Thiéfry Charles, Joseph libéral
né en 1796 à Antoing décédé en 1878 à Bruxelles
Représentant entre 1848 et 1859, élu par l'arrondissement de Bruxelles(Extrait de : E. BOCHART, Biographie des membres des deux chambres législatives, session 1857-1858, Bruxelles, M. Périchon, 1858, pp 31 et suivantes)
THIEFRY, Charles-Joseph
Chevalier de l’Ordre Léopold
Né à Antoing, le 30 juillet 1796,
Représentant, élu par l’arrondissement de Bruxelles,
M. Thiéfry suivit d'abord la carrière des armes ; il donna sa démission d'officier au 10ème régiment de lanciers, quelque temps avant la révolution de 1830. Rentré dans la vie civile, il se livra à de sérieuses études administratives, et remplit pendant six ans les fonctions de membre du conseil des hospices de la ville de Tournai.
Ayant quitté la province pour la capitale, il fut bientôt rendu à ses occupations favorites et, le 4 février 1843, le conseil des hospices de Bruxelles l'appela dans son sein : les indigents et les malades ne pouvaient trouver un protecteur plus zélé pour leurs intérêts.
Les généreux travaux de M. Thiéfry le désignèrent au choix des électeurs bruxellois. Nommé représentant en 1848, il fut admis aux honneurs de la questure dès la première session, et son début oratoire eut lieu dans la discussion du projet qui modifiait la loi sur les pensions. Un honorable membre avait essayé une comparaison entre les services militaires et les services civils. M. Thiéfry répondit en ces termes :
« Le fonctionnaire civil occupe son poste aussi longtemps que son état de santé le lui permet, tandis que le militaire, arrivé à un âge peu avancé, est obligé de se retirer ; on le met à la pension, lorsqu'il peut encore rendre des services. Les pensions militaires peuvent être considérées comme des récompenses nationales. Il est des circonstances où le militaire expose sa vie en même temps que l'existence de toute sa famille, tandis que le fonctionnaire civil occupe tranquillement son poste, sans qu'on puisse le lui ôter. Je ne pense donc pas qu'on puisse comparer la retraite du fonctionnaire civil à celle du fonctionnaire militaire. »
La chaleur de conviction que l'honorable M. Thiéfry apporta dans cette réponse, lui valut l'approbation de tous l'orateur venait de se révéler par son style ex abrupto et sa franchise toute militaire.
Dans la discussion du budget de la guerre, on devait nécessairement le rencontrer sur la brèche, combattant à sa manière :
« La question n'est pas de savoir combien on dépense pour l'armée, ni si le budget est moins élevé que celui des années antérieures.
« La véritable question est de savoir si les dépenses proposées sont nécessaires, et si elles ne peuvent être diminuées sans désorganiser. »
Passant en revue le contingent de l'infanterie, l'honorable représentant met l'effectif en regard du service obligatoire pour la conservation des places fortes. Il critique le peu de temps que les hommes restent sous les armes, et conclut que leur instruction en souffre ; que dans des temps difficiles, au lieu d'avoir des soldats aguerris, nous n'aurons que des hommes incapables de rendre des services. Il blâme le trop grand nombre de places fortes que nous possédons, et il cite ce passage de l'histoire des Pays-Bas :
« Le 6 février 1704, des détachements, dont la force totale ne s'élevait qu'à quinze mille hommes, s'emparèrent dans une seule nuit de Luxembourg, de Namur, de Charleroi, de Mons, d'Ath, d'Audenaerde et de Nieuport.
« Bien que les places aient été enlevées par surprises, si au lieu de vingt-deux bataillons, elles eussent eu des garnisons convenables, les Français ne s'en seraient pas emparés aussi facilement. »
On reconnaît dans l'argumentation de M Thiéfry un homme qui a porté les armes ; il la fait reposer sur les bases primitives de toute bonne organisation, et cite pour preuve de son opinion une appréciation du général Fririon faite par le ministre de la guerre en 1843 :
« Si l'on pouvait improviser de bons sergents et de bons caporaux, dit le général, il n'y aurait aucun inconvénient à en supprimer quelques-uns en temps de paix mais tout le monde sait que les qualités et les connaissances qu'on exige d'eux sont le résultat d'une longue expérience, appuyée sur la théorie. On doit donc les conserver avec un grand soin, et en augmenter le nombre autant que possible. »
Pendant la session de 1849-1850, l'honorable M. Thiéfry renouvelle ses arguments pour demander la réorganisation de l'armée, et soutient qu'il est possible de faire des économies sans diminuer la force nationale.
