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Elias Jacques (1826-1873)

Elias Jacques, Nicolas, Joseph libéral

né en 1826 à Mons décédé en 1873

Représentant entre 1864 et 1890, élu par l'arrondissement de Liège

Biographie

(Extrait de la Meuse, du 10 juin 1873)

Mort de M. Elias

M. Nicolas Elias, membre de la Chambre des représentants, est mort ce matin, à 4 heures. Il succombé à une violente attaque de variole ; il avait gagné le germe de cette terrible maladie dans une visite qu'il a faite, il y a quelques jours à peine, comme président de la commission des hospices, à l'hôpital de Bavière ; il meurt victime de son dévouement.

Cette mort produira dans tout l'arrondissement de Liége la plus douloureuse émotion. M. Elias était un des hommes les plus aimés, les plus justement considérés de notre ville. A peine sorti des bancs de l’université, il entrait dans la carrière politique comme conseiller provincial du canton de Hollogne-aux-Pierres où il était né. Il ne tarda pas à se faire remarquer dans cette assemblée par la part active qu’il prit à ses délibérations. En 1864, il fut élu membre de la Chambre des représentants et ne cessa depuis lors de remplir ces fonctions. M. Elias était un des membres les plus jeunes, les plus actifs et les plus intelligents de là députation liégeoise. Caractère très ferme et très indépendant, jugement droit et sûr, inteligence élevée, esprit bienveillant, il avait bientôt conquis à là Chambre l’estime et l'amitié de ses collègues. Personne n’était plus dévoué que lui à l’opinion libérale et à ses concitoyens. Travailleur infatigable, il a rendu au pays, comme député, de nombreux services.

Il y a quelques semaines, le conseil communal appelait l'honorable M. Elias aux fonctions de membre de la commission des hospices et ses collègues, d'une voix unanime, le plaçaient à la tête de cette commission. Il venait à peine de commencer ses visites à nos établissements hospitaliers, lorsque la mort l'a frappé dans l’exercice de sa mission.

M. Elias était né à Mons (Liége) : il était âgé de 46 ans. C'était un de ces hommes qui ne possèdent que des amis et dont la mort éveille partout les plus douloureux et les plus sympathiques regrets.


(Extrait de la Meuse du 13 juin 1873)

C'est à Tilleur qu'ont eu lieu les dernières cérémonies de l’enterrement de.M.,Elias. Après l'absoute qui a été donnée à l’église de cette commune ; l’immense cortège qui avait voulu accompagner notre regretté représentant jusqu’à sa dernière demeure, s’est dirigé vers le cimetière communal. La Société des Fanfafes, de Tilleur, précédée de son drapeau couvert d’un voile funèbre, ouvrait la marche. Le cercueil était porté à bras ; les coins du poêle étaient tenus par les collègues de M. Elias à la commission des hospices. Partout sur le passage du cortège se pressait une foule nombreuse et recueillie.

Plusieurs discours remarquables ont été prononcés sur la tombe au milieu de l’émotion la plus profonde, par M. Charles Bougard, avocat général et membre de la commission des hospices civils de Liége, au nom de cette Commission ; par M. Frère-Orban, au nom de la députation liégeoise à la Chambre ; par M. Piercot, au nom de la ville de Liége ; par M. F. Braconier, sénateur, au nom de l'Association libérale de Liége ; par M. Body, au nom de l'Association libérale de Hollogne-aux-Pierres ; et enfin par M. Calmeau, au nom des habitants de la commune de Mons, où Elias était né. Ces discours ont arraché des armes à bien des assistants - témoignage sincère de la douleur et des regrets que la mort d'Elias a excités dans toutes les classes de la population liégeoise.

Voici ces discours :

Discours de M. Thibaut, président de la Chambre des représentants.

« Messieurs,

« Le 3 de ce mois, M. Elias demandait à la Chambre des représentants un congé de quelques jours pour cause d'indisposition. Au commencement de la séance d'avant-hier, le bruit de la mort de M. Elias circulait sur nos bancs. Bientôt la fatale nouvelle fut confirmée. Un sentiment de stupeur nous saisit. Nous ne pouvions nous persuader que ce collègue, si jeune, si plein de force ct de santé, nous était irrévocablement ravi.

