Vandenpeereboom Ernest, Louis de Gonzague libéral
né en 1807 à Courtrai décédé en 1875 à Ypres
Représentant entre 1848 et 1870, élu par les arrondissements de Courtray et Gand(Extrait de J.L. DE PAEPE – Ch. RAINDORF-GERARD, Le Parlement belge 1831-1894. Données biographiques, Bruxelles, Commission de la biographie nationale, 1996, p. 561)
Docteur en droit de l'université catholique de Louvain (1838)
Commissaire d'arrondissement de Courtrai (1847-1848)
Négociant et industriel textile à Courtrai
Conseiller provincial (1841-1843), puis député permanent (1844-1847), puis conseiller provincial de Flandre Occidentale
Conseiller communal de Courtrai (1836-1845)
Vice-président (1860-1862), puis président (1863-1867) de la Chambre des représentants
(E. BOCHART, Biographies des membres des deux chambres législatives, Session 1857-1858, Bruxelles, M. Périchon, 1858, folio n°100)
Vandenpeereboom Ernest-Louis de Gonzague. Né à Courtrai, le 12 juillet 1807. Représentant élu par l’arrondissement de Gand.
M. Ernest Vandenpeereboom a fait ses études au Collège des Jésuites de Saint-Acheul, et s'est montré l'un des élèves les plus distingués de ce célèbre établissement.
En 1830, Capitaine de la 4ème compagnie des Gardes civiques de Courtrai, il partit volontairement avec le bataillon pour Maldeghem, combattit à la sanglante affaire du pont de Stroobrugge, et revint quelques semaines après dans ses foyers.
Le bataillon ayant été mobilisé en octobre 1831, M. Ernest Vandenpeereboom l'accompagna partout, et resta au service actif jusqu'à son licenciement, en juillet 1833.
Appelé en 1836 au Conseil communal de Courtrai, il conserva son siège jusqu'en 1845 ; mais déjà, depuis 1841, il avait été élu Conseiller provincial de la Flandre occidentale, et depuis 1844, il faisait partie de la Députation permanente.
Le 11 septembre 1847, M. Ernest Vandenpeereboom fut nommé Commissaire de l'arrondissement de Courtrai. La loi sur les incompatibilités ne lui permit pas d'exercer longtemps ces fonctions. Élu Représentant en juin 1848, il opta pour la Chambre et renonça au Commissariat.
Dès son entrée au Parlement, l'honorable M. Ernest Vandenpeereboom fut nommé Membre de la Commission permanente des finances, et la confiance de ses Collègues l'a toujours maintenu dans ce poste délicat.
A la session 1850-1851, le Représentant de Courtrai prit rang comme orateur/ A propos du budget de la guerre, il s'exprima avec une entière franchise contre la loi sur la milice :
« Tant que le mode actuel de recrutement existera, parlons moins haut et moins fièrement de la perfection de nos lois disons que ces mots de notre Constitution : « les Belges sont égaux devant la loi, »» ne sont qu'un cruel mensonge.
« Y a-t-il égalité devant la loi, quand l’un doit servir personnellement pendant cinq ans, et que l’autre peut se libérer à prix d’argent ? Y a-t-il égalité, quand le service personnel de l’un prive toute une famille de son principal soutien et la plonge dans la misère, tandis que la libération de l’autre coûte à ses parents une poignée d’or prélevée sur leur superflu, leur luxe ou leurs plaisirs.
« Que si l’on me disait : cette réforme est une utopie, je répondrais : Sous le régime constitutionnel, et pour tout ce qui concerne les classes laborieuses, quand une réforme est équitable elle est nécessaire, quand elle est nécessaire, elle est urgente.
« Nous avons beaucoup fait pour la liberté, et nous laissons subsister la servitude militaire. Nous avons aboli la loterie d’argent, et nous autorisons la loterie du service militaire. »
Des travaux importants qu'il devait plus tard livrer à la publicité, avaient affermi l'honorable M. Ernest Vandenpeereboom dans ses argumentations si énergiques contre l'impôt du sang.
En 1851-1852, il fut nommé Rapporteur de la Commission permanente des finances sur l'emploi des deux millions de francs, alloués par la loi du 18 avril 1848, sous le titre de Crédit pour aider au maintien du travail, particulièrement du travail industriel, et pour toutes autres mesures à prendre dans l'intérêt des classes ouvrières. L'emploi de ce crédit était vivement critiqué par l'opposition ; la parole du Rapporteur fut d'un grand poids dans la balance ; elle obtint, en faveur du ministère libéral, un ordre du jour motivé.
