Legrelle Gérard, Joseph, Antoine indéterminée
né en 1793 à Anvers décédé en 1871 à Anvers
Représentant entre 1831 et 1837, élu par l'arrondissement de Anvers Congressiste élu par l'arrondissement de Anvers(Extrait de : J. LAUREYSSENS, dans Nouvelle biographie nationale, t. I, 1988, pp. 237-240)
LEGRELLE, (Gérard, Joseph, Antoine, comte) ou LE GRELLE, banquier, homme politique catholique, né à Anvers le 6 janvier 1793, décédé à Anvers le 28 octobre 1871.
Gérard Legrelle est le fils de Joseph Legrelle et de Marie-Thérèse Cambier. Fils aîné d'un banquier fortuné, Gérard fit ses étu-des moyennes dans un institut renommé de Bruxelles, dirigé par l'abbé Lemoinne. Pendant un certain temps, il y étudia sous la direction du célèbre professeur Lesbroussart. En 1812, il retourna chez ses parents et commença sa carrière dans l'affaire familiale, la banque J.J. Legrelle et Compagnie. Quelques années plus tard, le 30 mai 1815, il épousa Anne, Françoise, Colette van Lancker, dont il eut treize enfants entre 1816 et 1835.
Nous n'avons que peu de renseignements sur les activités de Gérard Legrelle comme banquier. On a l'impression qu'il a joué un rôle relativement passif et qu'il a laissé son jeune frère Henri prendre les initiatives. Très tôt, Gérard montra une préférence pour la politique et la fonction publique. En 1816, âgé donc de vingt-trois ans, il commença une longue carrière comme membre de la Commission administrative du Bureau de Bienfaisance de sa ville natale.
Son dévouement fut immédiatement mis à l'épreuve : en avril 1817 éclata une épidémie de typhus qui provoqua une situation des plus critiques en ce qui concerne les soins à donner aux indigents. Nonobstant sa position de junior, Legrelle semble avoir bien dominé la situation. Les mesures décrétées par le Bureau portent sa signature.
Le renouveau économique d'Anvers pendant la période hollandaise était dans une grande mesure influencé par la politique de promotion menée par Guillaume Ier et il s'ensuivit qu'une grande partie des hommes d'affaires était pro-orangiste. Gérard Legrelle fit très clairement connaître sa position politique : lorsqu'en 1819 il fut nommé par Guillaume ler membre du Conseil de Régence de la Ville, il refusa d'assumer cette fonction. Son principal grief contre le pouvoir hollandais était bien sûr d'ordre idéologique. En tant que catholique il voyait dans la politique hollandaise en matière reli-gieuse une violation de la liberté d'opinion. Il était prêt à proclamer ouvertement son opposition. Ainsi, en 1822, prit-il l'initiative de lancer une pétition publique au Gouvernement, exigeant la cessation de toutes atteintes à la foi catholique et la restauration de la liberté de culte. Ses convictions religieuses se manifestèrent également dans d'autres domaines de son activité publique. Ainsi il devint membre de la Commission des prisons de la ville et de la province d'Anvers en 1822. Si nous parcourons sa longue carrière dans le domaine de la bienfaisance publique (il fut, pendant non moins de quarante-neuf ans, actif à la Commission des prisons) en y ajoutant la longue série de ses fonctions dans les institutions de l'Eglise, nous comprenons pourquoi le pape Pie IX le créa comte en 1852. Voici une brève énumération de ses prestations importantes : membre de la Fabrique d'église de Saint-André, membre et trésorier de la Maatschappij der Kristelijke Liefde, membre de la Société de Saint-François, président de l'Œuvre de Saint-François Régis, fondateur du bureau anversois des Œuvres pontificales. De plus, le titre honorifique de frère lai lui fut conféré en raison des services rendus au couvent des capucins. La dignité nobiliaire de comte accordée par le pape était héréditaire et transmissible à tous ses descendants. Le roi Léopold ler confirma cette accession à la noblesse en 1853, comme le couronnement d'une longue carrière parallèle dans le service public.
A l'exception de ses fonctions dans les institutions charitables, Legrelle se tint à l'écart de l'arène politique durant la période hollandaise. Cette ligne de conduite fut rompue d'une ma-nière radicale à la Révolution. Legrelle fut mêlé, dès le début, aux événements particulièrement dramatiques de la ville portuaire. Comme lieutenant sous les ordres du capitaine Janssens-Vrancke, il prit une part active aux combats mais très vite il fut appelé à jouer un rôle politique. Le 6 octobre eurent lieu les premières élections pour un nouveau conseil municipal et Legrelle fut choisi comme conseiller de la Régence. Les troupes hollandaises tenaient encore solidement des postes dans certains quartiers, la ville fut à plusieurs reprises bombardée et un état de siège devait encore durer plusieurs mois.