A l'occasion de la mise en non-activité d'un officier, il s'élève contre ce qu'il appelle les prétentions du ministre de la guerre à l'omnipotence militaire :
« Je crois qu'un ministre de la guerre ne doit pas venir ici rendre compte de toutes les punitions qu'il inflige, mais tout le monde conviendra que, dans certaines circonstances, il est de notre devoir d'exiger des explications ; c'est quand nous pouvons supposer que le ministre a outre« passé ses pouvoirs, qu'il y a eu abus ; sinon, ce serait accorder au chef de ce département le droit d'être injuste envers ses subordonnés, ce serait consacrer l'arbitraire et mettre l'armée en dehors des prérogatives de la Constitution.
« Les règlements de la discipline ne sauraient détruire la liberté de la presse. »
Le membre du conseil des hospices n'oublie pas dans ces luttes parlementaires qu'il y a des malheureux à secourir. On va discuter l'amélioration du régime des aliénés; M. Thiéfry, qui a été sonder lui-même à Gheel toutes les plaies de la faiblesse humaine, demande pour cette commune une infirmerie à l'usage des aliénés ; et, tout en rendant hommage aux soins attentifs et expérimentés des habitants à qui le sort de tant d'infortunes est confié, il réclame du pouvoir législatif une disposition qui, s'étendant à tous les cas d'aliénation mentale sur le territoire belge, donne aux juges de paix le droit de visite, comme défenseurs-nés des familles.
A la session de 1850-1851, M. Thiéfry est réélu questeur ; toujours partisan des économies, il blâme l'indemnité qu'on accorde aux officiers détachés au ministère de la guerre ; parlant contre le luxe des bâtisses du camp de Beverloo, il s'écrie :
« Un camp doit être un camp, et non un lieu de plaisance pour les officiers supérieurs. »
Administrateur des hospices et représentant de Bruxelles, il appuie la suppression des tours pour les enfants trouvés, et la majoration de subsides pour empêcher l'inondation de la Senne.
Dans le cours de cette session, la liberté de son opposition en ce qui concerne le ministère de la guerre, éveilla la susceptibilité d'un honorable général, ancien ministre de ce Département. Une provocation extra-parlementaire fut adressée au courageux représentant; les témoins de part et d'autre étaient, dit-on, désignés, lorsque la Chambre intervint en comité secret. A l'issue de ce comité, M. le Président annonça en séance publique « que l'affaire était arrangée de manière à sauvegarder la dignité de la représentation nationale. »
Hâtons-nous de jeter un voile sur ce déplorable accident dont s'émut l'opinion publique, parce qu'elle y vit une atteinte portée à la libre discussion parlementaire, et honorons la sagesse de la Chambre pour ses heureux efforts de conciliation.
Un arrêté royal du 14 octobre 1851, créant une commission à l'effet d'examiner toutes les questions qui intéressent l'établissement militaire du pays, désigne M. Thiéfry pour en faire partie.
Dans la première séance qui a lieu le 5 novembre, M. le ministre de la guerre pose comme base de la discussion générale, que l'attention de la commission doit se porter d'abord sur la question des places fortes et sur la fixation du chiffre que doit atteindre l'armée, tant pour la défense des forteresses que pour les opérations en campagne. L'honorable M. Thiéfry émet son opinion dans la séance du 20 ; et son discours, dont nous donnons ici quelques extraits, est sans contredit un des plus remarquables de tout ce volumineux travail qui occupa cinquante et une séances, et dont le compte-rendu avec les annexes et les rapports ne renferme pas moins de douze cents pages.
Après s'être demandé si la Belgique ne doit pas procéder à la démolition de quelques places fortes, M. Thiéfry continue en ces termes :
« Quand un pays n'a pas de frontières naturelles, et qu'il est sillonné de routes qui offrent des voies de communication faciles aux armées étrangères qui voudraient l'envahir, il est de toute nécessité d'y créer des obstacles qui peuvent retarder la marche de l'ennemi ; ces obstacles, nous les possédons dans les places fortes. Cependant, elles ne répondront entièrement au but pour lequel elles ont été créées, que pour autant que nous sachions les défendre énergiquement : si elles étaient mal gardées, elles tomberaient facilement entre les mains de l'ennemi qui s'en ferait un point d'appui pour son armée.
