Tack Pierre, Amand catholique
né en 1818 à Courtrai décédé en 1910 à Courtrai
Ministre (finances) en 1870. Représentant entre 1854 et 1908, élu par l'arrondissement de Courtray(Extrait de : E. BOCHART, Biographie des membres des deux chambres législatives, session 1857-1858, Bruxelles, M. Périchon, 1858, folio n°92)
TACK Pierre-Amand
Né à Courtrai, le 18 décembre 1819,
Représentant, élu par l’arrondissement de Courtrai
De bonnes et sérieuses études conduisirent M. Tack du collège de Courtrai à l’université de Louvain, et il reçut son diplôme de docteur en droit devant le jury central à Bruxelles. Après avoir terminé son stage à la cour d'appel de Gand, le jeune avocat se fit inscrire au barreau de sa ville natale, où il plaida avec succès.
L'administration communale de Courtrai avait besoin d'un secrétaire actif et instruit qui pût l'aider dans ses nombreux travaux. Elle jeta les yeux sur M. Tack, qui accepta ces modestes mais importantes fonctions par dévouement à la chose publique. Les effets de cette nomination ne se firent pas longtemps attendre. Un ordre irréprochable et la plus parfaite régularité présidèrent à toutes les parties du service administratif. M. Tack ne se borna pas à surveiller activement et à régler tous les détails que comporte un secrétariat tel que celui de Courtrai. Les études préliminaires des questions à soumettre au conseil furent constamment préparées et élucidées par lui avant la discussion ; nous citerons comme preuve à l'appui son rapport sur la situation financière de Courtrai, et ses rapports sur l'administration des affaires de la ville, dont le dernier concerne l'exercice 1853-1854.
Les électeurs de Courtrai rendirent justice pleine et entière au talent et au noble caractère de M. Tack, en lui confiant, le 13 juin 1854, le mandat de représentant, qu'il n'avait nullement brigué ni ambitionné.
Aussitôt élu, M. Tack déclara que, voulant s'adonner tout entier à ses nouvelles fonctions, son intention était de se retirer de l'hôtel de Ville. Il n'y resta plus, en effet, que le temps nécessaire pour achever des travaux commencés, et il donna sa démission avant d'entrer au Parlement.
A la Chambre, l’honorable député saisit toutes les occasions de montrer combien les intérêts de ses concitoyens lui sont chers.
Dès la première année de son mandat, lors de la demande d’un crédit supplémentaire au département des travaux publics, il parla en faveur de l’agrandissement des locaux de la station de Courtrai.
A la session 1855-1856, dans la discussion du projet de loi sur les denrées alimentaires, il prononça un discours où furent remarquées ces paroles :
« Je ne connais pas, en matière d’économie politique, de principes absolus, exclusifs, inflexibles. L’expérience me démontre que les déductions les plus rigoureuses en théorie, sont parfois controuvées en pratique, renversées par des situations exceptionnelles, anomales, nées en dehors de toutes les prévisions humaines. »
Proposant ensuite un amendement tendant à la prohibition momentanée de la sortie des orges, il le vit accueillir favorablement par plusieurs de ses collègues.
Le budget des finances donna lieu, de sa part, à de nouvelles observations sur l'impérieuse nécessité d'agrandir les bâtiments de la station de la ville qu'il représente plus spécialement.
La concession de plusieurs chemins de fer lui fournit l'occasion de provoquer l'adhésion de la Chambre à la construction d'un chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai.
En 1856-1857, l'honorable M. Tack monte au bureau en qualité de secrétaire. Dans le cours de cette session, il gagne la cause de la station dont il n'avait cessé de demander l'achèvement.
Il obtient pour l'agriculture réduction de moitié des droits sur les tourteaux à l'importation.
Partisan de la liberté de l'enseignement, il se pose comme défenseur du jury central dans la question des examens de l'instruction supérieure.