Son commandement sous le feu le confronta au danger quand il se présenta, au péril de sa vie, comme négociateur lors d'une rencontre entre un parti de troupes hollandaises posté à la Berchemsepoort et un groupe de patriotes belges qui s'était barricadé dans une maison de la Sint-Jorispoort.
Son empressement à engager inconditionnellement sa personne et ses ressources pour le bien-être de sa ville et de ses concitoyens, son rang social ainsi que son catholicisme militant et son patriotisme dans une ville où dominait une bourgeoisie orangiste expliquent le départ fulgurant de Legrelle dans la carrière politique après la Révolution. Tout d'abord, il fut élu au Congrès national. Puis en août 1831, il devint député dans la première assemblée parlemen-taire. A trois reprises, il fut réélu jusqu'à ce qu'en 1839 il refusa de se porter candidat. On dit qu'à ce moment aussi il déclina le poste de ministre des Finances. Il déclara vouloir se consacrer désormais à ses affaires privées et à la restauration de la ville d'Anvers.
Toutefois, en 1832, il fut nommé bourgmestre et, depuis 1836, il fut aussi membre du Conseil communal. Nous pensons que Gérard Legrelle donna la préférence à l'arène politique locale car sa vraie vocation se situait au niveau des œuvres sociales auxquelles il se donnait corps et âme.
Sans faire la part trop grande au hasard, nous croyons pouvoir dire que les événements ont dans une certaine mesure fait naître chez Gérard Legrelle le rôle d'homme d'Etat. Ainsi que nous l'avons signalé, Anvers était une ville très orangiste. L'Administration communale, la Chambre de Commerce, important groupe de pression, ainsi que le Tribunal de Commerce, étaient dominés par des hommes d'affaires orangistes. Lors des élections des membres an-versois au Congrès national, on enregistra un nombre anormalement peu élevé d'électeurs.
Sur 2.200 électeurs de droit, 479 seulement se présentèrent aux urnes. Legrelle était notoirement le candidat des Belges de tendance cléricale. Tous les élus représentaient en outre la fraction modérée et pacifique de la bourgeoisie et ils étaient choisis plutôt en raison de leur compétence et de leur réputation bien établie qu'en raison de leur patriotisme ou du rôle joué par eux lors de la Révolution. Dans le choix du bourgmestre, l'orangisme pesa encore plus fortement : différents conseillers orangistes furent élus au nouveau Conseil communal et voulurent le retour de l'ancien bourgmestre Floris van Ertborn. Mais van Ertbom refusa et faute de s'être organisés, ils ne réussirent pas à présenter un nouveau candidat,.si bien que la chance s'offrit à Legrelle.
L'état de crise à Anvers n'empêcha pas Legrelle de prendre une part active à la tâche législative du Congrès national. Il siégea dans trois commissions où ses connaissances des affaires financières lui permettaient d'apporter une contribution efficiente. Ces commissions traitaient de mesures concernant les impôts, le budget et la réinstallation de la Cour des Comptes. D'ailleurs Legrelle émettait amplement son avis autorisé lors de la plupart des discussions relatives à des affaires économiques. Ses interventions au cours des débats concernant la législation fondamentale reflétaient la fermeté de ses convictions religieuses, sa conception du rôle de l'Eglise dans la société et son profond attachement à l'amour d'autrui. Il était un orateur qui plus d'une fois provoqua des réactions houleuses.
La charge de bourgmestre était tout sauf une sinécure pendant les premières années de notre indépendance. La ville fut en état de siège jusqu'au cœur de l'année 1831, après quoi des troubles éclatèrent encore à plusieurs reprises. Mertens et Torfs dans leur Geschiedenis van Antwerpen ont rendu hommage au zèle infatigable manifesté par le bourgmestre Gérard Legrelle et les autres membres du Conseil communal en ces circonstances difficiles. Legrelle réussit particulièrement bien dans la création de brigades de travailleurs pour combattre les incendies causés par les bombardements et pour réprimer la rébellion. On prétend aussi que pendant la campagne des Dix jours, Legrelle personnellement persuada le général Tabor d'épargner la ville. Il se distingua aussi par son efficacité lors du déclenchement de l'épidémie de choléra qui toucha Anvers en 1832 et lorsqu'une mutinerie fut sur le point d'éclater à la suite du chômage causé par la fermeture de l'Escaut. Il s'efforça d'apaiser la tension en lançant un programme de distribution du travail.
