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Goblet d'Alviella Eugène (1846-1925)

Portrait de Goblet d'Alviella Eugène

Goblet d'Alviella Eugène, Félicien, Albert libéral

né en 1846 à Bruxelles décédé en 1925 à Ixelles

Ministre (sans portefeuille) entre 1916 et 1918 Représentant entre 1878 et 1884, élu par l'arrondissement de Bruxelles

Biographie

(Extrait de L’Indépendance belge, du 9 septembre 2025)

Mort du comte Goblet d’Alviella

Le comte Goblet d’Alviella est décédé, mercredi, des suites de l'accident d'automobile dont le vénérable ministre d'Etat avait été victime l'avant-veille.

Ce pénible événement a produit une douloureuse émotion.

Le comte Goblet d’Alviella était un homme au caractère le plus droit et le plus élevé. Ce grand vieillard, un peu courbé par l'âge, mais infatigable, était connu de tout Bruxelles. Sa courtoisie ne faisait aucune distinction entre les personnes. Sa longue vie de travail lui avait acquis l'estime publique.

Le corps sera transporté à Paris, pour être incinéré au Père-Lachaise, vendredi. Les funérailles auront lieu à Bruxelles dimanche ou lundi.

L'homme politique

Le comte Eugène Goblet d’Alviella était né à Bruxelles le 10 août 1846. Son père, son aïeul et son bisaïeul paternels ont siégé, à différentes époques, dans les assemblées parlementaires qui représentèrent la Belgique depuis la fin de l'ancien régime.

Il étudia la philosophie et le droit à l’Université de Bruxelles. Docteur en sciences politiques et administratives, docteur en droit, il était inscrit au barreau de Bruxelles.

Ses études universitaires terminées, il voyagea dans les diverses parties de l'Europe, rejoignit en 1871 l'expédition du général français Lacroix dans le Sahara et, en 1875, suivit, comme correspondant de L'Indépendance belge le prince de Galles (plus tard Edouard VII), dans son voyage à travers l'Inde.

Elu, en 1872, au Conseil provincial du Brabant et en 1878 à la Chambre des représentants, le comte Goblet d’Alviella siégea au bureau de ces deux assemblées comme secrétaire d'âge, fonction qu'Il eut à remplir également 'à l'Académie royale de Belgique, où il devait entrer en 1888 et donc il est aujourd'hui le doyen d'âge.

Ayant échoué, avec toute la liste libérale de Bruxelles, lors du renouvellement parlementaire de 1884, le comte Goblet d'Alviella fut appelé, l'année suivante, par l’Université de Bruxelles, pour y créer Le cours d' « Histoire des Religions », science alors nouvelle, qu'il enseigna pendant les trente années suivantes à la Faculté de philosophie et lettres, en même temps qu’il contribuait à organiser l'Ecole des sciences sociales, annexée à l'Université. En 1892, il fut choisi pour donner à Oxford la série de conférences annuelles instituées sous le titre d' « Hibbert Lectures » ; son sujet, où il précisa son point de vue philosophique el religieux, était : « L'idée de Dieu d'après l'Anthropologie et l'Histoire. » Durant la même période, il continue à s'occuper de la politique belge, s'attachant surtout à maintenir ou plutôt à ramener l'union au sein du parti libéral.

En même temps, le comte GobIet d 'Alviella s'appliquait à seconder activement le mouvement pour la représentation proportionnelle. Envoyé au Sénat une première fois par l’arrondissement de Bruxelles, pendant la réunion de la Constituante, il fut élu à nouveau sénateur en 1900 par le Conseil provincial du Brabant. Il fut aussitôt nommé secrétaire de la Haute Assemblée et il en devint vice-président en 1910.

Le comte Goblet d'Alviella a été un des deux membres de l’opposition libérale nommés ministres d'Etat par le Roi, au moment de l'invasion allemande, et fut appelé, en 1916, à faire partie du cabinet. Depuis son arrivée au Havre il s'est spécialement occupé des Belges réfugiés en Angleterre et en Ecosse, qu’il alla visiter dans une centaine de localités. Dès avant la guerre, il avait été nommé docteur honoraire des Universités de Glasgow et d 'Aberdeen.

