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Vleminckx Jean-François (1800-1876)

Portrait de Vleminckx Jean-François

Vleminckx Jean-François libéral

né en 1800 à Bruxelles décédé en 1876 à Ixelles

Représentant entre 1864 et 1876, élu par l'arrondissement de Bruxelles

Biographie

(THIERNESSE Théodore, Discours prononcé aux funérailles de M. le docteur J.F. Vleminck, président de l’académie royale de médecine de Belgique, Bruxelles, H. Manceaux, 1876)

Messieurs, il y a moins d'un mois l'Académie royale de médecine perdait l'un de ses membres les plus distingués, M. le professeur Hubert, enlevé prématurément à la science, à l'affection de sa famille et à l'estime de ses collègues et de ses nombreux amis.

Aujourd'hui, c'est à celui qu'elle a placé et maintenu presque constamment à sa tête depuis sa fondation, qu'elle a à rendre les derniers devoirs : M. le docteur Vleminckx, son cher Président n'est plus ! l'impitoyable mort est venue l'atteindre au lendemain en quelque sorte du jour où la Compagnie recevait, avec la plus vive satisfaction, des nouvelles rassurantes de son état de santé. La maladie qui depuis quelque temps le tenait éloigné de ses travaux, n'inspirait plus d'inquiétude sérieuse ; mais, ô déception ! elle s'est aggravée tout à coup, et les soins que donnaient à notre collègue les deux confrères auxquels il avait accordé sa confiance n'ont pu en arrêter les redoutables suites : M. VIeminckx s'est éteint le 17 de ce mois, entouré de sa famille éplorée !

En apprenant cette douloureuse nouvelle, ses collègue du Bureau ont éprouvé une pénible impression qui sera vivement partagée par tout le corps médical, dont il avait conquis depuis longtemps les plus réelles sympathies.

En cette circonstance, ce n'est pas une simple députation qui pouvait représenter l'Académie. Elle est ici toute entière réunie autour de ce cercueil, pour dire un dernier adieu à son regretté Président.

Désigné pour prendre la parole au nom de mes collègues, ce n'est pas sans hésitation que j'en ai accepté l'honneur : c'est une tâche difficile et bien au-dessus de mes forces de louer une vie si longue et si bien remplie.

M. Jean François Vleminckx naquit à Bruxelles le 3 novembre 1800. Il commença ses études humanitaires au lycée de cette ville et les continua dans une institution libre, puis, à partir de la poésie, au petit séminaire de Malines.

En 1817, il rut reçu à l'université de Louvain, et en obtint, en 1822, le diplôme de docteur en médecine, puis celui de docteur en accouchements, avec la plus grande distinction.

Afin de développer ses connaissances, déjà bien vastes, il se rendit ensuite à Paris, où il s'attacha à suivre les cours de Broussais et des autres maitres de la science les plus en renom.

Rentré dans sa ville natale, il s'y voua à la pratique médicale et ne tarda pas à se signaler dans des publications savantes auxquelles il eut dès lors l'occasion de prendre part.

On sait, Messieurs, et nous tenons à le rappeler en ce moment solennel, que ce savant médecin fut le promoteur et le principal organisateur de l'Académie royale de médecine.

Rendue complétement à elle-même par suite des événements politiques de 1830, auxquels M. Vleminckx prit une part distinguée, la Belgique renaissante vit se développer insensiblement ses diverses institutions. On se préoccupait naturellement de la culture des arts et des sciences, et la nécessité d'une Académie de médecine, déjà signalée depuis quelque temps par l'illustre fondateur de notre dynastie nationale, se faisait de plus en plus vivement sentir. Notre regretté collègue en entretint avec insistance M. J. -B. Nothomb, ministre de l'Intérieur, el ses pressantes démarches furent enfin couronnées de succès : le 19septembre 1841 un arrêté royal vint combler ses vœux, qui étaient aussi ceux de tout le corps médical.L’Académie royale de médecine de Belgique était fondée.

