Guillaume Henri, Louis, Gustave, Guillaume indéterminée
né en 1812 à Amiens (France) décédé en 1877 à Ixelles
Ministre (guerre) entre 1870 et 1872(WAUTERS Alphonse, Notice sur le général baron Guillaume, membre de l’Académie, paru dans l’Annuaire de l’Académie royale de Belgique, année 1881,
Notice sur le général baron Guillaume, membre de l’Académie, né à Amiens le 5 mars 1812, décédé à Ixelles le 7 novembre 1877.
(page 239) Henri-Louis-Gustave Guillaume naquit à Amiens le 5 mars 1812 de Jean-Lambert Guillaume et d'Anne-Marie-Victoire Prat. Son grand-père, Louis-Joseph Guillaume, capitaine du génie dans les armées de la République française, mourut à Bruxelles le 25 nivôse an VIII (15 janvier 1800). Son père, qui naquit à Jauche le 17 septembre 1776, après avoir habité Charleroi et Ath, mourut à Mons, le 1er août 1838 ; il appartenait depuis longtemps à l'administration des finances et était devenu directeur des contributions directes, douanes et accises et du cadastre de la province de Hainaut. Il avait perdu, le 17 avril 1835, sa femme, qui était née à Neufchâteau dans les Vosges, le 26 juin 1786. De cette union naquirent deux fils, dont le second, M. Jules Guillaume, est premier inspecteur général au Ministère des Finances. Lors de la révolution belge l'aîné remplit les fonctions de secrétaire auprès du capitaine adjudant-major Greindl, qui négocia au nom du Gouvernement provisoire la capitulation de la (page 240) forteresse de Charleroi, au commencement du mois d'octobre. Cet incident décida de toute son existence.
Entré dans l'armée le 20 octobre 1830, comme sous-lieutenant au troisième régiment de ligne, Guillaume s'éleva, de grade en grade, jusqu'aux positions les plus élevées. Il fut successivement nommé : lieutenant le 6 octobre 1831, adjudant-major le 6 mars 1833, capitaine de deuxième classe le 1er juillet 1837, capitaine de première classe le 19 juillet 1845, major le 6 avril 1849, lieutenant-colonel le 24 juin 1853, colonel le 1er avril 1855, général-major le 15 juillet 1863 et lieutenant-général le 20 mars 1871. Il comptait quarante-sept années de service lorsqu'il fut admis à la retraite, le 14 mai 1877, peu de mois avant sa mort.
D'un caractère calme et réfléchi, Guillaume dut son avancement à ses travaux administratifs et littéraires plutôt qu'à sa participation à la vie des camps et des casernes. De 1837 à 1846 il fut détaché à l'École militaire comme répétiteur à la section d'infanterie et de cavalerie et ce fut là, pendant le mouvement qui se manifesta alors en faveur des études historiques, qu'il s'éprit de passion pour les recherches auxquelles il doit sa réputation. Détaché ensuite au Ministère de la Guerre, il y devint sous-directeur du personnel le 11 avril 1849 et, le 2 octobre 1854, directeur du personnel, poste qu'il remplit jusqu'au 4 janvier 1868. Appelé aux fonctions d'aide de camp du Roi et mis à la disposition de Sa Majesté, il fut nommé Ministre de la Guerre le 2 juillet 1870, lorsque le cabinet Frère-Orban se retira devant les attaques des catholiques et des progressistes coalisés.
Les travaux de Guillaume l'avaient mis en relief. Nommé membre correspondant de l'Académie royale de Belgique le 9 mai 1860 et membre effectif le 6 mai 1867, il faisait partie (page 241) d'un grand nombre de sociétés savantes du pays et de l'étranger et collaborait à plusieurs revues. Il s'était occupé, non seulement de questions historiques, mais il avait touché à plusieurs problèmes dont la solution pouvait influer très sérieusement sur la composition de l'armée, la solidité des éléments qui peuvent y entrer, son armement, etc. A la suite de la grande crise de 1848, il avait écrit un Essai sur l'organisation d'une armée de volontaires (Bruxelles, De Vroye, 1850, in-8°). Lorsqu'on prôna l'invention des bouches à feu d'un nouveau modèle, il publia, sous le voile de l'anonyme : La vérité sur le canon rayé (Bruxelles, 1861, in-8°) ; enfin il défendit énergiquement notre organisation militaire dans deux lettres adressées : l'une à M. Le Hardy de Beaulieu, l'autre à M. d'Hane de Steeuhuyse, l'un et l'autre membres de la Chambre des Représentants {Journal de l’armée, t. XXVIII, pp. 3-15 et 65-71). La même pensée se manifeste dans ces différentes publications. L'auteur insiste toujours sur les difficultés que l'on rencontre pour la formation d'une bonne armée et d'un corps choisi d'officiers, sur la nécessité d'une discipline sévère, sur l'importance d'avoir des cadres solides, aguerris ; à l'occasion il repousse les attaques dirigées contre l'armée, insiste sur les services qu'elle rend au pays et montre l'influence heureuse que le service militaire exerce sur un grand nombre de jeunes gens. L'appeler au Ministère de la Guerre, c'était donc montrer l'intention de raffermir et non d'affaiblir l'armée ; de continuer les efforts faits depuis quelques années pour en améliorer la valeur réelle, l'armement, l'instruction.