Le savant

Au cours de sa carrière le comte Goblet d’Alviella a rempli un rôle dans diverses institutions telles que la Ligue belge de l’Enseignement, l'EcoIe modèle de Bruxelles, la Société royale belge de Géographie et d'Anthropologie de Bruxelles, la Ligue libérale, l'Union interparlementaire, etc., sans compter sa participation aux travaux de la Franc-Maçonnerie belge où, initié en 1870, •il représente spécialement l'école maçonnique de la neutralité corporative en matière politique et religieuse. Nomme président de l'Académie royale pour l'année 1892, il occupa, de 1892 à 1894, les fonctions de recteur à l’Université de Bruxelles. Il est un des derniers survivants de la Conférence international qui, réunie en 1876 par le roi Léopold II au palais de Bruxelles, préluda à la fondation de l’Etat indépendant du Congo.

Directeur de la « Revue de Belgique » de 1875 à 1900, le comte Goblet d’Alviella a publié, tant dans ce recueil que dans d’autres périodiques français et anglais, y compris la « Revue des Deux Mondes » et la « Revue de l’Histoire des Religions » . de nombreux articles qui se rapportent à ses études favorites. Ceux de ces travaux relatifs à l’histoire des religions ont été réunies à Paris, en 1910, dans un ouvrage de 3 volumes, intitulé « Mythes, Rites et Institutions. » Il a fait paraître aussi un certain nombre de volumes, entre autres deux œuvres de jeunesse : un roman de mœurs belges, « Patrie perdue », et un mémoire, malheureusement prophétique, couronné en 1871 par la Ligue française de la Paix : « Désarmer ou Déchoir » ; ensuite des récits de voyage, des études d’histoire et de philosophie religieuse : « L’Evolution religieuse contemporaine chez les Anglais, les Américains et les Hindous » (1884) : « La Migration des Symboles » (1891) ; « Ce que l’Inde doit à la Grèce » ; « les Mystères d’Eleusis », etc. Les principaux de ces ouvrages ont été traduits à l’étranger.

En économie politique, le comte Goblet d'Alviella a été le disciple d' Emile de Laveleye, dont il écrit la biographie dans les publications de l'Académie royale de Belgique. Evolutionniste convaincu en science, histoire, en politique, en religion, il a un jour défini son attitude philosophique par la formule de Matthew ArnoId : « La croyance en un Pouvoir éternel qui, se manifestant suivant des lois, travaille pour la droiture », ce qui, pour M. Goblet d'Alviella implique la foi au progrès de l'univers. Professe aussi cette vérité banale, mais trop souvent méconnue, que toutes les religions sont un mélange, en proportions diverses, de bien et de mal, qu’elles sont toutes bienfaisantes dans la mesure où elles favorisent la recherche de la vérité, le développement de l’altruisme et le culte de l’idéal : malfaisantes, là où elles agissent en sens contraire. A ses yeux, le pire des péchés c'est le sectarisme et il aurait volontiers fait sien ce mot de Renan : « J'aime mieux la superstition que le fanatisme. »

Dans sa. dernière. publication, « Le vrai et le faux Pacifisme », se référant à son mémoire couronné en 1871 par la Société des Amis de la Paix, tragiquement. prophétique, le comte Goblet d'AlvieIIa montre que le devoir des Pacifistes de tout pays et de toute école est actuellement et pour l'avenir de se serrer autour des Alliés pour abattre le militarisme prussien.

On trouve dans « L'Evolution religieuse contemporaine » la phrase suivante : « Devant le grand problème de l'au-delà, j'entends mourir, comme j'ai vécu, étranger toute à toute EgIise, mais en communion d'idées et. de sentiments avec quiconque, soit à l’intérieur, soit au dehors des organisations ecclésiastiques, cherche à rapprocher la religion de la raison. »

Le comte Goblet d'AlvieIIa a demandé, dans ses dernières volontés, que cette pensée fut gravée sur sa pierre tombale.

