Warnant Julien, Jean libéral
né en 1835 à Huy décédé en 1910 à Liége
Représentant entre 1876 et 1894, élu par l'arrondissement de LiègeMort de M. Julien Warnant
Mardi soir est décédé à Liége, à l'âge de 75 ans, M. Julien Warnant, avocat de grand talent, dont le rôle dans la politique libérale fut des plus importants.
M. Julien Warnant avait siégé, pendant trente-six ans de suite, au Conseil communal de Liége. En novembre 1895, quand furent renouvelés tous les conseils communaux du royaume, il avait été réélu selon les principes de la R. P. et ne quitta son siège qu'au 1er janvier 1900, date de l'expiration de son mandat.
Du 20 août 1867 au 7 mai 1870, M. Warnant avait été échevin dans le collège d'Andrimont. D'avril 1884 à février 1885, il fit fonction de bourgmestre dans un collège provisoire, qui devint définitif et subsista jusqu'en novembre 1885.
Son travail, sa remarquable intelligence furent d'une utilité très grande dans la gestion des affaires communales ; mais son talent d'orateur, sa volonté et son admirable probité servirent plus largement les intérêts du pays. M. Jules Warnant représenta, en effet, pendant près de vingt ans à la Chambre l'arrondissement de Liége.
Ce fut un des lieutenants les plus éloquents de Frère-Orban, qui lui témoignait une grande estime. L'attitude énergique du député de Liége fut particulièrement remarquée en avril 1893, lors des troubles qui se produisirent dans tout le pays.
M. Julien Warnant était entré au barreau liégeois le 18 août 1859. Il fut deux fois bâtonnier de l'Ordre des avocats.
Cet orateur de talent, ce libéral convaincu, était dans la vieille cité wallonne une grande figure aimée et respectée.
Il y a deux ans, M. Julien Warnant avait perdu sa femme ; toujours passionné des choses de la vie politique, il avait gardé aussi une activité qui étonnait. Il aura suffi d'un simple refroidissement pour frapper le robuste vieillard.
M. Julien Warnant était le père de M. Julien Wamant-Fassin, avocat et conseiller provincial de Liége.
Les funérailles, selon le vœu du défunt, seront sans pompes.
(Extrait de La Meuse, du 16 novembre 1910)
La mort de M. Julien Warnant
La nouvelle de la mort de M. Julien Warnant a provoqué en ville la plus vive émotion. Julien Warnant était une figure essentiellement liégeoise. Avocat de talent, homme aux convictions robustes, il était estime par tous. Aussi, tant au barreau que dans le monde de la politique. sa mort a eu un profond et douloureux écho.
C’est mardi soir, 7 heures, que Julien Warnant, victime d'un refroidissement, s’est éteint sans souffrance, à l'âge de 75 ans, entouré de la vénération et de l'affection de tous les siens.
La carrière de Julien Warnant fur admirablement remplie. Son nom, synonyme de franchise et d’honnêteté, il l'a porté avec éclat. Ennemi né de l'injustice, sa vie tout entière fut un incessant combat pour le triomphe de l’équité. Il avait le caractère d’un romain. N’admettant tin de ce qui n'était pas la ligne droite, il fut un exemple militant de haute moralité politique. C'est ce qui explique l'estime et le respect dans lequel le tenaient ses adversaires et l'on ne peut pas faire un plus bel éloge d'un homme qui, pendant plus de cinquante ans, fut très activement mêlé à la vie civique.
Julien Warnant a siégé pendant 33 ans, sans interruption, au Conseil communal. Il fut élu pour la première fois au scrutin du 28 octobre 1863 et toujours réélu aux élections qui ont suivi, jusque et y compris celle du 17 novembre 1895, qui renouvela intégralement tous les Conseils communaux de Belgique. A cette dernière élection, il obtint 9,402 suffrages. Il fut installé le 23 décembre 1895 et siégea pendant quatre ans dans le Conseil constitué en application du principe de la R. P. Il appartenait à la série dont le mandat expirait le 1er janvier 1900. Il déclina l'honneur d un nouveau mandat et fut remplacé au scrutin du 15 octobre 1899.
Julien Warnant fut échevin du 20 août 1867 au 7 mai 1870, dans le premier Collège d’Andrimont-Putzeys-Lion-Warnant-Hanssens. Ce Collège démissionnaire fut remplacé le 7 mai 1870 par le Collège Piercot.
En 1884, le Collège démissionna à la suite d'incidents motivés par le vote d'une proposition de M. Dreye relative à la révision de l'article 47 de la Constitution. En sa qualité de doyen du Conseil, Julien Warnant fit fonctions de bourgmestre à la tête d’un Collège provisoire, du 21 avril 1884 au 7 février 1885. A cette date, le Collège provisoire devint définitif. Il se composait de MM. Warnant, Ziane, Renkin, Micha et Van Marcke. Il subsista jusqu’au 21 novembre 1885.
