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Sigart-Goffin Joseph (1798-1869)

Portrait de Sigart-Goffin Joseph

Sigart-Goffin Joseph libéral

né en 1798 à Mons décédé en 1869 à Ixelles

Représentant entre 1839 et 1848, élu par l'arrondissement de Mons

Biographie

(Extrait de : A. COUNSON, dans Biographie nationale de Belgique, t. XXII, 1914-1920, col. 390-393)

SIGART (Joseph-Désiré), médecin, philologue, né à Mons, le 3 septembre 1798, mort à Ixelles, le 15 avril 1869. Il figure à côté de Forir dans l' Histoire de la philologie romane de Grober, parmi ceux qui ont recueilli, du temps de Mistral, les trésors linguistiques des patois romans.

Né à Mons, il connut dans son enfance le wallon montois (comme il le nomme), le latin de l'école et de l'église, et le français des conquérants. « Jusqu'à 1'époque de l'Empire français, raconte-t-il, toutes les études humanitaires se faisaient en latin. Dans ma jeunesse, les collèges entre les mains du clergé imposaient le latin dès ce qu'on appelait la grammaire, "c'est-à-dire après deux ans. Même en récréation, on ne pouvait parler qu’en latin : au collège dit de Saint. Ghislain ce régime dura jusqu'en 1810 ou 1811. Le premier surpris en flagrant délit de causerie française ou patoise recevait le signum, mais avait le droit de le transmettre à quiconque se rendrait coupable de la même faute. Le dernier détenteur à la fin de la journée était passible d'un pensum. ». Joseph Sigart faisait ses classes dans l'Empire français qui francisait Mons autant et plus que « Hambourg, Amsterdam, Turin et Rome. » (Lui-même compare ce phénomène à la romanisation de la Gaule).

Ce Hennuyer qui avait reçu une éducation linguistique comparable à celle de Montaigne, étudia la médecine, apprit l'allemand, et fit un séjour dans le Palatinat ; il retrouvait dans le parler allemand d'une servante à Crentznach, les accentuations du patois de Mons ! Il avait donc le goût de la linguistique comme l'ont souvent les polyglottes qui ont commencé par parler un patois. De plus, son métier le mettait en rapports quotidiens avec des gens du peuple qui ne comprenaient d'autre idiome que celui de leur mère, Docteur en médecine, il publiait en 1857 un volume de 302 pages in-8° : Essai sur les asthénies (Bruxelles, J.-B. De Mortier). Il était consulté par des gens de divers langages : il se divertit beaucoup un jour qu'une lavandière voulut lui servir d’interprète auprès d'un client de famille française habitant Jemmapes. Ces gens, disait la bonne femme, étaient des espèces de Flamands.. Pour un illettré hennuyer de ce temps, le français était donc une langue étrangère, d’une acquisition difficile. Un demi-siècle avant Mr Dauzat, J. Sigart a observé l'interpénétration de la langue écrite et de l'idiome vulgaire. « Le montois, dit-il, croit souvent parler français quand il ne fait que donner une forme française à son patois ; par contre, quand il croit parler wallon, souvent il parle réellement le français populaire. »

Pour le docteur Sigart, la connaissance du montois est utile aux médecins, aux botanistes, aux avocats obligés de plaider des procès de charbonnages. Elle présente, en outre, un intérêt historique. Voici comment il conçoit l'origine et le caractère du wallon montois : « Les patois wallons en général, et celui de Mons en particulier, ne sont autre chose que le vieux français, ou, plus exactement, le vieux patois d'oïl un peu nuancé, puis par l'effet du temps un peu altéré. Ce vieux patois lui-même s'est compose de plusieurs couches : celtique d'abord, latin ensuite, puis tudesque, Des trois couches, la couche latine domine sans contestation possible ». Sigart avait lu Augustin Thierry et Charles Nodier, Raynouard, Diez et Fuchs, Ampère et Littré, Ducange, Ménage et Scheler, Cambresier et Grandgagnage, Diefenbach et Pictet, et jusqu'à Manuel de Larramenti. Sous le patronage de la Société des Sciences, des Arts et des Lettres du Hainaut, dont il était membre correspondant, il publia en 1866 son Dictionnaire étymologique montois ou Dictionnaire du wallon de Mons et de la plus grande partie du Hainaut (Bruxelles et Leipzig, Emile Flatau) qui, fut remis en vente avec un titre nouveau portant : : deuxième édition (Bruxelles, Classen, 1870). Un Supplément au Glossaire montois avait paru en 1868 à Mons, chez Dequesne-Masquiller (18 p. in-8°), Le lexicographe avait pris pour épigraphe une phrase de Charles Nodier : « Si les patois étaient perdus, il faudrait créer une académie spéciale pour en retrouver la trace. »

Mais les travaux des académies et cénacles provinciaux s'éteignent sans bruit. Bruxelles est le seul endroit sonore ; et la politique est la seule pensée nationale. Le docteur J. Sigart, représentant pour l'arrondissement de Mons de 1839 à 1848, avait prononcé à Chambre, en décembre 1846, des paroles qui indignèrent les écrivains flamands et excitèrent la Muse de Ledeganck de Th, Van Ryswyck. Le naïf J. Sigart s'était demandé si « la race flamande serait d'une nature inférieure comme les races africaine et américaine. » Cette seule balourdise fit plus de bruit que toutes les œuvres du médecin lexicographe par la suite. Ledeganck riposta par un poème malheureusement inachevé, dont on a retenu le titre : « Vlaming heeft geen taal. » Loin d’exprimer la pensée de Ledeganck, cette phrase est placée dans la bouche des insulteurs du peuple flamand (Sigart, pour ne pas le nommer) :

Zy spraken in hunn' overmoed :

« Dat volk is sleecht tot arbeid goed

........

Waertoe zou zielsgevoel ‘t verrukken ?

Heu mist de magt om ‘t uit te drukken :

De Vlaming heeft geen taal ! »

En zulk een ongehoord verwyt

Doordrong des Vlamings hert van spyt.

Le député montois qui, sans le vouloir avait contristé nos écrivains flamands, avait simplement en matière linguistique et littéraire une opinion qu'il a exprimée un peu plus clairement dans sa dissertation sur le wallon montois, en tête de son Dictionnaire : « Le montois, écrit-il, a tous les défauts des langages qui ne sont parlés ni dans les cours, ni dans les tribunaux, ni dans les assemblées législatives. Faites du wallon la langue politique du pays, répudiez le français, bientôt le wallon deviendra une langue polie qui assurera sa littérature. Ce serait même le seul moyen d'en avoir une, à moins encore d’adopter le flamand. L'une des choses est aussi impossible que l'autre, nous devrons donc nous résigner à être privés de littérature nationale. Notre langage restera patois. Le flamand, qui a été autrefois une langue cultivée, est déjà déchu, probablement se dégradera de plus en plus, malgré les honorables efforts de quelques littérateurs thiois. Que mes compatriotes flamands me le pardonnent, ce que je dis ici est général. Tout ce qui n’est que dans la bouche du peuple se flétrit et s’abaisse. La romance gracieuse du salon se souille si elle descend dans la rue. Les flamands et les wallons subissent un sort commun. » Et le médecin philologue, pour faire ressortir la verve obscène à laquelle se prêtent les patois, raconte une scène à laquelle il a assisté dans une ferme wallonne.