Un grand caractère

La mort du comte Goblet d'AlvieIIa est un deuil pour le parti libéral et pour le pays. Cette haute personnalité, discrète, dominée par de hauts soucis, s'élevait fort au-dessus de tout ce qui fait parfois mesquines les luttes politiques. Dans la politique, il apportait sa pensée de savant aussi le civisme dont le général Goblet d'AlvieIIa, l’un des plus ardents parmi les fondateurs de l'indépendance belge, lui avait légué directement la tradition.

Le parti libéral n'oubliera pas le rôle très noble qu'il eut, il y a une trentaine d'années, au temps où les libéraux de BruxelIes étaient profondément divisés.

II se consacra avec ténacité à refaire l'union, à réunir en un seul faisceau toutes les forces en faveur de l'idée libérale, de l'idée qui seule importait.

« L’Indépendance belge » présente à Mme la comtesse Goblet d'Alviella, au comte Félix Goblet d’Alviella et à Mlle Hélène Goblet d’Alviella, l'hommage de ses vives condoléances


(Extrait de La Libre Belgique, le 13 septembre 1925)

Un souvenir sur le comte Goblet d'Alviella

On sait que pendant la plus grande partie de la guerre, le comte Goblet d'Alviella siégea au Havre au sein du cabinet d'union sacrée. Aux fonctions peu absorbantes qui lui avaient été départies, s'ajoutaient l'honneur et la charge que ses collègues plus occupés lui abandonnaient souvent, de représenter le gouvernement belge aux grandes cérémonies funèbres (messes, offices. services anniversaires) qui avaient lieu en France et même en Angleterre pour les soldats belges ou alliés.

Un jour, - c'était vers l'époque de la Toussaint où ces cérémonies se faisaient plus nombreuses encore - le président donna connaissance, en ouvrant une séance du conseil des ministres, d’une lettre des autorités de Rouen, invitant le gouvernement belge à assister à une grand'messe en plain-chant qui devait être célébrée à la mémoire des soldats français tombés à l'ennemi.

« - Une messe en plein champ ! A cette saison !! » interrompit le comte Goblet d'Alviella avec vivacité... » Je n y vais pas ! Je n'y vais pas ! » Faut-il ajouter que cette bévue de l'éminent professeur de l'Histoire des religions déchaina parmi ses collègues un rire homérique.


(Extrait du Vingtième Siècle, du 10 septembre 1925)

Mort du comte Goblet d' Alviella

Le comte Goblet d’Alviella, ministre d'Etat, est décédé mercredi, des suites de l'accident d'automobile dont ii avait été victime lundi et qui avait nécessité une intervention chirurgicale. Toujours extrêmement grave, l'opération de la trépanation présente bien plus encore ce caractère à l'âge avancé où il était arrivé : 79 ans. Savant et littérateur, Eugène Goblet d'Alviella était d'une activité débordante ; il collabora, notamment, longtemps, à la « Revue de Belgique. » Il appartenait la nuance nettement anticléricale du libéralisme et occupait un grade élevé dans la maçonnique. Les libéraux de Bruxelles l'envoyèrent, durant de très nombreuses années, au Parlement. Entré tout jeune la Chambre, il passa ensuite au Sénat, dont il fut vice-président jusqu'à ce qu'à sa demande il ne fut plus réélu : c est M. Magnette qui le remplaça. Depuis la mort de Sam Wiener - tué, lui aussi, dans un accident d'auto - il était au Sénat le chef de la gauche libérale, jusqu'aux dernière élections ; il renonça alors à une candidature.

C'était un homme affable, d'excellentes relations même pour ses plus Irréductibles adversaires ; il aimait rendre service. mais n'aimait pas que l’on connût ses générosités.