« Je reconnais l'utilité des places fortes pourvues de tous les moyens de résistance en hommes et en matériel; je les considère, au contraire, comme nuisibles, si elles manquent de ces ressources indispensables.
« Il résulte du travail du comité de la commission de défense que pour mettre toutes nos places seulement en état de sûreté, il faudrait 50,647 hommes, et, pour les avoir en bon état de défense, 66,537. Je ne parlerai pas du nombre d'hommes nécessaires à la défense vigoureuse, « fixé à 91,844.
« Nos bases d'opérations sont la Meuse, la Sambre, l'Escaut et le Démer : il est donc indispensable de conserver les forteresses qui défendent le cours de ces fleuves et de ces rivières ; cela est d'autant plus nécessaire, qu'elles serviront de point d'appui aux puissances qui voudront nous aider à chasser l'ennemi qui aurait envahi le pays. »
Puis passant en revue l'utilité stratégique de nos places fortes, il se prononce pour la démolition des fortifications d'Ypres, de Menin, d'Ath, de Philippeville, de Mariembourg, de Bouillon et de Mons.
« Ce qui procurerait, ajoute l'honorable représentant, une augmentation de 14,728 hommes à l'armée de campagne et 567 bouches à feu à l'armement des autres forteresses. »
Dans une autre séance, M. Thiéfry combat le chiffre de 60,000 hommes pour l'armée d'évolutions, parce que ce chiffre imposerait au pays des dépenses excessives. Il considère que la Belgique doit compter sur l'appui de ses voisins ; enfin, il émet l'avis que les forteresses étant bien gardées, une armée de 30 à 35,000 hommes suffit pour tenir pied, et il cite, à titre de justification de son chiffre, un extrait du rapport de la commission des généraux, en 1842, lequel est ainsi conçu :
« Il n'est donc pas supposable que l'ensemble des forteresses exigeât moins de 50,000 hommes, et, par conséquent, si l'armée était de 80,000 hommes, il en resterait seulement 30,000 pour tenir la campagne et couvrir la capitale. »
Pendant tout le cours de cette longue et laborieuse discussion, l'honorable membre a toujours allié le plus sincère patriotisme à de profondes connaissances militaires, en cherchant tous les moyens de concilier les intérêts du trésor public avec ceux de la défense nationale.
La session 1851-1852 offrit à M. Thiéfry l'occasion d'émettre ses idées sur la pension et sur les bonnes études des élèves de l'école militaire.
A la session suivante, l'honorable député, remplacé dans ses fonctions de questeur par l'honorable M. de Sécus, est chargé de tous les rapports qui concernent le département de la guerre. Le projet de loi relatif à l'érection de la colonne du Congrès et de l'église de Laeken lui fournit un beau mouvement oratoire :
« Le projet de loi qui nous est soumis a pour but de perpétuer un hommage de reconnaissance aux auteurs de la Constitution, aux hommes qui ont légué les institutions les plus libérales qu'il y ait en Europe, et à une Reine dont les vertus et la bonté ont excité une manifestation de regret jusque dans le plus petit village du pays.
« Il s'agit donc ici, messieurs, d'une manifestation nationale, et chaque fois qu'il a fallu en Belgique donner, dans de grandes circonstances, des preuves d'attachement au pays, l'esprit de parti a entièrement disparu, toute division a toujours cessé.
« Il est désirable qu'il en soit encore ainsi aujourd'hui. En oubliant nos dissensions politiques dans un semblable moment, nous gagnerons en estime aux yeux de l'étranger, notre nationalité prendra de plus profondes racines, et je ne ferai à personne l'injure de croire qu'il y ait dans cette enceinte moins de patriotisme d'un côté de cette Chambre que de l'autre. Je sais qu'il ne s'élèvera pas une seule voix contre les conclusions de l'excellent rapport de la section centrale. »
En 1853-1854, la voix de M. Thiéfry s'élève contre l'augmentation demandée pour les généraux hors cadre, et soutient le crédit sollicité pour améliorer la position des décorés de la Croix de Fer. L'honorable représentant critique le mode des promotions au choix, et la mesure de la mise à la pension des vieux généraux et officiers dont l'expérience ne saurait être remplacée dans un moment donné. Partisan de l'union des faubourgs à la capitale, il en proclame l'utilité, tant sous le rapport de la surveillance plus complète de la police, et de la concentration administrative d'intérêts divers passant en une seule main, que sous celui de la distribution mieux éclairée des secours aux indigents.
