Wautelet Jean, Joseph catholique
né en 1797 à Charleroi décédé en 1870 à Charleroi
Représentant entre 1856 et 1857, élu par l'arrondissement de Charleroi(Extrait du Journal de Charleroi, du 19 mai 1870)
L'arrondissement et la ville de Charleroi, notre monde industriel et commercial viennent de faire une perte irréparable. M. Jean Wautelet est mort hier, à 3 heures de l’après-midi.
Cette intelligence vive et puissante, à laquelle l'industrie et le commerce de l’arrondissement ont dû de si judicieux conseils, qui a été pour eux un guide sûr, un soutien aussi fort qu'éclairé, vient de s'éteindre. Nous ne pensions pas, lorsque, il y deux jours, nous donnions encore un souvenir à M. Jean Wautelet, à propos des réductions de péage sur la Sambre et le canal de Charleroi, auxquelles il a tant travaillé, que ce serait le dernier que recevrait. de son vivant, de notre ancienne et inaltérable affection, cet homme dévoué aux intérêts publics et dont la maladie même ne pouvait vaincre l'infatigable ardeur.
Nous en avons perdu beaucoup déjà de ces hommes rares et précieux, nés avec l’industrie de l'arrondissement, attachés de cœur à son avenir.
En quelques années la mort nous a enlevés Alexandre Gendebien, le brave et loyal directeur du Hambourg, Ferdinand Spitaels, président des établissements de Couillet. Depuis longtemps, l’implacable destin nous disputait la vie de M. Jean Wautelet, président de notre chambre de commerce. Il a succombé et son nom vient s'ajouter à la liste de celte vigoureuse génération de travailleurs qui ont disparu.
M. Jean Waulelet est mort à l'âge de 73 ans. Toute sa vie a été consacrée à l’étude et au soin des intérêts du bassin de Charleroi, Ancien échevin de notre ville, ancien président du bureau de bienfaisance et de l’hôpital civil, ancien président de l'association charbonnière, ancien vice-président du conseil provincial du Hainaut, ancien membre de la Chambre des représentants, chevalier de la Légion d'Honneur. Telle a été sa carrière d'homme public. Dans sa vie privée c était la douceur et l'affabilité même. La mort de cet homme utile laisse parmi notre population un vide aussi vivement ressenti que parmi les siens.
Les funérailles de M. Jean Wautelet sont fixées à vendredi prochaine, à 10 heures et demie du matin, en l’église de la Ville-Haute.
(Extrait du Journal de Charleroi, du 21 mai 1870)
Une foule énorme assiste, au moment où nous écrivons, onze heures, aux obsèques de M. Jean Wautelet, président de notre chambre de commerce.
Trois discours ont été prononcés, le premier au nom de la chambre de commerce, le second au nom du comité charbonnier, le troisième au nom des établissements administrés par M. Jean Wautelet.
(Extrait du Journal de Charleroi, du 22 mai 1870)
Hier, à 10 1/2 heures du matin, ont eu lieu les obsèques de M. Jean Wautelet, ancien échevin de la ville de Charleroi, ancien président de l'Association charbonnière , ancien vice-président du conseil provincial du Hainaut, ancien membre de la Chambre des représentants, président de la chambre de commerce, chevalier de l’ordre de Léopold, (manque une ligne politiques, financières, industrielles, commerciales avaient tenu à venir rendre les derniers devoirs à l'homme de bien, au citoyen dont toute la vie n'a été qu'un long travail, un long bienfait.
La musique et une compagnie du 9ème de ligne ont rendu les honneurs militaires au défunt. Trois discours ont été prononcés dans la maison mortuaire par MM. Adolphe Dulait, Jules Dubois et Vermeire, représentant de Termonde.
M. Jules Dubois, le premier, a lu le discours suivant, au nom de la chambre de commerce :
Messieurs,
Je dois, ma qualité de doyen d'âge de notre chambre de commerce, le triste privilège de rendre un dernier hommage à celui qui, pendant trente-six ans, n'a cessé de faire partie de ce collège, et qui, depuis pus de vingt ans, en occupait la présidence avec honneur.
D'autres voix, plus éloquentes que la mienne, vous retraceront ce que fut le défunt dans l'exercice de ses diverses factions et dans les relations de la vie privée, je me bornerai à vous rappeler les éminentes qualités dont il fit preuve comme membre et président de notre corps consulaire.
D'une intelligence rare, d'un jugement prompt et sûr, d'une activité infatigable, Jean Wautelet a consacré aux intérêts de nos diverses industries les précieuses facultés dont la nature l'avait doué ; toutes les questions qui se rattachent à la prospérité morale et matérielle de nos populations, ont trouvé en lui un défenseur ardent et éclairé.
Il étudiait les questions avec un soin minutieux, avec un zèle obstiné, apportant à cette tache difficile et souvent ingrate les lumières de sa longue expérience et l'amour désintéressé du bien public.