(Extrait de La Nation belge, du 10 septembre 1925)

Mort du comte Goblet d'AlvieIla

Le comte Goblet d’Alviella avait occupé dans le parti libéral une des premières places. II s'était retiré, cette année-ci, de la scène politique, jugeant que l'heure était venue pour lui de prendre un peu de repos. Le repos aura été de courte durée. Il n'était âgé que de 79 ans. Usé par le travail, il en paraissait davantage. Nul ne lui ménagera cet éloge qu'il se dépensa sans compter pour son parti et pour la chose publique. Il s’en va, emporté par les complications qui ont un banal accident de la rue. S’il avait été plus ménager de ses forces, il aurait résisté sans aucun doute à l’ébranlement qui s’ensuivit.

II était avocat et avait été professeur l'Université de Bruxelles, dont on devait en 1896 le nommer recteur. Docteur honoraire des Universités de Glasgow et d'Aberdeen, membre de plusieurs sociétés savantes de l'étranger, directeur de la Classe des Lettres et président de l'Académie en 1897, il avait mérité ces honneurs par de nombreux écrits où Il traitait tour à tour l'histoire, la philosophie, la science et la politique, sans compter ses récits de voyage - car c’était un grand voyageur.

II collabora aussi à de multiples publications et, comme tout homme politique qui se respecte, avait tâté du journalisme où il n'avait pas tardé à se tailler une place en vue.

Diplomate aussi. Il avait, à Constantinople et à Rome, représenté la Belgique en qualité d’envoyé extraordinaire.

Dès 1872, il entrait au Conseil provincial du Brabant, qu'il quittait en 1878 pour entrer à la Chambre. li y siégea jusqu'en 1884.

II émigrait le 13 Juin 1900 à la Haute Assemblée où il fut également de toutes les discussions sur les grandes questions politiques ou d’intérêt national. Ses principales interventions portèrent sur les propositions de loi se rapportant aux élections provinciales et communales, aux accidents de travail, à l’organisation de l'enseignement primaire, à la législation sur les mines, aux conseils de prud’hommes, à la jonction Nord-Midi, à la reprise du Congo belge.

En 1912, il était porté à la vice-présidence de la Haute Assemblée, fonctions qu'ii occupa Jusqu'à la déclaration de la guerre. II suivit le gouvernement belge en exil et fut, au Havre, un de ses conseillers écoutés, au titre de ministre sans portefeuille.

Le 21 décembre 1921, il rentrait au Sénat en qualité de sénateur coopté. En dépit des premières atteintes de la vieillesse, il continuait à prendre une part active aux travaux de la Haute Assemblée. II intervint notamment dans l'élaboration des projets de loi relatifs à la réforme de la Bienfaisance publique, à l'acquisition et à la perte de la nationalité, aux loyers. Il étudiait de près chaque budget et il en est peu qu'il ait laissé passer sans remarque.

Il était président de la Commission de la justice, quand il se retira de la vie politique.


(Extrait de L’Etoile Belge, du 10 septembre 1925)

On apprendra avec un sentiment d’infinie tristesse la mort du comte Goblet d'Alviella. Il a succombé, hier, à 11 h. du matin, à la clinique Depage où il avait dû être transporté la suite de l’accident d'automobile dont il fut victime à l'avenue Louise. Depuis ce moment, le blessé se trouvait dans le coma. Il avait une fracture de l'os frontal ; après avoir été radiographié l'opération de la trépanation fut jugée indispensable.

Le comte Goblet d'AlvieIIa s'est éteint doucement, sans souffrir, entouré des siens.

Eugène Félicien Albert, comte d'Alviella, était né à Bruxelles le 10 août 1846. Docteur en droit, docteur en philosophie et lettres, docteur en sciences administratives et politiques de l’Université de Bruxelles, le comte Goblet d'AlvieIla était docteur honoraire des universités de Glasgow et d'Aberdeen ; membre de la Royal Asiatic Society of Great Britain ; membre honoraire de la Society ot historical Theology d'Oxford ; professeur à l'Université libre de Bruxelles depuis 1885 et recteur de 1896 à 1898 ; fut directeur de la Revue de Belgique de 1874 à 1890.

Le savant qui vient de disparaîtra avait été élu correspondant de I'Académie de Belgique le 9 mai 1887 ; membre titulaire le 5 mai 1900, directeur de la classe des lettres et président de l’Académie en 1897.

