Jottrand Gustave liberal
né en 1830 à Bruxelles décédé en 1906 à Bruxelles
Représentant entre 1870 et 1884, élu par l'arrondissement de Bruxelles(Extrait de : J.L. DE PAEPE – Ch. RAINDORF-GERARD, Le Parlement belge 1831-1894. Données biographiques, Bruxelles, Commission de la biographie nationale, 1996)
Docteur en droit de l'université libre de Bruxelles (1850)
Docteur en sciences politiques et administratives de l'université libre de Bruxelles (1851)
Avocat à la cour d'appel de Bruxelles (1850-1906)
Cofondateur de l'hebdomadaire La Liberté à Bruxelles (1865)
Conseiller communal de Bruxelles (1869-1871)
Cofondateur de la Libre pensée< à Bruxelles (1863-1864)
Membre du conseil d'administration de l'université libre de Bruxelles (1868-1870)
Membre du Willemsfonds (1868, 1881)
Président du comité de la Ligue de l'enseignement (1872-1873, 1875, 1877)
Secrétaire des "Vlamingen Vooruit"
(Extrait de l’Indépendance belge, du 4 juin 1906)
On annonce la mort, à Bruxelles, de M. Gustave Jottrand, avocat à la cour d'appel de Bruxelles depuis le 6 avril 1850. Le défunt, qui était de pléiade de vieux lutteurs à qui le libéralisme belge dût tant de victoires, avait siégé au conseil communal de Bruxelles et à la Chambre des représentants. C’était un homme de talent et son autorité était grande. Depuis longtemps déjà, il se désintéressait de la politique active pour se consacrer au barreau, et voici quelques années qu’il prenait un légitime repos.
Le défunt, qui fut très sympathiquement connu, est le père de Barthel Jottrand, substitut du procureur général à la cour d’appel, et était le beau-père de feu le docteur Destrée si prématurément enlevé à la science et aux siens.
(Extrait du Journal de Charleroi, du 4 juin 1906)
Un homme qui occupa une place importante dans le parti libéral, M. Gustave Jottrand, vient de mourir.
M. Jottrand qui, au début de sa carrière politique, représentait dans son parti des idées qui passaient alors pour avancées, avait été conseiller communal de Bruxelles, puis membre de la Chambre des représentants, et était devenu l'un des adversaires de la jeune gauche à la Chambre. II avait, depuis 1884, abandonné la politique militante.
C'était un orateur mordant. Et il avait rendu à son parti de réels services.
M. Gustave Jottrand était le père de M. B. Jottrand, avocat général.
(Extrait du XXème siècle, du 4 juin 1906)
Mort de M. G. Jottrand
Lundi ont été célébrées les funérailles de M. Gustave Jottrand avocat, à la cour d’appel, ancien conseiller communal de Bruxelles, ancien représentant.
M. Jottrand n'a joué en politique qu'un rôle très secondaire et sa participation à la trop fameuse enquête scolaire où il remplit un des grands rôles en compagnie de feu Bouvier a été seule à lui valoir une célébrité très relative et très momentanée.
Ce fut une des colonnes du temple doctrinaire et l'un des plus fidèles disciples de Frère-Orban.
Lors de la débâcle libérale, en 1884, Jottrand disparut dans la tourmente. Il n’a plus jamais reparu sur la scène politique.
Le défunt était père de M. B. Jottrand, avocat général près la cour de Bruxelles.
Sam VAN CLEVEN, Gustave Jottrand, dans Nieuwe encyclopedie van de Vlaamse Beweging; Tielt, 1998
Gustave Jottrand, (Brussel 24 oktober 1830 -na 1884). Zoon van Lucien Jottrand.
Studeerde rechten aan de Université libre de Bruxelles (1846-1850). Jottrand was in 1865 medestichter van de krant La Liberté, en werd lid en van 1872 tot 1878 voorzitter van de Ligue de l'Enseignement, die het volksonderwijs wilde bevorderen door het onder andere te vernederlandsen. Aanvankelijk behoorde Jottrand tot de democratische vleugel van Vlamingen Vooruit (hij was secretaris van de vereniging), maar hij evolueerde later tot een conservatieve liberaal. Hij was eveneens actief in het door Vlamingen Vooruit gesteunde Vlaamsch Verbond, dat vanaf 1861 tevergeefs alle Vlaamsgezinde verenigingen wilde overkoepelen.
Binnen de liberale partij was Jottrand eerst secretaris en later voorzitter van de Association libérale de Bruxelles. In 1869 werd hij verkozen tot gemeenteraadslid en van 1870 tot 1884 was hij schepen. Tijdens de verkiezingscampagne beriep hij zich op zijn Vlaamsgezind verleden om Nederlandstalige kiezers aan zich te binden. Hij verklaarde zich toen een groot voorstander van de leuze “In Vlaanderen Vlaamsch”. Als schepen steunde hij de wens om een Nederlandstalig theater in Brussel op te richten.
