Thienpont Jean, Ignace catholique
né en 1774 à Etikhove décédé en 1863 à Audenarde
Représentant entre 1831 et 1848, élu par l'arrondissement de Audenarde Congressiste élu par l'arrondissement de Audenarde(Extrait de : Ch. TERLINDEN, dans Biographie nationale de Belgique, t. XXIV, 1926-1929, col. 860-865)
THIENPONT (Jean-Ignace), membre du Congrès national, né à Etichove, le 7 octobre 1774, mort à Audenarde, le 26 septembre 1863. Il appartenait à une vieille famille patricienne, très considérée dans le pays d'Audenarde depuis le XVe siècle. Son père, Josse Thienpont, époux de Anne-Thérèse de Looze, était bailli d'Etichove et mayeur des seigneureries et mairies de Ladeuze, d'Overmaelsaeke, de Ten Berghe et de Ter Thondt. Après de très brillantes études, principalement au collège d'Audenarde, Jean-Ignace Thienpont s'engagea, en 1790, à l'âge de seize ans, dans l'armée des Etats belgiques unis et prit part aux dernières opérations des troupes nationales chargées de protéger Bruxelles contre le maréchal autrichien Beudr. Au lendemain de l'échec final des Patriotes, il acheva ses études à Audenarde, puis à Gand, et, après le décès de son père, survenu en 1792, au collège de la Trinité à Louvain. Témoin des excès de l’invasion jacobine, il en resta profondément impressionné pour le restant de ses jours. Il parvint cependant à poursuivre ses études universitaires ; le 8 février 1796, il passa son examen de baccalauréat in utroque jure et, le 6 mai de l'année suivante, presque à la veille de la suppression par le Directoire de l'antique Alma Mater, il conquit le grade de licencié en droit. Le Consulat ayant ramené l'apaisement dans les consciences catholiques, Jean-Ignace Thienpont entra au barreau.
Nommé maire de Marcke-Kerckhem, le 19 juillet 1806, il devint, l'année suivante juge suppléant au 2e canton de justice de paix d'Audenarde, puis, le 5 juin 1811, juge au tribunal de première instance de la même ville. Ayant refusé, par obéissance au Jugement doctrinal de Mgr de Broglie, évêque de Gand, de prêter serment de fidélité à la Loi fondamentale du royaume des Pays-Bas, il résigna ses fonctions le 7 octobre 1817. Nommé membre du Conseil de Régence d'Audenarde, le 19 novembre 1818, il devint, le 1er janvier 1820, échevin, et fut élu, la même année, membre des Etats provinciaux de la Flandre orientale.
Son départ avait désorganisé le tribunal d'Audenarde ; aussi le Gouvernement, désireux de le réintégrer dans ses fonctions, devança en sa faveur la règle générale formulée dans la circulaire du baron Goubau, directeur général pour les affaires du culte catholique, en date du 14 août 1821, et l'autorisa à prêter le serment constitutionnel dans le sens admis par le prince de Méan, archevêque de Malines, de façon à calmer ses scrupules de conscience. C'est ainsi que, dès le 11 avril 1820, il fut réintégré au, siège de juge, ce qui entraîna sa démission d'échevin.
Nonobstant ses fonctions officielles, Thienpont ne dissimula pas sa désapprobation aux mesures arbitraires du gouvernement néerlandais en matière politique et religieuse. Il appuya énergiquement aux Etats provinciaux de la Flandre orientale le mouvement pétitionnaire de 1829 et réclama, contre une majorité servile, le droit pour les Etats provinciaux d'examiner eux-mêmes leur budget.
Dès la première heure, il se rallia à la révolution belge, dont il approuvait pleinement le caractère légitime. Il arbora, le 1er octobre 1830, les couleurs tricolores et reconnut le Gouvernement provisoire. Le 7 octobre, avec 17 de ses collègues des Etats provinciaux, il convoqua cette assemblée en session extraordinaire et, d'accord avec le comte Félix de Mérode, délégué du Gouvernement provisoire, contribua à faire nommer un Comité de conservation de 18 membres, destiné à maintenir l'ordre dans la province. Ce comité, dont Thienpont fut élu membre, par 51 voix sur 56 votants, resta en fonction jusqu'à l'organisation des conseils provinciaux par la loi du 30 avril 1836 et facilita la transition entre les deux régimes.
De même, Thienpont empêcha la désorganisation des institutions judiciaires dans l'arrondissement d'Audenarde en prenant la direction du parquet après le départ du procureur du roi, partisan du régime déchu. Par arrêté du 8 octobre 1830, il fut nommé, par le Gouvernement provisoire, président du tribunal de première instance. Il remplit ses fonctions jusqu'au 14 juin 1858, avec autant de conscience que d’énergie, et contribua, par la crainte qu'inspirait la sévérité de ses jugements correctionnels, à enrayer les vols et brigandages devenus, par suite des troubles consécutifs à là révolution, endémiques dans certains villages.
