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Van Bockel Guillaume (1789-1863)

Portrait de Van Bockel Guillaume

Van Bockel Guillaume catholique

né en 1789 à Louvain décédé en 1863 à Louvain

Représentant entre 1862 et 1863, élu par l'arrondissement de Louvain

Biographie

(VANDER LINDEN Herman, dans Biographie nationale de Belgique, Bruxelles, Académie royal de Belgique, 1836-1938, t. 26, col. 212-214)

VAN BOCKEL (Guillaume), bourgmestre de Louvain, né à Louvain le 24 avril 1789, mort dans la même ville le 10 mars 1863. Il était le fils de Jean-Baptiste, brasseur-distillateur (mort le 6 novembre 1830), et de Marie-Elisabeth Huygens. Il entra au barreau en 1815 et fut nommé notaire en 1827.

En 1830, il prit part au mouvement révolutionnaire. Le commissaire du district de Louvain, Adolphe Roussel, le désigna, au mois d'octobre de cette année, pour constituer la Commission de sûreté avec Beckx, D'Elhougne et Hollanders. Cette commission fut installée à l'hôtel de ville le 18 octobre et surveilla les élections des membres de la régence (25 octobre). Van Bockel fut élu premier échevin et installé comme tel le 1er novembre.

Après la mort du bourgmestre Jean De Neeff, il fut élu, le 7 mai 1833, à la première magistrature de la ville par le corps des notables, constitué en vertu d'un arrêté du Gouvernement provisoire du 2 décembre 1830. Sur plus de 700 notables, il n'y eut que 277 votants, dont 223 pour Van Bockel. Celui-ci fut installé dans ses nouvelles fonctions le 30 mai 1833. Il les exerça jusqu'en 1842, lorsque les élections furent défavorables au parti catholique.

Au cours de sa magistrature, il eut à s'occuper de la question du maintien ou de la suppression de l'université d'Etat à Louvain. Il intervint auprès du gouvernement en faveur du maintien de cette institution. Mais, lorsque les Chambres eurent décidé l'installation des universités de Gand et de Liège (1835), il fit des démarches auprès de l'archevêque de Malines Sterckx, son ancien condisciple de collège, en vue du transfert à Louvain de l'université catholique créée à Malines. Lors de l'établissement de cette université à Louvain (1er décembre 1835), Van Bockel prononça un discours, dans lequel il rappelait le rôle de l'ancienne université brabançonne, mais insistait surtout sur les conditions avantageuses dans lesquelles était créée l'institution nouvelle, placée sous la direction de l'épiscopat.

Il s'intéressa au développement économique de Louvain : il contribua entre autres à faire voter par le conseil communal l'approfondissement du canal. Mais les frais de cette entreprise obérèrent le trésor communal, et ses adversaires profitèrent de ce fait pour critiquer sa gestion. Aux élections communales d'octobre 1842, le parti catholique fut mis en minorité. Van Bockel ne fut pas réélu et résilia ses fonctions de bourgmestre.

En 1S36, il avait été élu conseiller provincial. Il siégea au conseil provincial du Brabant jusqu'en 1844. Il s'occupa alors activement de la réorganisation du parti catholique à Louvain. Il prit part à la création d'écoles dominicales dans les différentes paroisses, notamment dans la paroisse Saint-Pierre, dont il devint président du conseil de fabrique.

Lorsque, en 1854, fut instituée l'Association catholique, il fut l'un des membres du comité organisateur, et prononça comme tel un discours qui fut publié sous le titre : Redevoering uytgesproken in den naem van het provisioneel Komiteyt tijdens de vorming der constitutionneele en bewarende Vereeniging van het arrondissement Loven (Leuven, Ickx en Geets, 1854).

Le 10 septembre 1861, il fut élu membre de la Chambre des représentants. Il n'y joua, semble-t-il, qu'un rôle assez modeste.

Il avait épousé en premières noces Marie-Catherine Hollanders, et en secondes noces Barbe Vander Maelen.

Il possédait une assez riche collection d'antiquités, gravures et dessins, qui fut vendue après sa mort par Heussner,place Sainte-Gudule, à Bruxelles.

