Lesoinne Charles, Abraham libéral
né en 1805 à Liège décédé en 1873 à Liège
Représentant entre 1843 et 1870, élu par l'arrondissement de Liège(Extrait de BOCHART, Biographie des membres des deux chambres législatives, session 1857-1858, Bruxelles, M. Périchon, 1858, folio 72)
LESOINNE Charles-Thomas-Edouard, né à Liége le 20 octobre 1805. Représentant élu par l’arrondissement de Liége.
Le nom de M. Lesoinne est l’un des plus honorables de la bourgeoisie liégeoise.
A la tête d’une importance fabrique d’armes, M. Lesoinne resta pendant vingt ans dans l’industrie ; son esprit d’ordre, la fermeté de ses principes et sa haute probité commerciale le désignèrent au choix de ses concitoyens.
En 1841, il fut élu membre du Conseil communal de Liége, et, la même année, investi des fonctions de juge au tribunal de commerce.
Appliquant aux rouages de l’administration urbaine et à l’appréciation des débats industriels, l’expérience acquise par de longs travaux, M. Lesoinne rendit, en sa double qualité de conseiller communal et de magistrat consulaire, des services signalés qui ne tardèrent pas à lui ouvrir la carrière parlementaire.
En 1843, les électeurs libéraux de l’arrondissement de Liége lui offrirent la candidature à la Chambre, et l’honorable industriel fut proclamé représentant à une imposante majorité.
Le nouveau député renonça alors à ses fonctions de juge au tribunal de commerce, et conserva jusqu’en 1845 son siège de conseiller communal.
La vie parlementaire de M. Lesoinne n’a pas été marquée par de grands succès oratoires ; c’est dans le travail des commissions, dans les critiques de détail, par la lucidité de ses rapports et l’élan spontané de ses observations que l’honorable représentant de Liége s’est particulièrement distingué.
En 1844, M. Lesoinne prit une part active à la discussion de la loi sur les droits différentiels. Le temps a justifié les argumentations de l’honorable membre ; il ne reste, pour ainsi dire, plus rien de cette loi qu’il avait énergiquement combattue.
Abordant avec une généreuse franchise les questions qui touchent de près aux intérêts du commerce et de l’industrie, M. Lesoinne a plusieurs fois pris la parole en faveur des porteurs de brevets d’invention.
Nous citerons de l’honorable membre cette judicieuse remarque qu’il fit dans la séance du 10 décembre 1853 : « Vous traitez de frelon l’inventeur qui aurait puisé son invention dans un vieux livre. Que direz-vous de l’industriel qui attend avec ses capitaux qu’un inventeur se soit ruiné ? »
Il y a, sous cette forme interrogative, un résumé de la difficile question des brevets, où le génie de l’inventeur vient si souvent se briser contre le positivisme de la finance.
Sous le ministère de M. Piercot, lors de la discussion du budget de l’intérieur, M. Lesoinne, proposa à la Chambre d’allouer un subside de dix mille francs à l’Association générale des carabiniers belges, dont le règlement avait été adopté par un grand nombre de sociétés du royaume, afin de l’aider à organiser un tir national, à l’instar de ce qui se pratiquait en Suisse. Il échoua dans cette tentative, mais il fut récompensé plus tard de ses efforts.
Nous retrouvons M. Lesoinne avec toute l’autorité de ses premiers travaux et toute sa franchise libérale, dans la séance du 31 août 1858, relative aux fortifications d’Anvers :
« Messieurs, je suis de ceux qui pensent que nous devons défendre notre territoire, s’il était envahi. Je crois avec l’honorable M. Dolez que nous devons pourvoir aux nécessités que l’avenir réserve à la sécurité de notre patrie. C’est un devoir pour un peuple qui s’administre lui-même de se défendre lui-même. C’est un devoir pour tout homme capable de porter une arme et surtout de s’en servir, de défendre le pays et ses institutions.
« Je pense donc que, sous ce rapport, il y a quelque chose à faire.
« Nous disposons pour la défense du pays, de l’armée et de la garde civique. Car, quoi qu’en ait dit l’honorable M. Thiéfry, la garde civique a été aussi organisée dans un but de défense nationale. Mais, je dois le dire, elle n’est ni organisée, ni armée de manière à concourir efficacement à la défense du territoire.
