Vanderkindere Léon, Victor, Joseph liberal
né en 1842 à Molenbeek-Saint-Jean décédé en 1906 à Uccle
Représentant entre 1880 et 1894, élu par l'arrondissement de Bruxelles(Extrait de L’Indépendance belge), du 11 novembre 1906)
Une nouvelle douloureuse nouvelle nous parvient : Léon Vanderkindere est mort. Il a succombé samedi matin au mal qui le minait depuis de longs mois et qui ne laissait aucun espoir de le voir revenir encore à la grande activité physique et intellectuelle qui le caractérisait. Depuis des mois et des semaines, la menace de la fin prochaine était là et les rares accalmies que la science pouvait lui assurer ne faisaient pas illusion à son entourage.
C'est une grande et noble figure qui disparaît. Le parti libéral perd aujourd'hui un des hommes qui ont le plus contribué dans notre pays à répandre les idées généreuses qui sont à la base même de notre cause, qui ont le mieux aidé à fixer cet idéal libéral qui peut assurer le salut du monde et faire régner la paix sur la terre. Léon Vanderkindere fut un lutteur de premier plan et il en est qui pensent que les circonstances ne lui ont pas permis de jouer tout son rôle. Durant la période où il représenta Bruxelles au Parlement, il fut constamment d'attaque et son activité fut, certes, pour une grande part dans le prestige que le parti libéral a acquis en Belgique. Lui aussi voyait dans le cléricalisme l'éternel ennemi et l'on se rappelle comment, en 1899, quand se posa la question de l'entente des gauches pour livrer l'assaut au gouvernement catholique, il conseilla de s'allier même avec le diable, si cette alliance pouvait avoir raison de la réaction.
Le mot lui fut amèrement reproché par d'aucuns, même dans le parti libéral, mais il avait la vigueur que commandaient les circonstances et il était bien l’expression de la lassitude et de l’écœurement éprouvés par le parti libéral en présence de l’insolente domination cléricale que nous subissons encore.
Si Léon Vanderkindere tint une grande place dans la politique libérale, il faut reconnaître pourtant que c’est surtout comme historien qu'il survivra, que sa place est marquée dans le souvenir que la postérité réserve aux hommes qui ont accompli plus que leur devoir et qui ont exercé une influence sur la pensée de leur époque. Léon Vanderkindere, fortement imprégné des méthodes scientifiques allemandes, a, pour ainsi dire, régénéré chez nous les études historiques, leur donnant cette base solide qu’elles ont maintenant et qui en fait la science permettant de comprendre l'enchaînement logique des faits, dégageant l'évolution des légendes qui trop longtemps ont faussé l’esprit et la portée des événements. Léon Vanderkindere était une des gloires les plus pures de l’Université libre de Bruxelles, où il forma tant de générations, où il marqua de sa forte empreinte tant de jeunes intelligences qui, par la suite, ont contribué pour leur part à répandre les idées et la méthode du maître. L'Université libre de Bruxelles perd en Léon Vanderkindere un maître unique, une lumière dont l'éclat portait bien au-delà de nos frontières et dont tous ceux qui eurent le bonheur de recevoir son enseignement garderont à jamais le reflet au fond des yeux.
Le parti libéral tout entier, l'Université libre et ses amis, tous ceux qui, dans ce pays, ont le respect des idées et de la science, rendront un hommage ému à l'homme qui vient de disparaître et qui laissera un vide au tout premier rang de notre élite nationale.
(Extrait de L’Indépendance belge), du 11 novembre 1906)
Léon Vanderkindere était né à Molenbeek-Saint-Jean, le 22 février 1842. Il fit ses études à l’Athénée royal et à l’Université libre de Bruxelles, où il fut reçu docteur en droit en 1863, docteur en philosophie en 1865. En 1872, il obtient le titre de docteur agrégé et fut nommé professeur extraordinaire ; en 1873, professeur ordinaire. Il fut pour la première fois délégué en 1874 au conseil d’administration de l’Université libre et porté à la dignité de recteur pour les périodes 1880-1882. Son discours rectoral de 1880, qui traitait « du rôle de la tradition dans l’histoire de la Belgique », fit sensation et celui de 1881 sur la « Méthode historique » marquait les bases mêmes de son enseignement. Léon Vanderkindere a enseigné à l’Université libre : l’histoire politique du moyen âge (1872-1873 et 1877-1878 à 1879) ; la langue latine (1873 à 1875) ; les antiquités romaines (depuis 1875) ; l’histoire politique de l’antiquité (depuis 1873) ; l’histoire politique interne de la Belgique au moyen âge (1873-1879) ; l’histoire politique interne de la Belgique (depuis 1880) ; l’histoire contemporaine (depuis 1880) ; le cours pratique d’histoire (de 1876 à 1878).
