaire pour contempler une dernière fois les traits du magistrat aimé. Le nom de Julien d'Andrimont est sur toutes les lèvres avec des paroles de vive sympathie et de regret sincère.
Au nom de l'administration communale, au nom de la population tout entière, adieu, cher bourgmestre. repose en paix. Le souvenir de tout ce que tu as fait pour eux restera dans la mémoire de tes concitoyens, que tu as tant aimés. »
(…)