« Les armes qui sont dans les mains de la garde civique ont été supprimées dans toutes les armées de l’Europe. Elles pourraient servir comme armes blanches, mais comme armes de tir, elles sont tout à fait inefficaces. Il serait dangereux de s’en servir contre des troupes armées de fusils supérieurs pour le tir et la portée. L’armée elle-même, et je parle ici d’une question dans laquelle je puis émettre un avis en connaissance de cause, ayant été fabricant d’armes et ayant suivi les progrès que cette fabrication a réalisés, l’armée elle-même, dans mon opinion, n’a pas des armes aussi bonnes qu’elle pourrait en avoir. Le calibre employé pour nos armes de guerre est trop fort ; on a conservé pour les projectiles coniques, le calibre que l’on avait pour les balles sphériques. Il en résulte que ces projectiles sont trop lourds, ce qui donne lieu à un recul plus fort ; la balle décrit une parabole très forte, et le soldat ne peut porter avec lui qu’un nombre de cartouches restreint. Aussi, plusieurs pays, notamment l’Allemagne, l’Autriche, la Prusse ont diminué le calibre de leurs armes de guerre. »
Qui veut la fin veut les moyens : c’est à ce titre que l’honorable M. Lesoinne n’a pas craint d’entrer dans les explications techniques pour montrer à la fois le mal et le remède. Ancien fabricant d’armes, il avait à cet égard un devoir spéciale à remplir envers le pays : il lui a fait entendre le langage de la vérité, et a acquis de nouveaux droits à son estime.
L’idée du tir national devait porter ses fruits : lors de l’installation du tir en 1858, la récompense dont nous parlons plus haut est venue trouver l’honorable M. Lesoinne. Les carabiniers et amateurs du pays ouvrirent une souscription pour décerner une médaille à MM. Rogier et Berten, ministres de l’Intérieur et de la Guerre, comme fondateurs, et à M Lesoinne, comme promoteur du tir national. Cette médaille fut remise au loyal député de Liége, en triple exemplaire, or, argent et bronze, par une commission déléguée à cet effet. Le nom de M. Lesoinne est aujourd’hui inséparable de cette patriotique institution.
(Extrait de La Meuse, du 28 mai 1873)
Mort de M. Charles Lesoinne, ancien représentant.
Notre ville a perdu hier l'un de ses meilleurs citoyens.
M. Charles Lesoinne, ancien membre de la Chambre des représentants, a succombé à la maladie dont il était atteint depuis longtemps. Sa mort causera les plus vifs regrets dans toutes les classes de notre population.
Peu d'hommes ont joui à Liége d'une popularité plus grande et plus légitime que Charles Lesoinne. Appartenant une ancienne famille liégeoise dont plusieurs ont rendu à notre pays d'éminents services, caractère d'une franchise et d'une loyauté à toute épreuve, cœur, généreux et dévoué, intelligence élevée, Charles Lesoinne a été, pendant près d'un demi-siècle, l’un des chefs les plus aimés et les plus respectés de l'opinion libérale à Liège.
C'est au mois de juin 1843 - il y aura trente ans dans quelques jours – que Charles Lesoinne fut élu député après une lutte mémorable qui assura définitivement la prépondérance du parti libéral dans notre arrondissement. Depuis lors, son mandat fut renouvelé sept ou huit fois, et toujours Lesoinne était le premier sur la liste des élus. Il y a trois ans, les infirmités l'obligèrent à renoncer à des fonctions qu’il avait toujours remplies avec une grande fermeté d'opinion et une rare indépendance de caractère.
Lesoinne a rendu beaucoup de services au pays dans sa carrière parlementaire ; d'une modestie rare, il ne se mêlait que rarement aux grands débats politiques ; il préférait les questions commerciales et industrielles , qu'il connaissait à fond et qu'il traitait toujours avec un esprit net, un sens pratique, qui donnaient à sa parole une grande autorité dans le sein du Parlement.
A l'époque où la lutte s'était établie chez nous entre les protectionnistes et les libres échangistes, Charles Lesoinne y pris une part très active et fut l'un des soldats les plus ardents et les plus éclairés des doctrines du libre-échange, qu'il contribua puissamment à faire prévaloir dans notre politique commerciale. La chambre de commerce le comptait aussi parmi ses membres les plus zélés et les plus intelligents.