Ayant puissamment contribué à en établir les bases, M. Vleminckx était naturellement indiqué pour la direction des travaux auxquels elle allait se livrer. C'est ce que comprit la Compagnie : appelée, le lendemain de son installation, à se constituer définitivement, elle l'élut Président à la majorité de 26 voix sur 30 votants. Personne n'était plus apte que lui à conduire rapidement la nouvelle institution dans la voie du progrès, et à lui faire bientôt atteindre le niveau des plus anciens corps savants du même genre.

J'aurais à vous parler, Messieurs, des travaux de notre collègue ; mais le temps ne suffirait pas en faire ressortir toute l'importance. C'est au sein de l'Académie que ce précieux inventaire devra être dressé, et il le sera en temps opportun. Je me bornerai ici à un aperçu général.

Toute l'activité de Vleminckx était pour ainsi dire concentrée dans l'Académie, qu'il regardait avec raison, comme le foyer où doit s'allumer el se renouveler toujours le zèle pour le progrès des études médicales. Aussi, peu de discussions y ont surgi où il n'ait pris largement sa part. Doué d'une éloquence puissante, incisive, originale, consciencieux dans l'étude préparatoire à laquelle il apportait le plus grand soin, on peut dire que de ces discours, comme de ses rapports, jaillissait toujours un jet de lumière capable d'éclairer l'un ou l'autre point obscur dans les questions agitées. Il était d'un caractère vif, parfois même très vif, mais sa vivacité ne faisait qu'ajouter un nouvel intérêt à sa parole ; il savait d'ailleurs supporter la contradiction et se renfermait toujours dans les bornes d'une discussion parfaitement courtoise, respectant l'opinion de ses adversaires.

Ne pouvant, Messieurs, entrer dans de longs détails, qu'il me soit permis cependant de signaler deux importants débats dans lesquels notre collègue s'est particulièrement distingué : la discussion relative à l'ophtalmie des armées, grande question considérablement élucidée par lui, et plus récemment celle de l'admission des femmes et des enfants dans les travaux souterrains des mines. C'est la suite de cette dernière discussion, qui fut longue, ct des plus remarquables, qu'usant à la Chambre des Représentants de son initiative parlementaire, il la saisit d'une proposition de loi tendant à faire « interdire le travail des mines aux enfants du sexe masculin qui n'ont pas dépassé l'âge de l'instruction première, c'est-à-dire aux garçons âgés de moins de quatorze ans, et, pour des motifs facilement appréciables, aux enfants du sexe féminin qui n'auront pas atteint leur quinzième année révolue » (Annales parlementaires, séance du 25 janvier 1872).

Il attachait la plus grande importance à celte réforme essentiellement humanitaire, qui doit tôt ou tard s'imposer à la législature ; mais, hélas ! il n'aura pas eu la satisfaction de voir promulguer cette loi tant désirée et dont il ne cessait de se préoccuper.

Ses travaux personnels ont été considérables ; mais j'aurais tort de m'y arrêter longtemps : dans toutes les œuvres, dans toutes les publications qui ont illustré notre Académie, il lui revient une part bien légitime d'honneur. Or, quelles ont été ces œuvres ? Ici, Messieurs, je me permettrai de, vous faire entendre la parole de notre digne Président lui-même. Voici comment il s'exprimait dans un brillant discours prononcé à l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de la fondation de l'Académie :

« Par un louable scrupule, nous disait-il, vous avez voulu, mes chers collègues, qu'un compte-rendu de vos travaux, impartial, détaillé... fût soumis à l'appréciation de tous vos confrères de tous les pays. Vous vous en êtes rapportés au jugement de vos pairs : vos pairs vous jugeront. ; mais en attendant que leur décision vous vienne, il doit au moins m'être permis, à moi que vos nombreux suffrages ont appelé à l'honneur de diriger vos débats pendant cette période presque entière, de rendre publiquement témoignage des grands efforts que vous avez faits, du zèle ardent que vous avez montré pour atteindre le but qui vous avait été indiqué. »

Tel fut Vleminckx, Président de l'Académie royale de médecine.

