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Hymans Salomon (1829-1884)

Portrait de Hymans Salomon

Hymans Salomon, Louis libéral

né en 1829 à Rotterdam (Pays-Bas) décédé en 1884 à Ixelles

Représentant entre 1859 et 1870, élu par l'arrondissement de Bruxelles

Biographie

(Charles PERGAMINI, dans Biographie nationale de Belgique, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1956, t. 29, col 708-711)

(col. 708) HYMANS (Louis), journaliste, né à Rotterdam le 3 mai 1829, décédé à Ixelles le 22 mai 1884. Son père naquit à Dordrecht et exerça la fonction de médecin. Il s'établit en Belgique en 1829, bénéficia en 1836 de la loi sur l'indigénat, votée l'année précédente, fit un court séjour à Bruxelles et alla se fixer à Anvers, où il pratiqua son art jusqu'à sa mort en 1848.

Louis Hymans poursuivit ses études à l'Athénée d'Anvers et fréquenta, dans cette ville, les cours de (col. 709) l'Académie des Beaux-Arts. A la suite d'un incident provoqué par la susceptibilité d'un de ses professeurs de l'Athénée, froissé de quelques croquis et de vers satiriques dus à l'exubérance de l'écolier, celui-ci s'enfuit à Gand où il se rendit chez l'historien Moke, ami de sa famille. Il fréquenta dès lors l'Athénée de Gand. L'influence de Moke fut profonde sur son jeune commensal et futur disciple. Sans perdre ses dons primesautiers, ni son impétuosité naturelle, Louis s'acharna au travail et suivit les cours de candidature en philosophie et lettres à l'université de Gand. Il écrit déjà et compose même un drame historique en vers, Robert le Frison, qui fut représenté à Gand le 17 mars 1847, puis le Gondolier de Venise, opéra-comique, musique de Joseph Grégoire, joué à Anvers en 1848. Bref, lorsqu'il perdit son père, il avait acquis une certaine notoriété littéraire. Les circonstances l'obligèrent à abandonner ses études, mais il acheva sa formation en se rendant à Paris.

Revenu en Belgique, et fixé à Bruxelles en 1849, il fait partie du Cercle artistique et entre résolument dans le journalisme. Il se distingue immédiatement par sa verve, par sa combativité joyeuse, et enrichit son information en traduisant des articles parus dans la presse étrangère. Les Notes et Souvenirs ainsi que les Types et Silhouettes constituent des sources

précieuses qui nous renseignent sur ses débuts littéraires.

En 1853, il s'essaie à l'enseignement : il professe, en effet, l'histoire nationale au Musée de l'Industrie (4 novembre 1854), ayant auparavant assoupli et perfectionné sa parole, en conférenciant non seulement à Bruxelles, mais aussi à Gand, Anvers et Liège. Les témoignages contemporains le présentent sous les traits d'un causeur distingué, discret, vivant, vulgarisateur dans toute la force du terme, sachant mettre en lumière l'essentiel des sujets abordés par lui et

soutenant l'attention de ses auditeurs par l'attrait d'un style approprié à camper ses personnages. Aussi connut-il bientôt le succès.

(col. 710) Sa culture générale très étendue - alimentée par son labeur quotidien, par la curiosité de son esprit toujours en éveil et par les voyages qu'il avait entrepris en Angleterre, en France, en Hollande, en Allemagne, voire même à Moscou - allait se développer encore durant toute sa vie et provoquer l'efflorescence de ses qualités de polygraphe et de publiciste. Toutefois, les visions qu'il avait recueillies au dehors ne firent point tort à son amour des

horizons familiers. Il continua d'apprécier sincèrement les charmes de son pays, sans se faire faute de recommander à ses compatriotes de lire les auteurs étrangers, de sortir de leurs frontières, de visiter les musées. Ce grand Belge ne laissa pas d'éprouver toujours une vive sympathie pour l'Angleterre. Il n'hésita pas, d'ailleurs, à se dire « anglomane jusqu'aux moelles ». En effet, dans ses Notes et Souvenirs (2e éd., p. 122 et suivantes), on trouve ce jugement catégoriquement énoncé par lui, où se conjuguent, suivant sa manière habituelle, l'humour et le sens de la gravité : « L'Angleterre, écrit-il, est à mes yeux la première nation du monde. Elle possède le Times et le Punch... les plus beaux chevaux... la plus belle marine, les plus beaux parcs... et par-dessus tout la vraie liberté. »

D'une activité débordante, Louis Hymans entre dans la carrière politique. Exerçant son mandat de député à la Chambre des représentants de 1859 à 1870, il mettra au service du bien public et du « libéralisme modéré » ou « doctrinaire » ses ressources naturelles. Improvisateur brillant, rapporteur substantiel et consciencieux, il intervint souvent à la tribune parlementaire. Son nom demeure attaché à l'étude et à la discussion de multiples problèmes soumis à la Chambre : garantie de la propriété des œuvres d'art et littéraires, enseignement national, statut des fonctionnaires, budgets de l'intérieur, travail des enfants dans les usines, question linguistique, réforme électorale, etc.