L’homme politique a joué un rôle prépondérant dans nos assemblées délibérantes et il fut l’une des personnalités les plus marquantes du parti libéral.

Conseiller provincial du Brabant de 1872 à 1878, il devint cette dernière année membre de la Chambre des représentants où il siégea jusqu'en 1884. 1884 ! Année funeste pour le parti libéral qui fut écrasé aux élections législatives et sa défaite entraîna la chute du gouvernement libéral et l’avènement d'un ministère catholique dont le pays devait souffrir pendant de nombreuses années.

Le comte d'Alviella était parmi les parlementaires libéraux qui échouèrent dans cette lutte ardente et historique du 10 juin 1884.

Le 19 juin 1900, le comte Goblet d’Alviella est élu sénateur pour l’arrondissement de Bruxelles ; dès cette année, l'ouverture de la session, il est appelé à exercer les fonctions de secrétaire de la Haute Assemblée ; le 17 avril 1912 il remplace M. Dupont, décédé, en qualité de vice-président. II devint ensuite sénateur provincial du Brabant et sénateur coopté jusqu'aux élections législatives du 5 avril dernier. Le comte Goblet d'AIviella, malgré les sollicitations dont il avait été l'objet, ne voulut plus se représenter, estimant que l'heure était venue de laisser à d'autres - plus jeunes - le soin de se présenter et défendre le parti libéral au Parlement.

Au conseil provincial, A la Chambre des représentants, au Sénat, le regretté défunt a joué un rôle considérable. Il a pris une part active à tous les travaux, à toutes les discussions et particulièrement à celles intéressant l'enseignement public. C'est lui qui, en 1884, à la Chambre des représentants, déposa une proposition d'enquête parlementaire sur la fortune des corporations religieuses et des fabriques d'église. Au Sénat, Il n'est pas une question qui ne retint son attention et on se souvient de son intervention particulièrement intéressante dans le débat relatif à la reprise du Congo.

Il prit part aux récents échanges de vues concernant les loyers, l'emploi des langues dans les universités de l'Etat ; chaque année, il discutait les budgets, son activité était débordante et, considérant son âge, elle imposait le respect et l'admiration.

Que dirons-nous dû savant, du journaliste. du professeur, de l'écrivain dont les travaux sont ce point féconds qu'il n'est pas possible de les énumérer. Les études de l'académicien, surtout les études historiques offrent un intérêt tout

particulier et parmi elles citons notamment : « L'évolution religieuse contemporaine chez les les Anglais », « Les Américains et les Hindous », « L'introduction à l'Histoire générale des religions. » Tous ces travaux constituent une fertile et combien utile documentation dont on trouve trace également dans la « Revue des Deux Mondes », dans la « Revue de Belgique », dans la « Revue Bleue », dans la « Revue de l'Université de Bruxelles », bref, dans les multiples publications belges et étrangères auxquelles il collaborait.

Le comte Goblet d'Alviella a joué un rôle important au sein de la franc-maçonnerie belge et internationale. Après avoir occupé les postes les plus élevés, il était actuellement le Souverain Commandeur du Rite écossais du Grand Conseil de Belgique : c'est la plus haute dignité.

Rappeler la carrière du comte Goblet d’Alviella constitue le plus bel hommage qu’il soit permis de rendre à l’illustre défunt dont la vie, toute de travail jusqu'à la minute suprême, constitue un émouvant exemple.

La Belgique perd aussi un bon patriote. Pendant la tourmente, qui l’affecta profondément, le comte Goblet d'Alviella fit partie du gouvernement du Havre. il s'occupa, et avec quelle activité, des réfugiés belges résidant en Angleterre et en Ecosse. II rendit dans l'exercice de ces fonctions les plus grands services.

Mais à l'armistice, le comte Goblet d'AlvieIIa était revenu en Belgique très vieilli, déprimé et accablé... Le Roi, en récompense de son dévouement à la nation, lui le Grand Cordon de l'Ordre de Léopold.

