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Fontainas André (1807-1863)

Portrait de Fontainas André

Fontainas André, Napoléon libéral

né en 1807 à Bruxelles décédé en 1863 à Bruxelles

Représentant entre 1849 et 1850, élu par l'arrondissement de Bruxelles

Biographie

(MARTENS Mine, dans Biographie nationale de Belgique, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1983, t. 43, col. 420-424)

FONTAINAS (André. Napoléon), conseiller, échevin et bourgmestre de la ville de Bruxelles, membre de la Chambre des représentants, né à Bruxelles le 23 décembre 1807, mort dans cette ville le 19 juillet 1863 ; André Fontainas était le fils de Jean-Baptiste, alors concierge de l'Amigo, et de Barbe Teyssens.

Le 1er août 1837, il épouse Catherine-Josèphe Mainy, née à Bruxelles le 19 février 1816. D'origine auvergnate, le père d'André s'était installé à Bruxelles en 1796 ; ses fonctions s'exercèrent dans le cadre des prisons (maison de Vilvorde en 1801, puis dépôts de l'Amigo, de la porte de Laeken et enfin, comme directeur des Petits-Carmes).

André fit ses études au collège royal ; ses goûts l'orientèrent vers le droit et il termina ses études à l'université de Louvain le 15 juillet 1830. Il prit son inscription au barreau de Bruxelles et y devint stagiaire le 31 juillet 1830.

Très jeune avocat, il se fit remarquer par la conscience avec laquelle il défendait ses clients, ce qui lui valut d'être membre du conseil de l'ordre des avocats de 1840 à sa mort et d'être nommé bâtonnier en 1854. N'avait-il pas en effet, dès 1834, aux assises du Hainaut, lors du procès des septante-sept inculpés à la suite des troubles anti-orangistes, largement exposé ses vues en défendant Abts, accusé d'être l'auteur de l'Appel au Peuple. « Il faut sonder les faits, il faut les étudier séparément si vous voulez les traduire correctement, » s’écria-t-il au cours de sa plaidoirie, dominée par deux lignes de force : l'intérêt de Fontainas pour l'individu, « il faut étudier son caractère, sa moralité et conclure de la moralité de l'homme à la moralité de ses actions » et celui qu'il éprouve pour le peuple, « ces masses qui avec moins d'instruction ont plus de probité politique que ce que l'on est convenu d'appeler la haute société (Le Moniteur belge, avril 1834).

Fort de cette double aspiration héritée des Droits de l'homme, non content de détendre les opprimés, Fontainas se lance dans la vie politique active. Membre de l'Association libérale, il se présente aux élections communales de Bruxelles et y obtient un succès personnel en octobre 1841 ; il est élu conseiller et prend place dans la section juridique aux côtés de Orts et de Gendebien. Certaines questions sociales requièrent plus spécialement son attention : celle des taudis (soulevée par la construction de la Galerie Saint-Hubert), celle de la prostitution et celle des secours aux indigents. Nommé échevin du contentieux et des finances le 28 janvier 1846, Fontainas poursuit sa politique amorcée en 1841 et décide de donner à Bruxelles les allures d'une grande ville : approvisionnement de Bruxelles en eau (Bulletin Communal, 1846), protection de la classe ouvrière logée dans de sombres taudis (Bulletin Communal, 1846), embellissement de la ville : Grand-Place, Galerie Saint-Hubert (Bulletin Communal, 1846), discussion de la création d'un marché couvert de la Madeleine (Bulletin Communal, 1847), ouverture de la rue Héraldique (Bulletin Communal, 1848). Chargé des finances, Fontainas ne néglige pas de s'intéresser à l'équilibre budgétaire de la ville qu'il veut clarifier ; les revenus de l'octroi allant essentiellement à l'administration des Hospices l'inquiètent ; il obtient que le budget des hospices soit dorénavant approuvé par le conseil communal (Bulletin Communal, 1846).

La nomination de Charles de Brouckère en qualité de bourgmestre de Bruxelles en août 1848 modifie les attributions de Fontainas, dès lors chargé de l'instruction publique et des beaux-arts. Ces deux départements administratifs allaient subir maints remaniements sous l'impulsion du nouvel échevin confronté, d'ailleurs, à une ville émergeant de sa chrysalide médiévale, Fontainas donna de nombreuses preuves de son intérêt pour toutes les formes d'art : création d'une école de gravure à l'académie des beaux-Arts (1848) ; reconstruction du théâtre de la Monnaie, confiée à l'architecte Poelaert (1855-1856) ; érection d'un monument aux comtes d'Egmont et de Hornes (1859-1860). Les artistes eux-mêmes bénéficient de ses faveurs : le comité de la Société des gens de lettres belges (1851) ; les Jeunes Artistes débutants (1854) ; les Artistes non protégés (1857). Des subsides sont accordés pour la publication des œuvres de Marnix de Sainte Aldegonde (1857), d'autres au Théâtre flamand (1858), enfin, la musique n'est pas oubliée (1859). L'instruction publique est rénovée : création de plusieurs écoles primaires cession de l'athénée de la rue du Chêne à l'Etat (1856).

