Mouton Dieudonné, Joseph, Cisi libéral
né en 1829 à Liège décédé en 1882 à Liège
Représentant entre 1860 et 1882, élu par l'arrondissement de Liège(Extrait de La Meuse, du 18 septembre 1882)
NÉCROLOGIE
MORT DE M. MOUTON,REPRESENTANT.
Notre députation vient de perdre un de ses membres les plus dévoués. M. Dieudonné Mouton, qui siégeait à la Chambre depuis 1860, est décédé hier à Liége.
M. Mouton était souffrant depuis assez longtemps, mais rien ne faisait prévoir une fin si prochaine. Quoi qu'il ne jouât pas un rôle marquant à la Chambre des représentants, l'honorable député liégeois y tenait cependant une place très honorable. C’était un homme fort dévoué à l'opinion libérale, très serviable, d'un caractère aussi ferme que loyal, d’une excessive aménité.
M. Mouton appartenait à une vieille famille liégeoise et il était aimé et estimé de tous. Il jouissait d'une grande popularité, avait été major commandant de la division d'artillerie de la garde civique, conseiller communal et était officier de l'Ordre de Léopold. Sa mort, à l’âge de 53 ans, a causé en notre ville la plus pénible émotion. Elle sera l'objet des plus vifs et des plus sincères regrets de la part de toute la population et des collègues du défunt qui, estimaient en lui les solides qualités de son caractère et ses profondes convictions politiques.
Les funérailles, suivies de l’inhumation dans le caveau de la famille, à Ramet-Yvoz, auront lieu le mercredi 20 courant. On se réunira à la maison mortuaire, rue Saint-Paul, no°31, à 11 heures.
(Extrait de La Meuse, du 21 septembre 1882)
Funérailles de M. Mouton, représentant
C'est hier matin, à 11 heures, qu'ont eu lieu les funérailles de notre regretté représentant, M. Dieudonné Mouton, décédé dans la nuit de dimanche à lundi, à l'âge de 53 ans. Sa mort avait causé en notre ville, où M. Mouton jouissait de l'estime et des sympathies de tous, une perte pour la parti libéral dont il était à la Chambre un des membres les plus dévoués.
Avant 11 heures, une foule considérable était massée rue Saint-Paul, devant la maison mortuaire. On y remarquait toutes les notabilités de notre ville. les chefs de nos administrations, des officiers et beaucoup d'amis du défaut.
A l'Intérieur de la maison et dans la chapelle ardente, on pouvait à peine pénétrer. Le cercueil portant les insignes da M. Mouton comme major honoraire de la garde civique - artillerie - était couvert da splendides couronnes mortuaires.
La Chambre des représentants, quoiqu'en vacances, avait envoyé une nombreuse députation pour assister aux funérailles du regratté député liégeois. Citons, entre autres, MM. Olin, ministre des travaux publics ; Le Hardy de Beaulieu, vice-président de la Chambra ; Demeur, Washer, Buls, bourgmestre de Bruxelles, Arnould, Mineur, Dupont, Neujean, Warnant, Jammes Hanssens, Hallet, Lejeune, Peltzer, Léon d'Andrimont et Fléchet, tous représentants.
MM. les sénateurs et députés de Liége et de la province trouvaient également tous aux funérailles. L'honorable gouverneur de la province, empêché par un deuil de famille, n'avait pu y assister, mais toute la députation permanente du Conseil provincial et M. le greffier Angenot s'y trouvaient.
Le Comité de l'Association libérale de Liége, dont il avait été plus d'une fois un des membres les plus fermes et les plus dévoués, avait également tenu à lui rendre les derniers devoirs.
Il en était de même du corps de l’artillerie de la garde civique, dont M. Mouton avait été longtemps la chef aimé et respecté. On sait qu'il avait pour la garde civique un dévouement sans bornes.
Quatre discours ont été prononcés dans le salon attenant à la chapelle ardente. M. Le Hardy de Beaulieu a parlé au nom de la Chambre, M. Dupont, au nom de la députation liégeoise, M. Schoutteten, major, au nom de la garde civique, et M. Dabin, major du corps d'artillerie de la garde civique, au nom de ce corps.