(Ch. DELFOSSE, M. Gustave Jottrand, dans Les Hommes du Jour (revue biographique hebdomadaire), 1883, n°22, pp. 93-96)
Le père Jottrand, avocat à la cour d'appel de Bruxelles, ancien membre du Congrès national de 1830, était un honnête homme dans toute l'acception du mot. Démocrate convaincu, il a lutté avec énergie et pendant de longues années pour la cause du progrès et de la liberté. Catholique, mais non clérical, il croyait que le christianisme était la religion de l'avenir. Nous nous inclinons devant toutes les convictions sincères et loyales.
Tel père, tel fils, dit un vieux dicton. Gustave Jottrand actuellement député, a tenu à faire mentir outrageusement le proverbe. Le portrait que nous avons à tracer aujourd'hui est un des plus ingrats et des plus tristes de notre galerie. C'est un exemple frappant des hypocrisies et des platitudes que peut commettre un homme pour arriver à une situation politique.
Gustave Jottrand, avocat, est né à Bruxelles, le 24 octobre 1830. Il fit ses études à l'école centrale et son droit à l'université libre de Bruxelles (1846-1850.) Il s'occupa d'abord des questions économiques et fut ensuite secrétaire de l'Association ainsi que du Congrès pour la réforme douanière.
En 1864, Jottrand entra dans la vie politique et devint un des membres les plus actifs des meetings de la Louve. Il se déclara tout d'abord adversaire acharné de la coterie doctrinaire contre laquelle il lança ses plus furieuses imprécations. A ce moment, il s'affirma hautement comme démocrate, jouant avec assez d'adresse de cette guitare qui s'appelle le libéralisme progressiste. C'est de lui cette phrase fameuse : Le drapeau de l'association libérale est un vieux et sale mouchoir de poche dans lequel tout le monde s'est mouché.
Jottrand, qui avait si bien dépeint le drapeau de cette fameuse association, est aujourd'hui un de ses plus ardents défenseurs. Combien, hélas ! sont dans ce cas !
En 1865 il fit partie avec Picard, Olin, Demeur, Graux, les frères Janson, Robert et Splingard, de la rédaction de la première Liberté. La bonne, déclara dernièrement Graux, son collègue en turpitudes, à la Chambre des représentants.
Jottrand posait à cette époque pour un désintéressé et un convaincu. Le puritanisme de ses principes était cité à l'ordre du jour des réunions populaires.
Le 16 mars 1865, dans un meeting tenu à l'estaminet Saint-Martin, place communale à Molenbeek-Saint-Jean, le pur des purs, prononça les paroles suivantes :
« La veille des élections, les candidats serrent la main à tout le monde et promettent monts et merveilles ; mais, du moment qu'ils sont nommés mandataires et assis, au lieu de s'occuper des intérêts généraux, ils ne s'occupent plus que de leurs intérêts personnels ou de leurs misérables luttes de partis. Je dis ceci pour les ministres, pour les représentants, en. un mot pour tous les dépositaires du pouvoir et tous les mandataires. »
Cette vérité devait recevoir une nouvelle et éclatante confirmation par la conduite future de l'orateur, car les contradictions et les palinodies ne comptent plus dans la vie de Gustave Jottrand. Ces paroles prononcées il y a près de vingt ans, sont le plus exact portrait qu'il soit possible de faire du député caméléon.
Le passage de Jottrand au Meeting libéral ne fut pas de longue durée. Cette association composée d'hommes jeunes et actifs, mais n'ayant aucune influence électorale, ne pouvait convenir à celui qui cherchait avant tout un marchepied pour entrer au conseil communal, et de là, au Parlement. Aussi n'hésita-t-il pas longtemps ; en 1866 il sollicitait son admission à l'Association libérale, à laquelle, peu de temps auparavant, il avait juré une haine éternelle.
Cette volte-face lui fut reprochée vertement dans la séance du Meeting libéral, le 7 décembre 1866. Il eut l'audace d'essayer d'expliquer sa conduite et ses arguments furent un scandaleux aveu de l'ambition qui rongeait le jeune avocat.
« On ne cesse, dit-il, de me demander pourquoi je suis entré à l'Association libérale ; j'aurais voulu ne pas en dire le motif, mais puisqu'on m'y pousse, je me ferai violence. C'est parce que l'influence électorale du meeting allait en diminuant. Chaque fois que nous avons présenté des candidats, nous avons essuyé de honteuses défaites. » M. P . Splingard riposta aussitôt : » Pendant trois ans vous les avez appelées glorieuses ! » Jottrand avait démasqué ses batteries : il annonçait dès ce moment le bateleur politique qu'il fut depuis.
