Julliot Louis, Julien, Clément libéral (1848-1857), catholique (1857-1881)
né en 1795 à Tongres décédé en 1881 à Tongres
Représentant entre 1848 et 1881, élu par l'arrondissement de Tongres(Extrait de : E. BOCHART, Biographie des membres des deux chambres législatives, session 1857-1858, Bruxelles, M. Périchon, 1858, folio n°64)
JULLIOT, Louis-Julien-Clément
Chevalier de l’Ordre Léopold
Né à Tongres, le 10 octobre 1795
Représentant, élu par l’arrondissement de Tongres
M. Julliot débuta, en 1827, dans la carrière administrative comme conseiller de régence de Tongres. La même année, il fut nommé, par le roi Guillaume, commandant de la garde communale.
Echevin en 1828, il fut élu, en 1829, aux états provinciaux pour l'ordre des villes, et à la députation permanente par les membres opposants de cette époque.
Pendant les journées d'octobre 1830, à l'arrivée du prince d'Orange à Anvers, M. Julliot reçut du gouverneur du Limbourg la mission confidentielle de se rendre près du prince, afin d'y conférer sur les actes à poser dans cette province pour que la ville de Maestricht, autrefois ville mixte et à garnison hollandaise, pût rester tout entière à la Belgique, en cas de séparation. On le retint une semaine à Anvers ; mais vint la proclamation royale qui rompait toute négociation. A son départ, M. Julliot reçut du prince démission honorable de ses fonctions ; il se rendit à Maestricht pour y rendre compte de sa mission, et rentra dans ses foyers.
Vers la fin de novembre, il fut appelé à Hasselt pour aider, avec cinq autres membres, à y installer le gouvernement provincial belge ; toutes les archives. de la province étaient enfermées à Maestricht. M. Julliot fut compris dans la formation d'une nouvelle députation permanente, déléguée ad hoc par le Gouvernement provisoire ; des élections successives le maintinrent dans ces fonctions jusqu'en 1842.
En 1848, les électeurs de Tongres lui conférèrent le mandat de représentant, et trois fois ce mandat lui fut renouvelé par une imposante majorité.
L'honorable M. Julliot siége au centre, et dans les questions de liberté dans l'ordre moral, il vote habituellement avec la droite.
Adversaire déclaré des prohibitions et des protections douanières, de la centralisation et de toute intervention de l'Etat sans nécessité absolue, le représentant de Maeseyck s'attache de préférence au côté social et économique des questions, en négligeant volontiers le côté purement politique. Il a proposé successivement, et sous des ministères différents, l'abolition des primes, soit pour la construction des navires, soit pour le poisson à l'exportation ; la suppression des bourses universitaires à charge de l'État et celle du haras du gouvernement; l'abandon à une compagnie des bateaux à vapeur entre Ostende et Douvres. Selon lui, ces diverses industries doivent être laissées dans le domaine de la liberté du travail.
L'honorable M. Julliot, qui ne se met à la remorque d'aucun parti politique, et qui prend avant tout son point de vue rationnel pour guide, appartient, par ses libertés de forme oratoire, à l'école indépendante, et ne manque dans ses allocutions ni de causticité, ni de verve.
Quelques extraits de ses discours justifieront cette appréciation.
Dans la discussion de la loi de l'enseignement moyen grevant le budget d'une somme importante et qu'il combattait, il disait dans la séance du 25 avril 1850:
« Alors que le gouvernement crée des athénées aux frais de l'Etat dans des villes privilégiées où l'enseignement sera <presque gratuit, il commet une injustice envers le grand nombre.
« Le caractère principal de cette loi, c'est du garantisme au profit d'un petit nombre à charge de la généralité, je dirai même du garantisme pratiqué par le bas de l'échelle au profit du haut de l'échelle sociale. Vous instruirez presque gratis, dans vos athénées, ceux qui boivent du vin à l'aide des contribuables qui boivent de la bière et souvent de l'eau.
« Cette fois, M. le ministre, la démocratie est de mon côté, elle n'est pas du vôtre. »
Dans la discussion du projet de loi portant suppression des droits et des prohibitions de sortie, répondant à un membre considérable de la gauche qui soutenait vigoureusement la prohibition d'exportation des os et des chiffons, l'honorable M. Julliot émit, dans la séance du 2 mars 1853, son opinion en ces termes :
« Quand on a prononcé les mots de travail national et de matière première, tout paraît dit.
« Dans toutes les discussions économiques on tient si peu compte des principes, que je trouve des adversaires de toutes les couleurs et de toutes les tailles; on ne sait plus finalement à qui s'en prendre; j'ai donc choisi ceux dont la parole peut entraîner le plus de votes.
« C'est vous dire que je n'entreprendrai pas de rectifier tous les disciples de l'école de M. de Saint-Cricq; ils sont trop nombreux, ce sont tous des théoriciens du travail national, quand même. Ceux, par exemple, qui trouvent que la Belgique éprouverait un énorme malheur, si demain le charbon s'y trouvait en quantité suffisante à fleur de terre: car dans ce cas une masse de travail national cesserait de se produire, comme si les capitaux disponibles ne se porteraient pas immédiatement sur un autre point en y attirant le travail sous une autre forme.