Les honneurs militaires ont été rendus à M. Mouton, en sa qualité d'officier de l'Ordre de Léopold, par l'artillerie de la garde civique et ensuite par les détachements des 9ème et 10ème de ligne en garnison à Liége.
Un immense cortège s'est ensuite formé. Le cercueil était porté à bras par les sous-officiers de l'artillerie de la garde civique.
Les coins du poêle étaient tenus par MM. Olin, ministre ; Le Hardy de Beaulieu, vice-président da la Chambra ; Dupont, représentant ; Mottard, bourgmestre de Liége, et Dabin, major de la garde civique.
Venaient ensuite les membres de la famille, les représentants, les sénateurs, les chefs de nos administrations et une foule énorme de notabilités et d'amis.
Le cortège sa composait des détachements de l'armée, de l'artillerie de la garde civique, du corps des pompiers, et, pour terminer, des escadrons de lanciers en garnison à Liége. Il s'est dirigé par la rue des Clarisses et nos boulevards jusqu'aux confins de la commune.
Le cortège s'est ensuite rendu à Ramet-Yvoz, où M. Mouton a été Inhumé dans le caveau de famille, en présence d'un grand concours de monde.
Discours de M. Le Hardy de Beaulieu
Messieurs, je suis de nouveau chargé du triste et douloureux devoir d'exprimer devant la tomba ouverte d'un collègue et d'un ami les sentiments d'affection et de regret de la Chambre des représentants.
Déjà, l'au dernier, Dieudonné-Josesh Mouton avait, pendant plusieurs mois, laissé sa place vide sur les bancs de la Chambre et nous apprenions avec douleur qu'il était retenu par une maladie pénible et même dangereuse.
Quand, au printemps dernier, à la fin de la session, nous pûmes serrer sa main loyale et amie, nous constations les traces, hélas ! trop visibles de l'épreuve qu'il venait de traverser.
Cependant nous espérions, avec ses nombreux amis que, jeune encore et d’une nature forte et vigoureuse, notre collègue surmonterait le mal et le dompterait.
Notre espoir a été trompé.
Dieudonné-Joseph Mouton est entré jeune à la Chambre des représentants : il avait à peine trente ans.
Elu, pour la première fois, en 1860, il a vu successivement renouveler son mandat par ses compatriotes dans dix élections successives, dont deux par suite de dissolution.
Dès la première session, il a pris une part active aux travaux de la Chambre et comme rapporteur d'une da crédits et dans des discussions spéciales au sujet de travaux utiles à sa ville natale.
Dans la plupart des sessions suivantes, nous le voyons s'occuper tantôt de la garde civique, où il tenait de la confiance et de l'estime de ses camarades un poste honorable et élevé, tantôt de questions relatives à l'enseignement, aux travaux publics et à d'autres d'un intérêt national ou général. Il veillait avec sollicitude aux intérêts de la ville de Liége, vers laquelle il reportait volontiers ses pensées et ses affections.
Sans être un orateur brillant, il était écouté de ses collègues, qui avaient confiance dans son jugement sain et, droit, dans son honnêteté rigide et dans la fermeté inébranlable de ses principes libéraux.
II se renfermait volontiers dans les travaux obscurs mais utiles et même indispensables des sections et des commissions, travaux très souvent longs et ardus que le public ignore on n'apprécie pas.
Membre de la commission de naturalisation, il n'y a guère de session où il n’ait déposé des rapports étudiés avec soin at impartialité.
Ceux de ses collègues qui avaient avec Mouton des rapports d’affection et d'amitié, et ils étaient nombreux, ont pu apprécier son patriotisme aussi ardent qu’éclairé et vigilant..
Mouton était Belge de cœur et d'âme. Belge avant tout ; mais le Belge, on sentait, on reconnaissait le Liégeois. Le Liégeois dont les ancêtres ont connu longtemps avant leurs compatriotes des autres provinces, les luttes civiques ardentes, passionnées et parfois sanglantes pour la conquête ou le maintien de leurs droite et de leurs libertés.