Pendant la session de 1857-1858, M. Tack trouva de nouveau l'occasion de défendre les intérêts de l'arrondissement qu'il représente; il prit, en outre, part aux discussions qui s'élevèrent à la Chambre sur la réforme des dépôts de mendicité; sur les lois en vigueur en matière de domicile de secours; sur le mode d'exploitation du service des transports par les chemins de fer de l'Etat, et sur d'autres objets importants.
Durant cette session, des réclamations fort vives s'élevèrent dans la ville de Gand contre le rouissage du lin qui se pratique dans la Lys, spécialement aux environs de Courtrai. De l'industrie du rouissage dépend en partie la prospérité de toute l'industrie linière, dont la ville de Courtrai est le centre le plus actif. M. Tack fut l'un des membres du Parlement chargés par le cabinet d'alors de représenter cet intérêt si vital dans la commission qui avait pour but de procéder à l'examen des questions relatives au rouissage, et d'éclairer le gouvernement sur les points en litige. La commission le choisit dans son sein pour faire le travail important de la rédaction de ses procès-verbaux.
La dissolution de la Chambre ramena le consciencieux député devant les électeurs, et, malgré une vive lutte de partis, un nouveau mandat lui fut décerné, le 10 décembre 1857, en récompense de son zèle et de la franchise de ses opinions.
Mandataire du peuple dans toute l'acception de ce mot, l'honorable M. Tack, homme d'ordre et de progrès, que la majorité libérale a, selon la loi des partis, éloigné des fonctions de secrétaire, conserve au plus haut degré l'estime de ses collègues et de tout le pays il jouit à bon droit de la réputation noblement acquise de sincère et loyal représentant.
(Extrait du Nieuwe Rotterdam Courant, 26 avril 1908)
Exit le père Tack
Nous avons eu tout à l'heure une petite surprise qui fut presque une déception : le vieux monsieur Tack - il a près de 90 ans -, le doyen de nos ministres d'État et de nos députés, "papa Tack" comme chacun l'appelait de façon enfantine et en même temps protectrice ; le collègue respecté et aimé, malade depuis quelques mois, a fait un acte de sacrifice qui a dû lui demander beaucoup de courage et d'abnégation : plutôt que de faire perdre une voix à son parti, il démissionne, après plus de cinquante ans de mandat parlementaire, pour laisser la place à un certain M. Busschaert qui, mieux à même, le remplacera avantageusement.
Une déception. Même si nous commencions à nous habituer à son absence, c'est avec une certaine tristesse que nous pensons à ne plus le voir apparaître dans cette salle de réunion ; toujours l'un des premiers et jamais absent ; à contre-courant des habitudes démocratiques mal éduquées d'aujourd'hui, toujours vêtu d'un habit de soirée à l'ancienne et d'un nœud papillon blanc ; avançant sur ses jambes arquées, d'un pas court, vers sa place, où son corps s'enfonçait bientôt, et où, bientôt, son visage gris et rasé se nichait dans ses mains de vieillard frêle, s'endormant pour la sieste de midi que le bruit le plus intense ne devait pas perturber, sauf en cas de vote.
Un vrai "bon-papa" de cette grande famille, bon et enjoué, - qui cependant avait été un combattant redoutable dans les rangs catholiques, et qui se sentait parfois obligé de participer au combat. Ne l'avons-nous pas vu l'année dernière, quand il a été contraint de prononcer un discours incompréhensible pour tous ? Une impression douloureuse que ses meilleurs amis n'ont pas pu nous épargner. M. Tack était un têtu de la Flandre occidentale, attaché à ses convictions, même les moins appropriées.
Maintenant, il s'en va. On a réussi à le convaincre de passer le flambeau à un nouveau venu ; et... papa Tack quitte la scène. Puise-t-il longtemps encore dans ses souvenirs : celui qui a combattu vaillamment mérite un repos long et doux.
