Wanderpepen Auguste liberal
né en 1814 à Liège décédé en 1879 à Paris (France)
Représentant entre 1857 et 1858, élu par l'arrondissement de Thuin(BOCHART E., Biographie des membres des deux chambres législatives, session 1857-1858, Bruxelles, Périchon, 1858, folio 111)
WANDERPEPEN Auguste
Né à Binche, le 28 février 4814,
Représentant, élu par l’arrondissement de Thuin
M. Wanderpepen, après avoir fait ses études au collège de Binche et à celui de Bonne-Espérance, a suivi les cours de l'université de Liége.
Nous le voyons quelques années après, en possession du grade de candidat notaire, accepter les honorables fonctions de maître des pauvres de sa ville natale.
De 1849 à 1852, M. Wanderpepen présida le conseil de milice de larrondissement de Thuin.
Appelé, le 26 mai 1845, au conseil provincial du Hainaus par les électeurs du canton de Binche, il siégea sans interruption dans ce conseil jusqu'à son entrée au Parlement.
Dans cet espace de douze années consacrées aux affaires de la province, M. Wanderpepen fut nommé membre de la Députation permanente, le 4 juillet 1852, et maintenu dans ces fonctions le 6 juillet 1856.
Aux élections générales du 10 décembre 1857, M. Wanderpepen fut proclamé membre de la Chambre des représentants pour l'arrondissement de Thuin.
La position du nouveau représentant au sein de la majorité libérale semblait lui assurer une longue carrière parlementaire, mais, dès les premiers jours de la session, des discussions s'élevèrent entre le ministère et l'honorable membre.
M. Wanderpepen fut l'un des dix opposants au projet de loi sur la poursuite d'office, qu'il considérait comme funeste à la liberté de la ^presse.
Dans plusieurs autres occasions, ses votes furent contraires à la politique ministérielle.
Désespérant d’obtenir les réformes qu’il souhaitait, l’honorable représentant songea sérieusement à se retirer du Parlement.
Le 5 mai 1858, il adresse à M. le président de la Chambre des représentants la lettre suivante qui explique les motifs de sa décision :
Monsieur le président,
« Le mouvement électoral du 10 décembre m'avait fait concevoir des espérances qui ne se réalisait et ne réaliseront pas, je me trouve dans la position équivoque de ne pouvoir mettre à la disposition d'un ministère que je n'ai pas reçu mission de combattre, un dévouement entier sans réserve.
« Cette situation froisse et entrave ma liberté d'action.
« Le seul moyen d'en sortir honorablement est de déposer mon mandat : c'est ce que je fais, en vous priant d'accepter ma démission de membre de la Chambre des représentants.
« Agréez, etc.
« A. Wanderpepen. »
Simple narrateur, nous n’aborderons pas la polémique que cette détermination a suscitée dans la presse.
Il nous suffit, pour rendre hommage à la vérité des faits, de dire que M. Wanderpepen, en déposant son mandat de représentant, a retrouvé bientôt, dans une nouvelle marque de confiance de ses concitoyens, son mandat de conseiller provincial et son titre de membre de la députation permanente du Hainaut.
(Annales parlementaires de Belgique, session 1857-1858, séance du 7 mai 1858, p.919)
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, la démission de notre honorable collègue M. Wanderpepen s'appuie sur des motifs qu'il doit, me semble-t-il, être permis d'apprécier en peu de mots.
L'honorable membre se retire, dit-il, parce que les élections du 10 décembre lui avaient fait concevoir d'abord des espérances qui ne se sont pas réalisées et ne se réaliseront pas.
Il serait intéressant de savoir quelles espérances l'honorable membre, avait conçues, quelles espérances ne se sont pas réalisées et ne se réaliseront pas. Ceci est resté à l'état de mystère dans la lettre de notre honorable et ancien collègue.
Un autre motif, et c'est surtout ce qui m'a engagé à prendre la parole ; un autre motif de la retraite de l'honorable représentant, c'est qu'il n'avait pas reçu mission du corps électoral de combattre le ministère et que cependant il ne pouvait pas mettre à la disposition du cabinet un dévouement entier, sans réserve.