On se rappelle les tristes discussions auxquelles donna lieu à cette époque le budget de la guerre : plus d'un homme politique, sacrifiant à des vues d'ambition personnelle les intérêts (page 242) du pays, préconisa des mesures d'économie qu'il se vit dans l'impossibilité de réaliser lorsqu'il eut le pouvoir entre les mains. Bientôt les désastres subis par la France, en 1870-1871, montrèrent le danger que les plus grandes puissances courent lorsqu'elles affaiblissent ou négligent leurs institutions militaires. La plupart des officiers généraux, et le Ministre en particulier, auraient désiré réorganiser l'armée en adoptant pour base l'obligation du service et la suppression du remplacement, mais leurs efforts échouèrent devant les répugnances que ces mesures inspiraient à la majorité de la Chambre et à une grande partie de la population.
Le général Guillaume sut du moins résister à cet esprit malentendu d'économie qui menaçait de saper l'organisation militaire au moment où elle commençait à se raffermir. La guerre de France avait à peine éclaté qu'il protestait avec véhémence « ne vouloir réduire l'armée ni d'un homme, ni d'un cheval, ni d'un canon. » Les événements qui ne tardèrent pas à éclater se chargèrent de justifier sa fermeté et les troupes, mises à la hâte sur le pied de guerre, furent appelées à faire un service difficile sur les frontières orientales et méridionales. Mais la paix et la sécurité ramenèrent bientôt les idées d'économie et la position du Ministre devint difficile.
Dans la séance de la Chambre des Représentants du 14 juillet 1871, on proposa au budget de la guerre un amendement ayant pour but d'opérer sur les dépenses une diminution de 500,000 francs, au moyen d'une réduction sur l'effectif de l'armée. Cet amendement fut rejeté, mais en cette occasion le général Guillaume vit qu'il ne pouvait compter sur le côté droit de la Chambre, dont quelques membres se rallièrent à la proposition, ni sur ses collègues du Ministère. En effet, tandis qu'il déclarait à l'assemblée qu'il verrait dans l'adoption de (page 243) l'amendement un amoindrissement de la confiance que l'on avait toujours eue en lui, le ministre des Finances, M. Jacobs, protestait, au nom des autres ministres, que dans cette question ceux-ci se séparaient de leur collègue et le laisseraient seul quitter ses fonctions.
Les modifications que le Ministère catholique subit pendant la session suivante, ne firent qu'ébranler de plus en plus la position du général et dessiner nettement la différence tranchée qui existait entre ses sentiments au sujet du service personnel et ceux de la majorité qui le soutenait alors, lui et ses collègues. L'homme le plus considérable du côté droit, M. Malou, proclama nettement ses intentions à ce sujet. Le général Guillaume exposa encore ses vues personnelles à cet égard, dans la séance du 28 novembre 1872 ; en vain il représenta l'abolition du remplacement comme une mesure équitable, morale et opportune. La Chambre ne vota le budget qu'après un grand discours dans lequel M. Malou soutint la thèse contraire. Dans ces conditions il devenait impossible au général de présider à l'organisation de l'armée et à l'application de lois qu'on ne lui permettait pas de réformer. Il offrit au Roi sa démission, qui fut acceptée le 10 décembre, et le général Thiebauld le remplaça (arrêté royal en date du 25 mars 1873).
Les chefs de la majorité précisèrent nettement la divergence d'opinions qui avait forcé le général à la retraite. Au Sénat, M. le comte de Theux exprima l'opinion du cabinet sur la question en litige : « Cette opinion, dit-il, est définitive ; dans les circonstances actuelles le remplacement doit être maintenu. » « Ma raison d'être à ce banc, dit à son tour le nouveau Ministre, n'est pas de proposer le service personnel et obligatoire. » Quelque temps après, le général (page 244) Thiebauld, en présentant un projet de loi, maintint le remplacement en se bornant à réclamer quelques modifications à la loi de milice.
