Vanden Branden de Reeth Félix, Florimont, Aloïse catholique
né en 1809 à Malines décédé en 1867 à Malines
Représentant entre 1848 et 1867, élu par l'arrondissement de Malines(BOCHART E., Biographie des membres des deux chambres législatives, session 1857-1858, Bruxelles, Périchon, 1858, folio 98)
BARON VAN DEN BRANDEN DE REETH, Félix-Florimond-Aloyse,
Né à Malines, le 20 juin 1809,
Représentant, élu par l’arrondissement de Malines
M. Van den Branden de Reeth fit une partie de ses humanités au collège d'Alost. L'arrêté du 14 juin 1825 supprima cet établissement en pleine voie de prospérité, ainsi que beaucoup de collèges qui jouissaient de la confiance des familles. A la suite de cette mesure arbitraire, qui n'avait pour but que d'établir le monopole de l'enseignement au profit de l'Etat, une foule de jeunes Belges furent envoyés à l'étranger par leurs parents, malgré les menaces du gouvernement hollandais, malgré l'exclusion, prononcée d'avance, de tout emploi public ou de toute fonction ecclésiastique, contre ceux qui oseraient chercher la science hors du royaume. M. Van den Branden de Reeth fut au nombre des proscrits volontaires. Il alla continuer ses études au célèbre collège de Saint-Acheul.
Nous devons remarquer ici que l'espèce d'ostracisme qui frappa tant de nos concitoyens à l'âge où l'étude devait être leur unique préoccupation, et compromit l'avenir en leur fermant l'accès de toute carrière dans leur patrie, contribua sans doute à développer chez la plupart d'entre eux cette indépendance de caractère, et cette aversion profonde pour tout arbitraire gouvernemental, dont plusieurs ont donné des preuves dans la vie civile ou politique.
M. Van den Branden de Reeth, après avoir terminé ses humanités et sa philosophie, voyagea pendant environ deux ans en Italie. Il était encore dans ce pays, lorsque la révolution éclata en Belgique. Peu de temps après, il rentra dans sa famille, et consacra aux études sérieuses les plus beaux loisirs de sa jeunesse.
S'étant établi et fixé à Malines, il publia, en 1841, une brochure intitulée : De l'Alliance des partis ou considérations politiques, philosophiques et religieuses sur les partis en Belgique, par un jeune Belge.
Dès les premières pages, l'auteur expose, de la manière la plus judicieuse, les dangers qui résultent des appellations de partis :
« Deux partis semblent aujourd'hui diviser la Belgique en deux camps ennemis; on est convenu d'appeler l'un libéral, l'autre catholique, comme si un libéral ne pouvait être catholique, ou un catholique être libéral ; véritable jeu de mots, véritable non-sens ; car la Belgique étant un pays catholique, presque tous les libéraux, je dirai même tous les libéraux sont catholiques ; et d'un autre côté la Belgique étant un pays libre, un Etat constitutionnel, tous les catholiques sont également libéraux. Si j'attache ici quelque importance aux mots, c'est qu'aujourd'hui les mots sont tout-puissants; avec des mots on gouverne, avec des mots on crée des partis ; je dirai même qu'avec des mots on bouleverse des empires.
« Cette dénomination de libéral et de catholique sert surtout à donner à l'étranger une définition bien fausse de notre situation politique, et des principes qui dominent dans le pays; car l'on semble y croire qu'un catholique est l'homme rétrograde, en guerre ouverte avec les idées du siècle et ennemi acharné de tout progrès social, tandis que le libéral est l'homme anti-religieux par excellence, n'attendant que le moment d'abattre les autels et de propager ses principes liberticides. Il est inutile, je crois, de faire remarquer que d'erreurs résultent encore cette fois de la fausse appréciation des mots. Ces partis que l'on croit si divisés, n'attendent peut-être que le grand jour de la discussion, pour résumer leurs prétentions réciproques; et alors, voyant avec étonnement qu'ils expriment les mêmes vœux, forment les mêmes projets et sont animés des mêmes intentions, ils finiront par se tendre une main amie, et marcheront ensemble au grand but que doit envisager tout homme sincèrement dévoué à son pays, c'est-à-dire, sa prospérité matérielle, reposant sur le progrès de la morale publique, et développée par le perfectionnement des idées intellectuelles. »
Après avoir parlé du rapprochement possible entre les partis, et démontré l'absurdité et l'impossibilité du rétablissement des anciens privilèges du clergé, l'auteur aborde la question de la noblesse, que certains préjugés représentent comme voulant étouffer la liberté et ressaisir ses anciens droits.