La mort du bourgmestre, survenue en avril 1860, amène Fontainas, alors premier échevin, à la direction de la police, avant que le roi Leopold Ier ne le nomme bourgmestre en fin d'année. Fontainas ne remplira cette fonction que pendant trente mois. A sa mort, survenue le 19 juillet 1863, l'échevin Anspach regrettait le départ d'un homme « dont le nom est devenu synonyme de probité, d'honneur, de dévouement », songeant aux taches accomplies par le disparu : mêlé à la création du Bois de la Cambre, à la transformation du quartier des Minimes, à l'érection du nouveau Palais de Justice et à celle d'une Bourse de Commerce ! Ainsi avait-il fait siennes les paroles prononcées par le jeune due de Brabant devant le Sénat en 1861, marquant sa volonté de transformer Bruxelles. Fontainas réussit à donner à sa charge une dimension internationale particulièrement spectaculaire en septembre 1862, à l’occasion de deux présidences : le 16, il préside le banquet organisé pour la sortie de presse des Misérables. Victor Hugo lui manifesta son enthousiasme : « Jamais plus franche nature ne s'est peinte sur un visage plus cordial ; son serrement de main dit toute son âme ; sa parole est de la sympathie, » « il est aimé dans le moindre village comme dans la capitale. » Et le 23 septembre, il assure la haute direction du Congrès de l'Association internationale pour le Progrès des Sciences sociales et loue l'Association qui, dit-il, a « pour but le progrès et pour moyen la liberté » et dont l’aspiration « vers le beau, le bon et le vrai … sera quoi qu'il arrive la gloire de notre siècle », de « tous les hommes libres sur une terre libre. »

Fontainas n'avait pas manqué à sa parole. Il donna maints gages de cette abnégation et de cette probité qu'on lui reconnaissait : en visitant les pauvres lors de l'épidémie de choléra de 1849, qui fit 746 morts dans la population bruxelloise ; en renonçant très vite à son mandat parlementaire (nommé à la fin de 1849 et démissionnant le 15 mai 1850), s'estimant, vu ses charges, ne pouvoir assister aux séances ; en renonçant aussi à sa clientèle d'avocat pour se consacrer entièrement à son rôle de bourgmestre. L'histoire a cependant retenu surtout son œuvre dans le domaine de l'enseignement. C'est en songeant à elle que le Conseil communal décida le 28 juillet 1833 d'élever à la mémoire du disparu un ensemble d'habitations agréables, réservées aux instituteurs pensionnés. La « Cité Fontainas » fut inaugurée le 26 septembre 1867.


(Extrait de l’Echo du Parlement, du 20 juillet 1863)

Comme nous le faisions prévoir hier, la ville de Bruxelles vient de perdre son honorable bourgmestre, M. André Fontainas. C'est dimanche à huit heures et demie du soir qu'est décédé le regrettable magistrat. Ce triste événement est venu très douloureusement impressionner la population de la capitale.

La proclamation suivante, annonçant aux habitants de Bruxelles cette douloureuse nouvelle, a été placardée sur les murs de la capitale ce matin au point du jour :

« Aux habitants de Bruxelles.

« Concitoyens,

« La ville de Bruxelles vient de perdre son premier magistrat.

« M. André Fontainas n’est plus.

« Sa vie, toute de travail et d'abnégation, est prématurément brisée. Déjà atteint du mal auquel il succombe, il s'oublia lui-même pour ne penser qu'à l'intérêt de tous : il meurt victime de son dévouement absolu à la chose publique.

« La population entière s'associera à nos regrets et à notre douleur.

« Fait en séance, à l'hôtel de ville, le 19 juillet »

M. Anspac est né à Bruxelles, le 23 décembre 1807 ; il avait donc cinquante-cinq ans et quelques mois. Il succéda à M. Ch. de Brouckere, comme bourgmestre de Bruxelles, le 1er janvier 1861, après avoir rempli les fonctions intérimaires de bourgmestre depuis le 20 avril, date de la mort de son prédécesseur.

Le Roi et la famille royale se sont empressés d'envoyer les compliments de condoléance à la famille de l'honorable bourgmestre, M. Fontainas, dès que la triste nouvelle fut connue.

Les principales autorités de la province et de la capitale ont fait de même, ainsi qu'un grand nombre de sociétés particulières.

Dans la soirée de dimanche les secours de la religion ont été administrés à M. Fontainas par M. le curé des Minimes.

Les funérailles de M. Fontainas auront lieu mercredi à 3 heures. L'enterrement se fera au cimetière de Laeken. Les funérailles se feront aux frais de la ville de Bruxelles, ainsi que cela s'est fait pour les prédécesseurs de M. Fontainas, MM. Rouppe et de Brouckere. Les grandes portes de l'hôtel de ville de Bruxelles sont demeurées fermées en signe de deuil. Un char funèbre a été commandé par la ville pour les funérailles du bourgmestre.

Un véritable deuil public a remplacé les fêtes de notre grande kermesse. Sur la place de l'Hôtel-de-Ville, aux façades des sociétés, flottent des drapeaux noirs, comme à l'hôtel-de-ville même, et dans les principaux quartiers de la capitale, à l'occasion de la mort de M. André Fontainas bourgmestre.

Le collège échevin de Bruxelles est resté presque toute la nuit en permanence à l'hôtel-de-ville, après la triste nouvelle de la mort du bourgmestre. Par décision du collège échevinal, les fêtes de la kermesse de Bruxelles sont ajournées.

Les concerts du Waux-HalI sont interrompus à partir d'aujourd'hui lundi jusques et y compris mercredi. Il en est de même des concerts et fêtes du jardin zoologique.

Comme suite à la décision du conseil communal de la ville, le Grand-Serment royal des archers au berceau de Guillaume Tell a l'honneur d'informer les sociétés que leur grand tir est remis du 23 au dimanche 26 courant.

Tous les jeux et bals publics ont été interrompus dans la capitale, à cause de la mort de M. le bourgmestre. Dans les faubourgs, cet exemple a été généralement suivi.


(Extrait de l’Echo du Parlement, du 20 juillet 1863)

Le conseil communal de Bruxelles s'est réuni d'urgence, aujourd'hui lundi, à 2 heures, sous la présidence de M. Anspach, premier échevin faisant fonctions de bourgmestre.

A l'ouverture de la séance, M. l'échevin-président a pris la parole en ces termes :

« Messieurs, vous connaissez tous la déplorable nouvelle qui est venue consterner la capitale. Notre honorable bourgmestre, M. André Fontainas, a succombé hier, vers 9 heures du soir, au ma qui le minait depuis plusieurs mois.

« L'homme qui depuis plus de 20 années a pris une si large part à toutes les mesures que vous avez votées, qui a eu ce rare privilège qu'il devait à des qualités personnelles, de ne jamais éveiller sur sa route que sympathie et dévouement, l'homme dont le nom est devenu synonyme de probité, d'honneur, de dévouement, nous l'avons perdu sans retour.

