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Partoes Joseph (1811-1858)

Portrait de Partoes Joseph

Partoes Joseph, Jean-Baptiste, Ghislain libéral

né en 1811 à Bruxelles décédé en 1858 à Bruxelles

Ministre (travaux publics) entre 1857 et 1858

Biographie

(Extrait de l’Indépendance belge, du 13 octobre 1858)

Nécrologie.

C'est sous l'empire de la plus douloureuse impression que nous annonçons à nos lecteurs une bien triste nouvelle qui nous arrive à l'instant même. M. Ghislain-Joseph Partoes, ministre des travaux publics, est mort aujourd'hui mardi, à onze heures.

Depuis quelques mois déjà la santé de M. Partoes était un peu ébranlée. A l'époque où se discutait le budget de son département à la Chambre, pendant la dernière session, il avait été atteint d'une jaunisse. Esclave de son devoir, le ministre négligea les soins que réclamait son état, pour se rendre chaque jour au Parlement et aggrava ainsi son mal. Depuis lors, bien qu'ayant pris un peu de repos, pendant le mois d'août, il n'avait pu parvenir à se remettre entièrement. Il reprit, d'ailleurs, trop promptement encore ses travaux, et, il y une huitaine de jours, une rechute le força à se remettre au lit. Avant-hier, néanmoins, rien ne faisait prévoir une issue fatale et surtout aussi prompte ; mais, hier, son état empira. Le délire s'était emparé de lut. Ce matin il fut administré, et, quelques heures après, il rendait le dernier soupir, à peine âgé de 48 ans.

Cette mort prématurée causera dans tout le pays, et surtout à Bruxelles, l'émotion la plus vive. M. Partoes était un de ces hommes trop rares qui cachent sous une grande modestie, une capacité remarquable. Poussant l'honnêteté jusqu'à ses plus extrêmes limites, à la fois bienveillant et ferme, obligeant et sûr, rompu aux affaires, apportant dans toutes les fonctions administratives qu'il a successivement occupées, un esprit lucide ct éminemment pratique, un zèle infatigable, un dévouement à toute épreuve, il était, on peut le dire avec vérité, aimé, estimé et respecté de tous ceux qui l'approchaient.

Peu de fonctionnaires ont eu une carrière plus utile et mieux remplie que celle de M. Parloes. Commis au ministère de l'intérieur dès 1830, il se fit remarquer dans cette position modeste par son aptitude el son activité. II ne tarda pas, toutefois, à échanger ccs occupations sédentaires contre une vie qui convenait mieux à ses goûts et la portée de son esprit : en 1833, sous le premier ministère de M. Ch. Rogier, il fut chargé d'une mission commerciale et d'exploration autour du monde. Bientôt après, il fut appelé au poste important de consul de Belgique à Smyrne, poste qu'il occupa avec une véritable distinction pendant plusieurs années. Ce fut pendant cette période de sa carrière administrative qu'il publia divers travaux ayant trait aux fonctions dont il était revêtu, travaux dont le mérite fut apprécié comme il devait l’être par tous les hommes compétents. M. Partoes en fut récompensé par sa promotion au grade de consul général.

A l'époque de la retraite du ministère de 1840, M. Veydt, chef de la direction des consulats et du commerce extérieur au département des affaires étrangères, ayant renoncé à ces fonctions, M. Partoes fut, en décembre 1841, désigné pour le remplacer. Il se montra à la hauteur de cette mission nouvelle el la conserva pendant près de dix années, jusqu'à son entrée au ministère des travaux publics en qualité de secrétaire général. Tout le monde a pu juger du talent, du zèle et de l'abnégation déployés par M. Partoes pendant tout le temps qu’il a rempli le rude labeur imposée au secrétaire général de cet important département ; rien ne lui coûtait pour remplir sa tâche, ni les soins, ni les veilles, ni le sacrifice même de sa santé et de ses intérêts personnels. Il le prouva à son pays le jour où, faisant violence à la modestie de son caractère et de ses habitudes, il consentit à accepter le portefeuille ministériel qui ne pouvait être remis en de plus habiles ni en de plus nobles mains. D'abord ministre intérimaire, il attesta sa capacité hors ligne par l'impulsion énergique qu'il imprima aux affaires de son département ; devenu ministre en titre, il se révéla au sein des Chambres avec toutes les qualités pratiques qui font le véritable homme d'Etat. Et C'est au moment où nous allions devoir à son initiative des réformes qui eussent laissé une trace ineffaçable de son passage aux affaires, que la mort vient l'enlever à l'affection de sa vénérable mère et de ses concitoyens.

La Belgique perd en M. Partoes un fils dévoué; il avait combattu pour la rendre libre en 1830 ; il eu l’honneur de lui consacrer toute son existence. Elle ne l'oubliera pas.

M. Partoes était officier de l'Ordre de Léopold, commandeur de la Légion d'honneur, de l'Aigle-Rouge de Prusse, de Charles III d'Espagne, et de François let des Deux-Siciles. Il avait été en outre décoré dé l'Ordre impérial de Medjidié (deuxième classe).


