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Pirmez Jean (1795-1864)

Biographie

(Extrait de : C. LYON, dans Biographie nationale de Belgique, t. XVII, 1903, col. 615-619)

PIRMEZ (Jean), homme politique, né le 13 octobre 1795, à Châtelineau (lieu-dit : La Franche Chambre), y décédé le 11 septembre 1864. Fils de Fr-.Edouard-Jos. Pirmez, ancien élève du collège des Oratoriens de Thuin, maire de cette commune, et de Rosalie Wyart, il était l'aîné d'une famille de huit enfants, dont une fille. C’est à son aïeul paternel, Edouard Pirmez, époux de Marie-Josèphe Lorent (nièce de Mr Lorent-Mellerio, d'Anvers) qu’on doit faire remonter l'élévation des membres de cette famille. C’est à son intelligence commerciale et à son labeur qu'ils doivent la haute situation de fortune dont n'ont cessé de jouir ses descendants.

Jean Pirmez n'avait guère qu'onze ans lorsque, par suite de la mort du chef de la famille (7 mars 1806), enlevé à l’âge de trente-neuf ans, sa mère resta veuve avec ses huit enfants en bas âge. Elle avait trente-six ans ; la situation était grave ; mais c'était une femme de caractère et d'intelligence. A la suite des bouleversements politiques et des guerres de la fin du XVIIIe siècle et du commencement du XIXe, les établissements d’instruction manquaient totalement dans la contrée. Mme Edouard Pirmez fit donc faire à son fils des études privées, et l'envoya ensuite suivre les humanités au collège de Namur, puis les cours de droit à Louvain. Jean Pirmez avait à peine vingt-trois ans lorsqu' il fut nommé maire de Châtelineau, fonctions qu'il exerça jusqu’en 1825. En cette année 1818, les électeurs l'avaient encore désigné pour aller siéger aux Etats provinciaux et ils le réélurent en 1820, 1826 et 1829.

Survinrent les luttes de 1830. Pirmez joua, dans sa région un rôle marquant. Dès le 24 septembre, avec ses frères cadets Victor et Benjamin, ils réunissent des volontaires parmi les citoyens de Châtelet et de Châtelineau et se mettent à la tête du mouvement révolutionnaire. On n'avait pas de cocarde politique ; le temps pressait ; Mme veuve Jean-Bernard Lyon, dont le beau-frère, l'avocat Jérôme-Adrien avait été, en 1790, à, la tête des patriotes liégeois, en possédait une caisse ; elles étaient aux couleurs liégeoises ! Qu’importe ! les frères Pirmez les demandent instamment ; la bonne patriote les leur donne et l'on voit les premiers révolutionnaires de 1830, au pays de Châtelet, marcher avec des cocardes aux couleurs liégeoises à la boutonnière, une révolution suivant l'autre à quarante ans de distance ! Ces hommes sont armés de fusils, de fourches, de piques, de tout ce qu'ils ont pu trouver pouvant service d'arme. Les frères Pirmez, pleins d’enthousiasme, les conduisent, tambour battant, à Marcinelle ; c'est là, dit-on, que doivent passer les Hollandais venant de Philippeville, où ils étaient casernés, pour secourir la garnison de Charleroi.

Son frère Victor, bien qu'ayant fait de la garde d'honneur du roi Guillaume 1er des Pays-Bas, bien que récemment marié, - il avait épousé le 1er juin, à Gosselies, Melle Amélie-Ferdinande-Catherine-Joséphine Drion, - organisa, sous l'énergique impulsion de Jean Pirmez, un corps franc, avec le patriotique concours de Leclercq et Wilmar, grand industriel métallurgiste de Châtelineau.

Député au Congrès national, Jean y siégea pendant toute la session et prit part aux principaux votes qui devaient consolider l'indépendance de la patrie. Son frère Sylvain lui avait été adjoint comme suppléant. Aux élections générales de 1831, il reçut une nouvelle marque de l'estime des électeurs de l’arrondissement de Charleroi, qui le désignèrent pour la Chambre des représentants, et ce mandat, renouvelé en 1835, le fut constamment jusqu'en 1856, époque où, par suite de son âge, - il avait alors soixante et un ans, - et pour favoriser l'accession à la vie politique de son neveu Eudore Pirmez, il renonça à la carrière parlementaire, après avoir su, pendant un quart de siècle, avec un tact et une intelligence remarquables, concilier les intérêts généraux de la Belgique et les intérêts locaux si graves, si multiples l'arrondissement de Charleroi, l’un des centres industriels et agricoles les plus considérables du pays.

Il appartenait à l'opinion libérale modérée.

Nommé chevalier de l'Ordre de Léopold le 13 mai 1843, Jean Pirmez fut promu grade d'officier, au moment de sa retraite, le 19 juillet 1856. Dès lors et jusqu'à sa mort, il vécut retiré dans sa maison patrimoniale où était mort son frère Auguste, célibataire comme lui, et où mourut longtemps après, sa sœur, Melle Hyacinthe Pirmez, femme d'un grand esprit philosophique, d'une éducation soignée, d'une bienfaisance inlassable, qu'entourait l'estime de toute la population.

Jean Pirmez était le véritable type des anciens parlementaires : sérieux, droit, rigide, sévère pour lui-même, tolérant pour les autres, scrupuleux à l'excès, ne s'inspirant que des idées les plus élevées et ne connaissant jamais les préoccupations personnelles. « Dès le début de sa carrière politique, dit Albert Nyssens dans sa biographie d'Eudore Pirmez, il s'efforça de propager les idées économiques. Il défendit toujours et des premiers, dans notre Parlement, les principes de la non-intervention de l'Etat et de la liberté commerciale. Les questions monétaires lui étaient familières ; il les traitait avec une compétence et une autorité que nous retrouverons, quelques années plus tard, chez son neveu Eudore, qui devait continuer si brillamment, à la Chambre des députés, les traditions de sa famille. »

Jean Pirmez s'est chargé de préciser lui-même sa situation parlementaire si personnelle, dans une lettre qu'il écrivait, le 26 février 1847, au comité de l'Association libérale de Charleroi : « Les électeurs connaissent assez mes opinions, par ma vie publique de près de trente années, pour que je sois dispensé de répondre aux questions de principe sur lesquelles votre lettre veut que je m'explique... Il me serait impossible de me soumettre à rien qui eût l'apparence d'un mandat impératif, soit direct, soit indirect. Mais j'accepterai indistinctement tous les suffrages électoraux auxquels il ne serait attaché aucune condition et qui me laisseraient ainsi toute mon indépendance parlementaire que j'ai par-dessus tout à cœur de conserver. » Tel fut aussi l’idéal politique de son neveu Eudore, à l'éducation duquel il prit une part considérable et dont il fut vraiment le père et le parrain dans sa carrière politique.

Le livre d'or de la Croix de fer porte cette mention : « Il contribua, par son patriotisme persévérant, à affranchir le pays de la domination étrangère et à constituer l'indépendance nationale. »