Son portrait, peint par H. Otto, en 1864, figure dans la salle des mariages, à l'hôtel de ville de Louvain.


(Extrait du Journal de Bruxelles, du 11 mars 1863)

Nécrologie.

Nous recevons de Louvain une très pénible nouvelle : M. Van Bockel, notaire et représentant, est mort subitement dans la nuit du 9 au 10. Il était alité depuis quelques jours, à cause d'un fort rhume, mais rien ne faisait prévoir la triste catastrophe que le télégraphe nous annonce. La mort du vénérable député de Louvain est survenue à la suite d'une complication inattendue. La consternation est générale à Louvain.

La mort de M. Van Bockel est une immense perte pour l'opinion conservatrice, dont il était un des plus fermes soutiens, un des chefs les plus énergiques et les plus fidèles au drapeau. Le pays perd en M. Van Bockel un de ses meilleurs et de ses plus dignes citoyens ; la cause de l'ordre, de la liberté et de la justice, un de ses plus chauds défenseurs.

M. Van Bockel a parcouru une longue et utile carrière. Sa vie a été une vie de dévouement à la chose publique. Dans toutes les fonctions qu'il a occupées, il s'est fait remarquer par une bienveillance paternelle, une grande droiture de caractère, une intégrité et un désintéressement auxquels chacun se plaisait à rendre hommage. Comme officier public, comme bourgmestre de Louvain, comme représentant de la nation, l'homme que nous pleurons et dont le pays sentira la perte aussi vivement que nous, n'a laissé que des souvenirs honorables, des souvenirs qui rendront sa mémoire chère à tous les hommes de bien, aux hommes d'ordre et de principes, ainsi qu'aux vrais patriotes.

M. Van Bockel, malgré ses soixante-treize années, était d'une activité prodigieuse. Les affaires publiques l'ont occupé jusqu'à sa dernière heure. II laisse une réputation sans tache, et l'on peut dire que la vie d'un tel homme est la gloire d'un parti.

On a dit avec raison que le nom du vénérable M. Van Bockel était synonyme de droiture, dévouement, patriotisme, constance dans les principes. Jamais, en effet, on ne l'a vu dévier de la ligne droite ; jamais le pays n'a fait en vain appel à son patriotisme éprouvé ; jamais la grande cause qu'il a servie avec tant d'abnégation, de fidélité et de courage ne l'a vu abandonner les principes de liberté et de justice dont il était un des plus fermes champions. M. Van Bockel laisse, en mourant, une réputation de parfait honnête homme et de bon citoyen : c'est le plus bel éloge que l'on puisse faire de lui, et cet éloge le vénérable député conservateur l’a mérité à tous égards. II n'y aura sur ce point qu'une voix dans le pays.


(Extrait du Journal de Bruxelles, du 11 mars 1863)

L'événement de la séance d'hier 10, à la Chambre des représentants, a été la communication, annonçant la mort de l'honorable et regretté M. Van Bockel, député de Louvain. Une voix amie s'est aussitôt élevée pour rendre hommage, du haut de la tribune nationale, à la mémoire du vénérable citoyen que la Belgique vient de perdre. M. B. Dumortier a signalé à la Chambre, en termes éloquents, les services rendus au pays par M.Van Bockel ; M. Guillery s'est joint à l'honorable député de Roulers pour payer d'abord son tribut d'éloges à l'homme vertueux que la mort vient de nous ravir, pour rappeler ensuite, avec autant de loyauté que de convenances et d'à-propos, la fidélité et la constance dont le député défunt a toujours fait preuve dans ses principes et ses convictions politiques.

La Chambre a décidé qu'elle ne siégerait pas le jour des funérailles de M. Van Bockem auxquelles elle sera représentée par une députation de six membres. Cette députation est composée de MM. Van den Branden de Reeth, Ch. Lebeau, Crombez, J. Jouret, De Moor et de Theux.