« M. Elias semblait appelé à fournir une longue carrière parlementaire. Il s'y était préparé par des études solides.

« Elu représentant le 11 aout 1864, à l’âge de 33 ans, il ne tarda pas à se faire remarquer par la connaissance approfondie des questions qu'il traitait, par sa fermeté dans les principes qu'il avait adoptés, par son empressement a communiquer à ses amis les résultats de son travail et de ses investigations, et par sa loyauté envers ses adversaires dans toutes les discussions.

« Quelques mois après son entrée au Parlement, M. Elias était nommé rapporteur de la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la réciprocité internationale en matière de succession et de donation. Plus tard, il fut rapporteur pour la loi relative à la suppression des droits de barrière sur les routes de l'Etat, ensuite pour la loi instituant des caisses de prévoyance en faveur des ouvriers mineurs. Mais les questions qui concernent l’enseignement primaire et moyen avaient surtout de l'attrait pour M. Elias. Les Annales parlementaires renferment de nombreux discours qu'il prononça sur ces matières en 1866 et 1869, en 1871 et 1872, et pendant la discussion du budget de l'intérieur pour 1873.

« Cet aperçu tout incomplet qu'il soit, de la vie publique de M. Elias, montre que son intelligence et son activité s’appliquaient avec une prédilection marquée, à favoriser les classes laborieuses ou souffrantes. Comment d'ailleurs pourrions-nous en douter, puisque c'est en visitant un hôpital que M. lias contracta le germe de la maladie qui l'a emporté ?

« Messieurs , à ce trait nous reconnaissons le dévouement, qui forme l'essence du sentiment chrétien, et qui pèse d'un grand poids dans la balance de l'Eternel.

« Le mystère de la mort qui surprend l'homme dans les circonstances que je viens de rappeler, n'est donc pas sans consolation, et notre dernier adieu a notre regretté collègue est plein d'espérance dans la justice divine.

« Adieu, Elias, au nom de tous vos collègues, adieu ! »

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Discours de M. Bougard.

Lorsque depuis seulement quelques semaines, Elias fut appelé à faire partie de la commission des hospices, il écrivait à sa mère ces mots où nous le retrouvons tel que toujours nous l'avons connu : « Je vais, lui disait-il, dans l'exécution de cette tâche qui m'est imposée, rencontrer plus d'un obstacle, susciter contre moi bien des colères peut-être ! Mère, n'en concevez pas de chagrin ni d'alarme ; c'est un devoir qu'il me faut accomplir. Permettez-moi de l'accepter. »

Voilà la pensée, pensée d'abnégation et de sacrifice , qui présidait au dernier comme au premier acte public qu'il a posé. Mais, vous le savez, Messieurs, autant il éprouvait de répugnance à se produire et mettait de soin à s'effacer, autant, sa décision prise il apportait de zèle, de dévouement, d'inébranlable fermeté, de scrupule et de délicatesse dans l'exercice de ses fonctions.

Une fois de plus, il l’a prouvé pendant ces derniers jours.

Mes collègues et moi nous l'avons vu, avec ardeur presque impatiente, se mettre immédiatement à l’œuvre, tendre tous les ressorts de son esprit, toutes les forces de sa volonté pour s'initier aux difficultés d’une administration nouvelle, pour s'éclairer sur toutes les questions qu'elle soulève et les résoudre avec cette sûreté, cette rectitude de jugement, avec cette ampleur de vues et d'idées qui, dans une autre enceinte, l'avaient, malgré sa modestie, entouré de l'estime et de la considération générales.

Tel il s'est montré dans nos assemblées législatives, tel et meilleur encore il eût été au milieu des déshérités de la fortune, pour ces vieillards, ces orphelins envers lesquels il aurait pu déployer, pour ainsi dire sans mesure, la bienveillance et la bonté qui formaient comme le fond de son caractère. Hélas ! il a été arrêté dès ses premiers pas ! Sur le seuil peut-être de l'un de ces asiles de la maladie et de la misère, la mort l'épiait ; elle l'a saisi, elle l'a frappé, insidieuse et cruelle, l’arrachant , plein de force, plein d’espérances, plein d'avenir, à toutes les affections, à tous les liens !