Dans les deux sessions qui suivirent, le nouvel éloignement que l'on veut faire subir à la station du Midi, et les pensions des volontaires de 1830, furent l'objet d'interpellations de l'honorable Député de Bruxelles.
A la session de 1856-1857, la discussion de la loi sur les établissements de bienfaisance fit un devoir à M. Thiéfry de prendre la parole. Son titre d'administrateur du bien des pauvres, les débats judiciaires auxquels il avait pris part avec ses collègues du conseil des hospices, et par-dessus tout, sa qualité de membre influent du parti libéral, ne lui permettaient pas de garder le silence. Dans un discours plein de faits et de citations, l'orateur établit en principe :
« Qu’il n’est pas convenable que, sous le manteau de la charité, on puisse viser à la restauration d’établissements dont l’existence légale n’est plus compatible avec l’esprit de nos institutions. »
Ce discours trouva de l'écho sur tous les bancs de la gauche ; aux élections générales qui eurent lieu à la suite de cette grande lutte parlementaire, le nom de M. Thiéfry sortit pour la quatrième fois de l'urne bruxelloise, et la nouvelle majorité libérale rétablit l'honorable membre dans ses anciennes fonctions de questeur.
(Extrait de l’Echo du Parlement, du 12 mai 1878)
Nous annonçons avec le plus vif regret la mort d’un homme de bien, d’un libéral éprouvé, qui jusqu’au dernier moment a servi la cause qui a été celle de toute sa vie. M. Charles Thiéfry ancien représentant de Bruxelles, membre du conseil d’administration de l'Université libre, membre du conseil général des hospices et secours de la ville de Bruxelles, est décédé hier à 5 heures et demie du soir, des suites de la maladie qui lui faisait éprouver des souffrances périodiques auxquelles sa nature vigoureuse lui a permis de résister pendant de Iongues années.
M. Thiéfry était âgé de 82 ans.
Peu d’hommes ont mérité à un si haut degré l'estime de leurs concitoyens. Fidèle à ses amitiés, apportant partout une force de volonté qui brisait tous les obstacles, ennemi des abus, les combattant avec une énergie qui ne se découragerait jamais, prêt en toute occasion à rendre service, M. Thiéfry était un de ces hommes rares qui se dévouent à la chose publique avec le plus pur et le plus entier désintéressement.
M. Thiéfry avait décliné en 1859 le renouvellement de son mandat de membre de la Chambre des représentants.
A partir de cette époque il rentra dans les rangs du parti libéral, où, en toutes circonstances. il fit noblement et vaillamment son devoir.
Il avait conservé malgré son âge une étonnante activité ; aussi les loisirs que lui fit la politique ne furent pas perdus pour les autres intérêts confiés à son zèle et à son intelligence : il les consacra à l’administration des hospices et on peut dire que c’est avec un soin jaloux et une ardeur qui ne s’est jamais démentie qu’il veilla sur le patrimoine de la charité publique.
M. Charles Thiéfry était originaire d’Antoing, près de Tournai. Il était officier dans l’armée hollandaise lorsqu’éclatèrent les événements de 1830 qui mirent fin à sa carrière militaire.
L’inhumation aura lieu au cimetière de Laeken, le lundi 13 mai. On se réunira à la maison mortuaire, rue Bréderode 35, à dix heures et trois quarts.
(Extrait de l’Echo du Parlement, 16 mai 1878)
Nécrologie
Voici le discours prononcé par M. J. de Rongé, conseiller à la cour de cassation membre du conseil général des hospices, aux funérailles de M. Ch. Thiéfry :
« Messieurs,
« Le pays vient de perdre un grand citoyen.