« Nous ne pouvons trouver de termes pour rendre la douleur que nous éprouvons et que partage notre population entière. »

M. l'échevin-président a ajouté :

« Le collège vous a réunis d'urgence, messieurs, pour vous proposer diverses mesures destinées à honorer la mémoire de notre regretté bourgmestre.

‘Nous vous proposons d'abord de décider que ses funérailles soient faites par la ville. En second lieu, nous vous proposons de décider qu'une des rues nouvelles à ouvrir dans notre cité portera son nom, et qu'un monument sera érigé à sa mémoire avec le concours de la population.

« Le conseil voudra sans doute charger le collège d'être auprès de la famille de notre regretté bourgmestre l'interprète de ses sentiments. »

Ces propositions ont été adoptées à l'unanimité sans aucune observation.

Le conseil, après avoir été informé que les funérailles de M. Fontainas auront lieu à 3 heures, dans la paroisse de N.-D. du Sablon, et qu'il se réunirait à 2 heures à l'hôtel-de-ville, s'est séparé.


(Extrait de l’Echo du Parlement, du 23 juillet 1863)

Funérailles de M. André Fontainas

Les funérailles de M. André Fontainas, bourgmestre de la ville de Bruxelles, ont été célébrées aujourd'hui à l'heure prescrite par le programme de la cérémonie funèbre avec cette pompe, cette grandeur, et surtout ce sentiment da recueillement profond, juste tribut de reconnaissance et de regret que les populations savent rendre à la mémoire de leurs grands citoyens.

Le défunt, en sa qualité d'officier de l'Ordre de Léopold, a reçu les honneurs militaires prescrits par le décret du 24 messidor an XII. De leur côté, le conseil provincial, dont M. Fontainas était président, le conseil communal, les divers corps constitués qui ont leur siège à Bruxelles, les sociétés nombreuses dont il était le président, ont voulu, par leur présence et par leur concours, contribuer à l'éclat de la cérémonie.

L'entrée de l'hôtel de M. Fontainas avait été convertie en chambre ardente, entièrement tendue d'étoffe de laine noire semée de larmes d'argent et d'ossements croisés. Au fond, des cierges brûlaient sur des trépieds à l'antique; deux religieuses étaient agenouillées à la tête de la bière.

Au dehors, le cortège s'est formé vers deux heures dans l'ordre suivant : Un détachement des chasseurs-éclaireurs de la garde civique de Bruxelles, le corps des sapeurs-pompiers, des détachements des régiments de chasseurs-carabiniers, des grenadiers, du septième de ligne, des quatre légions, les trois corps spéciaux de la garde civique de Bruxelles.

Une foule immense se tassait dans la rue des Minimes, sur la place du Sablon, dans l'église même et sur tout le parcours que devait suivre le cortège. Une pluie torrentielle, tombant à intervalles rapproches, n'a pu éloigner ceux qui venaient rendre un dernier hommage à l'éminent magistrat dont Bruxelles déplore la perte.

L'heure des funérailles était fixée pour trois heures, et dès deux heures des invités, des personnes de distinction de tous les rangs de la société. se présentaient en grand nombre pour offrir leurs compliments de condoléance aux fils et au gendre de M. Fontainas. M. le prince Orloff, ambassadeur de Russie, est arrivé un des premiers ; il n'a point quitté le cortège avant son arrivée à sa triste destination. On remarquait encore parmi les étrangers accourus spontanément à Bruxelles des députations de tous les conseils provinciaux du pays et les bourgmestres de la plupart de nos grandes villes.

L'heure officielle ayant sonné, le conseil communal est arrivé au grand complet sous une escorte d'honneur du bataillon des sapeurs-pompiers, et les délégués de tous les corps constitués, de toutes les corporations, de toutes les associations de bienfaisance et d'agrément présents aux funérailles s'étant réunis autour de fui, M. Anspach, premier échevin, faisant fonctions de bourgmestre a, d'une voix émue. prononcé le discours suivant :

« Messieurs,

« Il est de ces événements frappants et terribles qui jettent dans tous les cœurs le deuil et la consternation !

« Quoi de plus saisissant, en effet, de plus douloureux que la mort prématurée d'un véritable homme de bien.

« Que de sujets légitimes d'éternels chagrins ! Que de liens précieux qui se brisent à la fois !

« Mesurez le vide qui se fait au foyer de la famille ! Cette maison aujourd’hui si lugubre et si désolée était naguère encore remplie du bonheur que répandait autour de lui l'homme que nous avons perdu. Puissent ceux dont il fut, pendant tant d'années, le soutien, la joie et l'orgueil trouver quelque adoucissement à la dure épreuve qu'ils traversent, dans ce concert de regrets de toute une population.

« Puissent ses enfants dont il était l'ami et le guide trouver quelque consolation à se dire dans cette triste solennité que la vie de leur père a été pour tous un encouragement et un exemple.

« Que d'hommes dont il était en quelque sorte le conseil et l'arbitre, que d'amitiés profondes et durables subissent en ce moment les angoisses de ce déchirement qu'amène la mort ; que de malheureux soutenus et soulagés par son inépuisable bonté, se mêlent perdus dans ce long cortège, et pleurent !

« Pour comprendre mieux encore cette sympathie universelle dont le bourgmestre était l'objet, écoutez ce que murmurent ces flots de peuple qui s'amassent autour de cette demeure : la phrase est simple, mais touchante par les sentiments qu'elle exprime, ils disent : « NOTRE FONTAINAS EST MORT ! » On vous parlera, messieurs, du président da conseil provincial, de l'ancien bâtonnier de l'ordre des avocats. Pour nous qui, pendant de longues années, avons siégé à ses côtés au conseil communal, nous nous souvenons surtout de l'échevin et du bourgmestre.

« Nous voudrions retracer sa vie administrative, cette riche moisson d'œuvres utiles et durables ou se montrent si bien les sentiments du cœur, l'abnégation, le dévouement de Fontainas.