Les étapes marquantes de la vie politique de Léon Vanderkindere furent : conseiller provincial du Brabant de 1870 à 1880 ; membre de la Chambre des représentants de 1880 à 1884 : conseiller communal d’Uccle depuis 1878 et bourgmestre d’Uccle depuis 1890.
En 1883, Léon Vanderkindere fut nommé président de la Ligue de l’Enseignement. Il était membre fondateur et président de la Société d’anthropologie belge depuis 1882 ; membre de l’Académie royale de Belgique : membre de la Commission royale d’histoire ; membre correspondant de la Société d’anthropologie de Paris, de la Société des amis des sciences de Moscou et de l’Historisch Genootschap d’Utrecht. Il était officier de l’ordre de Léopold depuis 1890 et commandeur du même ordre depuis 1903. Enfin, l’année dernière, on accorda à Léon Vanderkindere le prix quinquennal d’histoire pour la période 1901-1905.
(Extrait de La Meuse, du 12 novembre 1906)
M. Léon Vanderkindere, professeur à l’Université de Bruxelles et bourgmestre d'Uccle, est mort vendredi soir, ainsi que nous l'avons annoncé.
Il était âgé de 64 ans, dit LaGazette. Après de brillantes études à l'Athénée et à l’Université de Bruxelles, - études qui le désignèrent dès l'abord pour le rôle qu'il remplit, - il fut nommé professeur et, à dater de 1872, donna le cours d'histoire politique du moyen-âge. Deux ans plus tard, il publia une notice sur « L’Origine des Magistrats Communaux. » Il avait entrepris, dès cette époque, le grand travail qui fit de lui un des rénovateurs de l'histoire, « Le Siècle des Artevelde », et où, répudiant les faiseurs de manuels, les compilateurs de chroniques et les entasseurs de textes, il avait adopté l'un des premiers la méthode scientifique, qui, depuis, a fait sur le passé la lumière peu près absolue.
A cet égard, il a vraiment créé, chez nous, une école d'historiens.
Ses travaux historiques sont nombreux : il y a l' « Histoire des Institutions de la Belgique au moyen-âge », « La formation territoriale des Principautés belges », « La Féodalité », « Les Tributaires ou Serfs d'église en Belgique au moyen-âge », les « Origines du comté de Flandre », etc.
On se rappelle aussi le rôle distingué qu'il joua en politique. Député de Bruxelles en 1878, il tomba en 1884 avec toute la liste libérale. Il ne rentra à la Chambre que par la Constituante, en 1892 et depuis lors refusa toute candidature. Il se consacra uniquement à la commune d'Uccle, dont était, depuis plusieurs années, bourgmestre, après avoir été conseiller communal depuis 1878.
Il fut, en outre, conseiller provincial du Brabant de 1870 à 1880, président de la Ligue de l'Enseignement, président de la Société d'Anthropologie, membre de l'Académie royale de Belgique et d'un grand nombre de sociétés savantes étrangères.
Outre le cours d'histoire politique du moyen-âge, il donna celui de langue latine, le cours d'antiquités romaines, l'histoire politique de l'antiquité, l'histoire politique interne de la Belgique et l'histoire contemporaine.
Et non content de publier tant d'ouvrages, de se livrer à tant d'utiles travaux, il parvenait encore à collaborer à la « Revue de Belgique », à la « Revue Historique » de Paris, etc. etc.
M. Vanderkindere était une personnalité à fait représentative de l'esprit de la bourgeoisie libérale de notre temps, en Belgique, de cette bourgeoisie cultivée, lettrée, éclairée aux grandes lumières du passé. El la fin de sa vie fut particulièrement significative.
Cet homme, qui était né à la vie politique, il y a quarante ans, qui, dans l'étude, dans les exemples de l’histoire dont il était l’un des explorateurs les plus sagaces, avait puisé la modération, cet homme que, il y a vingt ans, on accusait de modérantisme excessif, avait subitement retrouvé, à l'âge où généralement les convictions se font plus conciliantes et les opinions s’attiédissent, une ardeur juvénile, s'était montré très accueillant aux idées nouvelles, avait été l'un des ouvriers les plus ardents de l’évolution du parti libéral vers des idées plus catégoriques, vers des solutions plus complètes.