Les rapports remarquables qu'il publiait chaque année, comme président de la chambre de commerce, attestaient l’étendue et la variété de ses connaissances non moins que la justesse, la profondeur de ses conceptions, et le langage dans lequel il traduisait ses idées, portait l’empreinte d'un esprit fécond et cultivé.
Tous ses collègues rendent justice à la stricte impartialité avec laquelle il présidait leurs délibérations et au soin qu’il prenait d'écarter ce qui pouvait passionner les débats ; sa bienveillance n'avait d égale que son équité, aussi avait-on foi dans ses jugements, qui revêtaient un caractère d'autorité, une étude approfondie et une longue pratique des affaires ; mais, si notre cher et regretté président était écouté parmi nous avec respect, il ne s'énorgueillait point de cette haute influence si légitement conquise et savait tempérer par sa modestie, l’aménité de ses relations, l’autorité que lui donnaient les qualités supérieures de son esprit et l'importance de ses services.
Voici en peu de mots, messieurs, les titres que Jean Wautelet, comme membre et président de la chambre de commerce a acquis au respect et à la reconnaissance de ses concitoyens. Nos classes ouvrières perdent en lui un protecteur dévoué, nos commerçants et nos industriels un défenseur vigilant, l'arrondissement de Charleroi tout entier un des hommes qu’il estimait le plus ; quant à nous, messieurs, qui l'avons connu plus intimement, nous ne perdons pas seulement en lui un collègue justement honoré, mais un ami fidèle, qui emporte dans sa tombe, notre vive affection et auquel nous adressons ce moment un douloureux adieu plein de regret et de sympathie.
M. Adolphe Dulait, à son tour, s'est exprimé en ces termes, comme ami de la famille et au nom de l'industrie de l'arrondissement :
Messieurs,
Les liens de la longue et profonde amitié qui m’attachaient à l’homme éminent dont nous pleurons aujourd'hui la perte.et le devoir d'exprimer, au nom des exploitants du bassin houiller de Charleroi, les regrets que leur cause la mort de l'ancien Président de leur Association, m'imposent la pénible mission de rendre un suprême hommage à sa mémoire.
Si je n'écoutais que mon cœur, je m'inclinerais pieusement devant ce cercueil, et, donnant libre cours à ma douleur, je déposerais le tribut de mes larmes sur les restes mortels de celui que j'aimais comme un père. Mais obligé de faire violence à mon émotion pour rappeler les hautes qualités du défunt, je retracerai brièvement les principales phases le cette existence si digne et si bien remplie.
Jean Wautelet naquit à Charleroi en 1797. Il fit ses études au lycée impérial de Namur, où il montra une intelligence précoce soutenue par une constante application au travail.
A l'âge de 17 ans, il avait terminé ses classes et remportait la grande médaille d'or décernée aux lauréats.
Rentré dans sa ville natale, il embrassa la carrière industrielle à laquelle le destinaient ses goûts et ses heureuses aptitudes. Ses connaissances solides, son esprit judicieux et sa rare activité lui conquirent bientôt une position honorable, et le signalèrent à l'attention de ses concitoyens qui l'appelèrent à siéger au conseil communal.
Nommé échevin de la ville de Charleroi en 1830, il s'acquitta de ses fonctions avec un zèle et un dévouement dignes d'éloges. C'est en cette qualité, qu'au début de notre glorieuse révolution, il fut député comme parlementaire auprès du commandant de la garnison hollandaise, pour traiter la reddition de la place. Il remplit cette mission délicate avec succès, et, par l'évacuation immédiate de la ville, il épargna à celle-ci les calamités qu'aurait infailliblement amenées une sanglante collision.
Ce service important rendu à la cause de notre indépendance nationale lui mérita l'estime et la reconnaissance des habitants de Charleroi. Confiant dans son zèle pour les intérêts de la ville, le conseil communal fit quelques années plus tard un nouvel appel à son dévouement en le nommant président du bureau de bienfaisance et de l'hôpital civil.
Rarement on vit un administrateur apporter dans l'accomplissement de son mandat, un zèle plus soutenu, une abnégation semblable à celle dont il donna tant de preuves. Constamment préoccupé des besoins des deux établissements confiés sa sollicitude, et dont les ressources, à cette époque, étaient fort limitées, il savait stimuler en leur faveur la charité publique et leur procurer des protecteurs et des appuis.
Des intérêts d'un autre genre réclamèrent bientôt le concours de ses lumières et de son expérience. Lorsque les exploitations houillères du bassin de Charleroi eurent pris un remarquable développement et que nos industriels comprirent le besoin de se réunir pour favoriser cet essor, et étudier en commun les moyens d'assurer la prospérité de leurs établissements, ce fut encore sur Jean Wautelet qu'ils jetèrent les yeux. Ils le nommèrent président de l'association nouvellement créée.