« En 1842, il es choisi par ses concitoyens pour siéger au conseil communal, et dès 1846 il est appelé par la confiance du Roi à faire partie de l'administration de la capitale.

« Guidé par cet amour des malheureux qui forme comme le fond de son âme, il se charge du département de l'instruction publique ; à cette époque l'enseignement populaire semblait avoir été abandonné ; à peine comptait-on deux écoles gratuites dans notre ville ; locaux insalubres, personnel insuffisant, tout devait être modifié, c'était, pour ainsi dire, une création nouvelle ; cette tâche eût découragé un esprit moins élevé, Fontainas l'accomplit avec une volonté persévérante ; quelques années plus tard sous son intelligente impulsion s'élevaient des écoles nouvelles, spacieuses et aérées, se formait un corps professoral digne de sa mission. Bruxelles était doté d'un enseignement à la hauteur de son rôle de capitale, c'est une œuvre que l'on peut revendiquer hautement pour lui seul, une œuvre dont il doit avoir tout l'honneur.

« Une entreprise de ce genre ne frappe point la multitude, elle peut passer inaperçue, mais le service rendu n'en est pas moins immense et il est vrai de dire que la plupart des membres de la génération actuelle des travailleurs ne seraient point, sans Fontainas, devenus des citoyens.

« Chaque année qui s'écoula marque un de ses bienfaits ; il ouvre une bibliothèque populaire, il institue des cours destinés aux adultes, il organise, œuvre éminemment sociale, des prix pour les ménages soigneux et économes.

« Les annales de la commune montrent avec quelle activité et quelle hauteur de vues Fontainas prit part à la réalisation de cette gigantesque idée de créer un service d'eau jaillissante qui fait la gloire de l'administration de cette époque.

« Dans l'expression de la reconnaissance publique, pour un bienfait qui a mis Bruxelles à l'abri des deux fléaux les plus affreux, les grands incendies et les grandes épidémies, le nom de Fontainas ne doit pas être oublié.

» Vient cette date fatale du 20 avril 1860 où disparaît la haute personnalité qui avait pendant douze ans présidé aux destinées de la capitale.

« Pour succéder à cet homme de génie, il fallait plus que du dévouement, il fallait encore un grand courage. Fontainas n'hésite pas quand l'intérêt de tous commande, il prend, au vœu de la loi, le gouvernement de la commune et reçoit quelques mois après sa nomination de la confiance de S.M., qui, dès 1851, avait reconnu les services rendus par Fontainas, en le créant chevalier de son Ordre, et qui peu de jours avant sa mort, consacrait, par une faveur plus éclatante, l'administration du bourgmestre.

» Cette administration devait, hélas, être courte ; cependant elle est marquée par une opération financière importante et difficile qui lui assure une place honorable dans l'histoire de la commune.

« Les termes manquent pour dire le zèle avec lequel Fontainas entreprit sa mission nouvelle ; c'était pour lui un apostolat, nous allions presque dire un martyre. Consciencieux à l'excès, il voulut dans cette administration, si importante et si multiple, tout voir, tout ordonner par lui-même. Il se donna ainsi dès l'abord une tâche excessive.

« Après deux années de ce travail sans trêve, sa santé s'altéra. Aux instances de ses collègues pour qu'il prit du repos, il répondait toujours « demain » mais ce demain n'arrivait jamais ; le jour suivant amenant sa part de travail à préparer, d'utiles mesures à prendre, de misères à soulager.

» Enfin, dans cette lutte contre le mal qui l'envahissait, la maladie fut la plus forte ; il dut cesser de diriger les affaires communales. Mais ce que la maladie ne put vaincre jusqu'à sa dernière heure ce fut sa bonté, ses qualités du cœur; et tel nous l'avions connu, brillant de force et de santé, tel nous le retrouvions, ployé sous la fièvre et les souffrances. Que d'effusion, que de sages conseils encore dans ses derniers entretiens !

» Maintenant est venu ce jour suprême: Fontainas a reçu de son juge divin la récompense de tant de bien réalisé, de tant de devoirs accomplis.

« Puissions-nous tous nous inspirer de son exemple et rendre pour modèle cette vie toute d'honneur, de probité et de dévouement.

» Son souvenir sera sacré et nous chérirons toujours la mémoire de l'homme profondément bon et vertueux qui vient de s'éteindre. »

Après M. Anspach. M. Peemans, vice-président du conseil provincial, a rendu en ces termes hommage à la mémoire du président du conseil :

« Messieurs.

« Le pays vient de perdre un des hommes qui a siégé avec honneur parmi les législateurs les plus éminents. La capitale a perdu un chef actif, intelligent et dévoué. La province se voit enlever l'homme vénéré qui dirigeait avec tant de tact, d'aménité et de talent l'assemblée de ses représentants. Mais quelque immense que soit le deuil général qui couvre cette mort prématurée, qu'est-il en regard de cette grande et légitime douleur d'une famille tant aimée qui perd un chef si sage, le plus tendre des époux et le meilleur des pères. Aussi venons-nous avec le plus profond sentiment de tristesse nous incliner devant la tombe de notre ami, pour nous associer respectueusement aux larmes de la famille et aux regrets de la population tout entière dont il était aussi le père.

» Si quelque chose pouvait rendre moins amère la perte que nous venons de faire de ce grand citoyen enlevé à notre amour dans toute la force et la vigueur de l'âge, ce serait le consolant souvenir de carrière si bien remplie et de toutes les vertus.

« A l’âge de 21 an, M. Fontainas prit place dans l’ordre des avocats ; il en est devenu le bâtonnier. En 1846 il entra au conseil communal, et bientôt il fut élevé aux fonctions d'échevin et plus tard à celles do bourgmestre. II entra au conseil provincial, et l'assemblée saisit avec empressement la première occasion pour l'élever à la présidence. Appelé à siéger à la Chambre des représentants, il prit les rangs des hommes les plus distingués par la fermeté de ses opinions et son beau talent. Il y avait déjà conquis la plus légitime influence, lorsque le sentiment du devoir le convie à renoncer à la brillante carrière qui s'offrait devant lui pour se vouer tout entier aux travaux que la commune, - qu'il affectionnait par dessus tout, - réclamait de son dévouement.