Splingard et Paul Janson apprécièrent en public et devant Jottrand l'acte de félonie que celui-ci venait de poser.
P . Splingard : « Il est triste de devoir constater ici que les membres du Meeting qui sont entrés à l'Association Libérale, se soient laissés guider par ce qu'ils ont toujours combattu, par ces influences de position et de fortune, sous lesquelles ils espèrent avoir une certaine prise pour satisfaire l'ambition de quelques-uns des leurs. »
P. Janson : « Deux questions ont été posées dans ce débat. Faut-il que le Meeting donne un bill d'indemnité à ceux de ses membres qui sont entrés à l'Association. Voilà la première. Notre dignité doit nous refuser d'y répondre, ces membres ayant commis une faute politique. Ils s'imaginent qu'ils deviendront la majorité à l'Association ; ils se trompent : ils seront tout simplement la queue du parti libéral, cette queue que l'on cravache lorsqu'on veut couper un intermède, la comédie clérico-libérale. En entrant à l'Association Libérale, vous espérez vous servir d'une enseigne commerciale que vous avez longtemps discréditée : c'est une mauvaise action ; je ne veux pas, moi, aliéner ma liberté, voilà pourquoi je reste au Meeting. »
Hélas ! pourquoi ces paroles si éloquentes et si vraies, n'ont-elles pas guidé constamment le chef de la jeune gauche. Lui aussi est entré à cette Association qu'il combattait jadis avec tant de raison, lui aussi a cru se servir de cette enseigne discréditée pour faire triompher ses principes. Il doit voir aujourd'hui combien il s'est trompé. L'échec de son ami Robert est l'avant-coureur de ce qui attend les membres de la jeune gauche au poll du mois de juin prochain. Combien en restera-t-il sur le carreau ? Nous l'ignorons, mais les plus fermes, les plus intrépides échoueront certainement devant la coalition des forces doctrinaires unies avec les progressistes modérés, cette fumisterie colossale qui a eu pour auteurs MM. Lepage et Van Ellewyck.
La faute en sera à M. Paul Janson qui n'aura pas eu la force de se retirer de ce guêpier où il use le restant de sa popularité.
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Le découragement qui suivit la défection de Jottrand et d'une trentaine de ses amis, fit disparaître le Meeting libéral. L'Association dominait de nouveau la situation ; ses adversaires humbles et repentants, venaient faire amende honorable devant elle ! Jottrand, voulant donner des gages à ses nouveaux alliés, devint un des plus ardents doctrinaires de la coterie. Il fut plat et vil, ayant beaucoup à se faire pardonner.
En 1869, il obtint enfin la récompense de ses efforts et fut élu membre du conseil communal de Bruxelles où sa présence ne fut guère remarquée. Sa prétentieuse nullité se mit à l'aise dans les fauteuils de l'hôtel-de-ville, en attendant que de nouvelles compromissions lui ouvrissent les portes de la Chambre des représentants, but suprême de ses espérances. Cet heureux moment ne se fit pas trop attendre : un an après il entrait dans cette pétaudière ou jacassent ce ramassis de gâteux qui s'affublent du non d'honorables.
Jottrand était, lors de sa nomination, secrétaire de l'Association Libérale, et dans les réunions électorales préparatoires et surtout au meeting tenu salle Navalorama, le 2 août 1870, il se déclara adversaire du cumul des mandats électifs, et déclara que s'il était nommé membre de la Chambre, il donnerait immédiatement sa démission de conseiller communal.
Elu député, il continua à siéger à l'hôtel-de-ville. Il fallut une affiche apposée sur les murs de Bruxelles, par les soins de l'association des électeurs indépendants, pour le forcer à renoncer à son mandat de conseiller.
Jottrand donnait ainsi une idée de ce que serait plus tard cet arlequin politique, qui devait marcher à pieds joints sur toutes ses promesses et passer sa vie à nier le lendemain, ses déclarations de la veille.
Dans tous les discours qu'il prononça pendant cette période de quatre années, nous n'y trouvons aucune affirmation de principes ; il pleura des larmes de crocodile sur les divisions du parti libéral.
Cabotin jusqu'au bout des griffes, il fut d'une platitude vraiment accablante devant dame Doctrine ; il oublia toute pudeur et sa nature bilieuse et envieuse se complut dans les basses œuvres qui se complotaient dans les sentines de l'Association doctrinaire libérale contre l'élément loyal et honnête de la fraction progressiste et démocratique de l'arrondissement de Bruxelles.
En 1870, la majorité échappa au parti libéral ; aussi Jottrand n'eût-il aucune crainte de signer, avec plusieurs de ses collègues, une proposition de révision immédiate de l'article 47 de la Constitution. Cette proposition fut enterrée ; elle réunit 23 voix, parmi lesquelles celles de MM. Berge, Couvreur, Le Hardy de Baulieu, et autres Lescarts.