Quel vide il laisse ! Messieurs, cette foule attristée, ces signes, ces témoignages du deuil public de toute une population, le disent assez haut et proclament, avec nos regrets, l'étendue de notre perte. Mais, malgré moi, mes regards ne peuvent s'arrêter devant ce spectacle ; ils pénètrent jusqu’au sein de ce foyer domestique, où règne aujourd’hui une douleur qu’aucun mot ne peut exprimer. C’est là, dans cet intérieur naguère encore si calme et si heureux, là qu’il faut avoir connu Elias pour l’apprécier, pour l’aimer comme il méritait de l’être. Partout ailleurs, peut-être, fallait-il chercher et comme deviner ce qu’il cachait de sentiments élevés et généreux sous une réserve apparente ; mais, entouré des siens groupés autour de lui, il semblait que de son cœur, comme d’une source vive, débordait la tendresse, la sensibilité la plus vraie, la gaité la plus aimable et la plus charmante.

Quoi ! tout ce bonheur détruit, ces existences si intimement unies à la sienne sont à présent et pour jamais brisées et désolées !

Ami, toi avec lequel je vivais en une si parfaite communion de principes et de conviction, nous ne te verrons plus ! Ta main loyale ne se tendra plus vers nous ; le sourire n’illuminera plus tes traits, et tu n’entends même pas ma voix t’apporter l’adieu, le dernier adieu de tes amis, de tes collègues, de tes parents, de ta mère, de ta fille, de ta femme ! Il nous faudra sans toi reprendre le chemin de la vie, comme on appelle ce vestibule de la tombe, où ta pensée du moins, cher Elias, ton souvenir , tes exemples continueront à nous guider !

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Discours de M. Frère-Orban

« La mort fait de cruels ravages au milieu de nous. Hier elle nous enlevait Charles Lesoinne ; aujourd’hui elle nous ravir Elias. Deux cœurs d’élite, sur lesquels nous comptions, cessent de battre presque en même temps ! Elias était, ainsi que Lesoinne, éclairé et dévoué ; ainsi que lui, d’un esprit ferme et droit, d’un caractère honnête et bienveillant, d’une âme désintéressée et loyale ; tous deux avaient ces figures sympathiques qui attirent et ont le privilège de faire éclore les vraies et saines popularités. Lorsque les souffrances, bien plus que l’âge, anéantissaient la vie de Lesoinne, nous pensons qu’Elias, jeune encore, plein de vigueur et de santé, nous restait pour le remplacer. De tels hommes sont si utiles aux causes qu’ils ont embrassées ! Leurs convictions politiques ou religieuses sont si profondes et si sincères qu’elles commandent le respect à ceux que la passion n’aveugle pas. Ils inspirent l'estime de leurs amis, comme le ciment qui les unit. La mort de Lesoinne n’était que trop prévue, car il luttait visiblement contre elle depuis longtemps. Il avait dû se résigner à quitter la vie publique pour mieux soutenir ce combat désespéré durant lequel il conserva une sérénité et un courage inaltérable. Sans renoncer à l’espérance qui suit jusqu’à la dernière heure ceux qui sont aimés, on était en quelque sorte préparé à sa perte.

« Elias, avec qui nous faisions, il y a quelques jours à peine, des projets d’avenir, succombe inopinément comme frappé par la foudre ; on apprend tout la fois sa maladie et sa mort. L’émotion est vive et poignante: elle est générale : la consternation est marquée dans tous les rangs. Un sentiment douloureux et reconnaissant s'empare de tous les cœurs lorsque l'on se répète qu'il a contracté le mal qui vient de l'emporter en remplissant un nouveau devoir civique que l'on avait proposé à son dévouement et devant lequel, suivant sa coutume, il n'avait pas reculé. Honorons une telle vie, honorons une telle mort : Le dévouement au devoir est le signe d'une élévation morale dont l'exemple est toujours salutaire. Elias s’est montre animé de cet esprit dans toute sa carrière. Il remplissait son devoir en toute circonstance, sans faiblesse comme sans forfanterie, ne recherchant, sous l’œil de Dieu, que l'approbation de sa conscience.