« A une instruction profonde, à une activité infatigable, à un jugement prompt et sûr, l'ami que nous pleurons joignait toutes les qualités du cœur, ce don précieux de la nature que la Providence semblait avoir prodigué à cette âme d'élite et qui le faisaient aimer et chérir de tous. Qui ne se rappelle avec bonheur cette franche nature, cette figure ouverte ct sympathique, cette parole si entraînante et si convaincue qui attiraient tout le monde vers lui, sans distinction d'opinion et de parti. Tant de qualités et un si grand mérite ne pouvaient échapper à la haute appréciation de notre Roi bien-aimé, qui l'avait élevé au rang des officiers de son ordre, dont les insignes auraient si bien brillé sur cette noble poitrine, mais qui ne pourront, hélas ! qu'orner son cercueil.

« La mémoire de celui que nous avons honoré de notre estime vivra éternellement dans nos cœurs ! Longtemps nous nous inspirerons des nobles exemples qu'il nous a légués et dont il a si généreusement parsemé sa carrière. Et si un jour nous nous sentions défaillir, c'est dans le souvenir de ce digne citoyen que nous irions nous retremper pour réchauffer notre zèle et notre dévouement.

« Notre ami n'est plus il a succombé à une cruelle maladie que la Providence lui eût sans nul doute épargnée pour le bonheur de ceux qu'il servait si bien, si elle ne lui avait réservé la récompense qu'elle accorde à ceux qui, sur la terre ont su bien remplir la mission qu'elle leur a dévolu, ceux qui ne laissent autour de leur tombe que regrets et bénédictions.

» Adieu , notre ami , adieu notre vénéré président ! »

M. Duvignaud au nom de l'ordre des avocats, et M. Van Humbeeck, membre de la Chambre des représentants, au nom de la loge, ont également prononcé des discours que l'heure avancée nous force à remettre à demain.

M. le major Goffinet représentait la maison de S. A. R. Mgr le duc de Brabant.

M. le général Renard, aide de camp du Roi, avant le départ du cortège, a présenté à Madame Fontainas, retirée dans ses appartements, une lettre de condoléance de Sa Majesté.

Le clergé, à trois heures, a procédé la levée du corps, salué à la sortie par trois salves d'honneur tirées successivement par les sapeurs-pompiers et par les chasseurs-éclaireurs. La bière, jusqu’à l'église, était portée à bras par des sous-officiers des pompiers et par des agents de police de premier rang. Au sortir de l'église il a été placé dans le magnifique char funèbre construit aux frais de la ville de Bruxelles.

Les coins du poêle étaient M. Anspach, représentant le conseil communal, M. Peemans, représentant le conseil provincial, M. Duvegneaud, représentant l'ordre des avocats, M. Van Humbeeck, représentant la loge maçonnique.

La famille du défunt : MM. Charles et Jean Fontainas, Léon Jacobs, Edouard, fils, gendre et neveu du défunt conduisaient le deuil ; derrière eux le cortège était formé dans l'ordre suivant :

La maison du Roi, représentée par le général Renard et ses aides de camp ; la maison du duc de Brabant ; le corps diplomatique ; le président de la Chambre des représentants, M. Vervoort; MM. les ministres Ch. Rogier, Vandenpeereboom, Vanderstichelen ; les membres du Sénat et de la Chambre des représentants présents à Bruxelles ; M. le gouverneur du Brabant, etc. (Nous donnerons demain la liste des nombreuses autorités et de toutes les sociétés de Bruxelles qui formaient le cortège.)

Le cortège qui s'est mis en marche un peu après trois heures, se déployait sur une étendue considérable et qu'il ne pouvait entièrement parcourir en une heure, malgré l'ordre admirable qui a présidé à toute la cérémonie.

Après l'absoute faite par M. le curé-doyen du Sablon, le cortège s'est reformé dans le même ordre qu'au sortir de la maison mortuaire et s'est dirigé ainsi vers le cimetière de Laeken. Le glas funèbre sonnait à toutes les églises.

Les insignes qui décoraient la bière ont été placés également sur le char funèbre.

Les administrations communales adjacentes à la capitale et les gardes civiques des faubourgs ont pris part au cérémonial.


(Extrait de l’Echo du Parlement, du 24 juillet 1863)

Le défaut de temps ne nous a point permis de publier hier les discours prononcés aux funérailles de M. Fontainas par MM. Duvigneaud, avocat, et M. Van Humbeeck, représentant. Nous les reproduisons ci-dessous.

M. Duvigneaud. parlent au nom de l'ordre des avocats, s'est exprimé en ces termes :

« Messieurs,

« C'est au nom de l'ordre des avocats près la cour d’appel de Bruxelles et en l'absence du bâtonnier de cet ordre que je viens ajouter quelques mots aux discours que vous venez d’entendre et qui, retraçant si bien les qualités du défunt, me permettront d’être fort bref.

« Il est d’ailleurs des hommes dont il est inutile de faire l’éloge, parce que cet éloge est dans toutes les bouches, et dont il est aussi superflu de rappeler les titres à l’estime et à la considération publiques, parce que ces titres sont tellement notoires qu’ils ne sont, en quelque sorte, ignorés par personne.

« Tel était Fontainas, dont la mort prématurée sera pour tous ceux qui l’ont connu l’objet de longs et profonds regrets, et, pour le barreau de Bruxelles, une perte qu’il lui sera difficile de réparer.

« C’est en 1830 que Fontainas y était entrée, et ses débuts avaient fait prévoir tout d’abord qu’il ne tarderait pas à y occuper la place distinguée qu’il y a conservée jusqu’à la fin de sa trop courte carrière.