Depuis longtemps, Lesoinne s’était également dévoué au développement du tir dans notre ville ; c'est à sa persévérance et à ses efforts que nous devons les établissements du tir de Saint-Léonard, construit il y a quelques années, et dont la commission le nomma président d'honneur.
Cet honorable citoyen avait mérité pendant sa vie les sympathies de toute la population liégeoise ; il ne comptait que des amis ; son nom restera toujours vénéré à Liége comme un type d’honneur et de loyauté.
M. Lesoinne était âge de 67 ans.
(Extrait de La Meuse, du 29 mai 1873)
Voici les discours qui ont été prononcés sur le cercueil du regretté M. Ch. Lesoinne, à la maison mortuaire. Discours de M. Dupont
Messieurs,
Un empêchement du doyen de la députation liégeoise, de l'honorable M. Frère, m'appelle au triste honneur de dire, au nom de la représentation nationale, un dernier adieu à l'ancien collègue que la ville de Liége a perdu et que nous pleurons tous aujourd’hui.
Trois ans à peine se sont écoulés depuis le jour où, brisé par le mal qui le minait, Lesoinne nous fit connaitre sn résolution de renoncer au mandat qui, pendant plus d'un quart de siècle, lui avait été confié par les électeurs liégeois. Nous fîmes alors tous de vains efforts pour le retenir au milieu de nous. Lui-même eût désiré ne pas nous quitter : il avait le droit d'être fier de la sympathie universelle dont son nom était entouré ; il eût voulu pouvoir céder à nos instances réitérées ; il eût été heureux de recevoir un nouveau témoignage de l'estime profonde que le corps électoral lui avait vouée, douce et précieuse récompense de l'homme public dans tous les pays libres ! Mais ses forces étaient épuisées et après une existence consacrée à la défense des intérêts de sa ville natale , nous dûmes reconnaitre qu'il avait droit au repos. Les regrets de tous le suivirent dans la retraite paisible qu'il s'était choisie, au milieu de parents et d'amis qui lui étaient chers et dont nous partageons aujourd’hui la légitime douleur.
La plupart d’entre nous se rappellent sans doute cette séance émouvante de l’Association libérale à laquelle Lesoinne, quoique souffrant, était venu assister pour prendre en quelque sorte congé de nous et nous recommander son successeur. Ils ont présentes à la mémoire les acclamations qui accueillirent l'improvisation de M. Forgeur, quand, avec cette parole émue et chaleureuse qu'hélas ! nous n’entendrons plus, il proposa de conférer à M. Lesoinne la présidence d'honneur de notre Association.
C'était, répondit-il , un titre trop éclatant pour le bien qu'il avait pu faire ; toute son ambition était de redevenir un soldat obscur et dévoué de l'opinion libérale.
C'était là, messieurs, plus que de la modestie. Peu d'hommes ont eu une carrière plus utile ; peu d’hommes ont semé généreusement le bien autour d’eux ; peu d’hommes ont, à raison de leurs services, raison aussi de leur caractère, joui d’une popularité plus grande et mieux méritée.
Lesoinne était issu d'une ancienne famille liégeoise. Jeune encore, il alla poursuivre à l'étranger des études commencées au collège de notre ville. Revenu au pays, il se mêla activement à ce grand mouvement industriel et commercial qui, provoqué par le gouvernement du roi Guillaume, a porté la Belgique, à la suite de développements successifs, à ce degré élevé de prospérité auquel elle est arrivée aujourd’hui. C’était, messieurs, une famille d'élite que celle de notre regretté collègue. Son père, industriel distingué, eut aussi l'honneur de représenter Liége au Parlement. Son Frère fut, par son enseignement, par ses découvertes scientifiques, l'ornement de notre université et le promoteur des progrès que la métallurgie a réalisés dans notre bassin. Lesoinne était, lui, un esprit réfléchi qui venait compléter par ses vues toujours pratiques ce qui pouvait manquer aux tendances plus théoriques de son frère.