(Extrait de l’Indépendance belge, du 15 octobre 1858. Discours de Charles Rogier, ministre de l’intérieur, prononcé lors des funérailles de Partoes)

« Encore quelques instants et nous allons être séparés pour toujours, sur cette terre, de l’ami, du collègue, du fils dévoué que tout le monde aimait et honorait, du fonctionnaire éminent dont le pays entier ressent et déplore la perte prématurée. Le triste privilège de porter la parole, pour rendre un dernier hommage à celte existence si bien remplie et si tôt tranchée, a été déféré au collègue qui, après l'avoir connu et apprécié au début de la carrière, l'avait suivi avec un fraternel intérêt dans les diverses phases de sa vie toute de labeur et de dévouement, jusqu'au jour où il le vit occuper avec lui, dans les conseils de la Couronne, un poste qu'il a gardé avec honneur, où il a succombé non sans laisser attaché à son nom un éclat qu'il ne cherchait pas.

« Pour accomplir ce pieux devoir, nous tâcherons de faire violence à la douleur qui nous accable, et qui nous laisse bien au-dessous de notre tâche, bien au-dessous des mérites de l'homme modèle que nous pleurons.

« Celui qui vient de nous être si cruellement ravi dans toute la maturité de l'âge et du talent avait consacré, exclusivement et sans relâche, vingt-huit années de sa vie au service de son pays.

« Après avoir en 1830, jeune homme généreux qu’il était, pris une part courageuse à l'affranchissement de la patrie, Partoes vint occuper un modeste emploi au département de l'intérieur. C'est là qu’il nous fut donné de découvrir en quelque sorte dans leur germe, les fortes qualités qui lui étaient propres et qui se sont développées et agrandies à mesure qu'il avançait dans la carrière.

« Il n'avait pas vingt-deux ans qu'il demanda au ministre d’alors, et obtint l'autorisation de s’embarquer comme simple passager sur un navire marchand affrété pour faire le tour du monde, dans un but d'exploration commerciale.

« Ce fut dans cette longue et pénible pérégrination que Partoes acquit en grande partie cette vigueur d'esprit, cette instruction sérieuse et pratique, ce sens droit et ferme, cette expérience des hommes et des choses qui devaient le rendre merveilleusement apte aux diverses fonctions qu'il occupa successivement, sans en rechercher aucune, ni par brigue, ni par faveur, ni par un impatient besoin de parvenir.

« Ce fut aussi dans ces voyages lointains, courageuse et rude épreuve de sa première jeunesse, qu'il contracta, il le faut bien croire, les germes de ce mal qui ne cessa de tourmenter sa vie, sans porter atteinte ni à ses facultés intellectuelles, ni à sa force d'âme, ni même à I aménité de son esprit toujours ouvert el serein, en dépit même de ses souffrances.

« Il y a un an à peine que Partoes fut appelé à servir pour la première fois comme fonctionnaire politique, le gouvernement du Roi el le pays auxquels il avait rendu jusque-là les services administratifs les plus notables et les plus divers.

« Ce poste, le plus élevé mais non le moins pénible de la hiérarchie officielle, il ne l'avait pas ambitionné ; il l'avait même décliné à une autre époque, non par faiblesse de cœur, mais par défiance de ses forces; il fallut, pour le lui faire agréer, en appeler à son dévouement absolu. Mais du jour qu'il en fut investi, il sut en accepter toutes les conséquences et en accomplir tous les devoirs avec une rare énergie et une complète abnégation.

« Ce fut surtout alors que furent mises en pleine lumière les qualités auxquelles se reconnaît la véritable supériorité, et qui recommandèrent bientôt et l’administrateur et l'homme public à l'estime de tous, je veux dire : la sûreté du jugement, la netteté de vues, un esprit lucide et pratique, une instruction vaste, et, en première ligne, l'honnêteté de conduite et la loyauté de caractère.

« Aussi convaincu dans ses opinions que prompt et francs les exprimer, Partoes eut pour lui le rare destin de ne compter dans tous les rangs que des amis et de ne soulever autour de son nom aucune passion haineuse.

« C’était, en un mot, un de ces caractères d'élite, un de ces patriotes que j’appellerai complets, qu'un pays librement gouverné doit ambitionner el honorer par-dessus tout, s'il veut être digne de ses libertés et en assurer le maintien sur de solides bases.

« Que dirai-le de plus, messieurs ? A la suite d'une courte vacance qu'il se reprochait à lui-même comme une espèce de larcin fait à la chose publique, il nous était revenu plein de confiance en ses forces et comme animé d’une nouvelle vigueur. Ses traits ouverts et bienveillants reflétaient une sérénité qui surprenait et charmait tous ses collègues. Hélas ! il se trompait lui-même, notre bien-aimé collègue, et nous faisait partager ses illusions. Aussi, de quelle douloureuse surprise ses amis furent-ils accablés quand ils apprirent presque dans le même temps et sa maladie et sa mort. Et maintenant encore, en présence de cette tombe muette, la pensée ne se refuse-t-elle à croire à la réalité d'un événement si imprévu ct si douloureux ? Cependant le voilà sous nos yeux inanimé celui qui partageait nos entretiens et nos travaux avec une vivacité toute juvénile et une infatigable activité. Voilà ce cœur loyal ouvert à tous les nobles sentiments, à tous les généreux instincts, le voilà glané par la mort. Mais non de tels hommes ne meurent pas tout entiers. Leurs âmes, en nous quittant, laissent après elles, comme un parfum divin, le souvenir des vertus publiques et privées qui perpétuent leur mémoire sur cette terre, et leur préparent dans des régions plus sereines des destinées meilleures et plus dignes d'elles. »