« Ses belles qualités, dont on vous a si bien tracé le fidèle tableau, lui avaient fait des amis de tous ses confrères, et l’on peut dire en toute assurance qu’il n’en était pas un seul dont il n’eût l’affection.

« Aussi n’avait-il pas tardé, quoique jeune encore au barreau, à être élu membre du conseil de discipline dont il n’a plus cessé de faire partie et, en 1854, il était appelé aux éminentes fonctions de bâtonnier de l’ordre.

« Ces mêmes fonctions lui auraient bien certainement été conférées de nouveau si la mort n'était pas venu l'enlever inopinément au barreau, qui perd en lui un de ses membres les plus honorables, et au conseil de discipline, qui, pendant de longues années, avait surtout été à même d’apprécier la rectitude de son jugement, la profondeur de ses connaissances, l'étendue de son intelligence el tout ce qu'il y avait en lui de sentiments bons et généreux. « Nous rappellerons, en terminant, qu’à deux reprises différentes, de 1857 à 1858, et de 1859 à 1860, il avait présidé la conférence du jeune barreau, et que cette double présidence avait été pour lui une occasion qu'il avait saisie avec honneur de guider ses jeunes confrères à leur entrée dans une carrière qu'il parcourait lui-même d'une manière si distinguée.

« Tel était, messieurs, l’homme dont nous déplorons la perte. »

M. Van Humbeeck a pris ensuite la parole au nom de la société franc-maçonnique des Vrais amis de l’Union et du Progrès dont M. Fontainas était le vénérable. Voici les paroles de l’honorable représentant de Bruxelles.

« Messieurs,

» Pour savoir réellement ce que Fontainas réunissait en lui de pensées élevées et de sentiments généreux, il fallait l'avoir vu siégeant dans les réunions de la franc-maçonnerie, y déployant toute la noblesse de son Intelligence et s’y laissant aller à toute l'expansion de son cœur. Comme il abordait avec amour les sujets les plus élevés ! Comme il comprenait les hautes destinées de l’homme, ce sujet de méditations constantes pour le maçon ! Comme il démontrait ce magnifique principe d'égalité, heureusement descendu chez plusieurs peuples des hauteurs de la science dans les réalités de la pratique, précieuse conquête de l’esprit moderne, qui fait l’honneur du temps présent et assure le progrès dans l'avenir ! Comme il aimait cette grande institution maçonnique. universelle dans son but et dans ses moyens, adressant ses appels à tous ceux qui sont bons et sincères, ne tenant compte ni des frontières qui séparent les peuples, ni des querelles qui divisent entre eux les cultes et les partis, et aspirant à confondre l’humanité tout entière dans une même étreinte fraternelle !

« Les idées maçonniques répondaient aux instincts de cet esprit d'élite. Entré dans l’Ordre en 1835 il fut, dix ans plus tard, appelé par le suffrage de ses frère à la haute direction de la loge des Vrais Amis de l’Union, dans laquelle vint se fondre plus tard la loge du Progrès. Depuis cette époque, il présida des travaux souvent laborieux avec un zèle infatigable, avec une assiduité qui ne se démentit jamais. Quelles que fussent ses occupations du dehors, toujours la loge le trouvait au poste d’honneur qu’elle lui avait confié et où on ne cessa de le voir que lorsqu’il fut dominé par les souffrances, qui devaient bientôt nous le ravir à jamais.

« Gardons, pour d’autres temps, pour d’autres lieux, la manifestation de notre douleur sous les formes symboliques dont notre cher maître appréciait si bien l'éloquence. Mais il fallait que dès aujourd'hui la maçonnerie associât officiellement sa voix aux regrets qui éclatent de toutes parts ; il fallait à notre affliction profonde une expression publique. Ceux à qui l'accès des assemblées maçonniques n'est point permise ne devaient pas pouvoir supposer que, au moment d'une séparation éternelle, la Loge des vrais amis de l'Union et du Progrès aurait méconnu le frère qui lui servit de chef pendant de longues années et montra toujours à la maçonnerie ce dévouement absolu, qu'il savait mettre au service de toutes les causes justes.

« Non, les beaux exemples qu'il nous a donnés, les enseignements pleins d'éloquence, qu'il nous a prodigués, ne s’effaceront jamais de nos cœurs reconnaissants.

« Sous cette voûte du temple maçonnique, où la fraternité se fonde avant tout sur la tolérance, pas un bienfait ne sera décrété, pas une discussion utile ne sera soulevée, pas un sentiment généreux ne sera exprimé, sans que le souvenir de notre vénérable tant aimé ne soit évoqué à l'instant, sans que nous ne nous rappelions ses leçons et les actes de glorieuse abnégation dont il a parsemé sa vie.

« Fontainas, il y a huit ans un homme s'éteignait, que avons beaucoup aimé : comme vous, il appartenait au barreau ; comme vous, il appartenait à l'ordre maçonnique, et les brillantes qualités qui le distinguaient offraient avec celles de votre cœur de saisissantes analogies. Vous remplissiez alors envers cet ami, envers ce frère, le triste et pieux devoir que je suis appelé aujourd'hui à remplir envers vous. « Stevens, lui disiez-vous, tu étais entre tous un homme de bien et la mort n'est que le réveil du juste. »

« Vous aussi, mon ami, vous avez été entre tous un homme de bien ; pour vous aussi a sonné l'heure du réveil solennel. Rappeler en ce moment les paroles que vous adressiez à Stevens, et vous en faire l'application, c'est, j'en suis convaincu, rendre à votre mémoire le plus bel hommage que vous ayez ambitionné pour elle. Slevens, vous le disiez, était à vos yeux la personnification de la sagesse modeste, de l'amitié dévouée, de l'honneur et de la probité. Vous ne le flattiez pas en parlant ainsi ; vous constatiez la vérité, vous étiez l'interprète du sentiment de tous, et je suis à mon tour l'interprète de ce sentiment, lorsque je viens, sur cette tombe prématurément ouverte, vous rendre la même hommage que vous rendiez autrefois à Stevens.