(Extrait du Journal de Bruxelles, du 14 mars 1863)

FUNERAILLES DE M. LE REPRESENTANT VAN BOCKEL

L'enterrement de M. Van Dockel, député conservateur de l’arrondissement de Louvain, a eu lieu le 12, à Louvain, au milieu d’une immense affluence de population, accourue de tous côtés pour donner une dernière preuve de son respect et de son affection à l’homme vertueux que le pays vient de perdre et dont il n’oubliera pas les éminents services. Cette triste cérémonie a été, on peut le dire, une véritable manifestation publique en l'honneur du grand et noble caractère et de l'honorabilité incontestable et incontestée du défunt. En se pressant ainsi autour de la tombe de son ancien bourgmestre et de son représentant à la Chambre, la population de l'arrondissement de Louvain a montré qu'elle sait honorer la vertu et le patriotisme aussi bien que la fidélité au drapeau et aux principes et la constance dans les convictions. Van Bockel était un caractère véritablement antique par la simplicité de sa vie, la pureté de ses mœurs, la droiture de son cœur et l'élévation de ses sentiments. La considération publique dont il n'a cessé d'être entouré pendant sa vie, il la méritait à tous égards; les hommages qu'on lui rend après sa mort, sont la juste récompense d'une longue carrière qu'il a consacrée tout entière, avec une abnégation, un dévouement et un désintéressement sans réserve, à la chose publique.

Avant d'aborder. le compte rendu de la cérémonie à laquelle nous avons assisté avec une douloureuse émotion. qu'on nous permettre de tracer à grands traits une notice biographique de l’homme éminent dont la perte nous cause tant de regrets.

M. Guillaume Van Bockel naquit à Louvain le 21 avril 1789. II était donc âgé de 74 ans. Il entra au barreau en 1815, fut nommé notaire en 1827, prit une très large part au mouvement en faveur de notre émancipation politique, fut appelé à l'échevinat de Louvain en 1831, en 1833 au poste de premier magistrat de la même ville, fonctions difficiles dont il s'acquitta avec distinction jusqu'en 1842. Il fut aussi chargé de défendre les intérêts de ses concitoyens au conseil provincial du Brabant pendant un certain nombre d’années. Le 10 septembre 1861, il fut appelé à siéger à la Chambre des représentants.

Nous le disons avec orgueil M. Va Bock était un noble champion de la justice et de la liber . son patriotisme était aussi désintéressé que profond. Aussi notre glorieuse révolution de 1830 le trouva-t-elle sur la brèche, au premier rang des citoyens qui affranchirent la patrie d'un joug' détesté. Notre jeune nationalité rencontra en lui un de ses vaillants défenseurs. Dans ces moments difficiles, on le vit payer de sa personne, affronter les dangers avec un courage qui ne se démentit jamais, et employer tous ses efforts à maintenir l'ordre dans la ville de Louvain. La décoration de la Croix de Fer vint récompenser les services qu'il rendit à la cause nationale. Ses concitoyens, reconnaissants pour sa noble conduite, lui confièrent alors la charge de premier échevin de la commune, et leur confiance ne fut pas déçue. M. Van Bockel montra dans ses nouvelles fonctions que ses connaissances administratives étaient à la hauteur de son zèle et de son dévouement.

Les Louvanistes surent apprécier ses précieuses qualités, et eu 1833 ils l'élurent, à la presque unanimité des suffrages, au poste éminent de premier magistrat de la ville. Ce qu'il fit pour Louvain pendant les neuf années qu'il fut à la tête de son administration ne peut pas être énuméré dans le cadre restreint de cet article. On ne peut pas faire un pas dans Louvain sans rencontrer des témoignages éloquents durables de son infatigable activité. Sa sollicitude éclairée s’étendait à tout ce qui pouvait contribuer à la prospérité de ses administrés. Le commerce de Louvain lui doit l'approfondissement du canal, cette œuvre gigantesque, à laquelle les libéraux, adversaires de M. Van Bockel, ont tant applaudi autrefois et qu'ils n'ont critiquée plus tard que parce qu'elle n'a pas été décrétée par une administration de leur bord.

Pendant longtemps M. Van Bockel exerça avec la plus scrupuleuse impartialité les fonctions de juge suppléant près du tribunal de Louvain. Un fait que nous devons noter également ici, ce sont les efforts courageux mais malheureusement stériles qu'il fit pour sauver au moins la vie au malheureux Gaillard, victime en 1830 de la fureur populaire.