Mais là ne s'arrêtait pas son zèle pour les progrès de la science. Je m'abstiendrai, Messieurs, de faire ressortir ici l'émulation qu'il savait entretenir parmi les médecins attachés au service de santé militaire, dont la haute direction lui était confiée ; mais je ne puis me dispenser de faire au moins une courte mention des deux Congrès d'hygiène qu'il organisa à Bruxelles, en 1851 et en 1852, avec le concours de quelques collègues, et de rappeler aussi le Congrès d'ophtalmologie qui eut lieu Paris en 1862, et auquel il fut appelé à prendre part en qualité de délégué du gouvernement belge. Il eut l'honneur d'être choisi pour présider ces savantes assemblées, et c'est encore lui qui fut placé à la tête du Congrès international des sciences médicales tenu l'année dernière à Bruxelles. Jamais nous ne pourrons oublier le talent dont il a constamment fait preuve dans la direction de ces imposantes assises scientifiques.

Qu'il me soit permis maintenant de vous rappeler, Messieurs, les principales fonctions dont Vleminckx a été investi, ainsi que les titres scientifiques qui lui ont été décernés pendant sa longue carrière.

Il a été Inspecteur-Général du service de santé de l'armée, du 30 septembre 1830 au 20 août 1864, et il y a laissé un souvenir ineffaçable de sa grande perspicacité ; on peut dire que l'excellente organisation qui distingue ce service est véritablement son œuvre.

Il a présidé les jurys d'examen pour la collation des grades académiques dans les sciences médicales, depuis leur institution.

Vice-président du Conseil supérieur d'hygiène, depuis sa création, en 1849, il a eu là aussi de fréquentes occasions de servir la cause de la science et de l'humanité.

Il a enfin présidé, jusqu'à ce jour, la Commission de surveillance de l'Ecole de médecine vétérinaire, institution à laquelle il a toujours porté le plus grand intérêt.

Il était membre associé de l'Académie de médecine de Paris, et membre honoraire ou correspondant d'un grand nombre d'autres corps savants.

Les divers services que le docteur Vleminckx a rendus à la chose publique lui ont valu de nombreuses récompenses honorifiques. Le Roi l'avait nommé Grand-Officier de son ordre. Ce fut à l'occasion de cette promotion que ses collègues de l'Académie lui offrirent son portrait, dû au pinceau d'un peintre distingué.

Je suis arrivé, Messieurs, au terme de la tâche qui m'incombait : je vous ai esquissé à grands traits les principales phases de la vie scientifique du regretté défunt. Nous en sommes au triste moment de la séparation. Il y a autre chose, Messieurs, dans la vie de l'homme que les travaux et la science ; mais nous devons nous en rapporter au jugement de Dieu, et c'est parce que nous avons foi en la divine Miséricorde que notre adieu peut être en ce moment une parole de consolation el d'espérance !


(LEBOUCQ O., dans Biographie nationale de Belgique, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1956, volume 29, colonnes 847-849)

VLEMINCKX (Jean-François), médecin, né à Bruxelles le 3 novembre 1800 et y décédé le 18 mars 1876.

Après ses humanités faites au lycée ue Bruxelles, Vleminckx, que son père destine à la prêtrise, continue ses études au petit séminaire de Malines ; mais sa vocation le pousse vers la profession de médecin. Il s'inscrit à l'Université de Louvain en 1817 et, en 1822, il obtient le diplôme de docteur en médecine, puis de docteur en accouchements, avec la plus grande distinction. Sa dissertation inaugurale est intitulée : De scorbuto. Il se rend à Paris, où il suit les leçons du célèbre Broussais, puis, rentré à Bruxelles, il s'y établit comme médecin.