Le soin de ses nombreux intérêts ne put toutefois le détourner de la vie publique. Il croyait, avec raison , qu’avec des institutions telles que celles dont nous jouissons, chacun a le devoir de se consacrer, suivant ses moyens et ses aptitudes, aux affaires du pays. Il prit une part active aux luttes politiques dont la ville de Liége était alors le théâtre, et ne tarda pas à aller occuper à la Chambre le siège que son père avait laissé, pendant 27 ans en renouvelant plus de dix fois son mandat.
C’est là, messieurs, que je l'ai connu : c'est là que je l'ai vu respecté par tous, sans distinction d’opinions, jouissant de cette influence qu'exercent sur tout esprit impartial des convictions franches, sincères , désintéressées, unies à une bienveillance inaltérable. Alors déjà, sa santé ébranlée ne lui permettait pas de prendre part à nos débats aussi souvent qu'il l'eût désiré ; mais ses anciens collègues conservaient le souvenir du rôle plus actif et plus brillant que Lesoinne avait joué pendant de longues années au sein du Parlement.
Les intérêts de sa ville natale trouvèrent en lui un énergique et habile défenseur. Patriote ardent, il se préoccupa toujours de l’armement de la nation et le temps a démontré le fondement de ses observations et de ses critiques. Il désirait vivement voir se répandre en Belgique les associations de tireurs. Il les encourageait, il était heureux de les présider. Il voyait avec raison dans leur développement une garantie sérieuse contre l’asservissement de la nation.
Personne n’ignore ses efforts persévérants pour faire prévaloir dans notre pays les principes de la liberté commerciale, si longtemps méconnus. C’est surtout par cette lutte énergique que se caractérise son passage au Parlement ; c’est là son titre principal à la reconnaissance publique, aujourd’hui que l’expérience lui a donné raison d’une manière si éclatante. Pendant sa longue carrière, son concours et son vote furent acquis à toutes les mesures généreuses prises en faveur des classes pauvres, pour lesquelles il avait les plus vives sympathies.
L’opinion libérale trouva toujours en lui un ferme soutien : son action politique ne se borna pas à la Chambre. Il fut l’un des principaux fondateurs de l’Association : à de nombreuses reprises, il en fut élu président ! Ami du progrès, désireux de faire produire à nos institutions la plus grande somme possible de vraie liberté il refusa toujours de s’associer à l’erreur de ceux qui auraient compromis l’avenir par des réformes mal conçues ou prématurées. C’est ainsi qu’il donna au libéralisme liégeois cette direction à la fois sage et démocratique dont il peut s’enorgueillir aux yeux du pays.
C’est surtout en parlant de Lesoinne que l’on ne peut oublier ces qualités du cœur qui lui ont conquis l’affection de tous ceux qui l’on connu. On peut le dire avec une entière vérité sans crainte d’être démenti par personne : Lesoinne n’avait pas un seul ennemi. Bien que très franc dans l’expression de son opinion, son caractère bienveillant l’empêchait de jamais blesser ceux qui ne la partageaient point. Sa loyauté était proverbiale et son désintéressement absolu. C’était en quelque sorte le type, la vivante image parmi nous de ce vieux caractère liégeois, toujours droit et sincère, toujours disposé à rendre service, toujours passionné par la liberté !
Aussi notre population tout entière porte-t-elle aujourd’hui le deuil de celui qui fut, avant tout, un homme de cœur et un homme de bien.
Adieu ! Lesoinne, adieu ! au nom de tous tes anciens collègues. Ton exemple nous servira sans cesse de guide dans l’avenir ; ta mémoire vivra à jamais vénérée parmi nous !
Discours de M. Braconier
Messieurs,
Je viens adresser un dernier adieu au président d’honneur de l’Association libérale de Liége, à un ancien collègue, à un ancien ami.
Vous l’avez tous connu, Charles Lesoinne est né à Liége le 21 octobre 1805 ; il fit ses premières études au collègue de cette ville, ensuite partit pour Paris, où il alla terminé ses humanités au collègue Sainte)Barbe et suivre les cours universitaires. Ses études furent complétées par un séjour de deux ans en Angleterre, pendant lequel il étudiait les institutions politiques, en même temps qu’il visitait les principaux centres d'industrie du pays. Revenu dans sa patrie, il se consacra aux affaires industrielles de sa famille.