On sait les efforts désespérés que M. Van Bockel fit en 1831, 1834 et 1835, pour maintenir à Louvain l'université de l'Etat, qui allait être sacrifiée aux exigences des villes de Gand et de Liége. On sait les démarches qu'il fit ensuite pour obtenir l'érection dans Louvain de l’établissement d’enseignement supérieur qui fait aujourd'hui la prospérité et la gloire de cette ville. N'est-ce pas, en effet, un titre de gloire pour Louvain que l'université catholique ?

Ce que M. Van Bockel fit pour l’enseignement supérieur, il le fit pour l'enseignement moyen et pour l'enseignement primaire. Moyennant de légers subsides, il dota la ville d'excellentes écoles et d'un collège florissant, malheureusement détruit aujourd'hui, et dont la réputation s'étendait bien au delà de nos frontières. C'est également par ses soins que fut réorganisée l'Académie des beaux-arts, d'où sont sortis tant d'artistes distingués.

Son activité ne connaissait pas de bornes. Consciencieux, scrupuleux même dans l'exercice des devoirs de sa charge, quoi que ses détracteurs en aient dit à cet égard, il n'est pas un seul acte de son administration dans lequel on puisse lui reprocher la moindre négligence. II se multipliait, il s'épuisait pour se faire tout à tous. Administrateur économe, on ne peut pas dire de lui qu'il ait gaspillé par des dépenses inutiles, par des dépenses de pure fantaisie, les deniers des contribuables. La plus sévère économie présidait à toutes les branches de son administration.

Que dirons-nous de son désintéressement ? Non content de sacrifier les bénéfices de son notariat pour se dévouer tout entier à ses fonctions de bourgmestre, il fit abandon à la caisse communale, pendant les six années qui suivirent la révolution, de son traitement de premier magistrat de la ville, et il exerça pendant bien longtemps les fonctions gratuites de président de la commission administrative des prisons.

Ses brillantes qualités furent bientôt appelées à se manifester sur un terrain plus élevé. Les électeurs des cantons de Louvain le convièrent à défendre leurs intérêts au conseil provincial. Là, ses connaissances administratives brillèrent d’un nouvel éclat.

Le Roi, juste appréciateur du mérite, lui conféra, en 1846, la croix de chevalier de son ordre. Jouissant de la confiance de ses administrés et de la haute estime de son Roi, heureux des services qu'il rendait à ses concitoyens, M. Van Bockel aurait pu croire que l’ingratitude ne l'eût pas atteint, s’il n’était dans la destinée des hommes de bien de faire des ingrats.

La calomnie s'était attachée à lui et l'enveloppait dans un vaste système d'odieuses persécutions. Quelques folliculaires orangistes s’étaient donné le mot pour le perdre dans l'opinion publique, pour le confondre dans la haine dont ils poursuivaient notre Roi bien-aimé et nos institutions nationales. Le patriote désintéressé, l'administrateur éclairé, l'homme probe el loyal leur portait ombrage: ils avaient juré sa ruine. Ils dénigrèrent tous les actes de son administration, ils bafouèrent ses sentiments patriotiques, ils l’attaquèrent même dans son honneur.

Après sept années d'efforts incessants, pendant lesquelles M. Van Bockel ne voulut opposer à ses diffamateurs que la conscience du bien qu'il avait fait, et le spectacle d'une vie sans tache et d'une administration sans reproche, la calomnie réussit dans son œuvre de destruction. La noble victime à laquelle elle s’était acharnée avec tant de persévérance, tomba enfin sous les traits envenimés qu'elle ne cessait de lui lancer.

M. Van Bockel quitta, sans regrets comme sans rancune, ces fonctions qu’il avait remplies avec tant de distinction ct de dévouement : en rentrant dans la vie privée, il eut la consolation d'entendre son successeur, son adversaire politique, M. d’Udekem, déclarer qu’il avait trouvé à son entrée aux affaires les finances communales dans un état satisfaisant. »

Les services signalés qu'il rendit aux Louvanistes comme magistrat, pendant les douze années de sa carrière administrative, ne sont pas les seuls titres que M. Van Bockel possédait à leur estime. Les vertus de l'homme privé resteront toujours le plus bel apanage de ce caractère d'élite ; ce sont elles surtout qui l'ont fait chérir et qui constituent le principal fleuron de sa popularité. Ce sont elles qui le font tant regretter. II n'est rien, en effet, qui attache les hommes comme la bonté et la générosité.