Dans ses dernières volontés, le comte Goblet d’Alvieilla veut être incinéré. La épouille mortelle sera transportée dans ce but à Paris. Les cendres seront ramenées à Bruxelles et dimanche ou lundi aura lieu, en l'hôtel mortuaire du défunt, rue Faider, Saint-Gilles, une cérémonie funèbre selon le rite protestant.

Dans ses dernières volontés le comte Goblet d'Alviella dit notamment à ce propos : « Devant le grand problème de l'au-delà, j'entends mourir comme j'ai vécu, étranger à toute Eglise, mais en communion d'idées et de sentiments avec quiconque, soit à l'intérieur, soit au dehors des organisations ecclésiastiques, cherche à rapprocher la religion de la raison. »

Le défunt demande que cette citation empruntée à l'introduction de son « Evolution religieuse contemporain » soit gravée sur sa pierre tombale.

A la cérémonie qui aura lieu, trois discours seulement seront prononcés, suivant le désir exprimé par le regretté disparu : au nom de l'Université, au nom de la franc-maçonnerie, au nom du parti libéral.

Dès hier, nombreuses furent les visites à l'hôtel endeuillé de la rue Faider. M. l'échevin Bernier, remplissant les fonctions de bourgmestre de Saint-Gilles, est allé présenter à la famille les profonds regrets de la commune et aussi ceux de l’Association libérale cantonale et communale du faubourg dont le défunt était l'un des plus anciens membres.

Nous exprimons à Madame la comtesse Goblet d’Alviella, à son fils et à sa fille, ainsi qu’à la famille Boël, alliée à la famille du grand Belge disparu, nos condoléances les plus émues.

* * *

Le comte Goblet d’Alviella, qui parvint à sa maturité lorsque le parti libéral tomba du pouvoir ne fut point ministre, mais n'en joua pas moins un rôle considérable pendant la longue période ou le parti clérical régna sans partage sur notre pays. Dépositaire des traditions de l'école libérale, mais sachant les adapter à l'esprit et aux nécessités du temps, son rôle devint plus important encore après la guerre. Sa parole était écoutée au Sénat et ses avis faisaient autorité. II unissait la fermeté des principes à la courtoisie du gentilhomme. Aussi était-il universellement estimé et respecté. C'est un homme politique de l'ancienne école qui disparaît. Il laisse parmi nous un vide qui ne paraît pas devoir être comblé de sitôt.

Le comte Goblet ne fut pas seulement un homme politique. Chose rare parmi nos parlementaires, il possédait une culture générale. Nourri de fortes études, qu'il ne cessa de poursuivre jusque dans la vieillesse, on peut dire que peu de choses humaines lui restèrent étrangères. Ecrivain fécond, il a touché à l’histoire, à la philosophie, à l’archéologie, et son bagage scientifique était considérable. Ses études sur l'histoire des religions seront toujours consultées avec fruit. Il a tenu parmi nos écrivains philosophiques un rang distingué.


(Extrait de VANLANGENHOVE F, dans Biographie nationale de Belgique, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1979, t. 41, col. 359-362)

GOBLET D'ALVIELLA (Eugène-Félicien-Albert, comte), homme d'Etat, professeur, pionnier de la science des religions, archéologue, orientaliste, géographe, né à Bruxelles le 10 août 1846, y décédé le 9 septembre 1925.

Il était le petit-fils du général Goblet, ministre dans le Cabinet du Régent en 1831 et à deux reprises ministre des Affaires étrangères par la suite. Envoyé extraordinaire au Portugal en 1839, il y devint le conseiller de la reine dona Maria qui lui décerna le titre de comte d'Alviella ; ce titre, transmissible à tous ses descendants mâles fit, en Belgique, l'objet d'une concession de noblesse sous le nom « Goblet d'Alviella ».

Le comte Eugène commença ses études à l'Athénée de Bruxelles ; il les poursuivit à Paris au Lycée Louis-le-Grand et les acheva à l'Université libre de Bruxelles avec les grades de docteur en droit et de docteur en sciences politiques et administratives.