» Ami, vous avez passé par ce monde en faisant le bien ; nous aimions, nous admirions vos vertus, mais, selon l'expression de Pascal, l'âme n'est jetée dans le corps que pour y raire un séjour do peu de durée ; la vôtre est tournée vers cette divinité dont elle était une noble émanation. Si votre mort nous prive désormais de conseils et d'exemples, sur lesquels nous aurions voulu compter longtemps encore, ceux du moins que vous avez eu le temps de nous

donner suffiront à perpétuer votre souvenir dans nos cœur. Vous resterez toujours le digne objet de nos louanges et de nos regrets fraternels.

« Adieu, Fontainas adieu, ami ; adieu, frère ! »

L'heure avancée ne nous a point permis de nommer toutes les autorités; les membres d'administrations, les nombreuses sociétés et notabilités qui figuraient hier au cortège, et qui ont accompagné le char funèbre jusqu'au cimetière. Nous complétons aujourd'hui cette partie de notre récit.

La maison du Roi, outre le général Renard, aide de camp de S. M.. était encore représentée par M. le major Vandevelde, officier d'ordonnance.

La maison de Mgr le duc de Brabant était représentée par M. le comte G. de Lannoy, grand-maître; M. le général Frison, aide de camp, et M. le baron Vyckersloot, officier d'ordonnance.

M. le lieutenant général Pletinckx, commandant supérieur de la garde civique et son état-major.

Des membres de la cour de cassation de la cour d'appel et de la cour des comptes ; les membres des tribunaux de première instance et de commerce, etc.

Le conseil des mines, le conseil général des hospices, le conseil des prud'hommes, la chambre de commerce.

L'administration du service médical, l'académie, les élèves de l'université.

Les employés de l'administration communale.

M. le préfet des études, les professeurs de l'athénée, le directeur et professeurs de l'Académie des beaux-arts.

Parmi les nombreuses sociétés qui s'étaient réunies au cortège, on remarquait des députations du Cercle artistique et littéraire de la Grande-Harmonie, de la Philharmonie, du Cercle philanthropique, de la société des Artistes Belges, de la Réunion Lyrique, et enfin celles de toutes les sociétés de jeu de la ville et des faubourgs.


(Extrait de l’Echo du Parlement, du 25 juillet 1863)

Le Précurseur d’Anvers rend un compte étendu des funérailles de M. Fontainas. Son correspondant bruxellois nous apporte aussi quelques détails sur la vie, les habitudes et la maladie du regrettable magistrat. Nous extrayons de cette intéressante correspondance quelques passages qui font ressortir le développement, le tact, et tout ce qu’il y avait de bon et d’aimable dans le caractère de l’homme éminent que Bruxelles vient de perdre.

M. Fontains était accessible pour tous ; pas de privilège, passe de passe-droit dans ses heures d’audience, et ses heures d’audience commençaient le matin et finissaient le soir ; elles ne finissaient jamais parce que nul ne venait chez lui pour réclamer ou se plaindre sans que justice ne fût faite, si une erreur devait être redressée, ou que le plaignant, s’il avait tort, le l’avouât franchement ; un exemple entre mille : un cabaretier, condamné par le tribunal de simple police à quinze francs d’amende pour une infraction à je ne sais quel règlement, se plaint, se lamente, et demande au chef de la commune d’être relevé par lui de cette condamnation ; un colloque s’engage ; M. le bourgmestre écoute avec patience, avec bienveillance tous les griefs de son interlocuteur, mais il prend à son tour la parole et fait au délinquant un véritable cours de droit administratif ; il lui démontre ses torts un à un ; l'autre insiste. le bourgmestre riposte avec sa bonhomie habituelle ; le cabaretier ost ébranlé, il hésite, il est vaincu. « Eh bien, camarade, qu’allez-vous faire maintenant ? » lui demande le digne Fontains. « - Ce que je vais faire, répond le plaignant, mais payer ; puisque je vois clair comme le jour que j'ai tort et que la loi est la loi. » L'audience avait duré une heure; mais quel résultat !

Le dimanche le chef de la commune donnait un cours de police aux nombreux agents de la capitale ; ils venaient, brigade par brigade, assister aux leçons que leur donnait le bourgmestre, leçons ayant pour but de leur faire connaître tous les devoirs de leur modeste mais important emploi ; aussi M. Fontainas n'était pas seulement aimé, mais adoré de tout le personnel de la police.

Une des mesures qui avaient rendu M. Fontainas populaire parmi la classe indigente, consiste dans le décorum relatif qu'il a fait introduire dans les enterrements du prolétaire : à Bruxelles, grâce à lui, le cadavre du plus pauvre défunt est placé dans une bière à couvercle élevé et un drap mortuaire convenable recouvre ce cercueil. Jamais mesure n'a été accueillie avec une plus vive reconnaissance.

La bonté, l'abnégation de Fontainas étaient proverbiales ; son dévouement pour ses amis était sans bornes, il y avait dans son caractère ouvert et loyal ce quelque chose qui attire et attache ; aussi jamais un nuage ne venait obscurcir, ne fût-ce que pendant un instant, des relations qui, une fois formées, ne se rompaient plus ; et, chose singulière, l'amitié que lui portaient même ceux qui lui étaient le plus longtemps et le plus intimement attachés n'était pas exempte d'un certain respect : « C'était comme notre aîné, disent ses meilleurs amis, nous étions heureux de lui en laisser les privilèges. »


(Extrait de l’Echo du Parlement, du 25 juillet 1863)

Le conseil d'administration de l'Association instituée à Bruxelles sous le patronage du duc de Brabant, président d'honneur, pour secourir les pauvres honteux, a pris une décision importante qui a été notifiée aux membres de voie de circulaire. le jour des funérailles de M. Fontainas, bourgmestre de Bruxelles et protecteur de l’œuvre.