Il fut ainsi lui-même l'un des exemples les plus frappants des phénomènes qui si souvent expliquent l'Histoire, l'Histoire dont il était l'un des défenseurs passionnés.
Sous un régime de cléricalisme moins arrogant, moins audacieux et moins long, l’esprit de Vanderkindere eût peut-être subi le sort commun et le temps eût eu raison de son ardeur. Mais cet esprit fut fouetté par l’exaspération qu’alimente sans cesse une domination intolérable. Ainsi, cet esprit se rajeunit, gagna en ardeur au lieu d'aller au repos et à la relative indifférence. L’homme comprit mieux les nécessités de l’heure, le besoin des résolutions viriles et il évolua comme son temps le demandait.
Ainsi, il représenta admirablement un parti auquel les longues vicissitudes ont rendu le service de le garder de l'immobilité, de le rajeunir, d’être logiquement progressiste.
Et en Vanderkindere disparaît, en même temps qu’un historien éminent, un citoyen qui fut un bel exemple.
(Extrait du Petit Bleu du Matin, du 11 novembre 1906)
La mort de M. Léon Vanderkindere
La mort de M. Léon Vanderkindere est une perte, non seulement pour l’Université et pour le parti libéral, mais même, peut-on dire, pour le pays tout entier.
Dans toutes les voies où s’était déployée son activité, M. Léon Vanderkindere s’était montré vraiment éminent, et s’il est vrai que la beauté d’une vie est faite de son unité, de son harmonie, de la pureté de ses lignes directrices, nulle vie ne peut être dite plus belle que celle de cet historien qui, dans tous les domaines où il avait été appelé à se manifester, avait su agir en historien dirigeant sa conduite politique, aussi bien que son enseignement, suivant les principes dont le passé lui avait enseigné la vérité.
Dans le domaine de l’histoire, M. Vanderkindere fut, en Belgique, un véritable initiateur. Parmi les faiseurs de manuels en style pompeux, les compilateurs de chroniques et les entasseurs de texte, il apporta la lumière de la méthode scientifique qui, depuis Nibuhr et Savigny, a renouvelé l’histoire.
Avec son admirable livre, »Au siècle des Artevelde », il fut, du moins, le premier en date de la remarquable pléiade d'historiens que nous avons aujourd'hui en Belgique; il créa véritablement une école, et beaucoup de ceux qui, ces derniers temps, se signalèrent à l’attention du public et des hommes spéciaux, doivent à M. Vanderkindere, le meilleur de leur science.
Mais, comme professeur, le défunt avait une ambition plus haute et plus générale que celle de former des hommes spéciaux, des compulseurs de textes. Le but qu’il poursuivait avant tout était de donner aux générations d’étudiants qui passaient devant sa chaire ce sens élevé des réalités dont l’étude de l’histoire avait imprégné son esprit.
Rien de moins doctrinal que son enseignement lucide et coloré. Sans qu’il eût besoin de les indiquer, les grandes lois qui gouvernent le développement des sociétés s'en dégageaient, en même temps que ces vérités si simples et pourtant si malaisées à imposer aux esprits : que les révolutions commandées par les circonstances et l'instinct profond des peuples sont les seules qui demeurent fécondes. En souriant avec une ironie qui était parfois très fine, il montrait le danger des mots, des systèmes et des idéologies ; et tout en exposant à ses auditoires la question si compliquée de la « patrum auctoritas » ou de la Constitution de Servius Tullius, il savait leur donner une manière d'instruction civique, il tentait de leur apprendre quels enseignements le passé peut donné au présent.
Son cours d’histoire romaine, qui pour beaucoup a commencé l’enseignement universitaire, demeure admirable en la mémoire de tous ceux qui l’on suivi. Avec un sens vraiment divinatoire, de l’âme antique, le professeur arrivait à donner la sensation, la vision précise et colorée des époques lointaines qu'il racontait. J’ai gardé le souvenir extrêmement précis de certaines leçons révélatrices/ tel le tableau magnifique de l’invasion de l’esprit grec dans la Rome de Caton : la figure énigmatique et grandiose de Sylla, les réformes monarchiques de Dioclétien, la décadence impériale. Puis ce sont encore les lumineuses leçons sur le vieux droit germanique, sur l’époque communale ; enfin, les appréciations si modérées et si justes de la Révolution française.