Le rôle joué dans le mouvement national en Flandre et le respect unanime dont il était entouré désignèrent Thienpont aux suffrages des électeurs du district d'Audenarde lors du scrutin du 3 novembre 1830. Il fut nommé, par 560 suffrages sur 611 votants, membre du Congrès national.
Bien que catholique convaincu, Thienpont s'affirma au Congrès profondément unioniste. Joignant la fermeté la modération, il parvint, par son bon sens et son activité, à exercer, sans posséder des talents d'orateur, une réelle influence sur ses collègues. Dans la séance du 20 novembre 1830, il prononça un discours en faveur de l'établissement d'une monarchie constitutionnelle, organisée de façon à assurer aux Belges « toute la somme de liberté dont jamais aucun peuple ait joui ». Le 14 décembre suivant, il se prononça en faveur d'un sénat " corps modérateur et frein d'un parlement démocratique ".
Ardent patriote, il vota l'exclusion des Nassau, mais en même temps il combattait la francophilie excessive de certains de ses collègues. "Qu'ils soient nos bons voisins", écrivait-il au sujet des Français, "bien ! mais pourtant pas trop de familiarité ! ". Il vota cependant pour le duc de Nemours, le 3 février 1830, sur l'assurance donnée par Le Hon que ce choix conserverait le Limbourg à la Belgique et que le duc de Nemours, devenu roi, veillerait jalousement sur sa couronne et ne la laisserait pas choir, ni entre les mains de son père, ni entre celles de son frère". Dans le choix d'un régent, il préféra, par esprit unioniste, le libéral Surlet de Chokier au catholique Félix de Mérode, bien que celui-ci jouît dans les Flandres de plus de popularité que son concurrent. Se tenant en dehors des coteries, Thienpont se laissait toujours guider par des raisons de bon sens et de prudence. C'est ainsi qu'il fut un des premiers à se rallier à la candidature du prince Léopold de Saxe-Cobourg et aux XVIII articles.
Adepte du « catholicisme libéral », il se garda de réclamer pour l'Eglise une situation privilégiée et se prononça pour la liberté et l'égalité des cultes dans l'ordre civil. Il se contenta de réclamer le payement par l'Etat des traitements du clergé comme une dette, reconnue par l'Assemblée constituante française même et mentionnée par les concordats de 1801 et de 1827. Cependant, il voulut que les autres cultes, qui n'avaient pas de pareils titres à faire valoir, fussent également subsidiés, "ne fût-ce que pour enlever au traitement des prêtres catholiques toute apparence de privilège". Esprit pratique, il refusa que les traitements ecclésiastiques fussent mis à la charge des communes, comme le proposaient certains députés libéraux, ce qui aurait eu pour résultat de limiter en fait l'indépendance du clergé.
Pendant les dix-sept années qu'il fut membre de la Chambre des représentants, Thienpont resta fidèle à l'unionisme. Il détestait l'esprit de parti et regretta vivement de voir le pays le diviser entre catholiques et libéraux, et, de voir ceux-ci se montrer de plus en plus hostiles à l'Eglise. Au cours de ces dix-sept années, Thienpont se rendit surtout utile par l'activité de son travail dans les sections, où il se sentait plus à l'aise qu’à la tribune. Il ne prit que rarement la parole. La discussion de la ratification du traité de 1839, consacrant la perte du Limbourg et du Luxembourg, lui fut particulièrement pénible. Estimant que la France et 1’Angleterre avaient trop d'intérêts à l'existence de la Belgique pour laisser rayer celle-ci de la carte de l'Europe, il crut pouvoir émettre un vote négatif en dépit des dangers de conflagration générale en cas de rejet du traité imposé par les Puissances, « préférant, disait-il, un mal incertain, quoique plus grand, à un mal qui, bien que moindre, aurait été consacre d'une manière définitive ».
Ce vote valut à Thienpont un surcroît de popularité dans son arrondissement, où le patriotisme était resté aussi vif qu'en 1830. Il en résulta que, nonobstant le défaut d'organisation du parti catholique vis-à-vis d'adversaires de plus en plus ardents et disciplinés, Thienpont n'en fut pas moins réélu à chaque consultation électorale, jusqu’au moment où la loi sur les incompatibilités du 26 mai 1848 l'eût obligé, pour conserver sa charge dans la magistrature, à renoncer au renouvellement de son mandat.
Bien que sorti de la politique active, Thienpont ne cessa, jusqu'à son extrême vieillesse, de s'intéresser aux événements, déplorant les progrès du libéralisme "exclusif" et la disparition de l'esprit unioniste, s'inquiétant des velléités annexionnistes de Napoléon III et mettant au-dessus de tout ses sentiments patriotiques. « C'est dur, disait-il, que d'être foulé aux pieds par les libéraux belges, mais c'est moins dur que d'être gouvernés par les meilleurs Français. »
Son grand âge et sa surdité l'obligèrent à abandonner, le 14 juin 1858, le siège de président du tribunal. Il vécut encore cinq ans. Il avait été décoré de la Croix de fer et était officier de l'Ordre de Léopold. Son portrait a été gravé en taille douce par Baugniet en 1835.