Dans le but d'honorer la mémoire de son digne protecteur, le conseil a décidé, à l'unanimité, qu'une fondation de lits serait faite au nom de l'Association, dans un des asiles hospitaliers de la capitale, au moyen de souscriptions volontaires des membres de l’œuvre. Cette institution charitable portera le nom de « Fondation Fontainas. »

Le conseil a pensé que ce témoignage de gratitude et de reconnaissance envers un homme de bien dont la mort excite des regrets universels dans le pays, serait accueilli avec sympathie et empressement par tous les membres de l'Association; il a pensé surtout qu'il ne pouvait mieux honorer la mémoire du regretté et bienfaisant protecteur qu'en la consacrant par un acte qui tournera au profit de l’infortune et du malheur, deux choses qui préoccupèrent si fortement le noble cœur de M. Fontainas.

C'est aux membres de l'Association qu’il appartient de dire si le conseil a été bien inspiré i c'est à eux, - ajoute la circulaire, -de féconder l'initiative qui a été prise par leurs mandataires, dans le but de perpétuer par un bienfait la mémoire d'un homme dont toute l'existence n'a été qu'une suite non interrompue d'actes de bienfaisance et de touchante charité.

Le conseil fait un nouvel appel à la bienveillance de MM. les visiteurs, qui ne cessent de donner à l'œuvre des Pauvres Honteux des témoignages de zèle, de dévouement et d'intelligence. Il leur demande de vouloir se charger de recueillir les souscriptions au domicile des membres et leur concours ne fera pas défaut.

Des listes de souscription sont déposées au local de l'Association, où chacun peut aller souscrire.


(Extrait de l’Echo du Parlement, du 29 juillet 1863)

Le conseil communal de Bruxelles s'est réuni, aujourd’hui mardi 28 juillet, à 2 heures, en séance publique, sous la présidence de M. Anspach, premier-échevin, faisant fonctions de bourgmestre.

(…) M. L’échevin Watteeu a obtenu ensuite la parole pour présenter le rapport fait au nom du collège, concernant le monument à élever à la mémoire de M. Fontainas. Voici ce rapport :

Rapport fait au conseil communal par M. l'échevin Watteeu, au nom du collège.

Messieurs,

Le conseil s’est rendu l'interprète fidèle du sentiment de la population en décidant de perpétuer le souvenir de notre digne et regretté bourgmestre par un monument à ériger dans la capitale. Nous en attestons cette foule immense qui se pressait, recueillie et silencieuse sur notre passage, lorsque nous allions déposer dans la tombe les restes de cet homme de cœur, de ce magistrat bienveillant qui laisse, dans toutes les classes de la société, de si profonds regrets.

Le collège vient aujourd'hui vous entretenir de la réalisation de votre résolution et du vœu général qu’elle consacre. Nous avons à honorer non seulement un beau caractère et un grand dévouement, mais aussi à rappeler le bien que Fontainas répandait avec cette modestie qui double le prix du bienfait. Sa véritable grandeur consistait à se rendre utile aux autres, à créer des institutions sans éclat, uniquement inspirées par une sage prévoyance et par une préoccupation constante des besoins de ses administrés.

Les dernières paroles prononcées sur son cercueil, au nom de la commune, retraçaient en termes vrais les nobles et généreux efforts de Fontainas pour propager l'instruction et pour constituer un corps professoral qui comprît l'importance de sa mission. Etendre et raffermir en son honneur, en mémoire de sa vie el de son nom l’œuvre à laquelle il a voué ses plus vives aspirations nous paraît un hommage réellement digne de celui qui témoigna tant de sollicitude pour la jeunesse et tant de sympathie à ceux qui la dirigent.

Dans cette pensée qui nous vaudrait sa touchante reconnaissance et sa cordiale approbation si sa voix pouvait encore se faire entendre, nous avons l’honneur, messieurs, de vous proposer, à l'unanimité, de construire un ensemble d'habitations, en rapport avec les ressources qui nous viendront de toutes parts, exclusivement destinées aux instituteurs communaux pensionnés. Chaque demeure serait contiguë, mais entièrement distincte, et toutes auraient accès à un jardin commun. Au fronton de la façade principale serait placé le buste de notre ami, rappelant cette physionomie sereine, ce miroir de bonté qui reflétait les vertus de son âme et les qualités de son cœur.

La cité FONTAINAS ne sera ni un refuge ni un hospice ; aucune démarche, aucune sollicitation, aucune protection ne seront nécessaires pour y avoir accès : le titre seul d'instituteur communal pensionné créera le droit d'y prendre place, par ordre d’ancienneté et sans distinction entre les grades. Chaque instituteur conservera son indépendance et sa manière de vivre; il jouira de son habitation comme si elle lui était concédée en vertu d'un bail. Une partie de l’établissement, tout à fait séparée, sera réservée aux veuves d’instituteurs et aux institutrices célibataires.

En sanctionnant notre idée vous répondre aux sentiments qui animaient notre regretté bourgmestre, tout en donnant une nouvelle marque d'intérêt et un nouvel encouragement à cette phalange d'hommes utiles, qui rendent chaque jour des services que la société ne saurait assez reconnaître.

Améliorer le sort dé nos instituteurs après une longue et pénible carrière; c'est nous les attacher par de nouveaux liens, c'est stimuler leur zèle, encourager leurs efforts et faire remonter cet acte de gratitude à la mémoire vénérée de leur protecteur.

A nous, qu'une heureuse neutralité politique place en dehors des conflits sanglants, à nous qui n’avons qu’un ennemi à combattre, l'ignorance, qu'une conquête à poursuivre, le bien-être des masses par l'instruction, il nous incombe un devoir qu'il est doux de concilier avec un pieux souvenir. Portons nos regards sur l'avenir de ceux qui servent la grande cause de l'instruction du peuple et que nos vétérans de l'enseignement reçoivent, eux aussi, un témoignage durable de la reconnaissance publique.

Le conseil a, sans discussion et l'unanimité, admis les principes énoncés dans le rapport de M. Watteeu et a décidé ensuite qu'il s'occuperait en comité secret de la souscription à ouvrir au sein de la population pour élever un monument à la mémoire de M. Fontainas.