« C’est pourquoi Elias vivra dans le souvenir de tous ceux qui l’on connu ; c'est pourquoi, prenant part à la douleur de sa famille, la foule morne et recueillie autour de son cercueil lui envoie un si touchant adieu. Elias, adieu ! »

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Discours de M. Piercot

« Avant de nous séparer de l'homme dont la perte est un deuil public, il doit nous être permis d'exprimer, au nom de la ville de Liége, les regrets que nous éprouvons, car il possédait toutes nos sympathies. Liége, qui avait remarqué Elias parmi ses citoyens les plus distingues, lui avaient confié le soin de ses intérêts moraux et matériels au sein du Parlement. Il fut au milieu des représentants de la nation, tel que nous l’avions connu : simple et modeste dans sa vie, esprit élevé, caractère sérieux et ferme, bon patriote, défenseur inébranlable de toutes nos libertés. tel fut Elias.

« Sa bienveillance naturelle lui avait concilié le cœur de ses concitoyens, comme sa conduite politique lui avait valu, à plusieurs reprises, les suffrages du corps électoral.

« Liége le comptait donc au nombre de ses meilleurs citoyens, et quand il se présentait une grande occasion d'utiliser le dévouement d'un homme intelligent au service 'le la chose publique. nous prononcions avec confiance le nom d'Elias ; nous l’appelions à notre aide et son patriotisme répondait à nos espérances.

« C'est ainsi que, récemment, le conseil de la cité, ayant pourvoir la composition de l'administration des hospices, jeta les yeux sur notre regretté concitoyen. Réunissant à des principes éprouvés une tolérance exemplaire, bienveillant envers tous, aimant le progrès sans le provoquer brusquement. Elias était l'homme de la situation. II accepta une mission dans l'accomplissement de laquelle tout est dévouement, abnégation, désintéressement.

« Ses collègues, animés des mêmes sentiments que lui, lui décernèrent l'honneur de présider à leurs travaux, et nous sommes certains que tous ceux qui sont appelés à secourir le malheur dans nos établissements de bienfaisance n'auraient pas tardé à reconnaître qu'ils trouvaient dans le digne président, non seulement un administrateur habile, mais un ami, un bienfaiteur.

« Messieurs, quelques jours nous séparent à peine de celui où nous eûmes l'honneur d’installer Elias dans ses nouvelles fonctions. A l’hommage que nous rendions à son caractère, à l'espérance que nous fondions sur son avénement, il répondit avec sa modestie accoutumée ; mais il sut trouver, pour nous exprimer sa joie de pouvoir être utile aux malheureux, des paroles que les hommes de cœur peuvent seuls proférer. II nous pénétra d'émotion et de reconnaissance, et nous emportâmes de cette séance les plus douces, les plus rassurantes pensées.

« Hélas ! messieurs , il en fut de cette espérance de bonheur ce que la destinée de l'homme ne révèle que trop souvent ! Une amère et cruelle déception devait suivre bientôt les heureuses combinaisons des représentants de la cité pour l'administration des hospices ! L'édifice a peine consolidé est ébranlé de nouveau ; l'homme que nous avions entrevu, et que ses collègues avaient consacré pour diriger leurs travaux, cet homme nous est enlevé ! Regrettons-le messieurs, mais que notre courage soit la hauteur des circonstances, et songeons à la de la tâche qui incombe à l'homme public. Songeons au noble but que nous poursuivons en soulageant les misères humaines. Appliquons à cette œuvre de bienfaisance, à l'instar du regretté président , tout ce que nous possédons de force et d’intelligence. Appuyé sur les collègues d’Elias, qui sont, comme lui , des citoyens et es hommes de cœur, des administrateurs, nous serons confiance dans l’avenir ; nous les seconderons dans les tentatives qu’ils vont faire pour appeler au siège laissé vacant un homme digne d’eux, digne de recueillir l'héritage confié à leur patriotisme.