La discussion de l'organisation de l'armée retrouva sur la brèche, l'année suivante, l'honorable Représentant de Courtrai. Il combattit chaleureusement une majoration de cinq millions de francs au budget de la Guerre, projet corrélatif à celui d'augmenter de deux années la durée du service militaire.
Le cours de ces débats fit naître de sa part une idée qu'il soumit à l'appréciation de ses Collègues. M. Ernest Vandenpeereboom eût voulu que les communes fissent un versement de deux cents francs par milicien incorporé ; au retour du milicien dans ses foyers, après libération du service, ce capital, augmenté des intérêts, et bénéficiant des déchéances et des décès, formerait ainsi une somme ronde d'environ trois ou quatre cents francs à titre d'indemnité.
En 1853-1854, la demande d'un crédit d'un million sept cent trente-six mille francs pour le Département de la guerre, fournit à l'honorable Représentant l'occasion de déployer sous un nouveau jour son talent oratoire.
II abandonne l'exorde pompeux pour les armes plus tranchantes de l'ironie. Nous ne lui en faisons pas un reproche, nous citons :
« Messieurs, en entrant dans la carrière parlementaire, j'étais fortement résolu à ne jamais consentir à voter une dépense que je ne croirais pas absolument indispensable, parce que j'avais la conviction, comme je l'ai encore, que toute dépense non reproductive porte en elle le germe d'un impôt.
« Cependant, il paraît que je me suis écarté de cette résolution ; car on m'a reproché, avec une certaine vivacité et une certaine insistance, d'avoir, en fort bonne compagnie du reste, voté deux crédits qui doivent entraîner pour les contribuables de nouveaux impôts. Ces crédits sont le crédit pour les Beaux-Arts et le crédit pour les écoles d'agriculture, dont l'importance est de cinquante-huit mille francs.
« Dans l'acte d'accusation, on a omis, et pour cause, mon vote pour la voirie vicinale. Si dc ces chefs, je devais comparaître devant un jury, je plaiderais les circonstances atténuantes.
« Je dirais qu'en voyant tant de mes collègues plonger les bras jusqu'aux coudes dans la caisse publique, afin d'en retirer beaucoup de millions pour les dépenses de la guerre, que j'aime peu, j'avais cru pouvoir introduire dans cette caisse le bout des doigts afin d'en faire sortir quelques mille francs en faveur de la voirie vicinale, que tout le monde approuve, de l'enseignement agricole, qui peut et doit être amélioré, et des Beaux-Arts, que je crois devoir être plus efficacement protégés. Ce qui veut dire, en langage figuré : « Je tondis de ce pré la largeur de ma langue. »
La Chambre n'était pas habituée à ce langage. Aussi l'orateur, après avoir lancé sa flèche, s'empresse-t-il « de parler sérieusement de choses sérieuses. »
Les élections de 1854 interrompirent pendant trois ans la carrière parlementaire de l'honorable Représentant. Mais ce long espace de temps ne fut pas consumé dans l'oisiveté, M. Ernest Vandenpeereboom sut l'employer utilement pour le pays. En 1856, il publia un remarquable ouvrage ayant pour titre Du Gouvernement représentatif en Belgique.
En 1857, les électeurs de l'arrondissement de Gand réparèrent l'échec subi à Courtrai, et décernèrent à M. Ernest Vandenpeereboom un nouveau mandat parlementaire. Le parti libéral retrouva ainsi un de ses plus habiles soutiens.
A considérer M. Ernest Vandenpeereboom dans son passé parlementaire, dans le caractère indépendant dont il a donné tant de preuves au milieu de longues et difficiles discussions, on peut prédire à l'honorable Représentant le plus brillant avenir.