Il se dépensa sans compter et (col. 711) participa à la vie intellectuelle de son pays pendant plus de trente-cinq ans. Il publia des romans régionalistes, des ouvrages de vulgarisation historique, d'innombrables articles entés sur les sujets les plus divers.

Il fut homme politique, homme de lettres, professeur, critique d'art, conférencier, historien, romancier, poète lyrique, abordant tous les genres avec une égale maîtrise. Mais il demeura surtout le grand journaliste, à la verve inépuisable et à la conscience droite. L'Académie royale de Belgique l'admit en son sein, en 1880, consacrant ainsi son talent.

Sa mort laissa un grand vide. La presse entière - qu'il avait tant honorée - et les divers corps et institutions dont il avait fait partie reconnurent ses qualités exceptionnelles.

Ses adversaires politiques eux-mêmes rendirent un éclatant hommage à sa probité, à son désintéressement, à son énergie laborieuse et à la sincérité de ses convictions.

On trouvera la liste bibliographique publiée par Stecher dans l'Annuaire de l'Académie (1886), pp. 377-382 à savoir

Le diable à Bruxelles (en collaboration avec Jean Rousseau), 1853, 4 parties.

La famille Buvard, scènes de mœurs bruxelloises (1858), 2 volumes.

La Courte Échelle, scènes de mœurs bruxelloises (1859).

André Bailly (1861), 2 volumes.

Notes et souvenirs (1876), 2 éditions.

Types et silhouettes (1877).

Histoire parlementaire de la Belgique (1831-1881), 5 tomes.

La Belgique contemporaine (Mons, 1884).

Le Congrès national de 1830 et la Constitution de 1831 (1882).

Bruxelles à travers les âges (1883-1885), 3 tomes, le 3ème en collaboration avec Henri et Paul Hymans, respectivement frère et fils de l'auteur.

Hymans collabora aux journaux et périodiques suivants : Messager de Gand et des Pays-Bas, Politique (de Bruxelles), Gazette (de Mons), Observateur belge, Précurseur (d'Anvers), Indépendance belge, Moniteur belge, Nord (de Bruxelles) ; Etoile belge, Office de publicité, Belgique judiciaire, Revue britannique; Echo du Parlement, etc.


(Extrait de l’Indépendance belge, du 23 mai 1884)

NÉCROLOGIE.

Mort de M. Louis Hymans

Les nouvelles relativement rassurantes qu'on nous donnait dé la santé de M. Louis Hymans n'étaient malheureusement qu'un leurre. Une certaine tendance au mieux, la fin du délire, pas d'aggravation, tout cela n'était qu’illusion pure. Hier encore, apprenant une légère amélioration, nous demandions si tout danger était écarté. Et l'on nous répondait : « Loin de là ! » Ce n'était que trop vrai. Dans la nuit de mercredi à jeudi, l'inflammation cérébrale a reparu avec une intensité nouvelle, dont il a été impossible de conjurer les effets, et notre confrère a succombé à 3 1/2 heures du matin. Il n'avait que 55 ans.

Cette mort soudaine affligera tout le monde, et tous les partis comme tous les journaux seront d'accord pour décerner à notre vaillant confrère l'hommage de leur estime et de leurs regrets sincères.

Louis Hyman est l'un des plus brillants journalistes don la presse belge se fasse honneur depuis 1830. Il a fait des livres, des conférences et des discours, il a été professeur, romancier, auteur dramatique, homme politique, député, académicien, mais il était journaliste jusqu'aux moelles ; c'est à ce titre surtout qu'il a marqué et que son souvenir restera.

Ses débuts remontent loin. Il les a lui-même racontés dans un de ses nombreux volumes. A une époque où d'autres achèvent leurs études, il s'essayait déjà aux luttes de la presse, et dans ce journal où il a passé, on n'a pas oublié les promesses qu'il donnait et qu'il a tenues, les qualités qui annonçaient, dès ses premières armes, le publiciste infatigable que chacun a connu et qui a tenu par la suite une grande place : l'intelligence, l'activité et la verve. II avait aussi des nervosités qui le rendaient parfois difficile à vivre, mais les imperfections de son humeur n'étaient que l'ombre de ses incontestables mérites, et il garda toujours le don inestimable de la sympathie, qu'il savait inspirer alors même qu'il excitait les plus vives animosités. Ceux-là mêmes qui se séparaient de lui éprouvaient encore une sorte d'attraction, présage de rapprochement. Nous ne connaissons guère d'amitié qui ait suscité plus de brouilles et de raccommodements. Pour nous qui avons eu avec lui mainte querelle et de longues polémiques, nous avons toujours rendu justice à son honorabilité personnelle, dont il témoignait dès ses premiers pas dans la vie par son noble dévouement filial, ses remarquables facultés de travail et à son talent.

