Lebeau Charles, Louis libéral
né en 1812 à Viesville décédé en 1882 à Enghien-les-Bains (France)
Représentant entre 1857 et 1870, élu par l'arrondissement de Charleroi(Extrait de : E. BOCHART, Biographie des membres des deux chambres législatives, session 1857-1858, Bruxelles, M. Périchon, 1858, folio n°69
LEBEAU Charles-Louis
Chevalier de l’Ordre Léopold
Né à Viesville, le 1er août 1812,
Représentant, élu par l’arrondissement de Charleroi
M. Charles Lebeau débuta au barreau en 1836, après avoir fait d'excellentes études universitaires à Liége et à Louvain.
Reçu docteur en droit en 1835, il fit à Bruxelles une partie de son stage, puis il alla se fixer définitivement à Charleroi.
Faisant marcher de front les affaires et la politique, M. Charles Lebeau fut l'un des principaux organisateurs du parti libéral dans l'arrondissement de Charleroi, qui, en raison même de ses nombreux intérêts industriels, jugeait diversement l'opinion à laquelle le jeune avocat s'était dévoué.
M. Charles Lebeau soutint la cause libérale dans la presse et dans les associations, ne laissa dans l'ombre aucune des grandes questions politiques qui demandaient à se faire jour, et lutta courageusement pour le triomphe des idées libérales et la prospérité des intérêts généraux.
Elu, en 1854, membre du conseil communal, il fut, la même année, nommé bourgmestre de la ville de Charleroi.
L'activité incessante qu'il avait déployée dans la lutte des partis, M. Charles Lebeau ne la démentit point dans la carrière administrative.
Magistrat laborieux et intègre, économe des deniers publics, accessible à tous les citoyens sans distinction de parti, M. Charles Lebeau donna une nouvelle impulsion aux affaires de la commune, établit l'équilibre dans les finances, encouragea toutes les institutions utiles, et vit sa réputation croître sous l'influence de ses talents.
En 1854, une récompense, motivée de la manière la plus honorable pour celui qui en était l'objet, fut décernée à M. Charles Lebeau.
Nous nous plaisons à retracer ici les termes mêmes de l’arrêté royal du 5 juin 1854, signé à Charleroi :
« Voulut récompenser, par un témoignage public de Notre satisfaction, le zèle intelligent et le dévouement dont fait preuve, dans l’exercice de ses fonctions, le sieur Lebeau, bourgmestre de la ville de Charleroi,
« Le sieur Lebeau, Charles, bourgmestre de la ville de Charleroi, est nommé Chevalier de l’Ordre Léopold. »
Les élections générales du 10 décembre 1857, ouvrirent le Parlement au bourgmestre qui avait rendu tant de services à la cause libérale. M. Charles Lebeau fut élu représentant pour l'arrondissement de Charleroi.
Le nouveau député apporta à la Chambre sa franchise d'opinion sans se heurter contre les extrêmes, sans se mettre à la remorque d'une doctrine de convention. Libre dans ses allures, franc et net dans ses idées, l'honorable M. Charles Lebeau a déjà pris plusieurs fois la parole en séance publique, notamment en ouvrant la discussion sur l'article 295 du code pénal.
Nous extrayons de son discours, auquel ses adversaires eux-mêmes ont rendu pleine et entière justice sous le rapport de la netteté d'exposition et de la lucidité de raisonnement, le passage suivant qui forme le résumé de ses principes de liberté en matière de cultes :
« Messieurs, les articles 295 à 300 du projet qui vous est soumis, touchent, comme on vous l'a dit hier, à une matière extrêmement délicate: La liberté des cultes.
« On comprend dès lors toute l'importance que chacun nous attache à ces dispositions.
« Chaque fois que le mot de liberté a retenti dans le pays, il a trouvé des échos dans tous les cœurs.
« Le Belge aime la liberté; il a combattu, il a versé son sang pour elle, et, dans toutes les circonstances, il saura s'imposer les plus grands sacrifices pour la maintenir pure et intacte.
« Je suis donc d'accord avec l'honorable M. Van Overloop, qu'on ne doit porter aucune atteinte aux libertés si précieuses qui sont inscrites dans notre Constitution. Mais est-il vrai que les dispositions des six articles en discussion porteraient une atteinte quelconque soit à la liberté des cultes, soit à la liberté de manifester ses opinions en toute matière, soit enfin à la liberté de la presse ?
« Evidemment non.
« Et si j'avais le moindre doute à cet égard, soyez convaincus que vous ne me verriez pas prendre la parole pour demander le maintien de ces articles.