Je pense, messieurs, que personne, en entrant dans cette enceinte, ne met à la disposition du ministère un dévouement entier et sans réserve ; sous ce rapport, tous les collègues de l'ancien représentant de Thuin se trouvent dans la même position que lui. Nul ne met ici, et le ministère ne le demande pas, nul ne met ici au service du ministère un dévouement entier, sans réserve.
Chacun apporte ici les principes qu'il a mission de défendre ; et personne, sur le banc des ministres, ne dédaigne assez le caractère des honorables représentants, pour espérer, encore moins pour exiger d'eux un dévouement entier, sans réserve ; ce dévouement entier, sans réserve, vous, comme nous, nous le consacrons exclusivement aux principes.
Si l'honorable et ancien député de Thuin avait une seule fois, pendant les quatre mois qu'il a passés dans cette enceinte, avait en une seule circonstance, exprimé une opinion, une espérance, nous aurions pu savoir en quoi consistaient et les espérances et les opinions de l’honorable représentant. Si ses opinions sont consciencieuses, comme je n'en doute pas, si l'honorable représentant de Thuin avait accepté son mandat avec la ferme volonté, comme c'était son devoir, de faire triompher ses principes, au lieu de se retirer, il aurait dû chercher à les faire prévaloir dans cette enceinte ; la Chambre, telle qu'elle est composée, n'est pas tellement ennemie des innovations, qu'une idée nouvelle produite par l'honorable membre eût été dans le cas de l'effrayer.
Mais l'honorable représentant n'a pas dit un seul mot, n'a pas ouvert une seule fois la bouche pour faire connaître l'ombre d'une opinion et il se désespère ; il croit que les espérances qu'il avait conçues ne se réaliseront pas. C'est trop exiger, ce me semble, que de prétendre que la Chambre réalisât des espérances, fît triompher des opinions qui n'ont en aucune manière été exprimées dans son sein.
Au surplus, l'honorable membre est très consciencieux, j'ai des motifs personnels de croire qu'il est resté bienveillant.
Malgré cette lettre dont vous venez d'entendre la lecture, lettre regrettable peut-être dans l'intérêt de son auteur, nous avons la preuve que l'honorable membre, s'il n'a pas promis un dévouement sans borne et sans réserve au cabinet, a cependant des sympathies qu'il a exprimées en termes bienveillants ; par conséquent il n'y a pas entre nous un abîme ; si je suis bien informé, il a même pris l'engagement de soutenir l'élection d'un candidat en communauté plus intime d'opinion avec le ministère.
Comme représentant et comme membre du cabinet, je n'ai rien autre chose à dire sur la lettre de l'honorable représentant.
(Extrait du Journal de Charleroi , du 13 mai 1858)
Lettre de M. Wanderpepen à M. Charles Rogier
« A. Monsieur Charles Rogier, ministre de l’intérieur.
« M. le ministre,
« Vous avez cru devoir critiquer, d'une manière assez acerbe, les termes de ma démission de membre de la Chambre des représentants ; c'était votre droit, le mien est de vous répondre, et de pas rester sous le coup d'une accusation d'inconséquence qui pourrait compromettre, aux yeux de mes commettants, mon caractère et une réputation de loyauté légitimement acquise.
« Vous avez été pour moi aussi rude qu’injuste, M. le ministre ; cependant les termes de ma démission étaient excessivement polis et modérés.
« Quoi de plus simple, en effet ?
« J'entre à la Chambre, presque malgré moi, avec des appréhensions qui ne devaient pas tarder à se justifier. Je m'aperçois, par la marche que vous imprimiez aux affaires, que je ne puis m'associer au dévouement absolu de la majorité qui vous soutient, et je me retire pour ne pas vous faire opposition. Dans tout cela, pas un mot de blâme, pas un mot de critique ; il n'y avait rien là qui pût autant exciter votre susceptibilité, que vous avez traduite en termes si désobligeants pour moi. Vous avez dit que l'on ne connaissait pas les motifs de ma détermination, et que jamais je n'avais porté à la tribune les plaintes ou les griefs que j'aurais eus à articuler contre le ministère ; expliquons-nous sur ces deux points.
