Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Rodenbach Alexandre (1786-1869)

Portrait de Rodenbach Alexandre

Rodenbach Alexandre catholique

né en 1786 à Roulers décédé en 1869 à Rumbeke

Représentant entre 1831 et 1868, élu par l'arrondissement de Roulers Congressiste élu par l'arrondissement de Roulers

Biographie

(Extrait de : V. FRIS, dans Biographie nationale de Belgique, t. XIX, 1907, col. 585-590)

RODENBACH (Alexandre), homme politique, publiciste et philanthrope, né à Roulers, d'une famille originaire du grand-duché de Hesse, le 28 septembre 1786, décédé à Rumbeke le 17 août 1869.

Il était le second fils de Jean Rodenbach et le frère de Ferdinand, de Constantin-François et de Pierre.

Alexandre perdit la vue à l'âge de onze ans, et c'est en vain que son père, notable négociant de Roulers, le soumit à quatre opérations des meilleurs oculistes de l'époque, dont le célèbre Dubois, chirurgien de Napoléon. Il fut élevé à Paris au Musée des Aveugles, fondé et dirigé par Valentin Haüy. Doué d'une énergie et d'une ténacité à toute épreuve, Rodenbach entendit s'initier à ces arts que son malheur semblait lui interdire : la danse, l'équitation et la natation. Il s'appliqua particulièrement à développer l'acuité de ses sens, et Haüy le compta bientôt parmi ses meilleurs élèves. Aussi lorsqu'en 1807 1e roi Louis de Hollande demanda à l'illustre protecteur des aveugles un de ses disciples pour propager sa méthode à l'école d'Amsterdam, Haüy lui envoya Rodenbach, qui réussit d'autant mieux dans cette tâche que sa connaissance du néerlandais lui facilitait considérablement l'enseignement. Vers 1810, il rentra à Roulers où il se consacra à l'industrie et au commerce de ses parents. En 1828, il publia sa Lettre sur les aveugles, faisant suite à celle de Diderot, et l'année suivante son « Coup d'œil d'un aveugle sur les sourds-muets » ; il reprit plus tard ce dernier sujet dans « Les aveugles et les sourds-muets » (1853) qui eut deux ans après une seconde édition.

En 1829, Rodenbach prouva, contre Dewez et de Barante, que c'est à West-Roosebeke, au pied du Keyaertsberg, que Philippe Van Artevelde fut battu et tué. Puis il publia sa « Notice sur la phonographie ou langue musicale télégraphique », et quelque temps après ses « Notices historiques et géographiques sur la ville de Roulers ».

Vers 1826, l'opposition catholique avait redoublé ses attaques contre le gouvernement du roi Guillaume, particulièrement à propos des lois sur l'enseignement. Dès le début, Alexandre et Constantin Rodenbach collaborèrent activement au « Catholique des Pays-Bas » et contribuèrent au mouvement pétitionnaire. « L'Aveugle de Roulers », c'était le nom sous lequel on désignait Alexandre fit de cette ville un foyer du pétitionnement. Au premier bruit de la révolution, tandis que son frère Pierre courait à Bruxelles pour y organiser un corps de volontaires, Alexandre entretint l'agitation dans la West-Flandre. Durant les journées de septembre, il se rendit avec Ferdinand à Lille, où, de concert avec Barthélemy Dumortier, il convoqua une assemblée des bannis (27 septembre 1830). Tandis que Pierre Rodenbach ramenait Louis de Potter à Bruxelles, Alexandre retournait à Bruges où il organisa la révolution avec Adolphe Bartels. Il y provoqua la débandade de la garnison hollandaise par sa proclamation enflammée adressée aux sous-officiers de l'armée, et colportée dans les casernes par des marchands de toiles.

Le 4 novembre, les habitants de Roulers l'envoyèrent siéger au Congrès National, avec Constantin son frère. Aux élections suivantes, il fut élu député et siégea à la Chambre jusqu'en mai 1866.

Au Congrès, Alexandre soutint vivement le projet d'expulsion des Nassau présenté par son frère. Tous deux votèrent pour le duc de Leuchtenberg, puis appuyèrent la politique hésitante du Régent. En 1831, tandis que Constantin donnait sa voix à Léopold de Saxe-Cobourg, Alexandre refusa de voter pour ce prince « convaincu, disait-il, qu'il a trop d'honneur pour vouloir accepter la couronne aux conditions humiliantes de la Sainte-Alliance Il. Plus tenace que son frère, qui approuva les dix-huit articles, il signa la protestation du 29 juin 1831 et vota contre la violation de l'intégrité du territoire. On voit que Rodenbach déploya une grande activité parlementaire.

