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Visart de Bocarmé Amédée (1835-1924)

Portrait de Visart de Bocarmé Amédée

Visart de Bocarmé Amédée, Charles, Louis catholique

né en 1835 à Sint-Kruis (Bruges) décédé en 1924 à Bruges

Représentant entre 1864 et 1923, élu par l'arrondissement de Bruges

Biographie

(La Chambre des représentants en 1894-1895. Galerie nationale, Bruxelles, Société belge de librairie, 1896, pp. 424-425)

VISART de BOCARMÉ, Amédée-Charles-Louis (comte), représentant catholique pour l'arrondissement de Bruges, Né à Sainte-Croix, le 4 novembre 1835.

M. Amédée Visart de Bocarmé fit ses études à l'Université catholique de Louvain, qui lui décerna le diplôme de docteur en droit.

Il fut élu membre de la Chambre pour l'arrondissement de Bruges le 12 janvier 1864. Aux élections de 1863, M. Soenens, seul des candidats catholiques avait obtenu la majorité requise. M. Visart, soumis au ballottage, échoua contre l'ancien gouverneur de la Flandre occidentale, M. le baron de Vrière. La Chambre - les libéraux détenaient alors le pouvoir - annula ces deux scrutins sous prétexte de corruption et ordonna de nouvelles élections. Celles-ci furent favorables aux conservateurs, et la majorité libérale, qui étaient antérieurement de six voix, se trouva réduite à deux. Cette situation provoqua quelques mois plus tard la dissolution des Chambres.

Le mandat de M. Visart lui a été renouvelé sans interruption jusqu'à ce jour. Le 14 octobre 1894, il obtint 27,007 suffrages.

Il fut nommé conseiller communal de Bruges en 1875 et bourgmestre l'année suivante.

Il a pris une part active aux travaux parlementaires, notamment à la discussion des lois sur l'assistance publique, la mendicité et le vagabondage, dont il avait été nommé rapporteur, sur les chemins de fer vicinaux, sur la réforme électorale, etc.

Il est l'auteur de la proposition de révision relative à la réorganisation du Sénat, comportant l'adjonction de sénateurs élus par les conseils provinciaux aux sénateurs élus directement par le corps électoral. Votée par les deux Chambres, cette proposition est devenue l'article 53 de notre Loi fondamentale.

Il a également été en grande partie le promoteur de Bruges port de mer, se consacrant corps et âme à cette question, vitale pour son arrondissement. Il a publié à ce sujet des articles très remarqués et il n'est personne qui ignore avec quelle conviction et quelle ardeur il a réfuté les discours de ses antagonistes.

M. Amédée Visart de Bocarmé est commandeur de l'Ordre de Léopold et officier de l'Ordre de la Couronne de Chêne.


(Extrait de la Libre Belgique, du 31 mai 1924)

Le comte Visart de Bocarmé. Une carrière aussi méritoire que longue

Il y a eu mercredi huit jours que M. le comte Visart fui pris d’un malaise, qui donna aux siens de vives alarmes ; le samedi suivant le mal empira au point qu'il fut jugé nécessaire d’administrer au malade les derniers sacrements. Il les reçut avec une grande ferveur. Depuis, la situation, sans cesser d'être grave, paraissait cependant s’améliorer. Hier encore les nouvelles étaient plutôt satisfaisantes. Ce matin brusquement, la situation s'est dénouée et l'illustre vieillard s'est endormi doucement à l'âge de 89 ans.

Sa mort fut annoncée aux divers offices ; le drapeau fut mis en berne aux bâtiments communaux et cette journée de l’Ascension fut endeuillée à Bruges par la triste nouvelle.

A l’encontre de ceux pour qui l’âge, en se prolongeant au-delà de la limite habituelle, n’ajoute plus rien aux mérites acquis à un certain moment, le comte Visart de Bocarmé, qui vient de mourir à Bruges après 89 années d’existence, se sera consacré avec efficacité au bien de ses compatriotes, jusqu’à ses dernières heures.

Ce ne serait pas assez de dire qu' il a suivi avec le plus vif intérêt les dernières négociations relatives à l’avenir de Bruges maritime, il y a été étroitement mêlé, il a même à plusieurs reprises dirigé chez lui des conférences auxquelles ces négociations donnaient lieu. Il aura eu pour suprême joie d'apprendre l'aboutissement de ses efforts par le vote du projet qui lui tenait tant à cœur par le conseil communal.

Eloigné de !'hôtel de ville par l'effet d’une chute qui depuis de longs mois lui rendait tout déplacement pénible, ce modèle de bourgmestre n'aura pas cessé un instant d'assurer l’expédition des affaires courantes; on lui apportait chaque jour chez lui le courrier à signer.