En 1843, après une lutte mémorable dans laquelle le parti libéral remporta un éclatant succès, il fut nommé membre de la Chambre des représentants. Depuis lors, il ne cessa de représenter sa ville natale dans cette assemblée jusqu’en 1870, époque à laquelle l’altération profonde de sa santé l’obligea à se retirer de la vie politique.
Dans sa longue carrière parlementaire, il défendit toujours avec énergie et convictions les principes du libéralisme constitutionnel qui avaient été ceux de toute sa vie, et il mit au service des intérêts de son arrondissement toute son activité et tout son dévouement. Par la loyauté et l'aménité de son caractère, par sa modération exempte toutefois de faiblesse, il sut acquérir les sympathies de ses amis politiques et la considération de ses adversaires.
En 1864, en récompense des services qu'Il avait rendus au pays, le Roi le nomma chevalier de l'ordre de Léopold : il fallut faire violence à sa modestie pour lui faire accepter cette distinction qu’il avait si bien méritée.
Charles Lesoinne fit partie de ce groupe d’hommes intelligents et dévoués aux idées libérales qui, pour faire prévaloir leurs principes et lutter avec succès contre le parti clérical, tout-puissant jusqu'alors dans notre arrondissement, comprenait, qu'il ne fallait pas arriver au scrutin avec des forces éparses et disséminées, qu'il fallait organiser le parti libéral, propager ses doctrines et rétablir l’union dans son sein.
C'est, dans ce. que fut créé l’Association libérale de Liége, dont Charles Lesoinne fut l’un des fondateurs et dont il est resté depuis lors l'un des membres les plus actifs et les plus dévoués. N
ombre de fois il fut appelé à la présider, et dans ces délicates fonctions il fit toujours preuve de beaucoup de tact. d'une grande impartialité et d'un esprit droit et conciliant.
Il jouissait d'une grande influence sur ses amis politiques ; il la devait à sa haute raison, à sa modération, à sa droiture et à la confiance qu'il inspirait à tous ; aussi contribua-t-il puissamment à imprimer et à conserver à l'Association liégeoise cet esprit pratique et éclairé qui n'a cessé de régner dans son sein depuis sa fondation et qui lui a donné l'influence dont elle jouit dans notre arrondissement.
Lorsqu'atteint de la maladie qui devait l'emporter et sentant ses forces l'abandonner , il déclina l'honneur d'être appelé de nouveau à la présidence effective , l'Association libérale le proclama à l'unanimité son président d'honneur ; c'était un hommage de reconnaissance bien mérité pour les services qu'il lui avait rendus.
Charles Lesoinne était le type du bon citoyen aimant son pays , sans ambition, faisant le bien arrière-pensée et ne cherchant la récompense de ses actions que dans la satisfaction de sa conscience.
Peu d’hommes ont joui dans notre ville d’une popularité égale à la sienne et peu d'hommes surtout ont su , comme lui , la conserver tout entière jusqu'à la fin de leur existence.
C'est que cette popularité il ne l'avait pas recherchée, il ne l'avait pas acquise en flattant les passions ou les préjugés populaires : cette popularité-là n’est qu’éphémère ; mais il la devait à son désintéressement, à la sincérité de ses convictions, aux services qu'il avait rendus à la chose publique, à son vif amour de la justice et de l’équité.
Ce qu'il fut envers tout le monde, c'est-à-dire bon et affectueux ,il l’était, à plus forte raison, avec sa famille qu’il aimait passionnément ; aussi la douleur que sa mort a causée à tous les siens témoigne-t-elle hautement de l'attachement qu'il avait su se concilier.
Et maintenant, mon cher Lesoinne, au nom de l'Association libérale de Liége , je t'adresse un dernier adieu ; tu as passé sur cette terre en faisant le bien, tu as été utile à ton pays et tu emportes dans la tombe, avec un nom vénéré, l'estime et les regrets de tous ceux qui t’ont connu.
Adieu, Charles ! adieu , mon vieil ami ; ton souvenir restera vivant dans nos cœurs.
Discours de M. Piercot
Messieurs,
Au risque de prolonger vos douloureuses impressions et de redire des sentiments qui ont été déjà si dignement exprimés, je vous prie de me permettre un suprême adieu, au nom de la ville de Liége, à notre regretté concitoyen.