Là-dessus d'ailleurs il n'y a jamais eu qu'une voix, et ses adversaires les plus irrites confirmaient les éloges de ses plus intimes amis.

Il est peu d'exemples d'une pareille ardeur laborieuse, et qui sait si notre éminent confrère n'en est pas tombé victime ? Chacun sait qu'avant la maladie qui vient de l'emporter, sa santé surmenée, surchauffée par d'incessants et multiples travaux, avait subi déjà deux graves atteintes, non sans inquiétudes autour de lui. Cette fin si brusque n'est peut-être que le dénouement cruellement logique d'une vie qui s'est dépensée sans compter.

Du moins s'est elle honorablement prodiguée.

Doué d'une rare facilité d'assimilation et d'aptitudes non moins précieuses de vulgarisateur, le journaliste a cultivé tous les genres, et l'on peut dire que rien de ce qui pouvait intéresser la presse ne lui était étranger, sauf peut-être la musique qui l'intriguait plus qu'elle ne le passionnait. II disait lui-même, et il avait raison, que celui-là n'est pas un journaliste qui, pris à l'improviste, n’est pas de force à écrire son journal depuis la première ligne jusqu'à la dernière. Polémiste redoutable, il enlevait au besoin et avec succès causerie ou chronique, critique de littérature ou d'art, fantaisie ou pamphlet. Il n'avait guère plus de vingt-cinq quand il publiait avec Jean Rousseau le Diable a Bruxelles. Plusieurs de ses romans ont eu quelque vogue, la Famille Buvard notamment faillit devenir populaire. L'histoire l'attirait et ses essais dans cette spécialité savante attestèrent la souplesse de son esprit et de sa plume. II connut les triomphes officiels de la poésie, et ne craignit pas d'aborder le théâtre, et s'il n'y entendit pas le bruit des applaudissements, encore montra-t-il des dispositions qui auraient peut-être abouti à des résultats plus heureux au milieu d'occupations moins diverses.

Nous aurions fort à faire s'il nous fallait énumérer toutes les publications de notre regretté confrère et tous les journaux auxquels il a collaboré. Rappelons seulement qu'il fut l'un des piliers de fondation de l'Etoile belge et de l’Office de publicité, le rédacteur en chef de l'Echo du Parlement pendant une douzaine d'années, et depuis quelque vingt-cinq ans le correspondant hebdomadaire de la Meuse et du Nieuwe Rotterdamsche Courant. Et parmi ses ouvrages citons ses histoires populaires de la Belgique et du roi Léopold Ier, un travail important sur la fondation du royaume des Pays-Bas, son Histoire parlementaire de notre pays, vaste compilation, utile table des matières d'un demi-siècle de débats législatifs, plusieurs volumes de souvenirs personnels, et en dernier lieu Bruxelles à travers les âges, dont quelques livraisons seulement ont paru, mais dont le manuscrit est complètement terminé.

M. Louis Hymans été pendant onze années consécutives un des représentants de l'arrondissement de Bruxelles à la Chambre. Né à la politique avec la scission de 1859, il n'a cessé de défendre le libéralisme le moins avancé. Ce n'est pas le moment de retracer sa carrière parlementaire, mais. toute réserve faite, il n'est que juste de constater qu'il joua un certain rôle à la Chambre et qu'il y déploya les mérites qui l'avaient déjà signalé dans la presse. Nous nous plaisons à rappeler son rapport sur l'élection de Bruges du mois de juin 1863, la part qu'il prit la discussion du programme Dechamps, et sa campagne persévérante contre les Bollandistes, qu'il réussit non sans peine à destituer du subside annuel alloué aux Acta sanctorum sur les fonds du budget de l'Intérieur. II y a lieu aussi de rendre hommage à la dignité avec laquelle M. Louis Hymans déposa son mandat en 1870 lorsqu'il eut acquis la preuve que ses idées politiques n'étaient plus celles de ses mandants.

Rentré dans Ia presse, il se remit à l'œuvre avec plus de zèle et d'énergie que jamais. Lorsque la Chambre organisa le compte rendu analytique de ses séances, direction lui en fut confiée, et il s'acquitta de cette tâche avec une compétence et une impartialité au-dessus de toute discussion.

Depuis quelques années M. Louis Hymans était membre de l'Académie royale de Belgique (classe des lettres), dont il avait été lauréat à plusieurs reprises. Il était officier de l'ordre de Léopold.

Sa mort prématurée n'est pas seulement une perte affreuse pour sa famille, dont la douleur est inconsolable ; elle laisse un grand vide non seulement dans la presse, mais dans le pays, car c'est une personnalité qui s'en va.