Il y a peu de jours encore, il réunissait chez lui la commission locale pour la défense du franc, dont il avait accepté la présidence. Il adressa aux bourgmestres de I 'arrondissement un pressant appel en faveur de l’œuvre de cette ligue. Cet appel débute par une analyse brève, mais magistrale, des causes de la crise économique actuelle. Le manifeste, où chaque mot porte, énumère ensuite les vraies sources de la richesse, qui résident dans l’habileté et l'énergie des travailleurs, dans l'accroissement de la production industrielle et commerciale, dans la constance des efforts de tous. If s'achève dans l'expression d'une généreuse confiance en les destinées de notre patrie.

Le défunt aura été dans toute la force du terme un grand citoyen et un grand chrétien : l'amour de Dieu et de son pays fut la grande inspiratrice de sa vie exceptionnellement féconde.

C'est plus d'un demi-siècle de notre histoire qu'il faudrait évoquer pour raconter les événements auxquels le défunt fut mêlé et où il prit une part toujours active.

Les débuts de sa carrière politique, à laquelle l'avaient préparé de fortes études de droit à l’université de Louvain, remontent à 1863. Il fut élu pour la première fois représentant de Bruges en 1864 ; la dissolution du Parlement amenait la même année de nouvelles élections; il ne fut pas renommé. Mais il rentrait à la Chambre eh 1868 et depuis la confiance des électeurs de l'arrondissement de Bruges ne cessa de le maintenir à son siège jusqu’au jour récent où, cédant à certaines sollicitations, il démissionna.

Ce n'était pas un ces parlementaires qui se croient capables de parler utilement à propos de n'importe quoi. Il était très instruit, très cultivé ; il avait de la compétence en beaucoup de matières. Mais il tenait à n'intervenir dans les débats qu'à très bon escient. Aussi, quand il le faisait, il était très écouté. Tout le monde prêtait de l’importance à ses avis. C'étaient ceux, on le savait, d'un homme à l’esprit admirablement pondéré, plein d’expérience, n’ayant ni haine ni prétention, mêlant à la fermeté dans le caractère la douceur dans les sentiments. Sa courtoisie était celle d'un gentilhomme de naguère ; les habitudes des temps nouveaux, qui font régner de plus en plus le laissez-aller, la vulgarité dans les allures, dans la façon de parler n’avaient eu aucune prise sur lui. Quand il parlait c’était en prenant le temps de réfléchir à ce qu'il disait, de bien choisir ses mots : ce qui faisait qu'il parlait avec sobriété, avec netteté et tact. C’est pourquoi, c'était plaisir de l'entendre.

Ses qualités d’homme et de parlementaire lui avaient donné à la Chambre une autorité, un ascendant peu ordinaire. II n’en resta pas moins toujours un homme plein de modestie, ennemi de l’ostentation, toujours prêts à s’effacer. Il ne put cependant pas se dérober à la manifestation que tinrent lui faire ses collègues de la Chambre lors du cinquantième anniversaire de son entrée à la Chambre, et à laquelle tous les partis s’associèrent. On se souvient aussi de la manifestation de sympathie et d’estime dont il fut l’objet de la part de tous ses collègues quand il présida la Chambre, en qualité de doyen d’âge, après l’armistice : M. Brunet, en prenant possession de la présidence définitive, se fit en termes vibrants l’interprète des sentiments de l’assemblée pour le vaillant vieillard qui avait si bien tenu tête aux Allemands comme bourgmestre de Bruges.

La discussion de la loi réorganisant la bienfaisance publique fit, bientôt après, marquée également d’hommages rendus par tous les partis au comte Visart de Bocarmé, le grand et persévérant initiateur de cette réforme. Celle-ci ne sortit, hélas !, des longs débats parlementaires que fort défigurée et rapetissée ; n’importe ; le nom de Visart demeurera attaché à l’idée de cette réforme, que le député de Bruges avait grandement et noblement conçue. C’est aussi, pour le dire en passant, le comte Visart de Bocarmé qui proposa, lors de la révision constitutionnelle de 1893, l’adjonction de sénateurs élus par les conseils provinciaux aux sénateurs nommés par le corps électorat général.

Nommé conseiller communal de Bruges en 1875 le comte Visart devint bourgmestre de cette ville le 12 février de l’année suivante pour le rester jusqu’à sa mort, soit pendant 49 ans, autant dire un demi-siècle.