Le général Guillaume fut alors nommé gouverneur de l'Académie militaire (18 décembre 1872), mais ctlte institution ayant été supprimée, il fut appelé, le 21 avril de l'année suivante, à remplir les fonctions d'inspecteur général des écoles de l'infanterie et nommé, huit jours après, membre du Conseil de perfectionnement des établissements d'instruction de l'armée. Le général Guillaume était grand partisan de la diffusion de l'instruction parmi les militaires et nul plus que lui n'appréciait l'importance des services que peuvent rendre ceux même d'entre eux qui occupent les grades les moins élevés. L'arrêté royal du 27 mai 1871, qui a organisé sur de plus larges bases les écoles pour les militaires illettrés, prouve combien il avait à cœur de répandre l'instruction dans tous les rangs de l'armée et de s'associer aux efforts faits dans ce but par les généraux Goethals et Renard, ses prédécesseurs. Comme ses lectures et ses recherches le lui avaient enseigné, l'armée est un immense engrenage dans lequel chaque partie a sa valeur et dont les mouvements peuvent être contrariés, affaiblis, annulés par l'insuffisance ou la faiblesse de la moindre de ses fractions. Cette grande vérité, il s'est efforcé de la faire ressortir de ses écrits, et en parlant de ces derniers, il disait : « Ils offrent, me semble-t-il, des enseignements précieux aux jeunes militaires, car ils permettent de constater que souvent, à la guerre, c'est la bonne contenance d'un seul régiment, l'intrépidité d'un bataillon isolé, parfois même l'audace d'une simple compagnie qui a décidé de l'issue d'une grande bataille. »
Le général Guillaume a clôturé, en quelque sorte, la longue (page 245) suite de ses utiles travaux par le discours prononcé dans la séance publique de la classe des lettres, en présence du Roi, le 12 mai 1875. Il était alors directeur de la classe. S'occupant du mouvement intellectuel dans l'armée, il passa en revue les publications de tout genre auxquelles des officiers de l'armée belge ont attaché leur nom. « Il y a, dit-il avec éloquence, d'autres luttes que celles des champs de bataille auxquelles l'armée n'est pas restée étrangère : les luttes scientifiques, les luttes littéraires, les luttes artistiques. Ces luttes sont de véritables combats qui parfois n'exigent pas moins de courage, d'abnégation et de persévérance que les combats de la guerre. Le progrès de la science est aussi une conquête; il honore autant qu'une victoire. » Le discours se termine par de nouvelles attaques contre le remplacement militaire, par un appel au service obligatoire, considéré comme un moyen de réagir « contre l'invasion de ces idées malsaines qui, depuis quelques années, épouvantent la société et mettent en péril la civilisation. »
Au moment où il écrivait ce travail, l'un des plus importants, sinon l'un des plus considérables qu'il ait laissés, le général Guillaume ne prenait plus aucune part à l'administration, d'où l'avaient éloigné des divergences d'opinion et l'état déplorable de sa santé. Déchargé de son emploi d'inspecteur des écoles d'infanterie et placé à la section de réserve le 19 mars 1874 ; déchargé encore, le 25 du même mois, de ses fonctions de membre du Conseil de perfectionnement des établissements d'instruction de l'armée, il se confina de plus en plus dans la retraite, consacrant à l'étude tous ses instants. Mis à la pension le 14 mai 1877, il ne vécut plus que peu de mois. Il expira à Ixelles, dans son habitation de la rue de la Concorde, n°44), le 7 novembre de la même (page 246) année. Ses obsèques eurent lieu trois jours après, dans l'église de Saint-Boniface, et ses restes mortels furent transportés au cimetière de Laeken. Là un discours émouvant fut prononcé par son ami, M. le lieutenant général Merjay ; quatre autres discours avaient été prononcés à la maison mortuaire par M. le lieutenant général Goethals, aide de camp du Roi ; l'auteur de la présente notice, en qualité de directeur de la classe des lettres de l'Académie; M. le général pensionné Bartels, parlant pour la société des officiers pensionnés, et H. Charles Faider, président de la commission centrale de statistique.
Le général Guillaume avait reçu successivement un grand nombre d'ordres. Il était grand officier de l'ordre de Leopold, décoré de la médaille commémorative, grand cordon de l'ordre de la branche Ernestine de la maison de Saxe, grand officier des ordres de la Couronne d'Italie et de la Couronne du Chêne des Pays-Bas, grand-croix de l'ordre de l'Aigle rouge de Prusse, chevalier de première classe de l'ordre de la Couronne royale de Prusse avec bande médaillée de l'ordre de l'Aigle rouge, chevalier de deuxième classe avec plaque de l'ordre de Saint-Stanislas de Russie, décoré de la croix d'honneur de première classe de l'ordre de Hohenzollern-Sigmaringen, commandeur effectif de l'ordre d'Isabelle la Catholique, commandeur de l'ordre de Charles III d'Espagne, chevalier de troisième classe de l'ordre de Danebrog de Danemark et chevalier de l'ordre impérial de Leopold d'Autriche.
Le général Guillaume avait été créé baron, lui et sa postérité masculine et féminine, par lettres patentes du 22 mars 1873. De son mariage avec Mlle Antoinette-Cécile Engler il a laissé un fils et une fille : le baron Paul Guillaume, (page 247) secrétaire de légation, et la baronne Marguerite Guillaume, femme de messire Guillaume Van de Poil, officier d'ordonnance du roi des Pays-Bas.
[La suite de la notice consiste en une analyse des écrits du général Guillaume. Cette partie de la note n’est pas reprise dans la présente version numérisée.]