« M. Thiéfry s'est distingué dans toutes les carrières qu'il a parcourues. Il a laissé, dans l'ancienne armée des Pays-Bas la réputation d'un brave et brillant officier. A la Chambre des représentants, la fermeté de ses principes, la dignité de son caractère, la franchise, la loyauté do sa parole lui ont valu la considération la mieux méritée. Dans le conseil d'administration de l’Université libre, il a rendu des services dont l’importance va vous être éloquemment rappelée.
« L’homme éminent que la mort nous enlève a d'autres titres encore à notre reconnaissance, et c'est de ceux-ci qu'il m’est réservé de vous entretenir au nom du conseil général des hospices de la ville de Bruxelles.
« Charles-Joseph Thiéfry, né à Antoing, le 30 juin 1796, a été nommé membre du conseil des hospices, le 4 février 1843. Il avait exercé les mêmes fonctions à Tournai, pendant six ans. Depuis 1843, le conseil communal do Bruxelles a successivement renouvelé son mandat et lui a conféré, de plus, à dater du 14 octobre 1848, le titre d'administrateur du mont de piété.
M. Thiéfry a donc consacré. sans interruption. quarante-trois années de sa vie au service de la charité publique.
Durant ces quarante-trois ans, il n'est pas un jour, on peut l’affirmer, où les misères qu'il avait pris à tâche de soulager n’aient été l'objet de ses préoccupations ; il n'est pas de jour où quelque autre obligation ait pu le distraire de sa mission de bienfaisance.
M. Thiéfry a mis à ma remplir tout ce qu'il avait de cœur, d’intelligence et d'activité. II y a déployé les talents d'un administrateur hors ligne. Dans les détails infimes de nos différents services, rien ne lui était étranger, rien n'échappait à sa vigilante attention.
Dès l'entrée da M. Thiéfry au conseil, les recettes et les dépenses ont été soumises à son contrôle particulier. II a réorganisé la comptabilité, dirigé les travaux exécutés après la démolition de l'ancien hôpital St-Jean et du vieux Béguinage, combiné pour l'aliénation des biens possédés par les hospices dans I agglomération bruxelloise, des conditions de vente dont les résultats ont amélioré notre situation financière, tout en contribuant au développement et à l'assainissement des communes suburbaines, par la création de quartiers nouveaux.
Il a surveillé la reconstruction de l'hôpital Saint-Pierre, du mont de piété, de l'orphelinat. II a prêté son appui, attaché son nom à toutes les améliorations introduites dans nos hôpitaux et nos hospices.
On lui doit les consultations médicales et chirurgicales gratuites, le service spécialement affecté aux maladies de la peau, les bibliothèques à l'usage des malades, le magasin central des denrées alimentaires et la pharmacie centrale.
On lui doit, au mont-de-piété , la réduction de l’intérêt sur les gages de minime valeur.
M. Thiéfry a pris une part prépondérante à l'organisation des comités de de charité institués par la loi du 30 mars 1836.
II exerçait d'ailleurs, dans les délibérations du conseil, un ascendant justifié par son jugement droit et sûr autant que par sa longue expérience.
Cette influence, cette autorité personnelle que tous acceptaient, il était seul à la méconnaître. Il aimait à réclamer l’avis, à provoquer les observations de ses collègues.
M. Thiéfry pour le dépeindre d'un mot, était l'homme du devoir. Il avait gardé de son premier état des habitudes d’ordre et de discipline.
Sévère pour lui-même, il avait le droit de l'être, il l’était pour les autres, mais il souffrait d'avoir à réprimander ou punir.
Nature d'élite, il joignait à toutes les vertus de l'homme public les qualités qui font le charme des relations sociales. Il était bon, obligeant, instruit, aimable. A quatre-vingt-deux il avait conservé la vigueur de l'intelligence, la jeunesse du cœur et de l'esprit.
Tel était celui dont nous nous séparons, messieurs, l'ami, le collègue auquel nous venons rendre un dernier hommage de respectueuse gratitude. Vous comprenez notre douleur, nos déchirements.
Adieu, cher et vénéré doyen i Nous vous aimions comme un collègue affectueux et bienveillant ; nous vous écoutions comme un maître ; vous étiez pour nous un encouragement et un exemple ; vous étiez la personnification du dévouement et du devoir- Vous allez bien nous manquer !