Ce cours d’histoire contemporaine demeure, en effet, l’une des œuvres les plus vivantes de M. Vanderkinderen. C’est dans cette partie de son enseignement surtout qu’apparaît ce sens des réalités qui était le trait dominant de son esprit. Ce cours était, en somme, l’enseignement même de la doctrine libérale dans ce qu’elle a de plus généreux et de plus modéré, le libéralisme au sens étymologique et historique du mot, un libéralisme qui n’est jamais ni jacobin, ni sectaire, bien que très nettement anticlérical.
Dans tout le développement social du XIXème siècle, il montrait, avec une ironie que ses auditeurs ne sentaient pas toujours, les déceptions que tant de belles doctrines, tant de nobles systèmes, ont causées aux hommes et aux partis. Des actions et des réactions successives qui font la trame du XIXème siècle, il concluait au respect politique des contingences, des circonstances et des moments particuliers.
Ce sens précis des réalités peut être dangereux. Il mène souvent à ce plat opportunisme qui semble être devenu la seule doctrine politique des majorités parlementaires et par lequel les politiciens financiers justifient plus ou moins ingénieusement leurs variations intéressées et leurs compromissions vulgaires. M. Vanderkindere sut toujours s’en garder. La notion précise des réalités du moments n’absorba jamais chez lui le respect nécessaire de certains principes directeurs. Or, les historiens qui se sont occupés des affaires publiques ont trop souvent, et sans doute parce que l’histoire tout entière n’est qu’une série de contingences, été victimes de cette myopie particulière aux hommes que la méfiance philosophique des doctrines générales confinent dans le souci de l’instant. M. Vanderkindere, dans sa vie politique, semble avoir eu la crainte que sa notion du réel ne l’entraînât dans cette voie. C’est ce qui donnait à sa manière cette raideur un peu protestante, que l’on a prise pour du dédain ou du doctrinarisme. Elle lui fit quelque tort dans un monde où la familiarité, le débraillé et le bon garçonnisme servent souvent plus que le talent et le courage.
Aussi bien la carrière politique de M. Vanderkindere fut-elle courte. Député de Bruxelles en 1878, il tomba en 1884 avec le parti libéral.
C’est à la suite de cet échec que l’opinion libérale s’étant divisée en deux groupes qu’il importait de distinguer, M. Vanderkindere fonda, avec quelques-uns de ses amis, la Ligue libérale. Et c’est comme candidat de cette dernière qu’il rentra à la Chambre en 1892, pour participer à la révision des lois électorales. La part qu’il prit aux débats de la Con, où il s’est consacré au bien de tous.
Il y était populaire, bien qu’il eut toujours mis une certaine coquetterie à dédaigner la popularité. Il y jouissait surtout d’un universel respect, et c’est bien là le tribut que doit le pays tout entier à un homme qui a toujours eu le respect de ses idées et de toutes les idées.
Quant au parti libéral, il lui doit une particulière reconnaissance pour avoir su maintenir très fermement son seul idéal en des temps difficiles et pour l’avoir ennobli et justifier de toutes les forces de notre passé national.
L. DUMONT-WILDEN
(Extrait du Petit Bleu du Matin, du 11 novembre 1906)
L’administration communale d’Uccle a fait placarder l’affiche dont voici le texte :
« A nos concitoyens,
« Uccle vient de perdre son bourgmestre. La Belgique pleure un de ses enfants les plus éminents. Son mort pleine de simplicité et de grandeur d’âme est le digne couronnement de sa vie de savant et de grand citoyen. Il a renoncé à tous les honneurs funèbres auxquels il avait droit dans les nobles termes que voici :
« Dispositions pour mes funérailles :
« Je ne veux aucun apparat, aucune cérémonie, pas de discours.
« Mes enfants seule peuvent m’accompagner au cimetière.
« Pas de concession, aucun monument funéraire. Si je dois laisser quelque souvenir, ce n’est pas un tombeau.
« (Signé) L. Vanderkindere.
« 21 avril 1906. »
« La population d’Uccle ne peut donc que s’associer du fond du cœur et en silence au deuil cruel qui frappe la famille Vanderkindere et notre commune entière.