« Ce sera le plus bel hommage à rendre à la mémoire d’Elias ; ce sera pour nous une consolation dans la douleur que nous subissons ; ce sera pour les malheureux , dont la tutelle nous est confiée, une espérance et une garantie. Fasse le Ciel que nos efforts communs soient couronnés de succès ! »

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Discours de M. Braconier.

« Messieurs,

« Il y a quinze jours, l'Association libérale de Liége accompagnait à sa dernière demeure son président d’honneur, le vénéré Charles Lesoinne. Elias était parmi nous, plein de vie et de santé ; s’associant de cœur au tribut de regrets que nous payions à la mémoire de ce vétéran du libéralisme. Qui nous eût dit alors que nous serions aujourd’hui réunis autour de la tombe de notre ami pour lui adresser un dernier et solennel adieu ?

« Elias était aimé et estimé de tout le monde ; il avait su se concilier les sympathies générales par sa bienveillance, par la sincérité de ses convictions, par la loyauté de son caractère ; aussi sa mort a-t-elle causé dans notre arrondissement une vive et douloureuse impression, impression d’autant plus vive et d’autant plus triste qu’il mourait. au champ d'honneur de la charité, victime de son dévouement.

« Elias, après avoir achevé les études de droit, entra jeune encore dans la vie politique, où l'entraînaient ses penchants et ses goûts. Nommé conseiller provincial par le canton de Hollogne-aux-Pierres, il se fit remarquer par son jugement droit, par son tact politique et par son entente des affaires.

« En 1864, le corps électoral de Liége, appréciant la fermeté de ses opinions et son dévouement à la chose publique, l'envoya siéger sur les bancs de la Chambre des représentants. Elias a rempli son mandat consciencieusement ; travailleur infatigable, il se tenait au courant de toutes les affaires: il prit part à de nombreuses discussions et s'occupa particulièrement des questions d'enseignement primaire. Adversaire de la loi de 1842, il en signala les vices et se déclara partisan de la révision ; enfin, dévoué aux intérêts de son arrondissement, il sut les défendre avec l’ardeur qu'il savait mettre en toutes choses.

« Le Roi , en récompense des services qu'il avait rendus au pays, le nomma chevalier de son ordre; mais, modeste et sans ambition, il se trouvait déjà suffisamment récompensé du bien qu’il avait pu faire par la satisfaction du devoir accompli.

« L'Association libérale de Liége, dont il était vice-président, perd en lui de ses soutiens les plus fermes et. les plus actifs ; il était toujours sur la brèche, se préoccupant sans cesse de l'avenir de son parti, au service duquel il avait mis toute son intelligence et toute son activité. Le conseil communal, appréciant les services qu'il pouvait rendre aux institutions charitables, fit appel son dévouement en le nommant membre de la commission administrative des hospices ; ses collègues s'empressèrent unanimement de l’appeler à l’honneur de les présider.

« Elias accepta ces fonctions, persuadé que, grâce au zèle et à l'ardeur qu’il mettrait dans l’accomplissement de son mandat, il pourrait être utile à la chose publique et rendre service aux malheureux.

« A peine installé, il visita les hospices et les hôpitaux de la ville, s'enquérant de leurs besoins et des améliorations qu'on pourrait y introduire et s'assurant par lui-même que tous les soins nécessaires étaient donnés aux malades. C'est dans une de ces visites qu'il contracta le germe de la maladie qui devait l'enlever, à la fleur de l'âge, à l'amour de sa famille et à l’affection de ses amis. On vous a dit ce que fut Elias comme homme politique ; il me reste vous dire ce qu'il fut comme homme privé, comme père de famille, comme ami.