Maintenant, je crois que c'est M. Beernaert qui devient le doyen de la Chambre. Avec une éternelle jeunesse d'esprit, avec une force de travail inaltérée qui lui est propre, il ne cédera pas si facilement ce titre honorifique à son successeur - n'est-ce pas M. Woeste ? - Il l'a dit récemment : "Je ne mourrai que par inadvertance." Et on sait combien M. Beernaert est attentif à tout !
(Extrait du Courrier de l'Escaut, du 11 avril 1910)
Mort de M. Tack, ministre d'Etat
Courtrai, 11 avril. M. Tack, ministre d'Etat, est décédé ce matin.
Le vénérable défunt était Courtrai le 18 décembre 1818. Il était donc âgé de 91 ans.
Après ses études, il avait passé brillamment son examen de docteur en droit et s'était fait inscrire au barreau de Courtrai.
En 1848 il fut nommé secrétaire communal et en 1863 conseiller communal de Courtrai : il compta parmi ceux qui coopérèrent le plus aux résultats des élections de 1866, qui donnèrent à la ville un conseil exclusivement catholique. M. Tack fut appelé aux fonctions d'échevin des finances le 1er janvier 1867.
Le 13 juin 1854 l'arrondissent de Courtrai le choisit comme l'un de ses mandataires et l'envoya siéger au Parlement. Depuis cette époque déjà reculée, il sut justifier la confiance de ses électeurs et son mandat lui fut toujours conservé.
La longue carrière parlementaire de M. Tack a été des plus fécondes ; toujours sur la brèche, il n'est pour ainsi dire pas de discussion à laquelle il n'ait pris part. La création de plusieurs voies ferrées indispensables à son arrondissement, les lois sur les denrées alimentaires, sur le domicile de secours, sur l'enseignement supérieur, moyen et primaire, sur le temporel des cultes, sur la fondation des bourses d'études, sur les distilleries, sur la brasserie, sur la mise à la retraite des magistrats, les lois électorales, fiscales et financières, les lois décrétant des travaux publics, instituant une caisse général d'épargne et de retraite, établissant un impôt sur le tabac, les traités de commerce, sans oublier les questions relatives à la réduction des droits frappant les produits agricoles, les industries textiles et les éternelles discussion concernant l'Espierre; toutes ces diverses matières occupèrent tour à tout l'infatigable activité de ce vétéran de notre Parlement.
Après les élections de 1870. M. le baron d'Anethan. chargé par le Roi de constituer un nouveau cabinet. confia à M. Tack le portefeuille du département des finances. Il se retira bientôt et fut remplacé par M. Jacobs.
Pendant session de 1856-1857, M. Tack avait été' nommé secrétaire de la Chambre ; 1858 ramenant le parti libéral au pouvoir, il ne reprit pas ces fonctions. En 1871, il fut appelé 'au bureau en qualité de premier vice-président et occupa ce poste jusqu'en 1878. Lors du retour aux affaires du parti catholique, en 1884, ses collègues de la Chambre l'élevèrent à la première vice-présidence.
M. Tack fut durant de longues années président de l'Association catholique et constitutionnelle de l'arrondissement de Courtrai.
M. Tack était ministre d'Etat depuis le 9 novembre 1897. Il avait délaissé son siège à la Chambre en 1908 en raison de son grand âge.
Le défunt était Grand-Cordon de l'Ordre de Léopold.
(Extrait du Courrier de l'Escaut, du 13 avril 1910)
Pierre Tack
La Belgique catholique s'associera unanimement au deuil qui vient de frapper l'Association catholique de Courtrai. Nous tenons particulièrement ) adresser à celle ci l'expression de nos plus sympathiques et chrétiennes condoléances.