« Vous avez encore les théoriciens de la matière première dont je demande avec instance la définition qu'on ne me donnera pas, car elle est insaisissable.
« En effet, prenons pour exemple la laine : sa production a certes coûté du travail ; néanmoins on vous dit que c'est une matière première. Or, la terre produit la récolte ; la récolte, le mouton ; le mouton, la laine ; la laine, le fil ; le fil, l'étoffe ; l'étoffe, l'habit ; ce dernier est la matière première du chiffon ; celui-ci engraisse la terre et vous ramène au mouton et à sa laine, etc. Où maintenant est la matière première ? Où commence-t-elle, et quand cesse-t-elle de l'être ? Car chacune de ces transformations a occasionné ce que vous appelez une portion du travail national. Des entraves politiques et la liberté commerciale, cela ne s'est jamais vu. Mais aussi des libertés politiques et des entraves commerciales et industrielles sont un état qui ne peut durer ; l'une liberté doit entraîner l'autre, ou la première disparaîtra on ne me convaincra pas que, pour l'artisan, la liberté de perdre son temps dans un cabaret en lisant une gazette contre le gouvernement, soit plus utile à sa famille et à son pays que la liberté de tirer de son travail le plus de rémunération possible. Non, cela n'est pas vrai. »
Sous le ministère de M. De Decker, dans la discussion des crédits pour l’exécution des travaux d’utilité publique, l’honorable représentant de Maeseyck, toujours novateur en la forme, et au fond toujours fidèle à ses opinions qu’il exprime avec une entière franchise, fit à la séance du 29 mai 1855, la déclaration suivante :
« Si le ministère ne peut se décider à pratiquer une autre politique économique que celle de ses devanciers, que deviennent alors toutes ces jérémiades sur la politique communiste du 12 août. Rien !
« Je n'hésite pas à le dire, si à la rentrée des Chambres on nous présente les mêmes budgets du passé, en laissant les intérêts moraux et matériels dans la même position économique, on dira que le mal qu'on s'est donné avait pour but de fournir des places à ceux de la droite au lieu de ceux de la gauche. C'est faire la partie trop belle à l'opposition d’aujourd’hui. »
(Extrait de Précis historiques. Mélanges religieux, littéraire et scientifiques, Bruxelles, Alfred Vromant, 1881, t. 30,, p. 454)
Le 7 mai, est pieusement décédé à Tongres, à l'âge de 86 ans M. Louis Julliot, membre de la Chambre des représentants depuis plus de trente ans. Il était le frère du P. Robert Julliot, de la Compagnie de Jésus, qui fonda à Liége, en 1839, le collège Saint-Servais, et édifia longtemps cette grande ville par son zèle et ses vertus. M. L. Julliot était le doyen de la Chambre et appartenait au grand parti catholique et conservateur auquel il dévoua sa longue carrière administrative et politique. Nous ne pouvons mieux faire que de résumer ici le beau discours que M. le comte de Borchgrave, son collègue à la Chambre, a prononcé à Tongres à la cérémonie des funérailles.
« Louis Julliot, disait M. de Borchgrave, fut toujours un type d'honneur et de probité ; esprit conciliant, d'un caractère doux et affable, au milieu de nos luttes politiques si vives, si acharnées, il sut conserver l'estime et le respect de tous. Economiste sérieux, traitant toutes les questions avec cet esprit fin et humoristique qui le distinguait, il eut du succès à la tribune parlementaire ; et je puis dire que pas un orateur n'était écouté avec plus de bienveillance que notre excellent collègue.
« La carrière de Louis Julliot fut longue et bien remplie : dès avant 1830, il était membre de l'administration communale de Tongres en qualité d'échevin, membre des états provinciaux et de la députation permanente. A peine la Belgique eut-elle secoué le joug de l'étranger et conquis son indépendance, que notre regretté collègue fut nommé membre du conseil provincial et député permanent, fonctions qu'il occupa jusqu'en 1842. Bourgmestre de Pirange depuis 1848 jusqu'en 1878, il fut appelé en 1848 à l'honneur de représenter l'arrondissement de Tongres au Parlement, et ses concitoyens lui renouvelèrent son mandat jusqu'à ce jour, pendant 33 ans, malgré son vif désir, souvent exprimé, de rentrer dans la vie privée pour y jouir du repos qu'il avait si bien mérité. En récompense de ses bons et loyaux services, le Roi l'avait nommé commandeur de son Ordre. Tout l'arrondissement, nous n'en doutons pas, s'associe au deuil et aux larmes de la famille qui perd son vénérable chef.
« Pour nous, catholiques, outre les regrets qu'elle nous inspire, cette tombe nous rappellera notre devoir : le souvenir dans la prière. Non, cher et regretté collègue, ce souvenir ne vous manquera pas, et il sera la dernière et réelle preuve de l'affection que vous portaient tous ceux qui, par ma voix, vous disent un dernier adieu. »