Son livre Du Gouvernement représentatif en Belgique contient, outre de laborieuses recherches, des appréciations d'une haute portée sur des questions qui divisent encore les meilleurs esprits. Analysant la discussion de la loi relative aux incompatibilités parlementaires, l'honorable Membre s'exprime ainsi :
« Jugée à la lumière des faits qui sont sortis de son application, si cette réforme est exagérée, il fallait fortifier le Parlement, en l'épurant; on l'a énervé en lui enlevant les éléments indispensables à sa bonne constitution. Il est regrettable, au plus haut point, que l'amendement de M. Lebeau n'ait pas été accepté. Il permettait l'entrée dans les Chambres de quelques magistrats inamovibles, avec une limite, quant au nombre, avec une réserve, quant au collège duquel ils pouvaient tenir leur mandat. On a dit contre l'entrée des membres de la Cour de cassation : ils jugent les ministres. D'abord combien de nos ministres ont été mis en jugement ? Ensuite, le cas échéant, les conseillers de la Cour de cassation, ou s'abstiendront à la Chambre, comme tant de membres le font pour des motifs moins légitimes ; on mieux, ils s'abstiendront à la Cour de cassation, lors du jugement, comme ils devraient le faire, s'ils étaient parents ou alliés du ministre accusé. Dans l'un comme dans l'autre cas, quel inconvénient pourrait entrainer cette abstention ? Un conseiller de Cour d'appel, un membre d'un tribunal, nommés hors du ressort de leur siège, doivent être des hommes d'un savoir et d'une probité reconnus, pour recevoir cette marque de confiance d'un collège électoral dont ils sont éloignés par leurs fonctions.
« Nous n'hésitons pas à dire que, un jour ou l'autre, il faudra réformer une pareille réforme. Il y va des plus chers intérêts du régime représentatif. Ce qu'il faut à la Chambre et au Sénat, rouages essentiels d'un tel Gouvernement, ce n'est pas seulement la volonté, c'est encore la puissance de bien faire. La pureté de conduite publique, le désintéressement incontestable, l'indépendance la plus absolue sont les qualités indispensables du bon député ; mais il faut y joindre, autant que possible, l'autorité des connaissances théoriques et pratiques ; la parole sinon élégante, du moins assez sûre pour se mettre convenablement au service d'un jugement droit et d'une intelligence élevée. Sans cela, vous n'aurez plus de Parlement, parce que vous le composerez d'un personnel digne tout au plus de former un bon conseil provincial.
« « Qu'on y prenne garde, la suppression des pensions ministérielles, l'entrée de beaucoup de représentants dans la direction des sociétés industrielles - ces deux vices sont frères - et l'exagération dc la loi des incompatibilités, sont de véritables dangers pour l'avenir de notre régime représentatif, parce qu'ils ôtent de sa force et de son éclat. »
Les bornes d'une notice biographique nous renferment nécessairement dans un petit nombre de citations. Nous invitons nos lecteurs à recourir à l'œuvre même.
La critique s'est emparée du livre ; c'était son droit à l'égard d'un homme politique.
On a reproché à l'honorable M. Ernest Vandenpeereboom quelque sécheresse d'analyse dans le récit des nombreux travaux des Chambres de 1831 à 1848, certain défaut de liaison entre les divers sujets qui se présentaient en foule à son esprit ; on a dit même que l'auteur, entraîné par la vulgarité des images, s'est écarté parfois du style grave de l'historien ; mais nous ne lui en rendrons pas moins cette justice que sa publication est une œuvre consciencieuse, digne d'être lue avec fruit par tous les hommes impartiaux.
La conclusion du livre contient de belles pages à méditer. L'auteur est plus à l'aise dans cette peinture à grands traits de la vie historique du Parlement belge, son style se resserre et s'épure. M. Ernest Vandenpeereboom ne s'écrie pas avec le poète : Exegi monumentum, mais il dit de ce ton modeste qui convient à l'ami de son pays :
« Nous avons parcouru, dans les études qui précèdent, dix-sept années d'un règne sage et de pratique modérée du régime représentatif, en Belgique. Semblable au voyageur, nous avons rencontré bien des sites arides et tristes, bien des passages difficiles et dangereux ; mais, nous avons bientôt oublié la défaillance et la déception passagères par la satisfaction que nous faisait éprouver l'ensemble des souvenirs de ce long voyage. Obtiendrons-nous, par cet écrit, que ce sentiment personnel devienne une impression publique et générale ? Nous le voudrions. non dans un intérêt mesquin et rétréci d'amour-propre, mais dans une vaste et ardente aspiration de patriotisme et d'attachement à nos institutions.
« Ce que nous voudrions avoir démontré, c'est que le régime représentatif est celui qui convient le mieux à l'esprit droit et calme du peuple belge : non pas qu'il soit parfait, - qu'y a-t-il de parfait ici bas ? - mais parce que, sans être le plus prompt à opérer le bien, il est le plus efficace pour empêcher pour découvrir le mal.