« Il n'existe plus aujourd'hui de corps de noblesse en Belgique, quand nous considérons les choses sous le point du vue politique; nos institutions ont proclamé l'égalité des citoyens, en les rendant tous égaux devant la loi, et en leur ouvrant indistinctement toutes les carrières. Je ne nie pas que, dans les relations privées, il existe encore une noblesse; ce sont les descendants de cet ancien ordre ; mais cette existence ne touche en rien la politique, c'est un fait naturel que rien ne peut détruire; et après tout, on peut être populaire et mériter l'estime de ses concitoyens, sans renier ses ancêtres ; cet acte serait une bassesse, et l'homme bas et rampant sera toujours méprisé.
« Je dis donc que la noblesse n'ayant plus d'existence politique, les attaques dirigées contre elle ne peuvent plus atteindre personne. Ne voyons-nous pas aujourd'hui les descendants de la noblesse, que l'on voudrait représenter comme des conspirateurs ligués contre nos libertés, ne les voyons-nous pas mêlés à toutes les classes de la société et parcourir toutes les carrières ? Nous les rencontrons au barreau, dans la magistrature, dans les administrations, à l'armée ; tandis que d'autres s'adonnent au commerce, à l'industrie et à l'agriculture. Tout homme éclairé reconnaît qu'il n'existe plus de nos jours d'autre aristocratie que celle que donnent l'instruction, les talents, et les services rendus à la patrie. Celui qui voudrait de nos jours faire consister sa supériorité sur ses semblables dans des titres, des parchemins et des armoiries, celui-là ne pourrait être qu'un sot, qu'un fat bouffi d'orgueil. Mais celui-là est véritablement noble qui par ses talents contribue au bonheur de la nation; celui-là est noble qui par ses succès dans les Arts et dans les Lettres, projette sur la Belgique un rayon de cette gloire dont elle est si avide ; celui-là surtout est noble qui porte l'épée pour la défense de la patrie, et qui est prêt à verser pour elle un sang généreux ! »
Les sentiments patriotiques exprimés dans la brochure dont nous venons de donner quelques extraits, valurent à l'auteur une récompense civique qui ne se fit pas attendre. M. Van den Branden fut élu conseiller communal de Malines, le 25 octobre 1842.
L'Académie royale des sciences et des lettres de Belgique, ayant mis au concours une question qui intéressait l'histoire de l'ancienne seigneurie de Malines, M. Van den Branden envoya, en réponse à cette question, un travail historique intitulé: Recherches sur l'origine de la famille des Berthout, le rôle qu'elle a joué dans la seigneurie de Malines, les progrès de sa puissance, et l'influence qu'elle a exercée sur les affaires du pays.
Ce mémoire fut couronné dans la séance du 7 mai 1844, sur le rapport du baron de Reiffenberg, et la médaille d'or fut décernée à l'auteur. Le conseil communal de Malines lui vota à cette occasion, une médaille aux armes de la ville. Elle fut offerte à M. Van den Branden dans la séance publique du 31 décembre 1844.
L'année suivante, le 15 mars, M. Van den Branden de Reeth fut nommé échevin par arrêté royal, et confirmé dans ses fonctions le 4 février 1846.
Un autre arrêté royal, en date du 5 novembre de la même année, nomme M. Van den Branden commissaire de l'arrondissement de Malines.