Jottrand expliqua dernièrement que s'il avait eu, il y a 13 ans, l'audace grande d'être révisionniste, c'est parce que le parti clérical se trouvait au pouvoir, mais qu'au fond, la révision de l'article 47 était le moindre de ses soucis.
Pendant trois ou quatre ans, Jottrand continua à la Chambre son petit rôle d'opposition, prenant son mot d'ordre chez M. Frère-Orban.
En 1877, Paul Janson posa sa candidature à la députation et il trouva chez l'ancien progressiste de là Louve, un adversaire acharné. Jottrand était alors président de l'Association : avec MM. Anspach, Crocq, Couvreur et Van Humbeeck, ils prirent la parole dans les réunions électorales et combattirent le candidat progressiste avec une grande vigueur. Malgré tous les efforts des doctrinaires, Janson triompha avec une majorité écrasante et Jottrand, battu et pas content, dut faire amende honorable en recommandant la candidature Janson au corps électoral.
Il eut un instant l'idée de faire une nouvelle scission à l'Association libérale, mais craignant pour son mandat, il préféra s'incliner et ronger son frein en silence. Le triste personnage dont nous esquissons le portrait, furieux de voir entrer successivement à la Chambre ses anciens adversaires, luttait sourdement contre eux, et tout ce que son cœur contenait de fiel et de haine déborda en 1883 lors de la seconde proposition de re vision de la Constitution.
Jottrand et les ex-révisionnistes de 1870, se soulevèrent avec colère contre les « six » qui avaient l'audace grande de déposer semblable proposition sans demander leur avis préalable. C'était risible. Aussi M. Jacobs interrompa-t-il le pantin doctrinaire pour lui demander si c'était une soustraction frauduleuse.
Jottrand, Tartuffe jusqu'au bout des ongles, protesta de son dévouement à la cause démocratique, mais déclara qu'il voterait... contre la proposition. Il fit plus : il attaqua, il calomnia les membres de la jeune gauche, il parla d'opportunité, de sagesse, de prudence et autres balivernes en usage chez les réactionnaires. Il fut plat et obséquieux devant le chef du gouvernement qui, quelques jours plus tard, nomma son fils, un jeune homme sortant de l'université, au poste de substitut du procureur du roi.
On le voit, Jottrand a toujours su mener sa barque et toutes les lâchetés et les trahisons qu'il a commises dans le cours de sa carrière politique, ont été rétribuées largement.
Dans cette mémorable discussion, il fut mainte fois relevé par M. Janson et ses amis, qui ne ménagèrent pas, et avec raison, le souteneur du cabinet doctrinaire. Jottrand s'excusa : il parla longtemps de l'union du parti libéral, il sortit tous les vieux clichés doctrinaires, il parla même du spectre clérical. J'assistais à cette mémorable séance. Jottrand était assis a côté de Lescarts qui, sortant probablement d'un copieux déjeuner, interrompait constamment les orateurs progressistes. Ces deux vieux débris se soutenaient mutuellement, se prêtant assistance, gesticulant, se démenant, invectivant même Janson et Féron qui leur rappelaient leur passé.
Le spectacle était curieux, et, à bout d'arguments, le pitre Jottrand reprocha aux députés progressistes d'avoir jadis combattu le parti libéral. Le reproche était comique dans la bouche de celui qui avait prononcé les paroles citées plus haut à propos du drapeau libéral.
Le rôle indigne joué par Jottrand dans ses derniers temps, a soulevé tous les honnêtes gens contre lui.
Le physique de Gustave Jottrand répond au moral. Il est vulgaire et prétentieux : avec de gros yeux ronds, la bedaine et les manières d'un marchand d'hommes. Quand il entre dans la salle des séances, son air dégingandé et roulant, rappelle ces clowns de cirques chargés d'amuser la galerie pendant les entr'actes. A la tribune, il roule dans des périodes longues, bêtes et lourdes, les idées saugrenues qui passent dans sa cervelle doctrinaire.
Ses discours sont creux, hésitants, l'idée est nulle chez lui comme son éloquence ; jamais son geste ne prend d'ampleur ni sa voix d'expansion.
Il n'est guère écouté de ses collègues qui le trouvent, et avec raison, d'une insipidité remarquable.
Quand il parle politique, il est grotesque. Sa parole est monotone et assoupissante et, n'était le rôle de laquais qu'il joue à la Chambre, on ne s'y expliquerait pas sa présence. Il représente à merveille le type de l'égoïste florissant et sans vergogne.
Sera-t-il réélu au mois de juin ? C'est fort probable. L'Association libérale dont le tempérament doctrinaire est monstrueusement développé, ne trouvera jamais un mandataire plus digne de la représenter.