« Uccle, le 10 novembre 1906. »
(Extrait et traduit du Nieuwe Rotterdamsche Courant, du 13 novembre 1906)
La mort de Leo Vanderkindere
Bruxelles, 10 novembre 1906
Bruxelles vient de l'apprendre : l'un de ses hommes les plus nobles, l'un des esprits les plus éminents de la Belgique, a succombé à une maladie lente ; le parti libéral, l'université non seulement : notre nature flamande, l'âme flamande perdent quelqu'un à qui elles étaient redevables de gratitude. Leo Vanderkindere, ancien député, professeur d'histoire à l'université de Bruxelles, maire d'Uccle, mais pour nous, surtout l'auteur du « Siècle des Arteveldes », est décédé. Et les Flamands regrettent quelqu'un qui leur a donné une meilleure compréhension ou qui leur a révélé la vérité sur l'une des périodes les plus saisissantes, les plus vivantes et les plus importantes de notre moyen âge flamand ; l'un de ces hommes qui, bien avant Pirenne, ont donné une assise de réalité, un sol de vérité masculine à l'amour pour la patrie flamande, ont remplacé tout romantisme par une compréhension plus lucide, par une plus grande discipline dans la contemplation même des besoins actuels ; quelqu'un qui, au-delà du flamigantisme, savait que ce n'est pas la légende, mais l'histoire seule qui est source de force, école de sagesse. Leo Vanderkindere, auteur du livre classique tant par son style que par son contenu : « Le siècle des Arteveldes », un livre révolutionnaire, un livre qui a ouvert les yeux, mérite que la Flandre le pleure, qu'il reste vivant dans le cœur des Flamands.
Les libéraux ont également le devoir de gratitude. Bien que le rôle du professeur Vanderkindere n'ait pas été immédiatement important, ni directement opérationnel - les circonstances l'ont empêché, du moins à la Chambre, où il n'a siégé que de 1880 à 1884 - sa perspective, la rigueur et l'inflexibilité de son esprit ont fait que, si ce n'est pas son travail, du moins son influence a été grande.
Sa rigidité politique, l'inflexibilité de sa foi libérale allaient si loin que sa célèbre phrase : « contre le cléricalisme, tout pacte est bon, même avec le diable », avait même un mauvais son parmi ses propres amis. Il était l'un de ces partisans forts et obstinés, trop forts, trop d'un seul tenant pour céder à quelque point que ce soit du programme proposé, et considérant l'obstination comme une vertu principale, ils ont du mal à le reconnaître quand elle mène à une impasse.
Et pourtant, Leo Vanderkindere, en tant que professeur d'université, était un esprit non sectaire, visionnaire, généreux. Vanderkindere n'était pas un fouineur d'archives, pas un rat de bibliothèque : il se montrait plutôt comme un psychologue des peuples, un pénétrateur, un scrutateur de l'âme populaire, un animateur de l'histoire. De son enseignement émanaient, sans qu'il les énonce, les grandes lois qui semblent gouverner la société. Il savait montrer, sans entrer dans des explications intentionnelles, que seule la volonté ou le sentiment de la masse peut provoquer des révolutions fructueuses ; que l'obstination des épigones historiques, contraire à la nature du peuple, ne peut avoir que de mauvais résultats. Il savait présenter de manière impartiale, non partisane, les avantages spirituels, sinon historiques, des circonstances historiques. Et même dans son cours d'histoire contemporaine, il savait - bien qu'il fût difficile pour un libéral de se tromper - montrer du respect et inspirer du respect pour tout ce qui avait été bon, beau ou simplement honnête.
Un caractère ouvert, qui se manifestait par un regard clair, voilà ce qu'était Leo Vanderkindere. Si son dernier souhait était d'être enterré sans aucun faste, et que rien ne désigne son dernier lieu de repos aux générations futures : ses anciens étudiants, le parti auquel il appartenait, les Flamands en général ne seront pas en reste pour oublier son nom ou son importance.
Voir aussi :
1° G. DES MAREZ – L. LECLERE, Léon Vanderkindere (1842-1906) dans La Revue de l’Université de Bruxelles, 1907, pp.427-464), https://digistore.bib.ulb.ac.be/2010/DL2503255_1907_000_012.pdf
2° H. PIRENNE, Notice sur Léon Vanderkindere, dans Annuaire de l'Académie royale de Bruxelles, 1908)
3° LECLERE L. Biographie nationale de Belgique, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1956, t. 29, col. 825-835