Il exerçait depuis moins d'un an ces honorables fonctions, et avait déjà établi avec toutes les administrations de son ressort les meilleures relations, lorsque, à l'avénement du ministère du 12 août 1847, il fut révoqué de ses fonctions sans avoir posé aucun acte politique. Le 3 septembre M. Van den Branden rentrait dans la vie privée.
Mais il reçut bientôt des électeurs de l'arrondissement de Malines un témoignage de confiance qui le dédommagea amplement de la perte de sa position administrative.
La dissolution des Chambres fut prononcée en 1848, à la suite de la promulgation de la loi sur les incompatibilités, et deux magistrats de l'ordre judiciaire qui faisaient partie de la députation de Malines ayant renoncé au mandat législatif, M. Van den Branden de Reeth fut un des candidats élus en leur remplacement le 13 juin 1848, par le collège électoral de Malines.
Le passage suivant de l'adresse qu'il envoya aux électeurs, proclame formellement les principes de l'union de 1830.
« Des événements de la plus haute importance viennent de se passer à nos frontières : ils ont fait comprendre à tous les véritables amis du pays que, plus que jamais, il fallait donner à nos institutions une force nouvelle, et s'unir aujourd'hui pour leur maintien, comme, en 1830, on s'était uni pour fonder notre nationalité.
« Depuis lors ont disparu les traces de nos anciennes divisions ; les dénominations des partis sont tombées en oubli, et il n'y a plus en Belgique que des Belges.
« En présence de cette situation nouvelle, j'ai cru pouvoir exprimer le désir patriotique de servir mon pays, sans devoir craindre qu'aucune idée de réaction vînt s'y rattacher. »
Le mandat parlementaire de M. Van den Branden de Reeth, renouvelé le 11 juin 1850, le fut aussi le 13 juin 1854.
La dissolution de la Chambre en 1857, valut encore à M. Van den Branden les honneurs de la réélection. 1219 suffrages lui furent donnés sur 2020 votants.
L'honorable représentant de Malines a toujours siégé sur les bancs de la droite, et a repoussé en toute circonstance les mesures qui ne lui semblaient pas conformes à la liberté largement et sagement entendue.
Après la tempête née de la discussion de la loi des établissements de bienfaisance, il est venu de nouveau s'asseoir avec calme au milieu de ses coreligionnaires politiques.
M. Van den Branden de Reeth a pris part à plusieurs discussions importantes, notamment à celle de la loi sur les caisses de retraite, sur l'enseignement moyen, sur les successions en ligne directe, dont il fut un des adversaires les plus prononcés. Mais s'il ne voulut pas créer par ce moyen de nouvelles ressources à l'Etat, il fit également une opposition consciencieuse aux projets de loi qui, dans son opinion, étaient de nature à compromettre l'état de nos finances.
Envoyé à la Chambre à l'époque où l'on réclamait de toutes parts des économies, il repoussa loyalement celles qui pouvaient nuire à la défense du pays et à la bonne administration de la justice.
L'honorable Député de Malines n'approuva ni la réduction de l'armée jusqu'au chiffre de 25,000,000 de dépenses, ni celle du personnel des Cours et des Tribunaux. Les budgets de la guerre et de la justice, tels qu'ils sont aujourd'hui, lui ont donné gain de cause les économies imprudentes sont, à son avis, pires que les prodigalités.
Une autre cause gagnée par l'honorable représentant, est celle des secrétaires communaux. Dès 1850, il engagea, avec quelques-uns de ses honorables collègues, le gouvernement à examiner s'il n'y avait rien à faire dans l'intérêt de cette classe de fonctionnaires, qui rendent de si utiles services et dont les fatigues augmentent chaque jour, par suite du travail statistique que l'Etat leur impose, sans leur accorder, de ce chef, aucune rétribution.