« II y a quelque temps, à la suite d'une lettre par laquelle vous me demandiez les motifs de la décision que j avais prise, j'ai eu l'honneur de vous indiquer les points principaux de dissentiment qui existent entre vous et moi.
« Je vous ai fait connaître toute ma pensée sur l'indépendance du pouvoir civil, sur la séparation de l'Etat et de l'Eglise.
« La loi sur l'enseignement primaire et la regrettable convention d'Anvers ont créé tant d’embarras au parti libéral, et ont tellement annihilé l'influence et la prépondérance du pouvoir civil, que j'avais espéré la révision de la première, et l'abrogation de la seconde, Dans un rapide entretien que j’eus avec un membre très influent de votre cabinet, j'ai acquis la certitude qu'il ne fallait pas penser à la première ; quant à la seconde, j'avais oublié que vous l'avez votée.
« Voilà donc un fait acquis ; l'enseignement reste et restera ce qu'il était, sous le drapeau catholique tenu par des mains libérales ; pensez-vous que cela seul ne pût pas suffire à motiver les termes de ma démission ?
« Vous m'avez reproché, M. le ministre, de n'avoir pas fait connaître à la tribune mes vues, mes idées, mes intentions ; ici vous pouvez avoir raison ; je ne me suis jamais posé en orateur, et vraiment je suis porté à m'en féliciter, quand je vois les écarts auxquels la facilité d'élocution entraîne certains personnages que vous connaissez aussi bien que moi.
« J'ai cependant eu plusieurs fois l’intention formelle de vous dire ce que je pensais, notamment lors de la discussion de la loi sur la poursuite d'office, enjolivement de la loi Faider que vous avez jugé bon de donner pour étrennes à la majorité libérale. Je considérais cette loi comme funeste la liberté de la presse, comme la consécration de la loi de 1852, qui avait soulevé des orages dans la presse libérale, et fait l'objet des plus violentes attaques de la part des orateurs de la gauche.
« Je ne sais pas envisager les questions suivant le temps et les circonstances. Ce qui était mauvais en 1852, devait l'être encore en 1858 ; les parquets ne sont pas devenus bienveillants pour la presse, et la peur n'a pas diminué d'intensité.
« J'avais donc eu l'intention de m'expliquer à ce sujet. Si je ne l'ai pas fait, c'est parce que j'ai cédé aux observations que quelques amis ont cru devoir me faire dans l'intérêt de l'union du parti libéral. Somme toute, cela ne m'eût pas constitué orateur ; je m’en console facilement, parce que j'ai la prétention de penser et d'apprécier ; cela me suffit.
« Vous avez , M. le ministre, principalement critiqué le passage de ma démission, où je déclare ne pouvoir mettre la disposition du ministère un dévouement entier, sans réserve ; vous avez trouvé cela étrange ; je vais vous expliquer ma pensée ; elle n'est peut-être pas aussi dénuée de raison que vous avez essayé de le faire croire.
« Je pense qu'à part les questions administratives ou économiques, à propos desquelles, les uns peuvent rester dans l'ornière, et les autres désirer en sortir, il doit y avoir, entre un ministère et la majorité qui l'appuie, une telle communauté d'idées, de principes, qu'une scission ne puisse jamais se présenter, quand la liberté ou la dignité du pays peuvent courir quelque danger.
« Nous avons eu la preuve du contraire. Sera-t-elle la dernière ?... J'aurais pu vous parler aussi d'un incident qui m'a péniblement impressionné.
« A peine la session débutait-elle, que vous preniez une mesure de rigueur contre un des plus nobles proscrits français; le colonel Charras, venu en Belgique avec une autorisation du ministère catholique, n'a pu trouver grâce devant vous ; vous l'avez expulsé, comme on a jadis refusé à Kossuth l'autorisation de traverser le sol belge.