D'autre part, lorsqu'un peu plus tard de nouveaux troubles sérieux se produisirent à l'occasion de la fondation de l'association orangiste, « La Société de la Loyauté », Legrelle n'estima pas devoir passer lui-même à la répression. Il s'éloigna et, en son absence, le Conseil communal décida de suspendre par voie d'autorité ladite association pour éviter une plus grande sédition. Cette infraction au droit d'association provoqua une tempête de protestations dans la presse. Il était clair qu'en 1833, le parti de Legrelle, les cléricaux belges, avait acquis la majorité au Conseil communal d'Anvers.
En politique nationale les diverses tendances des partis n'étaient pas encore tranchées très rigoureusement. C'est l'époque de l'Unionisme. Legrelle prenait activement part aux débats et était un représentant agissant des électeurs anversois. Ainsi qu'il fallait s'y attendre ses connaissances en matière financière le servaient bien. Il fut en 1833-1835 membre de la Commission parlementaire qui avait pour mission de mettre au point le système compliqué des relations entre la Société Générale de Belgique et le Souverain hollandais d'une part, et l'Etat belge d'autre part. Le rapport final, connu sous le nom de rapport Fallon, son auteur, constitue une étude très détaillée comprenant une foule de données réunies dans des conditions très difficiles. Sur le plan politique, Legrelle était surtout intéressé par la discussion et l'amendement des projets de lois concernant les administrations communale et provinciale ; c'était à nouveau un domaine qui lui tenait très à cœur. Ainsi qu'on le sait, la fraction catholique de Legrelle réussit à introduire, dans la loi communale organique de 1836, un nombre important de principes concernant l'entité de l'Eglise et celle de l'Etat dans le domaine communal
L'année 1838, lorsque Legrelle en revint à la politique locale et au monde bancaire, était une année de crise, qui mit dramatiquement fin au boom des années 30. La Banque de Belgique, deuxième banque du pays, fut obligée de cesser tous paiements et dut faire appel à l'Autorité pour éviter la faillite. La Banque Commerciale d'Anvers, lancée avec grand succès par son frère puîné Henri, avait déjà eu à compter avec les difficultés concernant ses participations industrielles, difficultés causées partiellement par l'état dégradé de la Banque de Belgique. Pendant les années 40, l'économie demeura en grande partie en médiocre état. Si donc on ne peut pas parler de succès en matière économique, il faut dire qu'en matière politique ces années apportèrent à Legrelle une nette conso-lidation de sa puissante position de dirigeant catholique. On parle même en 1845 de parti « Malou-Legrelle» dès l'installation de Jules Malou comme gouverneur de la province d'Anvers. Après sa démission de bourgmestre d'Anvers en 1848, Gérard Legrelle siégea encore pendant quelques années au Conseil provincial. Il fut longtemps président du Conseil de l'Académie royale des Beaux-Arts d'Anvers. Léopold lerdécerna à Legrelle l'ordre de Léopold en 1833, ce qui n'était pas courant, et, en 1856, il accéda au grade d'officier de l'ordre.
BIBLIOGRAPHIE
P. GENARD, Biographie du comte G.J.A. Legrelle, Anvers, 1886.
Els WITTE, Politieke machtstrijd in en om de voornaamste Belgische steden, 1830-1848, 2 vol., Bruxelles, 1973 (Pro Civitate. Historische uitgaven, reeks in-8°, 37).
Julienne Laureyssens.
(Extrait de :G. LEGRELLE, G. Le Grelle, dans Legrelliana, 2005, n°9, pp. 11-12)
Le Comte Gérard LE GRELLE (1793-1871), membre du Congrès National
Gérard LE GRELLE naquit à Anvers en 1793, fils du banquier et grand aumônier d’Anvers, Joseph J. LE GRELLE et de Marie-Thérèse Cambier. Son père fonda la Banque Joseph J. LE GRELLE. Gérard fit ses études chez le professeur Lesbroussart (Lesbroussart avait publié au XVIIIe siècle plusieurs études historiques concernant la Belgique). Ses sentiments belges proviennent probablement de l’époque de Lesbroussart. D’autres membres de la famille s’étaient déjà manifestés lors de la Révolution brabançonne. Après ses études il rentra à la Banque Joseph J. LE GRELLE.