Bruges avait eu avant lui une administration communale libérale et son prédécesseur était ce M. Boyaval, qui, membre du Sénat, s’y fit transporta malade le jour du scrutin sur la maudite loi scolaire de 1879 ; pour assurer le vote de celle-ci, qui ne passa qu'à une voix de majorité. M. Bocarmé eut à résister pendant toute la période du gouvernement libéral de 1878-1884, aux manœuvres et entreprises sectaires du gouverneur de la province, l’ex-procureur du roi Heyvaert envoyé de Bruxelles à Bruges pour mater la population intrépidement catholique de la West-Flandre. Il le fit avec de calme et de tact que d’énergie. Et les catholiques, non seulement de Bruges et de la Flandre occidentale, mais de tout le pays associèrent alors dans leurs sympathies son nom à celui de Ruzette, cet autre grand Brugeois, brutalement démissionné de fonctions de gouverneur par le ministère Frère-Orban et qui les reprit dès la chute de celui-ci en juin 1884 ; sa revanche fut en quelque sorte achevée par son fils, qui fut à son tour gouverneur de la Flandre occidentale : l'actuel ministre de l'agriculture et des travaux publics.

On a rappelé tout récemment, à propos du jubilé de son inscription sur les registres de la noble confrérie du Saint-Sang, comment le comte Visart sut résister aux prétentions sectaire de Heyvaert notamment quand celui-ci voulut interdire la procession du Saint-Sang et fermer le sanctuaire. Il faut entendre les Brugeois contemporains de cette époque parler de l'extraordinaire popularité dont le défunt jouissait alors, non seulement dans la classe brugeoise, aussi parmi le peuple. Son nom sur une liste électorale était un gage assuré de succès pour celle-ci.

Administrateur prudent et clairvoyant, le comte Visart s'appliqua, dès son entrée en fonctions, à la restauration des finances communales, que le régime précédent avait lourdement obérées.

Suscitant ou encourageant tous les bonnes initiatives, il contribua beaucoup, par ce qu'il fit faire pour la restauration de nos monuments, à l’embellissement de la ville ; par les expositions organisées sous son administration ; celle d' art ancien, qui se tient aux Halles en 1880, celle des Primitifs en 1902, d'art ancien en 1905 de la Toison d'Or en 1907, et beaucoup d'autres encore, il contribua de même beaucoup au renom et à la gloire du Bruges d’aujourd’hui.

Ses connaissance en sylviculture, ont fort servi pour l’embellissement des promenades publiques de la ville, qui toutes ont été créées sous son administration. La cause des arbres et celles des forêts perdent en lui un précieux défenseur. Il avait publié des études fort estimées sur la sylviculture. Il était président du conseil de surveillance des forêts et membre du conseil de surveillance du jardin botanique de l’Etat.

Le progrès de l'enseignement à tous les degrés, y compris l’enseignement professionnel, fut une de ses grandes préoccupations pendant ses longues années de gestion municipale. Il aimait visiter les classes de l’athénée pour se rendre compte du mérite des méthodes pratiquées. Il ne séparait pas la valeur morale de l’enseignement de sa valeur technique. Jeune encore, il avait publié un ouvrage intitulé : « Considérations sur les dangers qui menacent l’enseignement religieux en Belgique. » Disons, en passant, que le comte Visart avait un vif goût des choses d’art et de littérature. Il s’était toujours fort intéressé au développement des idées catholiques par la presse, et il collabora lui-même à des publications catholiques, notamment la Revue générale.

Mais revenons-en à son activité de bourgmestre, en nous aidant de notes que nous devons à notre correspondant de Bruges. Sa grande œuvre sur le terrain municipal aura été sa participation à la création de Bruges port de mer. Le baron de Maere fut le promoteur de Bruges maritime ; mais son projet n’eût pas été réalisé si l'idée n'en avait été acceptée par Visart et si celui-ci n'avait alors travaillé avec une foi, une ardeur, une persévérance magnifiques à la faire aboutir à travers méfiances et hostilités. Tous ceux qui se sont intéressés, à Bruges et dans le pays, à cette grande œuvre, qui est d'intérêt national, et qui vivent encore se rappellent le rôle que Visart joua dans le « Meeting de Bruges » et à la commission des XV et comment il sut obtenir l’aide du ministre comte de Smet de Naeyer pour la création d'une voie directe reliant Bruges à la mer ; il avait aussi gagné à la cause le roi Léopold II. Celui-ci tenait en haute estime le bourgmestre de Bruges, dont à plusieurs reprises il attesta publiquement les mérites.