Plus tard, il contribua puissamment à l'érection d'un Institut d'aveugles et de sourds-muets à Bruxelles, où, il fit adopter ses perfectionnements au système de Haüy. Protecteur tout désigné des aveugles et des sourds-muets, il introduisit dans la discussion de la loi communale un amendement qui oblige les conseils communaux à porter annuellement au budget de leurs dépenses des frais d'entretien et d'instruction pour les aveugles et les sourds-muets indigents.

Après la réorganisation des universités de l'Etat à Liége et à Gand (27 septembre 1835), ce fut Alexandre Rodenbach qui négocia la translation de l'université catholique, fondée à Malines en 1834, à Louvain (1er décembre 1835). Le 27 décembre 1841, il perdit son frère Ferdinand (né le 3 mai 1773)., commissaire depuis dix ans de l'arrondissement d'Ypres ; en 1846, Constantin, ambassadeur à Athènes ; en 1848, Pierre, capitaine retraité. Ces deuils n'abattirent pas son énergie. Comme bourgmestre de Rumbeke, il rendit d'immenses services à toute la population du district durant les désastreuses années de 1846 à 1847, où la famine et le typhus décimèrent la Flandre. A la Chambre, Alexandre appuya l'abolition du timbre des journaux et demanda la réduction de leur port à un centime et de celui des lettres à dix centimes. A cette époque, il fut nommé membre de la commission supérieure d'agriculture du royaume.

En octobre 1855, l'Institut impérial des Jeunes Aveugles à Paris organisa une grande fête en son honneur, et il y prononça devant ses jeunes compagnons de malheur un discours plein d'encouragements. Le 10 août 1861, il représenta la Belgique à l'inauguration de la statue de Haüy, à Paris.

En 1858, un incident pénible, que son auteur aurait pu éviter, vint brouiller Rodenbach avec un de ses anciens amis, comme lui un zélé philanthrope. J. Cappron, directeur de, l'Institut des sourds-muets à Anvers, avait composé un ouvrage flamand, base principalement sur l'ouvrage de M. de Gérando, « Mémoires sur l'instruction des sourd muets » (Paris 1827), et l'avait dédié à Rodenbach. L'abbé C. Carton, de Bruges, crut y voir un plagiat, et accusa l'auteur d'indélicatesse littéraire dans une lettre étrange, à laquelle l'aveugle de Roulers répondit le 30 mars 1858. Carton répliqua aigrement en insinuant que Rodenbach n'était pas au courant de ces questions. Cappron intervint à son tour dans le débat et prouva que Carton, dans son « Mémoire couronné de l'Académie de Belgique », avait lui-même beaucoup emprunté à de Gérando. La querelle en resta là.

C'est aussi vers cette époque que Rodenbach eut un entretien curieux à Lille avec le célèbre sourd-muet Jean Massieu, directeur d'une institution pour aveugles à Lille.

De bonne heure le grand philanthrope, qui jouissait de l'estime générale de ses concitoyens, excita aussi l'admiration de l'étranger. Sa ténacité, son énergie dans le malheur, sa vaste intelligence lui avaient créé une renommée européenne et de toutes parts des visiteurs venaient solliciter de lui un entretien dans son modeste village de Rumbeke. En 1835, il avait obtenu la Croix de fer et fut nommé, en 1854, officier de l'ordre de Léopold. Cette même année, il reçut les décorations de Saint-Michel de Bavière, du Danebrog, de Wasa, du Christ du Portugal et de la Rose du Brésil. L'année suivante, l'Espagne le nomma commandeur de l'ordre de Charles III et le pape le créa chevalier de Saint-Grégoire le Grand. En 1856, il fut nommé chevalier du Medjidié de Turquie, de Saint-Maurice de Sardaigne, de Saint-Georges de Parme, du Sauveur de Grèce, de François Ier des Deux-Siciles ; Napoléon III lui accorda la croix de la Légion d'honneur.

Alexandre Rodenbach, par ses hautes qualités, fut une des plus belles figures de la Belgique indépendante. Sa vie dira à tous les déshérités de la nature ce que peut la volonté, même contre la plus malheureuse des infirmités. Son nom, inséparable de ceux de Haüy et de Braille, sera honoré comme celui d'un bienfaiteur de l'humanité.

Son œuvre posthume, « Aide-Mémoire de l'aveugle de Roulers », fut publiée à Merchtem en 1870 par son neveu, Félix Rodenbach, alors receveur de l'enregistrement à Ixelles (né à Roulers en 1827, vivant à Bruges), qui écrivit plusieurs ouvrages sur les droits d'enregistrement.