Et il termine par ces nobles et touchantes paroles :
« Parce que nos deux grands partis politiques, cortège inévitable et souvent auxiliaires puissants du régime représentatif, auraient commis, l'un ou l'autre, des excès et des fautes, faut-il condamner, pour cela, ce régime lui-même, qui a si bien servi nos intérêts moraux et matériels? Ne vaut-il pas mieux le consolider par une bonne pratique, que d'y apporter des changements d'un résultat incertain, peut-être funeste ? Si nous sommes faibles par le nombre, petits par notre exiguïté, soyons grands par notre sagesse; que notre respect pour nos lois essentielles, que notre amour pour la liberté dans l'ordre fassent notre force. Car nous l'avons dit quelque part :
« Nous envahir, nous détruire ne serait seulement pas un crime de lèse-nationalité, mais encore de lèse-civilisation. »
« Toutes ces pensées nous viennent, quand nous examinons, dans son ensemble et d'un seul coup d'œil, le doux et facile chemin que la jeune Belgique a parcouru depuis un quart de siècle, à l'aide de ce bienfaisant régime dont nos grands pouvoirs apprennent encore à user sagement. Que chacun tienne à ses convictions et à ses principes, car il faut rester fidèle à sa foi politique presque autant qu'à sa foi religieuse. Mais, au sein même de nos luttes pacifiques, serrons nos rangs, catholiques et libéraux, pour défendre, de quelque part que vienne le danger et si forte que soit la main qui nous menace, notre bienfaisante Constitution, dans un sentiment commun d'indépendance et de patriotisme. Et alors, on verra se vérifier ces mots flatteurs, qu'un étranger nous adressait, un peu prématurément peut-être :
« La Belgique est le plus beau royaume après le royaume du Ciel. »
(Extrait de la Flandre Libérale, Gand, le 12 novembre 1875)
Nous apprenons, au moment de mettre sous presse, une triste nouvelle.
Hier matin est décédé à Ypres un ancien membre de la députation gantoise à la Chambre, qui y a occupé un rang considérable : M. Er,set Vanden Peereboom, ancien commissaire d’arrondissement à Courtrai, candidat des libéraux à Gand dans les élections de 1856, élu représentants en juin 1857, rapporteur de la loi sur l’obolition des octrois, vice-président puis pendant plusieurs années président de la Chambre des représentants.
M. E. Vanden Peereboom a toujours fait preuve d’un grand attachament à son parti, auquel il a rendu des services incontestables. On a de lui une histoire parlementaire de la Belgique pendant la première moitié du règne de Léopold Ier, œuvre sérieuse qui sera toujours consultée avec fruit.
Depuis plusieurs années, M. E. Vanden Peerebbom vivait à Ypres dans une profonde retraite, attristé et découragé par le cours des affaires publiques.
(Extrait de la Revue de Belgique, Bruxelles, Mucquardt, 1876, t. 22, p. 332)
Nécrologie
Ernest Vandenpeereboom, né à Courtrai le 12 juillet 1807, mort Ypres le Il novembre 1875.
L'auteur de l'excellent ouvrage Du gouvernement représentatif en Belgique (1831-1848) (2 vol. 1856), avait été successivement conseiller provincial de la Flandre occidentale. membre de la députation permanente et commissaire de l'arrondissement de Courtrai, lorsqu'il fut élu membre de la chambre des représentants en 1848. Il ne tarda pas occuper une position importante dans le parti libéral. Après avoir été éliminé pendant quelques années, il fut réélu par la ville de Gand et devint ensuite président de la chambre.
Il était rentré dans la vie privée depuis quelques années et sa mort ne causa aucune impression, mais son œuvre restera comme l'étude la plus impartiale, la plus sincère, la plus élevée de notre histoire parlementaire de 1830 1848. Ce n'est là ni l'expression d'un parti exclusif, ni la défense d'une doctrine arrêtée d'avance. mais la discussion bien raisonnée des vrais principes du libéralisme à mesure que les questions se présentent à l'ordre du jour, et l'auteur sait dire la vérité à ses amis comme à ses adversaires. Ernest Vandeopeereboom s'était occupé aussi de recherches d'érudition historique, et il avait publié. entre autres articles de ce genre,dans les annales de la Société historique d'Ypres, une Notice sur l'assemblée de la West-Flaander, dite Vergadering West-Vlaenderen (1789-1794)
L"ouvrage d"Ernest Vandenpeereboom est disponible sur le présent site : E. VANDENPEEREBOOM, Du gouvernement représentatif en Belgique (1830-1848)