« Je suis autant que personne partisan de nos libertés. Mais c'est précisément parce que je veux les maintenir pures que je voterai la loi qui empèchera qu'elles ne dégénèrent en abus et en licence.
« La liberté des cultes a été proclamée par les articles 14, 15, 16, de la Constitution.
« Mais si les cultes sont libres dans leur exercice, c'est à la condition qu'ils se renfermeront dans les limites qui leur sont assignées par leur mission sainte.
« Si leurs ministres peuvent librement annoncer leurs enseignements, c'est à la condition que leur parole sacrée, uniquement vouée aux choses de la religion, ne mêlera point à ces intérêts éternels, les éphémères intérêts de la société civile.
« La chaire ne doit compte à personne des discours dont elle a retenti, tant qu'elle s'est renfermée dans cette sphère. Sa responsabilité ne commence que lorsqu'elle a empiété sur un terrain qui lui est étranger. C'est cette limite que la loi pénale a eu pour but de protéger.
« Je veux la liberté des cultes et celle de leur libre exercice ;
« Je veux la liberté de manifester ses opinions en toute matière ;
« Je veux la liberté de la presse et celle de l'enseignement ;
« Je veux enfin le maintien et le respect de toutes nos libertés.
« Mais ce que je veux aussi dans l'intérêt même de ces libertés, c'est qu'elles soient circonscrites dans leurs véritables limites, dans les limites naturelles que la raison leur assigne, afin qu'elles ne dégénèrent pas en abus qui les feraient détester aux yeux des masses. »
Dans la séance du 17 février 1859, l'honorable représentant de Charleroi, fortifiait ses premières observations par de nouveaux arguments ; il développait sa pensée avec une rare lucidité.
« Il faut, disait-il, admettre les six articles qui composent le chapitre IX dans leur intégrité, ou les repousser tous, parce qu'ils constituent un véritable ensemble qu'on ne peut scinder sans porter atteinte à leur économie. »
La resse libérale reproduisit avec empressement ce second discours, parce qu'il renfermait une discussion logique et approfondie des textes, et qu'il jetait une vive lumière sur l'importante question de la liberté des cultes.
L'honorable M. Charles Lebeau, dont les preuves sont faites depuis longtemps comme bourgmestre, jurisconsulte et écrivain politique, doit à ces deux remarquables discours sa réputation d'orateur parlementaire.
(Extrait de L’Indépendance belge, du 15 août 1882)
Ainsi que nous l’avons annonce, M. Charles Lebeau, ancien bourgmestre de la ville de Charleroi, ancien représentant, ancien sénateur, est mort à son château d'Enghien-les-Bains lez-Paris, où il s'était retiré en quittant la scène politique.
La Gazette de Charleroi lui consacre l'article nécrologique que voici :
« M. Charles Lebeau a fourni une longue carrière politique et industrielle.
« Nommé conseiller communal en 1851, il fut, à la fin de la même année, appelé au poste de bourgmestre en remplacement de M. Nalines et occupa ces fonctions pendant vingt-deux ans.
« Lors de la chute de M. Dechamps, les libéraux le portèrent à la Chambre avec MM. Pirmez et Sabatier et lui renouvelèrent son mandat jusqu'en août 1870.
« A cette époque, M. Lebeau se laissa porter comme candidat au Sénat sur la même liste que MM. Houtart et Sylvain Pirmez et réussit à se faire élire en même temps que ces messieurs.
« A l'expiration de son mandat, en 1871, il se désista en faveur de son beau-fils, M. Emile Baliseau„ notre honorable sénateur, et se retira complètement de la vie politique.
« L'année précédente, il avait déjà, nous l'avons dit, donné sa démission de bourgmestre de notre ville.
« A un autre point de vue, on peut dire que le nom de M. Lebeau restera inscrit sur le livre d'or de nos industries pour les services qu'il leur a rendus dans notre bassin ; leur extension a fait l'objet de ses continuelles préoccupations ; à peine la marche d'une affaire était-elle assurée qu'il appliquait son activité et son expérience consommée à en établir une autre.
« II fait des Houillères-Unies l’une des premières sociétés charbonnières du pays ; il a fondé la Banque de Charleroi ; il est un des principaux fondateurs des verreries de Charleroi, des hauts
fourneaux du midi, de la Sucrerie de Fleurus, de la Société Henrez de Monceau, du charbonnage de Pâturages et Wasmes.
« M. Lebeau a beaucoup souffert sur la fin de sa vie, la maladie qui l'emporte à 70 ans était fort douloureuse. »