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Liebaert Jullien (1848-1930)

Biographie

(Extrait du XXème siècle, du 19 septembre 1930)

Mort de M. Liebaert, ministre d’Etat.

Il rendit au pays des services éminents

Une triste nouvelle qui provoquera dans les milieux politiques une douloureuse sensation : M. Liebaert, ministre d'Etat, a succombé cette nuit aux suites d'une pneumonie, au château de Terlinden à Ternath, résidence de son fils.

C'est un grand parlementaire qui disparaît de la scène politique, un parlementaire de l'ancienne école, un des survivants de la grande période où brillèrent les Beernaert, les Woeste, les de Smet de Naeyer. Il avait renoncé à la vie politique aux élections de mai dernier et sa retraite avait laissé dans l'hémicycle sénatorial un vide énorme. On s'était résigné difficilement à l'idée de ne plus voir au fauteuil ce vétéran à la physionomie toujours jeune et qui portait allègrement le poids des ans. Dans tous les grands débats on le voyait se lever au milieu d'une assemblée attentive pour développer, dans une forme toujours soignée des considérations adéquates au sujet et inspirées par un vigoureux bon sens. Car M. Liebaert était un « debater » de choix, un orateur rompu aux luttes de l'hémicycle, et qui ne se laissait jamais démonter par l'adversaire.

Il ne fut jamais plus ardent, plus combatif qu'au cours de ces dernières années, lorsqu'il plaida devant lé Sénat la cause de la Jonction Nord-Midi. Cette question, il l'avait faite sienne et les adversaires du projet trouvèrent devant eux un véritable apôtre doublé peut-on dire d'un technicien qui, persuadé de l'excellence d'un projet reconnu indispensable par toutes les compétences depuis une trentaine d'années, considérait comme un devoir de sa charge d'en assurer la réalisation par tous les moyens en son pouvoir. Si la cause de la Jonction Nord Midi triomphe - ce qui n'est plus douteux après la proclamation des résultats de la dernière adjudication-concours - c'est incontestablement et, avant tout, l'homme qui vient de disparaître que le pays le devra. On assure que cette lutte sans merci à laquelle M. Liebaert consacra les derniers mois de sa vie politique n'a pas été étrangère à sa disparition. On se rappellera que l'éminent homme d'Etat en éprouva une fatigue qui le contraignit à prendre en France quelques semaines de repos. C'est alors qu'il prit la décision de se retirer complètement, certain d'avance que le Parlement, pleinement édifié sur l'excellence d'un projet que le Vingtième Siècle se réjouit d'avoir défendu avec lui, saurait exiger l'exécution de ce grand travail.

M. Liebaert s'est éteint à l'âge de 82 ans. Il était né le 22 juin 1848 à Courtrai. Après des études aux collèges de Courtrai, d'Alost et de Namur, il conquit à l'Université de Louvain le diplôme de docteur en droit et de docteur en sciences politiques et administratives. En 1873 il fut inscrit comme avocat à la Cour d'Appel de Bruxelles.

Les électeurs de l'arrondissement de Courtrai l'envoyèrent à -a Chambre le 15 avril 1890 ; il y siégea jusqu'en 1919. Il y fit montre de brillantes qualités dans la discussion des questions financières et des problèmes constitutionnels. Lorsque M. Van den Peereboom constitua son cabinet en 1899, il appela M. Liebaert à prendre le portefeuille de l'Industrie et lui confia l'interim des chemins de fer. Puis M. de Smet de Naeyer arrivant au pouvoir le chargea de ce dernier portefeuille qu'il garda jusqu'à l'arrivée de M. Jules de Trooz. Celui-ci conserva M. Liebaert dans son cabinet en lui attribuant le portefeuille des Finances qu'il conserva aussi sous M. Schollaert jusqu'en 1909, date à laquelle il cessa de faire partie du Gouvernement pour reprendre sa place dans l'hémicycle.

M. Liebaert prit la parole dans toutes les grandes discussions parlementaires et l'on a gardé le souvenir de son intervention dans les débats soulevés par la reprise du Congo, la question des fortifications d"Anvers, les lois financières, la loi sur l'enseignement, les droits sur l'alcool, les lois sociales, le problème linguistique, la réforme de la comptabilité. Il jouissait d'une très grande considération auprès de tous les groupes politiques.

Membre du Conseil général de la Caisse d'Epargne, directeur à la Banque Nationale, membre du Conseii d'administration de notre Institut d'Emission, président de la Commission permanente pour l'étude des questions monétaires, administrateur de la Société Nationale du Crédit à l'Industrie, l'éminent homme d'Etat qui vient de disparaître s'est acquitté de ces divers mandats avec une haute conscience, soucieux avant tout du bien public et dés grands intérêts de l'Etat.

On sait qu'il avait été remplacé en 1925 comme sénateur de Courtrai-Ypres par M. Mullie pour devenir l'élu de cette assemblée par cooptation. Lors de sa retraite, en mai 1929, il fut créé baron par le Roi.

Il avait fait aussi partie pendant treize ans du Conseil provincial de la Flandre Occidentale qui l'avait choisi comme député permanent.

Le parti catholique à qui il a rendu de précieux services gardera la mémoire de ce grand parlementaire. Nous nous associons de tout cœur au deuil de sa famille qui nous présentons ainsi qu’à M. le sénateur Mahieu l'hommage de nos chrétiennes condoléances.

P. D.