Mais votre mémoire vivra dans l'administration des hospices; le souvenir s'y perpétuera de vos services, de vos bienfaits, de cette longue existence dont une pensée unique résume le but et semble avoir inspiré toutes les actions : « être utile ! »
(Edouard PONCELET, Charles Thiéfry, dans Biographie nationale de Belgique, Bruxelles, Académie royale de Belgique, t. XXIV, 1926-1929, col. 810-812
THIEFRY (Charles-Joseph) officier, homme politique, né à Antoing, le 10 mai 1796, mort à Bruxelles, le 10 mai 1878. Il embrassa d’abord la carrière des armes. Élève à l'école militaire de Saint-Cyr, il en sortit. en 1813, avec le brevet de sous-lieutenant au 59ème de ligne, et participa aux campagnes de 1813 et 18 14, au cours desquelles il fut blessé deux fois. Le 11 novembre 1814, il prit du service dans l'armée des Pays-Bas. passa dans la cavalerie et fut, en 1828, promu capitaine au 10ème lanciers. Il démissionna le 14 octobre 1830, quelques jours après la proclamation par le Gouvernement provisoire de l'indépendance des provinces belges, et renonça à la profession militaire.
Etabli à Tournai, il s'adonna aux études administratives et à la politique, vers lesquelles ses goûts le portaient ; en 1835, il fut nommé membre du conseil des hospices civils de Tournai, fonctions qu'il conserva pendant six ans. Il alla, ensuite, se fixer à Bruxelles, où la commission des hospices l'appela, dès 1848, à siéger dans son sein, et où il se fit remarquer par sa compétence et sa largeur de vue dans tout ce qui regardait la bienfaisance.
En 1848, les libéraux de l'arrondissement de Bruxelles l'envoyèrent à la Chambre des représentants, ; dès la première année de son mandat, il fut nommé questeur. Quatre fois réélu, il représenta, au Parlement, les électeurs bruxellois jusqu'en 1859. Il prit une part importante aux travaux parlementaires, appliquant tout spécialement son activité aux affaires de la défense nationale, notamment aux discussions des budgets de la guerre, réclamant une meilleure organisation de l'armée, le service de trois ans, des pensions militaires plus équitables. Il fut membre de la commission militaire de 1851, où il défendit des idées pleines de justesse et de clairvoyance au sujet du système défensif de la Belgique. Thiéfry avait beaucoup de loyauté, de franchise et de chaleur ; son style oratoire était vif et causa, un jour, un incident violent : un ancien ministre de la guerre provoqua Thiéfry en duel ; la Chambre intervint en comité secret et le président pur annoncer « que l'affaire était arrangée de manière sauvegarder la dignité de la représentation nationale. »
Lee questions relatives à l'assistance publique furent aussi l'objet d'études qui font honneur aux sentiments de Thiéfry : organisation de la colonie d'aliénés da Gheel, suppression des tours pour enfants trouvés, loi sur les établissements de bienfaisance. Partisan du Grand-Bruxelles, il défendit les mesures destinées à réaliser l'union des faubourgs à la capitale. Son élévation d'esprit est attestée par le discours qu'il prononça, le 11 juin 1853, à propos du projet de loi relatif à l'érection de la colonne du Congrès et de l'église de Laeken :
« Le projet de loi qui nous est soumis a pour but de perpétuer un hommage de reconnaissance aux auteurs de la Constitution, aux hommes qui nous ont légué les institutions les plus libérales qu'il y ait en Europe, et une Reine dont les vertus et la bonté ont excité une manifestation de regret jusque dans le plus petit village du pays. Il s'agit donc ici, Messieurs, d'une manifestation nationale, et chaque fois qu'il a fallu, en Belgique, donner, dans de grandes circonstances, des preuves d'attachement au pays, l'esprit de parti a entièrement disparu, toute division a toujours cessé... »
En 1859, Thiéfry déclina le renouvellement de son mandat. mais il continua se dévouer à la chose publique, au conseil général des hospices et secours et au conseil d'administration de l'Université libre.
Membre influent du parti libéral, ses avis étaient fort écoutés au sein des associations politiques. Il était officier de l'Ordre de Léopold.
De son mariage avec la comtesse de Fusco-Mataloni était née une fille qui épousa M. Auguste Malaise.