Serviable et condescendant envers tout Ie monde. M. Van Bockel s'est toujours intéressé tout spécialement au bien-être des classes ouvrières et pauvres. Qui pourrait redire le chiffre des indigents qu'il a nourris et vêtus ? Combien de fois n'a-t-il pas aidé de sa bourse des ennemis acharnés, qui, après l'avoir injurié et calomnié, venaient implorer sa pitié, son oubli et son pardon ?

La population de Louvain se souvient encore avec une pieuse reconnaissance de la noble conduite qu'il tint à l'époque néfaste du choléra. Les sommes qu'il versa à cette occasion dans le but de soulager les indigents, sont considérables. Combien de malheureux n'arracha-t-il pas alors à une mort imminente !

Nous n'en finirions pas s il nous fallait raconter les pieux et touchants usages qu'il a introduits aux dépens de sa bourse en faveur de ses pauvres protégés, et qu'il suivait avec une ponctualité qui ne se démentit jamais. Nous n'en rappellerons qu'un seul que nous osons proposer à l'imitation du bourgmestre actuel de Louvain.

Pendant que M. VanBockel occupait le poste de premier magistrat de Louvain, les pauvres orphelins qui venaient lui présenter, au premier janvier de chaque année leurs souhaits de nouvel an, recevaient invariablement une pièce de cinq francs du généreux bourgmestre. II n'est pas à Louvain de bonne œuvre, ayant pour but l(instruction et la moralisation des classes ouvrières, qui ne doive en grande partie son existence à l'inépuisable charité de M. Van Bockel. C'est surtout à son initiative que cette ville doit de posséder dans son sein une école gardienne, cette touchante création de la charité catholique. L'école des Frères de charité et les écoles dominicales reconnaissent également en lui leur plus généreux protecteur.

Lorsqu'il s’agissait de l'instruction du peuple, M. Van Bockel ne se contentait pas de payer de sa bourse ; il payait aussi de sa personne. Joignant le dévouement à la générosité, on le voyait souvent visiter les écoles qu'il entretenait de ses aumônes, et apprendre à lire lui-même aux ouvriers. Beaucoup de ses adversaires politiques pourraient l'attester.

(…) Avant la levée du corps, quatre discours ont été prononcés sur la tombe, d'abord M. Vervoort, président de la Chambre des représentants s'exprima en ces termes :

« Messieurs,

« Au nom de la Chambre des représentants trop souvent éprouvée depuis quelques années, nous venons rendre un dernier et douloureux hommage au digne collègue que la mort vient de nous enlever.

« A la nouvelle de cette perte inattendue, les regrets se sont manifestés au sein de la représentation nationale sans distinction d’opinion.

« Les services rendus au pays par le défunt, son caractère foncièrement honnête, la constante fermeté de ses convictions ont été rappelés et appréciés de la manière la plus honorable pour sa mémoire.

« Guillaume Van Bockel est né à Louvain le 21 avril 1789. Il entra au barreau en 1815. Il fut nommé notaire en 1827,et remplit pendant vingt-cinq ans les fonctions de secrétaire du conseil de discipline.

« En 1830, Van Bockel embrassa avec ardeur la cause de notre émancipation politique.

« Il fut, pour me servir des termes mêmes du décret du gouvernement provisoire, qui, sur la proposition de la Commission des récompenses, lui déféra la Croix de Fer : « Il fut un des hommes qui, par leur influence et leur active coopération, contribuèrent à organiser et à diriger le mouvement national de Louvain. »

« Van Bock était depuis trois ans membre de l'administration communale et échevin, lorsqu'il devint, en 1833, bourgmestre de la Ville de Louvain.

« Il conserva ces hautes fonctions jusqu'en 1842. Pendant huit ans, de 1836 à 1844, il fut membre du conseil provincial.

« En 1846, le Roi, voulant récompenser le vaillant et énergique patriote et le haut fonctionnaire administratif, nomma Van Bockel chevalier de son Ordre.