On vient de rendre hommage au caractère de l’homme politique. On vous a dit les (quelques mots manquent) comme membre de la Chambre des représentants. Nous désirons rappeler les services rendus antérieurement à sa ville natale, sur un théâtre plus humble, au milieu des représentants de la commune. Nous connaissions tous, à Liége, le patriotisme de la famille à laquelle le défunt appartenait. Le dévouement au pays, les vertus civiques y sont des dons héréditaires.
Le corps électoral appela Charles Lesoinne à l’hôtel de ville en 1840. Son aïeul, son père avaient servi leur patrie dans des rôles différents. Le premier, Abraham Lesoinne, après avoir siégé au Corps législatif, débrouilla un jour le chaos de l’ancienne dette de la ville, et, par ses efforts, il en ramena le chiffre à des proportions équitables. Son père aussi occupa des positions administratives et se distingua par l’élévation de son esprit autant que par son attachement aux intérêts du pays. Son frère Adolphe jeta un vif éclat sur un enseignement spécial qui élève chaque jour notre industrie au rang qui la fait briller dans le monde entier.
Charles Lesoinne fut le digne continuateur des traditions de sa famille. Simple dans ses goûts modestes par caractère, il aimait à s’effacer de sa personne dans la grande lutte, mais il y apportait l’autorité de ses principes politiques, le fruit de ses études et de son expérience pratique dans les affaires industrielles et commerciales. A ce point de vue, il éclaira un grand nombre de questions dans les débats de notre administration communale. Nous l’avons vu à l’œuvre pendant six ans : nous l’avions non seulement comme collaborateur, mais comme ami, et il nous est permis d’honorer sa mémoire en proclamant les grands services qu’il a rendus à ses concitoyens.
Charles Lesoinne ne se bornait pas à guider ses collègues dans le jugement des affaires commerciales et industrielles ; il payait de sa personne, au dehors, et il appuyait, de sa bourse et de son influence, toutes les entreprises utiles qui rentraient dans le cercle de ses aptitudes et de ses moyens.
Et il ne bornait pas son intervention, et celle de sa famille, aux intérêts purement matériels ! Il avait des sympathies et des encouragements pour toutes les choses qui concernent l’ordre moral de la société, comme les jouissances honnêtes de la vie civile. Nous l’avons vu patronner efficacement l’œuvre de la construction d’un édifice religieux élevé au cœur de la localité populeuse qu’il habitait, et obtenir de sa famille la concession gratuite d’un terrain considérable et de grande valeur pour y construire avec le concours d’une autre famille, non moins généreuse, la belle église de Sainte-Marie, que sera pour Liége un monument de plus et pour cette paroisse éloignée, un inappréciable bienfait.
Nous l’avons seconder utilement des sociétés privées qui ont pour but les intérêts de la défense du pays ou l’agrément de nombreux participants.
Nous avons vu Charles Lesoinne venir en aide à de nombreuses souffrance, secourir personnellement les uns, appuyer les démarches de ceux qui réclamaient une position honorable, une faveur de l’autorité publique.
Partout il était bienveillant, empressé. Ainsi, comptait-il d’innombrables amis, aussi avait-il conquis d’universelles sympathies.
Ce n’est donc pas uniquement un citoyen de haute valeur, un homme grandement utile que nous perdons à qui nous rendons hommage. C’est un ami que nous regrettons.
Mais si Charles Lesoinne est enlevé à nos affections, nous conservons sa mémoire. Nous bénissons l’homme que nous avons aimé, et nous lui élevons dans nos cœurs un souvenir de reconnaissance qui durera autant que la cité qui l’a vu naître.
Unissez donc vos pensée à la nôtre, messieurs, et en prononçant un dernier funèbre adieu, disons tous ensemble que Liége a perdu un bon citoyen, et que nous avons perdu un ami, un cœur honnête et dévoué.
Honneur à la mémoire de Charles Lesoinne, et que son âme immortelle reçoive de la Providence la récompense de l’homme juste.
Désirons pour l’honorable famille du défunt, que cet hommage public et mérité apporte un léger adoucissement à la douleur qui l'accable.
Adieu Lesoinne.
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L’enterrement de M. Lesoinne a eu lieu à Mélin. Une foule nombreuse y assistait. Un dernier discours a été prononcé sur la tombe par M. Macorps, au nom du cercle d’arboiriculture dont Charles Lesoinne était le président.