Toussaint Joseph, Ferdinand libéral
né en 1807 à Meulebeke décédé en 1885 à Ixelles
Représentant entre 1848 et 1850, élu par l'arrondissement de Thielt(HUYGHEBAERT Jozef, dans Nationaal biografisch woordenboek, Bruxelles, Paleis der Academiën, 1992, t. 14) (traduit du néerlandais)
TOUSSAINT, Joseph Ferdinand, juriste, notaire, politicien, écrivain.
Né à Meulebeke le 31 mars 1807, fils de Bernard, un policier français originaire de Toul, venu en Belgique pendant les années révolutionnaires, et de Judith Spruytte. Décédé à Ixelles le 7 février 1885. Toussaint épousa Philippine Kühne.
Sous le Royaume-Uni des Pays-Bas, le jeune Toussaint gravit les échelons de notaire et d’employé communal à Meulebeke jusqu’à devenir secrétaire communal de Koolskamp. Dans cette fonction, il attira l’attention de la presse d’opposition sud-néerlandaise pour ses tentatives de contrecarrer localement la pétition de doléances catholique (novembre 1829). À la suite de la Révolution belge, il se réfugia à Bruxelles (fin septembre 1830). J. van der Linden, secrétaire du Gouvernement provisoire, un ancien camarade de Toussaint (ayant travaillé ensemble comme clercs chez le notaire Bossuyt à Meulebeke), l’engagea.
Il se fit connaître pour la première fois en intervenant le 15 octobre au sein du club radical de la « Réunion Centrale » pour réduire au silence un défenseur de la francisation totale des régions flamandes. Une version écrite de son intervention parut partiellement dans Le Belge (2-3 novembre) et intégralement dans L'Émancipation (5 novembre), deux journaux bruxellois. Elle fut reproduite en tout ou partie dans l’Antwerpsch Nieuwsblad (4 novembre), Standaerd van Vlaenderen (Bruges, 9 novembre), Den Postryder van Antwerpen (11 novembre) et Den Vaderlander (Gand, 12 novembre), marquant le premier protestation connue contre l'élan de francisation qui prévalait dans la nouvelle nation. Dans son article Appel aux politiques belges (Le Belge, 29 octobre), Toussaint souligna la nécessité de fonder l’organisation de l’État sur la tradition politique nationale. Il envisageait notamment une république démocratique et développa cette idée dans un discours intitulé : Discours sur le Sénat et le veto du chef de l'État, prononcé à la Réunion patriotique centrale de Bruxelles, le 30 octobre 1830.
Il fut vice-président du club politique et combattit sans relâche les projets concernant la monarchie, le sénat héréditaire et le suffrage censitaire limité. Il lança également un appel pour un enseignement primaire gratuit dans chaque commune. Ces idées s'alignaient sur celles de Louis de Potter, le républicain « de gauche » isolé au sein du Gouvernement provisoire. Pour l’Assemblée constituante, Toussaint acheva le 15 novembre une édition annotée de la Joyeuse Entrée des ducs de Brabant, dédiée au Congrès national (Bruxelles, 1830, 48 pages). Le 7 décembre, il adressa à la même assemblée un projet concernant le sénat (et publia celui-ci avec son discours du 30 octobre) : puisque le Congrès national avait décidé de créer cette institution, il préconisait de s’inspirer du modèle américain.
Il devint un collaborateur actif du journal L'Émancipation (Bruxelles). Ses idées n’étaient pas loin de celles des frères Adolphe (futur premier ministre) et Victor (futur cardinal) Deschamps, qui y exprimaient leurs convictions démocratiques. Vers la fin de l’année, il devint secrétaire d’une Association pour l’indépendance nationale, qui, sous la direction de Louis de Potter, tenta une dernière fois d’établir une république. Après l'échec de ce mouvement le 21 février (et l'exil de L. de Potter), Toussaint entra au service du régent, le baron F. Surlet de Chokier.
Dans L'Émancipation du 3 avril 1831, il publia des réflexions (Du peuple) sur les émeutes populaires à Bruxelles des 26-28 mars, rejetant la version officielle qui y voyait des manifestations anti-orangistes. Il attribua plutôt ces troubles aux « véritables maux du peuple : son immoralité, son ignorance et sa misère, qu’aucune liberté de religion, de presse ou autres droits constitutionnels ne pourrait guérir ». Cette analyse reçut un accueil favorable, notamment de la part de Lucien Jottrand dans Le Courrier des Pays-Bas et du Globe à Paris, organe des Saint-Simoniens (mouvement utopiste inspiré par Claude-Henri de Saint-Simon).
À cette époque, Toussaint adopta largement les idées de réforme radicale de cette mouvance et continua de propager les concepts saint-simoniens dans L'Émancipation. Il participa activement au journal L'Organisateur belge, propre aux Saint-Simoniens belges. Dans un article intitulé Réforme administrative. Appel aux catholiques et aux libéraux (Moniteur belge, 27 septembre 1831), il présenta cette « religion » comme la parfaite incarnation du compromis politique unioniste : une fusion d'un libéralisme tempéré par un socialisme naissant avec un catholicisme renonçant à son attachement au conservatisme hiérarchique.