Julien Warnant, dans ces différentes charges, fit preuve de la plus féconde activité.
Anticlérical résolu et irréductible, il fut un de ceux qui, avec le plus d'ardeur, défendit le principe de l'autonomie communale et l'on n'a pas oublié le rôle important qu'il ne cessa de remplir dans tous les débats où intervenait la politique générale et où il s'agissait des intérêts de notre cité.
Au reste, voici comment il fut rendu hommage à ses qualités lorsqu'il prit sa retraite :
« Ce nous est un devoir, dans ces circonstances, de rendre un hommage bien mérité au dévouement constant et aux aptitudes remarquables dont a fait preuve notre ancien collègue dans l'exercice des diverses fonctions qui lui ont été confiées. » Et encore : « Il n'a cessé, comme membre du Conseil communal, de prendre la part la plus active à la gestion des intérêts communaux. »
Mais là ne se borna pas sa carrière.
Pendant 18 ans, il représenta à la Chambre l'arrondissement de Liége et y fut un des lieutenants les plus actifs et les plus éloquents de Frère-Orban, qui avait pour son talent et pour son caractère la plus grande estime.
Dans une circonstance historique, lors de la discussion de la révision de l'article 47 de la Constitution, alors que l'émeute grondait dans la rue et que le sang avait coulé - c'était le 18 avril 1893 – Julien Warnant fit preuve de réelles qualité d’homme d’Etat. Devant la droite aveulie et désemparée, devant la pression que l'on tentait d’exercer sur le parlement par la force brutale, Julien Warnant fit appel au sang-froid des représentants de la nation et prononça de mémorables paroles par lesquelles il déclara solennellement ne pas vouloir capituler devant l'émeute. Ainsi il affirmait hautement sa volonté d'examiner mûrement la proposition qui était faite et qui devait transformer tout notre régime électoral, et il refusait d délibérer dans un moment d’affolement. Une fois de plus, Julien Warnant défendait la liberté individuelle pour laquelle il combattit pendant toute son existence et le droit pour les députés de travailler dans le calme en dehors de toute pression extérieure.
Il sauvegardait ainsi la dignité du parlement et l'honneur de la représentation nationale. Dans de pareilles manifestations, on retrouvait tout entier l'homme énergique et clairvoyant qu'était le défunt.
On se rappelle aussi l'influence bienfaisante qu'il exerça à l'Association libérale aux destinées de laquelle il présida plusieurs fois. Intransigeant sur les principes, il ne tolérait jamais qu'on s'en écartât, et dans des débats très graves où se trouvait en jeu la vie même du parti libéral il sut trouver les paroles qu'il fallait pour sauver la situation. On le voyait alors se lever, les mains tendues, et d'une voix que la conviction rendait vibrante et pathétique, avec une éloquence chaleureuse, il évoquait tout le passé glorieux du libéralisme dont il exposait le programme généreusement démocratique et, après quelques appels venus du cœur, il réussissait presque toujours à emporter le vote. Il apparaissait ainsi comme l'incarnation même de nos principes et son profond accent de sincérité dissipait toutes les équivoques.
Au barreau, où il avait prêté serment d'avocat le 18 août 1859, il jouissait de la considération de tous ses confrères. Il y a deux ans, on célébra son cinquantenaire professionnel et l'on loua comme il convenait sa loyauté, sa probité, ses mérites. Il fut bâtonnier de l'Ordre à deux reprises : en 1891-92 et en 1907-08. Au cours des cinquante années qu'il passa au barreau il plaida de nombreuses et importantes affaires, et entre autres la retentissante affaire Penter, où il s'agissait d'outrages à la magistrature et qui fit l'objet à la Cour d'assises de débats passionnants.
Julien Warnant suit à deux ans d'intervalle sa femme dans la tombe et il meurt au moment même où une grande joie lui était réservée, celle de présenter au serment d'avocat ses deux petits-fils qu'il chérissait : MM. Robert Warnant et Alfred Mouton.
On ne reverra plus la silhouette fière, sympathique et familière de Julien Warnant qui, tous les jours, avec un robuste verdeur, admirée de tous ses amis, faisait sa promenade au centre de la ville. Il discutait toujours avec sa franchise et son animation coutumières, et rien de ce qui intéressait la politique ne lui était étranger.
C'est un honnête homme dans toute l'acception du mot, qui disparait avec lui.
Et de lui on peut dire qu'il est mort debout avec l'entièreté de ses convictions et fidèle à tous les nobles principes dont il fit les guides de sa vie.
Il a voulu que ses funérailles eussent lieu dans la plus grande simplicité. Point dc pompes, ni d’honneurs.
Julien Warnant était le père de notre excellent ami, M. Julien Warnant-Fassin, avocat, conseiller provincial, et de Mme veuve Mouton-Warnant.
Sa mort endeuille les familles Warnant et Beaudrihaye, atteinte dans leurs plus chères affections.