Nous avons fait tantôt allusion à la conduite du défunt pendant la guerre. La trempe de son âme et son patriotisme apparurent pleinement en ce dur temps. Tout âgé qu'il fût, il déploya à la défense des libertés, des intérêts des Belges, sur le terrain où il avait à le faire, plus d'activité, d’ardeur et d'habileté qu’on ne lui en avait jamais vu déployer. Sa diplomatie mit plus d une fois en défaut l’astuce de l'occupant. Il se faisait généreusement l’avocat de ses administrés auprès de l’ennemi en toute occasion et il pouvait se réjouir d'avoir réussi à en soustraire plusieurs au poteau d'exécution. Tout récemment le Figaro rappelait en ces termes une anecdote à son sujet qui fit le tour de la presse alliée pendant la guerre :

« Ce vénérable catholique, dont les aristocratiques manières, le bon ton charmant font un descendant des gentilhommes de la Régence, eut plus d'une fois maille à partir avec la soldatesque boche que son patriotisme enrageait. Comme les soudards de l’ex-kaiser faisaient mis un jour de le brutaliser, tout en l'insultant :

« - Pardon, dit-il, n’oubliez pas les devoirs de la politesse. J’y tiens. Vous pouvez me fusiller, mais au moins, fusillez-moi poliment ! »

D'après la version qui avait cours pendant l'occupation même et qui est, pensons-nous, la bonne, la réponse du comte Visart ne fut pas textuellement telle que la rapporte le Figaro ; ce fut celle-ci :

« - Vous avez le droit de me fusiller, mais vous n’avez pas celui d’être impoli avec moi. »

L’une version, d’ailleurs, n’est pas moins crâne et délicatement spirituelle que l’autre.

Equitable, conciliant, avec un souci extrême de justice et d’impartialité, le défunt avait honneur des querelles sournoises, des débats stériles et il s’attristait fort de divisions entre citoyens ; notamment les divisions sur la question linguistique l’affligeaient fort en ces dernières années. Dans un dessein d’apaisement et d’union, après avoir longuement médité sur ce sujet, il consigna le fruit de ses réflexions dans l’étude : « La Belgique bilingue », qui caractérise la modération de son esprit et où il s’est efforcé de trouver une solution satisfaisante au plus irritant des problèmes.

Telle fut, hâtivement, trop hâtivement retracée, la carrière du comte Visart de Bocarmé. Il n’est pas besoin d’ajouter des phrases à cet exposé sommaire pour faire ressortir les mérites de cette vie et quel hommage la mémoire de celui qui la vécut mérite de la part, non seulement de ses amis politiques, mais de tous les bons citoyens du pays. Puisse cette vie servir de modèle à beaucoup !

Nous nous associons vivement au deuil de nos amis de Bruges et de la West-Flandre, pour qui la mort de ce vétéran de leurs luttes politiques est particulièrement douloureux. Que la famille du vénéré défunt veuille bien, de son côté, recevoir nos chrétiennes condoléances !


AVoir aussi : Extrait du blog de Willy Dezutter (consulté le 20 novembre 2024

Een Brugse burgemeester werd tot op vandaag de absolute recordhouder van aanwezigheid in de Kamer van Volksvertegenwoordigers : Amedée Visart de Bocarmé (Sint-Kruis Brugge 1835 – Brugge 1924). Die werd voor de Katholieke Partij de eerste maal tot volksvertegenwoordiger verkozen bij een tussentijdse verkiezing op 12 januari 1864 maar bij vervroegde algemene verkiezingen op 11 augustus 1864 werd hij niet opnieuw verkozen. Op 9 januari 1868 werd hij weer opnieuw verkozen en daarna telkens herkozen zodat hij zetelde tot en met 25 november 1923. Dat is bijna 56 jaar en zonder tijdelijk electoraal verlies had hij de kaap van 60 jaar kunnen bereiken. Hij zetelde dus niet onafgebroken maar is wel recordhouder. Van 1876 tot 1924 was hij burgemeester van Brugge voor de Katholieke Partij. Sinds 1929 bestaat in Brugge een openbaar park onder de naam “Graaf Visartpark”. Hij wordt algemeen beschouwd als de grootste Brugse burgemeester tot nu toe.

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(Traduction du texte qui précède : Un bourgmestre de Bruges détient à ce jour le record absolu de présence à la Chambre des représentants : Amedée Visart de Bocarmé (Sint-Kruis Brugge 1835 – Brugge 1924). Il fut élu pour la première fois député lors d'une élection partielle du 12 janvier 1864, pour le compte du parti catholique, mais il ne fut pas réélu lors des élections générales anticipées du 11 août 1864. Le 9 janvier 1868, il fut réélu et, par la suite, constamment réélu, si bien qu'il siégea jusqu’au 25 novembre 1923. Cela représente près de 56 ans, et sans une perte électorale temporaire, il aurait pu atteindre les 60 ans de présence. Il n'a donc pas siégé de manière ininterrompue, mais il détient néanmoins ce record. De 1876 à 1924, il fut bourgmestre de Bruges pour le Parti catholique. Depuis 1929, un parc public porte à Bruges le nom de “Graaf Visartpark”. Il est largement considéré comme le plus grand bourgmestre de Bruges à ce jour.