« Le 10 septembre 1861 , le corps électoral de Louvain lut conféra la dignité de représentant. Van Bockel siégeait sur les bancs de la droite.

« Pendant la courte carrière parlementaire qu'il a suivie avec une assiduité consciencieuse, II a su, par l'aménité de son caractère, par sa bienveillance et ses fermes convictions, se concilier l'estime et le respect de tous.

« Bon, généreux et bienfaisant, il était l'ami des pauvres et des malheureux, et il s'acquitta pendant vingt ans, avec un zèle exemplaire, de ses fonctions de vice-président de la commission administrative de la maison d'arrêt.

« Maintenant qu'il n'est plus, inclinons-nous, nous qui recueillons les inappréciables bienfaits de notre régénération politique, inclinons-nous avec vénération devant les restes mortels du patriote de 1830, de l'homme de bien, du citoyen qui a fidèlement servi son pays.

« Adieu, Van Bockel adieu, digne collègue ! Tes concitoyens garderont de toi un reconnaissant souvenir et Dieu t’accordera les récompenses éternelles. »

Ce langage est celui d'un homme qui ne craint pas de rendre à un adversaire politique les hommages qui lui sont dus. M. Vervoort s'est beaucoup relevé en prononçant ces bonnes et dignes paroles, et le pays lui en tiendra compte. Les cœurs honnêtes et les esprits droits seront unanimes pour approuver sa conduite en cette circonstance. On se grandit en rendant loyalement justice à ses adversaires ; on se rapetisse et l'on s'amoindrit, au contraire, en les dénigrant et en leur faisant une guerre déloyale et injuste.

Après lui, M. Landeloos, membre de la Chambre des représentants et collègue de M. Van Bockel, a pris la parole en ces termes :

« Messieurs,

« La Chambre des représentants vient de vous exprimer, par l'organe de son honorable président, les légitimes regrets que la perte si imprévue de l'un de ses membres les plus vénérés lui a fait éprouver.

« Ayant eu comme ami et collègue le bonheur de pouvoir apprécier les vertus, le zèle et le dévouement de cet homme de bien, qu'il me soit aussi permis de rendre à sa mémoire un hommage mérité.

« Comme homme politique, Vna Bockel jouissait de la considération générale.

« Par ses convictions profondes, par sa loyauté à toute épreuve, sa mâle franchise, il avait su mériter l'estime de ses adversaires mêmes.

« Sincèrement attaché aux institutions libérales dont notre immortel Congrès national a doté la Belgique, il crut que la lutte des partis était nécessaire pour conserver et vivifier les larges libertés que notre Constitution consacre.

« Aussi le voyons nous dans toutes nos luttes électorales se mettre à la tête du mouvement et employer tous ses efforts pour faire triompher la cause à laquelle il s'était dévoué.

« Je puis dire, sans crainte d'être démenti, que jamais le parti, à la tête duquel il se trouvait, n’a eu de plus zélé défenseur, et que peut-être jamais il ne rencontrera un citoyen qui fera, comme Van Bockel, l'abnégation de soi-même. Nous savons tous, nous qui le connaissions, qu'en acceptant, malgré son grand âge, le mandat de représentant, il n’a eu d'autre pensée, d'autre désir que de servir la cause publique. Exemple sublime de patriotisme que ce grand citoyen lègue à la postérité !

« Que vous dirai-je, messieurs, des qualités qui distinguèrent Van Bockel comme administrateur ?

« Tous ses concitoyens ont présent à la mémoire les services éminents qu'il ne cessa de rendre à la ville pendant son administration.

« Tous se souviennent encore que, pour faire rendre justice à la ville ou pour lui faire obtenir une faveur, rien ne lui coûtait. Ni sacrifices pécuniaires, ni démarches, ni fatigues, ni veilles n'étaient capables d'arrêter son zèle. Je ne vous rappellerai point toutes les mesures utiles qu'il a cru devoir prendre dans l'intérêt de Louvain. Ma tache serait trop lourde.

« Qu'il me suffise de citer un fait qui, à lui seul, constitue à tout jamais un titre à la reconnaissance de ses concitoyens. Je veux parler de l'université catholique qu'il est parvenu à faire transférer dans nos murs.