« On aurait pu cependant vous supposer quelque sympathie pour des hommes honorables frappés par l'arbitraire et le despotisme. Car, vous aussi, M. le ministre, vous avez connu les mauvais jours qu'amènent les retours de la politique; je vous ai connu quasi-proscrit, fuyant les vengeances qui menaçaient votre tête. Les souvenirs du passé, s'effacent donc bien vite, que vous avez sitôt oublié ce qu’ont à souffrir ceux qui emportent, dans l'exil, le regret de la patrie absente, avec la conscience de n'avoir été frappés que pour avoir combattu en faveur du droit et de la justice !
« N'étais-je pas en droit de vous reprocher aussi votre inaction, en ce que touche la loi sur la charité, cette question qui avait si profondément remué le pays et qui a été la cause de votre retour aux affaires?
« Je m'arrête ici ; cependant, je pourrais citer bien d'autres points sur lesquels, M. le ministre, nous ne serons jamais d'accord.
« Vous voyez que les motifs ne me manquent pas, et que vous avez eu tort de me déclarer que vous les ignoriez ; nul n'a été mieux renseigné que vous, et cependant vous m'avez mis dans la pénible position de devoir me défendre et rétablir la vérité.
« J’aime la vérité, M. le ministre, même quand elle fait crier ; celle-là est la bonne, elle prouve qu'on a mis le fer sur la plaie.
« Les hommes passent et les principes restent ; cette pensée sera, dans ma retraite, mon espérance et ma consolation.
« Agréez, etc.
« A Wanderpepen. »
(Extrait du Journal de Charleroi, du 26 mars 1879)
Nécrologie
C’est au milieu d'une foule énorme, accourue de tous les points de la province qu’ont eu lieu hier à Binche les funérailles de M. Wanderpepen, membre de la députation permanente. Dès le matin tous les trains arrivant ç Binche amenaient en ville quantité de fonctionnaires et d'amis venant rendre hommage à l'homme de bien, à l'éminent citoyen que toute la ville, nous dirons même toute la province regrette.
A 11 heures et demie a eu lieu la levée du corps. Le cortège marchait dans l'ordre suivant : les écoles communales, les deux sociétés de fanfares avec de étendards voilés de crêpes, les diverses sociétés de la ville, le clergé, les huissiers du conseil provincial, le corbillard dont les cordons sont tenus par de MM. de Kerckhove de Denterghem, gouverneur, de Paul, président du conseil provincial, François, commissaire d'arrondissement et Williams, échevin de la ville de Binche, et vice-président de l'association libérale.
Derrière le char suivait la foule, parmi laquelle on remarquait les membres de la députation permanente, les conseillers provinciaux presqu’au complet, plusieurs représentants, des sénateurs et nombre d’autres notabilités de la province.
Le chœur de l’église avait été tendu de draperies noires disposées avec beaucoup de goût. La cérémonie funèbre, commencée à midi moins le quart, ne s'est terminée qu'à une heure et demie, tant il a fallu de temps pour l'offrande.
La cérémonie terminée, le cortège se remit en marche dans le même ordre que pour venir à l’église, et malgré le mauvais temps, toute la foule suivit jusqu'au cimetière la dépouille mortelle du regretté défunt.
L'attitude de cette foule émue, triste, échelonnée le long de la Grand’Rue, prouvait que la population entière comprend toute la de la perte qu’elle vient de faire.
Il a été prononcé quatre discours, dans lesquels ont été retracées toutes les vertus domestiques et civiques du regretté défunt. Les orateurs sont : MM. le gouverneur, De Paul, président du conseil provincial, Williams, échevin de la ville de Binche et vice-président de l'Association libérale, et Paulin, président de la Jeune Garde. A 2 1/4 heures, tout était terminé.
(Extrait de J.L. DE PAEPE – Ch. RAINDORF-GERARD, Le Parlement belge 1831-1894. Données biographiques, Bruxelles, Commission de la biographie nationale, 1996, p. 616)
Gouverneur de la province de Hainaut (juillet-août 1878)
Conseiller provincial (1845-1851) puis député permanent du Hainaut (1852-1857, 1860-1879)