Je devrais m'étendre longuement s’il me fallait rappeler les services multipliés, qu'en cette qualité, il rendit à l’une de nos principales industries.
Il apporta dans ces nouvelles fonctions la maturité d’esprit, le sens judicieux qui déjà l'avaient recommandé aux suffrages de ses concitoyens ; et cette patiente étude, ce zèle laborieux, cette activité qu'il déployait dans la pratique des affaires, ses conseils, toujours écoutés avec déférence, réunissaient souvent l'adhésion de l'assemblée ; on reconnaissait la justesse de ses vues, on rendait hommage aux lumières de son esprit et de son expérience. Toutes les questions qui se rattachent à l'avenir de nos diverses industries (deux ou trois mots illisibles) poursuivi et hâté la solution, il peut revendiquer une large part des progrès qui ont placé si haut la réputation de notre bassin industriel.
On vous a parlé tout à l'heure, messieurs, des services signalés que rendit Jean Wautelet à notre arrondissement en sa qualité e et de président de notre Chambre de commerce. Ce fut principalement dans l'exercice de ces dernières fonctions que se révélèrent les rares et précieuses qualités de notre ami, et qu'il trouva l'occasion d'utiliser, au profit de nos intérêts, les vastes connaissances que lui avaient acquises ses études et sa longue gestion des affaires.
Confiant dans les lumières de notre ami, le gouvernement l'appela bientôt faire partie du conseil supérieur de l'industrie et dans ce collège comme partout, il fit preuve de l'aptitude qu’il possédait à un si haut degré dans tout ce qui concerne les diverses branches de l'industrie nationale.
Là cependant ne devait point se borner le cercle de son activité. Appelé à siéger au conseil provincial, il y occupa bientôt un rang distingué et fut élevé à la vice-présidence de cette assemblée, fonctions qu'il exerça pendant de nombreuses sessions, avec cet esprit de justice et d'impartialité qui faisait le fond de son caractère.
Le gouvernement ne pouvait fermer les yeux sur une personnalité si marquante, sur des services si éclatants. En 1852 le Roi, juste appréciateur du mérite, nomma Jean Wautelet chevalier de son Ordre, et l'on peut dire que jamais décoration ne fut mieux accueillie ni mieux justifiée.
Enfin, pour que rien ne manquât à une carrière si honorable et déjà si féconde, Jean Wautelet, qui avait défendu les intérêts de ses concitoyens au sein du conseil communal, des habitants de notre canton au sein du conseil provincial, vit s'agrandir en 1856 le théâtre de son activité. Il fut élu membre de la Chambre des représentants en juin de cette année.
Messieurs, je n'ai fait qu'esquisser à grands traits, la carrière industrielle et administrative de notre ami, mais j'en ai dit assez, pour vous faire apprécier les services éminents dont la ville de Charleroi, l'arrondissement, la province et même le pays, lui sont redevables.
Vous parlerai-je maintenant des qualités dont il fit preuve dans les relations de la vie privée ? Vous savez tous, messieurs, combien Wautelet était bon et affable ; humain et compatissant, généreux et dévoué. Rien ne lui coûtait lorsqu'il s agissait de faire une bonne action : il mettait dans la pratique du bien le zèle et la ferveur qu'il déployait au service de la chose publique mais toujours sans faste, sans ostentation, ne recherchant pour prix de sa conduite que la satisfaction de sa conscience.
Bienveillant envers tous, il portait à ses amis une affection sincère, à laquelle il fut toujours fidèle. Je n'en veux d'autre preuve que cette foule empressée et recueillie qui vient accompagner ses restes mortels jusqu'au champ da repos et lui dire un dernier, un suprême adieu.
Cet adieu, je te l'adresse en ce moment, l’âme navrée de douleur, ô le meilleur des amis ; je te l'adresse au nom de ta famille éplorée et inconsolable, au nom de tous ceux qui, comme moi, ont pu apprécier tes inestimables qualités, au nom de tous ceux qui t'ont connu et qui ne pouvaient te connaître sans t'aimer et t'estimer.
Dors en paix, homme vertueux et digne, ta mémoire restera vénérée parmi nous. Tu nous lègues à tous l'exemple d'une vie pleine de bons et utiles enseignements. Tes parents, tex amis, tous ceux qui te regrettent trouveront peut-être une consolation dans cet éclatant témoignage de respect et de sympathie rendu à ta mémoire.
Adieu, cher et excellent ami ; encore une fois adieu !
Après ces deux discours, M. Vermeire a prononcé, en qualité d'ami du défunt quelques paroles qui ont aussi profondément ému l’assistance.
Le cortège s'est ensuite mis en marche vers la Ville-Haute. Le cercueil a été porté à bras à l'église et de là au cimetière. Les coins du poêle étaient tenus par MM. Dulait, Dubois, Rœul et Picard.
Au cimetière, le corps a été placé dans le caveau de la famille.