Au début de 1832, il se rendit au quartier général des Saint-Simoniens à Paris, mais y découvrit le mouvement en pleine crise. Ce constat le conduisit à annoncer son retrait le 12 février dans le pamphlet À M. Enfantin (Paris, 8 pages), dont un exemplaire avec notes manuscrites a été retrouvé dans les archives de son allié Constant van den Berghe. Ce départ ne signifia nullement un abandon de son idéal de justice sociale.
Toussaint tenta sans succès, le 3 avril 1832, de remporter un siège à la Chambre des Représentants à Louvain, avec le soutien de L'Émancipation et du Siècle, journal des partisans belges de Lamennais. En juin-juillet, il regroupa une série d’articles de journaux dans un pamphlet intitulé Coups d'œil sur le système financier de la Belgique (Bruxelles, 39 p.), qui critiquait de façon scientifiquement étayée un système qu'il jugeait oppressif pour l'industrie et la classe ouvrière. Le journal gantois lamennaisien Den Vaderlander mit en avant cet écrit et publia, le 10 juillet 1832, son essai Aen de Vlaemsche Jongeringen (Aux jeunes flamands), un appel - attribué par la suite à tort à l’aristocrate Ph. Blommaert – aux jeunes instruits de Flandre pour les inciter à se rapprocher du prolétariat et dénoncer les injustices criantes via la presse. Son ami d’enfance C. van den Berghe répondit immédiatement à cet appel dans la région de Tielt.
Depuis l’accession de Léopold Ier au trône, Toussaint était fonctionnaire au ministère de la Justice. En septembre 1832, il obtint un doctorat en droit (à Gand) et fut nommé, le 24 octobre, greffier au tribunal de première instance de Bruxelles. Dans les années qui suivirent, il publia quelques études remarquables en histoire culturelle (…)
En 1837, il échoua de nouveau à obtenir un siège à la Chambre, cette fois dans le district de Roulers, bien qu’il ait reçu le soutien d’un front libéral-orangiste. Une tentative en 1845 à Tielt échoua également, malgré l’appui de son ami C. van den Berghe et de son hebdomadaire De Thielenaer.
Cependant, en 1848, les circonstances à Tielt lui furent favorables, et il remporta un siège à la Chambre des représentants, où il défendit les intérêts d’une circonscription qui avait particulièrement souffert de la crise économique des années 1840-1848. En raison de l’incompatibilité entre sa fonction publique et un mandat politique, Toussaint démissionna de son poste de greffier au tribunal de première instance de Bruxelles, poste où il fut remplacé par le poète Th. Weustenraed, un ancien compagnon de la mouvance saint-simonienne. Il fut ensuite nommé notaire à Ixelles (13 août 1849).
En 1848, avec deux anciens collègues du tribunal, le vice-président Hubert Delecourt (figure importante du mouvement flamand) et le sous-greffier Edward Ledeganck (frère du célèbre poète), Toussaint fonda l’hebdomadaire De Brabander, qui engagea bientôt une polémique avec De Broedermin, le journal démocrate gantois de l'entourage du philosophe Huet, autour de la position républicaine de ce dernier. D’autres amis de gauche furent offensés par la loyauté politique de Toussaint, notamment le prêtre rebelle B. Beeckman dans son journal Het Brugsche Vrye. De Brabander fut remplacé en 1849 par De Vrede, imprimé à Tielt (chez Horta-De Laere), et devint en 1851 un organe libéral et pro-flamand intitulé De Vlaemsche Stem, sous la direction de Domien Sleeckx. Ce journal fut imprimé sur les presses du nouveau quotidien libéral L'Étoile belge, que Toussaint avait également contribué à fonder. (…)
Le mandat parlementaire de Toussaint dura deux ans seulement. Il fut rapporteur des pétitions adressées à la Chambre, dont celle de 1849 pour légiférer contre la contrefaçon, à savoir l’impression d’œuvres d’auteurs étrangers sans respect des droits d’auteur. Il plaida également pour l’amélioration des prisons, de l’enseignement supérieur et pour des réformes dans les finances publiques, l’administration et la justice. (…)
Lors des élections de 1850, il perdit face au candidat catholique Félix de Mûelenaere, ancien premier ministre et gouverneur provincial. Il chercha de nouvelles opportunités politiques à Bruxelles, mais la section locale du parti refusa sa candidature en 1880 pour succéder, via une élection partielle, à un sénateur libéral défunt. On lui reprocha d'avoir participé à un projet de développement agricole à Chimay, incluant la construction d’une école et d’une église, ainsi que de ne pas s’être opposé avec assez de fermeté à l’implantation d’églises dans le cadre de projets d’urbanisation à Bruxelles.