« Fils tendre et soumis, il adorait sa mère et n’avait pour elle le plus respectueux dévouement ; époux modèle, Il faisait le bonheur de sa jeune épouse et veillait avec un soin jaloux sur l'avenir d'une enfant tendrement chérie qui était toute sa joie : ami sûr et dévoué, il avait su se concilier l'affection de tous ceux qui l'ont connu et moi, qui fus pendant 8 ans son collègue à la Chambre, qui ai joui de son amitié, je ne puis assez dire ce qu'il y avait de juste, de franc et de loyal dans son caractère, et je comprends mieux que personne les regrets unanimes et sympathiques que sa mort a éveillés dans notre population.

« Puissent, l'expression de ces regrets et les témoignages d'affection prodigués à la mémoire de celui nous pleurons apporter quelque soulagement â la douleur de sa famille éplorée !

« Adieu, mon cher Elias ! au nom de l'Association libérale de Liége, où tu ne comptais que des amis, je t'adresse un dernier et solennel hommage ; ton nom et ton souvenir resteront vénérés parmi nous ! »

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Discours de M. Body, vice-président de l’Association libérale du canton de Hollogne-aux-Pierres

« Messieurs,

« Lorsque la mort d’Elias fut connue, l’association libérale du canton de Hollogne-aux-Pierres comprit aussitôt qu’elle avait un devoir à remplir ; elle comprit qu’elle devait à la mémoire de celui qui fut son président d’honneur, non seulement le témoignage de sa douleur et de ses regrets, mais aussi et surtout le témoignage de sa profonde reconnaissance. Elle m’a choisi pour son interprète, messieurs, et c’est avec la certitude de n’être pas à la hauteur de cette mission que je prends la parole devant vous.

Elias se sentit de bonne heure un penchant irrésistible pour la vie publique ; mais avant d’embrasser l’un des deux grands partis qui se disputent le pouvoir en Belgique, il n’avait pas voulu se fier uniquement à ses aspirations naturelles qui le poussaient vers le parti libéral ; il avait voulu fortifier ces aspirations par l’étude sérieuse des principes qui sont la base de l’un et de l’autre de ces partis. C’est donc, messieurs, une conviction sincère et raisonnée qu’Elias apportait à l’Association libérale du canton de Hollogne-aux-Pierres, lorsqu’en 1860 il se fit inscrire au nombre de ses membres.

Dès lors, Elias consacra toute son activité au développement de l'Association. Bien que les statuts qui le régissaient existassent depuis 1847, et bien que l’opinion libérale de notre canton dût à l’Association ainsi constituée de brillants succès électoraux, Elias pensa cependant que les moment était venu de les modifier dans un sens plus démocratique encore et, en 1861, il proposa des changements qui furent adoptés à l’unanimité.

Aux élections provinciales qui eurent lieu en 1860 et en 1864, Elias fut choisi comme candidat par l'Association et chaque fois ce choix fut ratifié à une très grande majorité par le corps électoral.

Dans ces nouvelles fonctions, il n’a pas failli un seul instant à la tâche qu'il s’était imposée de faire prévaloir les principes représentés par l’Association libérale qui l’avait patronné.

Le mérite d’Elias fut justement apprécié, et aux élections générales qui eurent lieu en 1865, l'Association libérale de Liége le désigna aux suffrages des électeurs. Son élection aux Chambres ne le laissa pas indifférent au mouvement politique dans notre canton : aux jours de lutte, jamais son secours ne nous fit défaut. Par la fermeté de ses convictions et la franchise de son caractère, par son incessant désir de se rendre utile à ceux qui réclamaient ses bons offices, Elias savait conquérir la cause qu’il défendait si ardemment des adhérents nombreux et dévoués.

C’est pour reconnaître d'aussi éminents services que le 10 mai 1868, le titre de président d'honneur de notre association lui fut conféré par acclamation.

La mort d’Elias laisse parmi nous un vide qu’il est impossible de combler, et nous serions bien près de nous laisser dominer par le sentiment que nous cause cette perte immense. Mais, fidèles au nœud qui nous unissait, nous marcherons résolument, comme par le passé, vers la réalisation des idées libérales qui lui étaient si chères, et c'est ainsi que nous lui élèverons un monument digne de lui.

Adieu, Elias ! Adieu !