Il siégea au Congrès National pour le district d’Anvers. Il fut élu avec 248 voix sur 479, le 10 novembre 1830. Anvers fut représenté par huit élus. Il y avait 2.200 électeurs de droit, 479 seulement se présentèrent aux urnes. L’état de crise à Anvers n’empêcha pas Gérard LE GRELLE de prendre part active à la tâche législative du Congrès National. Il siégea dans trois commissions. Ces commissions traitaient de mesures concernant les impôts, le budget et la réinstallation de la Cour des comptes. En général, il émettait largement son avis sur les affaires économiques. Ces interventions, au cours des débats concernant la législation fondamentale, reflétaient la fermeté de ses convictions religieuses.
Gérard LE GRELLE est le seul bourgmestre élu (1831) d’Anvers, ses successeurs furent tous nommés par le Roi. Gérard LE GRELLE resta maire jusqu’en 1848. Le prince d’Orange avait déjà nommé Gérard comme membre du conseil communal en 1819, mais il refusa poliment cette nomination car il ne souhaitait pas jurer fidélité à la Constitution hollandaise. En tant que catholique convaincu, il ne pouvait pas l’accepter ! En 1825, il lança une pétition pour la liberté de l’enseignement. Il était donc anti-orangiste (et anti-français) mais également grand diplomate, car le 10 novembre au Congrès National il vota contre l’exclusion des Nassau au trône belge (161 contre 28). Les Anversois craignaient des conséquences pour le commerce anversois. On sortait à peine de la fermeture de l’Escaut.
Sa générosité fut réputée, la joyeuse entrée du roi Léopold Ier le 28 juillet 1831 fut payée personnellement par Gérard LE GRELLE. Lors d’émeutes en 1848, Gérard LE GRELLE fut attendu par 400 sans-emplois à l’hôtel de ville. Il décida de leur faire paver le Meir à Anvers, travaux payés de sa poche, car la ville n’avait pas les finances. Lors de l’épidémie du choléra en juillet 1832, il fut auprès de ses citoyens nuit et jour. Pour cette opération, il fut nommé comme premier Belge (par le Roi personnellement en 1833) chevalier de l’ordre de Léopold. Gérard LE GRELLE installa (non sans difficultés) une taxe pour les ouvriers souffrants. En 1817, lors de l’épidémie de typhus, il avait déjà mené des actions comme membre du Bureau de bienfaisance. Ces différentes actions lui procurent une popularité énorme auprès de la population anversoise. Lors des premières élections parlementaires, le 11 septembre 1833, il reçut 1207 voix sur 1220 électeurs ! Il siégea au parlement jusqu’en 1839. Pendant cette période, il refusa un poste de ministre des Finances pour mieux se concentrer sur la restauration de la ville d’Anvers.
Gérard LE GRELLE donna des quais à l’Escaut, prolongea le chemin de fer Bruxelles-Malines jusqu’à Anvers (1836) et était un grand promoteur du Rhin de fer (chemin de fer Anvers-Cologne). Aujourd’hui, la Belgique négocie avec les Pays-Bas pour la réouverture du Rhin de fer ! Gérard LE GRELLE organisa les écoles primaires à Anvers, diverses grandes constructions, de grandes fêtes (pour Rubens) pour obtenir le statut de grande ville… Ses successeurs suivront la même ligne. Après 1848, il resta au conseil communal jusqu’en 1857. Au conseil provincial (où il fut vice-président), il sera membre de 1848 à 1860.
Il fut par l’intermédiaire de la Banque Joseph J. LE GRELLE un grand financier des États Pontificaux, quand le Pape fut coupé des ses territoires et que le Pape fut obligé de continuer à payer les charges de ces États sans en obtenir les rentrées. Il fut créé comte par le pape Pie IX en 1852.
Il était un grand admirateur des arts et plusieurs artistes-peintres doivent des remerciements au comte Gérard LE GRELLE. Il fut membre et vice-président du Conseil de l’Académie royale des Beaux-Arts d’Anvers. Gérard fut avec son fils Auguste un grand mécène du peintre Nicaise de Keyser. Il fut un des 3 fondateurs de la « Maatschappij voor chistelijke liefdadigheid », qui existe encore aujourd’hui et qui gère l’hôpital « Hof ter Schelde » et la maison de repos « Hof ten Dorpe ».
Le comte Gérard LE GRELLE mourut à l’âge de 78 ans et est enterré au cimetière de Deurne. Lors de son enterrement, le cortège était ouvert par un corps de musique de l’armée, un corps de musique de la garde civique, suivi d’une compagnie d’infanterie, du clergé, du procureur du Roi, du bourgmestre d’Anvers, du ministre des Finances, du gouverneur de la Province, du commissaire d’arrondissement… .