A cette époque sévissait, surtout dans l'armée des Pays-Bas, une affection oculaire dénommée improprement « ophtalmie militaire » et qui n'était autre que la conjonctivite granuleuse ou trachome, maladie connue depuis l'antiquité. Vleminckx étudie tout spécialement la question et, en 1825, publie, en collaboration avec Van Mons, Essai sur l'ophtalmie des Pays-Bas ; puis, au cours des années 1826 et 1827, une série de notes, de réfutations et de rapports sur ce problème de pathologie fort controversé à ce moment.

En 1830, Vleminckx épouse avec enthousiasme la cause belge de la Révolution : on le voit successivement adjudant du colonel Moyard, médecin-chirurgien major, chef du service de santé, membre du conseil de la garde bourgeoise de Bruxelles, aide de camp du commandant en chef (27 août) ; membre de la commission de surveillance et de direction des hôpitaux, établie par le Gouvernement provisoire (28 septembre) ; le 30 septembre, il est nommé inspecteur général du service de santé de l'armée, fonctions qu'il remplira pendant trente-quatre ans. C'est à ce titre qu'il organise la lutte contre des épidémies de fièvre typhoïde, de dysenterie, de choléra, d'ophtalmie, de gale, sévissant dans les casernes.

La haute situation qu'il occupe, malgré son jeune âge, provoque la jalousie qui crée bientôt la calomnie : une atteinte à son honneur est réduite à néant par la haute cour militaire, le 31 décembre 1839. En 1841

En 1841, le gouvernement décide la création d'une Académie de médecine et le ministre de l'intérieur, Nothomb, charge Vleminckx de l'organisation de la nouvelle institution. La première séance a lieu le 19 septembre et Vleminckx est élu président; il occupera le fauteuil présidentiel jusqu'à sa mort, avec une interruption de 1856 à 1859. Il y déploie une grande activité ; les questions relatives à l'hygiène et à la prophylaxie font l'objet de la plupart de ses communications et, parmi celles-ci, les plus mémorables sont ses discussions passionnées au sujet de l'ophtalmie granuleuse.

En 1842, Vleminckx est nommé inspecteur général du service de santé aux chemins de fer et aux prisons ; en 1843, il devient membre de la Commission permanente de statistique ; en 1845, il est président de la Commission de surveillance de l'école vétérinaire et, en 1852, membre du Conseil de perfectionnement de l'enseignement supérieur. De plus, il est membre de nombreuses sociétés de médecine de Belgique et de l'étranger.

Malgré la multiplicité de ses fonctions et de ses occupations scientifiques, Vleminckx joue un rôle actif dans la politique : il est conseiller provincial du Brabant de 1848 à 1864 ; c'est à son initiative qu'est créé l'institut ophtalmique du Brabant. En 1864, il se démet de ses fonctions d'inspecteur général du service de santé de l'armée pour entrer à la Chambre des représentants, comme député libéral ; là, il défend avec éloquence les intérêts de l'ouvrier au point de vue de l'hygiène et s'occupe spécialement de la réglementation du travail des femmes et des enfants dans les usines et les mines.

En 1868, il est élevé à la dignité de grand-officier de l'ordre de Leopold.

En 1870, le roi le charge d'une mission à Sedan, pour s'assurer que toutes les mesures d'hygiène sont prises tant dans l'intérêt de la santé publique que dans celui des blessés. Il y contracte une affection dysentérique qui l'affaiblit beaucoup. C'est le commencement du déclin de sa grande activité et de ses forces. Il meurt de pneumonie à l'âge de 76 ans.

J.-F. Vleminckx a été avant tout un animateur ; si son œuvre écrite n'a pas résisté à l'épreuve du temps, ses initiatives, défendues avec une chaude éloquence, le classent parmi les pionniers de la médecine sociale en Belgique.


Autres sources : F. DE BLOCK, Jean-François Vleminckx, patriote de 1830, Bruxelles, ministère de la Défense nationale, 1922 (32 pages)