La cause si juste des secrétaires communaux vient d'obtenir une première satisfaction par suite du dépôt que le gouvernement a fait, dans la séance du 15 juin 1858, d'un projet de loi concernant l'institution d'une caisse de prévoyance en faveur de ces fonctionnaires.
Nous terminerons par une note qui ne sera pas sans importance sous le rapport biographique :
M. Van den Branden de Reeth, à son entrée à la Chambre, en 1848, portait le titre de chevalier ; mais son frère aîné, le Baron Henri Van den Branden de Reeth, étant décédé depuis cette époque sans laisser de postérité, il a été autorisé à porter le titre de baron qui, dans sa famille, est transmissible par ordre de primogéniture, les autres membres prenant seulement le titre de chevalier. Ce n'est donc pas comme faveur nouvelle, et en profitant de sa position de représentant que M. Van den Branden de Reeth a demandé et obtenu un titre qui existait déjà dans sa famille.
On rend cette justice, dans son arrondissement, à M. le baron Van den Branden de Reeth, qu'en soignant les intérêts généraux, il ne s'informe pas de l'opinion de ceux auxquels il est utile. Impartial en affaires politiques comme en affaires privées, il est obligeant pour tous, sans acception de parti.
(Collection de précis historiques. Mélanges littéraires et scientifiques, Bruxelles, J. Vandereydt, 1867, n°1, p. 222)
Le 27 janvier, est décédé, à Malines, âgé de 57 ans, messire Félix Florimond Aloys baron Van den Branden de Reeth, représentant, ancien conseiller communal et échevin de Malines. Sa mort et ses funérailles ont été un deuil public ; ce qui témoigne de l'estime générale dont jouissait le défunt. A une députation de la Chambre s'étaient joints plusieurs autres membres des deux corps législatifs. On y remarquait également Mgr. de Liége, ami du défunt. Quatre discours ont été prononcés. M. Ernest Vandenpeereboom, président de la Chambre, a retracé en ces termes la carrière politique du défunt :
« Messieurs, je viens, comme président de la Chambre des Représentants, au nom de cette assemblée et en celui de la députation, dire un dernier adieu et donner un suprême témoignage d'estime et de regret au collègue que nous venons de perdre, au représentant que vous avez si souvent honoré de vos suffrages.
« Le baron Van den Branden de Reeth, déjà formé à la vie publique, quoique jeune encore, entra à la Chambre des Représentants au renouvellement de 1848, époque mémorable dans nos annales nationales. Réélu en 1850, 1854, 1857, 1859, 1863 et 1864, il ne cessa, pendant dix-neuf ans, de représenter sa ville natale et son arrondissement, précieux et rare honneur dans la vie parlementaire!
« Et aujourd'hui, nous voyons cette longue série de suffrages populaires couronnée par les touchants honneurs d'un deuil public. Notre collègue se montra, pendant toute la durée de son mandat, un député capable, exact, laborieux et fidèle à ses convictions. Vif et ardent même dans l'expression de ses sentiments et de ses idées, il savait, par sa sincérité et son désintéressement, éviter les ressentiments que les luttes de partis entraînent souvent après elles. Il comptait des amis, même dans les rangs de ses adversaires politiques. Van den Branden de Reeth, recevez par ma bouche l'expression des regrets de vos collègues de la Chambre des Représentants. »
Les autres discours ont été prononcés par M. le comte d'Ursel, au nom de la députation de Malines à la Chambre des Représentants ; par M. Notelteirs, membre de la Chambre; par M. le vicomte Eugène de Kerckhove, au nom de l'Union catholique et constitutionnelle de Malines ; et enfin par M. de Cannart d'Hamale, sénateur et ami intime du défunt. M. de Kerckhove a rendu un éloquent hommage au « chrétien courageux, dont toute la vie a été un continuel et infatigable dévouement à ses convictions ; qui ne reculait devant aucun effort, aucun sacrifice, quand il s'agissait d'un devoir à remplir envers sa conscience, envers ses principes. » Ce peu de mots renferment le plus brillant éloge.