« Chacun sait les efforts inouïs qu'il fit en 1831, 1834 et 1835 pour conserver à Louvain l'université de l'Etat, mais qu'ils échouèrent devant les exigences des villes de Liége et de Gand.

« Après le vote de la législature, Van Bockel comprit la perte que subirait la ville, s'il ne parvenait à remplacer l'université qu'on nous ravissait, par un autre établissement d’enseignement supérieur.

« L’université catholique, qui avait été érigée à Malines, parut lui offrir tous les conditions désirables.

« Il fit immédiatement des démarches auprès du corps épiscopal et fut assez heureux, après de longues négociations, pour pouvoir conclure une convention par laquelle la ville fut dotée d'une institution qui fait sa gloire et sa prospérité.

« Après avoir dit ce que fut Van Bockel comme homme politique et comme administrateur, je voudrais pouvoir vous faire connaître ce qu'il fut comme homme privé.

« La charité, cette vertu chrétienne par excellence, fut l'apanage de ce cœur généreux. Vous raconter toutes les misères qu'il a soulagées, toutes les bonnes œuvres qu'il a créées ou soutenues, me serait impossible. Les malheureux seuls pourront écrire cette page si belle de sa vie.

« Pour dépeindre Van Bockel d'un seul trait, je me contenterai de dire : c’était l'homme selon l'Evangile.

« Nous espérions garder encore longtemps parmi nous cet homme de bien; mais la Providence en a jugé autrement. La mort est venue nous l'enlever lorsque nous nous y attendions le moins.

« Jamais les regrets poignants que sa perte nous a fait éprouver ne sauraient tarir, si nous n’étions animés de cette pensée toute chrétienne que Dieu, en rappelant à lui cette âme d'élite, a voulu hâter l'heure de sa récompense céleste. Déjà peut-être, au moment où nous le pleurons, mêle-t-il ses prières aux prières des élus, pour nous obtenir du Tout-Puissant le courage de suivre toujours son noble exemple.

« Adieu, Van Bocket, adieu !”

Après les prières d'usage, le cortège s'est mis en marche ; à la sortie du corps, une décharge de mousqueterie a salué la dépouille mortelle.

Les troupes ouvraient le cortège, puis venait le cercueil porté à bras et successivement par les huissiers de la Chambre, des sous-officiers de différentes armes et par des membres de l'Association conservatrice de Louvain.

Les coins du poêle étaient tenus par M. Vervoort, président de la Chambre, et par MM. le comte de Theux, le baron de Man d'Attenrode et Landeloos, membres de la Chambre des représentants. Le deuil était conduit par MM. Van der Maelen, beaux-frères du défunt, et par ses deux neveux, M. De Longé, conseiller à la cour de cassation, et M. le docteur Dugniolle, de Bruxelles ; M. Kumps, professeur de l'Université, et autres membres de la famille.

Puis venaient les membres de la Chambre des représentants, ensuite l'Université, ayant à sa tête Mgr de Ram, puis les délégués des associations conservatrices, et enfin les nombreux amis de M. Van Bocke ou, pour mieux dire, la population de Louvain tout entière.

Comme nous l'avons déjà dit, la députation de la Chambre se composait de M. Vervoort,son président, ainsi que de MM. le comte de Theux, H. de Brouckere, ministres d'Etat, le baron Van den Branden de Reeth, Ch. Lebeau, J. Jouret et Crombez. Parmi les députés qui s'étaient joints à la députation on remarquait M.B. Dumorlier, l'abbé de Haerne, Landeloos, Beeckman, Van Overloop, le duc d'UrseI, Nélis, de Boe, de Naeyer, de Moor, de Montpellier, Wasseige, Thibaut, Van Humbeeck, H. Dumortier, Faignart, Allard, de Ruddere de te Lokeren, de Baets, Verwilghen, Coppens-Bove, Thienpont, Van der Donckt, Desmet, Van Renynghe et de Florisone.

Nous avons aussi remarqué parmi les notabilités présentes à cette triste solennité, MM. Libot et Poullet, échevins de Louvain, qui remplissaient déjà ces fonctions sous l'administration de M. Van Bockel.