Nous n'avons pas oublié que, durant les longues années où les catholiques du Tournaisis ne possédèrent pas de représentants de leur opinion au Parlement, Pierre Tack se mettait volontiers à la disposition de ses voisins de Tournai, comme il nous appelait aimablement. II eut ainsi l'occasion de nous rendre de signalés services ; le sentiment de la reconnaissance est mêlé dans nos cœurs à celui de la vénération lorsque nous rendons un dernier hommage à l'illustre vétéran de nos luttes politiques.
Nous avons rappelé brièvement la belle carrière administrative de M. Tack. Nous nous reportons aujourd'hui au spectacle inoubliable que donnèrent les deux Chambres lorsqu'en 1904, elles fêtèrent, sans distinction de parti, le cinquantenaire parlementaire du représentant de Courtrai :
"Votre belle et noble carrière, toute de travail, d'honneur et de loyauté, déclara Schollaert, alors président de la Chambre, s'est déroulée au grand jour de la vie publique, sous les yeux de la nation reconnaissante. Vous avez vu notre chère patrie se développer et grandir, vous avez pris part à ce développement, toujours à votre poste, toujours à la hauteur de vos devoirs.
" Enfant, vous aviez vu naître notre indépendance ; député, vous avez participé à la célébration du 25ème, puis du 50ème anniversaire de cette indépendance. Dans un an vous en fêterez avec nous le 75ème.
" Vous être parmi nous le témoin d'événements. glorieux et lointains et, chose merveilleuse, ce témoin reste toujours jeune. Oh ! conservez de longues encore cette grande vigueur, cette claire intelligence, cette laborieuse activité."
Et M. le comte de Mérode, président du Sénat, fit du jubilaire ce bel éloge, que ratifia toute l'assemblée :
"Vous vous destiniez à une autre carrière ; vos amis vous ont porté candidat malgré vous ; vous avez été élu avec un étonnement qui donnait la mesure de votre modestie, vous êtes resté avec un dévouement digne de vos talents.
" Certes, il n'y a pas de grande discussion qui vous ait jamais laissé indifférent ; mais à côté de la politique et avec cet esprit pratique, qui fut dominante de votre activité parlementaire, vous vous êtes attaché avec autant de lucidité que d'opiniâtreté à l'étude des questions économique. Sans doute, tous les grands intérêts d'ordre moral vous les avez discutés; mais il vous paraissait que, pour être complet, un parlementaire devait être doublé d'un administrateur législatif, si ce mot m'était permis; et sans vous attarder aux mesquines détails et aux petites questions, vous avez envisagé de face les grands intérêts matériels du pays.
" Les questions financières les plus ardues comme les choses fiscales les plus difficiles, vous en abordez l'étude avec la sérénité du travailleur de longue haleine. avec cette clarté du spécialiste qui ont fait, tant de fois, déférer à vos soins la préparation de nos discussions les plus compliquées.
" Toujours prêt, toujours allègre et ardent, vous le fûtes et vous l'êtes. La bataille gagnée, jamais vous ne perde de temps à vous en enorgueillir et, en cas de défaites, - combien rares, du reste, - le jour même, immédiatement, vous reprenez votre travail, vous réparez les brèches, vous forgez de nouvelles armes.
" 'Vous nous avez montré le. Justum ac tenacem propositi virum
Tel était bien M. Tack : Toujours prêt, toujours allègre et ardent.
La vie de ce grand citoyen fut pour tous les catholiques un enseignement et un exemple. Nous pouvons être fiers de compter dans nos rangs des hommes aussi vaillants. Aussi sa mémoire restera en vénération parmi nous. Il est parti, chargé d'ans et de mérites, réconforté par les Sacrements de l'Eglise. Nous avons la confiance que le Souverain Juge a accueilli avec miséricorde son fidèle serviteur. En tout cas, notre devoir est tout tracé en ce jour de deuil : souvenons-nous de celui qui s'est dévoué pour l'honneur et le triomphe de notre drapeau ; ne lui marchandons pas nos pieux suffrages au seuil de son éternité.