Elevé à cette école pratique du patriotisme, Mouton n'a jamais éprouvé instant d'hésitation pour reconnaître la voie qu’il devait suivre. Toutes ses aspirations, toutes ses tendances, tous ses efforts ont toujours eu pour but de doter sa patrie d'institutions libérales, démocratiques et progressives.
Son souvenir sera durable dans nos rangs.
Que sa famille, si douloureusement frappée ; que ses concitoyens, qui perdent en Iui un digne représentant, en reçoivent ici l'assurance.
Adieu. Dieudonné !
Adieu, cher ami !
Au nom de tous vos collègues, adieu !
Discours de M. Dupont
Messieurs,
Une douleur commune et profonde nous réunit en foule autour de ce cercueil pour dire un suprême adieu l'homme de cœur qui nous est si prématurément enlevé.
Il y a trois mois à peine, le corps électoral liégeois lui conférait an nouveau mandat. Sa santé, qui l'avait éloigné des débats parlementaires pendant la dernière session, s’était raffermie, et rien ne laissait craindre le retour subit du mal qui l'a frappé. Hélas ! notre ami n'a pas même pu remplir un seul jour ce mandat dont ses concitoyens l'avaient honoré, depuis vingt-deux ans, pour la neuvième fois !
Une autre voix, parlant avec autorité au nom de la Chambre et du pays, vous a dit les titres de Mouton à l’estime et à la reconnaissance publiques. Qu’il nous soit permis, à nous ses collègues de la députation liégeoise, qui avons vécu de sa vie depuis longtemps, d’ajouter quelques mots d’adieu à ces éloges si justement mérités.
Mouton était un vrai Liégeois.
Il avait toutes les qualités de notre race, l’amour du sol natal, la fermeté des convictions, une loyauté parfaite et une cordialité affectueuse dans les relations de chaque jour. Il y ajoutait des dons personnels qui n’étaient pas moins précieux : sa devise semblait être : simplicité, modestie et désintéressement.
Personne n'était d'un accès plus facile ; son accueil était franc et ouvert ; toujours il était prêt à rendre service, et le nombre de ceux qu'Il a obligés ne pourrait se compter.
Dénué de toute ambition personnelle, il était, en politique, un libéral tout court, mettant tout son orgueil à remplir son devoir avec assiduité et avec dévouement, et à rester en toute occasion fidèle au drapeau dont la défense lui était confiée. Il a pris part à toutes les grandes réformes morales et matérielles que notre opinion a successivement accomplies à partir de 1860, depuis l'abolition des octrois jusqu'à la sécularisation de l'enseignement. Il fit toujours abstraction de ses intérêts propres pour ne voir que l'intérêt du libéralisme, et après plus d'un quart de siècle de vie publique, il était resté ce qu'il était le jour où, pour la première fois, il alla siéger à notre Hôtel-de-Ville. Rien en lui n’était changé.
Mouton avait fait des études très brillantes ; il avait le jugement et des connaissances solides. Nul doute que, s'il l'eût voulu. il eût pu jouer un rôle plus marquant dans la politique du pays ; mais sa modestie n'aimait pas à se produire, et il préféra rendre à ses concitoyens, au sein da Parlement, des services qui, pour être moins brillants, n'en furent cependant ni moins réels, ni moins dignes de gratitude.
Quant à nous, ses collègues, nous perdons en lui un ami fidèle et sûr, avec lequel il était doux de marcher, la main dans la main, pour la défense des convictions qui nous sont chères et des intérêts de l'arrondissement de Liége. Nous conserverons pieusement son souvenir au fond de nos cœurs.
Adieu, cher ami ! Repose en paix.
(Extrait de : J.L. DE PAEPE – Ch. RAINDORF-GERARD, Le Parlement belge 1831-1894. Données biographiques, Bruxelles, Commission de la biographie nationale, 1996, p. 432)
Docteur en droit (1852) et docteur en sciences politiques et administratives (1852) de l'université de l'Etat de Liége
Avocat à la cour d'appel de Liége
Conseiller communal de Liége (1859-1861)