Les troupes formaient la haie, et un détachement fermait la marche.

Arrivé à l'église collégiale de Saint-Pierre, qui était trop petite pour contenir la foule, M. le pléban-doyen a récité les absoutes, et puis l'on s'est remis en marche vers le cimetière communal, où M. Van Bockel possédait un caveau de famille.

Le cercueil a été porté à bras jusqu'au lieu de sépulture ; sur tout le parcours on avait peine à se frayer un passage, et l'on a été unanime pour déplorer l'absence complète de mesures prises par la police locale pour maintenir l'ordre.

La tristesse était peinte sur tous les visages ; la foule avait peine à contenir les tristes impressions que cette perte inattendue avait produites à Louvain, et les sentiments qui débordaient de tous les cœurs étaient une preuve vivante des vertus, de la bienfaisance, de l'inépuisable bonté et de la considération aussi profonde qu'unanime dont jouissait le regretté M. Van Bockel.

Au moment d'entrer au cimetière, une nouvelle décharge de mousqueterie se fit entendre et le cercueil fut ensuite descendu dans le caveau.

Le lieutenant-colonel commandant de la place de Louvain, M. le baron de Vicq de Cumptich, a des droits à nos éloges pour la manière intelligente avec laquelle il a organisé la partie militaire de l'enterrement ; nous devons les mêmes éloges aux autres autorités militaires qui ont pris part à cette touchante cérémonie.

Malheureusement, l'autorité communale s’est conduite d'une manière aussi coupable qu'incompréhensible. M. de Luesemans, bourgmestre, n'assistait pas à l'enterrement. Sa place était pourtant marquée à l'un des coins du poêle. M. Va Bockel a été longtemps bourgmestre de Louvain. et, à ce titre, e premier magistrat actuel de la ville aurait dû comprendre qu'Il avait un dernier devoir à rendre à l'un de ses prédécesseurs. Le sentiment des convenances et la dignité du magistrat, c'est triste à dire, ont été complétement méconnus par M. de Luesemans. Ce manque d'égards et de tact a été d'autant plus remarqué que M. de Luesemans avait été recevoir la députation de la Chambre des représentants à sa descente du convoi. Le plus élémentaire des devoirs lui commandait impérieusement d'accompagner cette députation à la maison mortuaire. Mais non, après avoir été faire sa cour aux vivants, il a cru bon de manquer de respect aux morts. La foule, qui saisit avec un tact parfait les bonnes actions et qui se laisse aller volontiers à l'admiration de tout ce qui est beau, généreux et délicat, a été blessée visiblement de la conduite du premier magistrat de Louvain. Autant elle se plaisait à louer l'attitude digne et le langage loyal et élevé de M. Vervoort, président de la Chambre des représentants, autant elle a blâmé la conduite étrange de M. le bourgmestre. M. de Luesemans s'est donc de nouveau montré homme passionné jusque devant une tombe, devant la tombe d'un homme vertueux, au caractère duquel tous les partis rendent un éclatant hommage. M. Guillery, qui pouvait s'abstenir de parler de M. Van Bockel à la tribune nationale, a montré plus de dignité, plus de bienséance et surtout plus de cœur que M. de Luesemans ; il a élevé la voix pour dire au pays que la perte de M. Va Bocket était celle d'un homme digne de l'affection et des regrets de tous.

Malgré la conduite de M. de Luesemans, l'enterrement de notre regretté et vénérable ami politique a été une manifestation où le sentiment public s'est traduit d'une manière éloquente en l'honneur de M. Van Bockel. Cette manifestation est une preuve que la vertu, la bienséance, la piété et le patriotisme trouvent toujours leur récompense. La vie de M. Van Bockel a été celle d'un homme de bien, d'un véritable chrétien, un excellent patriote. li laisse aux conservateurs de grands exemples à suivre et une difficile mission à continuer. Ils s'évertueront à marcher sur ses traces et à travailler avec autant d'ardeur et de persévérance que lui au triomphes des idées d'ordre, de liberté et de justice. M. Van Bocke , nous l'avons déjà dit, laisse une réputation sans tache, et nous ajoutons que la vie d'un tel homme est la gloire d'un parti, comme elle est l'honneur d’une nation.