Dans le domaine scientifique, l'histoire des religions fut pendant quarante ans sa préoccupation dominante. Il l'enseigna de 1884 à 1914, à l'Université de Bruxelles dont il fut recteur de 1896 à 1898. Quand il inaugura cet enseignement il en était un promoteur. Il n'y avait alors que quatre chaires similaires dans les universités de l'Europe et de l'Amérique ; il n'y en avait aucune autre en Belgique.

Sa notoriété s'était étendue à l'étranger. En 1892, il avait été choisi pour donner à l'Université d'Oxford la série de conférences annuelles instituée sous le titre de Hibbert Lectures et qu'avaient précédemment illustrées Max Muller, Ernest Renan, Albert Reville..., il y avait adopté pour sujet : Evolution de l'idée de Dieu d'après l'anthropologie et l'histoire. En hommage au savant, les universités de Glasgow et d'Aberdeen lui avaient décerné le titre de docteur honoris causa.

Richard Kreglinger, qui avait été à l'Université de Bruxelles, son disciple et son successeur, voyait en lui l'un des fondateurs de la science des religions et l'un des principaux artisans de ses développements. « Doué d'une vaste culture, disait Kreglinger, initié aux recherches philosophiques autant qu'aux méthodes de l'histoire, il aperçut l'immense complexité des phénomènes, l'influence réciproque des diverses civilisations, qui échangent leurs croyances et leurs emblèmes, tout en leur donnant à chacune une interprétation originale : son ouvrage classique sur La migration des symboles devint ainsi l'un des fondements de l'archéologie religieuse. II apportait surtout - et il était à peu près le seul dans ce cas - à ces recherches une connaissance précise des religions contemporaines, consacrant des ouvrages importants, en particulier, aux mouvements religieux des Etats-Unis et de l'Inde. »

Elu le 9 mars 1887 membre correspondant de la Classe des Lettres et des Sciences morales et politiques de l'Académie royale de Belgique, il y avait siégé pendant près de quarante ans, participant assidûment à ses travaux, y faisant vingt et une communications inédites, toutes relatives à l'archéologie et à l'histoire des religions. En 1897, élu directeur, il avait été président de l'Académie.

Son activité s'étendait au-delà de celle-ci, aux domaines les plus variés. Sa carrière politique s'était poursuivie, fidèle à une tradition familiale, pendant plus de cinquante ans. Conseiller provincial du Brabant de 1872 à 1878, il avait été député de Bruxelles de 1878 à 1884. Entré au Sénat en 1892, il en était devenu vice-président en 1910. A la tête du parti libéral, il avait consacré ses principaux efforts à l'extension démocratique du droit de suffrage et au développement de l'instruction. Nommé ministre d'Etat le 5 août 1914, au lendemain de l'invasion allemande, le gouvernement l'avait invité à le suivre, d'abord à Anvers, ensuite à Sainte-Adresse ; il en était devenu membre comme ministre sans portefeuille en 1916.

Dans le domaine des lettres, il avait publié, en 1877, un roman de mœurs belges où la politique entrait pour une large part, « Partie perdue. » Directeur de 1878 à 1900 de la « Revue de Belgique », il avait collaboré à de grands ouvrages nationaux : « Patria Belgica » en 1873, « Cinquante ans de Liberté » en 1880. L'archéologue, l'orientaliste, le président de la Société royale belge de Géographie qu'il était, en avaient fait un grand voyageur.

Suivant le témoignage de Richard Kreglinger, « le prestige dont jouissait le comte Goblet d'Alviella, il le devait, ... non seulement à l'importance des services rendus, mais encore à la grande élévation de sa pensée et à un esprit de tolérance dont il ne se départissait jamais ». Ils avaient dominé les multiples activités de cet inlassable laborieux, voué à l'étude des problèmes éthiques et religieux. Ils s'étaient révélés jusque dans son rêve de voir se briser les barrières séparant les Eglises et se réaliser une entente où le libre-penseur qu'il était aurait sa place.


Voir aussi :

VANLANGENHOVE F, Notice sur le comte Eugène Goblet d'Alviella, dans l'Annuaire 1978 de l'Académie royale de Belgique